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Interventions éducatives visant la réduction de la violence dans le cadre de projets d'insertion professionnelle destinés aux anciens détenus

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par Régis Verhaegen
CPFB (UCL) - Baccalauréat en éducation spécialisée 2003
  

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3.4 Facteurs de réponse

Subir
Comme nous l'avons vu précédemment, l'utilisation de la violence n'est jamais gratuite et, à côté de la violence visible que nous étudions ici, il existe encore de nombreuses autres formes d'agressions. La violence visible et explosive est la plupart du temps une réaction. C'est de la violence réactionnelle à une ou plusieurs agressions qui ont été perçues par celui qui réagit (Traube 2002). La violence gratuite n'existe pas. Il n'existe que des violences dont nous ignorons les causes. La pulsion violente, qui résulte souvent de violences subies, a besoin d'être extériorisée sinon elle créer des dégâts intérieurs. Quand le sujet ne peut exprimer sa pulsion envers celui qui l'a fait souffrir, il pourra l'exprimer envers quelqu'un ou quelque chose d'autre. Cela donne l'impression d'une violence imméritée ou gratuite, mais il s'agit d'un mécanisme de dérivation qui a des causes.Dollard et Miller ont réalisé les premières recherches systématiques sur le sujet en 1939 (in Traube 2002). Ils sont arrivés à la conclusion que la violence naissait de la frustration. Le sujet subissait une agression. Cet acte produisait un sentiment de frustration qui générait à son tour de l'agressivité. Cette vision, trop simpliste et linéaire, a le mérite de démontrer que toute forme de violence à tendance à générer de la violence chez ceux qui la subissent. Cela permet d'invalider les méthodes et les interventions basées sur la violence comme méthode pédagogique (émotionalshock training cf. chapitre 4.2).

Envahir
La notion de territoire (symbolique ou réel) et d'espace vital (cf. chapitre 3.7) intervient aussi puisque l'envahissement de celui peut provoquer une réponse agressive. Or, les limites de ce territoire et l'importance de certains de ces aspects pour l'individu dépendent de chaque personne. Ainsi, un individu pourra être très attaché à une tâche spécifique qu'il réalise dans son travail. Le fait qu'un autre réalise cette tâche sera vécu comme l'envahissement d'un territoire symbolique. Pour un autre individu, cet aspect pourra avoir beaucoup moins d'importance.

Cacher
Un conflit apparent cache souvent une violence beaucoup plus importante, mais cachée. Ainsi, l'explosion de violence d'un élève qui se met à frapper ses camarades sera souvent punie sur-le-champ par l'intervenant (surveillant, professeur, éducateur...). Un observateur plus attentif aurait pu voir les moqueries répétées des camarades et les tentatives de l'élève pour résoudre le problème autrement. Mais l'intervenant (qui surveillait plus de 100 personnes dans la cour de récréation) n'avait pas la possibilité de percevoir tout cela.

Percevoir
Il faut aussi prendre conscience, comme nous l'avons vu au chapitre 1.3, que la violence est plus une affaire de perception et d'effet que d'intention. Il arrive constamment que quelqu'un se sente agressé par une personne qui n'a aucune attention belliqueuse. La violence perçue, surtout si elle n'est pas exprimée, peut constituer une bulle qui explose avec une grande agressivité en étonnant tout le monde. Si elle ne communique pas, il est fort possible que la victime soit la seule à percevoir la violence qu'elle subit. Ainsi, sa réaction face à cette violence sera incomprise d'un point de vue extérieur et la victime sera considérée comme étant l'auteur.

C'est à ce moment qu'intervient un élément interne : la susceptibilité. La personne susceptible va se vexer ou s'offenser plus facilement que d'autres. Son seuil de tolérance face aux agressions est bien plus faible que chez les autres. Cela peut être provisoire (on parlera alors davantage d'irritabilité) ou durable.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Marquer
Mbanzoulou (2000) aborde bien les différents freins à la réinsertion des détenus qui sont perçus comme de véritables agressions de leur part. Le fait, par exemple, qu'une période d'incarcération rende la recherche d'un emploi si compliquée peut être comparé à un marquage définitif au fer rouge. C'est surtout le cas en Belgique où les condamnations sont inscrites sur un document (extrait du casier judiciaire) presque systématiquement demandé pour être engagé quelque part. Le traitement reçu de la part de la justice, des forces de l'ordre et du personnel de prison contient lui aussi sa part de violence. Sans prendre les cas extrêmes (et pourtant fréquents) de violence physique de la part des policiers et des gardiens, l'utilisation abusive de la sanction ainsi que des formes de dédain, de catégorisation négative ou d'insultes peuvent être considérées comme de véritables agressions. Mbanzoulou (2000) propose une meilleure conscientisation des différents acteurs (surtout les gardiens de prison) quant au rôle positif qu'ils peuvent jouer dans la réinsertion des délinquants. Il prône un changement en profondeur des éléments qui peuvent faire ressentir à l'ancien détenu qu'il est condamné à vie pour les actes qu'il a commis. Son point de vue (plutôt du côté de la structure pénitentiaire et de la justice) ne lui permet malheureusement pas de voir que les propositions de suivi après peine qu'il aborde sont souvent mal vécues par les anciens détenus qui voient cela comme une condamnation après la condamnation. Dans l'ensemble, ses propositions restent cependant très utiles et vont vers une humanisation du système judiciaire et carcéral.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Frustrer
De notre côté, nous sommes postés en tant qu'observateurspartiels (puisque situé du seul côté des anciens détenus) des actions du monde policier, judiciaire et carcéral envers les participants du projet. Nous pouvons constater l'importance des frustrations que différents éléments du système font vivre aux anciens détenus. Le peu de chances sur le marché de l'emploi est un élément déterminant. Ils savent qu'ils pourraient facilement se faire de l'argent, mais luttent pour rester dans la légalité tout en se retrouvant dans des situations économiques parfois critiques (les sujets 2, 3 et 4 se sont retrouvés sans domicile cet hiver durant la session 2). Si à ce moment, arrive un quelconque évènement frustrant de la part d'une institution, ils peuvent avoir l'impression que tout est fait pour qu'ils replongent dans la criminalité. Parmi tous ces évènements, j'en citerai quelques-uns. Les sujets 1 et 3 ont reçu par erreur, durant la session, l'ordre de rentrer en prison. Ils ont contacté leurs avocats qui leur ont dit d'aller jusqu'à la prison se présenter. Ils y ont été, sans être sûrs de pouvoir en ressortir. Ce n'est que sur place qu'on leur a confirmé que c'était bien une erreur. Un autre évènement : des policiers nous ont contactés parce qu'ils enquêtaient sur le sujet 7 (déjà victime avant son incarcération de harcèlement policier) simplement parce qu'il n'était plus en prison. Un troisième : quand nous avons demandé un soutien à l'assistante sociale (CPAS) du sujet 2 parce qu'il s'est retrouvé à la rue, sa réaction a été de dire qu'il n'était peut-être plus sous sa juridiction (et donc qu'ils allaient le priver de revenus). Ce sont de petits exemples qui, pris isolément sont gérables, mais qui, en s'accumulant,peuvent vraiment donner aux sujets une impression de persécution. J'arrive à comprendre quand, parfois, je les vois énervés, révoltés ou désespérés. C'est loin d'être facile pour eux.

Assister
Nous intervenons de différentes manières. Nous offrons une aide administrative et stratégique efficace face à ces évènements. Même si cette intervention peut ne pas donner les résultats escomptés, le fait qu'on essaye de les aider les rassure sur nos intentions. Dans leurs relations avec les institutions, nous sommes perçus comme étant là pour les aider. Cela peut avoir beaucoup d'importance surtout si leurs relations précédentes n'ont pas été positives. (cf. chapitre 3.6). Pour nous, c'est essentiel de bien traiter les participants et d'être perçus, autant que possible, comme des éléments bienveillants. Cela nous permet, quand c'est nécessaire, de les secouer ou nous fâcher sur eux sans que cela soit trop mal perçu.

Au-delà du soutien administratif, nous donnons une grande importance à leurs difficultés émotionnelles (comme expliqué au chapitre précédent). Quand nous observons que quelque chose ne va pas, qu'ils semblent de mauvaise humeur ou préoccupés, nous parlons systématiquement avec eux (en privé si possible). Nous les aidons à gérer leurs frustrations. Cela a, selon nous, un impact important en termes de prévention étant donné que les relations entre eux sont toujours assez tendues. D'après le journal de bord du projet (qui ne reprend qu'une partie de ces discussions), dans le courant de la session 2, nous avons effectué 66 interventions de ce type. Nous intervenons ainsi avant que la situation ne dégénère et permettons aux participants d'exprimer la violence dont ils pensent être la cible.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard