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Le Gabon face à  la cybercriminalité: enjeux et défis


par Larry Warren DIYEMBOU BOUMAM'HA
Université Omar Bongo - Master Géosciences Politiques du Monde Contemporain 2019
  

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4.1.2 - De la nécessité de restructurer les forces de sécurité intérieure

Lutter efficacement contre le crime de manière générale et la cybercriminalité de façon plus spécifique, oblige à avoir des outils globaux. Nous sommes d'avis à soutenir que les forces de sécurité du Gabon qui malgré les moyens lapidaires dont elles disposent, tentent résolument de s'inscrire dans la logique d'avoir une longueur d'avance sur les malfaiteurs. Sauf que dans le cyberespace, il ne suffit pas de se parer de bonnes intentions afin de mettre la main sur les cybercriminels.

Il faut dire que ces agents sont parfois peu, pas ou mal outillés, pour se dresser contre la cybercriminalité qui prend chaque jour de l'ampleur dans le pays. Au niveau de l'état-major des Polices d'Investigations Judicaires (EMPIJ) par exemple, les cas de cyberescroquerie sont légions. Sauf que « en cas de plainte dans nos locaux pour cyberescroquerie ou cyberharcellement, le dossier sera confié à la Direction des Affaires Economiques et Financières (DAEF), qui elle, va diligenter une enquête classique avec peu de chances d'aboutir »131(*). C'est notamment cette situation que tente de démontrer la figure suivante :

Figure 15 : Indicateurs de la cybercriminalité

Source : Enquêtes de terrain, décembre 2018- février 2019.

Les difficultés d'aboutissement des plaintes déposées par les victimes, sont de plusieurs ordres. Comme l'indiquait le Lieutenant Lyé NZIENGUI un peu plus haut, le constat fait en général lorsqu'une enquête pour cas de cybercriminalité est menée, est que ce sont des enquêteurs « classiques » qui suivent le dossier. Pour ce faire, ils sont obligés d'adapter les faits présentés par rapport à la législation en place. C'est-à-dire qu'ils vont adapter les actes cybercriminels en les comparant à des infractions dites de droit commun. Par exemple, s'il y cyberescroquerie, une cyber-enquête suppose que l'investigateur (rompu à l'outil informatique et aux techniques d'investigation dans le domaine cyber), procédera par exemple à l'étude des messages envoyés par le cybercriminel à la victime.

Ces messages qui se présentent sous forme de trame informatique ou paquets, contiennent l'adresse du cybercriminel, son nom et l'adresse IP de son ordinateur ; toutes choses qui concourent notamment à ce que le cyber-enquêteur puisse mettre la main sur le malfrat. Autre difficulté, le caractère transfrontalier d'Internet et les limites de la coopération internationale en matière de lutte contre la cybercriminalité dans les pays du Sud. A cet effet, la plupart des auteurs de cybercriminalité ne sont pas généralement des ressortissants gabonais et ont cette particularité d'opérer en dehors du territoire national.

Dans ce cas de figure, il est nécessaire pour mener à bien les enquêtes, que les services de répression de tous les pays concernés par la cybercriminalité coopèrent davantage. Or, en vertu du principe de souveraineté nationale, il n'est pas permis de diligenter une enquête sur le territoire d'un pays étranger sans l'autorisation préalable des autorités locales. Il est donc essentiel d'obtenir le soutien et la participation des autorités de tous les pays132(*).

Autre point important, s'il faut s'en tenir à la logique du continuum sécurité-défense toujours dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité, il faudrait que les différentes unités des Forces de Police Nationale (FPN), de la Gendarmerie Nationale (GENA) et même dans une moindre mesure des Forces Armées Gabonaises (FAG), soient interconnectées. Pour ce faire, nous recommandons la création d'un  Pôle Central de Lutte Contre la Cybercriminalité (PCLCC)133(*) ou PCL2C, qui sera situé au sein du Laboratoire de Police Technique et Scientifique (LPTS) actuel (photo 2). Celui-ci devra témoigner de cette recherche de synergie entre les services de Forces de Police Nationale (FPN), les unités de la Gendarmerie Nationale (GENA), les techniciens de l'ARCEP et de l'ANINF et les autres composantes du continuum.

Photo 2 : Vue du LPTS, susceptible d'abriter le PCLCC

Cliché : DIYEMBOU BOUMAM'HA Larry Warren, 2019.

Situé au sein de la préfecture de Police de Libreville, le LPTS est certes déjà en place mais rencontre actuellement des difficultés d'ordre logistique et pédagogique. Logistique car lors de nos enquêtes de terrain, nous y avons vu que les agents possèdent bien du matériel informatique, mais il arrive très souvent que celui-ci ne soit pas connecté à Internet ou dans le cas contraire, le débit de connexion est très faible.

Les difficultés pédagogiques sont liées à la formation des agents de police dans le domaine cyber. En effet, les agents formés dans le domaine que nous avons rencontrés, sont soit en sous-effectif ou mal utilisés. D'où la nécessité de former des Techniciens d'Investigations Criminelles (TIC), des enquêteurs cyber, des référents cyber et des analystes en criminalité informatique. Afin de mener à bien des investigations dans le cyberespace, ils devront adopter des techniques spéciales d'enquête. Il s'agit entre autres :

- De la réquisition judiciaire de données informatiques ;

- D'intercepter des correspondances émises par voie de télécommunication ;

- Perquisitionner et saisir du matériel dans le cadre de la recherche de preuves informatiques ;

- Enquêter sous pseudonyme sur Internet ;

- Mettre en place des dispositifs de sonorisation et de captation de données numériques ;

- Géolocaliser en temps réel des individus suspectés

- Retirer des sites internet jugés illicites.

Et c'est justement à ce niveau que le PCLCC devra démontrer toute son importance car s'inscrivant dans le continuum défense-sécurité et donc en regroupant tout un ensemble d'acteurs, il aura la mission particulière de se montrer à la hauteur de l'enjeu de la lutte contre la cybercriminalité au Gabon. Premièrement, les équipes de cette future entité devront constituer des bases de données massives sur toutes les formes de cybercriminalité rencontrées dans le pays. Il s'agira par la suite, de mettre en place des dispositifs visant à renforcer les capacités d'intervention des agents du PCLCC, à travers des formations et échanges d'information. Il faudra aussi « sensibiliser les victimes ou les potentielles victimes, sur le fait de ne plus supprimer les éléments de preuve (photos, vidéos etc.), permettant de retracer le cybercriminel dans le cas d'une cyberescroquerie ou d'un cyberchantage par exemple. Ces éléments de preuve, vont permettre aux enquêteurs d'engager des opérations policières »134(*). Sur le plan juridique, le Pôle de lutte contre la cybercriminalité devra tout aussi transcender le modèle traditionnel répressif en matière d'application de la loi, en usant de toutes les possibilités liées à l'ère numérique.

* 131 Entretien du 6 avril 2019 à Libreville avec le Lieutenant NZIENGUI NZIENGUI Lyé, Chef de Cabinet du Chef d'état-major des Polices d'Investigations Judiciaires (CEMPIJ).

* 132 Entretien du 10 avril 2019 à Libreville, avec le Lieutenant NZIENGUI NZIENGUI Liyé, Chef de Cabinet du Chef d'état-major des Polices d'Investigations Judiciaires (CEMPIJ).

* 133 Autre création personnelle de l'auteur, l'expression PCLCC ou PCL2C est née de l'observation qu'il n'y avait pas encore au Gabon, un organisme du genre, c'est-à-dire entièrement dédié à la lutte contre la cybercriminalité. Si des programmes de lutte contre ce fléau existent déjà, le PCLCC aura cette particularité de mobiliser au même endroit, l'ensemble des acteurs chargés de lutter contre la cybercriminalité.

* 134 Entretien du 13 avril 2019 à Libreville, avec le Commandant N'NANG OBAME Boris, Conseiller Technique du Chef d'état-major des Polices d'Investigations Judiciaires (CEMPIJ).

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand