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Approche et évaluation de la notion de pauvreté ; Entre besoins et capacités des personnes, quelles attitudes pour les acteurs du Secours Catholique ?

( Télécharger le fichier original )
par Claude BOBEY
Institut Catholique de Paris - Master II Solidarité et Action Internationales (SAI) 2007
  

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BOBEY Claude

93140 Bondy
@ : claudebobey@ neuf.fr

Faculté de Sciences Sociales et Économiques (FASSE)

Rapport de stage pratique
« Approche et évaluation de la notion de pauvreté ;
Entre besoins et capacités des personnes,
quelles attitudes pour les acteurs du Secours Catholique ? »

Master Solidarité et Action Internationales (SAI)
Directrice de mémoire : Mme Elena Lasida
Octobre 2007

« Poverty is like heat ; you cannot see it ; so to know poverty you have to go through it. »

Adaboya, Ghana1

1 Traduction libre : « La pauvreté est comme la chaleur ; tu ne peux la voir ; alors pour la connaître, tu devras la traverser. »

Remerciements :

Je tiens ici à remercier le président du Secours Catholique de Seine-Saint-Denis, Richard Vallet, qui m'a accompagné durant cette période et accepté d'être présent pour la présentation de ce rapport. Je remercie mes collègues salariés ainsi que les bénévoles et les personnes rencontrées qui m'ont aidé et m'aident encore à mieux comprendre la lutte contre la pauvreté dans le cadre du Secours Catholique.

Je remercie ma directrice de mémoire qui m'a encouragé à travailler ce sujet. Je remercie ma femme et ma fille qui m'ont laissé travailler ce mémoire tous les soirs de plusieurs semaines et parfois le dimanche...

Extrait de « Voices of the Poor »2 :

"Poverty is like living in j ail, living under bondage, waiting to be free"

Jamaica

"Poverty is lack of freedom, enslaved by crushing daily burden, by depression and fear of what the future will bring."

Georgia

"If you want to do something and have no power to do it, it is talauchi (poverty)."

Nigeria

"Lack of work worries me. My children were hungry and I told them the rice is cooking, until they fell asleep from hunger."

An older man from Bedsa, Egypt.

"A better life for me is to be healthy, peaceful and live in love without hunger. Love is more than anything. Money has no value in the absence of love."

A poor older woman in Ethiopia

"When one is poor, she has no say in public, she feels inferior. She has no food, so there is famine in her house; no clothing, and no progress in her family."

A woman from Uganda

"For a poor person everything is terrible - illness, humiliation, shame. We are cripples; we are afraid of everything; we depend on everyone. No one needs us. We are like garbage that everyone wants to get rid of."

A blind woman from Tiraspol, Moldova

"I repeat that we need water as badly as we need air."

A woman from Tash-Bulak, The Kyrgyz Republic

"The waste brings some bugs; here we have cockroaches, spiders and even snakes and scorpions."

Nova California, Brazil

2 http://www1.worldbank.org/prem/poverty/voices/

Plan du rapport de stage

Extrait de « Voices of the Poor » : 3

Introduction 6

1. Approches de la notion de pauvreté 8

1.1. Définition de la pauvreté : 8

1.1.1. La pauvreté matérielle 8

1.1.2. La pauvreté sociale 8

1.1.3. La pauvreté d'exclusion 9

1.1.4. La pauvreté de capacités 9

1.1.5. Pauvreté, identités et justice 9

1.2. La pyramide de Maslow et l'approche selon les besoins 11

1.3. L'approche à partir des capacités et la pensée d'Amartya Sen 14

1.3.1. Le développement humain 14

1.3.2. Les formes de pauvreté. 15

1.4. L'approche pragmatique au Secours Catholique. La pauvreté, une

notion en évolution dans les textes 17

1.4.1. L'article 1 des statuts 17

1.4.2. Les 3 axes de 1996 18

1.4.3. Les orientations 2006 19

1.4.4. Le travail d'appropriation des orientations nationales au niveau

local durant le stage pratique 21

2. Quels indices pour évaluer la pauvreté ? 22
2.1. Évaluer une action ; des résultats et des processus ainsi que des

impacts 22

2.2. Les indices de pauvreté du PNUD (IDH-IPH) 25

2.2.1. l'IDH et l'IDH-2 25

2.2.2. L'IPH1 et l'IPH2 27

2.3. Un indice pour la Seine-Saint-Denis, lieu du stage 28

2.3.1. I.S.S. et BIP 40 28

2.3.2. Un indice spécifique pour la Seine-Saint-Denis à partir des

pratiques du stage 30

2.3.2.1. L'enfance (0 - 7 ans) 31

2.3.2.2. Jeunesse et adolescence 31

2.3.2.3. Age adulte 31

2.3.2.4. Les personnes âgées 32

2.3.2.5. Les limites d'un tel exercice : 32

2.4. Difficultés et opportunités des indices 32

2.4.1. Difficultés des indices 33

2.4.1.1. Indice limité au champ économique 33

2.4.1.2. Indice non reconnu institutionnellement 33

2.4.1.3. Indice où chiffres et statistiques sont difficiles à obtenir.. 34

2.4.1.4. Indice insistant plus sur les pauvretés d'accès que sur les pauvretés de potentialités. 34
2.4.1.5. Indice conçu sans pratique de terrain et sans concertation

avec la population concernée 34

2.4.1.6. Avoir accès à des données locales 35

2.4.1.7. Indice regroupant des chiffres très disparates et nombreux.

35

2.4.1.8. Choix des calculs et des pondérations 36

2.4.2. Opportunité des indices 36

2.4.2.1. Un diagnostic de la pauvreté comparatif 36

2.4.2.2. Poser les « bonnes » questions, mettre à jour des situations

et revoir des concepts 36

2.4.2.3. Rendre compte de phénomènes complexes. 37

2.4.2.4. Approche quantitative et qualitative : subjectivité possible

37

2.4.2.5. La place des personnes dans les indices 38

3. Quelle compréhension par les acteurs du Secours Catholique de la lutte contre la pauvreté. Limites et potentialités rencontrées durant le stage.. 38 3.1. Difficultés et ouvertures face aux politiques de l'association et aux

donateurs 39

3.1.1. Communiquer aux donateurs les résultats par des chiffres 39

3.1.2. Une institution qui se regarde 39

3.1.3. La place des personnes 40

3.2. Difficultés et ouvertures face aux salariés. 41

3.2.1. Une identité à trouver dans les résultats 41

3.2.2. Un capital humain en décalage avec les personnes

accompagnées 41

3.2.3. Un pont entre la réalité et le discours 42

3.3. Difficultés et ouvertures face aux bénévoles. 42

3.3.1. Le choc de la rencontre 43

3.3.2. La volonté de changer/sauver le monde (tentation de la toute-

puissante) 44

3.3.3. Le résignement 44

3.3.4. Une autre démarche où l'autre est au centre 45

3.3.5. Des nouveaux types de bénévolats qui ouvrent des pistes 45

3.3.5.1. Les jeunes de 18-30 ans 45

3.3.5.2. Les personnes de communautés d'origines étrangères 46

3.4. Difficultés et ouvertures face aux personnes en difficultés. 46

3.4.1. L'essentialisation d'un statut d'accueilli, d'assisté 46

3.4.2. Des responsabilités lourdes à porter 47

3.4.3. Un contexte d'assistance 47

3.4.4. Des personnes et des structures prennent le parti d'une autre relation et place des personnes vulnérables 48
Conclusion : Les personnes au coeur du processus, moteur du changement

social et sociétal 49

Bibliographie 51

Annexes 52

Annexe 1 52

Annexe 2 53

Annexe 3 55

Introduction

La notion de pauvreté est travaillée chaque année par un nombre important d'ouvrages pour adapter, revoir ou changer de paradigme de compréhension cette notion complexe mais essentielle à la société. Les termes de pauvreté, misère, exclusion, accessibilité, potentialité et développement sont liés et reviennent sur le devant de la scène sociale régulièrement. Le stage pratique a eu lieu au Secours Catholique. Cette institution de 60 ans a aussi revu ce terme tout au long de son parcours et de ses actions. Aujourd'hui, les enjeux autour de ce terme sont multiples. La pauvreté est-elle à envisager seulement économiquement pour la comprendre et l'évaluer ? Sur cette voie, le développement de la croissance est la réponse adéquate à sa suppression. La pauvreté peut même être envisagée comme multidimensionnelle dans ce système de compréhension mais il reste que la croissance est envisagée comme l'unique outil de son éradication. Si la pauvreté est comprise comme multidimensionnelle et son évaluation ainsi que les indicateurs pouvant la mesurer comme complexe alors la place de la personne individuellement et collectivement doit être pensée. Une place qui est au sein du processus comme du résultat. Une place qui demande d'accepter le subjectif, la place du sujet dans l'action et son évaluation. Ceci comprend donc une approche tout autant qualitative que quantitative. Les résultats sont alors tant dans le processus que dans les résultats. Ils mesurent l'objectif réalisé mais aussi la satisfaction des personnes ayant exercé leur liberté de choix. La question de l'équité va aussi surgir sur le devant de la scène. Allons nous aider les plus pauvres seulement ? Ceci peut avoir une vision utilitaire de réduire les inégalités pour la paix sociale et donc sauvegarder la croissance économique. Ici, l'équité est envisagée non pas dans l'objectif d'une société paisible mais pour le bien-être et faire de l'individu. L'utilité économique n'est pas l'unique prisme de compréhension. Il peut être un effet mais n'est pas le but recherché. La recherche est celle d'une société juste.

Notre rapport de stage se divise en trois parties. Une première qui explore les définitions actuelles de la pauvreté et un bref regard sur les textes fondateurs et actuels du Secours Catholique. Ceci nous montrera que la définition qu'en donne le Secours Catholique se base sur sa pratique. Il ne donne d'ailleurs pas de définition mais des pistes de travail pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion.

Nous envisagerons ensuite l'évaluation de cette pauvreté à l'aune des définitions retenues. Nous verrons que le champ des indices est vaste et fécond. Les notions de

temporalité et de spatialité des indices nous donnera un nouveau regard sur la problématique. De même que pour la définition de la pauvreté, les indices posent la question de la place de la Personne ainsi que de l'équité envisagée.

Une dernière partie essaiera de montrer, sur la base de notre expérience, la difficulté du changement de regard sur la pauvreté pour les acteurs et les personnes concernées. Le changement de culture est long et ne dépend pas seulement de l'institution qui l'initie. Il y a un

contexte qui peut être porteur ou non. Soit le contexte va dans le sens des besoins à combler et risque de tomber dans l'assistanat et l'utilité, sois dans le sens du refus de l'aide sous prétexte d'une responsabilité du pauvre pour sa misère. Travailler avec la Personne à bâtir un chemin de développement est complexe, long et pas forcément couronné de réussite. La parole des pauvres peut être entendue dans une institution mais pour qu'elle trouve sa place et que celle- ci puisse être accepter peut prendre du temps ou même échouer.

Nous essaierons de donner des pistes d'ouverture pour continuer à approcher, définir et évaluer la pauvreté dans le but d'une relation aux personnes qui rentre dans le cadre d'une société plus juste et fraternelle. Avoir commencé par une première page de paroles des personnes, c'est prendre le parti de leur donner place et parole dès le départ de notre réflexion.

1. Approches de la notion de pauvreté

Dans cette première partie, nous regarderons les grands courants qui définissent la pauvreté. Nous serons attentifs à la place de l'Homme dans ces définitions. Nous regardons d'abord des définitions puis la théorie de Maslow et la notion de développement humain. Cette dernière nous donnera un tableau des pauvretés. Enfin, nous regarderons ce que l'association où nous avons effectué notre stage dit de la pauvreté dans ses statuts et ses orientations récentes.

1.1. Définition de la pauvreté :

Bref aperçu des notions définissant la pauvreté :

1.1.1. La pauvreté matérielle

Une première définition dans Le Petit Robert est source d'enseignement : « 1. État d'une personne qui manque de moyens matériels, d'argent ; insuffisances de ressources. »3 La pauvreté se cantonne aux moyens et surtout aux moyens financiers et matériels. La personne est pauvre d'un manque qui ferait d'elle, une fois comblée, une riche. Ce n'est qu'au deuxième niveau de définition que le petit Robert note : « 2. Insuffisance matérielle ou morale. »4. Ici, la pauvreté prend une nouvelle dimension mais elle reste envisagée en terme de manques. La pauvreté n'est ni subie ni choisie, elle est. Selon cette définition, la pauvreté disparaîtrait en comblant les manques.

1.1.2. La pauvreté sociale

Une autre définition donne un autre point de vue : « L'insuffisance de ressources disponibles, la précarité du statut social et l'exclusion d'un mode de vie (matériel et culturel) dominant. »5 Ici, la pauvreté est aussi envisagé avec le monde environnant la personne. Un pauvre en France ne sera pas le même qu'un pauvre au Kenya. Un pauvre est aussi caractérisé par rapport aux autres personnes et à la société (statut social). Il y a donc un rapport entre des inclus, ayant un statut social leur donnant accès à une mode vie et des exclus privés de ce statut social et de l'accessibilité à un mode de vie communément admis.

3 Le Petit Robert, article « pauvreté », édition 1993.

4 Idem.

5 Elianne Mossé (économiste), cité par Alain Durand, « la cause des pauvres », Paris, 1992, p.20.

1.1.3. La pauvreté d'exclusion

Depuis les années 1990, un paradigme est apparu, celui d'exclusion. Il caractérise le rapport des personnes à la société. Une société des inclus et une société des exclus. Il résulte de la crise des années 80 quant à l'emploi et la nouveauté d'un chômage de masse. D'une pauvreté d'oppression, nous serions passés à une société d'exclusion. Nous sommes là face à une pauvreté d'identité. Le travail qui était la source principale d'identité des personnes est en crise. Cette pauvreté d'identité recouvre en partie le phénomène d'exclusion. En France, le paradigme rentrera dans la loi de 1998 de lutte contre toutes les grandes exclusions. Cependant, toute exclusion n'est pas pauvreté et vice-versa. Par exemple, un pré-retraité non volontaire est exclu d'une identité de travailleur mais n'est pas forcément pauvre au sens du manque de moyens financiers et matériels. De même, toute pauvreté n'est pas exclusion. Un étudiant peut manquer de moyens mais ne pas être exclu. L'exclusion est une forme de pauvreté dans une société qui est à la fois marquée par le chômage et l'abondance des biens de consommation. C'est une société où la recherche d'identité des personnes ne se concentre plus sur le travail uniquement mais explore des zones alternatives.

1.1.4. La pauvreté de capacités

« La pauvreté des potentialités ou des capacités exprime le manque de moyens permettant de sortir de la pauvreté. »6 Ici, la personne est envisagée comme pouvant sortir de la pauvreté mais n'ayant pas les capacités ou les potentialités. De la même manière, le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) définie la pauvreté à travers un critère, l'IPH (Indice de pauvreté humaine) qui intègre trois dimensions de capacités manquantes. Nous développerons ce point plus en détails dans le chapitre sur cette approche définissant la pauvreté de capacité en terme d'accessibilité et de potentialités. Pour sortir de la pauvreté, la personne doit avoir accès à des biens essentiels pour mettre en oeuvre ses potentialités. Faire ce travail, c'est développer les capacités de la personne et de son environnement.

1.1.5. Pauvreté, identités et justice

Nous pouvons donc noter dans ce brève aperçu que la pauvreté est d'abord comprise comme un manque multidimensionnel. En ce sens, combler les manques, c'est lutter contre la pauvreté. Les politiques d'aide classique rentrent assez bien dans ce schéma.

6 http://fr.wikipedia.org/wiki/Pauvret%C3%A9

La pauvreté est parfois appelée aujourd'hui « exclusion » en référence au monde des

« inclus ». Ici, la lutte contre la pauvreté va se baser sur un travail d'identité. Le R.M.I. est une tentative de réponse. Le gouvernement et aujourd'hui les conseils généraux proposent un contrat d'insertion par le travail. La pensée sous-jacente est que la personne retrouvera une identité par le travail et donc réintégrera le monde des inclus. D'autres pistes de retour à une identité passe par les parcours d'ateliers créatifs, groupes conviviaux, etc. Ici, l'idée est que la personne a besoin de reprendre confiance en elle, d'aller chercher les sources en elle pour retrouver une identité au sein de la société. Les religions proposent aussi des expériences de retour vers soi pour retrouver une identité. Enfin, il y a les tentatives d'identité de rébellion où l'identité se veut contre-identitaire. Ces mouvements minoritaires se retrouvent dans les mouvements politiques, religieux ou musicaux extrêmes. Refusant le monde des inclus par l'insertion via l'économique ou l'humain, ils trouvent leur identité dans le refus, la contestation. Nous pourrions décrire une autre source d'identité qui serait la « sur-identité ». Ici, le but est de sur-consommer, sur-paraître dans la société pour avoir l'impression d'être ! Voulant être, les personnes rentrent dans un schéma d'avoir, de pouvoir et de paraître. Non satisfaisant en terme d'identité personnalisante, cette stratégie permet néanmoins d'appartenir au monde des inclus.

Enfin, la pauvreté peut être envisagée en terme de potentialités, capacités en manque. Cette approche utilise moins les termes de pauvreté ou d'exclusion mais celui d'inégalités. Ici, la justice est en cause. La dimension économique est recouverte par la pauvreté, la dimension humaine par l'exclusion et la dimension morale par l'approche des « capabilités » (traduction littérale de capabilities). Que puis-je faire avec l'argent que j'ai ? Nous savons qu'un être humain ayant été à l'école, aura une meilleure santé, un meilleur travail, éduquera ses enfants... « Au lieu de mesurer la pauvreté d'après les revenus, Sen préconise de calculer ce que l'on peut réaliser avec ces revenus, tout en prenant en compte le fait que ces réalisations peuvent varier d'un individu à l'autre et d'un endroit à l'autre. »7 Cette définition de la pauvreté s'écarte des précédentes car elle ne mesurera pas un minimum vital universel mais ce que l'on peut faire avec ce que l'on a là où l'on réside. De plus, elle ajoute la notion de liberté dans la réalisation de ses capacités. Nous reviendrons sur ces notions dans la partie consacrée à Amartya Sen.

Essayons maintenant de regarder deux approches pour les comparer et tirer les

7 http://www.iadb.org/idbamerica/index.cfm?thisid=860 (publication pour la BID, Banque inter-américaine de développement.)

enseignements quant à une possible définition de la pauvreté ou de critères l'approchant. La première approche se fera à travers la pyramide de Maslow et la deuxième à travers les approches de l'économiste Amartya Sen et les travaux du PNUD. Nous regarderons alors l'approche du Secours Catholique dans les textes fondateurs de l'association.

1.2. La pyramide de Maslow et l'approche selon les besoins.

« La pyramide des besoins est une théorie élaborée à partir des observations réalisées dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow sur la motivation. L'article où Maslow expose sa théorie de la motivation, A Theory of Human Motivation, est paru en 1943. Il ne représente pas cette hiérarchie sous la forme d'une pyramide, mais cette représentation s'est imposée pour sa commodité. »8

Les besoins primaires, physiologiques que peuvent être la nourriture, le logement, la santé,... sont à la base de la pyramide. Ici, la lutte contre la pauvreté est centrée sur le fait de combler les manques. Selon Maslow, sans avoir rempli ce besoin ou ces besoins physiologiques, nous ne pouvons penser au deuxième niveau.

Le deuxième stade, le besoin de sécurité demande aussi une action sur les manques repérés. Puis le troisième stade est celui de l'appartenance, de l'amour. Nous avons besoin ici de sociabilisation. Les lieux pour cela sont le travail, la famille, les associations, les Églises,

8 http://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_besoins

etc. Imaginez un chômeur divorcé... Sa pauvreté n'est peut être pas encore une question d'argent (quoi que) mais plutôt celle de se retrouver seul... Un célibataire retraité qui n'a plus de famille ou qui en est loin,... Le niveau suivant est celui de l'estime de soi, de l'autre. Combien de gens qui ne s'aiment pas et se détruisent humainement ? Finalement, nous avons la réalisation de soi, être soi, pouvoir dire « je » devant ce que nous avons réalisé. Ceci me fait être moi ! C'est tellement important pour tout un chacun dans sa vie. Cela passe par des centaines de choses très différentes mais qui me font être moi car elle me donne de donner le meilleur de moi-même. Bon chemin dans la réponse à nos besoins, nos désirs d'être. Nous percevons que l'argent va lutter contre des niveaux de pauvretés mais pas tous. Des gens auront besoin d'autre chose, des lieux pour parler, pour rencontrer, se rencontrer, pour être estimés, enfin pour se réaliser, se prouver à eux-mêmes qu'ils sont et ainsi s'aimer, se reconnaître, être !

L'approche de Maslow a de nombreux avantages. Elle lie les besoins entre eux. Elle montre que les besoins physiologiques ne sont pas les seuls. Cela veut dire, entre autre, qu'un bon salaire ne suffira pas à faire le bonheur d'un Homme si celui-ci n'est pas reconnu dans son travail, n'est pas sur de le garder, etc. Lutter contre la pauvreté n'est donc plus qu'une question monétaire ou économique.

Cependant cette approche a des limites. Par expérience, nous savons qu'un être humain démuni financièrement, n'ayant pas à manger ou se loger souhaitera quand même parfois la reconnaissance ou l'appartenance à un groupe autant que le fait de manger. Nous citons parfois l'exemple de communautés africaines qui fêtent les évènements de la vie en pleine pénurie alimentaire. Vouloir prioriser les besoins est compréhensible et peut- paraître logique intellectuellement mais ne rentre pas forcément dans une logique humaine et culturelle donnée.

La pyramide de Maslow ne distingue pas les catégories de besoins et de désirs. En ce sens, Maslow ne prend pas en compte la notion de liberté de l'individu. Il reste cantonné à une approche selon les besoins. Il y a là une différence capitale avec l'approche du développement humain qui le comprend comme la mise en oeuvre de la liberté de choix.

Certains ont développé la pensée de Maslow en distinguant les deux notions de désirs (appelés ici aspirations) et de besoins9.

Ces tentatives complètent la théorie historique d'Abraham Maslow mais il reste néanmoins l'handicap de se centrer sur l'homme comme le but de l'action et non la solution ou l'acteur de celle-ci. En ce sens, la liberté de l'homme, sa capacité à faire des choix n'est pas évaluée, souhaitée ou considérée. Le titre du dernier schéma est évocateur : « Où se situe la satisfaction du besoin ? » Les auteurs restent centrés sur la satisfaction des besoins et nullement sur les possibilités, les capacités des personnes à évaluer leurs besoins. Comme nous l'avons vu, Maslow impose une hiérarchisation des besoins universels. Il serait pertinent de l'adapter à l'âge, aux contextes politiques, culturels et géographiques. Regardons maintenant une approche similaire mais qui se distingue par la place qui est faite à l'être humain. Ici, l'Homme n'est pas le but mais le centre de l'action. La lutte contre la pauvreté n'est pas seulement un but mais un processus.

9 Schéma conçu avec Gérard Proisy, Quadrature, organisme de formation en management. http://membres.lycos.fr/papidoc/573besoinsmaslow.html

1.3. L'approche à partir des capacités et la pensée d'Amartya Sen.

Amartya Sen est un économiste qui a reçu le prix Nobel d'économie en 1988 pour son approche sur les capacités. Sa théorie s'applique à repenser ce qui guide les individus dans leur vie, leur choix. « Ce n'est pas la seule recherche de la satisfaction personnelle, en termes de consommation de biens et services, qui guide les individus, mais plutôt le niveau de leur intégration sociale. »10 Cette pensée se démarque de la pensée actuelle que nous rencontrons chez nos politiques qui se base sur la consommation. Nous pourrions la caricaturer en disant : « Je consomme donc je suis ! ». Avec A. Sen, le but est de s'insérer dans la société.

A. Sen s'appuie sur une éthique de la liberté. Le développement est celui de la liberté d'où l'importance du choix des personnes et du travail à développer ce choix, à rendre aux personnes la capacité de choisir leur vie. « Mieux vaut s'appuyer sur une éthique qui accroisse la liberté des personnes, insérées dans leurs réseaux sociaux de droits et obligations, et qui leur donne les moyens de mieux fonctionner et d'être capables de choisir la vie qu'elles souhaitent vivre. »11

Finalement, cette pensée donnera naissance au concept de développement humain. L'humain n'est plus l'objet du développement, celui qui va permettre la croissance, la richesse mais le sujet du développement. Il y a un déplacement du point central de la pensée. De la consommation et la croissance économique comme centres du développement, nous passons à l'Homme . « L'intérêt excessif portée à la croissance économique, à la création de richesses et la prospérité matérielle a occulté le fait que le développement est avant tout centré sur la personne humaine, ce qui a comme effet regrettable de refouler l'être humain à la périphérie des débats sur le développement. »12

1.3.1. Le développement humain

Le développement humain s'appuie sur le développement des capacités des personnes qui ont besoin d'opportunités pour les développer. Un personne peut vouloir se nourrir et en avoir la capacité mais celle-ci peut être améliorée par l'accès à une alimentation de qualité. L'opportunité d'un crédit pour produire mieux est alors un appui à son développement. Les opportunités ne sont pas seulement économiques comme ici le crédit mais elles peuvent être politiques ou sociales.

10 Justice et Paix France, « Notre mode de vie est-il durable », Paris, Khartala 2005, p.1 64.

11 Idem.

12 Rapport arabe sur le développement humain 2002, « Chapitre 1, développement humain : définition, concept et aperçu général » p.17 http://www.undp.org/arabstates/ahdr2002.shtml

La croissance est alors un moyen du développement mais non une fin, elle va promouvoir un développement des capacités et donner des opportunités.

Le développement humain met en exergue la liberté de choix des personnes. « Les êtres humains doivent pouvoir influer sur les processus qui orientent leur vie. [...] le développement humain est le développement des individus, pour les individus et par les individus. »13

Par rapport à la théorie de Maslow, nous pourrions dire à la suite du rapport du PNUD : « Le concept de développement humain va plus loin que d'autres modèles de développement centrés sur l'individu. Le modèle basé sur la mise en valeur des ressources humaines met en avant uniquement le capital humain et traite l'être humain comme un apport

au processus de développement, et non comme son bénéficiaire. Le concept visant à combler les besoins fondamentaux met l'accent sur les besoins minimaux des êtres humains mais non sur leur choix. Celui qui vise à promouvoir le bien-être humain considère l'individu comme un bénéficiaire, mais non comme un participant actif au processus qui détermine les conditions de son existence. »14 En ce sens, le développement humain est tout autant un processus qu'une fin pour l'Homme. La lutte contre la pauvreté va lutter contre le manque de

capacités des personnes et de liberté de choix dans la mise en oeuvre des capacités offertes par les potentialités en présences. « La pauvreté est ainsi définie comme une privation de capabilités et l'inégalité comme le fait d'une distribution inégale de ces capabilités. Dans ce cadre d'analyse, le développement, lorsqu'il combat la pauvreté, cherche à renforcer les capabilités des agents ou, plus précisément, les libertés réelles d'agir et d'être qui sont conférées par leur statut de personne ou d'acteur social. »15 Il y aura aussi l'effort d'assurer une équité collective dans la détention des capabilités. « Cette vision alternative du développement permet, de manière très pertinente, d'envisager différemment le combat contre la pauvreté, en se préoccupant plus des restrictions dans la liberté d'agir et d'être, dues à la pauvreté, que du niveau de revenu ou de consommation qui en résulte. »16

1.3.2. Les formes de pauvreté.

L'approche en terme de capacités définit deux formes de pauvreté : pauvreté

13 Idem, p.18.

14 Idem, p.20. Nous avons souligné la phrase.

15 http://www.afd.fr/jahia/webdav/site/myjahiasite/users/Romain/public/Publications/N30_Amartya_Sen.pdf, p.200.

16 Idem; p. 201.

d'accessibilité et pauvreté de potentialités. 17

Dimensions du bien-être et formes de pauvreté

Dimensions économiques

Dimension
sociale

Dimension
culturelle

Dimensions
politiques

Dimension
éthique

Monétaire

Conditions de vie

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Pauvreté d'accessibilité

(manques et absence de satisfaction)

Manque d'accès
à l'emploi.
Absence de
revenu.
Impossibilité
d'acheter des
Produits.

Manque d'accès à la santé, à une alimentation équilibrée, à l'éducation, au logement, etc.

Exclusion
sociale.
Rupture du
lien social.
Problèmes de
genre.

Non
reconnaissance
identitaire.
Déracinement.

Absence de démocratie, de participation aux décisions.

Absence de normes. Corruption. Violence. Valeurs niées.

 
 
 
 
 
 
 

Pauvreté de
potentialités

(absence d'opportunités d'accumulation)

Absence de
capital physique
(équipement,
terrains, biens
durables) et
financier
(épargne, crédit)

Insuffisance de capital humain (peu d'éducation, mauvaise santé)

Insuffisance de capital social (manque de cohésion

sociale,
relations de
faible niveau)

Insuffisance de « capital culturel ». Absence de fond culturel commun.. Sous-culture.

Absence ou
insuffisance de
« pouvoir », de
moyens
d'expression,
d'informations.

Insuffisance de
normes ou
valeurs
partagées :

« capital d'éthique »

 
 
 
 
 
 
 

Les pauvretés d'accessibilité et de potentialités recouvrent toutes les dimensions de la pauvreté. Nous gardons dans ce schéma la dimension plurielle de la pauvreté. L'exclusion sociale est intégrée au schéma et n'est plus une dimension « autre » de la pauvreté.

La pauvreté d'accessibilité va conditionner la pauvreté de potentialité. Si vous n'avez pas accès à la santé, vous ne pouvez avoir accès au potentiel de vie qui est en vous. Mais ayant accès à la santé, vous n'avez pas forcément l'éducation ou eu une transmission de valeurs collectives qui vous donnera le potentiel de mettre en oeuvre une vie saine. Ici, les pauvretés sont donc liées même si hiérarchisées.

La lutte contre la pauvreté va donc prendre le nom de « renforcement des capacités » qui va articuler un renforcement de l'accessibilité et un renforcement des potentialités. Ceci pourra se traduire par un travail d'accès aux droits ou d'éducation aux droits des personnes

17 Justice et Paix France, o.c., tableau p.1 66.

mais aussi de programmes de santé, alimentaire, mise en place d'un corpus législatif, etc. Pour les potentialités, un travail sur le capital environnemental sera nécessaire. Le terme environnemental compris dans un sens large, incluant l'environnement social, politique, culturel, religieux, éthique et économique.

Même si ce travail est nécessaire, il ne peut être insuffisant. Nous pouvons donner accès à la lecture à une population, lui donner accès à des diplômes. Par exemple, ayant accès à une formation professionnelle, un « RMIste »18 va accroître son capital social et économique. Il pourra mieux être et faire. Cependant, il lui restera le poids de l'étiquette

« RMIste » à l'embauche. Même s'il développe son potentiel d'employabilité, il reste vulnérable. « Autrement dit, une personne peut se voir empêcher d'utiliser à bon escient ses propres atouts car des contraintes l'empêchent de saisir les opportunités qui se présentent à elle. »19 Lutter contre la pauvreté doit prendre en compte l'environnement des personnes pour planifier des stratégies de réduction de ses formes diverses.

1.4. L'approche pragmatique au Secours Catholique. La pauvreté, une notion en évolution dans les textes.

1.4.1. L'article 1 des statuts

Le Secours Catholique est une association régie par la loi de 1901 et créée en 1946 par l'Abbé Rodhain. La valeur fondatrice de l'association pourrait sembler être la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Dans les statuts du Secours Catholique de 1946, nous lisons :

« Apporter, partout où le besoin s 'en fera sentir, à l'exclusion de tout particularisme national ou confessionnel, tout secours et toute aide directe ou indirecte, morale ou matérielle, quelles que soient les options philosophiques ou religieuses des bénéficiaires. » Art. 1.

Les texte est centré sur les besoins de la personne et non sur son capital humain. La valeur est celle de l'assistance et non de développer les capacités de la personne. Ceci se ressent fortement dans la structure des équipes locales du Secours Catholique et dans l'environnement de l'association. « Nous sommes là pour aider » me répète t-on lors de visites sur le terrain durant le stage pratique.

Ces statuts de 1946 datent. Ils n'ont pas été revus par l'association et ceci serait
difficile ou ferait naître des débats compliqués, coûteux et longs. L'association a pris le parti

18 Personne vivant avec le R.M.I. (Revenu Minimum d'Insertion)

19 Justice et Paix France, o.c., tableau p.1 69.

de revoir ses objectifs périodiquement et non ses statuts. C'est ainsi qu'en 1986, l'association a mis en avant « la place et la parole des pauvres » au sein de l'association. En 1996, l'association proclamait les « axes ». Au nombre de trois, ils voulaient mettre en oeuvre cette phrase emblématique « S'associer avec les personnes pour construire une société juste et fraternelle. ». Cette phrase mériterait des développements. Le 's' de « s'associer » est là pour rappeler que la personne est présente dès le début et jusqu'à la fin du projet d'une société juste. Nous n'associons pas les personnes une fois le projet lancé mais elles sont au commencement, elles sont les instigatrices du projet. Cette phrase s'appuie sur la pensée du Père Joseph Wresinski, fondateur du mouvement ATD Quart Monde. « Les pauvres sont nos maîtres en humanité ». L'idée centrale est que les pauvres vivant la pauvreté la connaissent. Ils ont les armes pour la combattre. Le Secours Catholique n'adhérera que difficilement à cette vision qui repositionne le bénévole autrement. Il n'est plus celui qui donne mais celui qui accompagne, qui s'associe. Cpauvree nouveau positionnement déroute le bénévole, lui fait changer de positionnement. La personne accompagnée aussi. De quelqu'un qui vient remettre la responsabilité d'un problème à quelqu'un d'autre, il repart avec sa responsabilité dans ce nouveau schéma. La personne n'est plus à « aider » mais à soutenir, à renforcer son accessibilité aux besoins essentiels et à renforcer son capital humain. Nos réponses alimentaires et financières classiques deviennent assez vite caduques. Il faut alors inventer d'autres réponses à partir des personnes. Nous n'avons plus « nous » les solutions mais elles sont partagées avec les personnes qui sont au centre du processus et non plus à la périphérie.

1.4.2. Les 3 axes de 1996.

« 1. Promouvoir dans un réseau ouvert à tous, la place et la parole des pauvres par des actes créateurs de dignité, de solidarité et de partage. »

Nous retrouvons l'intuition de 1986 de la place et de la parole des pauvres. L'association reconnaît aux pauvres la potentialité de poser des actes créateurs et ainsi renforcer leur capacité. Le pauvre n'est plus « une bouche à nourrir » mais a d'autres besoins que l'on reconnaît. Il a le besoin de créer, d'aimer, d'être solidaire, de partager. Nous rejoignons les niveaux supérieurs de la pyramide de Maslow. L'idée de réseau est là aussi intéressante. Nous ne sommes plus seulement dans un accueil individuel qui avait été l'idée phare de l'institution dans les années 80. La personne a vocation à s'insérer dans un réseau. Elle n'est plus seulement un individu en dehors de tout contexte mais une personne ayant des communautés

d'appartenance.

« 2. Agir pour la transformation sociale et la justice à partir de l'échange avec les pauvres, par la réalisation de projets et l'action institutionnelle, au plan local, national, et au sein du réseau Caritas au plan international. »

Ce deuxième axe valide le tournant de l'association. D'une association de réponses aux besoins comme le mentionne l'article 1 des statuts, le Secours Catholique veut agir sur les causes. « A partir de l'échange avec les pauvres » : ceci laisse présager que le pauvre est associé à la démarche mais que c'est le Secours Catholique qui mène l'action. Ceci se vérifie dans les faits. Par exemple, la campagne de plaidoyer au moment des élections présidentielles et législatives de 2002 « Candidats, tu m'écoutes » a été pilotée par le siège national, mise en oeuvre par les délégations et les pauvres ont participé. Malgré cet écueil, ce nouvel axe lutte contre la pauvreté d'accessibilité. Il développe une action institutionnelle qui veut affronter les causes de la pauvreté. Là-encore, l'action n'est pas seulement individuelle mais envisagée au niveau sociétal ; « transformation sociale ». Elle est aussi envisagée dans une globalité planétaire. Le terme de mondialisation n'est pas encore dans les textes mais cet axe le présage pour la suite.

« 3. Vivre, par l'action et la parole des pauvres, la mission reçue en Eglise, pour rendre Dieu présent dans la vie des hommes et témoigner de l'Evangile. » Le troisième axe veut prendre en compte la dimension spirituelle des personnes.

En 2006, l'association entre dans une stratégie d'association des acteurs et met en place la construction d'une planification stratégique. Si celle-ci a associé un nombre important d'acteurs au sein de la structure, les personnes en difficulté n'étaient que peu présentes et associées au processus. Il en résultera la promulgation des 6 orientations nationales.

1.4.3. Les orientations 2006

« Orientation N° 1 : Renforcer notre soutien aux personnes et territoires les plus marginalisés ou isolés, par la mise en réseau et le partenariat.

Orientation N° 2 : S'associer avec les personnes rencontrées, par un accompagnement fraternel et par l'action collective.

Orientation N° 3 : Agir sur les causes de la pauvreté en s'engageant avec les personnes qui la subissent.

Orientation N° 4 : Renforcer l'engagement international de tous les acteurs du réseau, en développant notamment, des collaborations concrètes entre les délégations et les Caritas.

Orientation N° 5 : Favoriser et soutenir l'engagement solidaire de tous en adaptant nos actions, nos formations et notre communication.

Orientation N° 6 : Oser vivre la fraternité avec les pauvres en Eglise et partager ensemble la recherche de sens. »

Au nombre de six, l'association perd de la lisibilité par rapport aux axesqui étaient au nombre de trois. Elles n'ont pas de phrase emblématique. De plus, ces orientations ont fait naître une réorganisation des territoires non achevée à ce jour. Plus d'une année a passé et la mise en oeuvre concrète n'est guère programmée, accompagnée et évaluée. Elle reste au bon vouloir des acteurs locaux. Aucune directive, aucun plan d'action officiel, aucun planning de réalisation et d'indicateurs de résultats. La culture de l'association est en but à sa structure bénévole. Son siège composé majoritairement de salariés est en but à des structures décentralisées majoritairement bénévoles. Le siège de l'association n'ose et ne peut imposer des directives. Les orientations incarnent la pensée du siège mais pas forcément du terrain. Nous le verrons dans notre troisième partie.

La première orientation fait état d'une richesse et d'une faiblesse de l'association. Elle se base majoritairement sur le bénévolat : « un réseau de bénévoles ». Ceux-ci sont presque exclusivement des français d'origine et Catholique ce qui constitue des forces vives et unies dans un même but et des valeurs communes. Le résultat est aussi la présence d'équipes locales dans des zones plutôt protégées socialement et des territoires traditionnellement catholiques. Par exemple, la Vendée a plus de 2000 bénévoles pour un territoire de 539 664 habitants20 quand la Seine-Saint-Denis a 500 bénévoles pour un département de 1 382 861 habitants.21 Le Secours Catholique décide dans cette première orientation de renforcer sa présence en fonction d'une analyse territoriale. Connaissant la difficulté de recruter des bénévoles dans ces territoires marginalisés, il décide d'agir par la mise en réseau et le partenariat. C'est aussi la première fois qu'apparaît le terme de « territoire » dans un texte officiel. C'est approche

« territoire » veut faire droit au contexte dans lequel est une personne. Nous n'accompagnons plus une personne individuellement mais dans un contexte territorial particulier. En ce sens, le

20 orientationemploiChiffre de l'INSEE : http://www.insee.fr/fr/insee_regions/pays-de-laloire/zoom/chif_cles/fregdep/fdep85.htm

21 http://www.insee.fr/fr/insee_regions/idf/zoom/chif_cles/fregdep/fdep93.htm

Secours Catholique rejoint les approches actuels du développement local.

Les orientations 2 et 3 reprennent les intuitions des axes de 1996. Les orientations 4 et5 font droit au soutien du réseau Caritas mais dans un partenariat concret pour sortir du soutien financier simple. La volonté est d'appliquer aux Caritas ce que nous essayons de vivre avec les pauvres en France. L'orientation 5 fait état d'un changement dans le bénévolat. Une professionnalisation22 est inéluctable ainsi qu'une meilleur communication pour se faire connaître mais aussi éduquer à la charité.

1.4.4. Le travail d'appropriation des orientations nationales au niveau local

durant le stage pratique.

Le travail du stage a été de traduire ces orientations, les faire connaître, les promouvoir, découvrir leur potentialités. Nous sommes partis des pauvretés repérées, rencontrées par les bénévoles. Ceci a donné lieu à un écrit.23 Nous remarquons assez vite que ce texte décrit les pauvres comme des gens « sans ». Des sans papiers, sans emploi, sans formation, etc. A aucun moment, ces personnes nommées sont notées comme ayant un capital humain, social, économique ou politique. Leur capacité n'est pas envisagée. Elles sont perçues en terme de manques et d'incapacités. La réponse sera donc de les combler sans forcément renforcer leur capacité. Nous avons alors mis les réponses que nous apportons en face des pauvretés rencontrées. A ce stade, les bénévoles ont été invités à réagir et voir ce qui pouvait être amélioré. Nous avons alors eu des groupes de paroles24. Ces moments se sont fait avec les responsables d'équipes dans un premier temps puis avec tous les bénévoles de l'association pour compléter, amender, transformer le travail ainsi fait. Ceci a donné lieu à des orientations diocésaines25. Nous nous apercevons que là, la place des personnes n'est plus envisagée dans les mêmes termes. Les orientations ne varient guère des orientations nationales mais elles sont basées sur leurs propres mots d'où une appropriation plus grande. La mise en place des objectifs locaux d'équipes découlera de cette mise en orientations diocésaines. Les orientations nationales étaient restées comme de belles affiches dans quelques salles d'accueil

22 « Les bénévoles sont souvent présentés comme des « non professionnels » (au sens de non contractuels et non rémunérés) mais ils aspirent et revendiquent « la capacité d'agir comme des pros » (au sens de savoir gérer une situation professionnelle complexe). »

www.cg49.fr/medias/PDF/themes/culture_sports/bdp/boite_outils/Professionnalisation%20des%20b%E9n %E9voles.pdf

23 Annexe 1

24 Notion courante au Secours Catholique que nous définirons comme groupe d'échange animé par un animateur repéré.

25 Annexe 2

ou de réunions, elles ont commencé à s'incarner dans l'action des équipes. Nous restons cependant en deçà d'une dynamique de cycle de projet qui associeraient les personnes à l'analyse des pauvretés pour construire avec elles des projets de lutte contre la pauvreté. C'est pour cela que les premiers objectifs des équipes qui apparaissent se focalisent sur la relation aux personnes plus que des projets de personnes. Ce sera une étape à franchir dans les années à venir. Nous restons sur les manques des pauvres et non sur leur capital, leur potentialité. Les bénévoles restent sur le « Qu'as-tu besoin ? » et non « J'ai besoin de toi, Lève-toi et marche! Ou quel projet ensemble ? ». Cependant cette exercice a révélé une chose essentielle. Quand les bénévoles sont mis en face des personnes, le discours change, le diagnostic change. Des personnes vues comme des « sans » mises en face des actions ou des tentatives de réponses, les bénévoles acquiescent sur le fait de la non correspondance des actions et des manques des personnes. Nous reviendrons sur la place des personnes dans la lutte contre la pauvreté au sein du Secours Catholique comme moteur de transformations personnelle et institutionnelle.

2. Quels indices pour évaluer la pauvreté ?

Après avoir défini la pauvreté, une évaluation est possible. Il nous faut cependant des indicateurs. Nous regarderons du côté du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) les indices qu'il développe pour les contextualiser à notre réalité et faire des propositions.

Une seconde préoccupation est la relation que nous aurons à la définition. Prenant le parti d'une vision de la pauvreté selon les capacités, la vision que nous avons du travail à faire est centrée sur la personne, son bien-être, entendu comme capacité à être et faire, et non plus sur la seule réponse à ses besoins, soient-il envisagés comme pluridimensionnels et essentiels. Le bien-être est le concept central de la finalité recherchée. Le bien-être n'est pas envisagé comme un hédonisme creux mais comme comme la capacité d'exercer sa liberté d'Homme au sein d'une communauté de personne.

2.1. Évaluer une action ; des résultats et des processus ainsi que des impacts.

Si nous pouvons penser que la croissance améliore le niveau de vie, nous savons aujourd'hui qu'elle ne diminue pas nécessairement la pauvreté en raison des inégalités. La France en est un exemple : « Au cours de la dernière année connue, 2005, le taux de pauvreté s'est sensiblement aggravé passant de 11,7% à 12,1%. [...] Pour être clair, 260 000 personnes

sont devenues pauvres. »26 Alors que le PIB (Produit Intérieur Brut) de la France a augmenté la même année.

Nous pouvons donc avancer que l'évaluation des politiques publiques nécessite une refonte de leurs indices. Les politiques publiques évaluent traditionnellement les résultats de leurs actions et peu les processus. De ce fait, les évaluations se concentrent sur le quantitatif. Ceci est cohérent avec la pensée qui est sous-jacente. La croissance permet de lutter contre la pauvreté. C'est le facteur essentiel de développement.

« Sen construit son approche en réaction à l'utilitarisme classique : il remet en cause la mesure du bien-être, fondée sur l'utilité qui, appliquée au développement, ne prendrait en compte que le revenu disponible permettant à l'individu de consommer. Selon Sen, cette approche est restrictive. [...] L'évaluation du niveau de vie comprend aussi des composantes non monétaires (sociales, environnementales, etc.) »27 Ici, l'évaluation ne se concentrera pas exclusivement sur des indicateurs quantitatifs mais aussi qualitatifs qui permettent de rendre compte de la complexité du contexte.

Cette ouverture dans le champ de l'évaluation apportée par l'approche selon les capacités nous amène à aller encore plus loin en ce qui concerne la place des bénéficiaires de l'action. Dans une approche par la quantité, les commanditaires de l'action fixent les objectifs et les indicateurs de résultats. Ils sont donc les évaluateurs de leurs indicateurs. « L'évaluation dite « par le bas » (ou down top), sans refuser l'analyse des dispositifs administratifs, met précisément l'accent sur les comportements et les représentations des « cibles sociales » au moyen d'« ethno-méthodes », qui décrivent les comportements des acteurs. »28

Cette ouverture dans la compréhension de l'évaluation porte à envisager l'impact des politiques publiques, des impacts économiques et sociaux désormais liés.

La Banque Mondiale a retenu l'analyse sociale en regroupant en trois catégories les objectifs du développement social : l'inclusion sociale, l'autonomisation individuelle et collective et la sécurité comme « gestion améliorée des risques sociaux résultant des interventions de développement. »29

Cette démarche a amené la Banque Mondiale à publier en 2003, le guide des impacts sur la pauvreté et le social (le PSIA, Poverty and Social Impact Analysis)30. « L'analyse des

26 Martin Hirsh, dans Le Monde, « Objectif : - 2 million de pauvres », édition du 01.09.2007.

27 Agence Française du Développement, Sous la direction de Valérie Reboud, « Amartya Sen, un économiste du développement ? », 2006, p.1 87-188.

28 Idem, p.189.

29 Idem, p.190.

30 www.worldbank.org/psia

impacts sur la pauvreté et le social (AIPS) se réfère à l'analyse de l'impact distributionnel qu'ont les réformes politiques sur le niveau de vie ou le bien-être de différents groupes de personnes concernées par les réformes, tout en accordant une attention particulière aux populations pauvres et vulnérables. »31 Les bénéficiaires sont présents dans l'action. Les éléments économiques et sociaux sont liés et les parties prenantes sont envisagées dans leur ensemble. L'impact est pensé avant même le projet, pendant celui-ci et après, c'est à dire, tout au long du cycle de vie du projet. Les impacts sur le mode de vie, les impacts culturels, communautaires, sur les commodités/qualité de vie et sur la santé sont pris en compte. Les analyses essaient de prévoir les changements potentiels pour tenter de réparer les injustices prévues ou les déséquilibres. Le but étant de regarder les impacts sociaux du développement économique et les impacts économiques des développements sociaux en considérant et portant attention aux bénéficiaires et parties prenantes du projet.

Au cours du stage, nous avons rencontré la volonté de travailler à la problématique des Rroms. Ces populations d'Europe de l'Est bénéficient actuellement d'une MOUS (Maîtrise d'Oeuvre Urbaine et Sociale) sur la ville d'Aubervilliers. La mairie a donc mise à disposition des populations qui étaient dans des « cabanes » de bois des caravanes puis des mobil-homes pour intégrer ces populations à la France. Sans avoir fait d'évaluation d'impact, nous pouvons décrire le projet comme ayant considéré que ces populations sont sédentaires et que travailler sur le logement est un point positif. Cependant, le projet n'a pas pris en compte la culture communautaire de ces populations. De fait, le projet vise à faire sortir des mobil-homes les populations dans les trois ans en vue d'un logement pérenne. Les populations n'auront alors plus de contacts entre elles. Elle n'auront plus de « chef » qui est un élément de leur structuration commune. Enfin, les mobil-homes sont occupés à conditions très favorables. Qu'aura à gagner une famille à intégrer un appartement plus cher et à payer des charges de copropriété avec des colocataires inconnus et sans chef. L'analyse d'impact sur la pauvreté et le social (AIPS) se doit de le prévoir et mettre en place des mesures de corrections des problématiques produites par le projet ainsi que l'association des populations concernées. Nous voyons que l'analyse sociale n'annule pas le projet prévu mais lui demande des réorientations au cours du processus. Il ne gage pas forcément de réussite l'action mais permet d'éviter des déséquilibres sociaux qui pourraient mettre à mal la durabilité du projet. Ces

31 Guide pour l'Analyse des Impacts sur la Pauvreté et le Social, P. 1. wwwwds.worldbank.org/.../000090341_20041104122952/Rendered/PDF/304050FRENCH0PSIA0Users0Guide01 may020031.pdf

approches permettent d'envisager les droits des personnes, un niveau de vie respectant la satisfaction des besoins et l'autonomie individuelle et collective. Là-encore, l'évaluation ne se fera pas seulement sur le résultat mais tout autant sur la qualité du processus mis en oeuvre et en associant les personnes concernées.

« Maintenant, les autres dimensions du bien-être et de la pauvreté tels que les indicateurs de développement humain et de développement social abordant le risque, la vulnérabilité et, le capital social font l'objet d'une réflexion plus approfondie. En entreprenant l'AIPS, l'analyste devra choisir les indicateurs appropriés du bien-être et de la pauvreté basés sur le pays et le contexte des politiques et réformes. » 32 Ayant vu dans notre première partie une possible définition de la pauvreté à partir de l'approche selon les capacités, nous venons de regarder l'évaluation de ce qui peut se faire pour lutter contre elle. Nous ne pouvons agir sur la pauvreté sans prendre en compte les conséquences liées entre les secteurs économiques et sociaux. Nous ajoutons aussi le secteur environnemental pour une durabilité tant écologique que sociale et économique du mode de développement mis en oeuvre. Regardons maintenant quelques indices synthétiques33.

2.2. Les indices de pauvreté du PNUD (IDH-IPH)

2.2.1. l'IDH et l'IDH-2

Le premier indice connu est le PIB (Produit Intérieur Brut). Il se concentre sur la production et l'accumulation des biens d'une société. Celui-ci se concentrant uniquement sur l'économie, il ne permet pas d'évaluer entièrement la pauvreté. Même s'il est complété par le PIB en PPA (Parité de Pouvoir d'Achat) pour essayer de lui rendre une vérité plus grande en fonction du contexte de la population, il reste un déficit d'angle de repérage du caractère pluridimensionnel de la pauvreté. C'est aussi un indice qui se focalise uniquement sur le quantitatif. A partir des travaux d'Amartya Sen, le PNUD a développé un autre indice à la fin des années 1980 ; l'IDH (Indice de développement humain).

Cet indice veut répondre à la pauvreté d'accessibilité et de potentialités, à une vision de la pauvreté à partir des capacités. Trois capacités à acquérir sont mises en avant : les capacités à bénéficier d'une longue et saine vie, d'accéder à une éducation et aux connaissances et d'avoir accès aux moyens financiers permettant de répondre à ses besoins

32 Idem, p.4

33 « Un indice synthétique est une grandeur composite qui résume un ensemble d'indices simples basés sur des grandeurs hétérogènes »

essentiels. L'IDH retient trois dimensions : « L'indicateur du développement humain (IDH) est un indicateur composite qui mesure l'évolution d'un pays selon trois critères de base du développement humain : santé et longévité (mesurées d'après l'espérance de vie à la naissance), savoir (mesuré par le taux d'alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation combiné du primaire, du secondaire et du supérieur), et un niveau de vie décent (mesuré par le PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat en dollars US (PPA)). »34

Pour notre contexte de Seine-saint-Denis et plus globalement de Région Ile de France : « L'application de cet indice à l'échelle régionale est apparue peu adaptée pour plusieurs raisons. Le taux d'alphabétisation qui a une signification dans le cas d'une comparaison

internationale perd de sa pertinence à l'échelle de la région et plus largement dans le cas des pays développés. La deuxième limite tient à la « perméabilité » des limites régionales et à la signification des indicateurs calculés à l'échelle régionale. Ainsi, le PIB régional reflète-t-il moins le niveau de vie des Franciliens que la forte concentration de sièges sociaux et d'entreprises en Ile-de-France. Il en va de même du taux de scolarisation surévalué du fait de l'attractivité et de la concentration des structures universitaires et des écoles dans la région capitale. »35 Nous verrons les atouts des indices synthétiques mais nous devons reconnaître que l'IDH est peu adapté à l'Ile de France. Il reste néanmoins un indicateur pertinent et s'imposant au niveau international et en particulier pour les pays les moins avancés selon les catégorisations du PNUD (pays développés/pays moyennement avancés et pays les moins avancés).

C'est en ce sens que le rapport de l'IAURIF propose un indice de développement humain adapté à notre contexte, l'IDH-2. Ce nouvel indice pour « pays riches » reprend les trois dimensions de l'IDH historique mais diffère parfois dans les méthodes de calcul et dans les indicateurs retenus.

Pour la capacité à une vie longue et saine, l'espérance de vie, le même indicateur est

retenu.

Pour la capacité d'accès à l'éducation et aux connaissances, « il s'agit du pourcentage de la population de plus de 15 ans (non scolarisée) diplômée. »36 Cela permet d'évaluer l'efficacité du système éducatif en vigueur d'une part et d'autre part nous avons accès à des

34 Rapport mondial sur le développement humain, P.226. http://hdr.undp.org/reports/global/2005/francais/ Nous mettons en annexe 3 le mode de calcul des indicateurs synthétique du PNUD (P.352 du rapport 2005).

35 Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Ile-de-France (IAURIF), « Les indices synthétiques du PNUD : IDH, IPH, IPF en région Ile-de-France », Paris, 2007.

36 « Les indices synthétiques du PNUD : IDH, IPH, IPF en région Ile-de-France », o.c., p.34

données très fines allant jusqu'au niveau communal.

Pour la capacité d'accès aux moyens financiers permettant de répondre à ses besoins essentiels et avoir un niveau de vie décent, « la médiane des revenus fiscaux des ménages par unité de consommation, exprimé en euros, et que nous avons décidé de traduire en dollars US et en parité de pouvoir d'achat (par soucis de mimétisme avec l'IDH) » est l'indicateur retenu. L'avantage est de se concentrer sur les familles plus que les entreprises qui contribuent au calcul du PIB. Avec cette méthode de calcul, l'IDH-2 des départements d'Ile de France est calculable et donne des résultats probants quand aux territoires. La Seine-Saint-Denis est le département avec l'IDH-2 le plus faible (0,624) derrière la moyenne nationale, elle-même derrière tous les autres départements d'Ile de France. Ceci permet de révèler les inégalités de territoires au sein d'une même région. Le rapport va même plus loin pour les communes de la petit couronne parisienne. Les inégalités se révèlent être parfois très forte. « En l'an 2000, au sein de la petite couronne, la médiane communale des revenus des ménages (par unité de consommation) allait de 8.155 euros sur la commune de Clichy-sous-Bois à 34.143 euros à Neuilly-sur-Seine... soit un rapport de 1 à 4,2 ! »37

Ceci révèle que la Seine-Saint-Denis, en dessous de la moyenne nationale, demande un traitement à part. Nous pouvons comparer les autres départements entre eux mais la Seine- Saint-Denis pourrait avoir un indicateur spécifique du à sa situation particulière. Nous y reviendrons dans notre prochain chapitre.

2.2.2. L'IPH1 et l'IPH2

L'IPH ou indice de pauvreté humaine. Cette indice est né après l'IDH. Il existe sous deux formes. L'IPH-2 pour certains pays de l'OCDE38 et l'IPH-1 pour les pays en développement. Il révèle les difficultés que nous avons pu rencontrer avec l'IDH, indice révélateur de dysfonctionnement et/ou d'avancée pour les pays moyennement développés mais difficilement applicable dans un contexte de pays avancés comme peut-être la France aujourd'hui.

L'IPH est comme l'IDH à l'envers. Il se focalise sur ceux qui ne profitent pas du développement. Il est donc central dans notre réflexion sur la pauvreté et le développement. « Alors que l'IDH mesure le niveau moyen atteint par un pays donné, l'IPH-1 s'attache aux carences ou manques observables dans les trois dimensions fondamentales déjà envisagées

37 Idem, p.43

38 Organisation de coopération et de développement économiques.

par l'indicateur du développement humain. [...]L'IPH-2 mesure les carences sous les mêmes aspects que l'IPH-1, en y ajoutant l'exclusion. Il comporte donc quatre variables : »39

Les indicateurs retenus pour chacune des dimensions sont :

- La probabilité à la naissance de ne pas atteindre 60 ans (vie longue et saine)

- Le taux d'illettrisme des adultes (16-65 ans) (éducation et connaissances)

- Le pourcentage de la population en dessous du seuil de pauvreté (moyens pour répondre à ses besoins et niveau de vie)

- L'exclusion est mesuré par le taux de chômage de longue durée (plus d'1 an) L'IPH-2 en Ile de France :

Là encore, la Seine Saint Denis se retrouve en dernière position derrière la moyenne nationale.

L'IPH comme l'IDH sont intéressant pour comparer des territoires. En ce sens, ils nous révèlent les difficultés d'un département comme la Seine-Saint-Denis dans sa région et même au niveau français. Cependant, ces indices ne nous ont pas permis d'avoir une vue temporelle. Nous sommes restés sur des comparaisons territoriales.

2.3. Un indice pour la Seine-Saint-Denis, lieu du stage.

D'autres indices que ceux du PNUD existent. Nous pensons ici à l'ISS (Indice de Santé Sociale) et au BIP 40.

2.3.1. I.S.S. et BIP 40

L'I.S.S. a été développé aux Etats-Unis. L'intuition qui a prévalu à l'élaboration de cet indice est le fait que nous ne savons pas évaluer la pauvreté autrement qu'avec le PIB. Nous parlons de santé économique d'un pays mais comment pourrions nous envisager la santé sociale d'un pays ? L'intuition, ici, n'est pas de comparer des territoires comme ce fut le cas des indices du PNUD mais d'envisager la santé sociale sur un territoire et son évaluation dans le temps40. Un des avantages de l'indice est de provoquer le débat et de mettre en lumière des zones de pauvreté dans un contexte d'abondance, en l'occurrence, les Etats-Unis. Les auteurs de l'indice ont développé 16 indicateurs en fonction de l'âge. Ils ont retenu quatre tranches

39 Rapport mondial sur le développement humain, o.c., p.354

40 Les données planchers et plafonds retenues sont élaborées en fonction du temps et non en fonction de comparaison territoriale.

d'âges : enfance, jeunes et adolescence, âge adulte et personnes âgées. L'idée est que chaque tranche d'âge rencontre des difficultés différentes.

Ce tableau publié en 1995 dans la revue Challenge a amené une popularité à l'indice41. Quand on voit chuter l'ISS, le PIB « s'envole » ! Ce tableau ne dit pas que l'ISS est plafonné à 100 par la méthode de calcul quand le PIB ne l'est pas. Les méthodes de calcul ne les rendent pas comparables mais de fait, le tableau pose question et c'est là son objet. De plus, l'ISS peut être évalué dans le temps. Il peut être analysé, savoir quels indicateurs évoluent positivement ou non. Cela donne des tendances qui donnent lieu à des commentaires et des débats.

En France, il a été développé un autre indice, le BIP 40. Il fonctionne de la même manière que l'ISS ou presque. C'est un peu comme l'IDH et l'IPH. Si l'ISS est la mesure de la santé sociale, le BIP40 (en référence provocante au PIB et au CAC40) mesure la pauvreté et les inégalités. C'est l'ISS à l'envers mais construit différemment. Les tranches d'âge ne sont pas retenues. L'indice recherche à couvrir tous les domaines de la pauvreté et des inégalités. Il y a six catégories retenues : Emploi, Logement, Pauvreté, Revenus, Travail et Santé. Ces six catégories sont alors agrémentées d'indicateurs42. Le problème que nous rencontrons avec le BIP40 comme avec d'autres indices est sa contextualisation à la région Île de France. Non pas que l'indice ne soit pas adapté mais ses sources de données sont nationales et ne sont pas

41 Cité par « Les indices synthétiques du PNUD : IDH, IPH, IPF en région Ile-de-France », o.c., p.82

42 Pour l'ensemble des indicateurs : www.BIP40.org

régionalisables. Le BIP40 est un indice national uniquement. Il se peut qu'un jour, des travaux soient entrepris pour pallier cette ennui mais dans l'état actuel des publications du Réseau d'Alertes sur les Inégalités (RAI) qui édite le BIP 40, il n'y a pas de données disponibles pour les régions.

2.3.2. Un indice spécifique pour la Seine-Saint-Denis à partir des pratiques du stage.

Le rapport de l'IAURIF que nous avons suivi propose un schéma pour la mise en place d'un indice43.

A partir de ce que nous avons expérimenté durant le stage nous pensons que certaines données mériteraient de rentrer dans un tel schéma. La différenciation en fonction des classes d'âge comme le propose l'ISS nous paraît très intéressante et correspond aux thèmes du schéma. Ceci permet de prendre en compte l'accès à différentes structures des tranches d'âge considérées ce qui correspond aux indicateurs.

Indice de pauvreté
en Seine-Saint-Denis

Indicateur (I)

EnfanceAdolescence Adulte Personnes âgées

I

I

I

I

I

I

I

I

I

I

43 p. 90

2.3.2.1. L'enfance (0 - 7 ans)

- Les places de crèches pondérées avec le nombre d'assistances maternelles. Ces données

sont disponibles à l'échelle départementale et depuis plusieurs années. Cela est d'autant

plus capital dans le cas de familles mono-parentales de plus en plus nombreuses. - L'accès à l'école dès 3 ans. Ce n'est pas une évidence dans le département.

- L'accès des enfants à une alimentation équilibrée et diversifiée, l'accès aux jeux.

2.3.2.2. Jeunesse et adolescence

- L'accès aux centres de jeunesse, aux maisons de la culture ou aux structures leur étant destinés. Sachant qu'un jeune sur 3 à moins de 20 ans en Seine-Saint-Denis, ce point aurait une pondération importante.

- L'accès à l'école et le choix de l'école. Comme nous l'avons dit dans notre première partie, il y a la question de l'accès mais aussi celle du choix dans la pauvreté. Maintenant que la carte scolaire est remise en cause, il pourrait être intéressant de regarder l'effet d'une telle mesure en Seine-Saint-Denis.

- La présence d'une école de la deuxième chance et son accès.

- L'accès aux communications internet qui conditionne aujourd'hui l'insertion dans la société.

- L'accès au premier emploi et le nombre de stages effectués avant celui-ci.

- Le taux de suicide des jeunes et la participation à la vie associative.

- Le taux de satisfaction quant aux lieux de vie.

2.3.2.3. Age adulte

- L'accès aux transports, stations de métro, de RER, de Bus sur la commune, les communes limitrophes, le département. Le focus sur la commune est primordial dans des villes comme Clichy-sous-Bois où pour aller à Paris ou en Seine-Saint-Denis, il n'y a aucun RER, tram ou train mais seulement un bus pour rejoindre un RER qui rejoindra un métro !

- L'accès au logement et le choix du logement. En Seine-Saint-Denis, la question est majeure. Il faudra prendre en compte la question épineuse et controversée des sans- papiers.

- L'accès à la santé. L'hôpital le plus proche et le choix de l'hôpital. Le nombre de lits et de services disponibles.

- L'accès au travail et/ou aux minima sociaux. La corrélation des deux est importante quand on sait que de plus en plus de travailleurs n'ont pas de logements par faute de revenus conséquents. Dans ce cas précis, le travail en contrat précaire offre des données capitales.

- L'accès aux papiers pour les étrangers et le choix du lieu/pays de résidence.

- L'accès à une religion et à une Église sur son territoire. La Seine-Saint-Denis compte 197 nationalités repérées44. Sachant que la plupart des pays du monde ont des pratiques religieuses importantes, cette accessibilité et ce choix sont importants pour le bonheur des gens afin de bien-être et faire.

2.3.2.4. Les personnes âgées.

- Les places en maison de retraite, long séjour et maison médicalisée pour les personnes âgées.

- L'accès à un niveau de revenu suffisant pour se loger et se nourrir. De fait, si la pauvreté monétaire a beaucoup chuté après les années 1970 grâce aux retraites, le problème revient

sur le devant de la scène avec les petites retraites, les pensions de reversions, certaines branches comme les agriculteurs, les artisans, etc45.

- L'accès à une mutuelle de santé en considérant l'âge de la personne.

2.3.2.5. Les limites d'un tel exercice :

Elles sont nombreuses et inhérentes à ce genre d'exercice. Nous regarderons celles-ci dans le point suivant ainsi que les opportunités que cela donnent. Il nous faudra évoquer la place des personnes concernées par l'indice retenu. Il nous faudra aussi revenir sur notre définition de la pauvreté : pauvreté d'accessibilité et pauvreté de potentialités. Sur ce dernier point, nous devrons évoquer l'évaluation de la liberté. Ici la philosophie croise l'éthique économique.

2.4. Difficultés et opportunités des indices

Les indices que nous avons évoqués pour mesurer la pauvreté présentent des avantages

44 Nombre évoqué par le préfet de Seine Saint Denis en septembre 2007 lors du départ du préfet à l'égalité des chances.

45 « Même si elle est sous-estimée, la pauvreté a indéniablement régressé depuis le début des années 1970. Cette évolution est particulièrement nette pour les personnes âgées. Leurs ressources se sont, en effet, améliorées, "grâce à la maturité du système de retraite par répartition", souligne le rapport. Résultat : moins de 4 % des retraités étaient pauvres en 2001, contre 30 % trente et un ans auparavant. » Bertrand Bissuel, Le Monde, édition du 10/04/2004.

mais aussi des inconvénients. Un de ceux-ci est leur nombre. Lequel retenir ? Cela peut-aussi être une chance pour ne pas normaliser un indice hors de tout contexte comme nous avons pu le voir avec l'IDH-2 et l'IPH-2 ou encore l'ISS et le BIP 40.

2.4.1. Difficultés des indices

Pour évaluer toute la difficulté de l'exercice nous citons une étude récente sur la mesure du développement social : « En ce qui concerne l'aide au développement, il ne s'agit plus de 'plaquer' une conception du bien-être axée sur la mise à disposition de biens matériels sans s'intéresser à leur impact effectif sur la vie quotidienne des gens, mais bien de construire avec ces derniers à la fois les indicateurs de leur bien-être et les instruments de son amélioration. »46

2.4.1.1. Indice limité au champ économique

Nous l'avons vu lors de l'analyse rapide du PIB. Cette indice se limite au champ économique et à l'intérieur de celui-ci ne considère que certains domaines. Aucune prise en compte du secteur non-marchand, une partie des activités des associations par exemple. Il n'inclut guère les impacts négatifs de la consommation des ressources pour les populations futures. Enfin, cet indice est le même pour tous les pays et les personnes de ces pays. Il ne prend pas en compte les inégalités à l'intérieur d'un pays. L' indice de Gini développé par la Banque Mondiale peut à ce titre être un complément important pour l'analyse47. Cet indice est cependant limité à une vision utilitariste du développement.

2.4.1.2. Indice non reconnu institutionnellement.

Si aujourd'hui l'IDH est reconnu, c'est grâce au rapport annuel du PNUD, au prix nobel d'économie d'Amartya Sen. Il acquiert alors une valeur subjective qui le rend crédible et utilisable. Un indice comme le BIP40 n'a pas ce poids même si la transparence de sa mesure ne peut être remis en cause. Un indice a besoin de notoriété pour atteindre le but recherché, la mobilisation en faveur du développement humain, juste et durable.

46 Groupement d'Intérêt Public Santé-Protection Sociale Internationale (GIP SPSI), « mesurer le développement social », avril 2007, p.1 :

http://www.gipspsi.org/GIP_FR/content/download/3176/26460/version/1/file/Mesure%20du%20d %C3%A9veloppement%20social.pdf

47 Indice de Gini (mesure de l'inégalité de la répartition des revenus), Source : Banque Mondiale, Human Development Network, http://devdata.worldbank.org/hnpstats/

2.4.1.3. Indice où chiffres et statistiques sont difficiles à obtenir.

Certains indices se basent sur la comparaison territoriale ou spatiale comme l'IDH. D'autres se basent sur la temporalité comme l'ISS ou le BIP40. Ces indices acquiert de la valeur avec des statistiques et des indicateurs qui leur permettent d'avoir une pertinence et d'avoir du sens pour l'action. Dans notre tentative de proposition, certains chiffres sont conjoncturels et auront du mal à être collectés et restés valables sur une période de temps assez longue. Nous pouvons penser à la question des sans-papiers comme problématique conjoncturelle.

2.4.1.4. Indice insistant plus sur les pauvretés d'accès que sur les pauvretés de potentialités.

La problématique est ici de retomber dans le travers de l'utilitarisme économique. Nous pouvons à ce niveau rester centrés sur les pauvretés de besoins. Une lecture de l'IDH peut tomber dans ce travers. Nous sommes alors dans la perspective d'une société de droit mais pas forcément de justice. Les personnes ont accès à un capital humain mais n'ont pas forcément d'opportunité de le mettre en oeuvre. Nous pourrions imaginer un pays où l'on a construit des écoles, des hôpitaux, des dispensaires, creusé des puits et des retenues d'eau avec possibilité d'irrigation mais sans prévoir de personnels formés. Les gens ont accès à la santé, l'éducation, l'agriculture mais ne peuvent les mettre en oeuvre. En Seine-Saint-Denis, nous pouvons donner accès et inciter les entreprises à s'établir par des zones franches, des avantages fiscaux. Mais a-t-on prévu le logement des salariés? L'entreprise pourra s'établir mais ne pas trouver de travailleur-cadres pour faire fonctionner l'usine. Les indices doivent prendre en compte une réalité contextuelle complexe et en même temps avoir pour certains d'entre eux une capacité de comparaison territoriale.

2.4.1.5. Indice conçu sans pratique de terrain et sans concertation avec la population

concernée.

C'est l'écueil de la plupart des indices et de celui que nous avons proposé. Ils sont formulés par ceux qui les utilisent. Cela reste une approche « top-down » alors que l'approche que nous avons voulu développer est une tentative d'associer les personnes dès le début des calculs et du processus. Un exemple est ici important à noter, c'est celui de la Banque Mondiale avec « voices of the poor »48 en l'an 2000 : « Des équipes de la Banque et de

48 « I would like to say that, as far as the Bank is concerned, this listening to the voices [of the poor] and acting on the focus of their remarks is going to be central to our work as we move forward. Both institutionally and as individuals, we have to judge what we are doing vis-à-vis these voices. -- World Bank President James Wolfensohn, September 1999 Address to the Board of Governors

certaines organisations non gouvernementales ont recueilli les témoignages de 60 000 pauvres, hommes et femmes, dans 60 pays. »49 Ce travail gigantesque a fait jaillir un élan nouveau à l'intérieur de l'institution pour remettre en cause les principes très centrés sur l'économie afin de lutter contre la pauvreté. Si les résultats de cette étude sur le changement de stratégie de la structure peuvent être discutés, la méthode a le mérite d'être notée. Elle a certainement permis à l'institution de sortir d'une vision uniquement économique de la pauvreté. Sa récente vision centrée sur la lutte contre la corruption peut faire penser que la lutte contre la pauvreté à partir de la parole des pauvres a été laissée pour compte... Nous pouvons avancer que la parole des pauvres a été entendue par la Banque mais que les pauvres n'y ont pas trouvé place. En ce sens, l'écoute de la parole des pauvres, le diagnostic partagé est une étape du processus mais non le sésame de la réussite.

2.4.1.6. Avoir accès à des données locales.

L'OCDE propose des indices multiples comme ceux-ci : Niveau moyen de satisfaction de vie et variation de satisfaction de vie des personnes contre PIB par habitant (lien revenu et bien-être), Fréquence de contacts des personnes dans des milieux différents (mesure de sociabilité), Proportion des personnes déclarant être membre actif ou inactif d'une association, par type d'association, suicides pour 100 000 personnes, par groupe d'âge, etc50. Ce type de données seraient propices à des indicateurs locaux pertinents mais les données ne sont pas accessibles au niveau local. Les contextualiser au niveau départemental pourrait être un apport important à la prise de conscience de la valeur subjective de nos regards sur le bien-être mais nous n'avons pas les données.

2.4.1.7. Indice regroupant des chiffres très disparates et nombreux.

Dans la plupart des indices, les données sont disparates et ne sont pas forcément de même nature. Comparer la richesse avec le bien-être. L'éducation avec la santé, etc. Ceci peut remettre en cause la pertinence de l'indice concerné comme étant composite et non cohérent. Ceci peut aussi être l'inverse, nous le verrons. Le danger est le nombre d'indicateurs. Ceci peut être le cas du BIP40 qui contient tellement d'indicateurs que le poids de l'un par rapport à l'autre est discutable. Un indicateur du BIP40 peut changer d'une année sur l'autre sans que l'ensemble n'en soit perturbé. Sans une analyse fine des résultats, le changement peut passer à côté de l'interprétation de l'indice.

49 http://www.worldbank.org/html/extdr/am99/jdw-sp/jdwsp-fr.htm

50 http://www.oecd.org/dataoecd/34/13/34542721.xls

2.4.1.8. Choix des calculs et des pondérations.

Objectifs et subjectifs, des choix sont à opérer pour la pondération des indicateurs

« En effet, la difficulté inhérente aux indices synthétiques tient aux valeurs et aux conventions qui les soutiennent : qu'entend-on par développement, bien-être, santé sociale, progrès

social ? Où s'arrêtent les inégalités et où commence la différence ? Quels taux plancher, plafond, et quel mode de pondération retenir ? Toutes ces questions renvoient à des choix subjectifs et à des conventions discutables. Les débats autour du calcul du PIB par habitant ou celui autour de l'indice des prix qui, pour beaucoup, reflète de moins en moins bien l'évolution du niveau de vie, montrent que même les indicateurs économiques « sérieux » reposent sur des conventions et des choix. »51 C'est certainement l'objection majeur. En ce sens, l'indice prend du sens une fois reconnu. Nous avons vu que l'IDH a fait la « gloire » du PNUD ou le PNUD celle de l'IDH. L'ISS a été révélé par la revue Challenge. Les indices se basent sur des données objectives dans la majorité des cas mais leur agrégation et leur appréciation ne le sont pas.

2.4.2. Opportunité des indices

2.4.2.1. Un diagnostic de la pauvreté comparatif.

Les indices permettent de faire des choix d'action. Quand on remarque la proportion de pays d'Afrique subsaharienne parmi la liste des pays les moins avancés (PMA) du PNUD, il est des choix qui se font en étant fondés. Un indice permet de mettre la lumière sur une pauvreté que l'on peut ignorer. Nous pensons ici à l'ISS qui a révélé que le PIB des USA ne voulait pas forcément dire que la richesse était également répartie et utilisée entre les citoyens. C'est une fonction première des indices, ils indiquent !

Ils permettent enfin d'opérer un diagnostique territorial à l'échelle d'une région, d'un département, d'une ville. Comme nous l'avons déjà dit, en fonction de l'indice, des comparaisons peuvent être faites. Celles-ci peuvent être spatiales ou temporelles.

2.4.2.2. Poser les « bonnes » questions, mettre à jour des situations et revoir des concepts.

Les indices, de par le choix qu'il faut opérer pour leur agrégation, demandent de se poser des questions cruciales. Les notions envisagées sont reconsidérées, définies à nouveaux frais. Les notions que nous avons approchées au long de notre première partie : pauvreté et

51 « Les indices synthétiques du PNUD : IDH, IPH, IPF en région Ile-de-France », o.c., p.10

développement sont portées au devant de la scène, y compris de la scène politique. Elles rendent visibles aux yeux des politiques des notions parfois occultées. L'exemple de l'impact de l'ISS aux USA et du BIP 40 en France est frappant. Quand le Niger est devenu le pays classé dernier du rapport sur le développement humain du PNUD en 2005, le gouvernement Nigérien a fait connaître son mécontentement et contesté le calcul52. Si passer de la position de 174° à 177° n'a pas fondamentalement changé la vie des nigériens, la position de dernier sur les statistiques du PNUD a pu amener la communauté internationale et la pays concerné à se poser des questions sur la situation du développement dans ce pays.

2.4.2.3. Rendre compte de phénomènes complexes.

Comme nous l'avons vu dans les critiques, les indicateurs sont un agrégat de données rassemblées mais pouvant provenir de domaines différents. La popularité de la notion de développement durable aidant, les indices rassemblent de plus en plus de données provenant de différents domaines ; social, économique, environnemental et politique sans oublier les domaines culturels que les populations des pays en développement demandent à voir faire partis des calculs et des indices. Ceci serait aussi à prendre en compte dans un département comme la Seine-Saint-Denis qui compte 197 nationalités différentes comme nous l'avons déjà noté.

2.4.2.4. Approche quantitative et qualitative : subjectivité possible

C'est certainement le point fort des indices composites. Ils nous permettent d'avancer sur le chemin d'une évaluation de la pauvreté comme subie par les populations de manière objective mais aussi subjective. Les données collectées par l'OCDE par exemple sont très prometteuses. La tentative de la Banque Mondiale « Voices of the poor » est là aussi novatrice et indique des changements dans l'approche et l'évaluation de la pauvreté. Si elle est multidimensionnelle la pauvreté fait aussi partie d'un ressenti, d'une émotion : « Poverty is like living in jail, living under bondage, waiting to be free »53. Pouvoir associer des données objectives et subjectives donnent aux indices une plus grande analyse de la situation au regard de l'approche par les capacités comme nous avons voulu le faire.

52 « Dès la publication de ce Rapport, le Gouvernement nigérien a élevé une "vive protestation" ; l'année dernière, le Niger était classé 174e sur les 177 pays du Monde. » http://www.sahariens.info/spip_sahara/spip.php?breve265

53 Voices of the poor

2.4.2.5. La place des personnes dans les indices

Aujourd'hui, nous pouvons donner place aux personnes dans l'établissement des indices. Ceci ne se fait pas encore. La tentative de la Banque Mondiale est une première dans le domaine international. En France, le BIP 40 n'est pas fait par des personnes en situation de pauvreté. Au cours du stage, nous avons pu avoir connaissance d'une enquête du Secours Catholique sur la pauvreté des familles et enfants en difficulté. Celle-ci comporte des questions dont les réponses proposées sont des reprises des paroles des personnes elles- mêmes. Ces démarches se multiplient aujourd'hui. Nous n'envisageons plus de faire sans les personnes même si cela reste encore bien souvent du domaine de l'utopie. Un décentrement du point focal de notre attention est à opérer. Nous essaierons de le conceptualiser dans notre prochaine partie et la relation des bénévoles avec les personnes. Une approche philosophique de l'être avec l'autre comme partant de notre vulnérabilité pour rejoindre la sienne sera une piste importante.

3. Quelle compréhension par les acteurs du Secours Catholique de la lutte contre la pauvreté. Limites et potentialités rencontrées durant le stage.

Une fois établie une approche de la pauvreté selon les capacités, nous avons essayé d'esquisser le contour d'un indice contextualisé. Nous avons vu la difficulté de l'approche avec des objections qu'il nous faut prendre en compte. Cependant la tentative doit être menée. L'obstacle ne sera pas forcément la juste critique des données de l'indice ou de la subjectivité du choix de la pondération de l'agrégation. L'obstacle majeur nous semble être la place des personnes dans le processus d'analyse et d'évaluation. Nous verrons que les acteurs sont mues par des visées différentes et parfois opposées. L'avenir de l'association passe par le croisement de ces regards pour une cohérence renforcée et dynamisante.

Nous proposerons une analyse du regard des acteurs de l'association. Nous ne prétendons pas porter quelque jugement que ce soit. Une association vit des mutations permanentes. Vivant au coeur de l'association, nous avons conscience du manque de recul pour analyser celle-ci de manière sereine et le plus objectivement possible. Nous tenterons d'avoir un certain recul par rapport à notre place au sein de la structure. Nous pouvons aussi regretter de ne pas avoir eu le temps de questionner les différents acteurs pour avoir la parole des personnes concernées.

3.1. Difficultés et ouvertures face aux politiques de l'association et aux donateurs.

3.1.1. Communiquer aux donateurs les résultats par des chiffres.

Le Secours Catholique fonctionne grâce à ses donateurs nombreux et qui représentent 44% de ses ressources en 2006 et 66% si l'on y ajoute les legs54. Cet état de fait donne au Secours Catholique des droits et des devoirs. Il doit expliquer aux donateurs ce qu'il est fait de leur argent mais aussi l'utiliser en fonction de l'appel qui a été envoyé pour cela. La Cour des comptes qui a audité le Secours Catholique en 2006-2007 l'a vérifié55. Le donateur donne pour une cause qui doit être mise en oeuvre par l'association. La structure doit donc communiquer sur ses résultats. Ceux-ci sont souvent centrés sur les chiffres. « 1 600 000 personnes accompagnées par le Secours Catholique en 2006 : là est le coeur de l'activité de

l'association. »56 : C'est la première phrase de l'éditorial du rapport d'activité qui ne vient que renforcer la présentation de l'action en page 2 du rapport « Actions En France : 1 600 000 personnes accueillies et accompagnées chaque année dans plus de 2 000 lieux d'accueil. A l'international : 574 opérations menées en 2006 dans plus de 80 pays, en lien avec le réseau Caritas Internationalis (162 Caritas nationales) ; 5 800 000 bénéficiaires directs de l'aide internationale. ». Sans contester les chiffres, leurs présences semblent cacher la relation des acteurs du réseau face à leur résultats. Ou encore, que les résultats ne sont pas l'accompagnement mais le nombre de personnes accompagnées. La suite du rapport va dans le sens inverse. Plutôt que de décrire des chiffres ou donner des tableaux, il développe des actions et la pédagogie du Secours Catholique tant en France qu'à l'international. Il n'en reste pas moins que ce qui est mis en avant n'est pas la réussite des personnes mais celle du Secours Catholique !

3.1.2. Une institution qui se regarde.

Si nous regardons les 4 actions de l'année mises en avant, il y a : la réorganisation de la structure, l'enracinement évangélique, le 60° anniversaire de l'association et un paragraphe sur les choix. Tout ceci est symptomatique d'un « auto-regard » ne parlant peu de la place et de la parole des personnes accompagnées ou mieux, associées avec le Secours Catholique. En page

54 Bilan financier 2006, disponible en ligne : http://www.secourscatholique.asso.fr/telechargements/bilan_financier_2006.pdf

55 http://www.ccomptes.fr/CC/documents/COFAGP/SecoursCatholique.pdf

56 Rapport d'activité 2006, disponible en ligne à la même adresse.

6, nous lisons : « Le Secours Catholique pèse de tout son poids institutionnel pour agir sur les causes, alerter sur les conséquences et proposer, le cas échéant, les changements nécessaires pour des situations rencontrées par ses 4 200 équipes en France. Le Secours Catholique confirme sa présence dans de nombreuses instances et sa participation aux rencontres institutionnelles, associatives et gouvernementales. Transversale à toutes les activités, l'action institutionnelle implique le plus souvent la mobilisation des délégations locales et des actions concertées avec d'autres organismes. » Nous ne pouvons que nous réjouir que l'action sur les causes et pour l'accès des personnes à un capital humain nécessaire à la lutte contre la pauvreté soit mis en avant. Mais là encore le seul Secours Catholique est acteur avec parfois la mobilisation des délégations et la concertation avec d'autres. Où est la place des personnes dans ces actions ? En quoi portons-nous la parole des pauvres ? Cela se fait concrètement au niveau local, pas forcément au niveau national mais ceci n'est pas mis en avant dans le début de ce rapport. Le rapport continue en page 13 sur les modes d'action en France: « En 2006, 87 dossiers inférieurs à 20 000 euros ont pu être examinés en GEP et 64 dossiers supérieurs à 20 000 euros ont été soumis au Conseil d'administration. » Nous restons encore sur les chiffres et l'utilisation de l'argent des donateurs.

3.1.3. La place des personnes

Il faut attendre la page 14 du rapport pour avoir des actions où les personnes sont motrices : « Opération «Boîtes aux lettres» au Grand Trou (Vizille) Dans cette petite cité où vivre ensemble est un défi, une quinzaine de personnes ont passé deux après-midi à décaper et repeindre leurs boîtes aux lettres dégradées, créant une émulation conviviale entre générations et entre personnes de différentes cultures.

Des fleurs dans le béton (Champfleuri à Bourgoin-Jallieu) La présence d'une animatrice habitant le quartier a permis une réalisation commune dans le cadre d'un concours d'initiatives proposé par le bailleur social. Les habitants de quatre immeubles ont obtenu le premier prix en plantant ensemble des rosiers pour embellir leur environnement. » Ces deux paragraphes du rapport mettent en avant l'action des personnes. Nous voyons aussi le résultat sur les personnes et non sur le Secours Catholique « émulation conviviale entre générations et entre personnes [...] Les habitants .. .ont obtenu... ».

Nous percevons à travers ce rapport d'activité la difficulté de l'association à mettre en avant la parole et la place des personnes. Cependant des ouvertures sont réalisées et possibles.

La tendance est plus à mettre les réalisations de l'association plus que celles des personnes ou de l'association en partenariat avec les personnes. Une structure dépendant de dons privés se doit de montrer ses réussites. Nous pouvons penser que montrer les réussites de personnes est une ouverture à développer ainsi que les processus de ces réussites comme nous avons pu le voir avec la façon de traiter l'évaluation de processus et de résultats.

3.2. Difficultés et ouvertures face aux salariés.

3.2.1. Une identité à trouver dans les résultats.

La place des salariés est spécifique dans une association. Les cadres diocésains sont sous la direction de présidents bénévoles. Les animateurs, sous la responsabilité des délégués (cadres diocésains), encadrent des équipes de bénévoles locaux. Comme dans toute institution les salariés doivent trouver une partie de leur identité au travail. « Que fais-tu dans la vie ? Je suis animatrice au Secours Catholique. » Nous savons que la société ne pose pas souvent la question : « Qui es-tu ? » mais « Que fais-tu ? ». Le salarié doit donc remplir des objectifs que le cadre devra évaluer. Il doit produire un travail : la mise en oeuvre des orientations nationales et locales. La moyenne d'âge des animateurs étant relativement jeune (environ 30 ans), les résultats sont importants pour une bonne intégration et une valorisation de l'action menée. Pour cela les difficultés se situent au niveau de l'accompagnement des bénévoles et des personnes. Ils saisissent le sens des orientations qui est en phase avec leur propre approche et langage. En ce sens, ils sont aptes à les comprendre, les assimiler mais rencontrent souvent des difficultés avec les bénévoles plus âgés. La tentation est alors d'aller « en direct » avec les personnes. Ils peuvent passer outre les bénévoles mais les personnes en difficulté ne répondent pas forcément mieux à leurs initiatives. Ils sont en but aux renforcement des capacités. Ils vont directement aux opportunités sans passer par l'accessibilité. Ils ne prennent pas toujours en compte les vulnérabilités des personnes de part leur tendance à se fixer sur les résultats à obtenir pour renforcer une identité à construire.

3.2.2. Un capital humain en décalage avec les personnes accompagnées

Ayant un capital humain important (la majorité des animateurs et des délégués ont un niveau de type bac+5), il est difficile de travailler avec des personnes ayant un déficit de capital. Le salarié vit alors l'échec de réalisations exceptionnelles. Il est projeté dans un travail à long terme où la réussite est plus dans le processus que le résultat. La qualité du travail est

importante quand son cadre va l'évaluer sous l'angle des processus. L'importance est donc à mettre sur le « comment » plus que sur le « qu'as-tu fait, réalisé ? ».

3.2.3. Un pont entre la réalité et le discours

Une ouverture est visible aujourd'hui dans la prise de conscience de certains animateurs d'un décalage entre le discours énoncé et la réalité des bénévoles et des personnes accompagnées. Le discours favorise l'action collective et la place des personnes à tous les niveaux. Les animateurs réalisent que l'action collective est plus un moyen qu'une fin. Il vient en complément, sans se substituer, à l'accompagnement global individuel. Enfin, la méthode du développement local, à laquelle ils ont été formés, rappelle fortement la place du processus dans le résultat final. En ce sens, l'association bénéficierait à plus écouter ses animateurs sur cette approche. Il est, par exemple, symptomatique que le terme « urgence » ne soit pas présent dans le texte des orientations alors que les accueils sociaux présents dans presque toutes les équipes traitent de cette problématique. L'animateur doit alors répondre aux demandes de bénévoles qui ne sont pas dans une démarche de développement mais d'urgence devant des populations sans ressources comme peut être celle des sans-papiers. Ici, l'animateur doit inventer car l'institution donne une ligne de conduite générale sans rentrer dans les cas concrets.

3.3. Difficultés et ouvertures face aux bénévoles.

Le bénévolat est complexe et change : « [...]un nomadisme associatif croissant, le passage d'une logique militante à une logique plus contractuelle, nous obligent à tempérer l'euphorie de ceux qui s'appuient sur des chiffres globaux (13 millions de bénévoles - plus d'un million d'associations...) pour en tirer des conclusions hâtives sur la bonne santé du bénévolat... »57 Cette citation nous révèle deux choses. Le bénévolat est en perpétuel mouvement. Ce mémoire n'est pas le lieu de l'analyse du bénévolat aujourd'hui mais des difficultés à appréhender la lutte contre la pauvreté pour ce public. En ce sens, la perte de la logique militante peut être une difficulté dans le temps. Comme nous l'avons noté, renforcer les capacités des personnes, en terme d'accessibilité et de potentialités est long, s'insère dans un processus. Un bénévolat « nomade associatif » et « contractuel » peut ne pas rentrer dans cette logique à long terme. Aujourd'hui le bénévolat a la volonté de réaliser une action plus

57 Sous la direction de de Jacques MALET, « La France Bénévole », Cerphi, Quatrième édition - mars 2007, p 3 http://www.francebenevolat.org/PDF/La_France_Benevole_2007.pdf

qu'adhérer à un projet associatif : « En effet, l'« utilité sociale » est aujourd'hui le moteur principal des engagements bénévoles, plus encore que la cause défendue »58. Le Secours Catholique est une structure avec un projet fort, les orientations. Nous présentons celles-ci comme fondamentales et incontournables pour l'action. Les bénévoles demandent de l'action à faire. Où est la place des personnes quand les bénévoles sont centrées sur l'action ? Ce n'est pas incompatible mais peut vite dériver vers des chantiers d'actions balisées dans le temps où le point focal sera mis sur les résultats. Une bénévole me disait récemment : « Quand j'étais au 'petit'dèj', j'en ai sorti un, au moins un ! ». Elle se centrait sur les résultats uniquement et non sur les accompagnements réalisés. Nous n'avons pas questionné ce que voulait dire « sortir » mais cela aurait certainement décrit une vision de la pauvreté et du développement des personnes. La vision reste ici utilitariste et non centrée sur le renforcement des capacités des personnes.

Le bénévole exerce un métier avec une approche altruiste au départ. Cependant, les bénévoles du Secours Catholique sont majoritairement des retraités et la motivation première est la reconnaissance sociale en tant que retraité. « Si vous ne faites rien, vous ne servez à rien ». Ici encore l'utilitarisme est de mise et risque de se centrer sur les résultats.

Une autre difficulté est le manque de capital humain des bénévoles au départ de l'action. Les nouveaux bénévoles veulent agir vite et obtenir des résultats. Une fois formés et à la rencontre des personnes, des évolutions s'opèrent. Par exemple, les bénévoles du monde de l'entreprise, marqués par le progrès comme seul horizon et fondamentalement bon, appréhendent la lutte contre la pauvreté comme une question technique. La pauvreté ainsi que le pauvre deviennent réifiés. Le bénévole va alors devoir faire un chemin de « conversion » pour développer une approche altruiste et gratuite. Cette démarche est une véritable ouverture et un chemin pour donner place et parole aux personnes en difficulté.

3.3.1. Le choc de la rencontre

Pour beaucoup de nouveaux bénévoles, le pauvre a la figure du SDF crasseux et dormant dehors. Il le voit dans le métro ou à la télévision. Au Secours Catholique, ils le rencontrent lui et bien d'autres visages de la pauvreté. Ils vont rencontrer des familles, des étrangers, des Rroms et des enfants. Ils rentrent dans un processus de découverte. Parfois il y a la volonté de vouloir voir qui pourrait paraître malsaine, elle est plus à la découverte pour

58 Idem, p. 17.

comprendre, se rendre compte, analyser, etc. C'est déjà se mettre dans une attitude de rencontre avec l'autre qui pose problème à des représentations d'une société qui s'appelle la France, pays des Droits de l'Homme, de la devise : « Liberté, égalité et fraternité. »

3.3.2. La volonté de changer/sauver le monde (tentation de la toute-

puissante)

Même si les étapes que nous décrivons ne s'enchaînent pas forcément dans le temps, le bénévole aura tendance à vouloir agir s'il n'est pas parti après la première étape. Rencontrer des personnes en situation de précarité peut nous renvoyer des situations que nous ne pouvons accepter ou refuser de voir. Une fois le stade du choc passé, nous restons sur nos prérogatives de résoudre la pauvreté. Alors, nous pensons mettre en oeuvre des stratégies hautement élaborées. Ces gens ont des manques, des besoins, nous allons les combler, les remplir et tout ira bien... Le bénévole obtient des résultats et cela est normal. Cependant il va être dans l'obligation de se rendre compte que cela ne marche pas à chaque fois et que plus les échec arrivent plus il se pose la question de la pauvreté. Il ressent douloureusement son non-pouvoir sur certaines personnes. Il peut même être confronté à des accompagnements de personnes qui s'enfoncent plus dans la misère que de s'en relever. Ici, deux pistes peuvent s'ouvrir. Une première est de rejeter la responsabilité sur les pauvres. Ils refusent le développement qui est proposé et nous entendons des phrases comme « Ils sont feignants, ils ne veulent pas s'en sortir, ce sont des anarchistes, etc. ». Certaines tentatives versent dans l'affectif et le déraisonnable, dans une fuite en avant où sa famille est mise en péril au nom de la solidarité avec les plus pauvres qui n'ont rien demandé. Une autre qui peut en découler est de se résigner.

3.3.3. Le résignement

Du bénévole sachant comment faire, nous arrivons au stade du doute. De la lutte contre la pauvreté programmée et encadrée, on passe à la relativisation « à quoi cela sert-

il ? ». Cela arrive souvent quand un accompagnement a été couronné de « succès » et que la personne « rechute ». Le bénévole est en plein doute. En quoi ai-je failli ? Comment faire ? D'ailleurs, faut-il faire ? Le bénévole va faire ici une expérience humaine de vivre avec la personne dans sa vulnérabilité.

3.3.4. Une autre démarche où l'autre est au centre.

Il va rencontrer sa propre vulnérabilité chez l'autre vulnérable « l'indice d'une capacité à être affecté par autrui, disposition à s'exposer à la vulnérabilité de l'autre, où je découvre ma propre vulnérabilité. « Bien avec toi » : esquisse de la rencontre de l'autre à partir de ma propre vulnérabilité. »59. C'est au prix de cette rencontre que son bénévolat va devenir non pas efficace mais fécond. Il rentre dans la gratuité de l'accompagnement. « Je ne t'accompagne pas pour t'en sortir mais par ce que l'on est frère en humanité ». Cette fraternité fondamentale va devenir le moteur de l'engagement. Lors d'une rencontre de bénévoles, nous questionnions l'engagement des bénévoles sur leur relation à l'association et aux pauvres. Des bénévoles récents témoignaient ainsi : « Nous sommes venus au Secours Catholique pour donner, pour aider, etc. » Des bénévoles qui étaient au sein de l'association depuis plusieurs années témoignaient ainsi « Nous avons beaucoup reçues des personnes rencontrées. » Elles ne disaient pas que les pauvres étaient des gens formidables mais que l'accompagnement de ces personnes les avaient transformées. Elles étaient devenues plus humaines et fraternelles, plus justes. Elles témoignaient que la relation aux personnes n'était plus centrée sur leur pauvreté mais sur leur personne. Leur relation n'était plus centrée sur leur propre réussite, résultat mais sur l'autre. « Le souci face aux choses n'est pas le souci pour autrui : préoccupation contre sollicitude. Dans l'un je m'épuise besogneusement, dans l'autre me voici décentré : le monde s'organise autour d'un autre que moi-même et, ce faisant, s'élargit de façon inattendue. Autrui m'offre un point de vue inédit sur le monde familier. »60 Dans cette approche l'autre devient ce qu'il est et non pas ce que je souhaite qu'il soit. Il y a un réel décentrement dans l'approche de l'accompagnement. Dans cette relation, le renforcement des capacités va avoir une grande force car la personne sera réellement au centre du processus dans un accompagnement ou sa place n'est plus à la périphérie de la relation.

3.3.5. Des nouveaux types de bénévolats qui ouvrent des pistes

3.3.5.1. Les jeunes de 18-30 ans.

Aujourd'hui, des jeunes arrivent au Secours Catholique. 50 jeunes de 18-30 ans sont partis au festival Jeunes Solidaires à Lourdes en juillet 2007. Un autre festival s'organise pour juin 2008 et la délégation de Seine-Saint-Denis est pilote pour l'Ile de France. Cette

59 Agata Zielinski, « Avec l'autre, la vulnérabilité en partage », revue Etudes, Paris, juin 2007, p. 769

60 Idem, p.770

population ne vient pas au Secours Catholique pour avoir une utilité sociale mais pour être solidaire sans trop savoir comment. Ces bénévoles sont dans une attitude d'apprentissage et de découvertes. La responsabilité de l'association est grande. Ces jeunes sont prêts à rentrer dans un projet associatif si nous leur en laissons la place61. Les jeunes dépassent les frontières. Ils aident le Secours Catholique à s'ouvrir aux cultures et aux religions. Ils ne défendent pas une identité mais se la construisent.

3.3.5.2. Les personnes de communautés d'origines étrangères

Ces nouveaux bénévoles qui arrivent encore peu dans nos structures amènent de nouvelles formes de solidarité avec eux. L'utilité sociale n'est souvent pas première mais seconde. Ils sont majoritairement mues par des valeurs chrétiennes fortes et enracinées. La « toute-puissance » n'est pas une tentation naturelle. Leur motivation est ailleurs, c'est bien souvent celle de rentrer dans un cercle de relations, une seconde famille. Ils répondent à une demande en bénévolat tout en attendant un retour. Ce retour n'est pas mécanique mais culturel. Tu es mon ami, je te fais confiance, je te la donne et en ce sens, celle-ci s'incarne dans un retour le jour où j'ai besoin de toi. Ces personnes sont donc précieuses pour donner place aux personnes accompagnées. Elles leur donneront et leur demanderont des services. Elles ne sont pas dans une logique d'assistance mais d'échange. Elle pourront dire : « J'ai besoin de toi ! ». La personne en face rentre dans une autre attitude où rôle du fait du rôle

proposé qui change. En ce sens, ces bénévoles sont des porteurs de la vision d'une lutte contre la pauvreté s'inspirant d'une démarche selon les capacités. Ils vont chercher en l'autre ce dont ils ont besoin. Ils font appellent à leur capital humain pour bâtir une communauté humaine et solidaire.

3.4. Difficultés et ouvertures face aux personnes en difficultés.

Ce dernier point est complexe tant la population des personnes est à l'image de la pauvreté, multidimensionnelle. Ils ont aussi tous les âges et viennent d'origines sociales très diverses. Nous pouvons cependant avancer quelques indicateurs de difficultés et certaines ouvertures.

3.4.1. L' essentialisation d'un statut d'accueilli, d'assisté.

« L'essentialisation d'autrui repose sur le jugement d'une personne en fonction de son

61 Le Festival est préparé par les jeunes et pour les jeunes.

appartenance à un groupe plutôt qu'en fonction de ses qualités propres, uniques et différentes de celles d'autres personnes. »62 Ici, la personne n'est pas vue pour ce qu'elle est (son existence, sa nature) mais pour ce qu'elle représente. L'individu n'a pas d'identité propre mais répond à des déterminismes. Sa liberté n'est d'ailleurs pas envisagée. Les personnes accueillies au Secours Catholique sont parfois considérées comme telles et peuvent se considérer comme telle, « s'essentialiser ». Elles deviennent ce que nous voulons qu'elles soient. Elles rentrent alors dans la forme que nous voulons. Elles deviennent « nos assistés » comme nous avons pu l'entendre dans une équipe locale du nord du département. La personne a alors le statut qui lui est donnée. Elle existe aussi pour les personnes comme cela. Comme nous l'avions fait remarquer, l'exclusion provoque une recherche d'identité. Ici, une forme d'identité est proposée et répond en partie à la problématique. J'existe pour quelqu'un, fusse comme accueilli.

3.4.2. Des responsabilités lourdes à porter.

Les personnes arrivent avec des problèmes parfois très lourds à porter, à gérer et à résoudre. Elles désirent donner la responsabilité de ce(s) problème(s) aux bénévoles qui l'acceptent bien souvent. La personne devient soulagée de son problème que le bénévole prend à « bras le corps ». La personne est alors dépendante du bénévole. Nous sommes à l'inverse du renforcement des capacités. Le capital humain de la personne n'est pas envisagée mais ses manques et ses besoins. Aucune action est faite pour agir sur l'accessibilité et les potentialités de mise en oeuvre d'une solution. Sa liberté est annihilée par la prise de responsabilité de son ou ses problèmes. La solution n'est pas libre mais prise en responsabilité et imposée comme seule possible et valable. Ceci correspond parfois à ce que nous avons évoquer de la toute puissance du bénévole. Ici, nous sommes proches de notre premier point quant à l'essentialisation de la personne, à ce que l'on attend d'elle.

3.4.3. Un contexte d'assistance

Le contexte départemental est à l'assistance. Lors d'un déplacement à Tremblay en France, un bénévole me lance : « Ici la mairie est communiste, nous devons donc donner les vêtements du vestiaire aux personnes qui viennent ! ». Cet artifice de langage n'est qu'un signe mais il révèle une attitude dans le département. Le niveau des revenus de la population étant très bas par rapport aux autres départements de l'Ile de France, la tentation de l'assitance est

62 http://piihecs.blogspot.com/

grande. A Saint-Denis, les jours d'ouverture des « Restos du coeur », 500 personnes attendent leur colis. Etant présents le jour de l'évaluation annuelle de l'action de solidarité des associations avec la présence de la mairie, il a été fait mention de la violence des

« accueillis ». Nul n'a prononcé le terme d'assistance mais il était présent dans la tête de quelques uns. Nul n'a osé proposer son analyse. « Vous avez le devoir de nous nourrir car vous recevez les produits de la banque alimentaire pour nous . Ces produits nous sont donc dûs. » Il y a donc non pas une charité du don mais un devoir de donner pour les « restos » et un dû du don pour les « accueillis ». Nous retrouvons l'essentialisation de la personne et la prise de responsabilité d'une structure à la place des personnes qui ne sont plus reponsables de leur alimentation mais l'ont dévolue aux « restos » qui en ont pris la charge.

3.4.4. Des personnes et des structures prennent le parti d'une autre relation

et place des personnes vulnérables.

Au Secours Catholique, sans avoir pris le parti d'une action en faveur des capacités, les permanents et le bureau de l'association, motivés par les orientations nationales ont le désir et la volonté de proposer d'autres formes de solidarité. Certaines personnes le demandent ou questionnent nos attitudes. Une personne d'un de nos accueils nous a dit littérallement : « Ici, vous vous nourrissez de la pauvreté ! ». Cette phrase provocante revèle beaucoup de nos attitudes et de nos difficultés à donner à la personne sa place. Elle a été bénévole mais sans que cette démarche soit accompagné. Elle avait pris du pouvoir devant les autres personnes accueillies. Aujourd'hui, elle est redevenue « accueillie » ! Elle demande une place à laquelle elle a droit. Le Secours Catholique met en avant depuis 20 ans la place et la parole des personnes, c'est un défi mais c'est également l'unique piste pour grandir avec les personnes. De plus en plus de personnes le souhaitent et le demandent. Des activités culturelles se développent en ce sens. Il n'y a plus accueillants et accueillis mais nous faisons ensemble. Des chercheurs d'emplois accompagnent d'autres vers le même but à notre plateforme emploi appelée « Carrières ». Ces nouvelles pistes vont dans le sens de s'appuyer sur un capital humain vulnérable. L'accessibilité et les potentialités peuvent être là mais une vulnérabilité doit être combattue.

Essayons maintenant de conclure ce mémoire en se centrant sur notre sujet, entre besoins et capacités des personnes, quelles attitudes pour les acteurs du Secours Catholique ?

Conclusion : Les personnes au coeur du processus, moteur du changement social et sociétal.

Un pauvreté multidimensionnelle

Notre mémoire a voulu se centrer en un premier temps à définir la pauvreté. Nous avons vu que celle-ci est multidimensionnelle. Elle ne peut se limiter à une dimension fut-elle économique ? Ayant regarder les différentes dimensions de la pauvreté, la proposition d'Amarty Sen de conceptualiser la pauvreté à travers deux angles est riche de sens. Une pauvreté d'accessibilité et une pauvreté de potentialités sans oublier la vulnérabilité des situations. Ce double regard sur la pauvreté nous oblige à rentrer dans une vision complexe de la problématique et remettre en cause nos approches habituelles. La question devient alors celle de l'évaluation de la pauvreté.

Des indices pour évaluer la pauvreté

Les indices nombreux nous permettent de comparer des situations temporelles et spatiales. Cependant, des limites sont à prendre en compte. Un indice ne dit pas tout et quand il a vocation universelle, il ne rend compte que partiellement d'une réalité territoriale définie comme peut l'être celle de Seine Saint Denis. Il nous faut donc bâtir notre propre indice. Ici, la tentation est de le faire par ceux là-même qui bâtissent les programmes de lutte contre la pauvreté et concernent les personnes pauvres. Les personnes doivent être associées dès le début de l'action. « S'associer avec les personnes » dit le Secours Catholique. Cette phrase centrale des « axes » de 1996 est fondamentale pour l'action et la lutte envisagée par la structure. Bâtir les indicateurs avec les personnes, c'est prendre en compte l'évaluation que font les personnes de leur propre pauvreté. C'est un chantier à ouvrir au Secours Catholique. La Banque Mondiale (BM) l'a fait, qui ne pourrait le faire ? Être à l'écoute des pauvres est une première étape essentielle. La seconde est de donner place aux pauvres dans la structure. Le Secours Catholique en parle depuis 21 ans. Il faudra franchir des barrières.

La place des personnes

Nous avons parlé d'accès et de potentialités. Les pauvres n'ont pas aujourd'hui accès au Secours Catholique et leurs potentialités ne sont que difficilement reconnues pour plusieurs raisons. L'une d'entre elle est que cela nous renvoie à notre propre vulnérabilité. Nous voulons rester riche et eux pauvres, nous bénévoles et eux accueillis. Ces clivages rassurent et encadrent l'action. Quant un évêque d'un pays du Sud ose dire : « C'est le problème de la richesse qui crée celui de la pauvreté ! »63, nous sommes déstabilisés car pris de revers. La

63 Mgr Aldo M. Etchegoyen, dans Dial , Lyon, N° D 2508, 15-31 Octobre 2001.

place des personnes n'est pas facile à faire car c'est un retournement, un changement de méthode, de stratégie et de culture. C'est passer de la préoccupation de l'autre à la sollicitation. L'autre n'est plus à la périphérie mais au centre de l'action. Il n'y a d'ailleurs plus centre et périphérie mais être ensemble à lutter pour un monde plus juste.

Un travail en réseau de partenaires

Dans cette direction,un travail sur la mise en réseau national et mondial est une piste à construire. Le Secours Catholique est une association qui peut, de part sa taille et ses finances, se suffire à elle-même. Le travail en réseau est gage de prise de recul, de partenariat, d'actions démultipliées et questionnées quant à sa pertinence aux yeux d'autres structures. Le partenariat doit être envisagé à l'image de la place des personnes, en « s'associant avec ».

Les personnes au centre du changement

Les difficultés et ouvertures des acteurs du Secours Catholique face aux personnes pauvres nous ont révélé que la place de la personne est source de changement ; passer du chiffre à la méthode employée, de la toute puissance au compagnonnage, de la responsabilité prise sur soi à la responsabilisation accompagnée. Tous ces changements nous font percevoir un monde plus juste et fraternel. Il restera des actions à mener pour l'accès des personnes à un capital humain suffisant pour donner des potentialités tout en prenant en compte les vulnérabilités. Tout ceci se fera dans le but d'un autre monde.

Définir un monde juste

Nous finirons notre mémoire par cette question : « Qu'est-ce qu'un monde juste ? » Si tous les acteurs du Secours Catholique réunis lutte contre la pauvreté et l'exclusion en renforçant les capacités des personnes, c'est pour un monde plus juste. Mais quel est ce monde juste ? Comment définir cette justice ? Le Secours Catholique aurait bénéfice à se poser cette question centrale. Non pas seulement dénoncer les inégalités mais avancer des pistes de la construction d'un monde juste. Nous pouvons dire que l'accessibilité de tous aux besoins essentiels est une première pierre à l'édifice mais selon quels processus ? Nous parlons d'un autre monde possible mais quel est-il ? Cette réflexion construite avec les personnes, avec leurs mots, peut être une piste forte de sens et d'engagement vers un monde juste. Ce ne sera pas un monde parfait au sens où il n'y aurait plus de pauvres mais un monde où les personnes auront leur place et seront entendues pour ce qu'elles sont, des êtres humains. Il restera alors à conceptualiser le rapport justice-charité. Tout un programme, non pas pour le Secours Catholique, mais ses acteurs multiples et variés.

Bibliographie

Livres :

- Justice et Paix France, « Notre mode de vie est-il durable », Paris, Khartala 2005.

- Wresinski Joseph, « les pauvres, rencontre du vrai Dieu », Paris, Editions du Cerf, 1986.

- Agence Française du Développement, Sous la direction de Valérie Reboud, « Amartya Sen, un économiste du développement ? », Paris, 2006.

- Rapport mondial sur le développement humain 2005, « la coopération internationale à la croisée des chemins », New-York, Ed. Economica.

- Sous la direction de Jacques MALET, « La France Bénévole », Cerphi, Quatrième édition - mars 2007

(disponible en ligne : http://www.francebenevolat.org/PDF/La_France_Benevole_2007.pdf ) - Mipes, « Recueil statistique relatif à la pauvreté et la précarité en Ile de France. », Paris, Edition de la Région IDF, 3 1/12/2005.

Sites et documents sur Internet :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pyramide_des_besoins http://www.iadb.org/idbamerica/index.cfm?thisid=860 (publication pour la BID, Banque inter-américaine de développement.)

Rapport arabe sur le développement humain 2002, « Chapitre 1, développement humain : définition, concept et aperçu général » http://www.undp.org/arabstates/ahdr2002.shtml http://www.afd.fr/jahia/webdav/site/myjahiasite/users/Romain/public/Publications/N30_Amar tya_Sen.pdf.

Articles :

- Bertrand Bissuel, Le Monde, article « Après trente ans de recul, la pauvreté menace de regagner du terrain », édition du 10/04/2004.

- Martin Hirsh dans Le Monde, article « Objectif : - 2 million de pauvres », édition du 01.09.2007.

- Agata Zielinski, « Avec l'autre, la vulnérabilité en partage », dans la revue Etudes, Paris, juin 2007.

- Mgr Aldo M. Etchegoyen, Dial, « C'est le problème de la richesse qui crée celui de la pauvreté », Lyon, N° D 2508, 15-3 1 Octobre 2001

Annexes

Annexe 1

Les pauvretés que nous identifions, a qui nous adressons-nous ? (conseil de délégation du 19 janvier 2007)

A qui s'adresse-t-on aujourd'hui ?

· Familles monoparentales souvent mères seules avec enfants

· Familles recomposées

· Familles vivant avec les minima sociaux

· Familles sans emploi ou emploi précaire ou temps partiel (travailleurs pauvres)

· Familles vivant avec moins de 900 € par mois (seuil de pauvreté)

· Familles hébergées par des amis ou de la famille

· Familles hébergées en résidence sociale

· Retraités pauvres (entre 700 et 1000 € par mois)

· Personnes seules sans domicile fixe

· Personnes isolées, pas de relais familial ni Amical

· Personnes ayant des problèmes de santé, en souffrance psychologique

· Personnes d'origine étrangère : plus de pakistanais, sri lankais, Bengladesh, roumains, polonais, bulgares, ukrainiens. Les personnes qui viennent d'Europe de l'Est sont souvent jeunes (moins de 30 ans) et ne parlent pas Français.

· Haïtiens, africains et maghrébins sont en nombre stable

· Moins de demandeurs d'asile mais plus de personnes en situation irrégulière (sans papier).

Problématiques rencontrées :

- Le manque de logement

- Le manque de ressource dû au manque d'emploi, à une situation irrégulière, à une difficulté administrative (accès aux droits, difficulté pour remplir les papiers...)

- Le manque de statut (sans papier)

- L'isolement (besoin de parler et d'être écouté)

- La nécessité de parler français (alphabétisation)

- Le manque de nourriture surtout pour les familles avec des enfants en bas âge (lait, couches...)

Les points d'attention aujourd'hui :

· Le travail qui dans certains cas ne permet pas de subvenir aux besoins vitaux

(se loger, se nourrir, se soigner, se cultiver...)

· Idem pour la retraite

· L'isolement qui entraîne des troubles psychologiques

· Le manque de logement et le coût des loyers (de plus en plus de personnes mal logées, en collocation, à plusieurs dans le même logement, dans les squats...)

· Les migrants des pays d'Europe de l'Est et de l'Asie.

Annexe 2

Nos orientations (conseil de délégation du 9 mars 2007)

Nous avons eu quatre groupes qui ont identifié ces actions et avancées souhaitées. Nous les avons organisées en quatre orientations. Celles-ci peuvent être changées et reformulées. Elles sont importantes car elles vont guidées notre action pour les trois années à venir. Nous les retravaillerons une par une au cours des prochains conseils de délégation ainsi que localement dans les équipes.

Orientation 1 : Vivre l'accompagnement fraternel ensemble (bénévoles et personnes en difficulté) par des lieux d'écoute et par l'action collective.

« Avoir des lieux de parole et d'écoute (à travailler pour répondre au problème d'isolement). » « Comment organiser des visites pour rencontrer les personnes les plus isolées ? »

« Développer des actions hors accueil d'urgence pour favoriser l'expression, la reprise de confiance en soi, comme le Mandala ou les sorties conviviales, ou l'expression sur différents thèmes. »

« Des actions répondant aux besoins d'amitié, de fraternité, de sourire / gommer les différences. »

« Il faut qu'ils parlent. Ils ont besoin de parler entre eux. (Alpha) »

« L'importance d'avoir des espaces de parole, d'expression, de « rompre la solitude ». Les conséquences (moyens pour y arriver) sont encore floues (pas de référence directe à des actions conviviales, groupes de parole ou autre). La solution individuelle (accueil social) reste prônée. »

Orientation 2 : Accueillir les situations d'urgence par un accompagnement global qui prenne en compte toutes les dimensions de la personne.

« Analyser les situations de manière globale »

« Pour bien me rendre compte, je suis allée voir ce qu'ils vivent. « Ils en étaient heureux ». » « Au vestiaire, les mamans viennent comme dans un magasin : elles regardent, choisissent. On a vu des femmes qui ne souriaient jamais devenir gracieuses. Elles viennent même si elles n'ont pas de RDV pour l'accueil social. Elles parlent entre elles dans la salle d'attente, au pré- accueil. »

Orientation 3 : Travailler en partenariat avec d'autres associations et les institutions publiques.

« Faire appel aux professionnels quand les situations nous dépassent. »

« Lien entre le SC et la CIMADE. »

« Orientation vers les bébés du coeur (restos du coeur) »

« Partenariat existant ou à développer avec d'autres association (par ex : Secours Populaire) » « Il faudrait une meilleure connaissance des possibilités des différentes équipes du Secours Catholique, un croisement au sein de notre association. »

Orientation 4 : Agir sur les causes de pauvreté par l'action institutionnelle grâce et avec la parole des personnes et l'analyse des situations rencontrées

« Travailler avec les institutions sur la problématique des domiciliations »

« Surendettement. »

« De plus en plus de demande de domiciliation. Normalement travail de l'Etat et pas l'objectif du S.C. »

« Notamment pour les maman seules et sans papiers : Que faire en plus de l'aide d'urgence ? que proposer d'autre ? On peut le faire un temps limité, et après ? Une action

institutionnelle ? »

« La confrontation à des problèmes qui nous dépassent (en particulier le logement et l'accueil des sans-papiers). »

Annexe 3






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams