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La décroissance, panacée ou illusion face aux grands problèmes contemporains ?

( Télécharger le fichier original )
par Aymeric Guittet
Université Paris Sud-XI - Master 1 environnement, parcours économie 2012
  

Disponible en mode multipage

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Aymeric Guittet Sous la direction de Jean-Paul Maréchal,

Mai 2013 Maître de conférences

La décroissance : panacée ou illusion face aux

grands problèmes contemporains ?

Remerciements

Merci à Monsieur Maréchal.

Merci également à Monsieur Azoulay pour cette année universitaire.

A Violette T., qui a contribué à me donner envie de travailler sur ce sujet.

A Simone R., pour son travail dévoué.

1

Table des Matières

Résumé p.2

Introduction p.3

Partie I : Les failles de la croissance p.5

1) La dégradation de l'environnement et des ressources naturelles p.5

Les atteintes portées par le processus de production à l'homme p.5

Les atteintes portées par le processus de production aux écosystèmes p.6

2) La création et la subsistance d'inégalités économiques et sociales p.8

Les écarts de richesse entre pays p.8

Les écarts de richesse au sein des pays p.9

3) Une définition du bonheur inadéquate

p.10

Partie II : La décroissance, une solution ?

p.12

1) Une décroissance du PIB ?

p.13

2) Relocalisation et solidarités face à la raison technique et économique

p.15

1935, Les « Directives pour un manifeste personnaliste »

.p.16

Le « Penser globalement, agir localement »

p.16

3) Une nouvelle approche de la soutenabilité : l'effet débond

p.18

La critique du développement durable

p.18

L'effet débond

p.19

4) La simplicité volontaire

p.20

Partie III : Critique de la décroissance

p.22

1) L'absence de vision macro-économique

p.22

2) Une approche pessimiste du progrès

.p.24

3) La croissance, facile bouc-émissaire

.p.26

 

Conclusion

p.28

Bibliographie

p.29

2

Résumé

Il faut replacer la croissance dans une perspective historique : celle-ci, contrairement aux apparences, est un phénomène contingent, historiquement situé. Sa place économique et politique est pourtant très importante, ainsi que son poids dans l'imaginaire social. Un tel contexte laisse t-il place à une alternative ? La décroissance en est-elle une ?

Comprendre le mouvement de la décroissance nécessite, avant même de le définir, de revenir sur les griefs qu'on impute à la croissance. Trois se détachent nettement. Le premier porte sur les dommages environnementaux qu'entraîne le processus de production. Il y a d'abord les dommages directement portés à l'homme : raréfaction des ressources et donc augmentation de leur prix, externalités... D'autre part, les dommages portés aux écosystèmes, qui affectent la nature elle-même mais également les plus pauvres. Le second grief tient à l'accroissement des inégalités que le processus de production, généralisé à l'échelle mondiale, développe directement ou indirectement : inégalités entre les pays - dette, conséquences de la spécialisation fonctionnelle pour certains pays en développement - et inégalités au sein même des pays, où la croissance laisse un nombre de laissés-pour-compte inacceptable. Enfin, plus philosophiquement, on peut attaquer la vision réductrice de la vie induite par la poursuite de la production et donc de la consommation, qui fonde le bonheur sur la possession toujours grandissante de biens matériels.

Face à ces grands problèmes, quelles solutions proposent ceux qu'on appelle les « décroissants » ? Après un retour sur les racines et l'évolution de la mouvance, est proposé une analyse synthétique de leurs différentes idées mais également de leurs débats internes. La première question concerne celle du produit intérieur brut : la décroissance signifie t-elle, comme elle semble si évidemment l'indiquer, une décroissance du PIB ? Vient ensuite la présentation de quelques autres idées novatrices des décroissants : l'effet débond, qui contre l'effet rebond mis en lumière par Jevons, et repose notamment sur la gratuité de l'usage - activités écologiquement et socialement responsables - et le renchérissement du mésusage - l'inverse ; la relocalisation de l'économie, autour d'un artisanat et d'une agriculture locale ; des choix de sociétés forts, comprenant entre autres la forte diminution du temps de travail et l'instauration d'un revenu inconditionnel. Un développement particulier est enfin consacré à cette « innovation de style de vie », la simplicité volontaire, démarche privée cherchant à réduire l'impact écologique et tentant de respecter le principe « moins de biens pour plus de liens ».

Afin de ne pas remplacer un dogme par un autre, notre démarche s'est voulue ensuite critique. Est en effet dénoncé et argumenté l'irréalisme et l'imprécision de certaines mesures préconisés par les objecteurs de croissance, ainsi que leur vision limitée des phénomènes macroéconomiques. Dénonçant la croissance, ceux-ci ne voient également pas les liens qui la relie à un modèle plus global de libéralisme, et identifient des maux non nécessairement issus de la seule croissance, tel l'épuisement des ressources naturelles. L'approche du progrès est également problématique car fondamentalement pessimiste, oubliant la capacité d'invention de l'homme pour se réfugier parfois dans un certain archaïsme. Enfin, le rapport au travail et aux choix personnels des décroissants est contestable, niant l'intérêt que l'on peut porter au premier et la liberté inhérente aux seconds.

La décroissance a le grand mérite de replacer l'économie comme moyen et non comme fin. Elle ni illusion, ni panacée, mais permet, au-delà des contradictions et des débats internes, d'ouvrir les imaginaires. Des propositions concrètes et lignes d'action, telles la décroissance sélective ou la simplicité volontaire, sont applicables immédiatement.

3

INTRODUCTION

La croissance est un phénomène relativement nouveau à l'échelle de l'Histoire. Les sociétés n'ont pas toujours connu des phases de croissance. Mais que signifie ce terme, aujourd'hui si employé qu'il en devient galvaudé, et que son sens échappe ?

La croissance est l'augmentation d'une année sur l'autre du Produit Intérieur Brut (PIB), qui correspond à la somme des valeurs ajoutées (valeur de la production diminuée de la valeur des consommations intermédiaires) réalisée par les entreprises et les administrations publiques d'un pays sur cette période. À ce titre, on assimile le PIB à l'ensemble de la richesse créée.

Pourtant, malgré qu'elle nous apparaisse presque comme un phénomène économique naturel, la croissance est de nature contingente : elle n'a pas toujours existé. Si on ramène l'augmentation du PIB à celle de la population, on constate que du XVe siècle au début du XIXe siècle, celle-ci ne s'est accrue que très modestement : l'augmentation de la production était compensée par celle de la population. Après les guerres napoléoniennes, l'amélioration spectaculaire des techniques agricoles et industrielles changent la donne. L'Europe de l'Ouest connaît un taux de croissance moyen du PIB par habitant de 1,2 % de 1820 à 1913, les États-Unis de 1,5%, et le mouvement se diffuse progressivement aux autres régions du monde'.

Dès lors, la croissance sera continue, et malgré des ralentissements, les épisodes de retour à la croissance nulle (ou « stagnation ») voire même de récession, seront, hormis l'Asie jusqu'en 1950, rares et limités dans le temps. Les plus notables ont eu lieu au début des années 30, après le choc pétrolier de 1973, et très récemment en 2010.

Aujourd'hui, l'enjeu de la croissance est omniprésent. Celle-ci est considérée comme le ressort de la richesse, de l'emploi, du pouvoir d'achat, des politiques publiques, de l'avancée technologique, en somme de la prospérité d'un pays. Elle mérite les mensonges plus ou moins conscients du gouvernement, lequel, pour redonner confiance, annonce des taux de croissance optimistes, revoit ensuite pas à pas ses prévisions, et en dernier ressort, pour sauvegarder l'espérance et les apparences, prédit une croissance tout juste positive2. La croissance, et avec elle le spectre de la récession, font les beaux jours des médias, qui en font régulièrement leurs gros titres3, et le moteur de recherche « Google actualités » donne plus de cent résultats d'articles au

'VIDAL (J.-F.), « La régulation de l'économie : théories et applications à l'économie internationale », cours de Master 1 Études Internationales, Université Paris Sud-XI, année universitaire 2012-2013, tome 2.

2« Croissance : Moscovici officialise les prévisions de +0,1% en 2013 et +1,2% en 2014 », article du quotidien La Tribune, 7 avril 2013, http://www.latribune.fr/.

3Citons notamment Le Figaro des 9 et 10 mars, Le Monde du 21 mars, le site internet du Point les 22 et 28 mars.

4

cours du dernier mois pour la recherche « croissance économique »4.

La chute du communisme semble donc avoir consacré le modèle capitaliste et son corollaire, l'augmentation continue de la production, censée apporter richesse à la société entière. Il n'y a pas de débat, encore moins d'alternative : il faut coûte que coûte encourager la croissance, sans cesse la stimuler ou le chaos arrivera : l'économie et le modèle social s'effondreront, des emplois seront perdus, le pouvoir d'achat baissera, la pauvreté augmentera.

Il est nécessaire de combattre cette orthodoxie et de permettre les interrogations pour débattre des bases de notre raisonnement et de nos modes de pensée. Dès la décennie 1970, a été mise en avant l'idée qu'au lieu de s'accrocher à un modèle en déclin car à de nombreux égards non tenable, et de subir finalement la récession, il faut choisir librement le changement, par la décroissance.

La décroissance constitue-elle un solution alternative viable face aux grands problèmes contemporains ?

4 https://www.google.fr/search?hl=fr&gl=fr&tbm=nws&q=croissance+%C3%A9conomique&oq=croissance+%C3% A9conomique&gs l=news-

5

PARTIE I : Les failles de la croissance

Analyser les idées des auteurs et mouvements partisans de la décroissance, et tenter de comprendre pourquoi il est nécessaire de passer à une société de décroissance, n'est possible que si l'on envisage d'abord les difficultés engendrées par la croissance, ses failles.

Trois problèmes majeurs consécutifs à la croissance ressortent, sur une échelle qui est aussi bien celle d'un pays que celle du monde.

1) La dégradation de l'environnement et des ressources naturelles

L'environnement est ici à prendre dans un sens large : l'ensemble des éléments naturels et artificiels qui constituent le cadre de vie des humains, animaux ou végétaux.

Nous pouvons immédiatement distinguer deux cas : les atteintes que le processus de production porte à l'homme et celles qu'il porte aux écosystèmes.

Les atteintes portées par le processus de production à l'homme

La croissance implique un prélèvement important sur les ressources naturelles. Quel que soit le secteur envisagé, il faut disposer de matières premières nécessaires au processus de production. Certains métaux rares, particulièrement utilisés dans les technologies informatiques, peuvent venir à manquer si des moyens de recyclage ne sont pas mis en place5; le sous-secteur des transports a le besoin vital des différents carburant issus du pétrole.

Ce type de prélèvement sur les ressources naturelles n'affecte que l'homme : il épuise les stocks et amène progressivement à une contraction de l'offre, voire même à une pénurie. Celle-ci est dommageable à l'homme en ce qu'elle engendre un surcoût, à la fois pour se procurer la même quantité de matière première et pour changer de technologie dans l'urgence. Le processus de production actuel, qui ponctionne toujours et de plus en plus les matières premières, n'apparaît ici pas tenable : les ressources naturelles n'étant pas infinies, il est donc impossible de continuer à produire de façon infinie dans un monde fini.

L'argument d'une économie d'énergies ou de ressources permise par l'utilisation d'une

5Mathieu HESTIN, conférence du 13 décembre 2012, Faculté Jean Monnet - Université Paris Sud-XI.

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nouvelle technologie reste à prouver, en raison de l'apparition de l'effet rebond6. L'idée que de nouvelles sources de matières premières sont régulièrement découvertes, remettant toujours à plus loin la question de l'épuisement des ressources, notamment en ce qui concerne les hydrocarbures, fait aussi surface. Il est certes vrai que les prédictions sur l'épuisement des ressources en pétrole se sont pour l'instant révélées inexactes. Mais il faut avant tout souligner que désormais, la quête d'hydrocarbures sera de plus en plus difficile : exploration de zones de plus en plus lointaines pour creuser de plus en plus profond, causer de plus en plus d'externalités avec un coût de plus en plus important. Retenons deux choses : le prix général d'un certain nombre de matières premières (pétrole, terres productives, métaux) augmente de façon constante, et particulièrement depuis les dix dernières années : à partir d'une base 100 en janvier 2003, ils ont atteint un sommet à l'été 2008 et se situent aujourd'hui autour de l'indice 200, soit le double7.Il semble donc qu'il y ait un pic dans l'utilisation de certaines ressources. De plus, arguer que pour la décennie actuelle et même la suivante, la question de l'insuffisance de matières premières ou d'énergie ne se posera pas, justement en raison de la découverte régulière de gisements ou de mines, témoigne d'une vision étroite car de court terme : il est absolument certain qu'arrivera le moment où ces ressources arriveront à leur terme, dans cinquante, cent ou deux cents ans. Bouleverser brusquement les modes de vie et de production sera alors inévitable, et l'économie internationale entrera dans une crise profonde et subie.

Le processus de production doit être également envisagé sous l'angle des externalités négatives qu'il entraîne. Les nuisances8 ainsi créées sont appelées à augmenter avec la poursuite de la croissance. Elles peuvent affecter la santé (pollution de l'eau et de l'air, du fait des rejets industriels et agricoles) mais également le cadre de vie, et d'une manière générale le bien-être (pollution visuelle et sonore générée par les sous-secteurs aéronautiques et ferroviaires).

Les atteintes portées par le processus de production aux écosystèmes

La ponction de certaines ressources naturelles cause un dommage direct aux écosystèmes9. Lorsqu'une étendue est utilisée par l'homme pour les besoins de la production, cela entraîne un

6Voir à ce sujet la partie II.

7Données tirées de l'indice des prix des matières premières exprimé en dollars, sur le site de l'hebdomadaire The Economist, http://www.economist.com/markets-data

8« Les nuisances (sonores, olfactives, visuelles) sont liées à la vie urbaine ou à l'industrie et désignent les effets négatifs de leur déroulement sur la santé, le bien-être, l'environnement », CHAMBAULT (J.F.), « Droit de l'environnement », Cours de Master Environnement, Université Paris Sud-XI, année universitaire 2012-2013.

9« Ensemble interactif d'une communauté d'organismes vivants et de l'environnement physique et chimique dans lequel ils évoluent », CHAMBAULT (J.F.), op.cit.

7

stress ou une destruction de l'habitat naturel pour plusieurs espèces, et menace donc leur survie. Le processus agricole exige par exemple un prélèvement important sur les ressources en eau, en plus des vastes étendues de terres qu'il mobilise déjà, et cela peut limiter l'aire de répartition d'une espèce marine10 ; les constructions de bâtiments ou d'infrastructures routières ont des impacts parfois décisifs sur les chances de survie de certains animaux, en restreignant leur accès à la nourriture ou aux lieux de reproduction. Les externalités négatives mentionnées précédemment affectent également grandement la biodiversité, en particulier les pollutions à grande échelle de l'air et des eaux.

Réduire les atteintes directes et indirectes causées par le mode actuel de croissance économique est justifié par des raisons éthiques et esthétiques. Éthiques, car des formes de vie sont susceptibles d'être éliminées au profit de l'homme, or, bien que cette idée tende à devenir un poncif, l'homme n'est pas propriétaire de la nature et n'a donc pas le droit de la détruire. Esthétiques, car la contemplation de la diversité du vivant et de la beauté des richesses naturelles sont des facteurs important de bien-être pour l'homme et témoignent d'un rapport harmonieux avec son environnement.

60% des services écosystémiques ont été dégradés ou surexploités depuis le milieu du XXe siècle, et 80 % de la perte de biodiversité affecte directement la subsistance et la vie quotidienne des 3,2 milliards d'êtres humains vivant avec moins de 2 dollars par jour11. Cette dégradation a correspondu à une multiplication de la taille de l'économie par cinq.

L'augmentation incessante du PIB d'une année sur l'autre induit ainsi des dommages collatéraux considérables que les outils actuels (réglementations, taxes, marché de permis d'émission...) semblent inaptes à freiner, peut-être parce qu'ils n'en prennent pas suffisamment la mesure. La croissance a des effets pervers considérables dont le principal est le réchauffement climatique provoqué par le rejet de gaz à effet de serre (GES), qui touchera aussi bien la biodiversité (perturbation des cycles de reproduction, inadaptation à de nouvelles températures, espèces invasives) que l'homme (canicules fréquentes, remontée des virus par le Nord,...)12. Si l'économie mondiale continue de grandir de la même manière, elle atteindra 80 fois la taille de 1950 en 2100, avec des conséquences environnementales immenses.

10 Par le biais de l'assèchement d'un cours d'eau par exemple.

11« Protéger la biodiversité », document de la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, Ministère des Affaires Etrangères et Européennes, 2010.

12GIRONDOT (M.), « Ecologie et écosystèmes », cours de Master Environnement, Université Paris Sud-XI, année universitaire 2012-2013.

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2) La création et la subsistance d'inégalités économiques et sociales

La croissance du PIB permet la création d'un surplus, qui s'il est bien utilisé, permettra l'accumulation de capital et le développement économique.

Pourtant, ce mode de développement, s'il a indéniablement permis d'augmenter le niveau de vie général d'un certain nombre de pays, laisse une part de laissés-pour-compte inacceptable.

Les écarts de richesse entre pays

La croissance, et plus généralement le modèle économique qui la sous-tend, n'a délivré ses avantages qu'inégalement.

Ainsi, l'augmentation de la production d'une année sur l'autre repose sur des investissements conditionnés par des flux de capitaux. À partir du début des années 1970, les pays en développement (PED) ont emprunté massivement sous forme d'eurocrédits en dollars, bénéficiant de taux d'intérêt peu élevés et d'un prix de vente des matières premières important. De l'augmentation du premier et de la baisse du second naîtra la crise de la dette qui frappa plusieurs PED à partir de 1982. Ceux-ci ont été contraints, pour bénéficier des aides financières du Fonds Monétaire International (FMI), de mettre en place des politiques d'ajustement structurelles (PAS), dont les conséquences sociales et économiques ont été désastreuses (baise du revenu moyen par habitant, investissements dans les structures de base limitée...)13 . Ces politiques ont fortement grevé le développement économique et social de ces pays et renforcé l'écart avec les pays développés. Aujourd'hui, d'aucuns PED subissent toujours les conséquences des PAS, mais plus encore, beaucoup semblent se trouver dans une situation d'endettement similaire : malgré les prêts accordés à des taux d'intérêt inférieurs à ceux du marché, ceux-ci pâtissent énormément du remboursement de leur dette : trente-huit pays en développement ont un ratio dette sur Produit National Brut supérieur à 80%14.

Entre 1970 et 2007, la dette extérieure des PED a été multipliée par 48 ; entretemps, ils ont remboursé l'équivalent de 102 fois ce qu'ils devaient en 197015. Le mode de croissance de ces pays, reposant sur de nombreux emprunts, les a desservis et a accentué les écarts avec les pays

13AZOULAY (G.), Les théories du développement, Presses universitaires de Rennes, 2002, 332 p.

14MOISSERON (J.-Y.), COTTENET (H.), « Les pays pauvres très endettés : spécificité et traitements traditionnel de leur dette », in MOISSERON (J-Y) et RAFINOT (M.), Dette et pauvreté, Paris, Economica, 2001.

15MILLET (D.), TOUSSAINT (E.), 60 questions, 60 réponses sur la dette, le FMI, la Banque mondiale, Edition Syllepses, Paris, 2008, p.182.

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développés.

Le commerce international est également largement défavorable aux pays en développement. Si les politiques d'ouverture ne sont pas contraintes par le remboursement de la dette, elles le sont par l'assujettissement aux règles de l'organisation mondiale du commerce (OMC). Cette ouverture les contraint à l'ultra-spécialisation dans les matières premières, et soumet leurs revenus au cours de celles-ci. En cas d'effondrement, il y a des graves répercussions, notamment sur le plan alimentaire. De plus, elle exclut beaucoup de PED de la production nationale de produits manufacturés, les condamnant à importer à des prix souvent coûteux. S'il y a une croissance, elle ne favorise qu'une infime partie de la population : le commerce international échoue à créer une croissance dont les effets ruisselleraient sur l'ensemble des couches sociales.

1/5e de la population mondiale gagne à peine 2% des revenus mondiaux, quand le quintile le plus riche en possède 74%. Ces disparités soulignent peut-être que, loin d'élever le niveau de vie de ceux qui en ont le plus besoin, la croissance a délaissé une grande partie de la population mondiale au cours de ces 40 dernières années.

Les écarts de richesse au sein des pays

Dans les pays développés, il y a une quantité importante de personnes « hors-jeu », c'est-à-dire qui ne bénéficient pas des apports de la croissance. Celles-ci vivent sous le seuil de pauvreté. En France, elles sont en 2010 de plus de 8 millions16. Les États-Unis, pays le plus riche du monde, sont parmi les derniers pays développés en matière de redistribution des richesses, selon le classement de l'indice de pauvreté humaine 2 (IPH-2) effectué en 2009, avec par exemple une protection sociale qui ne couvre que 85% de la population 17 . Ces laissés-pour-compte sont facilement oubliés, mais ils sont pourtant des victimes collatérales de la croissance.

Dans beaucoup de pays en développement, la répartition des revenus est également très problématique : une petite minorité possède un revenu considérable en s'accaparant les aides internationales et les liquidités tirées de l'exploitation des ressources naturelles, alors que l'immense majorité vit dans la pauvreté. Au Kazakhstan par exemple, le sous-sol possède des richesses colossales en termes d'hydrocarbures et de métaux non-ferreux, mais 40% des foyers ne gagnent pas plus de 400 dollars par mois, quand le clan du président de la république possède des

16INSEE, http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=natccf04405 17KASPI (A.), Les Etats-Unis d'aujourd'hui, Plon, Paris, p.183.

10

milliards de dollars d'avoirs à l'étranger18. Les taux de croissance à deux chiffres observés dans nombre de ces pays, et qui promettent beaucoup selon certains observateurs19, ne sont peut-être

alors que de la poudre aux yeux : la croissance ne semble pas permettre le développement, le freine même peut-être.

Tim Jackson20 résume bien le défi devant lequel se trouve le monde aujourd'hui :

« Dans un monde caractérisé par des îlots de richesse, perdus au milieu d'océans de pauvreté, est-il légitime que l'augmentation permanente des revenus des déjà-riches constitue le centre de gravité de nos espoirs et de nos attentes ? Existe - il une autre voie conduisant vers une forme de prospérité plus durable, plus équitable ? ».

3) Une définition du bonheur inadéquate

Au-delà des failles de la croissance précédemment décrites, existe-il peut-être un problème plus profond et subtil. Il concerne notre philosophie de vie.

La croissance repose pour une large part sur la consommation de masse des ménages. Par conséquent, il faut inciter ceux-ci à consommer toujours et le plus possible, ou la production diminuera, entraînant avec elle des pertes d'emplois et l'effondrement des revenus : la « crise » s'installera. Vu positivement, si la croissance remplit sa mission, les revenus seront plus élevés, donnant en principe plus de choix aux individus pour diriger leur vie, et de façon générale amélioreront leur qualité de vie : l'augmentation du PIB par tête paraît donc se justifier.

Pourtant, dans nos pays développés, une grande partie de la population a déjà satisfait ses besoins essentiels, la prolifération des biens de consommation ne va donc pas ajouter grand chose au confort matériel. Il n'y a pas de relation linéaire simple entre le flux matériel et l'épanouissement : « plus » ne veut pas nécessairement dire « mieux ». Pourquoi alors vouloir toujours plus ? Il apparaît que cet objectif de croissance a pris trop de place dans nos conduites de vie : s'est insinuée l'idée que le bien-être passait nécessairement par la consommation, la possession, le confort et le luxe. La société de croissance pousse au consumérisme, qui recèle l'idée qu'il faut toujours plus pour se sentir toujours mieux (« j'ai, donc je suis »).

Ceci d'abord parce que le fait de posséder quelque chose est un marqueur social très fort : notre échelle de réussite se définit par rapport à l'échelle du prix des biens que nous avons pu

18ACKERMAN (G.), « Kazakhstan, le vrai visage du régime », Politique Internationale, 2012, n°137, page 280. 19Citons par exemple l'hebdomadaire Le Point, qui consacre sa une du 9 août 2012 à l'Afrique.

20JACKSON (T.), Prospérité sans croissance, éd. De Boeck, Paris, 2010.

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acquérir. Les objets sont imprégnés d'un sens social et psychologique, qui met en place un langage symbolique permettant de communiquer avec les autres. Le fait de ne pouvoir accéder à tel bien ou adopter tel mode de vie fait naître un sentiment d'infériorité, parfois même de pauvreté. Le désir, le besoin, stimulés par la publicité et la société de croissance, créent un décalage par rapport à la situation présente et entraînent ce sentiment. Publius Syrus écrivait : « le moins pauvre des hommes est celui qui désire le moins »21. Ressort l'idée que la richesse est relative : si l'on sait maîtriser ses désirs, l'on peut être riche en ayant peu. Changer cette façon d'appréhender la vie pourra permettre de se recentrer sur des projets véritablement personnels et pertinents.

Ce que la société de consommation fait ressentir en fin de compte, c'est une perpétuelle fuite du présent : le bonheur promis s'échappe, son horizon est perpétuellement repoussé. Il n'y a pas la satisfaction de posséder quelque chose de durable et de véritablement bon et utile, car cette société pousse à croire que le meilleur est devant, dans le prochain objet à acquérir, le prochain mode de vie à adopter, et cela infiniment répété par une propagande plus pernicieuse que celle d'un régime totalitaire. La fin extrême, le but ultime du processus n'est jamais atteint, et c'est plutôt la frustration qui règne. Cette pensée de Lucrèce résume: « Mais si tu désires toujours ce que tu n'as pas, tu méprises ce que tu as, ta vie s'est donc écoulée sans plénitude et sans charme »22

Pour Tim Jackson, « c'est finalement l'accès au bonheur que la croissance semble avoir compromis en nous poussant à instrumentaliser toute relation, cherchant à la rendre systématiquement efficace, productive et marchande »23. Au delà d'un certain point, la recherche permanente de la croissance économique peut ne plus favoriser le bonheur humain et même l'empêcher : il y a une régression malgré la réussite économique. Le modèle idéal de la famille aisée d'un pays développé, qui vit dans un appartement ou une maison, possède deux voitures, une ou deux télés, un animal de compagnie, et suffisamment d'argent pour partir en vacances trois semaines par an, est-il vraiment synonyme de réussite et de bonheur ?

Il faut revoir les modes de pensée : l'augmentation de la richesse ne doit pas passer exclusivement par une augmentation du PIB/ habitant, parce que celui-ci interdit la prise en compte d'un certain nombre de « facteurs de bonheur » (harmonie familiale, liens avec la nature...) d'une société et l'enferme dans l'aspect de la production et de la consommation. Toutefois, bien que des recherches24 aient été menées pour le remplacer ou le tempérer, les difficultés à surmonter sont nombreuses, lui permettant de préserver encore nettement sa place d'indicateur phare de

21SYRUS (P.), Sentences, Ier siècle av. J.-C.

22LUCRECE, De la nature des choses, Ier siècle av. J.-C.

23JACKSON (T.), op.cit.

24Citons à ce titre les travaux de la Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social,

réunie en 2009 sous la présidence de Joseph E. Stiglitz.

12

l'épanouissement humain.

PARTIE II : La décroissance, une solution ?

Répondant aux failles de la croissance, un mouvement proposant un modèle social et économique original est apparu : la décroissance.

Bien qu'ayant des racines plus anciennes que nous entreverrons, l'idée de décroissance se forge en 1971 avec rapport Halte à la croissance ? rédigé par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) et commandé par le club de Rome, lieu de réflexion sur des questions économiques et sociales : celui-ci s'interroge sur la pérennité du modèle de croissance alors à son apogée avec les Trente Glorieuses et annonce son arrêt au cours du siècle suivant, et peut-être même avant. Le rapport prend une grande ampleur médiatique, relayée par la parution en 1979 du recueil d'articles Demain la décroissance : Entropie, écologie, économie écrit par l'économiste et mathématicien hongrois Nicholas Georgescu-Roegen, qui propose une série de mesures visant à surmonter la crise du modèle économique dominant, selon lui inévitable car consécutive à l'épuisement de nos ressources fossiles.

Toutefois, la contestation de la croissance va ensuite connaître une longue traversée du désert consécutive à la fin des Trente Glorieuses et aux crises économiques résultant des différents chocs pétroliers. Elle revient pourtant en force au début des années 2000, et devient un thème militant en France avec les numéros 280 et 281 de la revue écologiste Silence, sous la direction de Vincent Cheynet et Bruno Clémentin, qui la revendiquent également dans leur magazine « Casseurs de pub ». En 2002, l'Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) fait de la décroissance un des thèmes de sa conférence « Défaire le développement, refaire le monde », et elle est mise à l'agenda de nombreuses autres rencontres par le réseau « Pour une insurrection des consciences ».

En 2004, le mouvement des objecteurs de croissance semble vouloir sortir de l'écologie, à la fois pour s'en différencier et s'adresser à un public plus large : La décroissance, le journal de la « joie de vivre » est créé par François Schneider, qui organise dans le même temps plusieurs conférences publiques. De nombreux sites internet se spécialisent sur le sujet25. L'organisation de

25Citons à ce titre :le site participatif www.decroissance.info, le site officiel de l'Institut d'études économiques et sociales pour la décroissance soutenable www.decroissance.org, et le site du journal La Décroissance www.ladecroissance.net.

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rassemblements pacifiques débute, dont les plus notables sont les « marches de la décroissance » regroupant jusqu'à 500 personnes. En 2005, le courant « Utopia » dépose une motion lors du congrès du Parti socialiste, mais ne recueille que 1,05 % des voix. L'année 2007 voit alors l'apparition du premier parti politique consacré à la décroissance, le « Parti pour La Décroissance » (PPLD), mais également la création de la revue Entropia et du groupe a-partisan, écologiste et anticapitaliste « Mouvement des objecteurs de croissance » (MOC). Un colloque rassemblant 140 scientifiques et des mouvements écologistes et de développement durable est organisé en 2008 à Paris par l'association « Recherche et décroissance », et publie une déclaration se voulant retentissante.

Le terme « décroissance » renvoie donc à une réalité large : il regroupe tous ceux qui souhaitent la réduction de la taille physique du système économique et son renouveau, par moins de prélèvements de ressources naturelles, moins de rejets polluants, pour des raisons écologiques, sociales et démocratiques et proposent des réponses inédites aux défis de ce temps.

Plutôt que de regrouper les auteurs, mouvements par leurs thèses et positions, ce qui ressemblerait à une compilation brute, ou d'étudier l'apparition et l'évolution des mouvements et de leurs idées au fil des quarante dernières années, ce qui a déjà été proposé par de nombreux ouvrages, notre démarche se voudra résolument synthétique et analytique, recoupant les grands thèmes des objecteurs de croissance pour faire ressortir leurs solutions mais également leurs débats internes.

1) Une décroissance du Produit Intérieur Brut ?

Lorsque survient aux oreilles l'idée de décroissance, apparaît conjointement et immédiatement son antinomie avec la croissance économique. La décroissance semble donc, à première vue, une mouvance prônant non seulement la cessation de l'augmentation de la production des biens et services d'une année sur l'autre, mais leur véritable diminution, année après année.

Pourtant, cette volonté de décroissance du PIB, qui a fait la célébrité des décroissants et constitue en quelque sorte leur étendard, n'est finalement pas si évidente.

Nicholas Georgescu-Roegen26 , un des pionniers du mouvement, voit pourtant dans la décroissance du PIB un moyen nécessaire pour éviter la fin de la vie humaine sur terre. Il dresse

26GEORGESCU-ROEGEN (N.), La décroissance : Entropie, écologie, économie, éd. Le sang de la Terre, 2008, 3e éd.

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le constat que les hommes ont choisi de baser leurs activités sur des énergies fossiles, et qu'à ce titre, celles-ci ne dureront pas 5 milliards d'années mais s'éteindront avec leur consommation irréversible : c'est la loi thermodynamique de l'Entropie. Celle-ci peut être considérée comme la mesure du désordre énergétique régnant dans un système ; à l'entrée, l'énergie est de basse Entropie (énergie libre) ; à la sortie, l'énergie est de haute Entropie (énergie liée), c'est-à-dire des déchets inutilisables et sans valeur27. Pour Georgescu-Roegen, dans un système clos ou quasi-clos, tel que la Terre, l'énergie libre baisse et l'énergie liée augmente de façon irréversible : l'entropie augmente donc en continu. La bioéconomie, dont il est l'un des précurseurs, contribue donc à replacer la biologie au coeur de l'économie, en prenant en compte l'interaction fondamentale entre le processus économique et son environnement matériel. Georgescu-Roegen voit donc dans la décroissance du PIB le passage obligé pour répondre à la disparition des ressources naturelles causée par la croissance économique.

A l'heure actuelle, les mouvements comme l'Association pour la décroissance (PPLD et MOC) et des auteurs tels Cheynet28 , promeuvent la décroissance, mais davantage comme une réponse aux inégalités entre les pays du Nord et du Sud : la croissance économique a échoué à apporter le développement à ces pays, les enfonçant même dans la spirale de la pauvreté : elle ne doit donc se poursuivre.

Mais ces courants n'emportent pas la majorité du sein de la vaste mouvance que constituent les décroissants, et d'aucuns voient plutôt, à l'instar de Paul Ariès, la décroissance comme un « mot-obus »29, créant un choc, une remise en question de notre modèle économique, bien plus que comme un programme dont l'élément phare serait l'arrêt de la production des biens et services. Pour celui-ci, la décroissance peut se traduire par une baisse du PIB, mais pas nécessairement : la décroissance n'est pas forcément la « croissance négative »30 . Il est rejoint en cela par Serge Latouche 31 , pour qui il s'agit surtout d'abandonner une foi, une religion, celle de « l' économisme » et de la recherche du profit, en considérant la croissance comme l'unique moyen du progrès. Pour faire face aux défis de notre temps et résoudre les problèmes posés par la croissance économique, il est selon lui possible de poursuivre une certaine croissance économique. L'essentiel, semblent alors nous dire dans un article commun Ariès, Clémentin et même Cheynet32,

27Pour donner un exemple simple, un glaçon ayant fondu dans un verre ne redeviendra jamais un glaçon ; de même,

un ordinateur ne pourra jamais revenir à la matière première qui a été utilisée pour le produire et l'énergie utilisée

pour le construire ne pourra plus jamais être utilisée

28LAVIGNOTTE (S.), La décroissance est-elle souhaitable ?, éd. Textuel, 2010, p.35.

29ARIES (P.), Décroissance ou barbarie, éd. Golias, 2005, 163 p.

30ARIES (P.), La décroissance : un nouveau projet politique, éd. Golias, 362 p.

31LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

32ARIES (P.), CLEMENTIN (B.), CHEYNET (V.), « Ce que la décroissance n'est pas », La décroissance, février

2006, n°30.

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est de ne pas voir la décroissance comme un objectif strict, une fin en soi, mais plutôt un combat pour une certaine conception de l'homme.

Mais ni l'une ni l'autre de ces deux approches ne semblent satisfaire Jean-Marie Harribey, qui adopte une position originale33 : la décroissance au Nord, la croissance au Sud. Ses idées convergent avec celles de l'association ATTAC34 (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne), qui voit une injustice dans la tentative d'imposer un arrêt de croissance aux pays du Sud, eux qui n'ont pas, contrairement aux pays développés, joui des bénéfices de la croissance pour satisfaire leurs besoins fondamentaux.

Le dilemme avancé par Stéphane Lavignotte35, « la poursuite de la croissance infinie n'est pas forcément vertueuse, mais le contraire non plus » résume bien la situation et les difficultés à estimer les conséquences, particulièrement négatives, qu'une décroissance économique du pays pourrait avoir. Notons aussi que la question plus générale du développement économique suscite des remous au sein de la mouvance : celui-ci, inséparable de la croissance, témoignerait d'une vision ethnocentriste et ne pourrait apporter « qu'aliénation, perte de souveraineté et concurrence entre les peuples et les individus » (MOC)36 ; d'autres penseurs, au contraire, sont plus nuancés et recherchent un autre mode de développement. Si l'on revient à la problématique de la stricte décroissance économique, l'indicateur du PIB peut traduire par son augmentation une bonne évolution, par exemple une hausse des produits non marchands (éducation, santé...) ou de la production des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles. L'essentiel est donc, somme toute, d'opérer avec discernement ce qui, dans le PIB, doit décroître et ce qui ne le mérite pas : c'est l'idée de décroissance sélective. En tout état de cause, les divers mouvements distinguent nettement récession de décroissance : cette dernière est voulue et non subie, ne constitue pas une brève halte avant de retrouver la croissance mais explore des voies inédites.

2) Relocalisation et solidarités face à la raison technique et économique.

L'idée de décroissance vient, en un sens, d'une colère. Elle refuse l'économisme, la recherche effrénée au profit, le sens de la vie dictée par la jouissance des biens matériels, la domination de l'argent et la lecture comptable du monde ; mais récuse également la

33HARRIBEY (J-M), « Vers une société économe et solidaire : développement ne rime pas forcément avec croissance », Le Monde Diplomatique, juillet 2004.

34ATTAC, Le développement a t-il un avenir ?, éd. Mille et une Nuits, 2004.

35LAVIGNOTTE (S.), op.cit.

36« La décroissance comme projet politique de gauche », site internet du MOC, http://www.les-oc.info/2010/08/la-decroissance-comme-projet-politique-de-gauche/

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complexification et la technicisation des outils de production, du droit et de l'administration, de la vie elle-même en somme.

1935 : Les « Directives pour un manifeste personnaliste »

Dès les années 1930 a émergé une résistance à cette « modernité » de la société. Jacques Ellul et Alain Charbonneau en sont les précurseurs. Ils sont les premiers à s'élever contre l'expansion des pouvoirs bureaucratiques et des grandes infrastructures techniques (autoroutes, centrales de production d'électricité...) qui balaye les savoirs vernaculaires et soumet la vie des sociétés humaines au système économico-politique, à la division du travail et à la complexité technique. Leur approche, aux accents révolutionnaires mais novateurs, se cristallise dès 1935 avec la rédaction des Directives pour un manifeste personnaliste : est posé le constat de l'impuissance de la politique pour maîtriser la suprématie technicienne et son gigantisme et la nécessité pour les hommes de s'émanciper au sein d'une « révolution de civilisation ». Celle-ci veut l'établissement d'une société « personnaliste » à l'intérieur de la société globale : des petites communautés électives, cités « à hauteur d'homme » doivent s'ériger pour remplacer les grandes concentrations urbaines ; les grands pays seront ainsi divisés en régions autonomes où la politique sera plus authentique et la communication plus directe. Au sein de celles-ci, un salaire gratuit assurant un minimum vital sera accordé, et les progrès de la technique seront utilisés de manière altruiste pour réduire le temps de travail de l'ouvrier, dans le cadre d'une réduction de la production à des niveaux strictement nécessaires.

Ces « contre-sociétés » bâties autour des principes de la définition de la qualité de vie et de la solidarité sociale seront appelées à une grande postérité.

Le « Penser globalement, agir localement »

Les partisans contemporains de la décroissance, lorsqu'ils avancent leur modèle économique et social différent, s'inspirent directement de ceux qui ont pensé avant eux l'alternative à la société productiviste et technique.

Le réaménagement d'un territoire centré non plus sur les grands ensembles mais sur le local constitue ainsi un souhait commun à presque l'ensemble d'entre eux. Serge Latouche veut par exemple l'émergence de communautés organiques régionales, échelons autonomes fondés sur le principe de subsidiarité promouvant l'autoproduction et, d'un point de vue politique, la

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« démocratie écologique locale »37. La relocalisation de l'économie sur de petites entités doit se faire sur une échelle plus petite que le département, baptisée « pays » ou « bio région » selon les cas ; mais presque toujours elle implique de retrouver des territoires avec une certaine unité sociale et écologique et, en tout cas, une identité culturelle forte associée à des valeurs propres, qui paraissent faire nettement défaut dans le découpage actuel des collectivités locales. Ce recentrement de l'activité sur un espace à taille humaine (Latouche parle de communautés de 500 personnes) permettra d'éliminer les grandes surfaces, destructrices de la production et de l'artisanat locaux, et donc de relations humaines fortes. Stéphane Lavignotte rappelle à ce propos l'idée de remplacer l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) par l'Organisation Mondiale pour la Localisation (OML)38, qui donnerait la primeur à l'agriculture et aux monnaies locales, proposition reprise par Vincent Cheynet lors de sa candidature aux législatives en 2007. Les effets indirects de cette relocalisation seraient par ailleurs multiples : elle permettrait d'une part une redistribution de la terre dans le cadre d'une agriculture véritablement biologique, avec les emplois qui en découlent, et d'autre part, une réduction des transports inutilement producteur de CO2 et un recentrement de l'individu sur son environnement immédiat (« l'être au monde »). Pour Jean-Pierre Tertrais, cela signifierait in fine avoir la maîtrise sur la gestion de l'oeuvre commune : « une population qui aurait, par l'autogestion généralisée, la maîtrise de la production, n'aurait aucun intérêt à entretenir le gaspillage sur lequel est fondé le capital »39.

Mais la bataille pour une meilleure distribution des richesses, un plus grand respect des ressources naturelles et d'une certaine sensibilité face à la raison technique et économique ne s'arrête pas là ; l'écrasante majorité des partisans de la décroissance plaide en effet pour des choix de société forts, notamment en ce qui concerne la distribution des revenus : le « revenu d'existence », encore appelé « universel » ou « inconditionnel », versé indépendamment de tout travail ou de toute autre variable économique (âge, niveau de richesse...) est revendiqué40, en raison du droit qu'a chacun, dans nos sociétés prospères, d'avoir sa part de richesse, et lui permettant par ailleurs de se consacrer plus aisément à toutes sortes d'activités d'épanouissement (engagement associatif, loisirs, liens sociaux...). Des changements dans le monde du travail sont également appelés : resserrement de l'écart entre le salaire minimum et un salaire maximum

37LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

38LAVIGNOTTE (S.), op.cit.

39TERTRAIS (J.-P.), Du développement à la décroissance, de la nécessité de sortir de l'impasse suicidaire du capitalisme, éd. Libertaire, 2006.

40Citons notamment : MYLONDO (B.), (dir.), La décroissance économique : pour la soutenabilité écologique et l'équité sociale, Editions du Croquant, 2009, 239 p. ; LAVIGNOTTE (S.), op.cit. ; CHEYNET (V.), Le choc de la décroissance, éd. Seuil, 2008, 213 p. ; LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p. ; ARIES (P.), Décroissance ou barbarie, éd. Golias, 2005, 163 p.

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(quatre fois le salaire minimum pour Latouche41 ), passage à la semaine de trois jours (Ellul préconisait deux jours42), possible en raison des immenses gains de productivité réalisés depuis plusieurs décennies et de l'idée qu'il ne faut pas « perdre sa vie à la gagner » et au contraire libérer du temps pour s'épanouir autrement ; enfin, dans la même perspective, avancer l'âge de départ à la retraite. Concernant les infrastructures et institutions économiques, l'Association Recherche et Décroissance milite43 : réduction des infrastructures dédiées à la production, la consommation et au transport (centrales, aéroports, autoroutes, lignes à haute tension...) et abolition progressive des droits de propriété permettant d'exploiter les ressources naturelles, qui seraient ainsi propriété collective. La limitation de la taille, voire le démantèlement des firmes multinationales, ainsi que de certaines banques, pour éviter que les dérives liées à la spéculation et l'exploitation sous ses diverses formes n'entraînent un creusement des inégalités de richesses, est également une idée défendue avec vigueur44.

Loin de se contenter de la critique, les objecteurs de croissance possèdent une vision globale de la société et proposent des mesures novatrices pour combler ses failles.

3) Une nouvelle approche de la soutenabilité : l'effet débond

La critique du développement durable

La décroissance, pourrait-on croire, a beaucoup à voir avec le développement durable : même volonté de proposer un nouveau modèle, prise en compte des problèmes énergétiques et environnementaux... Or, les partisans de la décroissance, pour l'essentiel, récusent le développement durable tel qu'il a été envisagé avec le rapport Brundtland en 1987.

Leurs critiques sont virulentes. Nombreux sont ceux qui, comme Serge Latouche, voient dans le développement durable une simple manière de changer les mots pour ne rien changer aux pratiques, tout simplement parce que le développement ne saurait être durable : il y a une contradiction entre les termes, une oxymore45 . Tout d'abord, car tout développement, même

41LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

42ELLUL (J.), CHARBONNEAU (A.), « Directives pour un manifeste personnaliste », in Cahiers Jacques-Ellul, N° 1/2003 : Les Années personnalistes.

43Par le biais de l'ouvrage collectif comprenant la « Déclaration finale de la première conférence internationale sur la décroissance économique pour la soutenabilité écologique et l'équité sociale » de Paris d'avril 2008, consultable sur la réf. MYLONDO (B.), (dir.), La décroissance économique : pour la soutenabilité écologique et l'équité sociale, Editions du Croquant, 2009, 239 p.

44CHEYNET, op.cit. ; LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

45LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

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durable, impose de puiser dans les ressources naturelles, et que selon la loi de l'Entropie de Georgescu-Roegen, ce modèle finira par causer la fin de l'humanité : avec une croissance « durable », ou une croissance « zéro », les ressources s'épuiseront, plus lentement certes, mais tout aussi sûrement. Ensuite, parce que certains des instruments de la soutenabilité faible, la taxation et les permis d'émission, postulent une substituabilité des éléments naturels (eau, paysage, biodiversité...) qui ne peut être précisément « durable », en ce qu'elle est impossible. Mais surtout, le développement durable a foi dans une croissance économique moins consommatrice d'énergie et de ressources naturelles, ce qui ouvre un boulevard à un effet rebond encore plus destructeur de la planète.

Cet effet a été mis en lumière par Stanley Jevons46 à la fin du XIXe siècle. Il apparaît que les gains de productivité, donc d'énergie et de ressources, sont rendus nuls par une production et une utilisation plus intensives. Du côté des producteurs, la réduction des coûts par unité de production n'est pas utilisée pour réduire les impacts absolus, mais pour permettre de gagner des parts de marché et d'augmenter la production47 . Du côté des consommateurs, l'effet rebond se manifeste par l'augmentation de la consommation liée à la réduction des limites (environnementales, financières, pratiques...) à l'utilisation d'une technologie : une voiture qui consomme moins n'incite pas à rouler moins. De même, l'économie immatérielle s'ajoute plus qu'elle ne se substitue à l'économie matérielle. Voilà le paradoxe dans lequel semble se mouvoir le développement durable : la croissance est à la fois la solution et ce qui la rend inefficace. Solution parce qu'elle implique un progrès dans les techniques, les rendant moins énergivores ; annihilateur de cette solution, parce qu'elle permettra de ce fait une consommation et une production plus facile, plus grande et en apparence moins coupable, et cherchera même à la susciter, puisqu'elle ne peut survivre sans.

L'effet débond

Face aux difficultés que pose l'effet rebond, plusieurs auteurs et mouvements proposent un nouvel instrument, que certains nomment de soutenabilité forte, l'effet débond.

Au sein de l'ouvrage collectif lancé par l'association « Recherche et décroissance » dans la lignée de la Conférence de Paris en 2008, les auteurs annoncent les conditions de mise en oeuvre

46Aussi appelé « Paradoxe de Jevons », il a été développé dans son ouvrage de 1865 Sur la question du charbon. 47Jevons donne l'exemple suivant : si les machines à vapeur sont de plus en plus économes, la consommation totale

de charbon ne baisse pas, car l'économie « par machine » est « rattrapée » et dépassée par l'augmentation du

nombre total de machines.

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d'une stratégie d'effet débond. Il s'agira, en premier lieu, de décourager les solutions basées sur l'efficacité et l'individualité (prendre sa voiture seul ou le Train à Grande Vitesse pour parcourir des distances encore plus grandes), car sujettes à des micro ou macro-rebonds. Dans un deuxième temps, favoriser les solutions qui créent une satiété de la demande, en posant des limites à la production et à la consommation : celles-ci sont appelées « innovations frugales ». Pour Paul Ariès48, ces deux faces d'une même pièce ont un nom : accorder la gratuité de l'usage et renchérir le mésusage. Rendre gratuit l'usage, cela signifie favoriser l'accès aux produits, transports, services qui sont à la fois indispensables, efficaces écologiquement et permettent de combler en partie les inégalités de richesse. Renchérir le mésusage, en faisant payer les comportements individualistes car peu soucieux de l'environnement, et par ce biais chercher à les décourager. Par exemple, rendre gratuits les transports non polluants et de l'autre côté, taxer lourdement les détenteurs d'un véhicule type 4x4. Mais Ariès avance également des idées beaucoup plus radicales dans la quête de l'effet rebond, rompant ainsi avec ces propositions écologistes somme toutes classiques : transformer les routes et autoroutes en chemins de fer et pistes cyclables, aménager les centres-ville en jardins urbains. Baptiste Mylondo et les co-auteurs de l'ouvrage Demain la décroissance pensent eux plus concrètement donner la primeur à des projets locaux et réalisables : co-habitat, réutilisations des produits, partage d'automobile et d'objets de consommation courante dans le but d'éviter la multiplication des produits, et privilégier les moyens d'existence qui n'ont pas la capacité de créer de nouveaux besoins. Est même introduite l'idée de « débond temporel », qui consiste à préférer les activités longues, conviviales et enrichissantes (repas de famille, randonnée...) et qui permettent de réduire le temps disponible pour polluer. En quelque sorte, favoriser les comportements qui reconnaissent les limites.

4) La simplicité volontaire

Le débat sur la décroissance du PIB donne l'occasion à plusieurs auteurs d'expliquer que la décroissance est beaucoup plus qu'une stricte diminution de la production. Le but est de montrer que celle-ci, finalement bien avant de se jouer sur un éventuel terrain économique, se définit comme un art de vivre : C'est l'idée de « simplicité volontaire ». En réponse à la définition du bonheur de nos sociétés contemporaines, caractérisé par le consumérisme, l'accaparement de biens matériels et la concentration des richesses, au mépris de leurs conséquences environnementales et sociales, la simplicité volontaire est un chemin alternatif permettant à chacun de vivre facilement

48ARIES (P.), Le Mésusage, essai sur l'hypercapitalisme, éditions Parangon/Vs, 2007, 172 p.

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et immédiatement ce qu'est la décroissance.

Jean-Marie Harribey en explicite d'emblée les fondements 49 : il s'agit d'abord de bouleverser nos représentations culturelles, et particulièrement celles ayant trait à la finalité du travail et au but de la vie en société. Et ce, d'autant plus que ces représentations sont devenues largement inconscientes, intégrées dans nos modes de pensée, laissant difficilement le choix ; Ivan Illich 50 parle ainsi de « monopole radical », chaque fois que la société, par des pressions normatives implicites, élimine notre liberté de choisir une voie différente : il faut posséder une voiture, consommer, respecter des codes dans l'expression de ses idées et de sa créativité. Face à cela, les tenants de la simplicité volontaire prônent, par leurs choix de vie quotidiens, la rupture. Réduire ses besoins, tout d'abord, pour se débarrasser de la croyance qu'il faut avoir toujours davantage pour mieux être, et limiter ses impacts sur l'environnement : distinguer le nécessaire du superflu, notamment par la fuite de la mode, réparer et non remplacer les objets endommagés. Abandonner la multitude d'objets technologiques (portable, télévision, ordinateur) altérant les rapports humains, permet de redonner du sens à la vie, et libère du temps pour l'introspection, la contemplation et la création. Qui sont ces adeptes d'une vie simple, parfois appelés « décroissants » ? Le journal La Décroissance, qui va chaque semaine à leur rencontre, les fait apparaître comme des personnes aux profils à la fois normaux et atypiques : une professeur à la retraite en charge de trois adolescents, des artisans luthiers dans un village isolé, un couple en pleine campagne exploitant une microbrasserie,... Ni des marginaux, ni des révolutionnaires en fin de compte, ce que semble signifier Paul Ariès: « la simplicité volontaire est l'oeuvre d'individus qui simplifient volontairement leur existence pour retrouver une meilleure qualité de vie »51. Ceux-ci privilégient le local sous toutes ses formes (autoproduction alimentaire, abandon des trajets en voiture, rencontres avec les voisins) et, in fine, une certaine pauvreté : l'existence pleine passe par moins de biens pour plus de liberté intérieure, moins de temps de travail pour moins de salaire, moins de consommation et plus de temps pour soi et les autres. En un sens, ce n'est donc pas un hasard si, comme le remarque Ariès, ce sont souvent des personnes aux revenus déjà modestes qui se retrouvent dans la simplicité volontaire, dans la mesure où elle leur permet de se replacer dans la société, de retrouver une estime de soi en coupant le lien entre l'être et la richesse.

« Sois le changement que tu veux voir dans le monde »52 semble s'appliquer parfaitement à ces « résistants non-violents » tenants de la simplicité volontaire, qui choisissent de modifier dès

49HARRIBEY, op.cit.

50ILLICH (I.), Energie et équité, Seuil, 1975, 2e éd.

51ARIES (P.), La simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance, éd. La Découverte, 2010, 301 p.

52POTTS (M.), Arun Gandhi Shares the Mahatma's Message, India - West [San Leandro, California] Vol. XXVII,

No. 13 (1er février 2002), p. A34

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à présent leurs façons d'être pour vivre en conformité avec leurs valeurs, et ne plus renvoyer le changement qu'ils espèrent voir à un hypothétique « Grand Soir ».

PARTIE III : Critique de la décroissance

Le mouvement de la décroissance se targue d'être une véritable alternative au modèle dominant de la décroissance. Toutefois, afin de ne pas se laisser berner par d'éventuelles illusions et de voir en la décroissance le remède, unique et indispensable, aux maux de notre temps, il est apparu nécessaire d'en opérer la critique. Dans le même temps, opérer cette démarche critique permettra de réfléchir aux apports indéniables de la décroissance, la « substantifique moelle » en somme.

La critique s'est voulu constructive, en ce sens qu'elle prend en compte les failles de la croissance et les idées des partisans de la décroissance au lieu de les ignorer ; elle laisse donc de côté les arguments des modèles de croissance (Rostow, théorie de la croissance endogène...) eu égard aux problèmes indiscutables qu'ils entraînent et que nous avons déjà envisagés.

1) L'absence de vision macro-économique

Cette idée peut paraître surprenante : les décroissants ne rejettent-ils pas eux-mêmes l'existence d'une vision économique (ou plus précisément, « économiste ») globale ? Certes, mais on peut leur rétorquer que concevoir la discipline, l'outil de réflexion qu'est la macroéconomie comme le simple vecteur d'une pensée productiviste est singulièrement réducteur et quelque peu paranoïaque. Au contraire, la macroéconomie permet de comprendre les dynamiques et relations unissant l'ensemble des agents du système économique et de trouver une solution aux problèmes se posant. Or, les différentes propositions des mouvements et auteurs favorables à la décroissance éludent rapidement cette question. Comment réagir, si la baisse de la consommation entraîne une baisse de la production, et donc chômage et potentiellement pauvreté forcée pour des milliers de personnes ?

De même, certaines des solutions avancées pour réduire l'empreinte écologique (prendre peu sa voiture, acheter « bio ») ne sont-elles pas inenvisageables, en raison du surcoût qu'elles entraînent, pour les ménages les moins aisés ? Penser global permet ainsi de toucher des problématiques très concrètes qu'oublient de résoudre les décroissants, à force de dédaigner les

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instruments économiques courants.

Plus fondamentalement, en remettant en cause la croissance « démesurée » et le « productivisme à tout crin », les décroissants ne songent pas que ce profil de croissance est lui-même inscrit dans un modèle plus général de capitalisme libéral, caractérisé par la primauté donnée aux marchés, l'ouverture aux échanges extérieurs et à la propriété privée : remettre vraiment en cause la croissance reviendrait à remettre en cause tout cela. Or, quel modèle global proposent-ils ? Souvent, leurs propositions gardent le cadre et ne modifient que des portions, ce qui souligne selon Jean-Marie Harribey « l'incapacité à penser simultanément la critique du productivisme et celle du capitalisme : seule la première est menée, mais sans qu'elle soit rattachée à celle des rapports sociaux dominants »53.

S'agissant de la préservation des ressources naturelles, les objecteurs de croissance ont le mérite de rappeler la loi de l'Entropie qui fait prendre conscience de la finitude inéluctable des ressources naturelles. Mais là est également leur faiblesse : les mouvements et auteurs ne s'accordent pas sur le moyen de pallier à cette consommation inéluctable, pas plus qu'ils ne proposent un objectif clair de décroissance économique. L'association ATTAC54 se saisit d'ailleurs de ce point et critique vertement le flou qui entoure la question de la décroissance ou non de la production et ironise : il faudrait « sortir d'une économie de croissance qui n'est pas une décroissance de la production dans une société de décroissance ». Le problème, plus large encore du « développement » des pays du Sud, qui provoque d'intenses débats au sein de la mouvance, n'est pas non plus résolu : les pays du Sud sont-ils victimes d'une vision occidentale ethnocentriste ou doivent-ils se développer ? Si oui, comment : par la croissance, le développement durable ? Sinon, par quel autre moyen ? Latouche55 avoue lui-même, malgré les années qu'il a passées en Afrique, ne pas avoir de réponse à cette question. En relation étroite avec cette interrogation, résiste le doute, non éludé, sur le point de savoir si la décroissance des pays du Nord n'entraînerait pas, par ricochet, celle des pays du Sud ?56

La décroissance sélective, vraie bonne idée, est également insuffisamment creusée : quels secteurs choisir ? A partir de quelle année de référence ? Au lieu d'approfondir ces questions, les auteurs ont tendance à se réfugier derrière des mots vagues et passe-partout, comme les concepts de « viabilité écologique » et « justice sociale » de Serge Latouche57 censés se substituer à la

53HARRIBEY (J-M), op.cit. 54ATTAC, op.cit.

55 « De Marx à la décroissance », Entretien avec Serge Latouche, Professeur émérite d'économie de l'Université de Paris-Sud, 25 janvier 2006.

56Notamment en ce qui concerne les exportations de produits primaires.

57LATOUCHE (S.), Petit traité de la décroissance sereine, éd. Mille et Une Nuits, 2007, 171 p.

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croissance. La critique du développement durable pour une « vraie » soutenabilité possède également des accents irréalistes : transformer une économie basée sur des infrastructures polluantes et des énergies fossiles en une économie utilisant des énergies renouvelables, un nouvel urbanisme et de nouveaux transports demande du temps et des investissements. Or, cette prise de relais est ignorée par les partisans de la décroissance, mettant là encore en exergue leur peine à réfléchir concrètement.

2) Une approche pessimiste du progrès

Une nouvelle fois, cette idée peut faire l'objet de polémiques : les décroissants soutiennent que le développement induit par la croissance économique n'est pas le progrès, qui provient au contraire d'une plus grande harmonie avec la nature et les autres, d'une redéfinition de la richesse matérielle et spirituelle en somme. Toutefois, on ne peut pas nier que, jusqu'à présent au moins, ce modèle économique a permis un véritable progrès : temps de travail divisé et espérance de vie multipliée par deux depuis 1850, accès beaucoup plus important à l'éducation, à la culture... La question soulevée par les décroissants - et qui mérite d'être posée - est alors finalement : le progrès, est-ce toujours cela ? Ce modèle économique est-il encore susceptible d'apporter des améliorations qualitatives dont nous profiterions vraiment ? Dans le cas contraire, est-il dans la nature de l'homme d'aller à contre-sens de cette marche en avant ? L'inventivité de l'homme a toujours été le moteur de son épanouissement, matériel et intellectuel, et de son affranchissement aux besoins primitifs. La vision très pessimiste du progrès développée par l'un des penseurs les plus importants de la décroissance, Ivan Illich, apparaît en le sens contestable : la voiture est inutile car, en prenant en compte l'ensemble du temps qui y est consacré (travail pour la payer et l'entretenir, réparations, embouteillages...) la bicyclette est plus rapide ; la médecine moderne a tué la médecine traditionnelle et ses bienfaits, et favorise les secteurs de pointe au détriment du plus grand nombre (un greffé du coeur pour des milliers de mots de maladies bénignes) ; l'école, enfin, produit des exclus et ne réduit pas les inégalités (« trois ans d'école ont plus d'effet que l'absence de scolarité : ils font de l'enfant qui abandonne un raté »)58. On voit bien les limites de ce raisonnement et les fausses impressions qu'il peut induire : à force de se focaliser sur les défauts apportés par le progrès - et il y en a - on en oublier ses innombrables avantages. Plusieurs auteurs refusent ainsi de considérer simplement que tout progrès n'est pas absolument bon en toutes circonstances, mais comporte des failles, et reportent leur soif de perfection sur un « anti-progrès » pourtant loin d'être

58ILLICH (I.), Le Chômage créateur, Seuil, 1977 ; Energie et équité, Seuil, 1975, 2e éd.

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parfait. L'apologie d'une société primitive (les « chasseurs cueilleurs » de Latouche) aux accents rousseauistes présente des dangers : culte d'une « tribu locale » et de ses normes étriquées, absence d'ouverture géographique et culturelle au monde, sentiment de frustration... Besson - Girard résume bien : « un lien subi et non choisi est vécu comme une contrainte »59.

Tout progrès est-il donc nécessairement pervers ? Ne peut-on pas utiliser la télévision, la voiture et le téléphone portable pour leurs avantages, sans pour autant nier les inconvénients qui y sont inhérents ? Plutôt qu'au progrès, ces questions renvoient en fin de compte directement à la question du choix et du discernement. D'une manière plus générale, il faut aussi s'interroger sur le bien fondé de la défiance des décroissants à l'égard d'une croissance plus propre, équitable et réorientée sur l'utilité sociale. Robert Malthus, en son temps, avait négligé de considérer les progrès technologiques dans ses prévisions, et bien qu'aucun auteur ni mouvement ne préconise de politique anti-natalité, ceux-ci font peut-être la même erreur. Il est nécessaire de continuer à encourager l'investissement dans de nouvelles techniques, mais gourmandes en énergie, donc plus respectueuses de la planète. Depuis trente ans en effet, l'intensité énergétique des principales économies du monde a notablement en effet diminué grâce au progrès technique, malgré l'effet rebond déjà souligné. Sans pour autant tomber dans l'optimisme béat de certains économistes et croire que toutes les difficultés seront résolues par la technique, on peut conserver sa foi en l'homme pour continuer de trouver et développer des solutions.

L'une d'entre elles est d'entrer dans une économie de recyclage, notamment en ce qui concerne les métaux, et résoudre - au moins partiellement - la problématique de l'épuisement de ces ressources. Aborder nos déchets comme des ressources et puiser dans nos « mines d'or urbaines » (décharges d'objets technologiques avec beaucoup de terres rares) pourrait constituer une économie de 72 milliards d'euros à l'échelle de l'Union Européenne si tous les objectifs en matière de recyclage étaient atteints, avec à la clé une création de 400.000 emplois60. On passerait alors véritablement, selon l'expression de Claude Allègre, « d'une économie unidirectionnelle à ressources infinies à une économie cyclique à ressources finies »61.

D'autre part, certains économistes soulignent les effets immenses sur la biodiversité et le changement climatique qu'une redirection d'une faible partie des richesses du PIB pourraient avoir : pour Nicolas Stern, qui a rédigé un rapport en ce sens au Trésor Britannique, utiliser 1% du PIB actuel suffira pour empêcher les impacts du réchauffement climatique sur l'économie

59BESSON - GIRARD (J.-C.), Decrescendo Cantabile : Petit manuel pour une décroissance harmonique, éd. Parangon, 2005, 170 p.

60Mathieu HESTIN, conférence du 13 décembre 2012, Faculté Jean Monnet - Université Paris Sud-XI. 61ALLEGRE (C.), Ma vérité sur la planète, éd. Plon, 2007, p. 144.

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britannique. Un découplage relatif (selon les termes de Tim Jackson 62 ) entre croissance économique d'une part et consommation et pollution de l'autre pourra être dans cette optique possible, en s'appuyant sur le développement de nouvelles technologies telles les agrocarburants de troisième génération ou les énergies marines renouvelables. Les processus de production se reconfigureront alors, les biens et services seront repensés, et la production dans son ensemble s'affranchira progressivement de sa dépendance aux flux de matières. Une croissance réorientée respectueuse des limites écologiques verrait alors le jour.

3) La croissance, facile bouc-émissaire

Jetant des anathèmes sur la croissance, les favorables à la décroissance ont donc le devoir de démontrer quels sont les chemins à prendre, non seulement pour réduire notre empreinte écologique, mais aussi pour augmenter notre qualité de vie au sens de l'Indicateur de développement humain (espérance de vie à la naissance, niveau d'éducation et niveau de vie). Or, ils éludent à vraiment répondre à la question de savoir comment atteindre une certaine richesse, au sens de l'IDH, sans la croissance. Plaçons-nous en juges honnêtes et impartiaux : la croissance de l'activité économique et son corollaire, le développement, ont apporté, comme nous l'avons rappelé précédemment, plus de bienfaits qu'aucun autre modèle dans l'Histoire. Une vision de court-terme et engluée dans l'idée de crise peut donc être trompeuse, comme l'énonçait déjà Adam

Smith en 1776 :

« Le produit annuel de la terre et du travail de l'Angleterre est certainement bien plus grand qu'il ne l'était, il y a un peu plus d'un siècle, à la restauration de Charles II [...]. Cependant, il s'est à cette époque rarement écoulé cinq années sans qu'on n'ait publié quelque livre ou quelque pamphlet [...] prétendant démontrer que la richesse de la nation déclinait rapidement, que le pays était dépeuplé, l'agriculture négligée, les manufactures périclitantes, et le commerce perdu »63.

De surcroît, les maux décrits par les décroissants ne sont pas issus de la seule croissance, mais le résultat d'une multitude de causes. L'aggravation des inégalités peut venir d'un rapport salarial défavorable à certaines catégories de la population (femmes, non diplômés, jeunes...). La paupérisation et la rupture des liens sociaux être conséquences de l'affaiblissement voire de l'inexistence de processus redistributifs ; Jean-Marie Harribey cite à ce titre les paysans des pays en développement qui n'ont pas accès à la terre non en raison du modèle de croissance mais de

62JACKSON (T.), op.cit.

63SMITH (A.), La Richesse des Nations, Livre II, 1776.

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structures sociales inégalitaires64. Quant à l'épuisement des ressources naturelles, il est aussi le fait de comportements opportunistes (absence de réglementation environnementale dans les pays du Sud par exemple), égoïstes (au niveau individuel, le gaspillage, les surconsommations d'énergie) et inévitables (habiter loin du lieu de travail implique de prendre la voiture). Les maux décrits par les objecteurs de croissance ne sont-ils pas alors en grande partie dus à des choix politiques qu'à la croissance qui en découle ? La vision manichéenne de nombre d'auteurs, qui voient notamment dans le développement durable qu'un moyen de plus pour créer de nouveaux marchés et profits, n'est-elle pas foncièrement réductrice ? La critique d'inspiration marxiste65 insiste elle aussi sur le manque de discernement des accusations : pas de distinction entre croissance utile pour tous les êtres humains et croissance comme recherche de profit pour les entreprises. La stratégie de décroissance, avec, comme nous l'avons rappelé, une sélection des secteurs, est donc à perfectionner.

Par ailleurs, le rapport au travail - ciment de la croissance - tel qu'il est envisagé dans les propositions des auteurs et mouvements partisans de la décroissance est contestable. Il n'est vu que sous son angle négatif, c'est-à-dire comme quelque chose de pénible, une aliénation, une soumission au système marchand, et dans cet optique le réduire est une nécessité. Pourtant, le travail est-il absolument une mauvaise chose ? Ne peut-on pas aimer son métier et vouloir y consacrer du temps ? Quid des emplois solidaires, artisanaux, créatifs ? Sont-ils également pénibles ? Les décroissants ont une vision bien trop uniforme et simpliste du travail, « libérateur » selon Hegel66 en ce qu'il permet de se construire, de s'approprier le monde et d'avoir une emprise sur lui.

Demeure en dernier ressort la question fondamentale de la liberté. S'attaquant à la croissance qui pervertit l'homme et compromet son accès au bonheur, les décroissants font malgré eux le procès de la liberté personnelle à choisir son mode de vie. Niant que chacun a toujours le choix de diriger sa vie comme il l'entend, de regarder ou non la télévision, d'aller se fournir dans une grande surface et de prendre son 4x4 pour y aller, certaines mesures préconisées pour les décroissants infantilisent l'homme au lieu de le responsabiliser. Le risque est alors de remplacer un dogme par un autre pour finalement abolir, au sein d'un système aux allures totalitaires67, la liberté.

64HARRIBEY (J-M), op.cit.

65On peut citer les textes parfois virulents de Lutte Ouvrière « Décroissance, malthusianisme : le retour de vieilles idées réactionnaires » et du PCF « Croissance, décroissance ou nouveau type de développement ». 66Dialectique du maître et de l'esclave, HEGEL (G.-W.), La phénoménologie de l'esprit, 1807

67Notamment chez Ellul et Illich.

CONCLUSION

Le mouvement de la décroissance a l'immense mérite de replacer l'économie comme moyen et non comme fin. Les mots de Nicolas Georgescu-Roegen prennent alors tout leur sens : « Le vrai but de l'économie est la joie de vivre »68.

Les décroissants forcent à écouter l'interrogation fondamentale : travailler plus, produire plus, gagner plus, mais pour aller où ? Quel est le but ultime ? et ce faisant abolissent le culte de la croissance et du travail.

Malgré ses contradictions et limites, le terme « décroissance » crée donc un choc. Il permet d'ouvrir une brèche pour faire passer un discours plus complexe et nuancé, en même temps qu'il rassemble, au-delà des dissensions et des débats, tous ceux qui ne se reconnaissent pas entièrement dans le modèle économique actuel et tentent d'agir pour protéger la biodiversité, les valeurs humaines, un certain art de vivre et luttent pour une plus grande solidarité sociale. Il ouvre les imaginaires.

Bonne idée, la décroissance n'est donc ni panacée, ni illusion. Elle porte en son sein quelques idées fortes qui peuvent être appliquées sans attendre : la décroissance sélective dans certains secteurs et sous-secteurs de l'économie des pays du Nord, la gratuité de l'usage et le renchérissement du mésusage, et bien sûr la simplicité volontaire. Laissons alors à Serge Latouche le soin de conclure : « Pas de recettes miracles et c'est tant mieux, mais des lignes de réflexion et d'action »69.

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68GEORGESCU-ROEGEN (N.), op.cit.

69LATOUCHE (S.), Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.

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