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Le lien entre la théorie de l'esprit et le conflit sociocognitif

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par Sarah Begert
Université Paris 8 - M1 psychologie du développement 2007
  

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UNIVERSITE PARIS 8

INSTITUT D'ENSEIGNEMENT A DISTANCE

MASTER 1 de Psychologie du développement et de l'éducation

Mémoire de Recherche

LE ROLE DE LA THEORIE DE L'ESPRIT

DANS LE CONFLIT SOCIO-COGNITIF

présenté par Sarah BEGERT

No d'étudiante: 175525

Sous la direction de Caroline GUERINI

année 2006/2007

Remerciements

Je souhaiterais tout d'abord remercier ma directrice de mémoire, Mme Caroline Guérini, pour son encadrement et ses précieux conseils.

Je souhaiterais également remercier la directrice de l'école maternelle Marceau, ainsi que l'ensemble du personnel encadrant et plus particulièrement Emeline Marais pour son accueil dans sa classe, sa disponibilité, sa gentillesse, et sa compréhension. Je remercie aussi l'ensemble des enfants qui ont participé à cette recherche.

Enfin, mes remerciements vont aussi à mes proches : M. Anthony Ménard pour son soutien et ses éternels encouragements, et Nicole Begert pour ses relectures attentives.

RESUME

La recherche présentée est menée au sein d'une classe de moyenne section de maternelle, auprès de dix-neuf enfants âgés de quatre à cinq ans, tous parlant et comprenant bien le français sauf un. Cette classe a permis de créer huit dyades symétriques dont quatre « fortes » et quatre « faibles ».

Cette recherche vise à mettre en évidence un lien entre le développement de la théorie de l'esprit et le conflit socio-cognitif. Ce travail considère les effets du conflit du point de vue du développement social. Il a pour objectif d'évaluer les effets de la théorie de l'esprit sur le déroulement d'un conflit socio-cognitif, et, inversement, d'évaluer les effets du conflit socio-cognitif sur les compétences en théorie de l'esprit.

L'intérêt de cette étude est de montrer que le conflit socio-cognitif est une expérience sociale et, en tant que telle, il nécessite d'une part certains prérequis qui l'influencent, et d'autre part il peut favoriser le développement socio-cognitif de l'enfant. Son but est d'ouvrir une réflexion sur le lien entre ces deux champs que sont la théorie de l'esprit et le conflit socio-cognitif, et plus généralement sur le développement social de l'enfant, pour permettre de proposer des techniques d'apprentissage en dyades dans le cadre scolaire ou pour favoriser ce type d'interaction stimulante dans la vie ordinaire.

Une première sous-hypothèse de l'hypothèse 1 supposait, pour le groupe ayant répondu correctement aux questions sur la théorie de l'esprit, une résolution du problème plus rapide et l'utilisation d'une quantité plus importante de verbes mentaux. Cette première sous-hypothèse n'a pas été validée statistiquement en raison d'une forte hétérogénéité interindividuelle au sein des groupes alors que l'observation des moyennes nous aurait amenés à confirmer cette hypothèse. Une seconde sous-hypothèse a été validée, considérant l'existence d'une corrélation entre la quantité de verbes mentaux utilisés, le nombre d'oppositions apparues et la durée plus longue de résolution. La première partie de l'hypothèse 2 postulant l'amélioration des compétences en attribution d'intentions suite à la participation à un conflit socio-cognitif n'a pas été confirmée. De même, la seconde partie de cette hypothèse supposant une progression en théorie de l'esprit suite à la présence d'oppositions au sein du conflit socio-cognitif n'a également pas été vérifiée expérimentalement.

Nous pouvons cependant suggérer que ce type d'interaction pourrait être bénéfique. Dans ce cas, d'autres outils, une autre procédure, pourraient permettre de mettre en exergue ces effets sur un échantillon plus élevé.

Sommaire

I REMERCIEMENTS p. 2

II RESUME p. 3

III SOMMAIRE p. 4

IV INTRODUCTION p. 6

V CADRE THEORIQUE p. 8

1. Le développement socio-cognitif p. 8

1.1. Le rôle de l'environnement social

1.2. Les représentations, un lien avec l'environnement social

2. L'accès progressif à l'altérité p.12

2.1. Le rôle des relations précoces

2.2. Une décentration perceptive

2.3. La théorie de l'esprit

2.3.1. L'émergence de la théorie de l'esprit

2.3.2. Les fausses croyances et le langage

3. Les apprentissages entre pairs p.19

3.1. Les apprentissages par l'imitation immédiate

3.2. Les interactions de tutelle entre pairs

3.3. Apprentissages et conflit socio-cognitif

3.3.1. Le conflit socio-cognitif et le marquage social

3.3.2. Les compétences préalables au conflit socio-cognitif

3.3.3. Le conflit socio-cognitif, une conception interactionniste et constructiviste de l'intelligence

3.3.4. Les facteurs intervenant dans le conflit socio-cognitif

3.3.5. L'impact du conflit socio-cognitif

VI PROBLEMATIQUE p. 29

1 Problématique p. 29

2 Hypothèses p. 31

VII METHODE p. 34

1. Population p. 34

1.1. Le lieu

1.2. Description de la population

2. Description du matériel utilisé p. 36

2.1. Le tangram

2.2. Le test de la fausse croyance

3. Procédure p. 40

3.1. Premier contact

3.2. Première phase : familiarisation avec le matériel et test de la théorie de l'esprit

3.3. Deuxième phase : le tangram

3.3.1. Formation des dyades

3.3.2. Déroulement de la tâche du tangram

3.4. Troisième phase : deuxième test de la théorie de l'esprit

4. Description des variables et traitement statistique p. 46

4.1. pour l'hypothèse 1

4.2. pour l'hypothèse 2

VIII RESULTATS p. 50

1. Résultats concernant l'hypothèse 1 p. 50

1.1. Résultats concernant l'hypothèse 1a

1.2. Résultats concernant l'hypothèse 1b

2. Résultats concernant l'hypothèse 2 p. 56

2.1. Résultats concernant l'hypothèse 2a

2.2. Résultats concernant l'hypothèse 2b

IX INTERPRETATION DES RESULTATS p. 59

1. Validation des hypothèses p. 59

1.1. Hypothèse 1

1.2. Hypothèse 2

2. Portée des résultats p. 62

2.1. Intérêt de la recherche

2.2. Limites

2.2.1. Limites liées à la population

2.2.2. Limites liées à la procédure

X CONCLUSION p. 65

XI BIBLIOGRAPHIE p. 66

XII ANNEXES p. 68

1 Tangram p. 68

2 Justifications de la réponse suite à l'histoire 1 p. 69

3 Dyades p. 69

4 Calculs p. 74

5 Résultats bruts p. 77

INTRODUCTION

A l'âge de quatre-cinq ans, l'école représente le principal milieu où l'enfant évolue et s'initie aux conduites sociales, hormis l'environnement familial. De multiples interactions entre pairs émergent dans cet environnement. Comme c'est au travers des diverses expériences sociales que se réalise le développement social, l'environnement scolaire pourrait être propice au développement social de l'enfant en favorisant l'apparition d'interactions entre pairs. L'étude de l'environnement scolaire est par conséquent d'un grand intérêt en psychologie du développement.

Lors de notre stage de licence dans une classe d'accueil, nous avons eu l'occasion de suivre de nombreuses situations de résolutions de problèmes tant en groupe qu'en dyade. Ce type de situation et les oppositions entre enfants qui apparaissaient dans ce contexte nous ont fait réfléchir sur le lien entre le conflit socio-cognitif et la capacité à coordonner les points de vue, capacité découlant du développement de la théorie de l'esprit.

Ce qui a motivé ce travail, c'est le souhait d'intégrer des concepts appartenant à des domaines de recherche différents afin de vérifier l'existence ou non de liens entre eux. Une mise en évidence pourrait servir à développer l'émergence de ce type de situation dans l'enseignement scolaire afin de stimuler tant le développement social que cognitif.

Le sujet de ce mémoire de recherche consiste donc à appréhender le développement social de l'enfant au travers de l'interaction entre deux notions distinctes dans la littérature que sont la théorie de l'esprit et le conflit socio-cognitif.

La théorie de l'esprit a été définie par Jean-François Dortier (2006, p. 90) comme la capacité d'attribuer à autrui des états mentaux, tels que des intentions, des croyances, des désirs ou des représentations mentales.

Le conflit socio-cognitif est défini par Doise, Mugny et Perret-Clermont comme une « situation d'interaction sociale faisant coexister en même temps deux centrations opposées, mettant l'enfant dans un conflit de nature tant sociale que cognitive (...) et dont la résolution consiste à intégrer partiellement ou totalement la centration opposée (...) pour permettre le développement vers un équilibre supérieur » (p. 42, 1997).

Dans notre questionnement, le lien entre ces deux notions s'est donc avéré central et plusieurs interrogations ont orienté notre travail. D'une part, comme les compétences en théorie de l'esprit facilitent la coordination des points de vue, les enfants ayant les meilleures compétences dans ce domaine auront-ils davantage de facilité à résoudre le problème à deux ? D'autre part, étant donné que le conflit socio-cognitif incite les enfants à coordonner leurs divers points de vue, et parfois à attribuer des fausses croyances à autrui, il faudra se demander si leurs compétences en théorie de l'esprit ont évolué après avoir vécu une telle situation.

L'approche théorique constituera la première partie de notre travail. Dans un premier temps, nous donnerons du sens au développement socio-cognitif en l'intégrant dans l'environnement social et en insistant sur le rôle de ce dernier. La partie suivante présentera les principaux fondements théoriques sur lesquels s'appuie ce mémoire. Nous passerons en revue la théorie de l'esprit, en identifiant les différents pré-requis et facteurs favorisant son développement, comme le rôle des relations précoces. Il s'agira de montrer combien certaines compétences semblent nécessaires à l'apparition de compétences plus complexes, telles que la théorie de l'esprit. De la même manière, nous présenterons les multiples situations d'apprentissage entre pairs pour développer ensuite la situation plus spécifique du conflit socio-cognitif.

Afin de tenter d'apporter une réponse aux questionnements sur le lien entre ces deux notions, nous avons utilisé comme méthode (seconde partie) une situation de résolution de problème, le tangram, en dyade avec pré-test, test et post test. Cette situation a été analysée à partir des dialogues (verbes mentaux, oppositions) et du temps de résolution. Nous présenterons et discuterons ensuite les résultats obtenus (troisième partie).

.

I CADRE THEORIQUE

1. Le développement socio-cognitif

La psychologie du développement recherche les facteurs intervenant dans l'accès aux connaissances sur les objets et sur les personnes. De nombreux facteurs interviennent dans le développement cognitif. Parmi ceux-ci, l'environnement social, la maturation du système nerveux, les activités du sujet et certaines compétences jouant le rôle de pré-requis, y prennent une part considérable.

1.1. Le rôle de l'environnement social

Les relations sociales auraient quatre fonctions dans le développement cognitif et social selon Hartup (cité par Hinde et al., 1988).

La première fonction consiste à former le contexte d'apparition des compétences de base comme le langage, la régulation des impulsions, la conscience de soi, ou encore la coordination de ses propres actions à celles des autres. Elles favorisent l'acquisition de certains processus d'apprentissage. De la même manière, Vygotsky (1934) a développé une approche historico-culturelle du développement cognitif en conférant à l'environnement social et à la culture un rôle constitutif dans le développement intellectuel de l'enfant. Les « activités mentales supérieures » n'apparaissent pas naturellement mais nécessitent une intervention culturelle et sociale pour se développer. Ces «fonctions psychiques supérieures » (attention volontaire, mémoire volontaire, volonté, pensée verbale,...) se développent par la médiatisation et l'appropriation des formes culturelles, à savoir les techniques, le langage, l'art, l'écriture, les systèmes de conceptualisation scientifiques ou philosophiques, et les raisonnements mathématiques,... Ces formes culturelles font l'objet d'une transmission sociale, lors d'interactions entre pairs ou lors d'interactions de tutelle. Ainsi, c'est grâce aux confrontations avec son environnement social que l'enfant acquiert des modes de pensée plus élaborés.

Les relations sociales ont aussi pour fonction de donner les ressources émotionnelles et cognitives qui procurent le sentiment de sécurité et les compétences nécessaires à la découverte de nouveaux territoires, à la rencontre de nouveaux individus.

Les relations sociales jouent un rôle instrumental dans la résolution de problème. C'est grâce aux relations que l'enfant entretient avec les autres personnes chargées de résoudre un problème que l'enfant parvient à résoudre le problème. Il utilise ces relations en tant qu'instrument pour changer de représentation de la situation, des contraintes,...

Enfin, elles sont des précurseurs à d'autres relations sociales. Chaque relation, tout en étant différente des précédentes, s'en inspire fortement. Les relations se développent en quelque sorte selon une chaîne, et se complexifient au fur et à mesure du développement de l'enfant et de l'émergence de nouvelles compétences comme la fonction sémiotique, entre dix-huit et vingt-quatre mois.

1.2. Les Représentations, un lien avec l'environnement social

Wallon (1934) a recherché les facteurs favorisant la relation entre l'individu et son environnement. Le rôle des processus représentatifs a été mis en évidence dans la formation de cette relation. Ainsi, au travers des processus représentatifs, les comportements de l'enfant face à son environnement vont, progressivement, de l'acte à la pensée, allant vers une emprise de plus en plus forte sur ce dernier.

Ce lien a également été mis en évidence par Vygotsky (1934) au travers des concepts de « formes culturelles » et « d'instrument « psychologique ». Les formes culturelles permettent l'acquisition des représentations mentales et organisent, de cette manière, l'expérience du réel. En effet, quand l'enfant a recours au langage, par exemple, il utilise cette forme culturelle en tant qu'instrument pour être mis en relation avec les autres êtres humains. En même temps, le langage joue le rôle d'instrument psychologique : l'utilisation des formes culturelles modifie la pensée et génère la formation d'activités mentales supérieures.

Les représentations se développent dans trois domaines, à savoir émotionnel, moteur, et cognitif, selon Wallon.

Au début de la vie, ces émotions se présentent sous la forme d'un réflexe générant une réponse de tout son corps, comme les premiers pleurs du bébé, l'aspect émotionnel sera de plus en plus canalisé et intentionnel grâce au rôle de l'entourage, s'inscrivant dans des systèmes d'expression conventionnels (comme la peinture, l'écriture,...).

En ce qui concerne la constitution des connaissances, le développement cognitif consiste à s'approprier des instruments représentatifs culturels comme le langage. Par son utilisation, l'enfant est mis en relation avec son entourage et sa pensée est modelée. Il accède ainsi aux représentations.

La fonction sémiotique, qui apparaît vers dix-huit mois, désigne la capacité de représenter des actions, des objets, ou des événements en dehors de toute représentation actuelle. Elle permet un dédoublement de la réalité, à savoir objective et subjective, un dédoublement du signifiant et du signifié. Cette fonction est fondamentale dans l'acquisition des représentations, elles-mêmes primordiales dans la compréhension d'autrui (Piaget, 1946). En effet, les représentations structurent toutes formes d'action et de connaissance. La fonction sémiotique comprend l'imitation différée, le jeu symbolique, le dessin, l'image mentale et le langage.

Le langage permet d'évoquer des actions, des objets ou des événements en dehors de toute représentation actuelle. Son apparition nécessite quelques pré-requis, dont la catégorisation. En effet, la détection des phonèmes nécessite une catégorisation (Bénédicte de Boisson Bardies, 1996). En effet, les sons d'un même phonème varient énormément selon les différentes personnes qui le prononcent ou en fonction des différents contextes d'apparition. Par exemple, sa «courbe mélodique» varie en fonction de son apparition en début ou fin de mot. Leur reconnaissance malgré ces changements nécessite donc des catégorisations.

De même, la compréhension des mots ne va pas de soi car ils ne renvoient pas directement à la réalité mais désignent des concepts faisant partie de catégories d'objets, ou des catégories comprenant de nombreux objets. C'est grâce à la construction de catégories que l'enfant pourra généraliser la signification des mots et les comprendre dans des contextes différents. Il accède ainsi au niveau sémantique du langage. La compréhension et la production de langage nécessitent donc la création au préalable de catégorisations générales, même si elles ne correspondent pas directement à celles créées par les adultes. Ces premières catégorisations n'englobent pas les mêmes éléments que celles construites par les adultes, en raison des nombreux remaniements suite à l'expérience et du développement des compétences langagières. Par exemple, ils réussissent les épreuves de quantification de l'inclusion des classes quand le terme utilisé pour désigner l'ensemble ne peut être utilisé pour désigner une partie. Markman, cité par Troadec (1998) a réalisé une expérience allant dans ce sens. Dans son expérience, il a utilisé soit le terme « famille », soit le terme « chiens » pour désigner l'ensemble des chiens. Lorsque le mot « famille » était utilisé, tous les enfants répondaient correctement à la question. En revanche, lorsqu'il utilisait à la place le mot « chiens », aucun ne répondait correctement en raison de l'ambiguïté de ce terme, qui peut désigner à la fois l'ensemble et un animal. Les enfants connaissent donc l'ambiguïté de certains termes désignant des noms de classe.

Le jeu symbolique, qui apparaît vers deux ans, est également un indice de l'apparition de la fonction sémiotique car il consiste à représenter une scène ou un objet absent à l'aide d'un autre objet ou par des postures. Ce sont les jeux où l'enfant «fait semblant» en imitant les actes des parents ou des héros télévisuels par exemple. Il y a dédoublement du signifiant et du signifié, étant donné qu'il utilise des objets ayant une autre fonction normalement. Par exemple, un balai peut devenir un cheval. Ce type de jeu est universel.

Mais c'est au travers de l'imitation différée qu'apparaît d'abord entre quinze et dix-huit mois la fonction sémiotique. L'imitation différée apparaît après l'observation d'une scène ou d'un comportement. L'enfant mémorise ce qu'il a vu d'intéressant, et l'intériorise progressivement. C'est à partir de cette intériorisation que se créent les représentations permettant l'imitation différée. Elle consiste à reproduire une action dorénavant sans modèle, alors qu'elle avait été produite dans le passé en présence d'un modèle. Vers dix-huit mois, l'enfant cherche donc à représenter une scène qui ne se trouve pas directement dans la réalité, d'où sont appartenance à la fonction sémiotique. Il y a dédoublement comme lors du langage car elle évoque la réalité tout en se distançant d'elle. Par ses ratés et réussites, l'imitation différée facilite la délimitation du moi...En effet, grâce aux différences entre ses actions et celles de son modèle, le sujet prend conscience de sa propre identité et se distingue d'autrui.

Avec la fonction sémiotique, l'enfant acquiert donc une certaine conscience d'autrui. Il parvient à rentrer en contact, intentionnellement, avec le monde extérieur grâce à diverses techniques de communication. De plus, la fonction sémiotique permet une première « compréhension » d'autrui dans la mesure où l'imitation différée permet une meilleure distinction entre ses propres actions et celles d'autrui. De plus, la capacité de catégorisation permet de rapprocher les états émotionnels d'autrui à ceux déjà rencontrés et catégorisés auparavant. Mais cette compréhension d'autrui ne se présente que sous la forme d'ébauche et la représentation d'autrui va subir de nombreuses modifications au cours de son développement.

2. L'accès progressif à l'altérité

La compréhension qu'autrui est différent de moi, ne pense, ne ressent, et ne voit pas de la même nanière que moi, ne se réalise pas sous la forme d'un «déclic» à un âge donné et fixe pour chacun des enfants. Cette compréhension suit un long cheminement, comprenant de nombreuses étapes qui amèneront le jeune enfant à une représentation d'autrui de plus en plus élaborée. De plus cette construction se réalise en parralèle avec d'autres «constructions», comme celle de son univers cognitif.

2.1. Le rôle des relations précoces

Les relations précoces, comme les échanges interpersonnels précoces avec la mère étudiés par Kaye en 1977 (cité par Hinde et al., 1988), prennent part dans l'accès progressif à l'intersubjectivité. L'intersubjectivité désigne la compréhension par l'enfant que d'autres personnes peuvent avoir des visions, des sensations, ou des pensées différentes des siennes. Même si le langage s'accompagne de progrès décisifs dans le développement de l'intersubjectivité, des précurseurs indiquent une compréhension progressive des représentations d'autrui dès deux mois selon Trevarthen. Ce chercheur avance l'existence d'un « mécanisme inné de déclenchement de la coopération sociale » (cité par Thommen, 2001, p. 27).

L'environnement social permet au nouveau-né de se distinguer progressivement de son proche entourage. A sa naissance, le nouveau-né vit dans un état de confusion avec les autres. (Wallon, 1934), il vit dans une sorte de «contagion mimétique.» Son entourage reste constamment auprès de lui, pourvoit à toutes les tensions à tous les besoins et les apaise en les contentant immédiatement. La mère procure temporairement l'illusion d'une fusion et le bébé ne parvient pas à se différencier d'autrui. Son individualité psychique se trouve alors dissoute à travers des suites de situations dominées exclusivement par ces besoins. Il ne peut réagir qu'en fonction de ceux-ci. Cette fusion se transforme progressivement en symbiose affective qui durera plusieurs mois avant qu'un décalage entre ses attentes et les réactions de son entourage apparaisse.

C'est grâce à ce décalage entre ses attentes et la réalité et à sa capacité à agir sur autrui que cette prise de conscience peut avoir lieu. C'est également à ce moment-là que l'aspect imprévisible des êtres humains l'intéresse davantage, par opposition aux objets. Il établit une distinction entre les humains et les objets. Au stade émotionnel, entre six et douze mois, l'enfant exprime ses états internes d'une façon globale, par le tonus de tout son corps, et agit par la même occasion sur autrui. Il se rend compte qu'il peut donc agir sur les autres êtres humains, et qu'ils sont différents de lui. Ainsi s'opère une première distinction moi-autrui.

Un autre facteur intervient dans la perception de la différence entre son corps et celui des autres. Il s'agit de la réaction circulaire secondaire. L'enfant accomplit un mouvement. Celui-ci provoque une sensation kinesthésique qui engendre à son tour une action. Ce cycle permet au bébé de sentir et distinguer ses propres membres par la relation entre les sensations et les mouvements accomplis. Il ressent physiquement les frontières entre son propre corps et celui des autres et apprend à connaître les différentes parties de son corps. Par exemple, selon Trevarthen (cité par Thommen, 2001), l'intersubjectivité primaire désigne l'ajustement des interactions mère-bébé dès le deuxième mois. Ainsi, lors de dyades mère-bébé, le bébé, sensible aux expressions de sa mère et à leur rythme, parvient à se synchroniser avec elle pour échanger des proto-conversations et pour s'exprimer en alternance. En s'accordant mutuellement, en coordonnant leurs états subjectifs, ils créent un seul et même espace mental: l'intersubjectivité primaire. Ces interactions se déroulent soit en synchronie soit en alternance. Cet ajustement mutuel est réglé par contact intermittent des yeux et par la vue des mouvements de la bouche. Il constitue les bases de l'intersubjectivité étant donné que ces comportements impliquent une réciprocité et des attentes.

Un autre facteur intervient dans le développement de l'interactivité. Il s'agit de l'attention conjointe. Ces situations d'attention conjointe, comme la poursuite de l'orientation du regard d'un proche ou le pointage, apparaissent entre six et douze mois. Bruner et Scaife se sont particulièrement intéressés à ces situations (cités par Thommen, 2001) en 1975 car elles font partie des précurseurs de l'intersubjectivité.

L'attention conjointe désigne la capacité de l'enfant à focaliser son attention sur le même objet que celui fixé par l'adulte. Cela implique l'observation de l'adulte. L'enfant détecte son orientation du regard choisie pour voir un objet jugé intéressant, qu'il ne verrait pas autrement. L'adulte fixe donc un objet invisible pour le bébé dans sa position ou avec l'orientation actuelle de son regard. Il lui faut alors suivre la direction du regard pour observer la même chose que lui. Cette compétence est un précurseur de l'intersubjectivité secondaire développée par Trevarthen dans la mesure où il est nécessaire d'attribuer à l'autre une capacité attentionnelle et intentionnelle (Baudier et Celeste, 2002). De plus, il s'agit de partager avec l'autre un même centre d'intérêt.

L'autre comportement faisant appel à l'attention conjointe est le pointage (Zaouche Gaudron, 2002). Ce comportement proto-déclaratif apparaît entre neuf et treize mois. Il consiste à montrer du doigt un objet pour que l'adulte le regarde et explique ou nomme l'objet. Ainsi, le bébé cherche à attirer l'attention d'autrui dans le but de partager un centre d'intérêt. Cette compétence indique qu'à ce moment-là l'enfant attribue à l'autre un état mental (l'attention) et qu'il lui est possible de le modifier par ce geste.

Il prend ainsi conscience de ses propres intentions et de son influence sur autrui. Cette prise de conscience prépare à l'élaboration de la théorie de l'esprit mais il faudra encore attendre quelques mois avant que l'enfant considère autrui comme un être ayant une autre vision de la réalité que lui. Cette nouvelle compétence apparaît avec l'émergence de la théorie de l'esprit, préparée par les relations précoces.

2.2. Une décentration perceptive

Avant trois ans, l'enfant a une pensée égocentrique, c'est-à-dire qu'il ne parvient pas à se mettre à la place d'autrui d'un point de vue perceptif, selon Thommen (2001). Il a l'impression que tout le monde voit comme lui, et que sa façon de voir est la seule possible. Sa représentation du réel équivaut, selon lui, à la réalité concrète. Ainsi, l'enfant agit en fonction de sa centration. Piaget, cité par Doise, Mugny et Perret-Clermont (1997) définit la centration comme un schème cognitif qui n'est pas encore inséré dans une structure d'ensemble. Progressivement, il va comprendre que la perception varie en fonction du point de vue adopté. Selon Thommen (2001), à un an, il ne parvient pas encore à orienter un objet de manière à ce qu'il soit visible pour une autre personne, ayant un point de vue différent. En revanche, à deux ans, tous y parviennent. A trois ans, il réussit à montrer ou cacher correctement un objet de la vue de l'expérimentateur. Ainsi, à trois ans, il comprend que chacun ne perçoit pas la réalité de la même manière. La perception de la réalité diffère selon les personnes qui se trouvent avec lui étant donné que la situation n'est pas observée depuis le même endroit. En revanche, il ne conçoit pas qu'une même réalité peut être perçue de multiples manières simultanément. Par exemple, lors d'une tâche où deux enfants face-à-face doivent guider une voiture sur un itinéraire, demander au partenaire de faire tourner la voiture vers la gauche fera sortir la voiture de la route et provoquera un conflit. Comme ils se trouvent l'un en face de l'autre, la gauche de l'un ne correspond pas à la gauche de l'autre. Il s'agit alors de se centrer sur la droite ou la gauche de la voiture, c'est-à-dire décentrer son point de vue. Cette décentration sera facilitée par les actions et leur investissement dans la tâche.

Cette décentration perceptive est un premier pas, un préalable, vers une décentration plus générale. En effet, grâce à cette dernière, il comprend que ses représentations ne correspondent pas exactement à la réalité. Il distingue l'apparence de la réalité (Flavell, 1999). Il développe, à partir de cette prise de conscience, la capacité à coordonner les différents points de vue. Selon Flavell (cité par Thommen E., 2001), la coordination des points de vue demande plus de compétences et s'acquiert vers quatre à cinq ans. De nombreuses représentations différentes, voire contradictoires, peuvent coexister selon les points de vues des personnes, pour une même réalité.

2.3. La théorie de l'esprit

2.3.1. L'émergence de la théorie de l'esprit

Les recherches sur la théorie de l'esprit se sont développées à partir des recherches de Premack et Woodruff sur les chimpanzés, en 1978. Depuis, les études sur ce sujet se sont multipliées, l'analysant sous de nombreuses facettes (universalité, âge d'apparition, lien avec l'autisme et la schizophrénie, caractère inné ou acquis d'après Gopnik et Meltzoff, 1997).

L'émergence de la théorie de l'esprit a intéressé de nombreux chercheurs car elle marque une sorte de tournant dans la vie sociale de l'enfant. Elle correspond à un net progrès en ce qui concerne la compréhension d'autrui, et sa vision du monde. Elle lui permet une meilleure gestion des conflits, une compréhension des métaphores, des plaisanteries ou encore la participation à des jeux de fiction à plusieurs. Sa vie sociale s'enrichit donc par cette nouvelle compétence. Le développement de la théorie de l'esprit marque un tournant dans la vie sociale de l'enfant car elle s'accompagne de progrès en ce qui concerne la compréhension des états mentaux et désirs d'autrui (ce qui permet de mieux gérer les relations sociales), et en ce qui concerne la différenciation entre le réel et la fiction (qui favorisent la compréhension des plaisanteries, des jeux de fiction,...). Flavell (cité par Bradmetz, 1999) a réalisé une expérience sur la distinction entre la réalité et l'apparence à l'aide d'une éponge qui ressemblait à une pierre. Les enfants étaient interrogés sur l'aspect (à quoi est-ce que ça ressemble ?) et sur la nature réelle de l'objet (qu'est-ce que c'est réellement ?) Avant 4 ans, les enfants font souvent correspondre l'apparence à la réalité et ne parviennent pas à donner des réponses correctes.

Mais la théorie de l'esprit ne fait pas son apparition soudainement. Elle se développe progressivement. Avant son apparition, l'enfant a du mal à différencier ses représentations mentales sur un objet de l'objet physique lui-même. Il traite l'imaginaire, la fiction, de la même manière que les connaissances avérées réelles. Cela l'amène à attribuer une grande vérité aux états mentaux, comme les rêves. Avant l'émergence de la théorie de l'esprit, l'enfant considère qu'il n'y a pas de différence entre les états mentaux et la réalité. Selon Flavell cité par Thommen (2001), «Avant cinq ans, les enfants ne maîtrisent pas le fait que l'apparence et la réalité puissent ne pas correspondre.» Progressivement, il va distinguer ses propres représentations, ses états mentaux, de la réalité concrète. Cette distinction est la fondation sur laquelle se construit la théorie de l'esprit (Astington, 1993). Par exemple, le mensonge, qui apparaît vers deux ans, correspond à une première distanciation entre le discours et la réalité.

Dès deux ans et demi, l'attribution de désir à autrui s'effectue correctement. L'attribution d'émotion, qui constitue un état mental selon Gouin Decarie (2005), serait possible avant l'attribution d'intentions. En effet, dans la troisième année, la plupart des enfants attribuent la bonne émotion à un personnage. Par exemple, suite à la lecture d'une histoire, l'expérimentateur demande à l'enfant de choisir la vignette représentant l'émotion du protagoniste. Malgré quelques divergences selon les différentes émotions, il choisit la bonne vignette et établit des liens corrects entre une action et sa conséquence émotive (Gouin Décarie et al, 2005). En revanche, l'attribution de croyances nécessitera plus de temps. Cette compétence apparaîtra seulement entre trois et cinq ans.

Alors que Piaget affirme la persistance d'une pensée égocentrique jusqu'à l'âge de sept ans, Wimmer et Perner ont constaté, lors d'une expérimentation réalisée en 1983, que les enfants attribuent des états mentaux à autrui dès l'âge de trois ans. La théorie de l'esprit émergerait à cet âge-là. Elle désigne la capacité de l'être humain à attribuer des états mentaux à autrui et à soi-même (désirs, croyance, pensée ou sentiments) et à concevoir qu'autrui possède des états mentaux différents des siens. Il commence à comprendre que les actions de chacun sont gouvernées par des intentions. Cette faculté de se faire une opinion sur les états mentaux d'autrui facilite les relations sociales, affectives et communicatives. Les comportements deviennent prévisibles, explicables et cohérents. Comprendre ce que l'autre ressent lui permet désormais de planifier son action en fonction de son interlocuteur.

Cette compréhension est sollicitée lors de conversations. Ainsi, dans une perspective pragmatique, l'énonciation doit être replacée dans son contexte au travers duquel elle prendra sens. Les dialogues se produisent dans une certaine interactivité où chaque interlocuteur reçoit des informations sur son interlocuteur. Il peut alors les utiliser pour modifier son élocution. Chacun peut donc prendre en compte des indices contextuels transmettant des informations sur la compréhension ou la pensée de son interlocuteur.

2.3.2. Les fausses croyances et le langage

D'un point de vue pragmatique, le lien entre le langage et la théorie de l'esprit paraît évident. Pour comprendre la communication linguistique, l'énoncé doit être décodé à l'aide de processus inférentiels livrant l'interprétation complète de l'énoncé. Ces processus inférentiels pourraient s'appuyer sur la théorie de l'esprit. Cette utilisation des indices contextuels pour interpréter les énonciations, comme les indices verbaux et non-verbaux, est rendue possible par l'acquisition de la théorie de l'esprit. Elle se développe progressivement, par étapes, grâce aux nombreuses expériences sociales auxquelles l'enfant est confronté.

D'après Dunn, cité par Bradmetz (1999), l'acquisition des verbes mentaux se réaliserait avec une dissymétrie dans le développement du vocabulaire relatif aux désirs et celui relatif aux croyances. Le vocabulaire se rapportant aux désirs serait acquis en premier, suivi par celui qui se rapporte aux croyances à partir de trois ans. Le vocabulaire concernant les croyances se développerait sur une longue période.

Ainsi, même si l'enfant de cinq ans admet l'existence de différentes croyances correspondant à une même réalité, il ne réussit pas encore à les composer. Il distingue la réalité des représentations, et sa propre croyance de celles d'autrui en se centrant alternativement sur ses croyances puis sur celles d'autrui, Gauthier, Bradmetz (2005).

La théorie de l'esprit va évoluer et permettre de comprendre les fausses croyances, par exemple. Ainsi, la théorie de l'esprit permet à l'enfant de mieux comprendre les erreurs de jugement d'une autre personne, en les assimilant à un manque d'informations pour juger la situation de manière correcte. C'est dans ce cadre que Wimmer et Perner ont réalisé une expérience sur les fausses croyances où l'enfant doit dire dans quelle boîte un personnage, Maxi, va chercher des smarties alors qu'ils avaient été changés de place en son absence. Les enfants connaissent l'endroit où se trouvent les smarties et doivent établir une distinction entre leurs états mentaux et ceux du personnage pour répondre correctement à la question.

La réussite à une tâche de fausses croyances serait facilitée par une bonne maîtrise du langage. Ce dernier sert de moyen d'expression des états mentaux: maîtriser le langage, sa compréhension, permet alors de mieux comprendre les états mentaux des autres, pour agir et parler en conséquent. En effet, Astington (1993) a démontré une forte corrélation entre une bonne maîtrise du langage et la réussite aux épreuves de fausse croyance, sans pour autant démontrer de lien direct de cause à effet entre le langage et la théorie de l'esprit. Le type de lien, co-évolution, pré-requis, etc, qui les unit ne fait pas l'unanimité.

Tout comme l'enfant utilise les actes langagiers pour interpréter les états mentaux d'un camarade, il va prendre en compte les comportements d'autrui pour saisir ses états mentaux. Selon Dunn, cité par Bradmetz (pp. 176-177, 1999), « les conversations à propos de la causalité et l'intentionnalité entre parents et enfants augmentent sensiblement entre trois et quatre ans. La gestion des conflits se modifie dans le sens d'un début d'utilisation par les enfants d'arguments rationnels et de prise en compte des désirs et des buts d'autrui. » Ce développement des interactions montre à quel point l'enfant a conscience qu'un comportement est le produit d'une croyance et d'une intention (Astington, 1993).

Genèse de l'action intentionnelle selon Bradmetz et Amiotte-Suchet (p.325, 1999)

Désirs

Intention de résultats

Intention d'action

Action

Croyances

Analyse de la situation problème

(but, moyens)

Intention préalable intention en action

Selon ces auteurs, la prise de conscience, la conceptualisation et le souvenir de cette intention d'action posent les mêmes problèmes que ceux que pose la fausse croyance. Chez les petits, l'intention d'action semble s'effacer lorque le résultat escompté n'est pas réalisé.

Par la suite, et grâce à la théorie de l'esprit, l'enfant sera donc capable de coordonner les points de vue. La coordination des points de vue, du réel et des croyances provoque une modification de la relation entre le réel et les possibles. Dorénavant, le possible n'est plus considéré comme un prolongement du réel mais fait partie de l'ensemble des possibles. Le réel est dès lors considéré comme une possibilité parmi d'autres. Ainsi, la présence d'autrui, les interactions avec l'entourage, modifie la façon d'appréhender le réel et favorise le développement des compétences sociales.

3. Les apprentissages entre pairs

Le rôle des interactions humaines dans la construction des connaissances et dans le développement cognitif est désormais bien établi. Que ce soit avec des pairs ou avec des adultes, les interactions se trouvent à l'origine de progrès cognitifs pour l'enfant. Celles-ci servent d'intermédiaire entre la connaissance et l'individu apprenant. Mead affirmait déjà en 1943 que «l'interaction entre deux personnes fournit une base pour la construction de la pensée symbolique» (Mead citée par Doise et Mugny, 1997).

L'environnement social du jeune enfant se compose principalement de la famille et de ses relations dans sa section à la crèche ou à l'école maternelle. Pour cette raison, les relations avec les pairs prennent toute leur importance dans le développement socio-cognitif du jeune enfant. Les interactions entre pairs se déroulent sous de multiples formes comme au travers de l'imitation immédiate, les interactions de tutelle, ou le conflit socio-cognitif. De par leur diversité, les interactions entre pairs favorisent l'émergence de multiples apprentissages.

3.1. Les apprentissages par l'imitation immédiate

L'imitation immédiate apparaît principalement entre deux et trois ans, même si elle persiste plus tard dans certaines circonstances particulières comme entre amis très liés. Ce type d'imitation prend forme en présence du partenaire modèle, et consiste à réaliser les mêmes gestes que ceux de son partenaire de façon synchrone et d'intervertir, régulièrement, les rôles entre imité et imitateur.

L'imitation immédiate intervient entre pairs pour leur servir de mode de communication, alors que leurs capacités langagières ne sont pas encore suffisamment développées pour leur permettre de communiquer entre eux (Baudonnière, 1988).

Outre le système de communication qu'elle leur fournit (Nadel, 1986), elle joue le rôle de transition entre le stade sensori-moteur, avec des représentations en action, et l'accès aux représentations. Au travers de celle-ci, les enfants, ayant conscience d'être imités, tentent d'agir sur l'intention de l'autre. L'imité attribue alors à l'imitateur une intention communicationnelle. L'imitation permet donc de tester la volonté de communiquer. C'est grâce à l'imitation immédiate que se développe la capacité de comprendre l'autre comme intentionnel. Ces tests d'intentionnalité «en action» disparaîtront vers quatre ans grâce à l'émergence de la théorie de l'esprit et le développement des capacités méta-représentationnelles.

L'imitation dessert également deux autres fonctions (Cartron et Winnykammen, 1995), à savoir, l'acquisition de savoirs et savoir-faire.

Elle sert à initier les relations sociales entre pairs et c'est grâce à l'imitation immédiate que l'enfant apprend de nouvelles conduites sociales. En effet, l'enfant sait qu'il lui faut attirer l'attention d'autrui pour obtenir ce qu'il désire. Ainsi, en imitant, il attire l'attention de son partenaire sur lui et initie une relation entre eux.

Elle favorise aussi d'autres apprentissages. En effet, tous les enfants, à un âge donné, ne possèdent pas le même répertoire d'actions. Cela suppose que lorsque l'imitateur réalise des actions pour imiter un pair, il accomplit des types d'actions ou des manipulations qu'il n'aurait pas réalisées seul et qu'il ne saurait pas réaliser. Les actions réalisées par son partenaire ne font pas systématiquement partie de son répertoire d'actions. C'est grâce à l'activité de l'enfant lors de l'imitation que de nouvelles manières d'agir sont intériorisées.

3.2. Les interactions de tutelle entre pairs

Les études sur les interactions de tutelle entre pairs s'appuient sur la zone proximale de développement, où le plus expérimenté faciliterait le développement cognitif du plus faible en le mettant dans sa zone proximale de développement.

Les interactions de tutelle entre pairs désignent des interactions en dyade où les deux individus n'ont pas le même niveau de compétences. Le plus compétent, appelé expert, interagit avec un sujet moins compétent, à savoir le novice. Ce type d'interaction a été étudié dans la mesure où il favoriserait les apprentissages tant pour le novice que pour l'expert. Le plus expérimenté apprend tout en enseignant au plus faible et en l'aidant à résoudre un problème qui serait trop difficile seul. Il sert de médiation dans la résolution du problème entre ce qu'il est capable de faire seul avant la tâche et ce qu'il sera capable de faire seul par la suite.

Barnier (2001) insiste sur le fait que c'est le tuteur qui retire le plus de bénéfices de l'interaction. D'après cet auteur, le tutorat constitue « un dispositif médiateur du développement de la capacité à apprendre des tuteurs en sollicitant leur capacité à enseigner, à expliquer.» (1996, pp. 44-47) En effet, lors de la résolution de problème en situation de tutelle, le tuteur aide le tutoré à résoudre la tâche pour qu'il parvienne à la résoudre seul ultérieurement. Dans cette optique, le tuteur segmente le problème en plusieurs sous-problèmes, donne des explications sur les erreurs commises et met en évidence des indices facilitant la résolution du problème. Donner des explications au tutoré a des effets positifs pour le tuteur dont les connaissances deviennent plus claires. Le tutorat renforce les connaissances acquises mais Barnier insiste également sur d'autres bénéfices que peut retirer le tuteur, à savoir la confiance en soi, la valorisation de l'image de soi, et l'intégration. Il est donc important de choisir différents tuteurs lors d'apprentissages en milieu scolaire pour que le plus grand nombre d'élèves puisse bénéficier de ces effets positifs. De plus, être d'un bon niveau scolaire ne suffit pas pour être un bon tuteur. Cette situation nécessite de bonnes capacités communicationnelles. Comme le but du tutorat est principalement d'aider l'élève en difficulté à résoudre le problème, il s'agit, pour le tuteur, de lui transmettre des explications. Parvenir à résoudre le problème ne suffit pas pour faciliter la résolution par le tutoré. Il lui faut également trouver les mots adaptés, compréhensibles, se mettre au niveau de l'autre élève...

3.3. Le développement cognitif et le conflit socio-cognitif

3.3.1. Le conflit socio-cognitif et le marquage social

Les études sur le conflit socio-cognitif se sont développées à partir des travaux réalisés par Doise, Mugny et Perret-Clermont en 1975. Doise explique le lien entre l'élaboration de nouvelles réponses cognitives et le conflit socio-cognitif à partir du concept de marquage social. Le marquage social définit toute situation socio-cognitive où une correspondance existe « entre la nature des relations qui sont établies ou s'établissent entre des partenaires sociaux, et la nature des relations cognitives impliquées dans la tâche qui médiatise la relation entre ces partenaires. Dans certaines conditions, ces correspondances peuvent favoriser l'élaboration cognitive, notamment lorsqu'il existe entre elles une isomorphie saillante.» (1997, p.121) Le mécanisme par lequel le marquage social assure l'élaboration de nouvelles réponses cognitives est le conflit socio-cognitif. 

Par exemple, la situation expérimentale sur la conservation de la longueur utilisée par Doise répond à cette isomorphie. Dans cette situation expérimentale, on attribue deux bracelets de grandeurs différentes à l'adulte et à l'enfant. L'adulte reçoit un grand bracelet alors que l'enfant reçoit un bracelet plus petit. Il existe donc une correspondance entre les relations sociales (plus grand et plus petit) et la notion intellectuelle de conservation des longueurs. Pour faire émerger un conflit socio-cognitif, l'adulte s'oppose aux propositions de l'enfant. Dans la condition témoin, les bracelets sont attribués de la même manière, mais à des cylindres en papier. Il n'y a donc pas de marquage social dans cette situation. L'apprentissage s'est avéré plus efficace dans la condition avec marquage social.

3.3.2. Les compétences préalables au conflit socio-cognitif

S'il peut favoriser des progrès cognitifs, le conflit socio-cognitif nécessite tout de même certains pré-requis, tant au niveau social que cognitif, pour être efficace.

Le conflit socio-cognitif est une situation d'interaction. Comme tel, il implique divers savoirs et savoir-faire du registre de la communication et notamment la capacité à appréhender les états mentaux de son partenaire. De telles compétences peuvent jouer un rôle important dans des situations d'apprentissage en collaboration. C'est dans ce contexte que Gilly, Roux et Trognon affirment : «Les situations d'interaction socio-cognitives, comme toute situation de communication, s'organisent à partir du partage de la négociation de signification», (1999, p. 22). Les significations concernant les diverses composantes de la situation, les aspects sociaux mais également les aspects cognitifs, comme la représentation du but de la tâche ou les moyens à mettre en oeuvre pour la résoudre, se co-construisent. En effet, chaque enfant construit sa propre représentation de la situation. Cette dernière évolue au fur et à mesure des échanges. Ainsi, les partenaires parviennent progressivement à une représentation commune et partagée par une négociation de la signification de la situation. Dans ce cadre, les connaissances résultent d'une construction intersubjective. Cette dernière ne paraît possible que si le sujet repère le point de vue de son partenaire. C'est pourquoi l'intersubjectivité, la compréhension des états mentaux d'autrui, peuvent être considérés comme des préalables au conflit socio-cognitif. Mais la subjectivité intervient à de multiples reprises dans cette situation et ne se limite pas à la compréhension des états mentaux d'autrui dans la construction d'une représentation commune du problème. En réalité, il est nécessaire de se représenter les difficultés éprouvées par son partenaire, sa représentation de la situation, ses connaissances et ses intentions, ses croyances quant à la signification de la consigne pour s'engager dans la négociation ou pour proposer de l'aide. Par exemple, proposer de l'aide à un partenaire alors qu'il n'en ressent pas le besoin risque d'être mal perçu. Ainsi, le conflit socio-cognitif fait intervenir les compétences en théorie de l'esprit à différents niveaux.

Pour traduire ces états émotionnels mais également cognitifs, les comportements non-verbaux sont utilisés comme indices. C'est à partir de ceux-ci que les enfants émettent des inférences sur autrui dans le cadre des situations de co-résolution de problème. Produire des inférences pertinentes peut leur permettre de mieux s'adapter à leur partenaire (Gauducheau et Lusinier, 2004).

3.3.3. Le conflit socio-cognitif, une conception interactionniste et constructiviste de l'intelligence

C'est une conception interactionniste qui s'est développée à partir des recherches de Vygotsky et de Piaget. Selon Montmollin (cité par Doise et Mugny, 1997), l'interaction sociale désigne les effets résultant de la présence, des paroles ou de l'action d'autrui sur les réponses (réactions observables) de l'individu à son environnement social ou non social. Ainsi, l'acquisition d'une connaissance peut être la conséquence de la présence d'autrui et être d'abord acquise au travers de la situation d'interaction sociale comme lors du conflit socio-cognitif. Résultant de l'interaction sociale, ces connaissances seront progressivement intériorisées. Les interactions sont plus ou moins favorables à l'acquisition de nouvelles connaissances. Pour facililiter leur acquisition d'une manière optimale, il s'agit de « placer » un des enfants dans sa « zone proximale de développement » en le faisant interagir avec un enfant de niveau cognitif légèrement plus élevé.

La zone proximale de développement désigne alors les compétences d'un enfant en situation d'interaction avec une personne d'un niveau cognitif plus élevé, soit un pair plus compétent, soit une personne plus âgée. Ses performances sont plus élevées que celles réalisées quand il est seul. Grâce à l'interaction, il apprend de nouveaux raisonnements, de niveaux supérieurs, qu'il intériorisera pour les reproduire seul ultérieurement. L'apprentissage précède alors le développement.

La théorie du conflit sociocognitif s'appuie aussi sur une conception constructiviste piagetienne selon laquelle le conflit cognitif interne joue un rôle majeur dans le développement des structures des connaissances, de même que l'équilibration (Piaget cité par Doise et Mugny, 1997). Le conflit cognitif interindividuel rend les oppositions entre les centrations plus saillantes et incite à une coordination des points de vue interindividus. Cette dernière se trouve à la base d'une réorganisation cognitive individuelle. C'est ainsi que se réalise l'équilibration.

Le conflit socio-congitif s'inscrit également dans une conception constructiviste dans la mesure où les actions du sujet, sa recherche active de solution, et son investissement dans la tâche, jouent un rôle primordial dans son propre développement cognitif (Sorsana, 1999). En effet, le conflit socio-cognitif ne concerne pas uniquement un conflit intra-individuel mais également un conflit interindividuel où chacun agit en affirmant son propre point de vue. Le conflit provient de la mise en commun des différents points de vue hétérogènes, et, logiquement incompatibles, lors d'une situation d'interaction dans un groupe de pairs, lors d'une résolution de problème. Cette mise en commun favoriserait la découverte de la solution et l'apprentissage de la démarche.

3.3.4. Les facteurs intervenant dans le développement cognitif

De nombreux facteurs modifient le déroulement et l'impact cognitif du conflit. Des facteurs très variés interviennent, touchant tant au contexte, qu'aux relations ou aux démarches mises en oeuvre pour résoudre le problème.

Comme il a été mentionné précédemment, le contexte du conflit socio-cognitif joue un rôle décisif. Il s'agit, pour le maître, de créer un contexte, un environnement propice aux apprentissages. En effet, encadrer la situation d'interaction semble nécessaire pour qu'elle soit efficace d'un point de vue cognitif. Cet encadrement doit être réalisé par le maître, qui invite les enfants à se poser des questions, et les incite agir (Beaudichon, 1992). Le maître jouerait en quelque sorte le rôle de médiateur entre les élèves et la connaissance. Cette dynamique interactive, pourtant nécessaire, ne s'instaure pas dans chaque situation expérimentale, peut-être à cause des dispositifs expérimentaux pas suffisamment contraignants.

En ce qui concerne les facteurs se référant au relationnel, on trouve le climat socio-affectif. D'après Hartup (Hinde et al., 1988), la résolution de problème entre amis se réalisera plus aisément. Ainsi, les amis vont dialoguer, et chacun va prêter une grande attention aux points de vue des autres et veiller à ce que chacun puisse s'exprimer librement. Les échanges d'explications, qui ont un impact sur les progrès, sont plus fréquents et plus riches dans les groupes d'amis. Sorsana (1999, p.51) a montré que «  des dyades d'enfants affines, âgés de six à huit ans, ont résolu une version agrandie et alourdie de la Tour d'Hanoï avec des performances statistiquement supérieures aux dyades au dyades d'enfants non-affines au cours du deuxième essai. » En revanche, dans un groupe de pairs ayant des problèmes relationnels, certains tenteront d'imposer leur propre point de vue sans demander l'avis des autres et sans donner d'explication sur les raisons de leur choix. Que ce soit dans un groupe d'amis ou non, l'engagement social pousse le sujet à s'investir davantage dans la tâche.

De plus, le degré de symétrie de la dyade a été évalué, associé au degré d'expertise de chacun (expert, moyen, novice). Il en ressort qu'un certain niveau d'expertise est nécessaire pour que l'interaction soit bénéfique. Les dyades symétriques et légèrement asymétriques sont efficaces. Par exemple, des dyades comprenant des enfants de niveaux novice et moyen ou de niveaux novice et faible sont peu efficaces, car leur niveau d'expertise est faible. De la même manière, les dyades fortement asymétriques sont peu efficaces en ce qui concerne les progrès, car l'expert n'inclut pas forcément le novice dans la démarche de résolution. Une relation de type dominant-dominé s'instaure entre eux. Il s'agirait, pour l'expert, de donner des informations sur la démarche pour parvenir à la solution.

Les oppositions jouent également un rôle particulier dans le conflit socio-cognitif. Mais elles ne sont pas nécessaires et ne sont pas le seul moyen pour que des progrès personnels aient lieu après la situation. D'ailleurs, dans quasiment toutes les expérimentations (Perret-Clermont, 2001), des effets bénéfiques de l'interaction ont été observés sans qu'il y ait eu de véritable conflit. La résolution peut se réaliser dans une co-construction où un enfant élabore une solution tandis que l'autre acquiesce (Gilly, 1999). Ainsi, le fait de motiver les membres du groupe, de contrôler ses propres actions (vérification des actions réalisées par son partenaire) et une intervention déstabilisante du partenaire lors de la résolution de problème, sont bénéfiques et peuvent conduire à un élargissement du champ d'action ou de représentation. Ainsi, l'opposition du partenaire ne semble pas nécessaire à l'apparition de progrès.

Même si les progrès ne dépendent pas de l'existence d'oppositions, celles-ci sont tout de même un moyen privilégié pour produire un déséquilibre intra-individuel car elles font coexister de façon plus saillante des centrations opposées alors que, dans un conflit interne, diverses centrations oscillent successivement et provisoirement. Elles peuvent être produites volontairement, en mettant les enfants l'un en face de l'autre dans une tâche spatiale par exemple.

Cependant, les oppositions ne suffisent pratiquement jamais à elles seules pour que le sujet progresse. En effet, ces dernières ne doivent pas porter sur le résultat mais bien sur la procédure de résolution, la manière de faire pour parvenir au résultat comme le mentionne Gilly (Gilly cité par Perret-Clermont, 2001).

Les facteurs qui se rapportent aux représentations du problème et aux démarches mises en oeuvre concernent d'une part la façon de résoudre les tensions et, d'autre part, la prise de conscience des différentes centrations.

Ainsi, le centre du conflit et la recherche de solution ne doivent pas être d'ordre relationnel, c'est-à-dire en essayant de résoudre les tensions sociales entre les différents protagonistes ou en se soumettant au choix de son partenaire, mais d'ordre cognitif, par la recherche d'une solution au problème cognitif en allant au delà des oppositions entre les propositions. C'est la résolution sur un mode socio-cognitif qui fait progresser, comme l'indique Gilly, (cité par Perret-Clermont et Nicolet, 2001). C'est pour cette raison que la tâche de guidage d'une voiture par des enfants face-à-face est si efficace (cf p. 9). La déstabilisation porte bien sur leurs actions et non sur la solution, sa destination finale.

La prise de conscience des différentes centrations a un impact sur le développement cognitif. En effet, lors de la résolution de problèmes en groupe, chacun participe et propose une solution. Alors que l'enfant n'entrevoyait qu'une façon de résoudre le problème, il prend connaissance de l'existence d'autres propositions. Cette prise de conscience le pousse à abandonner sa centration, et à se décentrer pour prendre en considération les autres points de vue, pour les confronter, et, enfin, pour coordonner les points de vue initialement opposés. Cette solution sera progressivement intégrée pour permettre à l'enfant de résoudre des problèmes du même type seul ultérieurement. Le progrès cognitif résulte donc de l'intégration de plusieurs centrations différentes dans un système de régulations cognitives compensant les oppositions. Il y a un double déséquilibre, à savoir inter-individuel et intra-individuel et c'est grâce à la résolution du conflit inter-individuel que le conflit intra-individuel est résolu. D'après Doise (1997), c'est par intériorisation de coordinations sociales que se mettront en place de nouvelles coordinations intra-individuelles. 

Par exemple, ce type de conflit peut être observé lors d'un problème sur la conservation des liquides. Ce dernier, élaboré par Piaget, a été repris par Doise, Mugny, et Perret-Clermont (1997). L'expérimentateur donne à un groupe de trois enfants, dont le niveau de conservation a été testé au préalable, un verre rempli de jus de fruit, un verre vide haut et étroit, un verre large et bas, ainsi qu'un berlingot de jus de fruits. L'expérimentateur demande à un des enfants de donner autant à boire à ses copains pour qu'ils soient autant contents. L'enfant non conservant va évaluer la quantité en fonction de la hauteur. Certains penseront qu'il y a plus de liquide dans le premier récipient parce qu'il est plus haut alors que d'autres en verront davantage dans le second puisqu'il est plus large. Ces divergences vont les pousser à combiner ces variables pour arriver à la conclusion qu'elles se compensent.

3.3.5. L'impact du conflit socio-cognitif

Le conflit socio-cognitif favorise le développement de nombreuses compétences, dans des domaines très variés. Il influe sur le développement et certaines fonctions cognitives mais également sur les compétences sociales.

Le conflit socio-cognitif facilite les apprentissages cognitifs. Les progrès réalisés sont généralisables à d'autres connaissances du même type. Par exemple, lorsqu'un enfant fait des progrès dans des problèmes concernant la conservation des longueurs, il généralisera cette acquisition. Ainsi, les problèmes concernant la conservation des quantités seront résolus avec davantage de facilité. Le conflit socio-cognitif permet donc à l'enfant d'accéder à un schème de niveau supérieur. En effet, il parvient à repérer dans une action ou une situation ce qui est généralisable et à le transposer dans une autre situation représentant des éléments communs avec la précédente.

D'autres progrès ont lieu dans le domaine cognitif, plus particulièrement au niveau des fonctions cognitives comme les « régulateurs d'action ». Ces progrès ont lieu grâce aux déstabilisations provoquées par les interventions du partenaire. Cette déstabilisation concerne la représentation du problème et des possibilités d'action. En effet, après une intervention « déstabilisante », le sujet change la représentation qu'il s'était faite du problème ou sa représentation de la manière d'exécuter la tâche. Ainsi, les progrès se rapportent à certaines fonctions cognitives fortement liées aux relations sociales comme les régulateurs de l'action. Ces derniers désignent les capacités d'organisation, de contrôle et de vérification impliqués dans la résolution de problème. Ainsi, le sujet développe ses capacités d'identification du problème (déduction d'un certain nombre de faits à partir de la situation de problème permettant sa résolution), de création de stratégie, planification (anticipation des actions ainsi que les résultats de celles-ci), de contrôle des opérations (attention aux résultats des actions, et mémorisation des erreurs pour éviter de les reproduire), ou encore la capacité de changement de représentation du problème en cas d'impasse ...

D'autre part, les compétences sociales seront facilitées par la participation du sujet à de telles situations d'interactions. Les catégories mentales se mettraient en place lors de la participation de l'enfant à des interactions sociales de nature très variées. Le développement cognitif se structurerait à partir de la structuration de l'environnement social (normes représentations, règles) qui organiserait les interactions sociales. Ces nouvelles compétences cognitives favoriseraient le développement des compétences sociales et permettraient à l'enfant de participer à des interactions sociales plus élaborées. C'est dans ce contexte que Doise affirme «A tout moment de son développement, des compétences spécifiques permettent à l'individu de participer à des interactions sociales relativement complexes qui peuvent donner lieu à de nouvelles compétences individuelles qui pourront s'enrichir de nouveau lors de participations à d'autres interactions sociales.» (pp.125-126, 1993)

De cette manière, une sorte de spirale développementale se réaliserait dans le conflit socio-cognitif. Les apprentissages cognitifs servent de prérequis à de futurs apprentissages. Ils servent de base à la régulation d'interactions sociales plus complexes, qui, elles-mêmes, permettront l'émergence de processus cognitifs plus évolués. C'est ce qu'exprime Doise (p. 37, 1997) en disant qu'en coordonnant ses propres actions avec celles d'autrui, il élabore des systèmes de coordination de ses actions et arrive à les reproduire tout seul par la suite. La causalité que nous attribuons à l'interaction sociale n'est pas unidirectionnelle; elle est circulaire et progresse en spirale : par l'interaction, l'individu maitrise certaines coordinations lui permettant alors de participer à des interactions sociales plus élaborées, qui, à leur tour, deviennent source de développement cognitif. Ainsi, à des niveaux précis du développement cognitif, certaines interactions sociales, agissant comme un de ces inducteurs de l'embryogenèse, entraînent le développement d'une nouvelle organisation cognitive. 

 

II PROBLEMATIQUE

1. Problématique

Dans le système éducatif actuel, l'enseignement s'éloigne de plus en plus des images que l'on se construit de la classe comprenant la maîtresse à son bureau ou devant le tableau et les élèves assis en rang qui l'écoutent silencieusement. L'hétérogénéité des classes est devenue un problème préoccupant. Dans un souci de transmettre le meilleur enseignement possible dans une classe si particulière, l'organisation du travail et de l'enseignement sont dorénavant aménagés bien différemment, replaçant l'élève au centre de l'apprentissage. L'apprentissage ne consiste plus, pour l'instituteur/trice, à donner un cours en parlant devant une classe d'élèves assis qui écoutent plus ou moins passivement. Désormais, l'élève est replacé en tant qu'acteur de son apprentissage. C'est en partie au travers des actions qu'il réalise avec les autres élèves qu'il apprend. Une importante partie du temps est consacrée à du travail par petits groupes d'élèves, des groupes tant symétriques qu'asymétriques, des situations de co-résolution de problème ou d'application de règle d'orthographe par exemple (il s'agit de remplir des fiches comprenant du texte où certains espaces ont été laissés blancs dans les phrases. Le remplissage se fait en suivant la consigne, à savoir la règle d'orthographe, en groupe). Ces situations se retrouvent aussi et tout particulièrement dans les écoles maternelles. Dans un contexte où l'apprentissage est censé se réaliser partiellement au travers de situations d'interactions entre enfants, rechercher les conditions d'apprentissage les plus efficaces paraît essentiel. Comme il a été exposé plus haut, Vygotsky (1934) avait déjà établi le lien entre le développement des fonctions psychiques supérieures et la transmission sociale. Cette vision a des répercussions sur la façon d'organiser l'enseignement. Pédagogiquement, il s'agit de s'interroger sur la façon dont se déroule cette transmission sociale et sur les éléments intervenant dans les situations d'interaction qui favorisent l'apprentissage.

Les recherches sur le conflit socio-cognitif et la théorie de l'esprit ont particulièrement retenu notre attention dans la mesure où elles se rapportent aux situations d'enseignement actuelles et les éclairent en valorisant l'hétérogénéité des classes. Ainsi, les études sur le conflit socio-cognitif indiquent que l'apprentissage cognitif se réalise au travers de la coordination des points de vue, nécessitant un certain degré de compétences en matière d'attribution d'états mentaux.

De la même manière, les recherches sur la théorie de l'esprit montrent que cette compétence se développe progressivement, vers une aisance de plus en plus apparente dans la distinction de ses propres états mentaux de ceux des autres, dans l'attribution d'états mentaux, puis dans leur coordination. Les recherches montrent également à quel point les interactions, ainsi que l'utilisation du langage, semblent essentielles pour que se développe cette compétence.

Doise et Mugny (1997) ont mis en évidence le lien entre ces recherches en montrant que le sujet se construit sa propre représentation de la situation, la distingue de celle d'autrui, pour ensuite les intégrer l'une et l'autre et les coordonner dans une représentation plus complexe et plus élaborée. C'est donc grâce à l'attribution d'états mentaux que le conflit socio-cognitif favorise les apprentissages. Cette capacité à attribuer des états mentaux joue le rôle de prérequis. Ainsi, les enfants parvenant le mieux à se représenter les états mentaux d'autrui coordonneraient plus facilement les divers points de vue et tireraient davantage de bénéfices du conflit socio-cognitif.

Mais c'est une étude de Doise (1993) portant sur les compétences sociales qui nous a donné le plus à réfléchir. Selon lui, des compétences spécifiques de l'individu rendent possibles certaines interactions sociales et c'est au travers de celles-ci que l'individu développe de nouvelles compétences qui favoriseront l'émergence de nouvelles compétences sociales plus évoluées. Par exemple, l'acquisition de compétences spécifiques telles que l'attention conjointe est nécessaire pour que se développe l'intersubjectivité. De la même manière, Astington (1993) affirmait qu'un entraînement langagier favorisait le développement de la théorie de l'esprit. On pourrait alors se demander si le conflit socio-cognitif, en tant que situation d'interaction, ne favoriserait pas également le développement de compétences sociales comme la représentation d'états mentaux.

En définitive, la problématique sur laquelle le travail de recherche est centré porte sur le lien étroit unissant la théorie de l'esprit et le conflit socio-cognitif.

2. Hypothèses

Notre hypothèse générale est la suivante :

Il existerait un lien « bidirectionnel » entre les compétences sociales telles que la théorie de l'esprit, et la coordination des points de vue lors du conflit socio-cognitif. Aux environs de quatre-cinq ans, les enfants reconnaissent l'existence de différentes croyances pour une même réalité mais éprouvent encore des difficultés à les composer entre elles pour parvenir à une vision plus globale. Ainsi, la théorie de l'esprit faciliterait le bon déroulement de l'interaction et se développerait suite aux sollicitations inhérentes au conflit socio-cognitif.

Hypothèse 1 :

L'hypothèse 1 suppose que le groupe le plus fort en théorie de l'esprit utilise plus de verbes mentaux et termine plus rapidement le tangram alors que des oppositions augmenteraient le temps de résolution et le nombre de verbes mentaux utilisés. Cette hypothèse se décompose en deux sous-hypothèses.

A De bonnes compétences en attribution d'états mentaux s'accompagnent d'une meilleure coordination des états mentaux lors du conflit socio-cognitif alors que des difficultés dans l'attribution d'états mentaux à autrui s'accompagneront également de difficultés dans la gestion du conflit socio-cognitif, en ce qui concerne la coordination des divers points de vue, ou la représentation des problèmes de son partenaire. Les enfants ayant le mieux acquis la théorie de l'esprit parviendraient mieux à coordonner les divers points de vue lors d'une situation de conflit socio-cognitif.

Ainsi, les enfants ayant réussi le test d'attribution d'intention utiliseraient plus de verbes mentaux que ceux qui ont échoué au test, et termineraient plus rapidement la figure, un lapin, avec les formes du tangram.

B Les enfants ayant des opinions divergentes sur la résolution du jeu de tangram (décrit ci-dessous, p.38) devront justifier leur point de vue pour essayer de faire comprendre à leur partenaire ce qui ne leur convient pas. En justifiant leur point de vue, ils utiliseront plus de verbes mentaux que les autres. De plus, cette coordination prend plus de temps que s'ils résolvent un tangram dans la co-élaboration.

Ainsi, il y aurait un lien entre l'apparition d'oppostions, le nombre de verbes mentaux utilisés et le temps de résolution. Les enfants s'étant opposés à leur partenaire utiliseront plus de verbes mentaux et leur temps de résolution du tangram risque d'être plus long que celui des enfants ayant coopéré dans la résolution du tangram.

Hypothèse 2 :

L'hypothèse 2 consiste à évaluer les effets du conflit socio-cognitif sur les compétences en théorie de l'esprit. Elle suppose une amélioration de ces compétences après le conflit, renforcée par la présence d'oppositions. Elle se divise en deux sous-hypothèses.

A- A l'issue du conflit sociocognitif, il s'agit de parvenir à une solution commune après avoir coordonné les diverses représentations. Parvenir à ce résultat nécessite la représentation d'états mentaux comme inférer le point de vue de l'autre, identifier l'origine de ses difficultés et proposer une aide adaptée, ou encore detecter la conception de la consigne d'un partenaire grâce à l'utilisation d'indices contextuels. Comme les situations telles que le conflit socio-cognitif sollicitent la représentation d'états mentaux à partir d'éléments contextuels, les enfants confrontés à de telles situations d'interactions sont davantage entraînés que les autres. Ils font preuve de meilleures compétences en régulations sociales et en théorie de l'esprit que ceux n'ayant pas participé aux résolutions de problème dans une situation de conflit socio-cognitif.

Ainsi, les enfants ayant participé au conflit sociocognitif obtiendraient de meilleures performances aux tests d'attribution qu'au premier test passé avant la résolution du tangram.

B- Les membres d'un groupe confrontés à des oppositions devront davantage justifier leur point de vue, chercher divers moyens pour le faire comprendre aux autres, c'est-à-dire rechercher les difficultés ou les causes des divergences... Les oppositions au sein des dyades entraîneraient à attribuer des intentions.

Par conséquent, les enfants ayant participé à des dyades où des oppositions ont eu lieu obtiendraient de meilleurs résultats aux tests d'attribution, que ceux ayant participé à des dyades fonctionnant dans la coopération.

C-

III METHODE

1. Population

1.1. Le lieu

La recherche s'est déroulée à Vanves, une ville de vingt-cinq mille habitants située dans les Hauts-de-Seine (92), dans la banlieue sud de Paris. Ce département est plutôt considéré comme « privilégié ». La population est donc assez aisée, même si de nombreuses nationalités sont présentes.

Les expériences se sont déroulées dans le cadre scolaire en raison de son aspect familier pour les enfants et son lien avec les apprentissages. En effet, ce lieu est bien connu des enfants et il ne nécessite donc pas de phase d'adaptation. De plus, cet endroit est propice aux apprentissages. C'est un lieu dans lequel les enfants restent dans une dynamique d'apprentissage, nécessaire au bon déroulement du conflit socio-cognitif. Comme il a été mentionné précédemment, les enfants doivent rechercher activement la solution pour que les interactions aient un effet. Il s'agit alors de les intégrer dans une dynamique d'apprentissage.

Comme la recherche fait intervenir des enfants âgés de quatre à cinq ans, elle s'est passée dans une école maternelle. L'école choisie comporte cinq classes. L'étude a été réalisée dans la classe III, comprenant vingt-cinq élèves au total, répartis entre la petite et la moyenne section ; soit vingt élèves de moyenne section et cinq enfants inscrits en petite section. Seuls les élèves de moyenne section ont participé à la recherche.

Une salle de dortoir annexée à la classe, reliée à celle-ci par une porte, nous a été mise à disposition. Cette proximité nous a permis de travailler en petit groupe sans être dérangés par le bruit produit par le reste de la classe, tout en restant à proximité de la maîtresse qui proposait régulièrement à des élèves de venir nous voir les deux premiers jours. La salle de dortoir comprend quelques petits lits et une table ronde avec des chaises.

1.2. Description de la population

Pour valider les différentes hypothèses émises, nous avons choisi de mener notre recherche sur une population composée de dix-neuf enfants des deux sexes, âgés de quatre à cinq ans, scolarisés dans la même classe de moyenne section en maternelle. La population se limite à des enfants de cet âge car à ce moment-là de leur existence, ils possèdent déjà quelques compétences en théorie de l'esprit. C'est une sorte de période charnière dans la mesure où ils reconnaissent l'existence de divers points de vue pour une même réalité. Il leur est donc dorénavant possible de considérer un fait selon de multiples points de vue mais uniquement alternativement. Mais ces difficultés de coordination peuvent peut-être être surmontées plus facilement par un entraînement lors d'interactions telles que le conflit socio-cognitif.

Même si beaucoup d'élèves sont d'origine française, d'autres viennent d'Amérique du Sud, de l'Europe de l'Est, du Maghreb, et d'Asie. En revanche, leurs parents vivent en France depuis de nombreuses années, voire depuis plusieurs générations, et tous parlent et comprennent bien le français mis à part C.. Pour cette raison, cet enfant n'a pas participé à la seconde partie de la recherche.

Comme la recherche s'est déroulée en fin d'année scolaire, tous les enfants se connaissent bien. Les élèves qui ont participé à cette expérience ont comme point commun d'habiter dans les Hauts-de-Seine et de suivre les cours dans la même salle de classe. Mais chaque enfant comporte déjà un passé bien particulier, une histoire personnelle qu'il convient de mentionner afin de mieux situer et comprendre les résultats obtenus par chacun aux tests. Ces informations sur une partie des élèves ont été transmises par leur institutrice. Les autres n'ont pas particulièrement attiré son attention comme leur parcours scolaire se déroule de façon ordinaire.

Pour garder l'anonymat des enfants, seules des initiales ont été utilisées pour les nommer. La scolarisation de F nécessite l'assistance d'une personne en plus de l'ATSEM (agent territorial spécialisé de l'école maternelle) en raison de problèmes respiratoires et du comportement violent qu'il a eu envers ses camarades en début d'année scolaire.

C, quant à lui, est originaire du Sri Lanka. Il a été scolarisé en petite section à l'école Marceau l'année dernière. Ensuite, il est parti vivre huit mois au Sri Lanka avec sa famille. Il n'est revenu en France qu'au mois d'avril. Comme ses parents ne parlent quasiment pas français, il n'a pas l'occasion de parler français à la maison. Cet enfant éprouve de grosses difficultés de compréhension et de vocabulaire. Par exemple, lorsque nous lui avons demandé son prénom, il l'a donné en chuchotant mais quand nous lui avons demandé de donner son âge, il a redit son prénom. De même, lors de la première partie de la recherche, nous lui avons demandé de nommer les formes du Tangram qui se trouvaient devant lui, mais il répondait systématiquement et en chuchotant par des noms de couleurs. Nous lui avons donc montré du doigt le contour de la forme, mais il a continué de donner des couleurs.

B. est une fille qui a fêté ses quatre ans au début de l'année 2007. Elle a débuté l'année scolaire en petite section et a sauté une année dans le courant de l'année scolaire.

O. est un garçon dont le développement se déroule de façon hétérogène. Il peut avoir le niveau d'un élève de grande section dans certains domaines alors qu'il éprouve de grosses difficultés dans d'autres où il se retrouve plus au niveau d'un enfant de petite section.

P. a de la peine à se concentrer.

K. éprouve des difficultés scolaires en règles générales.

2. Description du matériel utilisé

2.1. Le Tangram

Le Tangram est un jeu de patience d'origine chinoise de sept pièces pouvant constituer un carré ou d'autres figures en fonction de leur place et de leur orientation. Il comprend des pièces de différentes formes (trois triangles, un carré, et un parallélogramme) et de plusieurs grandeurs.

Le but du jeu est de constituer une figure, choisie parmi plusieurs modèles avec l'ensemble des pièces, sans les superposer. Ce jeu est parfois utilisé comme casse-tête (certaines figures sont très difficiles à réaliser), ou comme matériel d'évaluation de la flexibilité et de la créativité.

Ce jeu nous paraît intéressant dans une telle recherche car il fait intervenir l'orientation. Les enfants devront utiliser un vocabulaire relevant de la structuration de l'espace pour décrire l'orientation des pièces. En plaçant les enfants l'un en face de l'autre dans les dyades, ils ne voient pas les pièces selon le même point de vue et il y a de fortes probabilités pour que leurs descriptions et leurs propositions divergent. Il risque donc d'y avoir des oppositions, des conflits au sein des dyades et une nécessité accrue de coordonner leurs points de vue.

Enfin, il paraît adapté à la population participant à l'expérimentation. En effet, le tangram fait intervenir des compétences relatives aux formes. En fin de maternelle, l'enfant doit être capable de reconnaître, différencier, et comparer les formes, c'est-à-dire catégoriser des formes et reproduire un assemblage. Un manque de maîtrise du matériel ne risque pas de perturber l'expérimentation.

De plus, aucun travail sur le tangram n'a été réalisé en cours d'année scolaire sur ce sujet. A moins d'avoir été confronté à ce jeu en dehors de l'école, ils sont tous plus ou moins au même niveau avant de commencer l'expérience.

En effet, à part un enfant ayant des difficultés de compréhension de la langue française, tous sont parvenus à nommer les triangles et les carrés. Seul le parallélogramme a posé des difficultés. Aucun n'a donné son nom. Certains l'ont appelé losange ou « diamant ». Même s'ils ne connaissent pas encore son nom, ils parviennent à le distinguer des autres et peuvent se mettre d'accord pour lui donner un nom lors du conflit socio-cognitif.

2.3. Le test de la fausse croyance

Nous avons choisi de faire passer deux tests standards de fausse croyance aux enfants pour évaluer leurs compétences en fausse croyance. Ces tests ont été créés à partir des expériences fondatrices de Wimmer et Perner datant de 1983.

Dans un premier temps, les résultats obtenus à cette tâche servent à regrouper les enfants à partir de leurs résultats en dyades symétriques. Dans un second temps, ils permettent d'évaluer les effets dûs au conflit socio-cognitif. Il s'agit de faire passer des tests comportant des histoires du même type racontées avec des poupées et comprenant le même nombre de personnages, lieux, type de questions. Ces similitudes évitent de biaiser les résultats en raison de difficultés variables entre les tâches en ce qui concerne la compréhension, la mémorisation, etc.

Ces expériences semblent appropriées dans la mesure où elles font intervenir les actions d'autres personnages et les enfants doivent réfléchir à partir de ces actions pour ensuite donner des informations sur leurs états mentaux. Ce type de compétence intervient également lors du conflit sociocognitif comme l'enfant va rechercher, à partir des actions de son partenaire, à comprendre pourquoi il a agi ainsi, quelle est sa représentation du problème...

Ces histoires sont tirées des expériences réalisées par Bradmetz et Bonnefoy-Claudey en 1997 (Bradmetz, 1999, pp. 179-180) sur l'acquisition de la compréhension et de la production des verbes savoir et croire.

Histoire 1: Julie est assise sur le canapé et lit une histoire. Dans la même pièce, le chat dort sous le piano. Au bout d'un moment, Julie arrête de lire car elle veut donner à manger au chat. Pour cela, elle sort du salon et va préparer à manger dans la cuisine. Pendant qu'elle est dans la cuisine, le chat se réveille, se lève, et va se coucher sur le canapé. Quand Julie a terminé de préparer à manger, elle sort de la cuisine avec l'assiette du chat et va rentrer au salon.

Question: Où Julie va-t-elle chercher le chat? Pourquoi ?

Histoire 2: Max est un garçon qui s'amuse dans la cuisine auprès de sa maman. Sa maman lui prépare un gâteau au chocolat. Pour le faire, elle doit utiliser du chocolat qui se trouve dans l'armoire. Max voit sa maman prendre le chocolat dans l'armoire et le redéposer au même endroit. Après, Max a envie d'aller jouer dehors. Alors il sort de la cuisine. Mais pendant qu'il s'amuse dehors, sa maman reste dans la cuisine pour préparer à manger et elle a de nouveau besoin de prendre du chocolat. Alors elle prend le chocolat qui était dans l'armoire. Et quand elle a terminé, elle se trompe et range le chocolat dans un tiroir. Ensuite, Max a terminé de jouer dehors, il commence à avoir faim, alors il se dirige vers la cuisine comme il a envie de manger du chocolat.

Question: Où pensez-vous que Max va aller chercher le chocolat ? Dans l'armoire ou dans le tiroir ? Vous pouvez avoir des réponses différentes.

3. Procédure

La recherche se réalise sous la forme « pré-test, test, retest ». Cette réalisation nécessite un déroulement en plusieurs étapes. Dans cette optique, l'expérimentation se déroulera en trois étapes, sur plusieurs séances.

Pré test :

- Familiarisation avec les formes du tangram

- Test d'attribution d'intentions avec l'Histoire 1

- question sur l'histoire pour vérifier les compétences en théorie de l'esprit

Test

Tangram : formation d'une figure avec les formes par huit dyades symétriques :

quatre dyades « fortes » (réponse correcte suite à l'histoire)

quatre dyades « faibles » (réponse erronée suite à l'histoire)

Post-test

Histoire 2 suivie d'une question pour revérifier les compétences en théorie de l'esprit, afin de vérifier si le conflit socio-cognitif a eu une influence sur celles-ci

3.1. Premier contact

La prise de contact s'est d'abord réalisée par l'intermédiaire de la Directrice de l'établissement. Cette personne nous a ensuite mise en relation avec la maîtresse de la classe de maternelle III.

A neuf heures, l'institutrice a réuni tous les élèves autour d'elle pour faire l'appel. A cette occasion, elle a demandé aux élèves s'ils n'avaient pas remarqué dans la classe la présence de quelqu'un qu'ils ne connaissaient pas. Et elle a fait les présentations de la manière suivante : Sarah, vous ne la connaissez sûrement pas encore, mais c'est une dame qui fait un travail sur les enfants. Dans son travail, elle cherche à comprendre comment les enfants travaillent ou réfléchissent. Et pour le réaliser, elle a besoin de votre aide. Alors elle va vous demander de venir faire des jeux et travailler avec elle, et elle, elle va regarder et écrire des fois ce que vous faites. C'est chouette d'aider quelqu'un, non ? Qui est-ce qui veut commencer ?

Afin d'éviter que la manipulation du matériel soit un obstacle au bon déroulement des interactions, il nous semble essentiel que les enfants se familiarisent avec le matériel.

3.2. Première phase : familiarisation avec le matériel et test de la théorie de l'esprit

La première phase de l'expérimentation s'est déroulée dans la salle annexe de la classe, pendant les heures de cours. La maîtresse proposait à des élèves de venir vers nous au fur et à mesure que d'autres enfants sortaient après avoir terminé les tâches.

Le recueil de données a été réalisé dans des conditions identiques pour l'ensemble des sujets : le moment de la journée, la salle, la place de l'expérimentateur, la consigne,...

Dans un premier temps, chaque enfant est venu seul dans la salle. A son arrivée, on s'asseyait autour de la table. Il lui était demandé de donner son prénom et son âge. Ensuite, les formes composant le Tangram étaient déposées devant lui sur la table et il s'est attaché à les décrire. Et plusieurs questions lui étaient posées, l'une après l'autre : Tu connais ces formes ? Et est-ce que tu pourrais me donner leurs noms ? Ensuite, chacun s'est progressivement habitué à manipuler le Tangram en créant individuellement des figures simples à partir de son imagination.

Après avoir réalisé une figure et rangé le matériel, nous avons continué avec l'histoire 1. Avant de la raconter, il a fallu préparer le matériel et donner quelques consignes à l'enfant. En effet, nous avons emprunté une poupée à la classe et une élève nous a gentiment prêté son doudou pour faire le chat. Ensuite, nous avons averti l'enfant qu'après avoir raconté l'histoire, une question lui sera posée. Les personnages et les lieux ont été clarifiés afin de faciliter la compréhension de l'histoire de la manière suivante :

La poupée qui est là, en fait, c'est une petite fille qui s'appelle Julie. Elle est en train de lire une histoire au salon. Alors ici, c'est le salon, et nous sommes assis à la table du salon. Et derrière le lit, on dit que c'est la cuisine, d'accord ? A côté d'elle, la peluche, c'est son chat, il dort sous le piano. Cette chaise, dans l'histoire, on dit que c'est un piano.

Après avoir raconté l'histoire, nous posions deux questions à l'enfant : Où est-ce que Julie va aller pour donner à manger au chat ? Pourquoi va-t-elle à cet endroit ?

3.3. Deuxième phase : le tangram

3.3.1. Formation des dyades

Dans un second temps, les enfants ont été regroupés en dyades pour créer ensemble les figures indiquées sur le modèle à l'aide des formes du Tangram. Comme l'interaction nécessite tout de même certaines compétences verbales tant au niveau de la compréhension que de l'élocution  et du vocabulaire, nous avons préféré faire participer seulement les enfants qui ont compris les questions et qui connaissaient le nom des formes. Ainsi, un enfant qui n'a pas compris les questions sur les noms des formes n'a pas participé à la création du tangram (C). Les autres enfants ont été regroupés en dyades. Malheureusement, deux enfants ont manqué les cours plusieurs jours et n'ont pas pu participer à la seconde partie de l'expérience.

Le regroupement a été effectué en fonction de la réponse, correcte ou erronée, que chacun a donnée au test de la fausse croyance au préalable. En fonction de leurs compétences, les enfants ont été regroupés de manière à former quatre dyades symétriques fortes, composées chacune de deux enfants ayant répondu correctement à la question de l'histoire 1, et de quatre dyades symétriques faibles composées chacune de deux enfants ayant répondu de façon erronée à la question qui a suivi l'histoire 1. Sept enfants ont répondu correctement à l'histoire 1. Dix enfants n'ont pas trouvé la réponse.

Comme le nombre d'enfants ayant répondu correctement à la question est impair, un enfant a participé deux fois au tangram mais il n'a pas été évalué la seconde fois.

En ce qui concerne le sexe des enfants, nous avons réparti les enfants de manière à créer des dyades mixtes, seule une dyade ne comporte que des garçons et une autre ne comporte que des filles.

En ce qui concerne les affinités, aucune dyade ne comprend des enfants étant de très grands amis ou se détestant.

3.3.2. Déroulement de la tâche du Tangram

Préparation

Cette partie de l'expérimentation s'est déroulée dans la même pièce que celle utilisée pour la première étape de l'expérimentation. Seule la table a été modifiée. En effet, pour faciliter l'apparition du conflit socio-cognitif entre les enfants, ces derniers ont été placés l'un en face de l'autre. Ce positionnement peut faciliter l'apparition d'un conflit dans la mesure où l'orientation des formes diffère selon le positionnement des enfants. Ce positionnement était plus facilement réalisable avec une table rectangulaire qu'avec une table ronde. Pour cette raison, nous avons changé de table.

Consigne

La consigne a été formulée une fois avant de commencer :

Je vais vous présenter des formes que vous avez déjà vues la dernière fois. Aujourd'hui, vous allez les utiliser à nouveau pour former la figure se trouvant sur le modèle que je vais déposer à côté de vous. Pour former la figure, vous allez réfléchir tous les deux, ensemble. Chacun a le droit de dire ce qu'il pense, d'essayer de construire la forme et vous pouvez vous aider. Toutes les formes doivent être utilisées. Les formes sont vertes d'un côté et grises de l'autre. Faites attention, elles peuvent être utilisées soit du côté vert, soit du côté gris, d'accord ? Mais elles ne doivent pas se superposer, ça veut dire que vous ne pouvez pas en mettre une par dessus l'autre, même un petit bout. Vous pouvez les mettre sur le modèle et remplir le jaune (l'intérieur) et les formes ne doivent pas dépasser les traits rouges du contour. Ce n'est pas grave si vous ne trouvez pas tout de suite, vous pouvez prendre tout votre temps pour trouver la figure.

Après avoir donné la consigne, les formes du tangram et le modèle ont été déposées au milieu de la table, entre les enfants. Le modèle ne comporte que le contour de la figure. Les espaces entre les formes ne sont donc pas perceptibles. L'intérieur a été colorié en jaune. Pour faciliter la résolution de la tâche, le modèle a été réalisé à la même échelle que les formes à utiliser.

Le dictaphone a été déposé sur la table à côté des enfants et a été introduit de la manière suivante : Est-ce que l'un de vous deux a déjà vu cet appareil ? Après avoir attendu la réponse, d'autres questions ont suivi : Est-ce que vous connaissez son nom ? Et savez-vous à quoi il sert ? En fait, c'est un appareil qu'on utilise pour enregistrer les voix. Il va rester à côté de nous pendant que vous faites la figure mais il ne va pas déranger, d'accord ?

Interventions Lors de la résolution, quelques interventions ont eu lieu pour plusieurs raisons :

- rappeler brièvement la consigne

- répondre négativement aux demandes d'aide

- « recadrer » leur activité. En effet, certains enfants s'oubliaient de temps en temps et utilisaient les formes pour s'amuser

- relancer l'activité : lorsque la figure n'était pas terminée à cause d'une erreur et qu'aucun enfant n'était actif, ni modifiait l'emplacement des formes, des interventions ont eu lieu sous la forme d'une répétition de la consigne

Notes

Des notes ont été prises lors de la résolution du tangram afin de prendre en compte certains éléments plus pragmatiques qui ne peuvent paraître avec la seule utilisation d'un dictaphone, comme secouer la tête en signe de désaccord, retirer une forme des mains de l'autre enfant,...

3.4. Troisième phase, deuxième test de la théorie de l'esprit

La troisième phase s'est déroulée directement après la tâche du tangram. De cette manière, quand une dyade avait terminé la formation de la figure du tangram, nous préparions la dernière partie de l'expérimentation, à savoir le second test de la théorie de l'esprit avec l'histoire 2. L'histoire 2 a donc été racontée à deux enfants simultanément.

Pour présenter « l'histoire 2 », nous avons procédé de la même manière qu'avec « l'histoire 1 ». Ainsi, des éléments ont été clarifiés avant de conter l'histoire avec des poupées, comme les lieux, les personnages, les objets, de la manière suivante : Là, nous nous trouvons à la cuisine. Derrière la porte, s'est le jardin, d'accord ? La poupée qui est assise avec nous, en fait, c'est un garçon qui s'appelle Max. Entre les lits superposés, ce sont des tiroirs, et de l'autre côté, il y a une armoire. Pour faciliter la mémorisation des lieux où était déposé le chocolat, un dessin représentant des tiroirs et un autre représentant l'armoire ont été scotchés à ces endroits. De plus, ces éléments ont été rappelés au fur et à mesure qu'ils intervenaient dans l'histoire.

Comme l'histoire 2 était racontée simultanément à deux enfants et que les deux enfants devaient donner la réponse, nous leur avons demandé de ne pas écouter l'autre parce qu'il pouvait se tromper et de donner la réponse en chuchotant à l'oreille.

4. Description des variables et traitement statistique

4.1. pour l'hypothèse 1

La sous-hypothèse 1A

G+

 

 

Nombre de Verbes mentaux/sujet

4 dyades "fortes"

TR Temps de résolution/sujet (identique pour deux sujets d'une même dyade)

G-

 

 

Nombre de Verbes mentaux/sujet

4 dyades "faibles"

TR Temps de résolution/sujet (identique pour deux sujets d'une même dyade)

- La variable indépendante provient du résultat au test d'attribution d'intention 1 qui sert à former deux groupes:

G+ : Groupe le plus fort en théorie de l'esprit de la classe, composé d'enfants ayant répondu correctement à la question qui a suivi l'histoire 1.

Le test est considéré comme réussi (R) si l'enfant donne le bon endroit comme réponse, soit verbalement, soit par un geste.

G- : Groupe le moins fort en théorie de l'esprit de la classe. Il est constitué d'enfants n'ayant pas donné le bon endroit comme réponse à l'histoire 1.

Le test est considéré comme échoué (E) si l'enfant ne donne pas la bonne réponse comme localisation.

- Les variables dépendantes sont deux variables quantitatives :

· le Temps de Résolution du tangram, variable quantitative continue: TR calculé en secondes pour chaque dyade. Les sujets d'une même dyade obtiennent donc le même temps de résolution.

· le Nombre de Verbes mentaux utilisés par chaque sujet, variable quantitative discrète : V

Les résultats du groupe G+ et du groupe G- seront comparés à l'aide du t de Student pour vérifier s'il existe une différence significative entre les deux groupes tant du point de vue du temps de résolution que du point de vue du nombre de verbes mentaux utilisés.

De plus, l'écart-type sera utilisé afin de vérifier s'il existe une certaine homogénéité au sein de chaque groupe. L'écart-type sera à nouveau utilisé pour les deux variables dépendantes (temps de résolution, nombre de verbes mentaux utilisés).

La sous-hypothèse 1b

L'hypothèse 1b fait intervenir des sujets pour lesquels plusieurs traitements ont été effectués. La structure du plan est du type S*T.

Les variables dépendantes sont:

le temps de résolution du tangram, variable quantitative continue: TR calculé en secondes

le nombre de verbes mentaux utilisés, variable quantitative discrète : V

les répliques s'opposant au partenaire O

Le r de Bravais-Pearson peut permettre de vérifier s'il existe un lien entre la rapidité de résolution et le nombre d'oppositions au sein du groupe, entre la rapidité de résolution du tangram et la quantité de verbes mentaux utilisés, et entre le nombre d'oppositions et le nombre de verbes mentaux utilisés.

4.2. pour l'hypothèse 2

La sous-hypothèse 2a

L'hypothèse 2a fait intervenir l'ensemble des sujets, chacun évalué de façon individuelle. Chaque sujet est évalué sur deux variables, des variables dépendantes qui seront croisées pour voir s'il existe un lien entre les résultats au premier test et ceux réalisés au second test.

- les variables dépendantes nominales sont les résultats obtenus aux tests d'attribution d'intention 1 et 2. Chaque variable comporte deux modalités:

R1 pour réussi à l'histoire 1

E1 pour échoué à l'histoire 1

R2 pour réussi à l'histoire 2

E2 pour échoué à l'histoire 2

Pour tester cette hypothèse, un tableau à double entrée, un tableau de contingences, sera utilisé. D'un côté du tableau se trouveront les résultats obtenus à l'histoire 1 (réussite ou échec) pour chaque sujet et de l'autre se trouveront les résultats obtenus à l'histoire 2 (réussite ou échec). Ce tableau permettra d'en créer un autre, à savoir celui des fréquences afin de comparer les fréquences ensuite avec le Khi-Deux.

La sous-hypothèse 2b

- La variable indépendante nominale est le climat du conflit socio-cognitif, qui sert à former deux groupes et comporte deux modalités:

G.O., Groupe comprenant des enfants de dyades confrontées à des oppositions

(O pour Oppositions)

G.C., Groupe comprenant des enfants de dyades ayant fonctionné dans la coopération (C pour Coopération)

- La variable dépendante nominale est le résultat au test d'attribution 2, avec deux modalités:

R pour Réussi

E pour Echec

Pour tester l'hypothèse 2b, nous comptons utiliser un tableau de contingence comprenant d'un côté le groupe d'appartenance du sujet, à savoir G.O. (comprenant les enfants s'étant opposés à l'action de leur partenaire) ou G.C. (comprenant les enfants qui ont coopéré entre eux), et de l'autre le résultat à la question qui a suivi l'histoire 2.

G.O. groupe de sujets s'étant opposés

Réponse au deuxième test

à leur partenaire

 

R2/E2

G.C. groupe de sujets ayant coopéré

Réponse au deuxième test

 

 

 

R2/E2

IV RESULTATS

Dans cette partie, nous décrirons les résultats et les analyserons plus finement en les mettant en relation avec les hypothèses émises précédemment pour vérifier si elles sont confirmées.

La retranscription de l'ensemble des dyades se trouve dans les annexes tout comme les résultats bruts.

1. Résultats concernant l'hypothèse 1

Nous décrirons d'abord les résultats concernant la sous-hypothèse 1A, puis ceux de la sous-hypothèse 1B.

1.1. Résultats concernant l'hypothèse 1a

L'hypothèse 1a suppose d'une part l'existence d'un lien entre le type de réponse donné à la première tâche sur la théorie de l'esprit (correcte ou erronée) et le nombre de verbes mentaux utilisés en dyade et, d'autre part, un lien entre la réponse suite à l'histoire 1 et le temps de résolution de la figure du tangram.

Création des groupes G+ (réponse correcte) et G- (réponse erronée)

Comme C. n'a pas compris les questions, il n'a pas participé à la suite de l'expérimentation. De plus, deux enfants (F et J) étaient malheureusement absents lors de la seconde partie de la recherche. Ces résultats permettent de former les groupes suivants :

G+ : Comme il y a un nombre impair d'enfants dans ce groupe, un enfant (M) a participé deux fois au tangram.

G+<S8 Ce groupe comprend les quatre dyades suivantes :

N-M E-G

L-A D-M

G-<S8 Ce groupe de dix sujets ne comporte que quatre dyades en raison des deux absents :

P-H I-K

B-O Q-R

Dans un premier temps, nous calculerons le temps de résolution par dyade. Les enfants d'une même dyade obtiendront donc le même temps de résolution. Ensuite seront présentés les résultats concernant le nombre de verbes mentaux utilisés.

Lien entre le groupe d'appartenance et le temps de résolution

Les temps de résolution de chaque sujet sont mesurés en secondes pour obtenir les résultats les plus fins possibles.

Tableau 1 : temps de résolution pour chaque groupe

mG+

177

mG-

214

- mG+ désigne la moyenne du temps de resolution pour le groupe ayant répondu correctement à la tâche sur la théorie de l'esprit.

- mG- désigne la moyenne du temps de resolution des enfants ayant répondu de façon erronée à la tâche sur la théorie de l'esprit.

La moyenne du groupe G+ est inférieure à celle du groupe G-. Ce résultat va dans le sens de l'hypothèse.

Le t de Student permettra de tester cette hypothèse plus précisément.

t= 0.65 Avec 14 degrés de liberté (16-2) et au seuil á =0.05, t =2.14. t (0.65) <2.14.

Même s'il existe une différence entre les deux groupes à partir des moyennes, celle-ci n'est pas significative avec le t de student au seuil 0.05. On ne peut pas dire que les enfants ayant réussi la tâche d'attribution d'intention terminent plus rapidement le tangram.

S G+= 146.58 S G- = 63.5

Les écarts-types sont élevés dans les deux groupes. Cela signifie qu'il existe de fortes disparités au sein des groupes. Les résultats du groupe n'ayant pas réussi à répondre correctement à la question 1 semblent légèrement plus homogènes que ceux de l'autre groupe, même si l'écart-type reste très élevé. On peut constater cette hétérogénéité interindividuelle à l'aide du graphique suivant :

Graphique 1 : Comparaison des temps de résolution par sujet.

L'abscisse correspond aux huit sujets du groupe G+ en bleu, et aux huit sujets du groupe G- en violet.

L'ordonnée correspond au temps de résolution, calculé en secondes.

A part les temps de résolution du tangram des sujets 5 et 6 du groupe G+, les temps de résolution de ce groupe ont tendance à être inférieurs à ceux du groupe G-.

De la même manière, les temps de résolution des sujets 7 et 8 du groupe G- sont fortement supérieurs à ceux des autres sujets du même groupe. Ces disparités

Lien entre le groupe d'appartenance et le nombre de verbes mentaux utilizes

Tableau 2 : lien entre l'appartenance à un groupe et le nombre de verbes mentaux utilisés

Groupes

Moyennes

Ecart-types

G+

3.25

3.8

G-

0.88

0.93

Les moyennes indiquent que le groupe G+ a tendance à utiliser davantage de verbes mentaux que l'autre groupe. De plus, au vu de l'écart-type, cette tendance semble plutôt généralisée à l'ensemble des sujets de ce groupe. En effet, l'écart-type est assez faible et montre une certaine homogénéité dans ce groupe. Ce résultat confirme l'hypothèse de départ. Ce groupe utilise effectivement plus de verbes mentaux que l'autre.

En ce qui concerne l'écart-type du groupe sG-, il est encore plus faible que celui de l'autre groupe : Le nombre de verbes utilisés reste plus ou moins similaire pour chaque sujet de ce groupe.

t=0.77 avec 14 degrés de liberté et au seuil á =0.05, t á=2.14, t<t á.

L'hypothèse nulle ne peut être rejetée suite au calcul du t. L'hypothèse de départ n'est donc pas vérifiée. La différence entre les moyennes des deux groupes n'est pas signficative. Cela signifie que l'utilisation de verbes mentaux faite par les enfants ayant répondu correctement à la question suite à l'histoire 1 n'est pas significativement supérieure à celle de l'autre groupe.

1.3. Résultats concernant l'hypothèse 1b

Selon l'hypothèse 1b, plus l'enfant s'oppose à son partenaire, plus il utilise des verbes mentaux et du temps pour justifier son point de vue.

Graphique 2 : lien entre les oppositions et les verbes mentaux

- « V » désigne le nombre de verbes utilisés par chaque sujet.

- « Op. » désigne le nombre d'oppositions réalisées pour chaque sujet. Seule une opposition est notée par intervention.

- Chaque lettre située sur l'abscisse correspond à un sujet.

Ce graphique montre d'un point de vue purement descriptif combien ces deux variables sont liées. Par exemple, M, O, P et D ne se sont pas opposés et n'ont pas utilisé de verbe mental. La plupart des sujets sont intervenus pour s'opposer à une action et ont utilisé un ou deux verbes mentaux. Seuls A et L se sont vivement opposés et ont utilisé beaucoup de verbes mentaux.

Cette tendance est confirmée statistiquement par le calcul du r de Bravais Pearson. rVO= 0.9

Cet indice nous renseigne sur l'existence d'une liaison entre ces deux variables et sur le sens de cette relation. Il existe une liaison très forte entre ces deux variables comme le r se rapproche de 1. La liaison est positive. Ainsi, plus les enfants s'opposent, plus ils utilisent des verbes mentaux. Ce résultat confirme donc l'hypothèse de départ.

Lien entre les oppositions et le temps de résolution

Graphique 3 : lien entre le temps de résolution et le nombre d'oppositions

- Le temps de résolution est exprimé en minutes pour donner davantage de lisibilité au graphique.

- La variable « opposition » est à nouveau exprimée par prise de parole qui conteste l'action du partenaire.

Ce graphique montre à quel point la variable « temps de résolution » et la variable « opposition » évoluent dans le même sens.

Calcul du r de Bravais Pearson : rot=0.8

Le calcul du r de Bravais-Pearson montre une liaison très forte entre le nombre d'oppositions et le temps de résolution du tangram. Cette liaison est positive. Ainsi, plus l'enfant s'oppose à son partenaire, plus le temps de résolution est élevé. Ce résultat confirme l'hypothèse de départ.

Lien entre le temps de résolution et le nombre de verbes mentaux utilisés

Calcul du r de Bravais-Pearson : rtv= 0.68

A nouveau le r indique une liaison entre les deux variables. Même si cette liaison est moins forte que les précédentes, elle reste significative et dans un sens positif. Ainsi, les deux variables évoluent dans le même sens simultanément. Plus l'enfant utilise des verbes mentaux, plus le temps de résolution est élevé. Ce résultat confirme l'hypothèse annoncée.

2. Résultats concernant l'hypothèse 2

Dans un premier temps seront présentés les résultats concernant la sous-hypothèse 2A, puis nous présenterons les résultats se rapportant à la sous-hypothèse 2B.

2.1. Résultats concernant l'hypothèse 2a

Pour vérifier l'hypothèse 2a, c'est-à-dire l'évolution des performances en attribution d'intention après le conflit socio-cognitif, nous avons repris les résultats obtenus suite à l'histoire 1 et 2 pour les comparer ensuite à l'aide d'un tableau de contingence.

Tableau 3 : Correspondance des réponses entre l'histoire 1 et l'histoire 2/ individu

INDIVIDU

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

N

O

P

Q

R

R H.1

1

2

2

1

1

2

1

2

2

2

2

1

1

1

2

2

2

2

R. H2

1

2

0

1

2

0

1

2

1

0

1

1

2

1

2

2

2

1

O : absent R H1 : réponse à l'histoire 1

1 : réussi R H2 : réponse à l'histoire 2

2 : échoué

Tableau 4 : tableau de contingence pour les variables histoire 1 et histoire 2 :

 

Histoire 2

 

Histoire 1

réussi

échoué

total

réussi

5

2

7

échoué

3

5

8

total

8

7

15

Les enfants qui ont échoué à l'histoire 1 ont tendance à échouer également à l'histoire 2. De la même manière, les enfants qui ont répondu correctement à la question après l'histoire 1 semblent réussir également à répondre à l'histoire 2, même si les différences sont légères.

Tableau 5 : tableau des fréquences pour les réponses suite à l'histoire 1 et l'histoire 2

 

Histoire 2

 

Histoire 1

réussi

échoué

total

réussi

0.33

0.13

0.46

échoué

0.2

0.33

0.53

total

0.54

0.46

1

X2 = 1.73

Avec un degré de liberté et au seuil á 0.05, X2 á =3.84

X2 (1.73) < X2 á (3.84).

Comme le X2 est plus petit que le X se trouvant au seuil 0.05, il n'y a pas de différence significative entre les deux réponses. On ne peut pas rejeter l'hypothèse nulle au seuil á=0.05 L'hypothèse n'est donc pas confirmée. Les sujets n'obtiennent pas des résultats significativement meilleurs suite à une participation au conflit socio-cognitif.

2.2. Résultats concernant l'hypothèse 2b

Selon l'hypothèse 2b, les enfants s'étant opposés à leur partenaire se seraient entraînés à coordonner les points de vue, ce qui leur permettrait de progresser en théorie de l'esprit. Pour vérifier cette hypothèse, nous avons recherché les oppositions qui ont eu lieu dans les dyades afin de constituer deux groupes : le groupe avec oppositions (G.O.) et le groupe ayant fonctionné dans la co-construction (G.C.).

Tableau 6 : Groupe des enfants s'étant opposés à des actions de leur partenaire:

G.O.

E

G

L

A

H

B

Q

R

 

2

2

13

10

2

2

2

1

G.O. < S8

Il ne peut y avoir qu'une opposition par intervention.

Seuls L. et A. ont beaucoup montré leur désaccord lors du déroulement du conflit socio-cognitif avec treize répliques avec des oppositions pour L. et dix pour A. De plus, L. a arraché une forme des mains de A.. En règle générale, les autres individus sont juste intervenus deux fois pour s'opposer à des actions de leur partenaire.

G.C. < S8: N M P O K I M D

Tableau 7 : tableau de contingence pour les variables Opposition et Réponse à l'histoire 2

 

R H2

E H2

G.O.

4

4

G.C

4

4

R H2 signifie « réponse correcte à l'histoire 2 ».

E H2 signifie « réponse erronée à l'histoire 2 ».

Il ressort du tableau ci-dessus que les deux groupes se répartissent exactement de la même manière. Sans faire le test du Khi deux comme il était initialement prévu, on peut dire qu'il n'y a pas de différence significative entre les deux groupes. L'hypothèse n'est donc pas vérifiée. Le groupe Go ne comprend pas mieux l'histoire 2 que le groupe Gc.

V INTERPRETATION DES RESULTATS

1. Validation des hypothèses

1.1. Hypothèse 1

Notre première hypothèse se décomposait en deux sous-hypothèses.

La première sous-hypothèse supposait le lien suivant :

Les enfants ayant les meilleures compétences en attribution d'intention utiliseraient davantage de verbes mentaux et termineraient plus rapidement le tangram que les autres.

La première partie de cette hypothèse n'est pas validée. En effet, les résultats obtenus au t de Student ne permettent pas de rejeter l'hypothèse nulle. Les enfants ayant les meilleures performances en théorie de l'esprit n'utiliseraient pas une quantité de verbes mentaux significativement plus élevée que les autres. Cependant, même si l'hypothèse n'est pas validée statistiquement avec le t de student, les moyennes indiquent que le groupe le plus fort utilise plus de verbes mentaux et termine en moyenne plus rapidement que les autres. Un lien pourrait exister entre ces deux variables. De plus, la quantité de verbes mentaux utilisés par L. et A., deux sujets atypiques, tend ainsi à confirmer cette hypothèse. Cependant, les autres sujets n'en utilisent pas autant.

Ces différences au sein d'un même groupe nous amènent à relativiser les liens entre les variables et à réfléchir sur la représentativité des sujets ayant participé à cette étude. En effet, en raison de la quantité plutôt restreinte d'enfants sur lesquels portent les résultats et de leurs comportements forts distincts les uns des autres, il est difficile de dire si les comportements observés correspondraient à une tendance plus générale. Prolonger cette recherche en faisant intervenir un nombre plus élevé de sujets pourrait nous renseigner à ce propos.

De plus, en ce qui concerne le temps de résolution, les résultats ne confirment pas l'hypothèse énoncée, mais ce temps de résolution plus ou moins rapide ne correspond pas seulement à des capacités plus ou moins bonnes de représentations des états mentaux et de coordination des points de vue mais semble également correspondre à la présence ou absence de conflit. C'est ce que nous allons vérifier au travers de l'hypothèse suivante.

La seconde sous-hypothèse, la sous-hypothèse 1B était la suivante :

les enfants qui marquent leur désaccord utiliseraient plus de verbes mentaux que les autres et mettraient plus de temps pour terminer le tangram en raison du temps nécessaire pour se justifier.

En ce qui concerne cette sous-hypothèse, cette dernière est totalement vérifiée après l'analyse des résultats. Cette forte corrélation entre le nombre d'oppositions, la quantité de verbes mentaux utilisés, et la durée nécessaire pour terminer le tangram montre à quel point, quand un conflit apparaît principalement, les enfants ont recours à des verbes mentaux. La plupart du temps, ils utilisent les expressions « je sais », « tu ne sais pas » ou encore « je me suis trompé ».

Ce type d'expression, utilisée dans ce contexte particulier de la création d'un tangram à deux, marque bien l'opposition entre ce que le partenaire a fait, selon sa représentation du problème, et la propre représentation de la situation construite par l'enfant et ce qu'il compte faire. L'enfant établit donc un lien entre le savoir et les actions réalisées. Cette compétence en attribution d'intentions lui permet de mieux gérer cette interaction sociale (Thommen, 2001).

De plus, ces verbes sont souvent utilisés suite à une action du partenaire qui n'aboutit pas. Exprimer son savoir permet ensuite à l'enfant de tenter de prouver son savoir concrètement en posant la forme au bon endroit et dans le bon sens. Cette volonté d'interférer dans une action qui ne correspond pas à sa représentation, de tenter de résoudre le problème, et de rechercher une solution ensemble, nécessite du temps et se répercute systématiquement sur le temps de résolution.

1.2. Hypothèse 2

La première partie de l'hypothèse 2 porte sur les effets de la participation à un conflit socio-cognitif sur les compétences en théorie de l'esprit. Selon cette hypothèse,

la participation à un conflit socio-cognitif aurait un effet bénéfique sur les compétences en attribution d'intentions.

Cette hypothèse n'est pas vérifiée après l'analyse du tableau de contingence. Le conflit socio-cognitif n'a pas eu d'effet bénéfique sur les compétences en théorie de l'esprit.

Cependant, cette absence de progrès peut s'expliquer par le manque d'entraînement à des situations de ce type. En effet, les enfants ont été familiarisés avec les formes et à la construction de figures avec ces dernières, mais n'ont été confrontés qu'une seule fois à une situation de résolution d'un tangram à deux lors de cette expérience. Comme les progrès socio-cognitifs se réalisent au fil des multiples expériences sociales auxquelles est confronté l'individu, cette simple confrontation peut ne pas être suffisante pour faciliter le développement de la théorie de l'esprit.

Il serait intéressant de prolonger cette recherche en entraînant les enfants à la résolution de tangram à deux sur une plus longue durée, sur plusieurs séances. Un tel entraînement sur le long terme permettrait aux enfants de travailler avec plusieurs partenaires différents. La diversité des dyades pourrait être bénéfique à chacun car l'enfant est parfois le plus fort, et parfois le plus faible dans la dyade. Varier les types de dyades pourrait favoriser le développement de compétences sociales. Ainsi, cette procédure permettrait de vérifier l'impact d'une telle situation sur les compétences en théorie de l'esprit.

La seconde partie de l'hypothèse 2 postulait l'existence d'un lien entre l'apparition d'oppositions lors de la résolution du tangram et la réussite à l'histoire 2. Elle suppose que les enfants s'étant opposés aux actions de leur partenaire produiront plus de réponses correctes à une question sur des attributions d'intention que les autres sujets ayant coopéré. Ces progrès seraient dûs à un entraînement à coordonner les points de vue divergents. Selon Perret-Clermont (2001), les oppositions, même si elles ne sont pas nécessaires, peuvent avoir un rôle bénéfique. Par contre, les oppositions et les tentatives de résolution du conflit doivent porter sur les divergences cognitives et non relationnelles pour avoir des effets positifs. Les oppositions qui ont eu lieu lors de cette expérience se réfèrent systématiquement à des erreurs produites par leur partenaire lorsque celui-ci place mal une pièce. Ces oppositions sont du type « Non, ça dépasse. ». Seules quelques répliques de la dyade L-A ont porté sur la relation entre les enfants, lorsque L . a traité A. de « petit menteur ». En règle générale, les oppositions et les tentatives de résolution de ces oppositions ont effectivement porté sur la recherche commune d'une solution et n'a pas porté sur la relation entre les partenaires.

Même si les oppositions se sont principalement rapportées au problème, cette hypothèse n'a pourtant pas été vérifiée expérimentalement. Les oppositions n'ont pas favorisé l'émergence de progrès. Les enfants du groupe G.O. n'ont pas obtenu de meilleurs résultats à l'histoire 2 que les autres.

Par ailleurs, un élément explicatif de nos résultats pourrait se trouver dans le nombre d'oppositions relevé. En effet, peu d'enfants ont véritablement été confrontés à un conflit socio-cognitif. En fait, la plupart des enfants de ce groupe ont fait part de leur désaccord au travers d'une ou deux répliques, qui ont abouti soit à une résolution correcte du tangram, soit à un blocage temporaire. Les enfants ont éprouvé des difficultés à déplacer les formes lorsqu'elles étaient mal placées et pensaient parfois qu'il était impossible de réaliser la figure. Dans de telles circonstances, nous leur rappelions une partie de la consigne afin de relancer l'activité. Seule la dyade L-A s'est trouvée réellement en désaccord sur une plus longue durée.

2. Portée des résultats

2.1. Intérêt de la recherche

De multiples recherches ont été réalisées pour tenter d'expliquer le développement de la théorie de l'esprit chez l'enfant. Un grand nombre de ces travaux s'est concentré sur un seul facteur explicatif comme le lien avec la culture ou l'autisme, etc. D'autres auteurs ont été conduits à envisager la théorie de l'esprit selon son aspect développemental, et ont étudié son évolution au fil du temps.

De la même manière, le conflit socio-cognitif et les différentes « variantes » de résolution de problème à deux (tutelle, co-élaboration, guidance,...), ont donné lieu à de nombreux écrits, se penchant sur divers aspects tels que la symétrie, le degré d'expertise, les oppositions... D'autres se sont appliqués à rechercher les prérequis nécessaires ou encore les effets de ce dernier sur le développement cognitif.

Nous avons souhaité inscrire notre réflexion dans ce courant de pensée, à partir d'un facteur déjà étudié mais en l'envisageant sous un angle nouveau. Les effets mutuels que peuvent avoir le conflit socio-cognitif et la théorie de l'esprit n'ont jamais été traités. Le premier intérêt de ce travail de recherche consiste donc en l'élargissement du champ observé.

Le second intérêt de notre recherche réside dans ses applications scolaires possibles. Comme il avait été mentionné précédemment, cette résolution de problème à deux peut être utilisée dans de nombreux domaines comme complément de l'enseignement transmis par le maître. Son utilité intervient lorsque des élèves ont terminé des exercices longtemps avant d'autres, alors que certains ne parviennent pas à le résoudre malgré les multiples explications données par l'enseignant. Ce type de situation pourrait alors être utilisé en proposant aux élèves de travailler ensemble, sans forcément créer des interactions de tutelle. Ce type d'interaction pourrait être bénéfique en regroupant des enfants forts ensemble et des enfants plus faibles ensemble. Développer ce type de pratique peut, dans un premier temps, faciliter la gestion de la classe, et, dans un second temps, multiplier les aides sous des formes variées, et développer les compétences de chacun en résolution de problème.

Enfin, si le conflit socio-cognitif a effectivement des répercussions positives sur les compétences en théorie de l'esprit, et que les résultats sont généralisables suite à une autre recherche réalisée sur un échantillon plus vaste, cette pratique serait également intéressante pour introduire et développer une réflexion sur autrui et favoriser l'apprentissage de la vie en commun dans le cadre scolaire, un des objectifs de l'école maternelle. Ce mode de travail serait d'autant plus efficace que c'est grâce aux multiples confrontations avec son environnement social que le développement cognitif se réalise (Vygotsky, 1934). Il aurait donc des effets bénéfiques tant du point de vue cognitif que social.

2.2. Limites

Notre travail présente un certain nombre de limites, liées tant à la population étudiée qu'à la procédure utilisée.

2.2.1. Difficultés liées à la population

En ce qui concerne les difficultés par rapport à la population, la première se rapporte aux absences. Il est arrivé plusieurs fois que nous nous rendions à l'école dans l'intention de faire participer certains enfants au tangram, et que ceux-ci soient absents ce jour-là, voire sur une plus longue durée. Ces absences ont donc nécessité des déplacements inutiles, prolongé la durée de la recherche, mais ont également modifié le nombre de dyades réalisées et leur formation. Pour cette raison, un enfant a participé deux fois au tangram, ce qui peut biaiser les résultats.

La seconde difficulté, qui est en partie une conséquence de la première, se rapporte à la taille de l'échantillon. En raison des absences de certains, des difficultés de compréhension d'un autre, et de la quantité peu importante de sujets dès le départ, la population s'est amoindrie. Ces absences ont accentué le problème dû au nombre de sujets qui ont participé à l'expérimentation. Ce nombre trop peu élevé risque de biaiser les résultats, d'autant plus qu'une dyade s'est comportée de façon atypique (temps de résolution plus long, présence de plus d'oppositions, utilisation de plus de verbes mentaux) et ne nous permet pas de généraliser ces résultats. La taille de l'échantillon gagnerait à être plus grande.

2.2.2. Difficultés liées à la procédure

La première limite consiste au lien entre la capacité à coordonner les points de vue et son opérationnalisation à l'aide du temps de résolution. Le temps de résolution semble plus particulièrement refléter la présence ou absence d'oppositions au sein du groupe. Il aurait été intéressant de poursuivre cette recherche en analysant uniquement les dyades confrontées à des oppositions afin de vérifier si les enfants ayant les meilleures compétences en attribution d'intention coordonnent plus facilement les divers points de vue.

Une autre difficulté a consisté à faire émerger un conflit au sein des dyades. Les enfants avaient été placés l'un en face de l'autre afin de faciliter son apparition. Pourtant, peu de véritables conflits ont eu lieu. De plus, lorsqu'un enfant plaçait une pièce au mauvais endroit, son camarade hésitait souvent à la déplacer et admettait parfois le positionnement de cette pièce comme définitif car il imaginait difficilement que ses difficultés de résolution provenaient d'elle. Et il tentait de continuer la résolution en fonction de la position de la pièce ou arrêtait toute recherche de solution.

VI CONCLUSION

La connaissance des facteurs intervenant dans le développement socio-cognitif de l'enfant intéresse le psychologue en vue d'une meilleure compréhension de ce dernier. C'est pourquoi nous avons fait porter notre travail de recherche sur le lien entre la participation à des situations d'interactions et le développement social de l'enfant, et plus précisément sur la réciprocité du lien entre le conflit socio-cognitif et le développement de la théorie de l'esprit. Nous avons donc emprunté à plusieurs théories pour construire notre réflexion.

Cette recherche s'appuie sur l'importance des diverses compétences précoces, s'intégrant aux premiers rangs du développement social de l'enfant. Ces dernières permettent l'apparition de nouvelles compétences sociales plus élaborées s'appuyant sur elles, ou de se complexifier suite aux confrontations à un environnement stimulant. La théorie de l'esprit s'intègre dans cette chaîne évolutive et subit également les influences du milieu et des interactions sociales, comme, peut-être, le conflit socio-cognitif.

A partir de ces éléments théoriques, nous avons mis en place une méthodologie basée sur des outils standardisés. Nous avons émis l'hypothèse que les compétences en théorie de l'esprit influenceraient le comportement de l'enfant dans une situation de résolution de problème lors d'un conflit socio-cognitif. Par ailleurs, une telle situation entraînerait les compétences en théorie de l'esprit par la nécessité de coordonner les points de vue.

Les résultats obtenus auprès des dix-neuf enfants montrent que, conformément à nos attentes, le groupe de la classe ayant les meilleures compétences en attribution d'intentions termine plus rapidement le problème que les autres, même s'il existe d'importantes divergences au sein du groupe. En revanche, les enfants n'obtiennent pas des résultats meilleurs en attribution d'intentions suite à une participation à un conflit socio-cognitif. Un entraînement serait certainement nécessaire pour favoriser ce développement progressif.

L'intérêt majeur de ce travail, en dehors de l'apprentissage qu'il a représenté pour nous, réside dans ses éventuelles applications scolaires. Fidèle à la perspective environnementale, stimulante pour le développement social de l'enfant, nous souhaitons en effet insister sur la possibilité de mettre en place des situations de conflit socio-cognitif dans le milieu scolaire pour favoriser le développement de la théorie de l'esprit.

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· WALLON (1934), Les Origines du caractère chez l'Enfant, PUF

· ZAOUCHE GAUDRON (2002) Le Développement social de l'Enfant: du bébé à l'enfant d'âge scolaire Ed. Dunod coll. Les Topos

ANNEXES
1. Tangram

2. Justifications de la Réponse suite à l'histoire 1

Noms

Justifications

A

Julie sest trompée par ce que le chat était sous le piano quand elle est partie

B

Le chat est parti sur le canapé alors elle va le chercher là-bas

C

montre du doigt le canapé

D

Elle s'est trompée, elle va se baisser pour rien et après elle va voir le chat sur le canapé.

E

Le chat a changé de place mais Julie ne sait pas.

F

Le chat est sous le canapé

G

Elle s'est trompée

H

Le chat dort sous le canapé

I

idem

J

idem

K

idem

L

après, elle va chercher autre part

M

parce qu'il était là-bas

N

Elle va voir sous le piano et après sous le canapé

O

Le chat est sous le canapé. Elle va le chercher là-bas.

P

Julie va au magasin acheter des barquettes au chocolat et va à la cuisine après avecle chat.

Q

parce que

R

le chat était là-bas

3. Dyades

XXXXX= oppositions, soit 1 par réplique maximum

XXXXX = verbe mental

1 N/M

M Voilà. Ensuite...là.

N Je n'arrive pas. Ca dépasse.

EXP Oui, il y a un bout de cette forme qui dépasse le trait. C'est interdit. On peut peut-être les mettre autrement.

N Pourquoi ça ne va pas ?

M C'est trop grand.

EXP Tu te souviens des différentes manières de poser les formes ?

N On peut les tourner.

TR 91 secondes

OBS M prend une forme dans les mains de N..

2 E/G

E J'ai gagné!

G Ben non, regarde, ça là.

E Ah oui ! J'ai oublié.

E Et ça... attends.

G Oui.

E Oui, oui, je sais ! Je sais ! Moi, je sais le faire.

G On va bientôt réussir, c'est qu'on n'a pas bien réfléchi.

E Ca dépasse un petit peu le trait. Il reste ça, je vais le mettre...

G Non, attends !

E C'était toi qui l'as fait, hein !

G Quand même... ça dépasse.

E Oui, ça dépasse.

E Oui...voilà

E Allez !

EXP Il y en a juste une qui ne rentre pas bien.

E Comment on va faire ?

EXP : Vous vous souvenez de ce que j'ai expliqué au début ? On peut mettre comment les formes ? On peut les mettre dans ce sens, dans celui-là aussi et du côté vert et du côté gris.

G Euh...je ne sais pas, moi.

E Il faut la tourner.

E Attends !

EXP Voilà ! La figure est terminée.

TR 155 secondes

3 L/A

L Chante

A L., on est là pour travailler.

L Je sais. Ca, ç'est pour moi.

L Non ! Non, ce n'est pas...

A Si, ça rentre !

L Oui, c'est vrai. Ca c'est pour moi.

A Ah ? On voit encore du jaune. Il ne faut pas voir de jaune.

L C'est toi qui as fait !

EXP Si on en voit un tout petit peu, ce n'est pas grave.

A D'accord.

A Après, si ça ne veut pas rentrer ...

L Ca ne veut pas rentrer, là. (Rires) Si! Ca ne veut pas rentrer là. Non...

A. continue...

L Arête ! Attends, ce n'est pas toi qui décide.

A Oui, je sais mais j'ai le droit.

L Mais...

A Je me de-mande où je vais pou-voir le me-ttre. (En chantant)

L Non, là, c'est trop difficile.

A Ce sera peut-être...

L Non Non Non ! Non c'est moi !

L prend une forme dans les mains de A

A Oh L. ! Pourquoi c'est toujours toi qui dois mettre les trucs.

L Parce que regarde. Comme ça.

A Tu as oublié quelque chose, hein ? Un trait. Comme ça, comme ça.

L C'est toi qui as dû oublier, là. Petit menteur !

A Quoi ? Qu'est-ce que tu as dit là ?

L J'ai dit « petit menteur » (rires)

A Ah! Je n'aime pas quand on m'appelle comme ça.

L Petit menteur?

A Oui

L Ca dépend.

A ah non...mais non

EXP L., ce n'est pas gentil, on continue la figure.... ?

A Mais, L. pourquoi tu l'as mis ici ?!

L Ce n'est pas moi.

A Alors moi non plus. Ah non ça ne va pas là. Je ne sais pas.

L Moi, non plus, je ne sais pas.

L Mais où ca va, là ? (rires) Mais où ça va là ?

A Ah non, ça ne va pas là. (Rire) Ca dépasse. (Rires)

EXP Vous réfléchissez pour savoir où vont les formes?

EXP Et celui là tu veux le mettre où ?

A Celui-là...Je me demande pourquoi on ne va pas mettre celui-là ici. Alors, il ne faut pas voir de jaune. Il faut...il faut... il ne faut pas voir de jaune. Attends...

A Ah ben voilà, il fallait mettre un truc comme ça mais pas comme ça parce que après....

L La suite, elle n'est pas facile.

L Je me suis trompée (rires) Je me suis trompée.

L On pourra le refaire deux fois ?... trois fois ?

EXP Euh...Il faut déjà finir cette figure.

L Oui, je sais. Celui-ci va là.

A Il est un petit peu trop grand. Je me demande comment...Est-ce que je peux mettre du côté gris ?

EXP Tu peux mettre du côté gris si tu veux, mais on ne doit pas voir le jaune, ni dépasser le trait, il y a quelque chose qui ne va pas à cet endroit.

A Est-ce que tu as vu comment les autres ont mis les pièces pour réussir tout à l'heure? Ils avaient mis un morceau ici et un autre là ?

EXP Je ne sais plus mais je suis sûre que vous allez aussi réussir sans ces informations.

EXP Regarde, le triangle dépasse encore un peu.

L Presque juste. Et le triangle...voilà!

A Ah ben si, je sais comment le mettre. Voilà, fini.

L Regarde, ça va quand même aller sur l'autre forme.

EXP Il y en a une sur l'autre.

L Ah ! Tu ne sais pas le mettre, A.. C'est de ta faute.

EXP Non A, ce n'est pas un vaisseau, on joue à les poser maintenant. A, où tu peux mettre le triangle ?

L A ton tour, A..

A Voilà, oui ! C'est bien.

L Il y a de la place là pour ton triangle.

A Moi, je sais comment le mettre. C'est comme ça.

L Moi, aussi.

L Non, ça ne rentrera pas, regarde.

A Oh ! Ca ne va pas...

L (rires)

EXP Vous vous souvenez de la consigne ?

A Oui.

EXP Comment on peut utiliser les formes?

A Alors L., il faut mettre comme ça et comme ça.

L Arrête ! Arrête de bouger. C'est aussi du côté gris.

TR 406 secondes

4 D/M

D On va parler tout doucement, je n'ai pas le droit de parler fort. (D. s'est absentée pendant deux jours en raison d'une angine et a encore mal à la gorge)

EXP D'accord.

TR 55 secondes

5 H/P

H Il est trop grand! Il ne rentre pas.

P Moi, j'ai le carré. Il va là? On peut commencer?

EXP Oui.

P Ah ! Ca dépasse la ligne. Ce n'est pas ça.

H Ben oui, ce n'est pas ça.

P Et là ? Ah non ça dépasse.

EXP Un tout petit peu, ce n'est pas grave

H Voilà !

P Qu'est-ce qu'on peut faire là ?

H Là, elle dépasse. Il ne faut pas dépasser la ligne. Il ne faut pas dépasser. Non. Ca dépasse.

P Et là ?

H On ne peut pas. Non, non.

EXP On ne peut pas mettre sur les autres formes. Il doit y en avoir une qui n'est pas au bon endroit.

H Celle-là ne va pas. Là, ça dépasse.

P Oui ça dépasse encore. Elle ne rentre pas là, H..

H On la met où ?

P Là ?

P Ca, c'est pour faire quoi ?

EXP C'est pour enregistrer.

P ah ouais? C'est à toi ?

EXP Oui.

P Oh ! C'est dommage. Et tu t'appelles Sarah ?

EXP Oui.

P Moi, je connais une autre Sarah

H Où on peut mettre celle-là ?

EXP Vous vous souvenez comment on peut mettre les formes ?

H Oui

P Et après comment on va faire ? Ca dépasse encore.

H Attends.

H Ouais ! Là, elle rentre.

P Elle rentre!

TR 230 secondes

6 B/O

B Ca, c'est un triangle, il peut aller où...

O Un triangle. Un grand.

B Un grand triangle, il va ici. Un carré, un petit triangle, un grand triangle...

B Non, O., il ne va pas ici.

O Là...

B Il est où le petit triangle...ah oui, bien José ! Il va ici le petit triangle. Attends... comment on peut le mettre... comment on peut le mettre celui-là ? Ah Oui ! Je sais. On peut le mettre comme ça. Et le carré va déjà ici. Et le petit triangle, il va où ?

O Et ça...ici.

B Ca, c'est difficile, dis donc.

O C'est comme ça. Voilà ! Fini !

B Non, on n'a pas fini. Regarde, le losange ne rentre pas là.

EXP Vous vous souvenez comment on peut mettre les formes ? On peut les mettre dans tous les sens et de quels côtés ?

O Comme ça...voilà !

B Voilà, on a fini.

EXP Et puis là ?

B On a fini mais on ne trouve pas....

EXP Mais si, il en reste une là, elle était un peu cachée sous la feuille.

B Ah! Du côté gris... voilà !

EXP Non, il reste du jaune encore, là.

B Alors...

TR 185 secondes

7 I-K

K Moi, j'ai le carré. Ce n'est pas toi qui le prends. Moi, j'ai déjà réussi.

I Celui-là, je ne sais pas où il va.

K Celui-là...je ne sais pas !

I Je me suis trompé. Ca ne va pas là. Il est trop grand. J'ai bougé le carré. Peut-être que...

I prend une forme dans les mains de K.

K Quoi ? Quoi ? Quoi ?

EXP Il dépasse de ce côté.

I Après tu nous raconte une histoire ?

EXP Oui, et la dernière forme?

TR 139 secondes

8 Q-R

R Où ça va là...

Q Non, là, ça ne va pas du tout.

EXP Le contour de la forme n'est pas sur le trait.

EXP Est-ce qu'on a le droit d'en mettre une sur l'autre ?

R Non.

EXP Alors, comme elle ne rentre pas, à moins d'en mettre une sur l'autre, il y en a sûrement une au mauvais endroit.

R Comme ça.

Q Ca ne va pas ici. Je ne pense pas qu'elle va là. Elle va pas comme ça.

Q secoue la tête négativement.

R Non, elle dépasse.

TR 300 secondes

Calculs

Hypothèse 1a

Calcul du t de Student du temps de résolution

- Variance de G+ = 1 (400334 - 14142)= 1 (400334 -1999396) = 8-1 8 7 8

1 (400334 -249924.5) = 150409.5 = 21487.07

7 7

S G+= v21487.07 = 146.58 S G+ sans la dyade L-A= 41.3

s2= 7 (21487.07) + 7 (4033.43)= 150409.49 + 28234.01=178643.5 = 12760.25

14 14 14

- Variance de G- = 1 (392892 - 17082)= 1 (392892 -2917264) = 8-1 8 7 8

1 (392892 - 364658) = 28234 = 4033.43

7 7

SG-= v4033.43 = 63.5

m G+= 176.75 m G+ sans la dyade L-A= 100.3

m G -= 213.5

t= 176.75- 213.5 = -36.75 = -36.75 = 0.65

v12760.25 (1/4) v3190.06 56.48

Lien entre le résultat à l'histoire 1 et l'utilisation des verbes mentaux

G+

N

M

L

A

E

G

D

M

 

1

0

9

10

3

3

0

0

G-

H

P

B

O

I

K

Q

R

 

0

0

2

0

2

2

1

0

S G+= v1/8(200-676/8)= v1/8(200-84.5)= v115.5/8= v14.44=3.8

SG-= v1/8(13-49/8)= v1/8(13-6.13)= v1/8(6.87)= v0.86=0.93

S^=7 (3.8)+ 7(0.93) = 26.26+ 6.51 = 32.77 = 2.34

14 14 14

t= 3.25-0.88 = 2.37 = 0.77

v (1/4) (2.34) v 0.59

Oppositions

Oppositions dans la dyade 1 N : 0 M : 0

Oppositions dans la dyade 2 E :2 G : 2

Oppositions dans la dyade 3 L :13 A :10

Oppositions dans la dyade 4 D : 0 M : 0

Oppositions dans la dyade 5 H : 2 P : 0

Oppositions dans la dyade 6 B : 2 O : 0

Oppositions dans la dyade 7 K : 0 I : 0

Oppositions dans la dyade 8 Q : 2 R : 1

Calcul du lien entre les oppositions et les verbes mentaux utilisés

INDIVIDU

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

N

O

P

Q

R

V

10

2

ABS

0

3

ABS

3

0

2

ABS

2

9

0

1

0

0

1

0

Oppositions

10

2

ABS

0

2

ABS

2

2

0

ABS

0

13

0

0

0

0

2

1

Calcul de r vo = 235 - 34*35

16 =235-74.38

v (290-1156) (213-1089) v (290-72.25) (213-68.06)

16 16

=160.62 =160.62 =160.62 = 0.9

v217.75*144.94 v31560.69 177.65

Calcul du lien entre le temps de résolution et les oppositions

Calcul de r to = 11688 - 3158*34

16 = 11688-6710.75

v (764257-9972964) (290-1156) v (764257-623310.25) (290-72.25)

16 16

=4977.25 =4977.25 =4977.25 = 0.8

v140946.75*217.75 v30691154.81 6196.82

Calcul du lien entre le temps de résolution et les verbes mentaux

Calcul de r tv = 9961 - 3158*35

16 = 9961-6908.13

v (764257-9972964) (213-1089) v (764257-623310.25) (213-68.06)

16 16

=3052.87 = 3052.87 = 3052.87 = 0.68

v140946.75*144.94 v20428821.95 4519.83

Hypothèse 2a

Calcul du Khi 2

 

Histoire 2

Histoire 1

Réussi

échoué

réussi

3.73

3.27

échoué

4.27

3.73

Effectifs observés Effectifs théoriques

 

Histoire 2

 

Histoire 1

réussi

échoué

total

réussi

5

2

7

échoué

3

5

8

total

8

7

15

X2= (5-3.73)2 + (2-3.27)2 + (3-4.27)2 + (5-3.73)2= 0.43 + 0.49 + 0.38 + 0.43 = 1.73

3.73 3.27 4.27 3.73

Avec un degré de liberté et au seuil á 0.05, X2 á =3.84

X2 (1.73) < X2 á (3.84). Comme le X2 est plus petit que le seuil, il n'y a pas de différence significative entre les différentes réponses. On ne peut pas rejeter l'hypothèse nulle au seuil á= 0.05

5. Résultats bruts

5.1. Résultats concernant l'histoire 1

Tableau 1 : Réponses à l'histoire 1

INDIVIDU

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

N

O

P

Q

R

RESULTAT

R

E

E

R

R

E

R

E

E

E

E

R

R

R

E

E

E

E


R= 7 individus E= 11 individus

Création des groupes G+ et G-

Comme C. n'a pas compris les questions, il n'a pas participé à la suite de l'expérimentation. De plus, deux enfants (F et J) étaient malheureusement absents lors de la seconde partie de la recherche. Ces résultats permettent de former les groupes suivants :

G+ : Comme il y a un nombre impair d'enfants dans ce groupe, un enfant (M) a participé deux fois au tangram.

G+<S8 Ce groupe comprend les quatre dyades suivantes :

N-M E-G

L-A D-M

G-<S10 Ce groupe comporte quatre dyades en raison des absents :

P-H I-K

B-O Q-R

5.2. Résultats concernant le temps de résolution

Tableau 2 : Temps de résolution pour chaque dyade

groupes

Dyades

TR

G+

N-M

91

 

E-G

155

 

L-A

406

 

D-M

55

G-

H-P

230

 

B-O

185

 

I-K

139

 

Q-R

300

m G+ : 176.55 secondes

m G- : 213.5 secondes

La moyenne du groupe ayant répondu correctement à la question après l'histoire 1 est légèrement plus basse que celle de l'autre groupe.

5.3. Résultats concernant le nombre de verbes mentaux utilisés

Tableau 3 : nombre de verbes mentaux par individu

INDIVIDU

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

N

O

P

Q

R

V

10

2

ABS

0

3

ABS

3

0

2

ABS

2

9

0

1

0

0

1

0

5.4. Résultats concernant les oppositions

Tableau 4 : Nombre d'oppositions par individu

INDIVIDU

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

N

O

P

Q

R

Oppositions

10

2

ABS

0

2

ABS

2

2

0

ABS

0

13

0

0

0

0

2

1

5.5. Résultats concernant l'histoire 2

Tableau 5 : Réponses à l'histoire 2

INDIVIDU

A

B

C

D

E

F

G

H

I

J

K

L

M

N

O

P

Q

R

RESULTAT

R

E

ABS

R

E

ABS

R

E

R

ABS

R

R

E

R

E

E

E

R

3 absents

7 réponses fausses

8 Réponses correctes






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