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Comprendre le concept de conscience en classe de philosophie au lycée: approche phénoménologique

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par Gildas Sylvère NGOMO
École Normale Supérieure de Libreville - Master 2 2016
  

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I-Approche empiriste du concept de conscience

L'abandon des grands systèmes comme ceux édités par Malebranche, Leibniz ou Spinoza, au siècle précédent, marque le début du XVIIIe siècle. Ces grandes métaphysiques traditionnelles, sous l'inspiration de Descartes se sont développées suivant les perspectives du rationalisme. Suivant le rationalisme, toute connaissance certaine découle de la raison. Cependant, sous la double influence de Locke et de Hume, émerge un courant de pensée s'opposant au rationalisme : l'empirisme. Cette nouvelle doctrine de la connaissance prend son point de départ dans les critiques adressées par Locke à la doctrine cartésienne des idées innées. En clair, l'empirisme part de l'hypothèse que toute connaissance tire son origine des sens. Cette hypothèse est très ancienne, puisqu'on la trouve déjà, formulée de manière différente dans la philosophie ancienne, en particulier chez Aristote à travers la maxime rien n'est dans l'esprit qui ne fût d'abord dans les sens. Toutefois, dans notre travail, nous allons précisément voir comme ces empiristes formulent l'idée qu'ils ont de la conscience. En clair, qu'est ce que la conscience selon les empiristes ?

1-Approche lockéenne du concept de conscience

La conception lockéenne de la conscience, traduit non seulement l'appartenance de Locke à la doctrine empiriste de la connaissance, mais aussi son désaveu à l'égard de la métaphysique cartésienne. Suivant Locke, la pensée cartésienne se révèle problématique, puisqu'elle opère une réduction de la pensée à la conscience, ce qui conséquemment fait de la conscience une entité immatérielle : une substance. La philosophie empiriste de Locke a ceci d'originale qu'elle remet en cause cette manière de saisir la conscience. Selon Locke, il faut disjoindre la conscience et la substance. La procédure lockéenne consiste donc à dé-substantialiser la conscience. Ainsi, il écrit :

« Après ces préliminaires [...], il nous faut considérer ce que représente la personne ; c'est, je pense, un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion, et qui peut se considérer soi-même comme soi-même, une même chose pensante en différents temps et lieux. Ce qui provient uniquement de cette conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu'il me semble : car il est impossible à quelqu'un de percevoir sans percevoir aussi qu'il perçoit. Quand nous votons, entendons, sentons par l'odorat ou le toucher, éprouvons, méditons ou voulons quelque chose, nous savons que nous le faisons. Il en va toujours ainsi de nos sensations et de nos perceptions présentes : ce par quoi chacun est pour lui-même précisément ce qu'il appelle soi, laissant pour l'instant de coté la question de savoir si le même soi continue d'exister dans la même substance ou dans plusieurs. Car la conscience accompagne toujours la pensée, elle est ce qui fait que chacun est ce qu'il appelle soi et qu'il se distingue de toutes les autres choses pensantes. [...] aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passées, aussi loin s'étant l'identité personnelle.17(*) »

A partir de ce texte, nous saisissons principalement que la définition de la conscience chez Locke résulte de celle de la personne (sujet). En d'autres mots, c'est la conscience qui fait le sujet chez Locke. Le sujet ne peut être sujet que s'il se perçoit ainsi. Toutefois, il ne peut se percevoir comme tel, que par le biais d'une perception intérieure personnelle, qui lui permet de s'appréhender lui-même : cette perception est la conscience. Parce que le sujet est `'un être pensant et intelligent, doué de raison et de réflexion'', de ce fait, la conscience en conséquence a un rapport étroit avec la pensée. C'est donc à juste titre que Locke écrit `'ce qui provient uniquement de cette conscience qui est inséparable de la pensée, et lui est essentielle à ce qu'il me semble.'' Quand Descartes assimile la conscience à la pensée, Locke en revanche, les distingue. Il les différencie certes, mais ne les sépare pas, car ils sont inséparables. Suivant Locke, la conscience est la perception intérieure par laquelle qui que ce soit se perçoit comme soi, étant donné qu'il est utopique pour le sujet de `'percevoir sans percevoir aussi qu'il perçoit.'' Avec Locke, le concept de conscience n'a plus le même statut que celui qu'il avait avec Descartes. Loin d'être une substance, la conscience désigne dorénavant la perception que le sujet a de lui-même, et qui lui permet de se concevoir comme tel. Cependant, lorsqu'on aborde les dernières lignes du texte, on se rend bien compte que la conscience n'est pas exclusivement la sensation intérieure qui accompagne chaque perception, elle est aussi une mémoire, puisque Locke dit aussi loin que peut remonter la conscience dans ses pensées et ses actes passés, aussi loin s'étant l'identité personnelle. Somme toute, la conscience n'est plus une substance avec Locke, parce que n'étant plus assimilée à la pensée, elle indique à l'avenir cette perception intérieure par laquelle le sujet se perçoit comme un soi. En termes clairs, la conscience chez Locke est la perception de ce qui se passe dans l'esprit propre d'un homme.

2-Perspective humienne de la conscience

Il est essentiel, pour la suite de notre analyse, de savoir au préalable que la conscience s'entend sous plusieurs déclinaisons lexicales ; l'Entendement, l'Ego, le Je, le Sujet, l'Esprit ou encore le Moi. C'est d'ailleurs les deux dernières déclinaisons qui vont nous intéresser, puisque Hume appréhende la conscience sous ces appellations.

« Pour ma part, quand j'entre le plus intimement dans ce que j'appelle moi-même, je bute toujours sur quelque perception particulière [...] Je ne peux jamais, à aucun moment, me saisir moi-même sans une perception, et jamais je ne puis observer autre chose que la perception. Quand mes perceptions sont supprimées pour un temps, comme par un sommeil profond, aussi longtemps que je suis sans conscience de moi-même, on peut vraiment dire que je n'existe pas. Et si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort [...], je serais entièrement annihilé, et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi une parfaite non-entité. [...] Je peux m'aventurer à affirmer du reste des hommes qu'ils ne sont rien qu'un ensemble, une collection de différentes perceptions qui se succèdent les unes aux autres avec une inconcevable rapidité et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels. [...]. L'esprit est une sorte de théâtre où différentes perceptions font successivement leur apparition, passent, repassent, glissent et se mêlent en une infinie variété de positions et de situations. Il n'y a en lui proprement ni simplicité en un moment, ni identité en différents moments, [...] Ce sont seulement les perceptions successives qui constituent l'esprit18(*) »

Dans cet extrait de texte, Hume emploie les termes tels que moi-même, ou encore esprit pour designer la notion de conscience. Toutefois, qu'est ce que l'Esprit ou le Moi suivant Hume ? Suivant le philosophe anglais, lorsqu'on tente de percevoir le Moi, lorsqu'on essaie d'en avoir conscience, on est préalablement en présence de nombreuses perceptions. On ne se perçoit jamais comme un sujet seul, détaché du monde, on se perçoit toujours comme un sujet dans le monde, c'est-à-dire comme un sujet qui a des impressions et des idées. On ne peut donc pas percevoir le Moi sans avoir au même moment des idées ou des `'impressions successives'' qui portent sur autre chose que le Moi. D'ailleurs, dès qu'on cesse d'avoir des perceptions, comme lorsqu'on dort, on perd la conscience du Moi. Les `'perceptions successives'' d'un homme changent constamment, elles se succèdent les unes aux autres à tout instant. Il n'existe pas d'impression ou d'idée qui soit éternelle, immuable, invariable, qui ne soit jamais remplacée par une autre. Selon le moment, le Moi est perçu à travers l'une ou l'autre impression, l'une ou l'autre idée, et il n'est pas lié, ce faisant, à une seule d'entre elles. Il n'y a donc pas d'idée ou d'impression fixe du Moi. Davantage le Moi, par conséquent, n'est pas seulement quelque chose de changeant ; c'est également quelque chose qui peut être fragmenté. Le Moi ou l'Esprit peut, fondamentalement, être considéré comme un amas de perceptions distinguables liées les unes aux autres. En d'autres termes, le Moi n'est qu'un faisceau de perceptions, étant donné que, suivant Hume, `'ce sont seulement les perceptions successives qui constituent l'esprit''.

* 17 LOCKE J., Essai sur l'entendement humain, Livre II, chap. 27, paragraphe 9, traduit et commenté par BALIBAR E., Paris, Seuil, 1694, pp.149-151.

* 18 HUME D., Traité de la nature humaine, Livre I : De l'entendement, traduit par FOLLIOT P., Édition numérique réalisée le 28 janvier 2005 à Chicoutimi au canada, pp.242-243.

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