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Libéralisation de la filière coton au Bénin

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par Edmond TOTIN
Université d'Abomey-Calavi (Bénin) - Diplôme d'Ingénieur Agronome 2004
  

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UNIVERSITE D 'ABOMEY-CALAVI

FACULTE DES SCIENCES AGRONOMIQUES

DEPARTEMENT D 'ECONOMIE, DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE ET DE
COMMUNICATION

LIBERALISA TION DE LA FILIERE COTON AU BENIN: ANALYSE DU
CADRE INSTITUTIONNEL ET EFFETS SUR LES PRATIQUES
AGRICOLES DANS LA COMMUNE DE N'DALI
(Département du Borgou)

Présentée et soutenue par

TOTIN G. G. Edmond

THESE
Pour l'obtention du diplôme d'Ingénieur Agronome
Option: Economie, socio-anthropologie et communication

Composition du Jury:

Prof. Nestor AHO Président

Prof. Dansou KOSSOU Examinateur 1

Dr. Victorin HOUNDEKON Examinateur 2

Dr. Davo Simplice VODOUHE Rapporteur

ITE

Décembre 2004 D'ABOM

2

FACULTE DES SCIENCES AGRONOMIQUES

DEPARTEMENT D 'ECONOMIE, DE SOCIO-ANTHROPOLOGIE ET DE
COMMUNICATION

COTTON SECTOR LIBERALISATION: INSTITUTIONAL FRAME
ANAL YSIS AND EFFECTS ON FARMING PRACTICES IN N'DALI
REGION (Borgou department)

By
TOTIN G. G. Edmond

THESIS
Submitted in partial fulfilment of the requirements of the degree of "Ingénieur Agronome"

Option: Economy, Socio-Anthropology and Communication

Presented on December14th, 2004

Jury

Prof. Nestor AHO President

Prof. Dansou KOS SOU Examinator

Dr. Victorin HOUNDEKON Examinator

Dr. Davo Simplice VODOUHE Reporter

CERTIFICATION

Nous certifions que ce travail a été réalisé par TOTIN G.G. Edmond au Département d'Economie, de Socio-Anthropologie et de Communication pour le Développement Rural (DESAC) de la Faculté des Sciences Agronomiques (FSA) de l'Université d'Abomey-Calavi, sous notre supervision.

Superviseur

Dr. Ir. Simplice Davo VODOUHE
Agro-économiste
Maître-Assistant en Vulgarisation Agricole

Co-Superviseur

Pr. Dr. Ir. Dansou KOSSOU
Professeur d'Agronomie et de stockage / conservation des grains

ii

DEDICACE

Gloire et louanges à toi Seigneur, tes merveilles sont immenses
Je dédie ce travail à

- Barthélemy TOTIN, bien aimé Père, je te remercie du fond de mon coeur pour toute l'affection dont tu as entouré tes enfants. Puisse le Seigneur nous aider à savoir te le rendre.

- Flavienne HOUANSOU, toi ma très chère Mère, je n'ai pas oublié tous les sacrifices que tu as faits pour moi. Cette oeuvre en est un témoignage, je te la donne en signe de gratitude pour toutes ces peines que je t'ai imposées.

- A tous mes frères et soeurs, ce travail est le fruit de votre soutien.

- Tous mes oncles et tantes, Miguel et Tania, je vous aime beaucoup

iii

REMERCIEMENTS

Au terme de ce travail, nous tenons à exprimer notre profonde gratitude au Dr. Davo Simplice VODOUHE, notre superviseur de thèse. Votre dévouement, votre détermination au travail et votre sens paternel nous ont marqué tout au long de notre formation à la Faculté. Ils resteront longtemps en nous des marques indélébiles et ils nous ont permis l'aboutissement de cette oeuvre. Nous vous remercions aussi pour votre précieux temps que vous avez accordé à ce travail à travers vos multiples visites de terrain et vos orientations au cours de la rédaction de cette thèse.

De même, nous adressons nos sincères remerciements au Pr Dansou KOS SOU, responsable du Projet Convergence des Sciences-Bénin (COS) qui a accepté de co-superviser cette thèse. Votre rigueur et votre dévouement resteront longtemps dans nos coeurs. Toute l'attention que vous avez accordé à ce travail à travers les nombreuses visites de terrain et vos multiples suggestions constituent les preuves très éloquentes de votre dénouement.

Nous remercions tous les responsables du Projet Convergence des Sciences qui a assuré le soutien financier de cette étude.

- Ir Antonio SINZOGAN, merci pour toute votre contribution. Ce travail porte une marque de vos expériences en matière de recherche.

Nos remerciements vont également à l'endroit :

- de tout le corps enseignant de la Faculté des Sciences Agronomiques de l'Université d'Abomey Calavi et de nos éducateurs du primaire et du secondaire. Nous sommes ce que vous avez fait de nous. Nous vous en remercions très sincèrement.

- de Janice JIGGINS, Niels ROLING et Arnold van HUIS, lors de vos missions au Bénin, vous avez formulé des remarques très pertinentes pour l'organisation de cette étude, ce qui nous a permis d'aboutir. Nous vous en remercions.

- du Dr Gualbert GBEHOUNOU, vous nous avez toujours soutenus depuis notre jeune âge. Vous avez toujours été là pour arroser la plantule, chaque fois qu'elle a besoin de vous. Nous vous en remercions.

- de Ir. Laurent GLIN, votre contribution nous a permis d'améliorer ce travail, nous vous disons merci.

- de Ir. Augustin KOUEVI, pour toute l'assistance dans la conduite de cette recherche, vous y avez mis beaucoup du votre, avec vos précieux conseils. Nous vous en remercions.

- Merci à vous Mme HOUNGBEGNON Françoise et à votre époux pour vos conseils et soutiens depuis que vous nous avez connu.

- Mme VOGLOZIN Philomène et son époux, vous avez été pour nous de véritables tuteurs.

- Mme GOUTON Elisabeth et son époux, vous avez toujours été là dans nos moments les plus difficiles.

- Mme HOUS SOU Elisabeth et son époux, nous vous remercions pour votre soutien à notre famille.

- Mme TOTIN Esther, nous vous remercions pour tous les petits soins dont vous nous entourer.

Enfin, nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à tous les amis qui nous ont soutenus, de diverses manières au cours de ce travail, en particulier :

- Mlle DA-GBADJI Mireille Fleur, c'est pour moi le moment de te féliciter pour ton soutien et ton dévouement qui ont toujours fait ma fierté.

- Deen DJIBRIL, Ana GARCIA SAEZ, Essègbèmon AKPO, les techniciens LEC de N'Dali, Nous vous remercions pour la collaboration.

- A tous les paysans du learning group de Gounin, ce travail ne serait abouti sans vous. Vous en êtes les artisans et votre collaboration pendant toute cette étude, nous a amené à ces divers résultats.

- A tous les camarades de promotion et aux amis, Ghislain MISSIHO, Roméo HOUSSOU, Léonce DOSSA, Bertrand AYIHOUENOU, Joël AGOSSOU, Antoine ADIDEHOU et Caroline HOUNKPETIN.

- A tous mes amis de la maison Sainte Trinité, nous vous disons merci pour les moments que nous avons passés ensemble.

- A toute la famille Codja-Djago, nous vous remercions pour tout.

RESUME

Le secteur cotonnier reste une principale source de devises pour le Bénin au regard de sa contribution dans la création de la richesse nationale (70 à 80% des recettes d'exportation, 35% des rentrées fiscales et 13% du PIB) (INSAE, 2002). Vu l'importance de la filière, elle a été longtemps dans un système centralisé, entièrement sous le contrôle de l'Etat.

Mais au début des années 1990, dans le cadre de la politique de libéralisation/privatisation, le secteur cotonnier a connu de nouvelles orientations caractérisées par l'ouverture de la filière aux acteurs privés. Ces réformes engagées devraient permettre à l'Etat d'une part, de redynamiser le secteur et d'autre part, de réduire les coûts de ses interventions (PNUD, 2000). Aujourd'hui, en dépit de cet arrangement institutionnel et des acquis obtenus, le secteur cotonnier connaît diverses contraintes qui freinent le bon fonctionnement du mécanisme mis en place. Dès lors, il devient important de comprendre d'une part, les motivations et les enjeux au niveau de chacun des acteurs engagés dans la filière et d'autre part, les dynamiques qui s'y opèrent.

C'est dans cette perspective que s'inscrit la présente étude des acteurs de la filière coton qui s'est déroulée dans la commune de N'Dali en raison de la large gamme d'acteurs dans la région. Les objectifs spécifiques de l'étude sont :

- D'identifier, de catégoriser les différents acteurs de la filière et d'examiner les enjeux et les interrelations au niveau de ces acteurs.

- D'analyser les perceptions des différents acteurs identifiés, par rapport à l'organisation de la filière.

- Enfin d'analyser l'influence des réformes de la libéralisation sur les pratiques agricoles en zones cotonnière.

L'étude a consisté en une série d'enquêtes menées à différentes échelles: au niveau paysan et dans diverses institutions qui interviennent dans l'organisation de la filière. Cette étude a utilisé comme théorie de base, l'approche centrée sur les acteurs (Long, 1989) qui permet d'analyser les actions des acteurs à partir des interactions ou des interfaces qui existent entre eux. Les principaux outils de collecte et d'analyse des données sont conformes à l'orientation qualitative du sujet. Toutefois, il nous a été essentiel d'assortir l'interprétation de nos résultats par des données quantitatives afin de concrétiser certains aspects.

Les résultats obtenus montrent que les différents acteurs n'acceptent plus les groupes
professionnels mis en place après l'arrangement institutionnel de la filière à la libéralisation.
Ainsi, des dissidences sont apparues au sein de ces groupes. Les réseaux parallèles mènent

vi

leurs activités en dehors du circuit formel imposé par les réformes, ce qui fragilise le mécanisme.

Les conflits d'intérêts sont à la base de ces dissensions au niveau des acteurs. Avec les réformes, certains acteurs sentent leurs intérêts menacés. La recherche de stratégies pour faire face à ces menaces a amené à la création des réseaux dissidents qui leur permet de contourner le mécanisme formel.

Au niveau de la classe paysanne, des réseaux dissidents (AGROP et FENAPRA) sont créés et plusieurs motivations sont à la base de cette dissidence. La cause la plus évoquée par les producteurs reste le retard que connaissent les paiements des frais d'achat du coton aux producteurs (75% de notre échantillon).

Les réseaux dissidents (FENAPRA né du réseau AGROP) mènent leurs activités (approvisionnement en intrants, vente du coton graine) hors du circuit mis en place dans le cadre de la libéralisation.

Les égreneurs qui ne trouvent plus leurs intérêts pris en compte (approvisionnement en coton graine à hauteur de la quantité désirée, versement des acomptes de 40%) ont quitté le groupe professionnel APEB (Association Professionnelle des Egreneurs du Bénin) reconnu par le mécanisme formel. Ces groupes «mécontents» ( SODICOT et MCI) soutiennent les producteurs dissidents en leur rachetant leur coton-graine, contournant ainsi la centrale, chargée de la commercialisation.

La dissidence a gagné aussi le secteur intrant. Les opérateurs (CSI et Fruitex) qui se sont retrouvés écartés de la distribution des intrants, parce que ne remplissant pas les normes définies par la Coopérative d'Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA), ont mis en place une association dissidente, l'ADIAB (Association des Distributeurs d'Intrants Agricoles du Bénin). Ces distributeurs fournissent des intrants aux producteurs des réseaux non-conformistes.

Il s'est développé un partenariat entre ces groupes dissidents. Certains distributeurs d'intrants se sont fusionnés (le cas du complexe CSI-Fruitex) pour faire face aux demandes qu'exigent la filière. Dans le groupe des égreneurs dissidents, il n'y a pas eu par contre, une telle fusion parce que la principale cause de la division au niveau de ce groupe reste les conflits autours de la répartition du coton. Une quelconque fusion entre ces acteurs ne garantit pas une augmentation du taux d'approvisionnement de coton graine, du moment où chacune des compagnies ne s'assurait pas sa capacité nominale. Les producteurs bénéficient des intrants des distributeurs dissidents et vendent leur récolte aux égreneurs sortis du système, contre un revenu cash, sans passer par le mécanisme de la CSPR. Les responsables de ces mouvements

paysans dissidents, les distributeurs d'intrants et les égreneurs restent les principaux bénéficiaires de ce partenariat et les producteurs deviennent les instruments du système. Ils sont utilisés par leurs responsables pour jouer le «jeu» des égreneurs et aussi celui des distributeurs d'intrants à qui ils garantissent un marché, pour leurs produits. La filière reste une véritable « arène de négociation » où les intérêts des divers acteurs s'affrontent.

Cet environnement de dissidence et d'intérêts diversifiés influence les systèmes de production. Les producteurs, surtout ceux des réseaux dissidents, ne bénéficient pas des mêmes facteurs de production que ceux du réseau FUPRO (produits chimiques de qualité, crédits de campagne à la CLCAM). Les intrants chimiques dont ils bénéficient échappent au contrôle de la recherche et ces producteurs n'ont pas accès à la nouvelle technologie identifiée pour réduire les coûts de traitement dans le contrôle des ravageurs, parce que la mise en place des intrants exigés par l'approche LEC ne profite pas aux distributeurs.

Au terme de cette étude, il ressort que l'Etat devrait s'impliquer davantage dans la gestion de la filière en veillant au respect des principes du mécanisme. L'environnement de dissidence qui règne au niveau des groupes professionnels ne saurait rien arranger dans cette filière qui a besoin du soutien de tous ses acteurs pour sa meilleure organisation.

ABSTRACT

In a number of French-speaking African countries, cotton plays a key role in the economy and development efforts by standing for the major source of export earnings. At the local level, the crop provides the rural population with a cash insurance against food crop failure. Its importance made it had been entirely under control of public sector for several years.

At the beginning of 1 990's, in the context of liberalisation and privatisation policy, the sector has been open to private actors. Those reforms were to reinforce the sector and to reduce the public interventions costs. However, the new system set up functioning illustrates some problems to which all the cotton system might face.

The objective is to understand the actors' linkage in the post liberalisation system of cotton production and they impact on the innovation process by:

- identify, and categorise different actors;

- analyse actors' perception of the new system set up;

- analyse the impact of the new system on innovation process generation and farming practices.

The methods used were open and semi-structured interviews with groups and individuals, as well as participatory diagramming (dialogic tool) with different actors.

The cotton industry has been seen as the well-organized crop network involving many stakeholders. The government's involvement, in its conventional role of organizing cotton production, is rapidly decreasing. This role, except for research, for which the government is still responsible, has been taken over by various new farmers' consultative bodies (CAGIA, CSPR, AIC, FUPRO). Although the proponents of the new cotton industry systems in Benin claim that it works and could be better in a more liberalisation context, the cotton sector face important organisational difficulties as well as technical that hampered the normal functioning of the mechanism set up. The new system structure is more complex as well as heavy and it is too early to know whether the new system will lead to savings

At farmer's level non-conformist - of new system set up- groups namely FENAPRA and AGROP were created. The main reason of this dislocation is the delay in the payment of cotton income to peasant in GV group. Those non-conformist groups broke up mechanism fixed by new reforms and operate outside conventional system.

Ginners whose interest was not taken in account through the new system left their professional group (APEB) and created another dissident class. They collaborated with nonconformist groups, outside the formal system.

Input distributors who didn't meet conditions established by CAGIA-cooperative found out that they were out of the mechanism fixed by new reforms. Then, they formed another group (ADIAB) and they made a parallel supply of input to peasant in non-conformist group. These actors furnished input, which were not always controlled by researchers. This situation compromise the cotton yields.

The reforms taken to improve the cotton sector encouraged this emergence of a partnership among dissident peasants representatives, ginners and input distributors. Peasants are the loser in this partnership. They have been manipulated in profit of their representatives, of ginners and input distributors. The cotton network is a sector where actors' stakes are competing.

This conflicting environment affected the production system because not all producers have acces s to performing inputs. We may not have this situation if the government was more implied in the management of cotton sector by making respected the principle fixed by the reforms.

TABLE DES MATIERES

Dédicace i

...

Remerciements ii

Résumé iv

Abstract vi

Table des matières .. ix

Listes des tableaux xii

Listes des figures . xii

Listes des encarts . xiii

Abréviations . xiv

1- INTRODUCTION GENERALE . 1

1-1 Introduction 1

1-2 Problématique et justification 2

1-3 Pertinence de l'étude . 4

1-4 Objectifs et questions de recherche 4

2- CADRE METHODOLOGIQUE 6

2-1 Choix de la zone d'étude 6

2-2 Choix des villages 6

2-3 Méthode de collecte des données 7

2-3-1 Etude documentaire 7

2-3-2 Entretiens informels 8

2-3-3 Entretiens semi-structurés........................................................................ 8

2-3-4 Entretiens structurés ... 9

2-3-5 Triangulation............................................................................................ 9

2-4 Echantillonnage ... ... ... ... ............... 9

2-5 Nature des données collectées... ...... ... ...... ... ... .......... 10

2-6 Méthodes et outils d'analyse des données 10

2-6-1 Comparaison 11

2-6-2 Etudes de cas 11

2-6-3 Diagrammes participatifs 11

2-6-4 Histoires de vie 12

2-6-5 Les citations 12

2-7 Limites de la recherche . 12

3- REVUE DE LITTERATURE. 14

3-1 Analyse de quelques concepts 14

3-1-1 Notion de filière . 14

3-1-2 Notion d'acteurs 15
3-1-3 Le concept d'institution / organisation...................................................... 17

3-1-4 Notion de conflit........................................................................................ 18

3-1-5 La notion de pouvoir dans les organisations paysannes................................. 19

3-1 -6 Notion de leadership.............................................................................. 21

3-1-7 Les interfaces sociales................................................................................. 22

3-2 Evolution institutionnelle de la filière coton au Bénin 22

4- PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE 25

xi

4-1 Situation géographique et organisation sociale . 25

4-2 Milieu physique 25

4-2-1 Climat . 25

4-2-2 La végétation et l'hydrographie 26

4-2-3 Sol et relief 26

4-3 Milieu humain et activités économiques 27

4-3-1 Milieu humain....................................................................................... 27

4-3-2 Peuplement et interrelations......................................................................... 27
4-3-3 Activités économiques................................................................................. 29

5- ACTEURS ET LINKAGE 31
5-1 Restructuration du secteur agricole au Bénin: différentes réformes engagées dans le

secteur coton 31

5-1-1 Diverses phases de gestion de la filière...................................................... 31

5-1-2 La pression pour la libéralisation et la privatisation du secteur cotonnier 33

5-1-3 Déroulement du processus de désengagement de l 'Etat de la gestion de la filière 34

5-1-4 Performance de la SONAPRA.................................................................. 36

5-1-5 Retombées du transfert au niveau de la SONAPRA 36

5-2 Cadre institutionnel de la filière et son fonctionnement après la libéralisation 37

5-2-1 Choix stratégiques du gouvernement en matière de réformes de la filière............. 37
5-2-2 Les acteurs de la filière 38
5-2-3 Fonctionnement et enjeux au niveau des nouvelles structures............................. 41

6- IMPACT DE LA LIBERALISATION SUR LES SYSTREMES DE ·PRODUCTION. 74

6-1 La libéralisation du secteur cotonnier: la solution attendue ou une impasse pour les

acteurs du secteur . 74

6-2 La recherche cotonnière 75

6-3 Vulgarisation agricole 76

6-4 La stabilisation et le soutien des prix de coton . 77

6-5 La libéralisation de la filière et le transfert de pouvoir aux mouvements paysans 79

6-5-1 Les producteurs et la fixation du prix du coton-graine 79

6-5-2 Effets de la réforme sur le bien-être des producteurs de coton............................ 80 6-6 Impacts de la réforme sur les pratiques agricoles en coton: cas du contrôle des

ravageurs 81 6-6-1 Méthodes de contrôle des ravageurs avant la libéralisation............................... 81

6-6-2 Méthodes de contrôle des ravageurs après la libéralisation 82

7- PERSPECTIVES DE LIENS INSTITUTIONNELS DES ACTEURS .. 84

7-1 Attentes des acteurs 84

7-1-1 Attentes des producteurs 84

7-1-2 Attentes des distributeurs d'intrants 84

7-1-3 Attentes des égreneurs 85

7-1-4 Attentes de la recherche.............................................................................. 85

7-2 Appréciation de la portée de la réforme du secteur coton . 85

7-2-1 Evaluation par rapport aux producteurs 85

7-2-2 Evaluation par rapport aux autres acteurs 87

8- PRODUCTEURS ET INNOVATIONS AGRICOLES COTONNIERES . 89

8-1 Une forme de IPM dans le contrôle des ravageurs au Bénin: la Lutte Etagée Ciblée... 89

8-2 La participation paysanne dans la mise en place des innovations 90

8-2-1 Qu'est-ce que la participation ?............................................................... 90

8-2-2 Quel type de participation a t-on besoin dans la mise des innovations ? 91

8-2-3 Rôles et motivations de chaque acteur dans la mise en place des innovations

agricoles participatives 92

8-2-4 Les obstacles à la participation 93

9- CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS 98

10- REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .. 100
ANNEXES

LISTE DES TABLEAUX

Tableau1 Tableau 2 Tableau 3 Tableau 4

Villages choisis pour l'enquête suivant les réseaux d'appartenance

Effectif de l'échantillon réalisé par réseau et par village

Répartition des producteurs suivant leurs motivations à quitter les GV Rentabilité économique de la production cotonnière (en f CFA/Ha)

..

.

7

10
48
53

Tableau 5

Evolution des chiffres relatifs aux crédits intrants et aux taux

de

 
 

recouvrement

 

62

Tableau 6

Répartition des acteurs des différents réseaux

.

68

Tableau 7

Pratique de la LEC dans les milieux d'étude

 

90

 

.

 
 

Tableau 8

Analyse SWOT de la filière coton au Bénin

 

98

 

LISTE DES FIGURES

 
 

Figure 1

Schéma d'organisation de la filière coton avec le monopole de l'Etat

 

33

Figure 2

Schéma simplifié du cadre institutionnel après libéralisation

..

38

Figure 3

Schéma détaillé de gestion de la filière coton

.

39

Figure 4

Part des spéculations dans la formation des revenus agricoles

des

 
 

producteurs

 

47

Figure 5

Evolution des revenus bruts et des coûts de la production cotonnière

 

53

Figure 6

Diagramme participatif réalisé par les producteurs du réseau Fupro

.

63

Figure 7 a

Diagramme participatif réalisé par les producteurs du réseau FENAPRA

....

65

Figure 7 b

Diagramme participatif réalisé par les producteurs du réseau AGROP

 

65

Figure 8

Diagramme participatif des interrelations réalisé par la recherche

..

67

Figure 9

Situation de la pratique de la lutte classique avant la libéralisation de la filière

 

81

Figure 10

Positionnement et degré d'intervention des membres du learning group

 

95

LISTE DES ENCARTS

Encart Les avantages de l'ex-Sonapra (avant l'entrée en jeu des acteurs privés) .. 37

Encart Importance de la responsabilité «du secrétaire GV» selon un responsable

2 FENAPRA . 43

Encart

3

Encart

4

Importance du revenu-coton dans la vie du producteur, propos d'un producteur de Suanin

47

Conséquence de la mauvaise gestion des cautions solidaires (propos d'un gros producteur de

Kori) 48

Encart Intérêts en jeu au niveau des nouveaux réseaux 51

5

Encart Stratégie de production coton-maïs développée par un producteur du réseau FUPRO

6

52

Encart Stratégie développée pour la vente illicite du coton à Kori, un village de N'Dali révélée par un producteur

7 GV . 58

Encart Extrait de la lettre adressée au présidium par les représentants des réseaux FENAPRA et Agrop-Bénin à

8 la fin des états généraux de juillet 2004 à

Parakou 66

ABREVIATIONS

ADIAB AGROP AIC APEB APV CAGIA CARDER CERPA CFDT CIRAD

Association des Distributeurs d'Intrants Agricoles du Bénin Association des Groupements de Producteurs

Association Interprofessionnelle du coton

Association Professionnelle des Egreneurs du Bénin

Agent Polyvalent de Vulgarisation

Coopérative d'Achat et de Gestion des Intrants Agricoles Centre d'Action Régional pour le Développement Rural Centre d'Encadrement Rural et de la Promotion Agricole Compagnie Française de Développement des Fibres et Textiles

Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement

CLCAM CRA-CF CSPR DIFOV FECECAM FENAPRA FMI

FAS FSS FUPRO GPDIA

GV

GP

IDI

IPM LEC MCI ONS PIB

PNB SDI

SATEC SODICOT

Caisse Locale de Crédit Agricole Mutuel

Centre de Recherches Agricoles-Coton et Fibres

Centrale de Sécurisation des Paiements et de Recouvrement Direction de la Formation Opérationnelle et de la Vulgarisation Fédération des Caisses d'Epargne et de Crédit Agricole Mutuel Fédération Nationale des Producteurs Agricoles

Fonds Monétaires International

Fonds Autonome de Stabilisation

Fonds de Stabilisation et de Soutien

Fédération des Unions des Producteurs

Groupement Professionnel des Distributeurs d'Intrants Agricoles Groupement Villageois

Groupement de Producteurs

Importateurs et Distributeurs d'Intrants

Integrated Pest Management (Gestion Intégrée des Ravageurs) Lutte Etagée Ciblée

Marlans Cotton Industry

Office National pour la Stabilisation

Produit Intérieur Brut

Produit National Brut

Société de Distribution Intercontinentale

Société d'Assistance Technique et de Coopération

Société Des Industries du Coton

SONACEB Société Nationale de Commercialisation et d'Exportation du Bénin

SONAGRI Société Nationale Agricole

SONAPRA Société Nationale pour la Promotion Agricole

TS-PV Technicien Spécialiste- Production Végétale

UCP Union Communale des Producteurs (ex USPP)

UDP Union Départementale des Producteurs

Introduction, Cadre théorique et méthodologique

PREMIERE PARTIE

1. INTRODUCTION GENERALE

1.1 Introduction

Depuis une vingtaine d'années, la production de coton en Afrique francophone de l'Ouest et du centre a énormément augmenté. Aujourd'hui, près de 8 millions de personnes sont impliquées dans les secteurs cotonniers de ces deux régions, dont environ 6 millions pour la seule Afrique de l'Ouest (Ton, 2001). Le coton est devenu l'une des principales sources de devises dans la plupart des pays producteurs. C'est le cas du Bénin où le coton reste la principale culture d'exportation qui contribue au développement socio-économique du pays. Il constitue non seulement la principale source de revenus monétaires pour les producteurs qui le cultivent, mais il apporte aussi d'importantes devises à l'Etat. La filière représente 70 à 80% des recettes d'exportation, 35% des rentrées fiscales et sa contribution en termes de valeur ajoutée, est estimée à 13% du PIB (INSAE, 2002).

La production est plus concentrée dans la partie nord du pays où elle occupe plus de 80% des paysans ( Ton, 2004). Elle constitue ainsi un outil stratégique privilégié pour lutter contre la pauvreté, sachant que les achats annuels du coton-graine représentent environ soixante dix milliards de francs CFA qui sont périodiquement versés à plus de trois cent mille (300.000) exploitants agricoles du pays (Ambassade de France, 2002). Ainsi, plusieurs acteurs (producteurs, distributeurs d'intrants, égreneurs, ...), à différents niveaux vivent de ce secteur. Vu l'importance de ce secteur, le gouvernement béninois a, pendant des décennies, concentré l'essentiel de ses efforts de développement sur la filière, ce qui fait qu'elle a enregistré une croissance beaucoup plus forte que les autres secteurs agricoles (Baffes, 2002). Ainsi depuis le début des années 80, l'examen de l'évolution de la production nationale révèle de nombreuses fluctuations, mais toutefois avec une tendance marquée à la hausse où elle avoisine aujourd'hui environ 400.000 tonnes de coton-graine.

Malgré cette performance de la filière, elle connaît toujours de profondes difficultés du fait de sa mauvaise gestion à différents niveaux, amenant ainsi l'Etat à opter pour sa libéralisation. Ainsi depuis 1995, la filière a pris de nouvelles orientations. Mais si ces nouvelles transformations peuvent être accueillies favorablement, il n'en reste pas moins que de nombreux problèmes persistent. Il n'est souvent pas rare, d'entendre « aujourd'hui la filière est malade de la cupidité de ses acteurs ».

En effet, depuis cette libéralisation de la filière, une guerre d'intérêt se développe entre les diverses parties-prenantes et ces divergences au sein de la famille des acteurs ne sont pas sans effets sur la production, surtout par rapport au sous-secteur intrant.

Ces problèmes très sérieux qui minent la filière méritent des réflexions approfondies en vue de la restructurer pour une prospérité de la production et une meilleure synergie des divers acteurs.

1.2 Problématique et justification

Avant les années 90, la situation économique de la filière a été particulièrement préoccupante et, plus le niveau de la production du coton-graine augmentait, plus le déficit financier enregistré par la filière était important (MDR, 1995). Cette situation était due notamment à la gestion peu efficiente de la vente du coton-fibre béninois.

Dans ces conditions, le déficit cumulé de la filière coton n'a pas cessé de croître et elle était au bord de la faillite. Le gouvernement avec l'appui des bailleurs a alors décidé de la réhabiliter en apportant des modifications à ses structures et aux règles de son fonctionnement.

Ainsi depuis 1992, le gouvernement béninois a entrepris un programme de restructuration du secteur. Il entend ainsi réduire le coût d'intervention des structures étatiques par l'amélioration de leur efficacité et le transfert de certaines activités aux opérateurs privés (PNUD, 2000). Dans ce cadre, la filière a connu de nouvelles orientations caractérisées par un libéralisme économique. Ces orientations concernent en particulier, le désengagement de l'Etat qui s'est traduit notamment par une forte réduction des agents des services de l'encadrement technique.

Cette libéralisation a favorisé l'ouverture de la filière à divers acteurs. Ainsi, les usines d'égrenage sont passées de neuf (09) à seize (16) et les sociétés de distribution d'intrants agricoles sont passées de deux (02) à onze (11) entre 1994 et 2003 (CSPR-GIE, 2003). Ce réarrangement institutionnel au niveau du secteur a amené les divers acteurs à créer, avec l'aval du gouvernement, des structures spécifiques afin de coordonner le fonctionnement de la filière. A cet effet, l'Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) a été mise en place pour constituer un cadre de concertation aux diverses organisations professionnelles de la filière. La Coopérative d'Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles du Bénin (CAGIA) est constituée afin de sélectionner et d'évaluer les distributeurs d'intrants. A côté de ces deux structures, la Centrale de Sécurisation des Paiements et du Recouvrement (CSPR) a été mise

en place pour assurer la commercialisation du coton-graine et pour sécuriser le recouvrement des crédits intrants et le paiement des producteurs.

Aujourd'hui, en dépit de ces réformes et des acquis obtenus, le secteur cotonnier rencontre toujours d'importantes difficultés aussi bien d'ordre organisationnel, que d'ordre technique, qui s'opposent au fonctionnement du mécanisme mis en place (Hounkpatin, 2003).

Au plan organisationnel, les retards dans la mise en place des intrants et dans le paiement des recettes cotonnières aux producteurs, les perturbations des dispositifs d'égrenage et de mise en place de semences certifiées, en débouchant sur la chute de la production, ont engendré une désagrégation avancée de la filière coton (Djiwan, 2001). La Centrale de Sécurisation des Paiements et de Recouvrement se débat avec les égreneurs pour récupérer ses créances, sans grands résultats pendant que les mésententes entre égreneurs sur la répartition du coton-graine sont devenues fréquentes. Certains acteurs violent les règles de fonctionnement adoptées et les contestations des appels d'offres effectués par la CAGIA pour la sélection des distributeurs d'intrants se multiplient (Akibou, 2003). Au niveau des producteurs, la mauvaise gestion des organisations paysannes entraîne la remise en cause des cautions solidaires et la naissance d'organisations dissidentes comme AGROP et FENAPRA (Gbèssou, 2004).

Les structures professionnelles mises en place, ont donc, au bout de quelques années, laissé apparaître des difficultés majeures auxquelles la filière doit faire face. Mais est-ce vraiment une insuffisance des familles professionnelles qui est à la base de ces divers problèmes que rencontre la filière aujourd'hui ?

Selon Aïssi (2000), cette crise que traverse la filière n'est que le résultat d'un partenariat ambigu mis en place depuis la libéralisation. Le fonctionnement réel de la filière se fait en l'absence de tout cadre réglementaire qui définit clairement la répartition des responsabilités entre l'Etat et les différents acteurs, dans la gestion de la filière, ce qui développe une guerre d'intérêts (Gbèssou, 2004).

Dans ce contexte, après la première décennie de la libéralisation de la filière, il paraît opportun de réaliser une étude pour appréhender d'une part, les responsabilités et les motivations de chacune des parties prenantes de la filière en vue d'expliquer les dynamiques qui s'y opèrent et d'autre part, d'examiner les impacts de la prolifération de nouvelles organisations professionnelles concurrentes à celles existantes, sur les pratiques agricoles au niveau de la production du coton.

La présente étude se place dans un processus de développement participatif des innovations avec l'intégration des connaissances endogènes et scientifiques de tous les acteurs

dans la perspective d'une orientation de la recherche vers les besoins et les opportunités des producteurs. Ce cadre qui est l'un des principes de base du projet Convergence des Sciences pour une meilleure gestion des cultures et du sol (Projet-CoS), vise à renforcer la capacité des paysans en les intégrant dans la mise en place des technologies afin de réduire les charges de production agricole. Autrement, il s'agit de mettre à la disposition des producteurs, des outils facilement utilisables pour mieux gérer leur production.

1.3 Pertinence de l'étude

La présente étude, en fonction des objectifs poursuivis paraît opportune pour diverses raisons.

- D'abord, elle permet de comprendre davantage le fonctionnement de la filière en mettant en exergue les écarts entre les normes et les actions réelles des divers acteurs. Elle met en évidence les divers enjeux qui s'opposent à l'évolution normale du mécanisme fonctionnel mis en place dans le cadre de la réforme institutionnelle de la filière.

- Ensuite, elle se situe dans le cadre des Politiques de Restructuration du Secteur Agricole amorcées par le gouvernement béninois depuis 1992. Elle pourrait permettre, aux responsables à divers niveaux, de faire un bilan des différentes réformes instaurées dans le secteur cotonnier au Bénin. Ainsi, il serait possible d'évaluer les divers impacts de ces réformes institutionnelles sur la production nationale et pourrait aussi permettre de redéfinir de nouvelles stratégies, plus applicables dans le milieu agricole en général, et dans le secteur cotonnier en particulier.

- Enfin, vu le climat conflictuel qui prévaut aujourd'hui entre les divers acteurs du secteur, l'étude pourrait déboucher sur une plate-forme de négociations entre les différentes parties prenantes pour examiner les problèmes qui minent la filière et pour élaborer des approches de solutions ; ce qui faciliterait une synergie des divers acteurs pour le bien de l'économie nationale.

1.4 Objectifs et questions de recherche

L'objectif principal de cette recherche est d'identifier, à la faveur de la libéralisation de la filière coton, les dynamiques qui s'y opèrent au niveau institutionnel et technique dans la commune de N'Dali.

Pour parvenir à cet objectif, il s'agira de façon spécifique, par rapport au processus de gestion de la filière :

- d'identifier, de catégoriser les différents acteurs de la filière et d'examiner les enjeux et les interactions au niveau de ceux-ci.

- d'analyser les perceptions des différents acteurs identifiés sur le cadre actuel de la filière - d'analyser l'influence de la libéralisation sur les pratiques agricoles en zones cotonnières Ces divers objectifs seront abordés à travers les questions de recherche suivantes.

1: Quels sont les différents groupes d'intérêts au niveau de la filière coton béninoise et quelles sont les relations qui existent entre eux ?

2 : Quelles perceptions ces différents groupes ont du cadre institutionnel de la filière, après la libéralisation ?

3: Quels sont les impacts des réformes actuelles sur les systèmes de production cotonnière ?

2. CADRE METHODOLOGIQUE

Dans cette rubrique, nous présenterons la démarche scientifique que nous avons utilisée pour conduire cette étude.

2.1 Choix de la zone d'étude

L'étude a été conduite dans la commune de N'Dali, tout d'abord parce qu'elle abrite une localité dans laquelle sont conduites des expérimentations sur le développement participatif des technologies de lutte contre les insectes en culture cotonnière dans le cadre du projet CoS.. Mais à côté de cette raison, il existe diverses autres non moins importantes qui justifient le choix de la région.

Autrefois, une des meilleures communes de production cotonnière du Borgou avec 16.077,63t de coton en 1996-1997, N'Dali a connu de fortes perturbations qui ont affecté sa production cotonnière, la ramenant ainsi à 3.523,1 t, en 2002-2003 soit un taux de décroissance de 78,08 % en l'espace de six ans. Nous avons choisi alors cette région pour mener la présente étude afin de comprendre les mécanismes de fonctionnement des divers groupements et ce qui pourrait expliquer, tel le cas de N'Dali, les divers problèmes que rencontre, aujourd'hui la filière au Bénin.

Au niveau de la commune, on note la présence de plusieurs acteurs impliqués dans la gestion de la filière cotonnière depuis la production jusqu'à la commercialisation. Ainsi dans le groupe des producteurs, il existe une cohabitation des divers réseaux (FUPRO, AGROP, FENAPRA) ; les distributeurs d'intrants et les égreneurs (usine SODICOT) y sont représentés aussi, de même que d'autres structures de soutien (AIC, CSPR, CRA-CF). Il existe alors dans cette région une large gamme d'acteurs intervenant dans la filière.

Enfin, la commune de N'Dali reste l'une des régions qui expérimente depuis 2000, la nouvelle approche de gestion des ravageurs (lutte étagée ciblée) conduite par la Recherche Coton et Fibre. Ainsi, le choix de cette région nous permettrait d'étudier les processus d'implication des divers acteurs dans la mise en place de cette innovation.

2.2 Choix des villages

Pour le choix des divers villages, nous avons pris en compte trois critères : - Accessibilité du village ;

- Répartition des divers réseaux des groupements de producteurs ; - La pratique de la lutte étagée ciblée (LEC)

Par rapport à ces différents critères, nous avons défini trois catégories de villages. Dans la première catégorie, nous avons les villages où cohabitent les trois réseaux de groupements (FUPRO, AGROP, FENAPRA).

La deuxième regroupe les villages où sont présents deux réseaux. Nous avons deux types de villages. Le premier avec les réseaux FUPRO-AGROP et le second avec FUPROFENAPRA. Nous avons deux types de villages compte tenu du fait que le réseau originel (GV de la FUPRO) persiste toujours dans les différents villages.

Enfin dans la dernière catégorie, nous avons retenu les villages où nous avons noté seulement le réseau FUPRO, donc des villages qui n'ont pas connu encore de clivage.

Cette catégorisation, nous a permis d'examiner les interrelations entre les groupements et les motivations qui ont abouti à l'éclatement des GV dans les villages.

A l'intérieur de chaque catégorie, nous avons fait un choix aléatoire d'un village pour l'enquête auprès des producteurs. Ainsi nous avons retenu au total quatre villages (Cf. tableau 1).

Tableau 1: Villages choisis pour l'enquête suivant les réseaux d'appartenance.

Paramètres

Réseaux

Villages retenus

GV-FUPRO

GP-
FENAPRA

GP- AGROP

1 ère catégorie

+

+

+

Suanin

2è catégorie

+

+

-

Sakarou

+

-

+

Kori

3è catégorie

+

-

-

Dèbou

Source : Enquête, 2004 (+ : présence de l'acteur, - : absence de l'acteur )

2.3 Méthode de collecte des données

Cette étude a plus un caractère qualitatif et la méthodologie utilisée est conforme à cette orientation. Les outils utilisés à cet effet sont notamment la recherche documentaire, les entretiens et les observations.

2.3.1 Etude documentaire

ordre et ceux du deuxième ordre). La revue s'est déroulée à divers niveaux, d'abord à Cotonou et ensuite a été synchronisée avec la recherche dans la zone d'étude.

A Cotonou, nous avons parcouru plusieurs centres de documentation des structures concernées par l'étude. Il s'agit notamment des centres de documentation de la FSA, de l'OBEPAB, du CRA-CF, de l'AIC et du MAEP.

Dans le milieu d'étude, nous avons eu accès au cahier de charge et de fonctionnement des groupements de producteurs ainsi qu'à la documentation au niveau des structures sur place, ce qui nous a permis d'avoir des données spécifiques au niveau de la commune.

2.3.2 Entretiens informels

Ces entretiens ont été réalisés tout le long de l'étude, d'abord pour mieux cibler les divers acteurs de la filière et ensuite pour explorer certains contours du sujet ou pour approfondir des aspects spécifiques. A cet effet, nous avons rencontré les responsables des structures concernées, les membres des divers groupements villageois ayant en charge la gestion du coton conventionnel.

Ce type d'entretien nous a permis de faire des recoupements à propos des besoins, des motivations et des perceptions des différents acteurs enquêtés.

2.3.3 Entretiens semi-structurés

Les entretiens semi-structurés ont été réalisés sur la base d'un guide d'entretien, à différents niveaux. Au cours des discussions de groupe, les producteurs ont été invités à se prononcer de façon exhaustive, sur des questions posées. Parfois, au cours de ces entretiens, nous intervenons pour redresser les déviations persistantes éventuelles ou pour orienter l'interlocuteur sur des aspects qui se sont révélés pertinents lors de l'enquête standard auprès des producteurs.

Ces entretiens de groupe ont été réalisés avec les responsables de groupements retenus pour l'enquête, en présence de quelques producteurs. L'objectif de ces entretiens est de comprendre d'une part, le fonctionnement et les interrelations entre les différents groupements et d'autre part, les raisons des dissidences et les stratégies développées par les producteurs face aux divers problèmes que rencontre la filière.

Au niveau des différentes institutions qui interviennent dans l'organisation de la filière, ce type d'entretien a été utilisé pour comprendre leur importance dans la filière afin de détecter des foyers de conflits qui expliquent les dynamiques au sein de la filière.

2.3.4 Entretiens structurés

Ces entretiens ont été administrés aux producteurs sur la base de questionnaires. Ils nous ont permis d'avoir des informations sur l'organisation individuelle de la production, les perceptions des producteurs et les processus d'implication des producteurs dans la mise en place des innovations cotonnières, plus particulièrement dans le cas de la lutte étagée ciblée (LEC), nouvelle approche de contrôle des ravageurs, vulgarisée dans le secteur cotonnier.

2.3.5 Triangulation

La plupart des outils et lieux de collecte de données ne permettent pas d'appréhender tous les contours du sujet abordé. C'est en vue d'éviter des biais que nous avons effectué une triangulation des outils de collecte, des lieux d'observation et des sources d'informations. Les mêmes informations ont été donc recherchées ou vérifiées au niveau de plusieurs sources et avec différents outils. Les informations retenues provenant de plusieurs sources concordantes. Cette technique a l'avantage de rassurer de la fiabilité et de la crédibilité des données collectées.

2.4 Echantillonnage

Les unités de recherche concernées par cette étude sont d'une part, les institutions ou les structures qui jouent un rôle déterminant dans la filière coton et d'autre part, les acteurs locaux de la zone d'étude.

A la suite de la phase exploratoire, nous avons distingué trois types de groupements: GP-FENAPRA et GP-AGROP, tous deux dissidents, partis du groupement originel GV. Au total, nous avons recensé 41 GV, 27 GP-FENAPRA et 12 GP-AGROP.

L'échantillon qui a servi de base pour les enquêtes individuelles auprès des producteurs est composé de soixante-cinq (65) producteurs constitués à partir de huit groupements dont quatre GV, deux GP-FENAPRA et deux GP-AGROP. La liste des membres des groupements obtenue auprès des responsables est utilisée comme base de sondage pour le choix des producteurs. Ce choix est fait au niveau de chaque groupement suivant un échantillonnage aléatoire stratifié avec un coefficient d'échantillonnage de 1/12. Nous avons retenu un tel coefficient en fonction de l'effectif élevé des membres des groupements et aussi compte tenu du fait que les producteurs ne constituent pas les seuls acteurs enquêtés.

Au niveau de chaque groupement, nous avons constitué deux (02) catégories de producteurs, sur la base du niveau moyen de superficie emblavée en coton ces deux dernières années. A l'intérieur de chaque classe, nous avons tiré de façon aléatoire, les producteurs suivant le poids de chaque catégorie. Ce choix nous a permis de prendre en considération, tout aussi bien les «petits» producteurs que les «gros» producteurs, pour une meilleure représentativité de l'échantillon. Nous avons utilisé le niveau moyen de superficie emblavée en coton dans la commune (2,5 Ha) comme limite de distinction des producteurs. Ainsi les «petits» producteurs ont au plus 2,5 Ha de coton et les «gros» producteurs cultivent habituellement plus de 2,5 Ha.

Parallèlement aux entretiens individuels avec les producteurs, nous avons eu des discussions de groupe avec les responsables des divers groupements retenus pour l'étude.

Au niveau des institutions, nous avons enquêté systématiquement les structures qui interviennent directement dans l'organisation de la filière.

Tableau 2 : Effectif de l'échantillon réalisé par réseau et par village

Réseaux

Villages

Total

Effectif enquêté

< 2,5Ha

= 2,5Ha

GV-FUPRO

Débou

153

8

5

Sakarou

140

9

3

Kori

118

4

6

Suanin

131

7

4

GP-FENAPRA

Sakarou

72

4

2

Suanin

83

4

3

GP-AGROP

Kori

23

1

1

Suanin

4

3

1

 

TOTAL

724

40

25

Source: Enquête, 2004

2.5 Nature des données collectées

Les données collectées au cours de cette étude sont plus à caractère qualitatif et elles s'organisent autour de deux pôles d'intérêt. D'abord, nous avons analysé l'importance de chacun des acteurs impliqués dans la filière cotonnière depuis la production jusqu'à l'égrenage. Cette analyse nous a permis d'examiner les interrelations entre les différentes

parties prenantes et d'autre part, de mieux appréhender les dynamiques qui s'opèrent au niveau de la filière. A cet effet, nous avons collecté des données relatives :

- à l'identification des principaux acteurs de la filière coton depuis la production jusqu'à l'égrenage.

- aux rôles et aux interrelations entre ces divers acteurs.

- à l'évaluation de la performance des principaux acteurs y compris leurs intérêts, leurs contributions, les foyers de conflit et leur perception sur l'organisation de la filière.

Après cette analyse des parties prenantes, nous avons étudié les effets ou les répercutions de la libéralisation de la filière sur les pratiques agricoles et particulièrement sur les modes de gestion des ravageurs. A ce niveau nous nous sommes appesantis sur l'analyse de la nouvelle pratique de contrôle des ravageurs (LEC).

2.6 Méthodes et outils d'analyse des données

Conformément à l'option méthodologique et en fonction du caractère des données collectées au cours de l'étude, les techniques d'analyse ont privilégié une approche qualitative. Ainsi, nous avons choisi des techniques comme la comparaison, les études de cas à travers les histoires de vie, les citations et les diagrammes de Venn.

2.6.1 La comparaison

La comparaison est une démarche qualitative utilisée pour établir la confrontation des objets, des pratiques ou des approches. Elle permet d'identifier les ressemblances et les écarts entre les éléments comparés.

La comparaison intègre d'une part, une dimension relativiste qui met en jeu le niveau de développement relatif des éléments mis en comparaison, où l'un est apprécié par rapport à l'autre et d'autre part, une dimension normative où chaque élément est vu par rapport à ce qu'il devrait être (théorie).

Les diverses dimensions présentées évoquent les niveaux de comparaison des éléments : d'abord entre eux et ensuite par rapport au modèle. La démarche utilisée dans cette étude met plus l'accent sur la dimension normative, avec pour élément de base la filière coton conventionnel. Ainsi, au niveau de chaque acteur, nous avons fait une analyse de leurs fonctions ou de leurs pratiques, ce qui nous a permis d'établir des écarts par rapport aux théories. La comparaison, telle utilisée ici, vise à faire ressortir la différence entre les approches ou les pratiques des divers acteurs et les normes prévues.

2.6.2 Les études de cas

Les études de cas sont indiquées quand il s'avère nécessaire d'explorer en profondeur, des relations entre individus et institutions, de comprendre et de décrire, d'expliquer et d'interpréter des comportements, des attitudes ( Mettrick, 1994). Faute de pouvoir couvrir tous les acteurs de la filière, nous avons utilisé cet outil pour approfondir des aspects spécifiques par rapport à l'organisation et au fonctionnement des classes d'acteurs. Ces études concernent un nombre limité de cas pertinents sélectionnés, surtout au niveau des égreneurs et des réseaux de producteurs, pour leur exclusivité. Les études de cas nous ont permis d'examiner en profondeur les dynamiques qui s'opèrent au niveau de la filière, à travers les diverses institutions et les organisations paysannes, depuis la production jusqu'à la commercialisation.

2.6.3 Les diagrammes participatifs

Les diagrammes participatifs, outils d'évaluation participative, permettent d'établir les divers liens entre les organes d'une structure.

Les diagrammes utilisés ont été réalisés par les acteurs enquêtés, individuellement ou au cours des entretiens de groupe. Ils sont utilisés pour évaluer d'une part, les interrelations entre les groupes d'acteurs et d'autre part, pour mesurer le degré de connaissance de l'organisation institutionnelle formelle de la filière par les divers acteurs. Cet exercice fait aussi ressortir les perceptions des différents acteurs par rapport à l'arrangement institutionnel et les rôles des différents acteurs.

2.6.4 Les histoires de vie

Les histoires de vie nous permettent de retracer les diverses trajectoires des acteurs mais aussi, elles nous permettent d'approfondir certains aspects importants que ne nous révèlent pas les enquêtes formelles. Ainsi, à travers des histoires de vie, nous avons pu détecter, les motivations réelles des divers acteurs et leurs perceptions quant à l'organisation de la filière. De ces histoires, nous avons fait une lecture des diverses transformations qui sont intervenues au niveau des enquêtés.

2.6.5 Les citations

Les citations constituent des témoignages qui viennent illustrer les analyses effectuées. Elles sont, en général, très utilisées dans le cadre de l'analyse des perceptions où elles révèlent les opinions des divers acteurs par rapport à la conduite de la filière coton aujourd'hui.

2.7 Limites de la recherche

Cette étude présente bien des limites qu'il convient de reconnaître humblement. Compte tenu du temps imparti, nous n'avons pris en considération dans notre étude que les acteurs de la production à l'égrenage. En effet, les transporteurs, les banques, les usines d'huilerie et de textiles sont aussi des acteurs qui ne restent pas sans influencer le système.

Une autre limite provient du fait que nous avons eu à faire appel à la mémoire des personnes âgées, sur plusieurs décennies en arrière, surtout au niveau de la narration des récits de vie ; ce qui autorise des doutes sur la précision de certains faits. Néanmoins, ceux afférents directement à leur vie intime peuvent être considérés comme les plus valables.

Plusieurs difficultés rencontrées lors de la collecte des données pourraient engendrer des limites dans l'étude. D'abord, le problème essentiel qui s'est posé à nous sur le terrain, lors de la collecte des données reste celui de la communication. L'utilisation des interprètes ne nous aurait certainement pas permis de capter toutes les idées exprimées par les enquêtés. Les déformations et les arrangements que font les traducteurs sont sujets à des malentendus et des oublis.

Mais au-delà de tout, l'approche flexible adoptée dans l'exécution de l'étude nous a permis de surmonter ces difficultés.

3. REVUE DE LITTERATURE

3.1 Analyse de quelques concepts

3.1.1 Notion de filière

La notion de filière revêt différents aspects selon les auteurs et plusieurs approches sont utilisées pour la définir.

Fabre (1994) définit la filière de production comme étant l'ensemble des agents économiques qui contribuent directement à la production puis à la transformation et à l'acheminement jusqu'au marché de réalisation d'un même produit agricole. Pour cet auteur, l'agent économique est un acteur / opérateur économique ou encore une cellule élémentaire intervenant dans l'économie en étant un centre autonome d'action et de décision.

Cette considération d'acteur économique peut amener à voir la filière comme un rassemblement d'agents économiques autonomes, sans une interdépendance et sans aucune influence réciproque dans la prise de décision. Ainsi, la filière apparaît simplement comme un mode de découpage et de représentation de l'appareil productif sans une vision sur la synergie ou le niveau de dépendance qui existe entre les différents maillons.

Veron (1990), perçoit la filière comme un type d'organisation d'une production (et des activités en amont et en aval) caractérisé par la combinaison d'opérations techniques conduisant d'un produit primaire au bien transformé et à la structuration des acteurs ayant à charge ces opérations. Il poursuit pour donner une autre conception qui vient spécifier la fonction méthodologique de la filière qui est fondée sur une certaine segmentation de la réalité économique ainsi que sur un regroupement vertical des activités étudiées. Elle privilégie une approche qui met l'accent sur les relations techniques et institutionnelles au sein du segment étudié et sur sa dynamique interne.

Cette définition de Veron fait alors de la filière une formalisation sous forme d'un modèle d'explication de l'organisation des flux et des acteurs, modèle centré sur les relations d'interdépendance.

Abordant la notion de filière sous le même angle que Veron, Hugon (1992) met en évidence la fonction de synergie qui existe entre les divers compartiments d'une filière dont l'analyse permet de repérer l'espace de déploiement des stratégies des acteurs. L'analyse des différents acteurs d'une filière permet alors de faire sa décomposition en plusieurs éléments,

«segments» qui s'enchaînent de l'amont vers l'aval, afin de connaître le fonctionnement et les dynamiques du système (Hugon, 1992).

Bérould (1999) quant à lui, en distinguant les segments, voit la filière cotonnière comme l'ensemble des opérations relatives à la production, à l'égrenage et à la commercialisation du coton-graine en amont et des produits finis que sont la fibre et les coproduits ( graine, huile, tourteaux) en aval.

Dans le cadre de la présente étude, nous fonderons notre analyse sur la notion de filière selon la conception de Hugon (1992) qui met en évidence les interrelations entre les divers compartiments mais nous nous limiterons aux opérations qui vont de la production à l'égrenage compte tenu du temps qui est accordé à cette recherche.

3.1.2 Notion d'acteurs

Selon Grimble et Wellard (1996), la notion d'acteurs est utilisée pour désigner tout groupe de personnes, organisées ou non et partageant un intérêt, dans un système donné.

De là, l'analyse des acteurs paraît une approche holistique pour gagner la compréhension d'un système ou pour examiner les divers changements intervenus dans le système en utilisant des acteurs clés ou les « stakeholder » afin d'évaluer leurs intérêts respectifs.

En général, les diverses parties d'un système, en face d'un intérêt ou d'un objectif, développent des stratégies particulières pour protéger des intérêts implicites. Ainsi, le plus souvent, les acteurs d'un système ne sont pas d'avis commun ou ne partagent pas les mêmes opinions sur des actions du système (Jiggins et al, 2003). Par rapport à cet aspect, l'auteur perçoit les acteurs comme des individus ou des groupes qui ont des enjeux ou de réels intérêts matériels en vue, dans une situation donnée. Ainsi, chaque acteur est considéré comme un être stratégique et rationnel ( Motta, 2003) qui cherche à satisfaire ses besoins dans un système. Sa stratégie lui est propre et il agit selon sa logique. Cette rationalité est dite « limitée » (Long, 1989) par le fait qu'un acteur agit en ajustant les moyens aux fins désirées.

Dans toute organisation, des règles formelles sont établies, et même si les dirigeants pensent tout prévoir, il reste toujours des zones d'ombre, dites « d'incertitude » ( Motta, 2003) qui sont sources de pouvoir pour les acteurs et chacun essaie, par tout moyen possible de préserver cette zone d'incertitude. Ainsi tout système aussi structuré soit-il, laissera toujours des marges d'autonomie à ses acteurs. Plus il y a de règles et plus les divers acteurs se créent des marges de manoeuvre, observant ainsi une source de pouvoir non prévue dans ces règles (Jiggins et al, op cit ).

Le pouvoir ou le leadership naît de l'interdépendance des acteurs et de la maîtrise des zones d'incertitude Motta (2003). Etre le seul à détenir un savoir-faire procure à l'acteur un pouvoir qui ne lui sera disputé que si d'autres acteurs apprennent ce savoir-faire (Helbriegel et al, 1989.).

Dans un système, les acteurs peuvent se situer à n'importe quel niveau ou position dans la société (niveau global, national, régional ou familial) et comme Freeman (1984), Jiggins et al (2003), ont distingué dans leur typologie trois classes d'acteurs.

Dans la première classe, Jiggins et al (2003), distinguent les acteurs qui initient les décisions ou les actions, les acteurs du premier ordre. Dans le cas de notre étude, nous pouvons assimiler l'Etat à cet acteur qui initie les différentes réformes pour organiser le secteur agricole.

La deuxième classe regroupe ceux qui sont affectés ou concernés par ces décisions ou ces actions, les bénéficiaires ou les acteurs de deuxième ordre. Ces acteurs peuvent être affectés positivement ou négativement par la décision (le cas précis des producteurs qui subissent toutes les conséquences des réformes du secteur). Ils peuvent aussi être engagés de façon active ou passive selon le degré d'implication dans l'exécution de l'action. Cette classe pourrait concerner plus les acteurs à la base, les producteurs notamment.

Enfin la troisième catégorie d'acteurs d'un système, regroupe ceux qui supportent, soutiennent ou entravent l'évolution normale des décisions et en général, influencent l'action soit positivement ou négativement (acteurs intermédiaires). Dans cette dernière classe, nous rangerons les groupes qui appuient (en intrant ou en conseil technique) la production. Les parties qui sont affectées positivement vont certainement supporter ou même faire la promotion des décisions tandis que celles qui se sentent affaiblies par ces mesures vont s'opposer à son évolution normale.

Grimble et Wellard (1996) se basent sur l'importance des individus dans un système pour faire une catégorisation des divers acteurs. Mais dans ce cas, la notion d'importance fait allusion à la priorité des intérêts alors que l'influence se réfère plus au pouvoir que certains acteurs possèdent dans un système.

La conception de Jiggins et al (2003) pourrait être adaptée au contexte de cette étude pour une analyse des diverses catégories d'acteurs identifiés, mais nous mettrons plus l'accent sur les « gains » ou les « pertes » d'intérêts au niveau de ces acteurs.

Nous nous proposons, à partir de ces différents aspects de la notion d'acteur, de définir d'autres concepts dont celui de conflit, de pouvoir et de leadership, pour mieux aborder notre analyse.

3.1.3 Le concept d'institution /organisation

La frontière entre les notions d'institution et d'organisation n'est pas tranchée; il est très courant d'éprouver des difficultés quant à établir la différence entre ces deux concepts.

Selon Stockhaussen (1984) cité par Amoussou (2001), «les institutions sont l'ensemble des règles politiques, sociales et légales fondamentales qui régissent les bases de la production, des échanges et de la distribution; ainsi que les arrangements entre les unités économiques qui définissent la façon dont ces unités peuvent compétir ou coopérer.»

Bartoli (1988) définit la notion d'organisation comme étant un groupe d'hommes constitué sciemment dans le but d'atteindre un certain objectif.

Ces deux définitions montrent q'une institution est relative aux lois, aux textes et accords pendant que l'organisation est une structure ayant un objet social. Cependant, en pratique, certaines institutions peuvent être des organisations; c'est du moins ce que suggère la convention de Uphoff (1992) et Flower (1992) cité par Pretty (1995) selon laquelle, il y a plusieurs types d'institutions dont certaines sont en même temps des organisations et d'autres non.

Selon Pretty (op cit.) « Une institution est un complexe de normes et de comportements qui persistent dans le temps en servant une valeur sociale», alors qu'une `` organisation est une structure qui joue un rôle déterminé.» Ainsi, l'organisation se base sur des normes ou un cadre institutionnel pour fonctionner.

Dans le cadre de notre étude, la notion d'institution étant étroitement associée à celle de l'organisation, le concept d'institution se réfère aux principes de base qui servent de fondement aux diverses organisations.

3.1.4 Notion de conflit

Les premiers travaux en anthropologie africaniste qui aient systématiquement abordé la réalité sociale par le biais des conflits sont conduits par Gluckman (1956). L'usage que ce dernier fait de cette notion de conflit renvoie à trois dimensions d'analyse.

Au niveau empirique, le conflit reste un élément inhérent à toute vie sociale. Ainsi, toutes sociétés ou toutes organisations sociales sont traversées par des conflits du fait de la divergence de leurs objectifs ou de leurs intérêts.

Dans son analyse structurelle, Gluckman, cité par de Sardan (1995), montre que la notion de conflit évoque des différences de positions. Autrement, les sociétés, aussi petites

soient-elles et aussi dépourvues soient-elles de formes institutionnalisées, sont divisées et clivées. Ces divisions sont entretenues par des codes culturels. Les conflits expriment donc des intérêts différents liés à des positions sociales différentes.

Enfin, la dimension fonctionnaliste montre que les conflits qui semblent vouer les sociétés à l'émiettement ou à l'anarchie, concourent au contraire à la reproduction sociale et au renforcement en dernière analyse de la cohésion sociale. Ils permettent ainsi de maintenir le lien social.

Ces différents postulats développés par Gluckman (1956) soulignent les divers niveaux d'analyse du conflit. Mais au niveau de la dimension structurelle, il convient de souligner l'existence d'une marge de manoeuvre pour les individus (Long, 1989). Les conflits ne renvoient pas seulement à des différences de position dans la structure sociale. Ainsi, un conflit entre personnes ou entre groupes n'est pas que l'expression d'intérêts ou «d'objectifs '' opposés, mais aussi l'effet de stratégies personnelles, plus ou moins liées à des réseaux et organisées en alliance (Long, 1989).

En partant de l'analyse empirique de Gluckman, ICRA (2003) reconnaît que les conflits naissent du désaccord entre deux ou plusieurs parties, du fait de l'incompatibilité de leurs objectifs, de leurs intérêts, de leurs perceptions ou encore de leurs valeurs. Cette notion évoque donc la diversité des valeurs et des croyances ou des paradigmes au sein des acteurs dans un système. Ainsi, la réunion de diverses parties-prenantes demande une parfaite connaissance des intérêts explicites et même parfois implicites et des théories qui fondent la conception des différents acteurs en présence.

Selon Grimble et Willard (1996), les conflits sont des situations de compétition et de potentiels désagréments entre deux ou plusieurs groupes d'acteurs dans un système sur l'utilisation de l'une ou l'autre ressource rare. Cette conception de Grimble rejoint la dimension empirique de Gluckman et celle de ICRA (2003).

March (1987) donne une conception de la notion de conflit à partir des processus de prise de décision. Selon ce dernier le conflit s'identifie à un blocage des mécanismes normaux de la prise de décision, de sorte qu'un individu ou un groupe éprouve des difficultés à opérer le choix de son action. Cet auteur discerne trois principales classes de phénomènes conflictuels.

- conflits individuels qui concernent les prises de décisions personnelles. Ces types de conflit peuvent surgir de l'inacceptabilité, de l'incompatibilité ou même dans des cas d'incertitude.

- conflits organisationnels qui concernent les groupes ou des individus dans une organisation.

- conflits inter-organisationnels qui concernent les distorsions entre des organisations ou des groupes.

Il est possible d'établir une liaison entre ces trois niveaux. Les conflits organisationnels peuvent provenir des problèmes de décision individuelle et il est fréquent de constater que des conflits entre groupes surviennent au sein des organisations de grandes dimensions.

Dans notre étude, nous privilégions plus les dimensions empirique et structurelle d'analyse des conflits qui nous paraissent assez complètes pour aborder notre sujet. Mais toutefois, nous mettrons un accent particulier sur les stratégies personnelles développées par chaque acteur pour satisfaire ses propres besoins.

3.1.5 La notion du pouvoir dans les organisations paysannes

Selon Weber (1957) cité par Vodouhè (1996), le pouvoir est l'équivalent de la tyrannie. Il se définit comme la probabilité qu'un acteur d'un secteur social donné soit en mesure de faire sa propre volonté, en dépit des résistances et quelle que soit la base sur laquelle repose cette probabilité.

Dahl (1961) en poursuivant dans la même logique que Weber, indique que le pouvoir fait référence à l'ensemble de relations entre les unités sociales de telle sorte que les comportements d'une ou de plusieurs unités dépendent, dans certaines circonstances, du comportement d'autres unités. Le pouvoir évolue ainsi, suivant les interrelations entre les différentes parties en présence.

En abordant une autre dimension de l'analyse du pouvoir, Bennis et Nanus (1985) mettent en évidence la polyvalence de cette notion. En effet, dans une société, un individu présentant une puissance sur un plan peut ne pas l'être sur un autre, de sorte que tous les individus d'une organisation pourraient présenter chacun une domination spécifique. Mais dans certains systèmes, tous les pouvoirs peuvent être concentrés en un seul individu.

Dans une association, plusieurs sources de pouvoir peuvent être distinguées et le pouvoir naît le plus souvent du contrôle de domaines de grands intérêts par un groupe d'acteurs (Hermel, 1988). La source de pouvoir peut être formelle ou informelle (Hermel, op cit). Le pouvoir formel est celui officiellement reconnu à un individu. Cette notion de pouvoir formel peut être vue sous plusieurs angles.

En effet, Hermel (op cit) considère que des pouvoirs formels existent à différents niveaux dans l'organisation, autre que dans la relation « patron-client ». Ainsi, si comme le propose Minzberg (1986), le pouvoir est « tout simplement la capacité à produire ou à modifier les résultats ou effets organisationnels », alors le phénomène de pouvoir ne met pas nécessairement plusieurs acteurs en jeu mais peut n'en concerner qu'un seul.

Toujours dans le cadre du pouvoir formel que le « patron » peut exercer à l'égard de ses « subordonnés », il est possible de considérer qu'il s'agit au départ d'un pouvoir potentiellement total (car unilatéral) (Luce et Raiffa, 1957), mais que plusieurs facteurs peuvent conduire à un autre mode de répartition et d'exercice de ce pouvoir formel. Ainsi, tel « Manager » pourra décider formellement de céder une part de pouvoir à tel Managé dans le cadre d'une certaine délégation ou d'un désir de susciter une initiative chez ses collaborateurs (Hermel, op cit). Ainsi, le partage du pouvoir dans une optique synergique pourrait conduire à une meilleure cohérence interne au niveau d'un secteur d'activités. Cela est d'autant plus important qu'il est possible de mentionner deux phénomènes complémentaires (Hermel, op cit) :

- la liaison entre la motivation et l'intérêt du travail, voire le degré d'autonomie ;

- les possibilités de pouvoirs négatifs ou contre-pouvoirs, en cas de non-motivation ou franche opposition.

Ces phénomènes sont autant liés au pouvoir informel qu'au pouvoir formel.

Au-delà du caractère officiel de la distribution des pouvoirs et de l'autorité de l'organisation, qui donne généralement naissance aux structures organisationnelles, les membres d'une structure peuvent s'attribuer un type de pouvoir caché qui leur permet d'avoir une importance sociale (Etzioni, 1961). Sans nécessairement être managers, ils exercent une influence qui fait d'eux des leaders charismatiques (Etzioni, op cit).

Le pouvoir informel que possèdent tous les acteurs d'une organisation, à quelque niveau qu'ils soient, capables par des comportements de passivité, de réticence, voire de « sabotage», de compromettre toute décision des personnes à pouvoir formel (Hermel, op cit).

Bernis et Nanus (1985) en faisant une analyse approfondie sur les dysfonctionnements engendrés par ce type de comportement non productif, révèlent l'importance réelle des incidences de ces formes indirectes de pouvoir de sorte que le fonctionnement réel de l'organisation reste le résultat de l'influence réciproque des aspects formels et informels.

3.1.6 Notion du leadership

La notion de leadership varie suivant les auteurs. Pour certains, Feinstein (1986) ; Vroom et al (1988), l'image du leader est celle d'un personnage sage et paternaliste qui prend toutes les décisions et dirige seul une organisation. Cette image du leadership renvoie à la capacité d'un individu à produire une certaine influence sur d'autres personnes au cours d'une interaction réelle, comme un échange de point de vue ou une prise de décision en commun (Fournout, 2003). Le leadership joue alors un rôle crucial dans la mise en application des réformes car il implique deux des aspects les plus importants de la notion de réforme: le changement et les hommes (Bass, 1985). En effet, le leadership se manifeste dans les relations interpersonnelles et un bon leader inspire les hommes. Il contribue à la diffusion et au maintien de nouvelles valeurs nécessaires à une réforme dans un secteur donné, en insufflant un véritable changement du comportement des membres de l'organisation selon les normes de la réforme (Feinstein, 1986).

Helbriegel et al (1989), dans une analyse comparative, établissent une distinction entre les rôles du leader et ceux du manager. En effet, diriger, c'est avoir une vision que l'on communique à autrui ; c'est également posséder le pouvoir de la rendre réelle et de l'imposer. Dans cette perspective, les dirigeants sont des personnes qui font ce qu'il faut pour réaliser leur vision. Pour ces même auteurs, les managers sont des personnes qui font les choses comme il faut. Ainsi, gérer c'est diriger le travail des autres et être responsable des résultats obtenus.

En partant des comportements du leader, Helbriegel et al (1989) mettent en place un modèle qui distingue divers types de leader dont :

- le leadership positif qui tient compte des besoins des subordonnés en manifestant de l'intérêt pour leur bien-être et en créant un climat de parfaite collaboration.

- Le leadership directif qui consiste à faire savoir aux subordonnés ce que l'on attend d'eux, en leur donnant des instructions précises. Alors que le leadership participatif intègre la consultation des divers collaborateurs.

Nous développons cette notion avec ses diverses dimensions pour pouvoir établir le cadre dans lequel se place le fonctionnement des diverses structures concernées par notre étude.

Tous ces concepts développés dans cette rubrique de même que les éléments de littérature cités nous aideront à comprendre la situation qui se présente dans le cas de notre étude. Pour ce faire, ils serviront tantôt de références pour les comparaisons, tantôt de

modèles pour des analyses ou pour renforcer les illustrations tirées des cas rencontrés. Ainsi, nous avons grâce à ces éléments de références, des poches de discussions qui guideront notre analyse.

3.1. 7 Les interfaces sociales

Dans la conception sociologique, «l'interface» est un point critique d'interaction ou de contact entre différents niveaux de l'ordre social où les discontinuités structurelles, basées sur les différences de valeurs normatives et d'intérêts sociaux existent (Long, 1989).

Les parties en jeu se différencient en terme de pouvoir. Ce sont des unités sociales (groupes associatifs, paysans membres des institutions, leaders...) avec des intérêts différents, mais qui ont un certain degré d'interdépendance qui les oblige à s'interagir.

Le concept implique une part de face à face entre les individus ou les unités pour différents intérêts. Ainsi, dans le cadre de cette étude, nous pourrons examiner les enjeux et les inter-relations au niveau du système.

3.1.8 Le système de connaissance et d'information agricole

Pour comprendre le fonctionnement actuel du système (filière coton et ses dynamiques), nous ferons recours à une approche systémique notamment le Système de Connaissance et d'Information Agricole (SCIA) de Röling (1988).

Le Système de Connaissance et d'Information Agricole (SCIA) peut se définir comme un réseau d'acteurs devant travailler en synergie afin de faciliter l'innovation dans un domaine donné d'activité humaine. Plus complètement, il peut se définir comme l'ensemble "des personnes, réseaux et institution et les interfaces et liens entre ceux, qui sont impliqués ou qui dirigent la création, la transformation, la transmission, le stockage, la récupération, l'intégration, la diffusion et l'utilisation des connaissances et d'informations, et qui potentiellement opèrent de façon synergique pour améliorer la correspondance entre les connaissances et l'environnement, et la technologie utilisée dans l'agriculture" (van der BAN et al, 1994).

L'approche SCIA constitue donc la base de la gestion de l'innovation parce qu'en tant que perspective partagée par les acteurs, elle permet à ceux-ci de définir une mission collective, de s'accorder sur les voies et moyens d'améliorer le fonctionnement du système. C'est donc une approche holistique d'analyse dans laquelle les phénomènes sont perçus

comme indivisibles. Elle met en exergue le fait que, pour un développement rural, tous les acteurs doivent être impliqués et jouer pleinement leur rôle.

La SCIA prend en compte la recherche, le paysannat et la vulgarisation, secteurs dans les quels interviennent les acteurs des domaines privés ou publics. Nous utiliserons cette approche pour évaluer les effets de la libéralisation sur les différents sous-secteur de la filière cotonnière.

3.2 Evolution institutionnelle de la filière coton au Bénin

Parmi les produits agricoles destinés à l'exportation, le coton est l'un de ceux dont la culture est de tradition très ancienne au Bénin. Sa zone de production s'étend plus particulièrement du nord-Mono (Couffo) au nord-Ouémé (Plateau), en passant par le ZouCollines, avec une concentration dans le septentrion (Borgou-Alibori). Le développement institutionnel de la filière a connu plusieurs phases en relation avec les orientations générales des politiques de développement et de l'organisation de l'appareil productif. Cette évolution de la filière peut être analysée en cinq phases remarquables (Oloulotan. 2001).

? La période d'avant 1960, caractérisée par une production insignifiante avec un niveau d'organisation relativement faible. Pendant cette phase, la filière a été gérée, dans un premier temps, par l'administration coloniale. Mais avec le désengagement de cette dernière au lendemain de la seconde guerre mondiale, les coopératives privées de services (Union des Coopératives Dahoméennes, Union des Mutuelles Agricoles de Savè, ...) ont vu le jour et se chargeaient de la collecte primaire du coton.

? La période de 1960 à 1972 où, sous l'impulsion des sociétés de développement comme la Compagnie Française de Développement des Fibres et Textiles (CFDT) et la Société d'Assistance Technique et de Coopération (SATEC), la production nationale a enregistré une croissance record de 50.000 tonnes de coton-graines à la campagne 1972-1973. Cette croissance s'expliquait par l'augmentation régulière des surfaces emblavées et le développement de la recherche dans le secteur cotonnier. Les sociétés de développement étaient chargées alors d'assurer la collaboration technique entre la filière et les centres internationaux de recherche (IRAT, IRCT). La méthode adoptée pendant cette période était plus proche de l'approche par produit avec une structuration verticale des diverses sociétés (Institutions internationales-)Institutions nationales-) Techniciens-)Producteurs), ce qui ne facilitait pas les échanges horizontaux entre les acteurs. Les organisations paysannes étaient peu structurées et négociaient directement avec les sociétés commerciales

? La période de 1972 à 1981: Avec l'avènement du régime socialiste, un accent particulier a été mis sur le développement de l'agriculture, principalement axé sur les cultures vivrières. Il s'ensuit une chute de la production cotonnière jusqu'à 16.000 tonnes de coton-graine en 1977- 1978, avec la suspension des contrats entre les sociétés de développement et l'Etat révolutionnaire.

? La période de 1981 à 1996 reste caractérisée par la relance de la production soutenue par les grands projets de développement rural.

Dans un premier temps, les principales fonctions de la filière, à l'exception de la recherche sont exécutées par les CARDER. L'objectif visé était la mise en oeuvre des politiques de développement rural intégrées. Les CARDER étaient alors des innovations institutionnelles pour faciliter la collaboration entre les acteurs, avec une combinaison des fonctions d'approvisionnement, de commercialisation et de vulgarisation. Ils assuraient également la gestion des usines d'égrenage.

Mais en 1988-1989, les CARDER ont été relayés par une nouvelle société, la SONAPRA du fait de l'échec des politiques de développement rural intégré. Ce système a réalisé une segmentation de la filière séparant ainsi les fonctions de production des fonctions de commercialisation et d'égrenage. Malheureusement, cette période reste aussi marquée par des problèmes liés à:

- la conjoncture économique internationale parfois peu favorable (fluctuation du taux de change du dollar sur le marché international, accroissement du niveau mondial de la production...),

- l'insuffisance des infrastructures d'égrenage et de stockage,

- la méthode de gestion peu efficace de la filière (...) ayant conduit à un déficit cumulé au niveau du secteur. Cette situation a été à l'origine de la libéralisation de la filière coton, objet de négociation avec les bailleurs de fonds et qui a permis la récupération du déficit cumulé par la mise en oeuvre de programmes de réformes efficaces.

? La période de 1996 à nos jours: caractérisée par l'ouverture de la filière aux opérateurs privés. La coordination des activités du secteur est assurée alors par des familles professionnelles (AIC, CAGIA, CSPR ). Cette libéralisation répond à l'orientation de l'économie libérale adoptée par le Bénin depuis 1990. Une telle organisation a l'avantage de l'intégration verticale des fonctions de la filière en remplaçant l'Etat par une Interprofession forte comme gestionnaire de la filière. Cette participation accrue du secteur privé dans le sous

secteur cotonnier, fortement contrôlé jusqu'alors par l'Etat, a constitué une étape capitale dans la mise en oeuvre de la libéralisation.

4. PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE

4.1 Situation géographique et organisation sociale

Située dans le département du Borgou, entre les 9è et 10è parallèles, hémisphère nord, la commune de N'Dali reste bordée dans sa partie nord par les communes de Bembèrèkè et de Sinendé, au Sud par Parakou et Tchaourou. Elle est située à l'Ouest de Nikki et de Pèrèrè et à l'Est de Djougou.

Avec une superficie de 3748 km2, elle représente 3,33 % de la couverture nationale et offre 236800 ha d'espaces cultivées, soit 70,38 % de sa superficie totale cultivable.

La commune de N'Dali se répartit sur 5 arrondissements (N'Dali, Bori, Gbégourou, Ouénou et Siarou) découpés en six quartiers et dix-sept villages. Dans chacun des arrondissements, on note la cohabitation des pouvoirs administratif, traditionnel et religieux..

Le pouvoir administratif est détenu par le maire de la commune, les chefs d'arrondissement et les chefs villages. Ils sont chargés de régler les problèmes relevant du droit commun et de toute question relative au développement de la commune.

Le pouvoir traditionnel appartient à la cour royale. Cette cour est garante de la tradition. Dans chaque arrondissement de la municipalité, le roi est représenté par un conseiller qui assure l'autorité traditionnelle.

Quant au pouvoir religieux, il est détenu par les Imams, les chefs féticheurs et les pasteurs chrétiens. Ils dirigent les cultes et jouent parfois un grand rôle dans la sensibilisation de la population.

De nombreuses prises de décision dans la région nécessitent une concertation de ces divers pouvoirs.

4.2 Milieu physique

4.2.1 Climat

La commune de N'Dali est dominée par un climat de type continental soudanoguinéen. Cette région, comme tout le septentrion, ne bénéficie que d'une saison sèche qui alterne avec une saison pluvieuse.

Le climat au Nord, ayant une seule saison de pluie allant de mai à septembre et apportant environ 700 à 1000 mm de pluies en moyenne par an, est apte à la culture du coton, surtout par rapport à la température (jusqu'à 40°C) et à l'abondance du soleil.

La saison pluvieuse est soumise à de fortes perturbations qui témoignent des risques attachés aux activités agricoles qui restent fortement liées à la pluviométrie. Ces perturbations se traduisent par un retard dans l'installation des pluies ou par une mauvaise répartition dans le temps, ce qui reste préjudiciable aux cultures.

Pour toute la région de l'Alibori et du Borgou, en raison du climat de type unimodal, le bilan parasitaire est globalement faible en début de campagne pour la raison évidente que la grande saison sèche qui précède les pluies, détruit un grand nombre de ravageurs et de plantes qui les hébergent.

4.2.2 La végétation et l'hydrographie

Le paysage végétatif de la région de N'Dali reste très diversifié et fortement marqué par l'intervention de l'homme. Ainsi toute la végétation originelle a presque disparu sous l'effet des défrichements répétés, surtout avec l'extension cotonnière et les prélèvements de bois de chauffe. Ces pratiques donnent lieu progressivement à une savane à graminée parsemée de quelques espèces à savoir Cassia siaméa, Khaya senegalensis, Daniella olivera, Parkia biglobosa.

A côté de ces formations, la couverture végétale de N'Dali est constituée des forêts classées de l'Ouémé supérieure (142000 ha) et de N'Dali (4730 ha) qui servent de réserve pour les espèces animales. Le long des cours d'eau, subsistent aussi des végétations spontanées de forêts galeries avec des espèces rupicoles comme le Ceiba pentendra. Les plantations de teck et d'anacardier s'ajoutent aussi au couvert végétal de la commune.

Sur le plan hydrographique, la région de N'Dali dispose d'un réseau caractérisé par deux affluents de l'Ouémé : Akpro dans la région Ouest de la commune et l'Okpara qui sillonne en grande partie les localités de Gbègourou et de Bori. A côté de ces eaux naturelles, quelques retenues d'eau à but agro-pastoral et hydro- agricole se répartissent sur toute la région. Ce réseau assez bien fourni pour l'ensemble de la zone constitue une source potentielle pour les activités agricoles et d'élevage.

4.2.3 Sol et relief

L'essentiel du Borgou-Alibori est constitué sur un socle précambrien du type dahoméen avec une frange sédimentaire alluvionnaire le long du Niger et des grès du crétacé au Nord-Est et limité à l'Ouest par la grande faille à la verticale de Kandi.

La commune de N'Dali se trouve partagée par les sols du socle granito-gneissique et ferralitique, dans l'ensemble apte pour les activités agricoles. Ces sols sont particulièrement

propices pour la culture cotonnière en raison de la structure non inondable. Dans les régions arrosées par les cours d'eau, on rencontre des sols hydromorphes, propices pour la riziculture. En général, le Borgou qui abrite la région de N'Dali, est une zone très peu accidentée qui permet de dégager de vastes espaces cultivables par un seul tenant. Ainsi, le relief de N'Dali est surtout fait de plateau avec quelques affleurements par endroits, surtout dans les régions de Témé et Kori qui sont traversées par une bande d'élevation de collines.

4.3 Milieu humain et activités économiques

4.3.1 Milieu humain

La population totale de la commune de N'Dali est estimée, d'après les derniers recensements de 2002, à 60031 habitants avec 29706 hommes et 30325 femmes. Cette population est inégalement répartie dans toute la commune. Des poches de concentration se situent dans les quartiers de ville.

La population agricole est estimée à 33631 habitants dont 52,8 % d'hommes. Cette population est répartie dans 6240 exploitations agricoles avec 5923 dirigées par des hommes. 70 % de la population totale est composée d'individus de moins de 45 ans avec principalement deux grands groupes ethniques : les baribas (60 %) et les peulhs (22,5 %). Mais par le biais des brassages ethniques et des migrations, surtout à la suite de la crise politique togolaise de 1994, on note une forte colonie venant du Togo, mais aussi de ressortissants de l'Atacora, de la Donga et des collines.

4.3.2 Peuplement et interrelations

Nous nous sommes intéressés aux interrelations ethniques pour apprécier leur impact sur les processus de mise en place des innovations participatives.

? Les bariba

Les bariba constituent, dans l'histoire de l'installation des peuplements du Nord-Est du Bénin, l'une des ethnies les plus anciennes. Cette ethnie a très tôt su imposer sa domination dans la région, grâce à une remarquable organisation d'un pouvoir traditionnel dont l'influence dépasse les limites du Borgou-Alibori pour s'étendre dans l'Atacora. Le royaume bariba a pour capital Nikki. Le roi de Nikki, issu d'une des dynasties Wassangari est au sommet de la hiérarchie batonou.

Les relations des bariba avec les autres ethnies, notamment avec les peulh et les gando sont très imbriquées et ont connu avec le temps des changements remarquables. Les rapports qu'entretiennent les bariba avec les gando ont été au départ des relations de maîtres à sujets. Aujourd'hui, ces derniers servent surtout de main-d'oeuvre salariée dans les exploitations cotonnières. Ils assurent aussi en partie, le gardiennage des troupeaux bariba.

Entre bariba et peulh, il existait une situation de cohabitation avec la domination des premiers sur les derniers. Les peulh étaient sujets au paiement de tribut aux chefs traditionnels bariba de leur localité et s'occupaient de l'élevage des bêtes des bariba. Mais de nos jours, dans la région de N'Dali, les bariba élèvent de plus en plus leurs bêtes surtout avec le développement de la traction animale. Quoique l'élevage occupe davantage une place importante, les bariba demeurent essentiellement agriculteurs.

? Les Gando

Les gando forment un groupe socio-culturel dont l'histoire et la tradition les rapprochent des bariba et des peulh. Selon les diverses sources consultées, deux grandes circonstances seraient à la base de la naissance des gando.

La première tient du fait que chez les batonou, la délivrance d'un nouveau-né à partir des membres inférieurs ou la dentition à partir de la gencive supérieure est perçue comme des signes de malédiction dans la famille. Les enfants nés dans ces conditions sont alors isolés ou confiés aux peulh qui acceptent leur garde.

La deuxième catégorie de gando serait les prisonniers de guerre. Ils sont utilisés par les bariba pour les durs travaux. Leurs descendants restent toujours des gando et sont très souvent sujets à des discriminations sociales.

Les gando sont agriculteurs et éleveurs, toutefois plus éleveurs que les bariba et les relations entre peulh et gando sont faites de respect et de reconnaissance des uns pour les autres. De ce type de relation, des restrictions sociales en sont nées et les alliances matrimoniales entre les deux groupes sont très limitées.

Les relations sociales entre gando et bariba sont quant à elles faites de la crainte du sujet vis-à-vis de son maître. Les gando sont présents dans presque tous les villages de la commune, mais toujours isolés des bariba.

? Les peulh

Les peulh sont traditionnellement éleveurs transhumants. Ils se retrouvent dans toute la zone soudano-sahélienne de l'Afrique de l'Ouest. Dans la commune de N'Dali, ils se

sédentarisent de plus en plus et font leur entrée dans l'agriculture. Les zones de campement peulh sont dans la partie Est de la commune du fait de l'abondance de la verdure.

La sédentarisation est un processus successif qui a commencé avec la culture des céréales autour des campements. Le manque de verdure et la pression foncière de plus en plus forte sur les terres dans les zones cotonnières auraient certainement encouragé le processus de sédentarisation des populations peulh. A cette situation, on pourrait ajouter au fait que les peulh perdent leur monopole de gardiennage du bétail ( leur force économique), surtout avec le développement de la culture attelée en région cotonnière.

En raison de leur méfiance à l'égard des autres ethnies, les communautés peulh ne se mélangent pas à d'autres, dans les groupements recensés. Ainsi, les GV de Dèbou, de Travo se trouvent constitués uniquement de peulh.

? Les Atacoriens

Les Atacoriens regroupent les Yom, les Tanéka, les Logba, les Natimba, les Ditamari et autres. Selon les raisons de leur présence dans les villages, on distingue deux groupes :

- les «immigrés saisonniers'' qui arrivent au début de la saison des pluies et qui sont employés dans les différents travaux champêtres. Ils retournent dans leurs villages à la fin de la saison.

- la deuxième catégorie, la plus nombreuse, regroupe ceux qui arrivent dans la région avec pour principal objectif, la recherche de terres agricoles.

Face aux ressortissants de l'atacora en général et les Ditamari en particulier, les relations entre les bariba et ces groupes sont très peu imbriquées et se limitent strictement au lien de voisinage. Les bariba acceptent plus les Nago qu'ils considèrent comme des «cousins' 'que les Ditamari.

4.3.3 Activités économiques

L'agriculture, l'élevage et le commerce constituent la base de l'économie dans l'ensemble de la région d'étude.

A la faveur de la structuration du monde rural, de la promotion de la culture attelée et surtout de l'organisation de la filière coton, l'agriculture a particulièrement connu une évolution spectaculaire dans le Borgou et l'Alibori.

L'amélioration du travail de la terre et l'utilisation des variétés améliorées sont couplées à une motorisation de plus en plus poussée des activités agricoles. Malgré la nucléarisation des familles, les superficies emblavées ne cessent d'augmenter. Ceci amène les

structures d'encadrement à oeuvrer pour une agriculture intensive à travers une gestion efficiente du terroir villageois. Dans la région de N'Dali, le mode d'utilisation des terres, pour la majorité des exploitations reste encore traditionnel. Ainsi, la culture itinérante sur brûlis persiste avec la diminution des temps de jachère.

Les systèmes traditionnels de production sont surtout basés sur le coton, le maïs, l'igname, le sorgho et dans une moindre mesure, l'arachide, le niébé et le manioc. Les vivriers en général, ne bénéficient pas d'intrants spécifiques de la part des distributeurs ; ce qui amène les producteurs à convertir une partie des intrants coton en intrants vivriers. Les systèmes de rotation rencontrés sont assez hétérogènes. Néanmoins, on peut distinguer quelques règles générales. L'igname vient toujours en tête de rotation après le défrichement des terres vierges. Des exceptions sont cependant observées dans les exploitations Nago où le manioc est suivi du maïs ou du sorgho puis le coton ou l'igname en fin de rotation.

L'élevage reste une activité florissante dans la commune de N'Dali. Les cheptels bovins et ovins-caprins occupent une grande proportion, de même que l'aviculture. Cependant, la productivité et la couverture sanitaire du cheptel bovin restent encore faibles pour des raisons d'insuffisance de formation des éleveurs et du coût élevé des intrants vétérinaires. En outre, l'élevage n'est pas encore tout à fait intégré à la production agricole et on note une spécialisation des différents acteurs. Les agriculteurs élèvent surtout les caprins et les ovins pendant que les peulhs s'occupent plus des bovins, leur appartenant ou qui leur sont confiés par les agriculteurs Batonou.

En matière du commerce, Parakou, Nikki, Kandi et Malanville constituent les grands centres qui échangent des produits avec la commune de N'Dali.

A côté de ces grands centres, les marchés périodiques s'animent à travers tous les villages de la région ; mais les plus importants sont ceux de N'Dali-centre, de Tamarou, de Banhounkpo, de Siarou, Kakara, ...

On rencontre dans le centre ville, quelques boutiques gérées en majorité par les Nigérians et Nigériens.

DEUXIEME PARTIE : Résultats et discussions

5. ACTEURS ET INTERFACES

A travers ce chapitre, nous présentons une évolution des diverses fonctions des acteurs de la filière. Une analyse des performances nous a permis de déboucher sur les « gains » ou les « pertes » engendrés par le cadre institutionnel actuel du secteur. Ainsi, nous avons mieux perçu les divers foyers de conflits entre les acteurs de même que les interrelations au niveau de la filière. Ces différents points d'analyse nous ont permis de répondre à nos deux premières questions de recherche.

5.1 Restructuration du secteur agricole au Bénin: Différentes réformes engagées dans le secteur coton

La filière coton a connu diverses phases de réformes. Ces réformes visent d'une part la recherche de compétitivité qui exige une forte productivité dans la filière, et d'autre part la réorganisation des structures de gestion de la filière afin de les adapter au nouveau contexte économique international (CAPE, 2004).

5.1.1 Diverses phases de gestion de la filière

La première phase visait à accroître l'efficacité de la filière, à réduire les coûts de production du coton fibre et à améliorer les procédures et les recettes d'exportation. Elle a débuté dans les années 80 avec l'appui de la banque mondiale dans le cadre du projet Borgou et de l'AFD. Cette première phase a été placée d'abord sous le contrôle des CARDER et ensuite sous le contrôle de la SONAPRA.

5.1.1.1 Secteur cotonnier sous le contrôle des CARDER

Après la concluante expérience enregistrée par les Centres d'Action Régionaux pour le Développement Rural (CARDER) en 1975, toutes les composantes du sous-secteur cotonnier étaient confiées à ces institutions de l'Etat représentées dans les départements qui abritaient les usines d'égrenage à l'époque (Borgou, Mono et Zou). L'organisation des activités dans les mouvements paysans, la production du coton graine et sa transformation relevaient de la compétence des CARDER.

Suite à la crise cotonnière de 1987 due à une production qui dépassait les capacités d'égrenage des usines et la chute inattendue des cours mondiaux sur le marché international, des mesures subséquentes ont été prises. Ainsi, les outils industriels du secteur ont été retirés de la tutelle des CARDER pour être placés sous la coupe de la SONAPRA. Les CARDER

sont devenus des prestataires de services pour la SONAPRA dans le cadre de l'organisation de la commercialisation du coton graine et de la gestion des intrants agricoles.

Ce schéma de prestataire de services entre les deux structures a duré jusqu'en 1992 où la libéralisation du secteur a démarré. Dans ce cadre, les CARDER ont été écartés de toutes les activités commerciales; ils n'avaient que des tâches régaliennes notamment celles liées à la vulgarisation agricole, l'appui aux organisations paysannes et la formation. L'importance des CARDER a évolué de façon régressive au niveau de la filière, ce qui fait évidemment perdre des faveurs aux acteurs concernés.

5.1.1.2 Secteur cotonnier sous le contrôle de la SONAPRA

La SONAPRA a été mise en place pour assurer la promotion des produits agricoles à travers l'approvisionnement en facteurs de production, la stabilisation, le soutien des prix et la commercialisation des produits. Elle a constitué pendant longtemps au-delà des GV et USPP, la structure chargée de l'exploitation de la filière coton béninoise.

Ce système de monopole permettait à la SONAPRA de contrôler la commercialisation et l'égrenage du coton graine, ainsi que l'exportation de la fibre et des graines de coton. Elle contrôlait la distribution des intrants agricoles, l'attribution des agréments et des passations de contrats avec les fournisseurs. La SONAPRA assure également le recouvrement des crédits et le paiement des producteurs et des fournisseurs.

Avec la politique de désengagement de l'Etat, les nombreuses fonctions contrôlées par la SONAPRA ont été transférées au secteur privé ou à d'autres acteurs du secteur public. Aujourd'hui, la SONAPRA se limite seulement à l'égrenage et est en voie de privatisation. En levant le monopole de cette structure, l'Etat vise à rendre plus compétitif le secteur cotonnier. Ce transfert des multiples fonctions, autrefois assurées par la SONAPRA, à d'autres acteurs, reste aussi un transfert de pouvoir. Ainsi, le désengagement de l'Etat est une véritable source d'enjeux pour les agents et les responsables des structures.

ETAT

SONAPRA

CARDER

Groupements
Villageois

Producteurs

Flux de produits, de paquet technologique ou Flux financier

Source : Enquête, 2004

Figure 1 : Schéma d'organisation de la filière coton avec le monopole de l'Etat

5.1.2 La pression pour la libéralisation et la privatisation du secteur cotonnier

Vers la fin des années 80, les problèmes financiers des Etats d'Afrique de l'Ouest ont conduit à repenser le rôle des gouvernements dans le développement rural. Ainsi, le Bénin, à l'instar des autres pays de l'Afrique de l'Ouest, a dû accepter les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) du FMI et de la Banque Mondiale. Ceux-ci les ont contraints à réduire leurs dépenses et leur personnel, à rationaliser les politiques d'investissement et à augmenter les recettes d'exportation (PNUD, 2002). De ce fait, tous les gouvernements Ouest-africains ont commencé à se retirer de certains secteurs économiques dans lesquels ils étaient fortement impliqués, en particulier ceux qui n'étaient pas subventionnés.

Le secteur cotonnier béninois n'a pas pu échapper complètement à cette première vague de restructuration. Les subventions sur les intrants ont considérablement été réduites, le

transport du coton a été rationalisé afin de réduire les frais; les mécanismes de fixation des prix ont été adaptés pour mieux tenir compte de leur fluctuation sur le marché mondial.

Vers le milieu des années 90, enfin, l'approche de « filière intégrée » qui consiste en un ensemble d'interventions à presque tous les stades des différents maillons de la filière, a subi, elle aussi de sérieuses attaques de la part de la Banque Mondiale. Selon cette dernière, l'efficacité et la pérennité du secteur cotonnier ne pourraient être assurées à travers une forte implication des gouvernements nationaux. La Banque juge l'intervention des Etats, dans la plupart sinon à toutes les étapes de production, inefficace et peu transparente.

La pression de la Banque Mondiale et du FMI pour la libéralisation et la privatisation du secteur cotonnier fait partie intégrante de leur politique de réduction des interventions et des dépenses de l'Etat, de libéralisation du commerce et de développement du secteur privé. Vu sous cet angle, ces institutions semblent ignorer la position stratégique du secteur cotonnier dans l'économie des pays producteurs. Ceci explique que la Banque Mondiale se heurte actuellement aux politiques et aux intérêts de plusieurs acteurs du secteur (en particulier les intérêts de la Compagnie Française de Développement des Textiles) (Ton, 2001). Ainsi, au niveau macro, la libéralisation et la privatisation du secteur cotonnier menacent les intérêts des agents des sociétés cotonnières et de divers responsables politiques qui en dépendaient. Au niveau micro, l'épanouissement du milieu rural pourrait en prendre un coup.

5.1.3 Déroulement du processus de désengagement de l'Etat de la gestion de la filière

La deuxième phase de la réforme qui se poursuit actuellement a débuté en 1992 avec pour objectif de résoudre certains problèmes découlant de la phase précédente des réformes. Il s'agit du transfert du monopole de la SONAPRA en matière de commercialisation pour aboutir à une «agriculture contractuelle». Cette phase de la restructuration a pour but de libéraliser la filière, de privatiser les secteurs des intrants et de l'égrenage afin d'aider l'Etat à se dégager des activités de la filière.

5.1.3.1 Sous-secteur intrants

Le processus de désengagement de l'Etat a commencé d'abord par l'ouverture du secteur intrant aux distributeurs privés. Au cours de la campagne 1992-1993, la Société de Distribution Intercontinentale (SDI) a réalisé avec succès, lors de la phase test, une expérience d'approvisionnement et de distribution directe aux producteurs à hauteur de 20% des besoins nationaux en engrais et insecticide.

Cette réussite a encouragé l'Etat à déclencher le processus de désengagement. Ainsi, un comité de suivi national a été mis en place et 60% des besoins nationaux sont assurés par la SONAPRA par appel d'offres internationales et 40% sont fournis par des opérateurs privés nationaux.

L'évolution de la participation des acteurs privés dans ce sous secteur s'est poursuivie à hauteur de 60% en 1996 et de 80% jusqu'à la campagne 2000-2001, avec treize sociétés. C'est à partir de 2001-2002 que le sous secteur est revenu entièrement aux mains des acteurs privés.

5.1.3.2 Le sous-secteur égrenage

Dans le domaine de l'égrenage, la libéralisation a commencé au cours de la campagne 1994-1995 par l'agrément accordé par l'Etat béninois aux usines de première génération. Cet acte qui traduit la volonté de l'Etat d'aller au bout du processus a porté en trois ans sur huit usines privées pour une capacité nominale additionnelle de 255.000 tonnes de coton graine portant ainsi la capacité totale d'égrenage à environ 575.500 tonnes au lieu de 312.500 tonnes pour la SONAPRA seule. Ainsi, à partir de la campagne 1998-1999, les usines ne parvenaient plus à garder leur rythme d'égrenage. Ceci n'aurait été possible que si la production nationale passait à 460.000 tonnes au moins. En dessous de ce seuil, les charges fixes étant maintenues et les cours mondiaux de la fibre en régression, l'ensemble des Sociétés d'Egrenage du Coton (SEC) risque d'aboutir à un bilan déficitaire en fin de campagne. Il se pose alors un problème d'augmentation de la production nationale pour satisfaire toutes les usines en tenant compte de leur capacité nominale. Si au lieu de donner l'agrément d'égrenage à tous ces acteurs en si peu de temps, l'Etat l'avait organisé sur une longue durée en tenant compte du niveau de la production nationale, il n'y aurait peut-être pas de conflits entre les égreneurs aujourd'hui quant à la répartition de la production..

5.1.3.3 Le transfert des compétences aux organisations paysannes

Il est important de souligner que toutes ces mutations intervenues dans le secteur agricole ont été soutenues par l'idée selon laquelle, les paysans seraient assez clairvoyants pour prendre en mains leurs propres affaires. Un programme destiné à garantir ce transfert, en renforçant la compétence de ces acteurs a été élaboré avec des démembrements depuis le niveau national jusqu'au milieu paysan. L'exécution de ce programme s'est déroulée sur des

GV-test qui ont été créés pour conduire ce transfert de compétence aux organisations paysannes.

Aujourd'hui, près d'une décennie après, le constat qui se dégage de ce transfert n'est pas très reluisant, car au lieu de mieux responsabiliser les structures pour les rendre indépendantes du point de vue technique et de gestion, il a abouti à leur fragilité avec pour corollaires, des cas d'endettement sans précédent.

5.1.4 Performance de la SONAPRA

Le système de monopole, étroitement contrôlé par la SONAPRA a eu pour effet positif d'accroître rapidement la production du coton qui, dans la plupart des cas, était l'unique culture commerciale des petits exploitants agricoles.

Cependant, un examen de sa performance montre que les mécanismes d'intervention ont défavorisé les producteurs et autres opérateurs du secteur privé, entraînant ainsi une diminution considérable de la contribution qu'aurait pu avoir la forte croissance de la production à l'augmentation des revenus des paysans et à l'amélioration des conditions de vie dans les zones rurales. Ce que confirme une étude de la Baffes (2002).

Avec les diverses fonctions d'importation et de distribution d'intrants, d'égrenage et de recouvrement, la SONAPRA a connu de nombreuses difficultés surtout financières liées à sa mauvaise gestion. Cette mauvaise gestion a été à la base du retard dans le paiement des producteurs. De plus, elle n'arrivait plus à récupérer ses fonds auprès des égreneurs privés à qui elle accorde des quotas de coton graine. Cette situation compromet davantage sa capacité financière, d'où la libéralisation totale de la filière par l'Etat.

En abolissant le monopole de la SONAPRA, le principal défi que s'est fixé l'Etat, est de trouver des méthodes et des mécanismes institutionnels de remplacement qui pourront corriger les failles du système de monopole.

5.1.5 Retombées du transfert au niveau de la SONAPRA

Le transfert des fonctions, alors assurées par la SONAPRA, au secteur privé a engendré des frustrations au niveau de la classe des dirigeants de cette société. Ces frustrations constituent des sources de conflits parce qu'il y a des pertes d'intérêts liés aux fonctions autrefois exercées. Une fois détaché des fonctions, on perd les avantages ou les faveurs qui y sont liés.

Encart 1 : Les avantages de la SONAPRA avant l'entrée des acteurs privés, selon l'inspecteur de la CSPR.

Pendant que la SONAPRA gérait la commercialisation, les agents avaient au moins 18 mois de salaire par an, les 6 mois d'excédents sont des primes

Entretien n°1, SONAPRA le 05/07/04

Face à ce transfert, on assiste à un clivage au sein de ces acteurs. Ce clivage a permis de distinguer deux groupes à ce niveau. D'abord, ceux qui ont perdu leur poste et par conséquent, les avantages y afférents. Ensuite, ceux qui sont dans le système mais positionnés à un poste moins «juteux». Au niveau de la SONAPRA, ce sont des catégories d'acteurs que nous pouvons appeler «les mécontents» parce que se sont vus défavorisés par les réformes engagées.

5.2 Cadre institutionnel de la filière coton et son fonctionnement après la libéralisation

5.2.1 Les choix stratégiques du gouvernement en matière de réforme de la filière

Dans le cadre des réformes économiques entamées au début des années 90, l'Etat a engagé un processus progressif de libéralisation de la filière cotonnière. Ce processus a commencé par l'ouverture de la filière au secteur privé de l'importation et de distribution des intrants agricoles (engrais et insecticides).

L'activité d'égrenage a ensuite été ouverte aux opérateurs privés qui détiennent aujourd'hui une capacité d'égrenage d'environ 47% de la production nationale (AIC, 2004). Au cours de l'année 2000, ce processus de libéralisation a connu une nouvelle avancée décisive avec le choix par le gouvernement d'une filière privée autogérée au niveau national. Cette réforme repose sur les principes suivants :

Le transfert des responsabilités de l'Etat aux acteurs privés, dans le domaine de la gestion de la filière, a été consacré à travers deux décrets et deux arrêtés d'application. Il s'agit du :

- Décret N°99-537 du 17 Novembre 1999 portant transfert au secteur privé de la responsabilité des consultations pour l'approvisionnement en intrants ;

- Décret N°2000-294 du 23 Juin 2000 portant suppression du monopole de commercialisation du coton graine par la SONAPRA. ;

- L'arrêté interministériel N°2003-016/MICPE/MAEP/MFE/DC/SG/DCCI du 14 mars 2003 qui fixe les conditions d'importation et de distribution des intrants coton au Bénin ;

- L'arrêté interministériel N°2003-023/MICPE/MAEP/MFE/DC/SG/DCCI du 07 mai 2003 portant organisation en République du Bénin de la commercialisation du coton graine.

Ces choix du gouvernement sont sous-tendus par un schéma de fonctionnement (fig 2) qui s'articule comme suit :

- Les producteurs, pour mener leurs activités de production, expriment leurs besoins en intrants à savoir, engrais et insecticides auprès de la Coopérative d'Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA).

- Les intrants sont livrés à crédit par les sociétés agréées et remboursés au moment de la commercialisation du coton graine par la Centrale de Sécurisation des Paiements et de Recouvrement (CSPR).

- Les égreneurs assurent le placement du coton fibre sur le marché mondial.

Le fonctionnement de ce schéma qui met en relation les différentes familles professionnelles de la filière, repose sur des accords et des conventions connus par tous les groupes professionnels.

FUPRO

CAGIA

IDI

GPDIA

BANQUES

CSPR

AIC

APEB

EGRENEURS

FENAPRA

AGROP

GV (Producteurs)

ADIAB

Source : Enquête-2004 Flux de produits Flux financier

Figure 2: Schéma simplifié du cadre institutionnel après libéralisation

5.2.2 Les acteurs de la filière

D'après le développement fait dans la première partie, il ressort que le processus de privatisation / libéralisation de la filière était largement engagée depuis 1992 avec l'ouverture du sous-secteur intrants aux acteurs privés. La fonction de l'égrenage lui en a emboîté le pas à partir de 1995.

· Proposition de répartition du coton-graine

· Paiement en avance de 40 % d'acompte

· Egrène le coton-graine

· Place le coton-fibre à l'exportation

· Alimente les industries locales en graines et coton- fibre

· Organise le cadre légal et réglementaire de la filière

· Signe l'accord-cadre de partenariat entre l'Etat et les acteurs privés

· Contrôle le bon fonctionnement du système

APEB

BANQUES

- Gestion de la commercialisation primaire - Réception état décadaire et délivrance des

ordres d'enlèvement du coton-graine - Paiement des producteurs

- Récupération et dénouement des crédits d'intrants

AIC

(Familles des
producteurs et
égreneurs)

CSPR-GIE

ETAT
(Ministères

et directions

FUPRO-BENIN
GV-UCP-UDP

CAGIA-BENIN

- Importer et distribuer les intrants

- Formation à l'utilisation
des intrants agricoles

Famille Importateurs-
Distributeurs privés
d'Intrants

GV

· Représente les acteurs de la filière auprès de l'Etat et signe les accords et prestations de service

· Cadre de concertation entre familles professionnelles

· Elaboration du plan de campagne

· Gestion des fonctions critiques (recherche, semences, encadrement, qualité, pistes, fixation des prix)

- Cadre de concertation des producteurs

- Commercialisation

primaire du coton-graine - Signature des accords de

campagne et de vente du

coton-graine

- Sélection par appel d'offre des Importateurs et Distributeurs d'Intrants coton

- Formation des

producteurs sur

l'utilisation des intrants - Suivi de la mise en place

Figure 3 : Schéma détaillé de gestion de la filière coton

Pour parachever ce double processus de privatisation et de libéralisation qui nécessite le passage d'une gestion concentrée aux mains de l'Etat à une gestion Interprofessionnelle de la filière, il convient de créer un cadre réglementaire et institutionnel de négociation entre acteurs. Ainsi, différents groupes professionnels sont engagés dans la gestion actuelle de la filière.

5.2.2.1 Le Groupement Professionnel des Distributeurs d'Intrants Agricoles

Créé en 1992, à l'ouverture du sous secteur aux opérateurs privés, il est constitué de douze membres avec un bureau exécutif de cinq représentants élus de la profession. Ce bureau assure la coordination entre les différents membres du groupement et représente la profession au cours des concertations Interprofessionnelles.

Suite à la sélection des appels d'offres pour l'acquisition et la distribution des intrants agricoles au titre de la campagne 2002-2003, de graves dissensions sont apparues entre les distributeurs au sein du GPDIA et ont conduit à la constitution d'un autre groupe de distributeurs dénommé ADIAB (Association des Distributeurs d'Intrants Agricoles du Bénin).

5.2.2.2 La Fédération de l'Union des Producteurs du Bénin (FUPRO-Bénin)

Cette fédération a été mise en place en 1995 par l'ensemble des soixante-dix-sept USPP du Bénin. La FUPRO est une association de coopératives multifilières même si la filière la plus en vue, au niveau de la fédération reste la filière coton.

Elle est chargée de contribuer à l'autopromotion paysanne en défendant les intérêts de ses adhérents au sein des différentes structures. La FUPRO représente l'ensemble des organisations à la base d'une part, au sein de l'Association Interprofessionnelle du Coton dont elle est membre fondateur et d'autre part, lors des négociations avec l'Etat.

Les dissensions au sein de la FUPRO ont débouché sur la naissance des réseaux parallèles dont FENAPRA et AGROP qui mènent leurs activités en dehors du contrôle de la FUPRO.

5.2.2.3 La Coopérative d'Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA)

La principale mission de la coopérative est d'assurer l'approvisionnement de ses membres en intrants de qualité à bonne date et à des prix compétitifs. Plus spécifiquement, elle est chargée de procéder à la collecte et à l'estimation des expressions de besoins en intrants des producteurs. Elle organise aussi la sélection des fournisseurs d'intrants et

participe à la négociation des prix de vente avec les égreneurs. La coopérative a été mise en place par les UCP.

5.2.2.4 Association Interprofessionnelle du Coton

L'Association Interprofessionnelle du Coton (AIC) est créée en 1999 par deux groupes professionnels, l'APEB et la FUPRO. L'AIC représente le seul cadre de concertation des acteurs de la filière coton au Bénin. Mais la base de l'interprofession semble être biaisée du moment où elle exclue les distributeurs d'intrants qui constituent de potentiels acteurs de la filière. Etant un cadre de concertation entre les différents acteurs, elle ne devrait pas en exclure. La principale mission de l'interprofession consiste en :

- La coordination technique des activités relatives à la gestion de la filière.

- L'arbitrage économique et financier entre les différentes familles professionnelles avec la création d'une chambre arbitrale et de conciliation.

- La gestion des fonctions critiques et des accords professionnels.

En dehors de certaines activités exercées par l'AIC par l'intermédiaire des structures d'accompagnement que sont la CSPR, la CAGIA et la FUPRO, l'Interprofession assure l'essentiel des fonctions critiques par contrat de production de service en s'appuyant sur la compétence des structures étatiques et professionnelles.

5.2.2.5 L'Association Professionnelle des égreneurs du Bénin

L'Association Professionnelle des égreneurs du Bénin (APEB) a été créée en 1999 par les égreneurs privés et la SONAPRA. Cette structure est chargée d'assurer la coordination entre ses membres et la représentation de la profession au sein des institutions mises en place dans le cadre de l'Interprofession (AIC, CSPR, CAGIA). L'APEB est membre fondateur de l'AIC et de la CSPR.

Il convient toutefois de signaler qu'à la veille de la campagne de commercialisation 2000-2001, la première de la CSPR, des dissensions internes au sein de cette association ont conduit au retrait de certains de ses membres. En effet, à la création de la CSPR, l'organisation de la commercialisation du coton graine, contrairement à la gestion de la SONAPRA devrait obéir à un mécanisme rigoureux qui exigeait des conditions non- négociables aux égreneurs pour entrer en campagne.

5.2.2.6 La Centrale de Sécurisation des Paiements et de Recouvrement (CSPR)

La CSPR a été créée dans le double souci de sécuriser d'une part, les producteurs pour le paiement effectif et à temps réel du coton vendu aux égreneurs et d'autre part, le remboursement du crédit intrants pour garantir les besoins des producteurs en intrants. Elle joue alors un rôle d'interface entre les producteurs et les importateurs d'intrants d'une part et les producteurs et les égreneurs d'autre part.

La CSPR-Gie est un groupement d'intérêt économique à statut de droit privé créée par trois groupes au sein de la FUPRO; les Importateurs-Distributeurs d'Intrants organisés au sein du GPDIA et les égreneurs de coton regroupés dans l'APEB.

5.2.3 Fonctionnement et enjeux au niveau des nouvelles structures
5.2.3.1 Le sous secteur de la production

> Fonctionnement des groupements paysans

Les groupements paysans qui interviennent aujourd'hui dans la production du coton sont de plusieurs ordres : les réseaux FENAPRA et AGROP, mouvements parallèles au système FUPRO.

Les groupements villageois (GV-FUPRO), structures mises en place sur initiative des CARDER pour faciliter la gestion à la base de la filière coton, sont des prestataires vis-à-vis de leurs membres. Ces structures s'occupent principalement des fonctions d'approvisionnement en facteurs de production et de la collecte primaire du coton graine.

Au niveau de l'approvisionnent en facteurs de production, les besoins en intrants agricoles sont recensés dans les groupements (par les secrétaires) et transmis au gérant de l'UCP (Union Communale des Producteurs, ex-USPP). Les responsables des GV-FUPRO réceptionnent ces intrants, lors de leur livraison et les distribuent aux membres.

Dans les différents groupements enquêtés, seulement les secrétaires dirigent les diverses activités et quelques fois en association avec les trésoriers et les présidents; ce qui leur offre une large marge de manoeuvre dans la gestion. Cette concentration des activités au niveau de ce cercle réduit (surtout au niveau des secrétaires), au sein des groupements, leur confère un pouvoir dans la société rurale et favorise aussi les détournements. Les secrétaires des mouvements paysans deviennent ainsi des leaders dans ces communautés agricoles.

Dans la collecte primaire autogérée du coton graine, chaque groupement met en place, en fonction des pistes d'accès, un certain nombre de «marchés» correspondant au GPC

(Groupement des Producteurs du Coton, une fragmentation des GV-FUPRO). La programmation des marchés pour l'achat de coton est faite par les secrétaires en collaboration avec le gérant de l'UCP et l'agent de commercialisation de la CSPR. Les responsables des groupements paysans assurent la préparation des marchés et la pesée du coton de chaque producteur dans le marché, fonctions qui revenaient autrefois au CARDER. La mauvaise lecture des poids du coton et la difficulté de la tenue des documents de charge multiplient les mécontentements dans ces groupements.

Dans le cadre du transfert de compétences au milieu rural, la prise en charge de l'organisation de la commercialisation primaire reste assez stratégique. La société rurale telle que conçue dans les communautés béninoises, avec un faible niveau d'instruction, semble ne pas être encore prête pour prendre en charge cette responsabilité. Ce transfert à des acteurs peu préparés se traduit aujourd'hui par les problèmes de conflit de leadership et de mauvaise gestion.

Compte tenu du fait que tous les producteurs (de coton ou non) se retrouvent dans les GVFUPRO, ce qui pose d'ailleurs de réels problèmes de suivi et de gestion, les producteurs ont initié des GPC (Groupements des Producteurs de Coton) de taille plus restreinte (une trentaine en moyenne). Ces groupements sont constitués seulement des producteurs de coton qui se regroupent par affinité. Ce regroupement facilite le contrôle et la gestion des cautions solidaires. Chaque GPC est conduit par un responsable choisi par les membres du groupement. Il y a alors au niveau du GV-FUPRO une redistribution des pouvoirs pour limiter ou pour faire efficacement face aux difficultés rencontrées dans les GV-FUPRO.

Il a été remarqué au niveau des divers groupements, que les producteurs même maîtrisent très peu les mécanismes, assez complexes de la filière ou même les fonctions de chaque membre du Conseil d'Administration des groupements paysans, avec pour conséquences, des conflits d'attribution et des cumuls de charges au niveau de certains responsables.

Vu le fait que les groupements villageois se soient retrouvés avec des responsabilités sans s'y attendre (pesée du coton, distribution des fonds coton, enregistrement des demandes en intrants,...), ils n'intègrent pas encore le principe de fonctionnement. Ainsi, depuis sept ans, aucun groupement villageois enquêté n'a tenu une assemblée générale. Les nouveaux groupements formés (GP-FENAPRA et GP-AGROP) fonctionnent aussi à l'image des GVFUPRO avec les mêmes normes. Depuis trois ans que le premier réseau est installé dans la commune, seulement un GP de ceux enquêtés (1/4) a tenu une fois une AG pour faire le bilan des activités menées.

> Statut social des secrétaires des GV / GP

Compte tenu de l'importance marquée aux secrétaires des mouvements paysans, nous nous sommes intéressés à l'étude du statut social de ces acteurs spécifiques afin d'identifier leurs intérêts dans les organisations villageoises.

D'après Schaefer (1989), le statut social désigne la gamme de toutes les positions sociales définies dans un groupe ou une société. L'auteur distingue trois niveaux de statut social : le statut «obtenu», le statut «attribué» et le statut maître».

Le statut obtenu est celui acquis par l'individu de par ses efforts ou sa position dans la société. C'est par rapport à cette considération que nous analyserons la fonction ou l'importance sociale des secrétaires GV / GP des zones cotonnières.

L'image que confère la société à ces acteurs reste très diversifiée. « Les secrétaires GVFUPRO, ce sont ceux qui nous tuent, nous volent dans les villages ; Ce sont eux qui tirent profit de tout le coton ». C'est l'image que la plupart des producteurs de N'Dali se font de cette responsabilité de secrétaire GV/GP. Cette conception prouve combien les producteurs restent conscients des intérêts liés à cette position.

Pour un responsable de la CSPR, les « secrétaires sont les lettrés des villages, lettrés qui détruisent tout au niveau des groupements ». Ceci vient compléter la vision paysanne par rapport à la mauvaise gestion des secrétaires (détournement) dans les groupements. Les secrétaires dirigent toutes les activités stratégiques du groupement (demande et distribution d'intrants agricoles, demande de crédits, gestion des ristournes,...). Cette implication dans les diverses activités leur laisse une marge de manoeuvre dans la conduite de toutes ces activités du groupement, face à des membres (GV / GP) peu lettrés, ce qui limite tout contrôle.

Ce poste est perçu comme un canal pour s'enrichir, ce qui fait qu'il reste très convoité dans les zones cotonnières.

Encart 2 : Importance de la responsabilité «du secrétaire GV» selon un responsable de la FENAPRA.

Demandez à un élève aujourd'hui, quelle carrière voudrait-il choisir après sa formation, il vous dira certainement «secrétaire GV».

Entretien n°2, N'Dali le 12/07/04

Les secrétaires GV/GP ne sont pas considérés au même niveau social que les autres membres des groupements parce qu'ils acquièrent un prestige qui les place dans une position au-dessus des autres. Il existe ainsi, un intérêt économique et culturel qui est lié à cette responsabilité de secrétaire. Pour les producteurs, le secrétaire s'enrichit plus aisément avec

un privilège qui fait qu'il est impliqué dans des prises de décision, même en dehors du secteur agricole.

Dans la plupart des domiciles des secrétaires GV visités, le décor reste assez frappant : meubles, télévision, groupe électrogène qui sont des éléments de prestige dans la région. Sans trop prétendre expliquer les dessous des secrétaires, ces éléments ne manquent pas de renseigner sur le niveau d'aisance de ces responsables.

Ces divers intérêts en jeu au niveau des groupements font que les acteurs locaux cherchent à se maintenir au «pouvoir», ce qui débouche sur des guerres de leadership au niveau de ces mouvements paysans.

> Limites de la gestion des groupements villageois

La rapidité du désengagement et du transfert de compétence à des acteurs peu préparés reste une contrainte majeure qui explique la désorganisation des mouvements paysans aujourd'hui. La conséquence a été que ces acteurs du monde rural, n'ont pas disposé de suffisamment de temps pour s'organiser efficacement. Cela se traduit par des problèmes d'endettement liés à la mauvaise gestion des intrants, l'absence de contrôle des opérations liées au crédit, caution solidaire devenue inefficace en raison du grand nombre d'adhérents au GV. Cette mauvaise gestion a entraîné une crise de confiance des paysans qui ont pour certains abandonné la production cotonnière.

Le but visé par ce transfert de responsabilité est de favoriser une meilleure organisation des producteurs afin de jouer un rôle économique majeur et constituer ainsi une force de partenariat avec l'Etat. Mais pour ces producteurs « mal partis », la gestion des activités au niveau local est devenue un atout ou une « porte » pour subvenir aux besoins personnels au profit de l'intérêt commun. Cette perception de la libéralisation a débouché sur la mauvaise gestion au niveau des groupements villageois.

Plusieurs mécontents sont sortis de ces points de conflits, dans le rang des paysans. De nombreux producteurs à bout de la mauvaise répartition des fonds coton ou épuisés par les conflits de pouvoir, se retrouvent dans les organisations dissidentes.

5.2.2.4 Les enjeux du réseau FUPRO

Malgré l'organisation du monde paysan depuis le niveau village jusqu'au niveau national, les producteurs restent les maillons faibles du système parce qu'ils n'ont pas su profiter de cet environnement favorable (transfert de compétences, revenus cotonniers,...) pour s'imposer comme interlocuteurs devant «négocier en partenariat» avec les pouvoirs

publics. Toutefois, il est clair que la base de ce «partenariat» s'est avérée a priori déséquilibrée, avec un pouvoir public fortement intellectuel face aux producteurs en grande majorité analphabètes.

Si la force reconnue aux mouvements de producteurs de coton, du fait de leur structuration, de la garantie de production, est un atout pour faciliter, grâce à la caution solidaire, l'accès des producteurs au crédit de campagne (FECECAM) et au crédit intrants (distributeurs d'intrants), depuis quelques années, ces organisations rencontrent des difficultés dont notamment l'endettement (difficulté d'honorer les engagements vis-à-vis des institutions de micro-crédit, des distributeurs d'intrants) et la mauvaise gestion des responsables.

Mais l'utilisation de plus en plus marquée de cadres techniques salariés pour la gestion des familles professionnelles mise en place pourrait fragiliser ces mouvements de producteurs. Ils ont été pour la plupart, employés dans des institutions dont la mauvaise gestion a conduit à la libéralisation de la filière. En effet, le problème vient surtout du fait que la plupart de ces cadres ne sentent pas leur vie liée à celle des producteurs et ne sont pas non plus acquis à leur cause à tout moment.

Au regard de ces enjeux et de la puissance des acteurs en lice face à la FUPRO, la maîtrise ou le contrôle de la gestion de la filière ne lui est sans doute pas facile avec les réseaux dissidents.

> Stratégie développée par les «mécontents» : Naissance des réseaux parallèles

Face aux différents problèmes rencontrés dans le réseau FUPRO (mauvaise gestion des cautions solidaires, détournement), une catégorie d'acteurs, les «mécontents» du système, s'est retrouvée pour mettre en place l'Association des Groupements de Producteurs Economiques (AGROPE-Bénin). Cette association a pris forme dans la commune de Bembérékè (à 50 Km environ de N'Dali).

De nombreuses versions ont été obtenues sur les raisons de la mise en place de cette association. Pour certains, elle aurait été suscitée par les politiciens en vue de se garantir un électorat et se constituer un capital. Pour d'autres, elle serait l'oeuvre des distributeurs d'intrants dans le but de se garantir un marché. Le but visé par ces distributeurs d'intrants, rejetés du réseau de la CAGIA, serait de mettre la main sur une catégorie de producteurs pour livrer facilement leurs intrants. Pour d'autres acteurs, ce serait certains égreneurs qui auraient incité les producteurs à mettre en place cette association pour se garantir un stock de coton graine hors du circuit de la CSPR.

Pour l'une ou l'autre de ces versions, les enjeux d'intérêts restent à la base de la création de cette association dissidente au réseau FUPRO.

A la première campagne, les membres de l'Association ont bénéficié des intrants du complexe CSI-Fruitex. Les intrants mis en place cette campagne, par Tankpinnou et da-Silva, auraient été ceux destinés à la Lutte Etagée Ciblée (LEC) parce que, la campagne précédente, ils étaient agréés pour livrer ces intrants à la recherche. Mais compte tenu de leur retard dans la livraison des produits, la recherche a rejeté les intrants (Totin, CRA-CF, comm pers.). Ces distributeurs se sont retrouvés avec des insecticides sur le bras et il leur faut trouver un marché pour leur écoulement. Ils auraient ainsi, suscité la naissance de cette association pour leur fournir les intrants.

A la campagne suivante, les responsables de l'AGROPE, ont pris des contacts avec le distributeur SCPA pour avoir des intrants de production. Mais au sein de ces responsables, un groupe, en fonction des intérêts propres, a signé des engagements avec la DFA, une autre compagnie de distribution d'intrants. Cette situation de tension a conduit à l'éclatement de l'association en AGROPE-Madougou (Secrétaire du groupement) et AGROPE-Amidou (président du groupement). Par la suite, AGROPE-Amidou est devenu AGROP (Association des Groupements de Producteurs) et l'autre bord s'est transformé en FENAPRA (Fédération Nationale des Producteurs Agricoles). Aujourd'hui, on apprend encore la naissance d'un autre réseau «FENAGROP» qui serait parti de la réunion des producteurs venant des deux premiers réseaux (AGROP et FENAPRA). Ces différents réseaux se sont étendus aujourd'hui, dans toutes les zones de production cotonnière du Borgou-Alibori.

La genèse de ces mouvements paysans montre que ce sont des intérêts propres qui soutiennent les dynamiques au sein de ces réseaux, devenus des « arènes de négociation », comme l'a su bien dire Bierschenk (1988), où chaque acteur vient satisfaire ses besoins. Les parties qui ne sentent par leurs intérêts pris en compte ou qui se sentent menacés, sortent du système.

> Motivations des producteurs à se retrouver dans les groupements dissidents

Trois principales raisons expliquent la reconversion des paysans dans les groupements parallèles au réseau FUPRO.

La source la plus évoquée par les producteurs reste le retard que connaissent les paiements des fonds coton dans les GV (cf. histoire de vie 1). Dans les zones de production, le revenu cotonnier est la principale «source financière» qui est utilisée dans la résolution des

problèmes sociaux et économiques du producteur (Ahouissoussi, 1998). Tous les enquêtés ont reconnu l'importance des fonds coton dans leur ménage (Fig 4).

40

20

80

60

0

Coton Maïs Niébé Autres

Spéculations

Zone Nord Zone Sud

Source : Adapté de Ton (2004)

Figure 4 : Part des spéculations dans la formation des revenus agricoles des producteurs

Il paraît alors évident que l'absence ou le retard de ces fonds crée une désorganisation ou des perturbations sociales.

Encart 3 : Importance du revenu-coton dans la vie du producteur, propos d'un producteur de Suanin

L'année surpassée, en 2002, ma femme est morte d'une petite maladie parce que je n'avais pas l'argent. Cette année là, j'ai vendu 2 tonnes de mon coton dans le GV et on nous a dit que l'argent n'est pas venu. Personne n'avait d'argent dans le village pour me venir en aide parce qu'on était tous dans la même situation. Avec FENAPRA, l'argent est cash.

Entretien n°3, N'Dali le 04/07/04

Une autre catégorie de producteurs regroupe ceux qui sont victimes de la mauvaise gestion des cautions solidaires. Ces cautions solidaires sont prélevées directement au niveau du GV, ce qui affecte tous les producteurs du groupement. Au cours de la répartition des fonds-coton au niveau du GV, les responsables font aussi des retenues chez les parents des producteurs qui sont en impayés.

Encart 4 : Conséquence de la mauvaise gestion des cautions solidaires (propos d'un gros producteur de Kori)

Pour la campagne dernière, j'ai fait 4 tonnes de coton mais j'ai seulement eu 75.000 f CFA pour toute ma production parce que mon frère est tombé dans l'impayé. Cette année, j'ai décidé d'aller dans FENAPRA parce que là bas, il n'y a pas de crédit CLCAM. C'est le crédit CLCAM qui nous tue ici.

Entretien n°4, N'Dali le 04/07/04

La dernière catégorie de producteurs qui se retrouvent aujourd'hui dans les groupements dissidents est celle des producteurs qui sont reliés par des liens de parenté avec les responsables de ces mouvements. A partir de ce noyau familial, le groupement grandit progressivement et gagne les amis et finit par prendre forme.

Tableau 3 : Répartition des producteurs suivant leurs motivations à quitter les GV-FUPRO

Paramètres

Catégorie 1

Catégorie 2

Catégorie 3

Producteurs

55%

40%

5%

Source : Enquête, N'Dali-2004

Catégorie1 : Producteurs partis du GV pour retard du paiement des fonds coton Catégorie2 : Producteurs partis du GV pour mauvaise gestion des cautions solidaires Catégorie3 : Producteurs partis du GV pour liens familiaux

Nous avons remarqué au cours de notre étude que ce sont les personnes âgées (au delà de 40ans) et las parents proches (femmes, enfants) des responsables qui restent, malgré les dissidences, dans les groupements villageois (GV-FUPRO). Selon ces personnes âgées ces mouvements de naissance ressente (AGROP et FENAPRA) sont « des projets qui vont finir bientôt ».

> Conflits et cohésion sociale

La divergence des idéologies paysannes quant à l'organisation de la production cotonnière pourrait laisser penser qu'il n'y a pas beaucoup de relations à l'échelle villageoise. Mais quand on se rapproche des villages, on se rend compte que le tissu social, même si quelque peu affaibli par les conflits de leadership ou de mauvaise gestion, tient encore bon. Cette cohésion sociale s'effrite certes, sous l'effet des conflits mais cela n'empêche pas la solidarité en cas de coups durs. Ainsi, les paysans s'échangent des intrants entre groupements. Un producteur FENAPRA/AGROP qui n'a pas eu des intrants dans son groupement pourrait en bénéficier auprès de ses pairs du réseau FUPRO. La multiplication des réseaux parallèles n'a pas engendré une « balkanisation » des liens sociaux. Il est courant de rencontrer dans une même famille, des frères se retrouver dans différents groupements et cela n'a pas de répercussions sur l'affection sociale.

L'identité commune qui subsiste au niveau des villages et en milieu Batonou en particulier, ne permet pas de punir les responsables des mouvements paysans parce que disent-ils « après tout, ce sont nos frères ou nos enfants ». Cette logique collective donne une

garantie pour des actions «peu honnêtes», parce qu'il n'est pas possible d'être rejeté du système social. Il y a une cohabitation aujourd'hui des responsables ayant détourné des fonds (le cas précis du gérant de la FENAPRA qui aurait détourné plus de 5 millions dans le GV) avec la société, sans une discrimination.

Est-ce cette tolérance sociale qui permet à ces « anciens mauvais gérants » de devenir, aujourd'hui, dans les nouveaux mouvements, des responsables ?

> Qui dirigent ces réseaux dissidents ?

Les acteurs retrouvés à la tête de ces mouvements proviennent de deux catégories.

- Ceux qui veulent accéder à des postes de responsabilité, dans le réseau FUPRO et qui n'y parviennent pas. Ce blocage est dû au fait que les responsables actuels, en fonction des intérêts qu'ils en tirent, ne veulent pas laisser ces postes. Il se développe ainsi entre ces deux parties une guerre de leadership qui va jusqu'à des menaces de mort. Dans cet environnement de tension qui fait des «mécontents», le perdant ou le moins fort quitte le système et se reconvertit dans les nouveaux réseaux. Cette tension de leadership prévalait depuis le transfert de compétences au secteur agricole et l'arrivée de ces réseaux a été une occasion attendue

pour ces acteurs «mécontents».

- Une deuxième catégorie de responsables des mouvements paysans, regroupe les débiteurs des caisses locales. Ces acteurs trouvent ces réseaux comme des points de refuge pour échapper au remboursement des crédits. Dans ce groupe, nous nous sommes rendus compte que le gérant de la FENAPRA reste devoir plus de cinq millions à la CLCAM. Ainsi, au-delà de l'engagement des acteurs dans les mouvements, il y a des intérêts non avoués qui expliquent leurs motivations et ce choix paraît une stratégie pour satisfaire ces intérêts implicites.

> Naissance des réseaux dissidents : le salut ou autre engrenage pour les producteurs

Les nouveaux mouvements dissidents ont mis en place des mécanismes pour limiter les mauvaises gestions connues dans les GV. Ces groupements sont constitués par affinité avec un effectif réduit et parfois sur base ethnique, pour une meilleure efficacité.

Pour faire face au retard du paiement de coton, ces mouvements sont en relation directement avec des égreneurs qui achètent le coton au « cash ». L'argent cash soulage les producteurs et constitue un point d'attraction qui les amène à choisir ces groupements.

Pour résoudre les problèmes d'impayés des crédits de campagne, ces mouvements ne prennent pas d'engagement pour les cautions CLCAM. Mais toutefois, chaque producteur a la possibilité de demander directement des crédits auprès de ces institutions sans l'aval du groupement, ce qui ne réussit pas souvent. En effet, les institutions n'accordent pas souvent les crédits individuels, surtout aux petits producteurs, à cause des nombreux risques qui y sont attachés, ce qui limite l'accès des paysans à ces prêts. En intégrant les mouvements dissidents, les paysans se trouvent alors privés d'autres avantages. Mais il convient de se demander si la suppression des cautions aux membres reste bénéfique pour les producteurs ?

Tel que ces réseaux fonctionnent, même s'ils donnent l'impression de favoriser les producteurs, en ce sens qu'il leur permet d'avoir à temps leurs fonds, ils ne manquent pas de privilégier les intérêts des responsables, perturbant ainsi le mécanisme mis en place dans le cadre de la libéralisation. Dans ce système, les responsables s'enrichissent sur le «dos» des paysans. Les parts critiques destinées à l'AIC pour la recherche, la vulgarisation et autres, sont partagées entre ces responsables ; ce qui explique la guerre que l'Interprofession mène à ces réseaux. Les fonctions critiques, à raison de 15 F/ kg de coton graine vendu (au cours de la campagne 03-04), restent d'importantes sommes que se partagent ces divers responsables. A côté de ces fonds, ils bénéficient des faveurs d'une part, auprès des égreneurs à qui ils garantissent la production de leurs membres et d'autre part auprès des distributeurs d'intrants pour l'écoulement des intrants. Dans cette arène, toutes les parties tirent leurs profits du jeu : les égreneurs parviennent à obtenir une quantité de coton graine au-delà de celle obtenue dans le système CSPR. Cette négociation entre producteurs-égreneurs a conduit à une spécialisation des différentes compagnies d'égrenage : la MCI à qui est garantie la production du réseau AGROP et SODICOT a le coton graine de la FENAPRA.

De même, ces responsables permettent à certains distributeurs, ne remplissant pas les conditions de la CAGIA, d'écouler leurs produits à travers leurs groupements ; échappant ainsi au contrôle de la CAGIA. Le système leur offre ainsi une marge de manoeuvre pour livrer toute gamme de produits, dans le milieu paysan. De nombreux producteurs ont encore en mémoire leur expérience de la campagne 2003-2004 où ils ont eu des insecticides peu efficaces avec pour conséquences des chutes de capsules dans tous les groupementsFENAPRA.

Dans ce réseau, les responsables des groupements paysans, les égreneurs et les distributeurs d'intrants restent les principaux bénéficiaires et les producteurs deviennent des instruments du système. Ils sont utilisés par les responsables pour jouer le «jeu» des égreneurs (avoir le maximum de stock en coton graine) et aussi celui des distributeurs

d'intrants agricoles (faire écouler les intrants quelle que soit leur qualité). En retour, ces responsables bénéficient de nombreuses faveurs de la part de ces acteurs.

Encart 5 : Intérêts en jeu au niveau des nouveaux réseaux

1-? Allez à Bembérékè, vous serez étonné par la gigantesque maison que se construit un responsable du réseau AGROP! Tout ça avec l'argent du coton, sur le dos des paysans.

2-? Le président communal d'un réseau parallèle de N'Dali, l'année surpassée, aurait eu un million chez un distributeur pour lui permettre de livrer ses intrants aux producteurs de la commune.

Entretien n°5, N'Dali le 17/08/04

1- Confession d'un responsable de l'UDP Borgou-Alibori

2- Confession d'un sage de la commune, correspondant de la radio nationale à N'Dali

Dans cette arène où le producteur se trouve coincé entre les enjeux de leurs dirigeants, des égreneurs et ceux des distributeurs, on pourrait se demander ce qu'il en tire en étant producteur.

> Production cotonnière : activité rentable ou manque d'alternative

Le manque de sources alternatives de revenus et les besoins croissants des ressources monétaires pour la consommation et la production agricole sont les principales motivations des producteurs à faire le coton. « Le coton est une spéculation très exigeante ». Les paysans n'apprécient généralement pas la culture, comme l'a montré aussi Ton (2002), tel est le cas de 74% de notre échantillon. Ils reconnaissent que la culture cotonnière est exigeante en travail et en investissement pour les intrants. Toutefois, elle constitue la principale source de revenu en gros, donc susceptible de financer des investissements importants (Cf. Figure 4, page 48 ).

La production cotonnière ne pourrait plus être considérée comme une stratégie de constitution de revenus. Le coût de production ne cesse de croître (tableau 4), amenuisant ainsi le revenu du producteur.

La culture cotonnière reste jusque-là, la seule spéculation dont le débouché est garanti (LARES-APEIF, 1996). Le problème de débouché constitue la principale difficulté que les producteurs évoquent pour expliquer leur engouement actuel pour la culture du coton. Il s'agit là d'un problème épineux en raison de ses implications. En effet, il n'existe pas autre spéculation qui bénéficie d'une organisation pareille à celle du coton, ce qui fait qu'il est utilisé comme «culture enveloppe» parce qu'elle fait bénéficier aux autres cultures

(notamment le maïs) de ces intrants à travers les arrière-effets et les reconversions d'intrants coton en intrants maïs.

Encart 6 : Stratégie de production coton-maïs développée par un producteur du réseau FUPRO

Je fais le coton pour avoir l'engrais pour mon maïs. Quand je vends le coton, j'arrive à payer les crédits d'engrais et le maïs constitue mon bénéfice. Parfois, je vends jusqu'à dix-huit sacs à raison de 15.000 f le sac.

Entretien n°6, N'Dali le 15/06/04

Le producteur ne fait pas seulement le coton parce qu'il procure de l'argent mais il utilise son canal pour valoriser d'autres spéculations. L'accès au crédit de campagne et aux intrants ainsi que le développement de la culture attelée liés à la production cotonnière, ont favorisé l'expansion d'autres cultures, en l'occurrence les vivriers intégrés dans le système d'assolement et de rotation avec le coton.

Les producteurs arbitrent entre deux catégories de produits : les cultures vivrières et le coton, comme culture de rente. Cette forme d'arbitrage a un double intérêt. Il y a le souci de garantir l'alimentation du ménage et celui de pouvoir faire face aux besoins financiers pour les dépenses sociales.

Le cas rapporté ci-dessus (encart 6), prouve que des cultures autres que le coton, pourraient permettre de se constituer des revenus (cas du maïs par exemple) pour faire face aux divers besoins. Mais les producteurs ne parviennent pas à garder leur stock jusqu'à la période de soudure, où le prix monte. Comme cette spéculation ne bénéficie pas d'un prix garanti, le prix varie suivant les périodes (chute en période d'abondance et monte en période de soudure) et les producteurs à court de liquidité, n'arrivent pas à supporter jusqu'à la période de cherté. La promotion de cette spéculation se heurte alors à la limite des débouchés disponibles, compte tenu des aléas du marché des vivriers. Les producteurs doivent faire face à ce dilemme : les coûts de production du coton vont sans cesse croissants et le marché des vivriers, de l'autre côté, se trouve asphyxié par manque de débouchés (LARES-APEIF, 1996). Dans ces conditions, quelle alternative peuvent-ils choisir ?

Tableau 4 : Rentabilité économique de la production cotonnière (en CFA/Ha)

Paramètres

95-96

96-97

97-98

98-99

99-00

00-01

01-02

02-03

Rendements1

1.465

1.101

1.023

853

1.069

1.261

1.282

1.202

Prix (prod)

165

200

200

225

185

200

200

180

Revenu brut2

241.725

220.200

204.600

191.925

197.765

252.200

256.400

216.360

Evolution du coût des intrants agricoles

Engrais

38.000

38.000

38.000

38.000

38.000

38.000

41.000

39.600

Insecticides

25.200

24.000

21.600

28.400

33.600

33.600

36.000

36.000

Labour

18.000

18.000

18.000

18.000

18.000

20.000

20.000

20.000

Sarclage

15.000

15.000

15.000

15.000

20.000

20.000

20.000

20.000

Récolte

20.000

20.000

20.000

20.000

20.000

20.000

20.000

20.000

TOTAL

116.200

115.000

112.600

119.400

129.600

131.600

137.000

135.600

Revenu net3

125.525

105.200

92.000

72.525

68.165

120.600

119.400

80.760

Source : CRA-CF, 2004

Revenu brut et coût
de production

Revenu brut

Coût de production

300000

250000

200000

150000

100000

50000

0

1995-

1996

1996-

1997

1997-

1998

Campagne cotonnière

1998-

1999

1999-

2000

2000-

2001

2001-

2002

2002-

2003

Source :Adapté du tableau 4

Figure 5 Evolution des revenus bruts et des coûts de production cotonnière
5.2.3.2 Sous secteur égrenage, dans le nouveau système

La libéralisation du secteur a favorisé l'entrée de nouvelles compagnies privées. Regroupées dans l'Association Professionnelle des Egreneurs du Bénin (APEB), les égreneurs et l'Interprofession ont dégagé un consensus sur les modalités de répartition du coton graine entre les compagnies en fonction de leur capacité d'égrenage. Le mécanisme mis en place fait obligation entre autres, aux Sociétés d'Egrenage du Coton (SEC) de reverser un acompte de 40% de la valeur du quota sollicité avant le début de la campagne pour solder le

crédit intrant. Mais il faut qu'elles disposent aussi d'un quitus de la CSPR attestant qu'elles n'ont aucune facture en instance (CSPR-GIE, 2003). Or, certains égreneurs (MCI, SEICB et SODICOT), ne remplissent pas entièrement ces conditions pour pouvoir s'approvisionner en coton.

En effet, avant la mise en place de la Centrale de Sécurisation des Paiements et de Recouvrement, les égreneurs privés s'approvisionnaient en coton graine auprès de la SONAPRA qui organisait la commercialisation primaire. Ces égreneurs payaient le coton acheté à la SONAPRA après la vente du coton égrené sur les marchés internationaux.

Profitant de la marge de manoeuvre que laisse ce mécanisme, certains égreneurs retardaient ou même manquaient de reverser les fonds coton à la société d'approvisionnement. Cette situation a entraîné des perturbations d'une part dans le recouvrement des crédits intrants et d'autre part, dans le paiement des producteurs. Mais toutefois, ces perturbations étaient de moindre intensité ou moins ressenties qu'aujourd'hui parce que, la SONAPRA étant une société d'Etat, ces impayés sont greffés sur les charges de la société, charges dénouées par l'Etat. Ceci fait que l'ampleur du phénomène n'était pas ressentie par les acteurs, comme le cas aujourd'hui, où l'Etat n'intervient plus pour couvrir des dettes.

> Enjeux et les stratégies développées au niveau des égreneurs

La plupart des égreneurs , sauf la MCI et la SODICOT s'approvisionnent en coton graine suivant le mécanisme de la CSPR. La non implication de ces dernières dans le processus de commercialisation selon le mécanisme de la CSPR s'explique selon les responsables de la CSPR par le fait qu'elles restent devoir des factures de campagnes antérieures. Pour la MCI et la SODICOT, le boycott du système CSPR est lié au fait qu'il profite plus à des acteurs tels que la SDI qui sont à la fois égreneurs et distributeurs d'intrants. En effet, les 40% d'acomptes versés par les égreneurs pour leur approvisionnement en coton graine sont en partie reversés à ces acteurs (à la fois égreneurs et distributeurs d'intrants) pour régler les frais des intrants mis en place. Ce règlement étant prioritaire, les égreneurs que sont la MCI et la SODICOT se trouvent moins favorisés que ces acteurs qui sont à la fois égreneurs et distributeurs d'intrants.

Le non approvisionnement en coton graine auprès de la CSPR entrave le fonctionnement normal des usines de la MCI et de la SODICOT. Pour fonctionner, les responsables de ces usines s'approvisionnent directement en coton graine auprès de la SONAPRA qui en retour est alimentée par le système CSPR. Le mécanisme mis en place pour assurer la répartition du coton graine entre les usines n'est plus ainsi respecté et le non

paiement des dettes des ces acteurs dissidents ne permet plus à la centrale d'honorer ses engagements vis-à-vis des producteurs.

Comment comprendre que la SONAPRA, membre de la CSPR coopère avec des acteurs reconnus par l'ensemble du système comme des «dissidents» ? Les raisons qui motivent ce partenariat n'ont pas n'ont pas pu être élucider au cours de cette étude.

La MCI et la SODICOT ont développé une autre manière pour s'approvisionner qui consiste à susciter la naissance des organisations paysannes, autres que celles existantes (GV) pour que ces dernières les approvisionnent directement en coton graine. Pour y parvenir, ces acteurs attirent l'attention des producteurs sur les conflits latents au niveau des GV, conflits liés à la gestion des intrants, au pouvoir de décision, à la mauvaise gestion des ristournes. Ils motivent aussi les leaders d'opinions par les dons de diverses natures.

Au niveau de la compagnie MCI, on constate que cet acteur garantit les intrants aux producteurs chez qui il s'approvisionne en coton. Mais la mise en place des intrants seuls ne suffit pas pour assurer une bonne production, il faut aussi d'autres facteurs des production (le crédit, des technologies appropriées donc la recherche et la vulgarisation). Mais ces derniers facteurs cités nécessitent plus d'investissements et l'égreneur pourrait ne pas sentir directement ces intérêts. Ce qui pourrait justifier l'abandon de ces domaines par ce dernier qui se concentre plus sur les engrais et les insecticides.

En réalité si les producteurs qui se trouvent aujourd'hui sous ces acteurs dissidents savaient, ce qu'ils perdaient (en vulgarisation, en recherche et autres) il n'est pas évident qu'ils accepteraient ce système. Ces acteurs qui utilisent juste comme appât l'argent cash du coton, profitent de l'ignorance ou du manque d'informations au niveau de la masse paysanne pour asseoir leur influence.

Les égreneurs influences aussi les élus locaux, en mettant en exergue le rôle social que peut jouer par le coton dans la construction de leur localité. Ainsi, toute insuffisance en matière première affecte la rentabilité des usines et par à coups, a des effets négatifs sur les gains en ressources des localités dans lesquelles ces usines sont installées.

Une autre approche consiste à détourner le camion chargé de coton sur les voies pour leur prendre leur chargement, destiné à une autre usine.

Cette situation est encouragée par des facteurs tant au plan national qu'international. En effet, les prix du coton sont très élevés sur le marché international et le coton se trouve ainsi très recherché.

Au niveau national, la capacité d'égrenage des compagnies (production nationale moyenne est de 400.000 tonnes alors que la capacité d'égrenage des usines est plus de

700.000 tonnes) pourrait expliquer ce rapport de «à qui mieux-mieux » où chacun se bat pour élever le plus haut possible son stock.

5.2.3.3 Nouveau système de recouvrement

La création de la Centrale de Sécurisation des Paiements et du Recouvrement (CSPR) a été la première mesure prise par l'Interprofession pour corriger les irrégularités de la SONAPRA dans le recouvrement des crédits et le paiement des producteurs. Cette centrale est constituée juridiquement comme une association sans but lucratif avec pour mandat, l'exécution de deux fonctions importantes du système SONAPRA : (i) le paiement du coton graine aux producteurs et (ii) le recouvrement du crédit intrant par les distributeurs et leurs banques de prêts. Ce nouveau mécanisme élimine ainsi les effets pervers liés à la mauvaise gestion de la SONAPRA.

La CSPR constitue un cadre de concertation aux acteurs privés et publics que regroupe la filière. Sous sa forme centralisée actuelle, la CSPR mène trois groupes principaux d'activités. Elle enregistre les prêts et crédits liés à l'importation et à la distribution des intrants ; organise la commercialisation du coton graine et assure enfin, la gestion de tous les mouvements de capitaux au niveau de la filière.

Selon le mécanisme, chaque compagnie d'égrenage dépose auprès de la centrale, une avance correspondant à 40% de la valeur totale du quota qui lui est attribué pour la campagne et paye les 60% restant, au fur et à mesure que la livraison du coton graine est faite. La CSPR utilise ces avances pour rembourser aux banques, le crédit consenti pour l'approvisionnement en intrants et faire des avances de paiement aux producteurs. Une fois que toute la demande en coton graine est livrée aux usines d'égrenage, les producteurs reçoivent aussi la totalité des fonds coton.

Mais si le mécanisme fonctionne aussi efficacement, pourquoi le problème d'impayé reste toujours posé au niveau des producteurs ?

> Les enjeux de la centrale

Les failles au niveau de la centrale peuvent se situer à différents niveaux.

Depuis que la libéralisation prône l'intégration des acteurs dans la gestion de la filière, il ne faudrait pas perdre de vue, que ce soit au niveau de l'Interprofession ou des conseils d'administration des différentes organisations, les paysans restent les «maillons faibles» de la chaîne.

Aujourd'hui, cette centrale, comme toutes les autres mises en place après la libéralisation du secteur, reste toujours dirigée par une classe technique constituée des « anciens responsables » des structures avant la libéralisation (SONAPRA, CARDER,...), ceci en fonction des différents intérêts liés à la filière (primes et indemnités). Cette classe technique intellectuelle, pourrait se sentir moins concernée par les intérêts des acteurs servis (producteurs, distributeurs d'intrants et égreneurs) et développer à côté des intérêts du secteur, des intérêts propres à satisfaire, intérêts qui se retrouvent en front d'opposition avec les intérêts du mécanisme et qui les contraignent à s'écarter des normes fixées. L'idéale aurait été que les acteurs concernés prennent en charge, leur propre affaire. Mais toujours est-il que les intérêts implicites de ces derniers vont s'y impliquer, entravant ainsi l'évolution normale du

mécanisme.

La classe paysanne constitue aussi une pesanteur qui freine le mécanisme fonctionnel de la centrale. Un grand nombre de paysans prennent des intrants pour la production cotonnière et les détournent vers d'autres buts. Dans la plupart des cas, ils les utilisent pour les vivriers ou les revendent à moindre prix, ce qui ne leur permet pas d'atteindre la production prévue pour couvrir les charges en intrants, alors que la centrale paie entièrement les distributeurs d'intrants sur les avances reçues pour la demande en coton auprès des égreneurs. La production obtenue chez les paysans ne permet plus à la CSPR de dégager suffisamment de marge, après recouvrement des crédits intrants, pour assurer le paiement de tous les producteurs et couvrir totalement la demande des égreneurs.

Une analyse du comportement des producteurs face aux intrants agricoles pourrait être faite sous deux angles. D'abord, l'orientation des intrants vers les vivriers, parce que ces spéculations ne bénéficient pas d'un système de crédit intrants alors que les sols se retrouvent de plus en plus épuisés par les pratiques cotonnières. Les paysans en marge d'alternatives, reconvertissent alors ces intrants coton vers les vivriers. Cette pratique reste fréquente dans la zone sud-Borgou, comme l'a montré une étude du LARES-APEIF (1996) parce qu'elle est reconnue pour sa fonction de « grenier du Nord ». Elle nourrit toutes les zones spécialisées dans la production cotonnière, c'est ainsi une zone à potentialité vivrière.

En second lieu, les producteurs bradent les intrants agricoles, soit pour faire face aux contraintes financières, en début de campagne, à la sortie de la longue période de soudure, soit pour se venger des situations d'impayés dont ils ont été victimes une campagne précédente. Les compagnies d'égrenage ne restent pas non plus sans affaiblir le mécanisme de la centrale. Certaines d'entre-elles, ne remplissant pas les exigences de la CSPR, surtout par rapport aux

acomptes des 40% en avance, achètent le coton hors du système géré par l'Interprofession. En effet, le principe d'acompte de 40% à verser pour s'approvisionner en coton, constitue un facteur qui limite l'accès aux compagnies d'égrenage. Cette contrainte suppose que si un acteur ne dispose pas des acomptes, il ne pourrait pas s'engager dans la commercialisation. C'est face à ce goulot d'étranglement que certaines compagnies se sont désolidarisées du réseau formel. Dans ces conditions, deux situations se rencontrent :

- Ces compagnies parfois, achètent le coton graine, directement auprès des producteurs ayant bénéficié d'intrants coton mis en place hors du système CAGIA-CSPR, par des sociétés privées. Dans ce cas, les pertes sont limitées à la centrale et ne concernent que les fonctions critiques à verser à l'Interprofession (AIC).

- Dans d'autres cas, l'achat s'effectue directement auprès des producteurs ayant pris des intrants dans le système de la CAGIA. Les pertes sont grandes dans ces conditions parce que le recouvrement des intrants pose d'énormes problèmes (impayé, conflits sociaux,...).

Ces écarts observés au niveau de la filière ne font que fragiliser le mécanisme de la centrale et multiplier les foyers de conflits entre les acteurs. En contournant le système CSPR, les égreneurs empêchent d'autres qui utilisent le canal de la CSPR, d'avoir le stock demandé. Ainsi, la répartition de la production reste une source de tension et oppose la centrale à certains égreneurs. C'est dans ce cadre que s'inscrit le contentieux opposant la compagnie d'égrenage SEICB à la CSPR en 2001-2002, campagne durant laquelle, la compagnie, après s'être acquittée de toutes ces obligations vis à vis de la Centrale, n'a été approvisionnée qu'à hauteur de 18.000 tonnes sur un quota de 25.000 tonnes allouées. Pour préserver ses intérêts, la compagnie a assigné la centrale en justice.

> Autre stratégie qui fragilise le mécanisme CSPR: commerce du coton avec le Nigeria

La vente du coton au Nigeria se pratique, au départ, dans les régions frontalières. Mais de plus en plus, le phénomène s'étend vers les autres zones de production, tel le cas de N'Dali.

Encart 7 : Stratégie développée pour la vente illicite du coton à Kori, un village de N'Dali révélée par un producteur GV-FUPRO.

L'année surpassée, j'ai caché une partie de ma production et quand notre GV a vendu son coton, mon fils est venu du Nigéria prendre le stock pour le vendre là-bas. Deux semaines après, il est revenu avec 3 motos «Quinko» que nous avons revendues à 250.000F chacune. Beaucoup le font dans notre village, mais personne n 'en parle, si jamais le CARDER l'apprend, on est perdu...

Entretien n°7, N'Dali le 0 7/08/04

Depuis la persistance du «retard de paiement» des fonds-coton, le phénomène de vente de coton au Nigeria s'est considérablement développé. En effet, plusieurs motivations soutendent cette opération clandestine.

L'achat du coton au Nigeria se fait au cash. Ce facteur est d'autant plus important qu'au cours de la campagne 00/01, certains producteurs de la commune ont vendu leur production au Nigeria alors que le prix au Kg était en moyenne de 180F, contre un prix officiel de 200F au Bénin. Ce cash permet aux producteurs de faire face à des besoins sociaux immédiats.

La vente du coton au Nigeria permet aussi aux paysans d'échapper aux retenues forfaitaires qui s'élèvent, dans certaines régions à 2F / Kg de coton graine. De même, sur le marché nigérian, il n'y a pas une catégorisation de la production (coton de 1er ou de 2e choix). Cette absence du contrôle sur la qualité du coton livré encourage les producteurs à choisir le marché nigérian.

Cette fuite de la production nationale pose le problème des réalisations sociocommunautaires, le plus souvent fondées sur les ristournes et rend difficile la récupération des crédits intrants. Ce phénomène fragilise le mécanisme de la CSPR et renforce davantage le retard du paiement des fonds coton aux producteurs. Ils entretiennent aussi le «cercle vicieux» de la mauvaise conduite de la filière qui dégrade les relations entre les divers acteurs du secteur.

5.2.3.4 Importance de l'AIC dans le secteur cotonnier

Le mandat de l'AIC comporte deux volets, l'un d'ordre technique et l'autre institutionnel.

A travers son mandat technique, l'Interprofession organise et coordonne le processus de consultations et de négociation entre le secteur privé et le gouvernement, avec pour objectif de permettre au secteur privé de prendre en charge les diverses « fonctions critiques »

autrefois assurées par la SONAPRA. Toujours au titre de son mandat technique, l'AIC met en place les mécanismes de médiation et d'arbitrage entre tous les acteurs de la filière.

Dans le cadre institutionnel, l'Interprofession veille au respect des mesures définies entre les acteurs pour assurer le bon fonctionnement du secteur. Mais parvient-elle réellement à assurer la synergie, au niveau de tous les acteurs ?

> Performance de l 'AIC

L'AIC, vu ses multiples responsabilités (techniques et institutionnelles) apparaît comme l'organe pivot du secteur après la réforme. Elle coordonne à elle seule, toutes les activités au niveau de la filière. Mais actuellement, avec la naissance des regroupements dissidents, l'autorité de l'Interprofession reste très peu partagée par les différents acteurs de la filière. L'AIC n'arrive plus à s'autogérer par cause de non-respect des engagements pris par ses membres.

Ce nouveau mécanisme mis en place ne permet plus à un certain groupe d'acteurs de satisfaire des intérêts propres. En prévision à cet obstacle aux intérêts, les premiers responsables de l'Interprofession se sont opposés à la constitution de ce nouveau cadre institutionnel de la filière (CSPR, CAGIA,...) parce qu'il ne permet plus d'avoir la marge de manoeuvre que garantissait l'ancien système, avec le monopole de l'Etat.

> Les handicaps de l'Interprofession

Suite à la réforme du secteur, l'Etat a pour mandat de définir un cadre législatif qui servirait de pilier à l'AIC dans la conduite de la filière. Mais faute de cet accord cadre qui jusque-là n'est pas encore défini, l'Interprofession se trouve sans maintien, ce qui permet à certains acteurs de contourner l'autorité de l'institution. L'absence de ce cadre réglementaire reste aujourd'hui la principale «goutte d'eau» qui fait déborder continuellement le vase au niveau de la filière, parce qu'il laisse une marge de manoeuvre à ces différents acteurs. Les différentes parties qui trouvent leurs intérêts menacés par le nouveau système, profitent alors de l'inexistence de ce cadre législatif pour sortir du système. Il existe aujourd'hui un véritable gap entre les fonctions normatives de l'Interprofession et ces fonctions réelles du fait que tous les acteurs n'adhèrent pas à ses idéologies. Elle n'a pas encore réussi à faciliter l'arbitrage avec les divers groupes professionnels de la filière.

Il faudrait ajouter que l'intervention de politiciens participe à la fragilisation du système AIC. Le pouvoir politique garantit une position «d'intouchable» à certains acteurs qui se trouvent au-dessus des actes normatifs ou des autres acteurs du système. Ils disposent

aussi d'une liberté qui leur permet de s'imposer ou même d'outrepasser l'autorité de l'Interprofession. Cette implication de la force politique nourrit la dissidence à laquelle doit faire face l'institution.

5.2.3.5 Importateurs et Distributeurs d'Intrants > Organisation de la mise en place des intrants

La libéralisation du secteur a permis de briser la position monopoliste et centralisée de l'Etat et de rendre ce secteur plus compétitif à travers son ouverture à plusieurs acteurs privés. Conscients de l'importance et des nombreux intérêts liés au sous-secteur intrants, ces opérateurs économiques l'ont pris d'assaut. Cette affluence vers ce secteur a amené les producteurs et distributeurs d'intrants à mettre en place la CAGIA pour assurer leur approvisionnement en intrants de qualité à bonne date et à des prix compétitifs. Plus spécifiquement, la CAGIA procède à la collecte et à l'estimation des besoins en intrants agricoles de ses membres, participe, en temps que représentant des producteurs au sein de la commission intrants agricoles, à la sélection des fournisseurs d'intrants.

Le mécanisme d'importation et de distribution des intrants agricoles repose sur les principes suivants :

- La commercialisation des intrants est assurée seulement par les sociétés sélectionnées. - Les ventes des intrants aux producteurs d'une même commune sont assurées par une et une seule société.

- Les distributeurs sélectionnés disposent de 120 jours maximum pour livrer les intrants, aux groupements.

- La définition de la nature, de la compétition, de la qualité, du conditionnement des intrants à livrer, relève de la compétence exclusive du CRA-CF. A cet effet, avant leur mise en consommation, les intrants sont contrôlés par la recherche et les services de protection des végétaux. Seulement les résultats de contrôle pourraient autoriser la mise en circulation de ces

intrants.

- Les intrants sont vendus au même prix unique sur tout le territoire.

Ces divers principes fixent les normes de conduite du sous-secteur intrant de la filière. Mais la sélection des distributeurs par la CAGIA reste souvent l'objet de vives contestations. Les opérateurs ne remplissant pas les normes fixées ont dû créer en Novembre 2001, leur propre association dénommée ADIAB (Association des Distributeurs d'Intrants Agricoles du Bénin), association dissidente du GPDIA (Groupement Professionnel des Distributeurs

d'Intrants Agricoles). Ces distributeurs de l'ADIAB (Fruitex et CSI) fournissent des intrants aux groupements de producteurs dissidents à un prix légèrement en baisse par rapport au circuit des distributeurs de la GPDIA. Mais les intrants livrés ne sont pas identiques à ceux recommandés par la recherche. D'ailleurs leurs intrants échappent au contrôle des normes phytosanitaires.

La libéralisation du sous-secteur intrant est source d'effets pervers qui contribuent à la détérioration du système de distribution, entraînant une hausse des coûts des intrants, un manque de professionnalisme des distributeurs et finalement une baisse de la qualité des intrants importés. L'ouverture de la filière au secteur privé a permis l'entrée sur le marché des opérateurs n'ayant pour toute qualification que leur affinité politique. La politique ne semble pas rester également, au niveau de ce sous-secteur, en marge de ces divergences.

Les acteurs ADIAB n'étant pas reconnus par la CAGIA, ni la CSPR, le recouvrement de leurs crédits intrants pose de véritables problèmes. De même, les distributeurs du GPDIA craignent de livrer des intrants aux producteurs hors du crédit FUPRO du fait des difficultés de recouvrement.

> Problématique des intrants et recouvrement du crédit intrants

La mise en place des intrants est réalisée par les distributeurs privés séLECtionnés au titre de la campagne, par la CAGIA. Cette opération se déroule à crédit à partir du mois de février dans les GV auxquels incombe le rendement du crédit durant la commercialisation.

Le mécanisme prévoit d'une part, la sécurisation de ce crédit aux producteurs et d'autre part, son remboursement par ces derniers au profit des Importateurs et Distributeurs d'Intrants. Mais, la récupération des crédits auprès des producteurs posent des problèmes : les quantités mises en place dans les GV étant, le plus souvent en inadéquation avec leurs besoins réels. Selon le SOP de la région « les paysans déclarent de grandes superficies et reçoivent les intrants en conséquence, mais dans la réalité, ils ne respectent pas les superficies déclarées ». Cette situation est due au fait que les paysans utilisent une partie de l'engrais pour d'autres cultures.

Le détournement de l'engrais constitue alors une stratégie développée par les producteurs pour faire face au manque d'appui aux vivriers. Cette stratégie que développent les producteurs ne permet pas au mécanisme de recouvrer à 100% les crédits intrants, les capacités de remboursements des groupements étant en-déça des valeurs des intrants mis en place. Alors que les crédits consentis aux distributeurs d'intrants par les banques sont dénoués

à 100% par la CSPR, au plus tard à la fin du mois de décembre, donc avant le démarrage effectif de la commercialisation

Tableau 5: Evolution des chiffres relatifs aux crédits intrants et aux taux de recouvrement

Campagne

Crédits intrants

Montant récupéré

Taux recouvrement

00-01

20.628.839.000

20.297.254.385

98,39%

01-02

25.950.807.550

25.452.021.241

98,08%

02-03

27.541.549.855

24.966.792.530

90,65%

Source : CSPR, enquête (2004)

Ce tableau montre que la récupération des crédits intrants se solde de plus en plus par des impayés, non prévus dans le mécanisme de recouvrement. Les gaps de ces crédits sont supportés par la centrale et ceci entraîne les retards dans le paiement des fonds-coton aux producteurs. Les taux de recouvrement ne cessent de baisser d'une campagne à l'autre, fragilisant ainsi les équilibres financiers du mécanisme.

Dans ce contexte, où les impayés se multiplient, les distributeurs d'intrants ne perdent aucune partie, leur créance leur étant versée en totalité par la CSPR, même avant la commercialisation. Par contre, les victimes les plus affectées par ces irrégularités sont les paysans, avec les retards des fonds coton.

5.2.3.6 Organisation institutionnelle du secteur cotonnier: perception des parties prenantes

Dans cette partie, nous analyserons la perception de chaque acteur sur les liens institutionnels au niveau de la filière. Ainsi, nous pourrons évaluer le degré de connaissance de la structuration de la filière au niveau de chaque acteur et les interrelations entre les parties.

Flux de produits ou de paquet technologique

> Perception paysanne

AIC

CAGIA

RECHERCHE

FUPRO

CSPR

BANQUES

EGRENEURS

IDI

Flux financier

Source : discussion de groupe, N'Dali le 20/08/04

Figure 6: «Diagramme participatif» réalisé par les producteurs du réseau FUPRO

Le réseau FUPRO reste en relation avec diverses autres structures / institutions (Fig 6). L'AIC

Photo1 Réalisation d'un «diagramme participatif» au cours
d'une discussion de groupe avec les paysans du réseau FUPRO

vient en appui aux initiatives de la FUPRO. De même, la recherche identifie les besoins en technologies au niveau des producteurs et les soumet à l'AIC pour financement. Les résultats de la recherche sont restitués à l'AIC qui implique ses techniciens (TS/ AIC), dans la diffusion en milieu rural. La relation directe entre la recherche et le paysannat intervient au cours de l'identification des besoins en technologies et pendant la conduite de la recherche. Certaines innovations sont expérimentées aussi bien en station qu'en milieu réel (cas de la Lutte Etagée Ciblée).

La CAGIA intervient dans le système pour sélectionner les distributeurs d'intrants et organiser la formation des producteurs sur l'utilisation des intrants agricoles. Il faudrait signaler que le rôle clé de la CAGIA dans les interrelations avec le paysannat, n'a pas fait

l'unanimité des membres du groupe au cours de la conception du diagramme. Ce désaccord pourrait être compris d'une part, comme l'absence directe de relation entre la CAGIA et les producteurs et d'autre part, comme l'effet de déception qu'ont connu les producteurs quant à l'efficacité des produits chimiques mises en pace dans les GV. Pour certains producteurs, « si la CAGIA est une bonne chose, les producteurs n'auraient pas les problèmes qu'ils ont aujourd'hui avec les produits », ceci pour témoigner de tout leur mécontentement par rapport à la gestion de ce sous-secteur intrant.

Une autre faiblesse de la CAGIA réside dans le fait que sa fonction de formation des producteurs sur les intrants est reléguée au second rang. Cette tâche est prise en mains directement par les distributeurs d'intrants, c'est d'ailleurs la relation qui relie les fournisseurs à la FUPRO.

La CSPR reste le «carrefour» entre les producteurs, les distributeurs d'intrants et les égreneurs. En effet, la CSPR s'approvisionne en coton au niveau des producteurs et le livre aux égreneurs contre un acompte de 40% dont une partie est utilisée pour payer les distributeurs d'intrants. La relation CSPR-producteurs reste assez forte parce que, pour plusieurs producteurs « l'argent du coton dépend de la CSPR », ceci en raison du contrat monétaire entre les deux parties.

Au cours de cette étude, nous nous sommes rendus compte que, parmi les différentes institutions qui interviennent au niveau de la filière, la CSPR est la structure que les producteurs connaissent le mieux et pour beaucoup (65% de notre échantillon), les difficultés rencontrées par les acteurs sont dues à l'inefficacité de la centrale.

La FECECAM (banque locale), à travers les caisses locales, intervient dans la filière pour garantir les crédits de campagne aux producteurs. Mais au niveau du paysannat, le manque de suivi et la mauvaise gestion n'ont pas permis aux producteurs d'évaluer l'utilité de ces crédits. Ils révèlent souvent que « les crédits CLCAM tuent les producteurs». Le système solidaire en vigueur dans ces groupements fait que les producteurs qui utilisent correctement ces crédits se sentent défavorisés par rapport aux producteurs indélicats qui «tombent en impayés».

L'organisation de la filière, selon la perception des paysans des réseaux FENAPRA et AGROP, est assez simplifiée (Fig 7) parce que les nombreuses structures qui se greffent à la filière sont la cause de sa désorganisation, et elles ne « sont que des figurations ». Ces réseaux se sont débarrassés de ces diverses institutions qui entrent dans la gestion du réseau FUPRO pour se retrouver avec ce schéma simplifié. Pour ces divers acteurs des réseaux parallèles, plus il y a d'intermédiaires dans le système, plus le partage est réduit.

a-

Fournisseur

d'intrants S di

Flux de produits ou de paquet technologique Flux financier

FENAPRA

GP-

b-

MCI
(égreneur)

CAGIA CSPR

AGROP

MCI

MCI (fournis-
intrants

AIC

Source : discussion de groupe, N'Dali le 20/10/04

Figure 7: «Diagramme participatif'' des interrelations au niveau de la filière réalisé par les producteurs des
réseaux FENAPRA (
a) et AGROP (b)

Au niveau de la FENAPRA, les responsables entrent directement en contact avec les fournisseurs pour avoir les intrants et ils convoient toute leur production vers la compagnie d'égrenage de la SODICOT (Fig 7-a), pendant que le réseau AGROP prend ces intrants et livre sa production à la compagnie MCI (Fig 7-b).

Dans ces deux systèmes, les mécanismes de recouvrement sont autogérés par ces acteurs. Les distributeurs d'intrants et égreneurs retrouvés dans ces réseaux sont ceux qui sont sortis du mécanisme mis en place par l'Interprofession. Ces réseaux regroupent donc les divers acteurs qui ne retrouvent pas leurs intérêts dans le système mis en place par l'AIC.

Dans ce nouveau cadre institutionnel, ces acteurs (égreneurs, distributeurs «dissidents» et responsables des mouvements parallèles) parviennent à satisfaire les «attentes» que ne garantissait pas le système de l'Interprofession. L'intervention de l'AIC/CSPR dans «leurs réseaux» est perçue comme une menace des intérêts en jeu, menace parce que l'AIC exigerait d'une part, les fonctions critiques qui sont devenues des «intérêts d'un petit groupe» et d'autre part, le passage par le canal de la CSPR et de la CAGIA, ce qui n'arrange plus les distributeurs et les égreneurs. Ainsi les intérêts visés par les différentes parties s'échapperaient avec l'implication de l'Interprofession qui est devenue un potentiel adversaire.

Encart 8 : Extrait de la lettre adressée au présidium par les représentants des réseaux FENAPRA et AGROPBénin à la fin des états généraux de juillet 2004 à Parakou4;

Compte tenu des constats faits lors des différents ateliers, nous, producteurs des réseaux précités, rejetons fermement la responsabilité de la CSPR, AIC et CAGIA, dans la gestion de notre coton graine et ceci jusqu'à nouvel ordre; car nous ne voulons pas de casses, du désordre et de la mafia dans la gestion de ce coton.

Cet extrait ne manque pas de renseigner sur la situation de conflit d'intérêts qui subsiste au niveau de la filière. Mais est-ce vraiment les intérêts de simples producteurs qui sont en jeu ici ? Derrière ces déclarations, n'y a t-il pas plusieurs autres acteurs du réseau ?

La dynamique institutionnelle dans le réseau FUPRO ou dans les réseaux parallèles, n'améliore pas autrement le revenu des producteurs. Par rapport à ce contrat, le réseau FUPRO, avec un grand nombre d'acteurs (CAGIA, CSPR, AIC, ...) présente l'avantage d'offrir d'emplois à plusieurs groupes. Ainsi, le partage « du gâteau de coton » se fait entre plusieurs acteurs alors qu'au niveau des réseaux parallèles, les bénéfices du coton sont partagés entre un petit groupe d'acteurs (égreneurs, distributeurs d'intrants, responsables des

mouvements paysans,...), écartant ainsi les producteurs. > Perception et linkage de la recherche

La recherche reste en relation avec diverses institutions de la filière (Fig 6). Elle recommande à la CAGIA, après expérimentation, les produits à mettre en place par les distributeurs. Avant cette phase, la recherche conduit les protocoles des firmes, sur les matières actives identifiées. Après l'expérimentation, la DIFOV, à travers les CARDER, prend la relève pour la vulgarisation de la technologie identifiée par la recherche. De plus en plus, la limite du partenariat entre la recherche et la DIFOV n'est plus nette. Les fonctions de l'un chevauchent sur celles de l'autre.

4 Lettre co-signée par Madougou (FENAPRA) et Amidou (AGROP)

SDI

AIC

FUPRO

CAGIA

Recherche

Firmes
phytosanitaires

DIFOV

Egreneur

Carder

Flux de produits ou de paquet technologique

Flux financier Source : discussion de groupe, N'Dali le 25/10/04

Figure 8: «Diagramme participatif'' des interrelations au niveau de la filière réalisé par la recherche

La recherche entretient aussi des relations avec les distributeurs nationaux et un intérêt particulier est reconnu à la SDI (compagnie de distribution des intrants) pour plusieurs causes. La SDI a une importance économique qui fait dire « on ne peut pas faire le coton au Bénin sans Talon ! ». Cette force économique la place au-dessus de plusieurs acteurs, mais malgré cette importance, elle est restée dans le système de l'Interprofessionnel. Au niveau de la recherche, la SDI finance certains projets de protection phytosanitaire. Ce privilège accordé à cette société peut provenir des diverses relations qu'elle a tissées avec la recherche. Depuis la libéralisation où le désengagement de l'Etat a posé une lacune, la recherche est menée en partenariat avec des structures nationales (dont la SDI) et internationales qui prennent en charge le financement. Ce partenariat renforce les relations entre ces institutions. Ce sous- secteur collabore aussi avec des égreneurs pour l'identification des variétés qui améliorent les produits d'égrenage.

Les différents responsables rencontrés dans le domaine de la recherche ont reconnu que la filière fait face à plusieurs difficultés. Sur le plan international, les gros producteurs (Chine, les Etats-Unis d'Amérique et l'Union Européenne) causent de nombreuses pertes aux producteurs du sud en subventionnant leur production. Au plan national, la difficulté majeure est la création récente d'organisations professionnelles qui mènent leurs activités en dehors du cadre réglementaire ; ce qui perturbe le caractère «de filière intégrée' 'et entraîne des manques à gagner à l'Etat. Ces difficultés restent liées au rôle ambigu de l'Etat qui n'a pas défini

clairement avec l'Interprofession le protocole d'accord devant conduire à un cadre réglementaire au niveau du secteur (Djihinto, CRA-CF comm. pers).

La politique n'est pas restée en marge des difficultés que rencontre la filière ; elle utilise les failles de l'Etat (profite de l'absence de l'accord cadre) pour inciter la désorganisation de la filière en raison des divers intérêts en jeu.

5.2.7.3 Catégorisation des acteurs

Suivant la distinction des acteurs d'un système, telle effectuée par Jiggins et al (2003), nous distinguerons trois catégories d'acteurs regroupés dans le tableau 6.

Tableau 6 : Répartition des acteurs des différents réseaux selon les perceptions

Paramètres

Perception FUPRO

Perception FENAPRA

Perception AGROP

Acteurs de
premier ordre

AIC- CSPR- CAGIA

Egreneurs,
distributeurs d'intrants
agricoles

Egreneurs,
distributeurs d'intrants
agricoles (MCI)

Acteurs du
second ordre

Producteurs, Egreneurs,
distributeurs d'intrants
agricoles

Producteurs

Producteurs

Acteurs
intermédiaires

Source : Enquête, N'Dali (2004)

L'AIC, la CSPR et la CAGIA sont regroupées comme acteurs primaires au niveau du système FUPRO, parce que chargées d'initier les activités ou de définir les itinéraires à suivre au niveau du mécanisme mis en place. En dehors de l'Etat, ce sont les institutions qui ont en charge la gestion de la filière coton au Bénin. ils prennent des décisions pour la conduite du secteur. Dans les réseaux dissidents où ces institutions sont exclues, ce sont les distributeurs et les égreneurs qui ont ce pouvoir. Mais notons qu'ici, il ne s'agit pas d'un pouvoir formel mais c'est en complicité avec les responsables de ces organisations paysannes que ces acteurs secondaires (du système FUPRO) ont pu se positionner comme primaires.

Dans les réseaux parallèles où il n'existe plus l'autorité de l'Interprofession, n'est-il pas possible aux producteurs de se positionner en acteurs primaires où ils pourront s'imposer aux autres acteurs du système ? Cette éventualité n'est pas envisageable a priori parce que les égreneurs et les distributeurs d'intrants ont une force économique qui fait que les producteurs se placent dans une position de dépendance. D'abord pour la production, ils ont besoin

d'intrants que les distributeurs leur livrent à crédit parce qu'ils n'ont pas souvent la capacité de les prendre au cash. Ce contrat de crédit entre les deux parties, placent les producteurs dans une situation de dépendance vis à vis des fournisseurs.

Dans la classe des acteurs intermédiaires, nous retrouvons, dans le réseau FUPRO, aussi les égreneurs et les distributeurs d'intrants. Dans cette catégorie, il y a des acteurs qui soutiennent les itinéraires définis par l'Interprofession parce qu'ils retrouvent un avantage dans le mécanisme. Par contre, ceux qui ne retrouvent plus leurs intérêts en jeu s'opposent à ces mécanismes et se sont reconvertis dans les systèmes dissidents en se positionnant dans la classe du premier ordre, tel le cas de MCI, CSI, Fruitex,...

Les producteurs, en fonction de leur limite (capacité financière), se retrouvent dans la basse couche parce que n'ayant pas une autonomie dans le système. Que deviendrait le système quand les producteurs auront une force de négociation où ils seront considérés comme de vrais partenaires ?

Même si les réseaux parallèles, ont réussi à briser la charpente institutionnelle imposée par l'Interprofession, ils se trouvent parfois contraints à retourner dans le système formel. C'est le cas, cette année avec les producteurs FENAPRA, qui, par manque d'intrants agricoles, ont été obligés d'être approvisionnés par la SDI, une compagnie du système formel. A la commercialisation, c'est le distributeur qui leur imposerait le circuit dans lequel ils doivent vendre leur coton. Tout le jeu semble ainsi être joué par les distributeurs d'intrants qui détiennent la «force» du système. Les producteurs restent les maillons faibles parce qu'ils disposent d'un faible contrôle du secteur intrant.

5.2.3.8 Performance du système de financement du secteur cotonnier

Jusqu'à la levée du monopole de l'Etat, les activités de production et la commercialisation du coton étaient financées par trois principales sources :

- Prêts aux distributeurs d'intrants pour leur permettre d'importer les intrants, dont la SONAPRA garantissait le recouvrement aux banques ayant consenti les prêts, grâce à son monopole sur le coton graine.

- Prêts aux compagnies d'égrenage pour leur approvisionnement en coton graine auprès de la SONAPRA. Dans certains cas, ces compagnies peuvent recevoir du coton à crédit et rembourser la SONAPRA après la vente des fibres.

- Crédits de campagne pris par la SONAPRA auprès des banques pour assurer le paiement des producteurs, après déduction des coûts des intrants.

Ces différents éléments du système de financement du secteur qui reposaient sur la situation de monopole de la SONAPRA se sont avérés assez performants pour la sécurisation du crédit intrant. En effet, les crédits de campagne de la SONAPRA ne comportaient aucun risque parce que, d'une part, ils étaient accordés sur la base de la production nationale et d'autre part, en l'absence d'autres acheteurs, la société cotonnière n'avait pas à craindre de concurrence au niveau de l'approvisionnement en coton graine.

Le mécanisme de recouvrement des intrants était alors assez efficace non seulement à cause du monopole de la SONAPRA mais aussi parce que les acteurs engagés dans la filière étaient peu nombreux. Mais cette performance du système n'était pas sans effets pervers, très coûteux.

Le fait que la SONAPRA garantisse entièrement le crédit aux distributeurs d'intrants a non seulement peu incité ces acteurs à mieux gérer leurs ressources, mais a aussi encouragé l'entrée sur le marché d'intrants, d'acteurs peu qualifiés sous protection politique. A cause de cette situation, le système de distribution d'intrants s'est détérioré avec des pertes financières répétées au niveau de la SONAPRA.

Au niveau des compagnies d'égrenage privées, la livraison entièrement à crédit, du coton graine a entraîné non seulement des retards considérables dans le paiement des producteurs mais aussi des «manques à gagner» fréquents pour la SONAPRA.

Tout le système se retrouve ainsi dans l'impasse, coincé entre les dettes au niveau de la société cotonnière et les intérêts des acteurs en place (égreneurs, distributeurs d'intrants et responsables des sociétés publiques).

5.2.3.9 Performance de la dynamique institutionnelle de la filière

Le secteur cotonnier béninois a connu de nombreuses réorganisations conduisant aujourd'hui à sa libéralisation.

Dans un premier temps, l'élément marquant de la dynamique institutionnelle a été l'organisation de la filière sous une forme intégrée de l'amont à l'aval autour de sociétés d'Etat. Cette organisation a permis de sécuriser l'environnement socio-économique des producteurs en matière d'approvisionnement à crédit et de commercialisation du coton graine. Ainsi, l'obstacle de l'accès au crédit a été surmonté pour les petits prêts, à court terme pour l'achat d'intrants, dans le cadre d'une caution solidaire de groupes de producteurs et de la sécurisation du remboursement lors de l'achat du coton graine. De même, les itinéraires techniques cotonniers ont été mis à disposition de la vulgarisation grâce à la collaboration entre les sociétés agro-industrielles cotonnières et la recherche ; Malheureusement ces appuis

se sont très vites essoufflés, comme le note aussi Dévèze (2004) faute de financement sécurisé et d'une étroite association à l'innovation des producteurs.

Face à ces divers obstacles, de nouvelles orientations ont été prises dans le secteur. En cas de réussite, ces réformes entreprises dans le cadre de sa libéralisation, renforceront la compétitivité de la production nationale sur les marchés internationaux et permettront au pays de bénéficier de l'augmentation probable de la demande mondiale du coton. Cette augmentation de la productivité et de la compétitivité devrait se traduire par des revenus plus élevés dans le secteur. Ainsi, plus de transparence et d'efficacité dans la gestion de la filière entraînerait à coup sûr une meilleure redistribution des revenus, non seulement dans le secteur coton mais aussi dans les autres secteurs productifs tant dans le monde agricole qu'ailleurs.

Si à ces débuts, la réforme était avant tout, une réaction à une crise majeure dans la filière, elle a dépassé ce stade et l'on assiste aujourd'hui dans le secteur, à une profonde crise de confiance entre les acteurs. Certains distributeurs d'intrants n'acceptent plus les règles et procédures d'agrément et mettent en place des intrants hors système. Dans le même temps, certains égreneurs achètent du coton graine soit auprès des OP qui se sont retirées de l'Interprofession. En clair, comme le fait remarqué Berkani (2002), le système se retrouve dérouté de sa ligne de départ et asphyxie tous les acteurs. Certains groupes jugent ainsi que les autres ne leur donnent pas leur part d'intérêts qu'ils méritent, et ils s'en approprient alors en dehors du système reconnu par l'Interprofession, fragilisant ainsi le mécanisme.

Le clivage des groupes qui débouche aujourd'hui sur la désorganisation du secteur ne serait survenu si l'Etat jouait le rôle qui lui a été confié dans le cadre de ces réformes. L'environnement peu spécifié dans lequel a été conduite cette libéralisation, a entretenu tous les débordements observés actuellement dans la filière.

5.2.3.10 Les enjeux autour de la privatisation de la SONAPRA

Le projet de privatisation de la SONAPRA a en effet été annoncé par le gouvernement, dans le cadre de la restructuration du secteur coton depuis 2000. Mais, c'est seulement en Juin 2003 qu'un appel d'offres a été lancé pour sélectionner les adjudicataires. Or, cet appel d'offres a vite été interrompu puis annulé par le gouvernement parce qu'étant perçu comme peu transparent et trop avantageux pour certains opérateurs au détriment d'autres. Après révision de la procédure de privatisation des outils industriels de la SONAPRA, l'appel à la manifestation d'intérêt lancé par le Ministère du Plan, de la Prospective et du Développement (MCPPD) prévoit la cession des usines en quatre lots d'actifs distincts.

En réalité, de nombreuses compagnies reconnues être des débiteurs de la SONAPRA, enregistrées comme soumissionnaires aux appels d'offres ont été écartées du marché par la commission de dénationalisation. Face à cet acte, la commission aurait été dépossédée du dossier par des responsables politiques au profit d'une commission interministérielle. On pourrait percevoir une volonté de ces responsables de faire racheter des débiteurs dans le groupe des soumissionnaires. C'est à dire que tout semble avoir été fait, avec la bénédiction de hauts responsables, pour permettre à certains soumissionnaires débiteurs de se tirer d'affaire et de se retrouver parmi les adjudicataires. Mais quel peut bien être les intérêts qui soutendent la volonté politique qui veut toujours faire racheter les débiteurs de la société ? est-ce pour des buts politiques ou mieux des intérêts économiques ?

Au bout de nombreuses tractations, la commission a pu identifier quatre soumissionnaires (Sci de Kagnassy pour le lot 1, Promodec de Talon pour le lot 2, de Jbi-Sa filiale d'un groupe Suisse pour le lot 3 et enfin Cdi de Christopher pour le lot 4). On pourrait se croire au bout du tunnel puisque la situation des appels d'offres a été finalement décantée au niveau des soumissionnaires si l'affaire Jbi-Sa n'avait pas resurgi. Alors que cette société a été retenue sur la dernière liste des commissionnaires, ses difficultés ont commencé lorsque la banque qui devrait lui servir de caution n'a pu honorer ses engagements dans les délais prescrits par la commission de dénationalisation. Désormais dans l'impasse, ce soumissionnaire ne pouvait plus rien faire d'autre que de recourir aux grands moyens. La commission était face à cette situation quand lui parvient la lettre du gouvernement qui demandait un moratoire de 20 jours à Jbi-Sa. Mais pourquoi cette faveur spéciale à Jbi-Sa ?

L'intervention du gouvernement aurait été surtout décidée par la présence dans l'ombre de Jbi-Sa de l'un de ses proches, un homme d'affaire que l'on cite parmi les gros débiteurs de la SONAPRA (Tossou, 2004). Cette notification devrait amener la commission de dénationalisation à violer ses propres textes, donnant ainsi des prétextes de nouvelles revendications aux soumissionnaires qui avaient déjà été définitivement écartés. La forte implication des politiciens témoigne des multiples enjeux du secteur coton.

Mais la commission vient de passer outre cette instruction du gouvernement parce que voulant respecter scrupuleusement les dispositions du règlement d'appel d'offres. Elle a jugé scandaleux et plein de risques pour l'Etat, le « piétinement » jusqu'à un tel point des « règles établies ». La commission a dû notifier la défaillance de la Jbi-Sa et a fait appel au commissionnaire immédiat du lot 3. Ainsi la société Sofidec de Tankpinou vient d'être repêchée et devrait faire partie désormais des soumissionnaires définitivement retenus dans le cadre de la privatisation de la SONAPRA.

Reste à voir si cette compagnie ne serait pas confrontée aux mêmes difficultés que JbiSa quant à la caution bancaire et aussi quelle pourrait être la réaction du gouvernement dont les instructions en faveur du Jbi-Sa ont été passées outre.

6. EFFETS DE LA LIBERALISATION SUR LE SYSTEME DE PRODUCTION

Les réformes actuelles ont engendré des mutations dans le secteur cotonnier. Nous avons évalué dans ce chapitre l'impact de ces réformes sur les acteurs et aussi le niveau d'avancement qu'à connu le secteur par rapport au système centralisé avec l'Etat au centre de toutes les activités.

6.1 La libéralisation du secteur cotonnier : la solution attendue ou une impasse pour les acteurs du secteur ?

Il a été tout à fait normal de revoir les mécanismes d'intervention étatiques autrefois en vigueur dans le secteur cotonnier, mécanismes qui donnent un monopole à la SONAPRA, eu égard au manque d'efficience, d'effectivité et d'équité. La nécessaire restructuration du secteur pourrait cependant prendre différentes formes qui vont de la privatisation totale à la restructuration des offices publics de commercialisation, sans remise en cause des principes de base de « l'approche filière ». De nombreuses études (Ton, 2001 ; Dévèze, 2004) ont montré que cette approche a joué un rôle décisif dans le développement rural, en Afrique de l'Ouest.

Face au bilan déficitaire du secteur coton au cours des années 80, les organisations de producteurs et le secteur privé ont été jugés capables d'assurer la coordination et l'exécution des activités et d'augmenter ainsi les bénéfices des producteurs. Mais de tels changements dans l'organisation du secteur ne garantissent pas que les producteurs puissent obtenir une juste part des revenus et profits du secteur.

La libéralisation a favorisé l'implication de plus en plus, des producteurs dans des aspects pratiques des activités du secteur. Mais, leur participation aux décisions, au suivi, au contrôle, à la fixation des prix reste encore très limitée (Ton, 2001). Jusqu'à présent, les organisations paysannes ont eu une petite place au sein des débats concernant l'avenir du secteur : elles ont été toujours considérées comme des « receveuses de politiques »1plutôt que de véritables partenaires.

Avec l'entrée des nouveaux acteurs privés, il paraît maintenant plus difficile de coordonner les diverses activités du secteur. Le marché du coton graine n'est plus transparent qu'hier et des problèmes de planification apparaissent tout au long de la chaîne de production. Cette restructuration institutionnelle a plus que jamais dessoudé les relations entre différents

1 Nous empruntons cette expression à Oloulotan (2001)

groupes d'acteurs en créant au sein de chaque groupe, des catégories de « mécontents ». Ces diverses catégories ont utilisé la faille ou les marges de manoeuvre du réseau original pour mettre en place des circuits dissidents pour servir leurs intérêts. Ainsi, au niveau de la filière, chaque acteur essaie de « tirer le drap de son côté » compte tenu du fait que les intérêts en jeu sont importants.

Cette libéralisation qui devrait permettre à l'Etat, de faire des gains de devises, n'a pas su diminuer l'appétit des différents acteurs, tant au niveau de l'Etat, qu'au niveau des groupes professionnels, à utiliser les revenus du secteur à d'autres fins. Si l'ouverture de la filière, avec l'éclatement du monopole de l'Etat, a permis de créer d'emplois pour plusieurs autres acteurs ( des postes dans les nouvelles institutions mises en place, dans les compagnies privées), elle n'a pas manqué de faire perdre aussi de nombreux intérêts à l'Etat. Les revenus que généraient ces compagnies autrefois à l'Etat se limitent aujourd'hui seulement aux taxes et impôts qu'il doit prélever maintenant au niveau de ces compagnies. Mais vu le fait que la politique s'en est mêlée et les responsables de certaines compagnies privées sont sous protection politique, donc pouvant se passer de payer ces impôts à l'Etat, il n'est pas évident que la situation économique du secteur soit meilleure à celle d'avant libéralisation. Au mieux, cette situation pourrait arranger un petit groupe d'acteurs au détriment de la grande masse des producteurs qui doivent faire face à des coûts de production, sans cesse croissants, amenuisant ainsi leur revenu.

En général, la politique de libéralisation du secteur semble ne pas encore lever le goulot d'étranglement au niveau de la filière. Elle ne reste pas non plus sans impacts sur les divers compartiments de la filière. Examinons alors les mutations engendrées par les réformes sur les différents sous-secteurs de la filière.

6.2 Recherche cotonnière

Avant l'entrée en jeu des nouveaux acteurs privés, la recherche cotonnière était supportée par l'Etat à travers la SONAPRA. A côté de cette source, la recherche est aussi financée, pour une bonne part, par des institutions étrangères (cas du CIRAD, partenaire Français). Mais ce processus de libéralisation, avec le désengagement de l'Etat du secteur cotonnier, n'a pas su définir, au niveau national, la structure qui devrait prendre en charge le financement de la recherche cotonnière. Dans ce climat d'incertitude qu'a laissé apparaître la réforme institutionnelle amorcée après 1995, l'AIC s'est trouvée contrainte de greffer cette charge sur son compte. La recherche est alors supportée par les producteurs et les égreneurs à

travers les fonctions critiques. Mais pour combien de temps l'AIC va t-elle continuer à supporter la recherche ? Surtout que de plus en plus, les dissidences au niveau des groupes professionnels ne permettent plus à l'Interprofession de récupérer entièrement les fonctions critiques chez tous les acteurs. Dans ce cas, la recherche serait-elle seulement orientée vers les groupes qui continuent de verser les fonctions critiques à l'Interprofession ?

Avant la mise en place des réformes enclenchées dans le secteur cotonnier, la recherche a souvent en vue, les pôles d'intérêts des organismes de commercialisation (SONAPRA), et non ceux des producteurs (Goreux et Macrae, 2003). Ainsi, la sélection des variétés du coton aurait surtout été concentrée sur l'amélioration des produits de l'égrenage et des caractéristiques du coton brut, plutôt que sur les résultats au niveau du champ. Mais avec la réforme actuelle où les producteurs participent aussi au financement de la recherche, à travers les fonctions critiques, elle se doit de satisfaire aussi les exigences de ces catégories. Il s'agit d'identifier des variétés d'une part, avec de bonnes performances à l'égrenage (longue fibre, taux d'égrenage élevé) pour satisfaire les attentes des égreneurs et d'autre part à haut rendement et résistantes aux attaques parasitaires, ce qu'exigent les producteurs. La recherche se trouve partagée entre les exigences de ces deux groupes d'acteurs.

La nouvelle variété introduite depuis 2002, la H.289.1 qui a remplacé la STAM-1 8-A, semble ne pas prendre entièrement en compte, les intérêts de chacune des deux parties. Elle ne donne pas des fibres aussi longues que l'auraient voulu les égreneurs mais par contre, elle a un bon rendement au champ, mais plus sensible aux attaques. En attendant la mise au point de la variété qui satisferait toutes les attentes, on ne peut que saluer les efforts consentis par la recherche.

Les objectifs de la recherche varient suivant les intérêts des bailleurs. Si les distributeurs d'intrants participent au financement de la recherche, elle pourrait alors s'orienter vers les intérêts de ceux-ci : favoriser l'écoulement de leurs produits quels que soient leur qualité et leur prix, alors que les producteurs auraient davantage besoin de techniques agricoles utilisant peu ou pas d'intrants chimiques. Dans tous les cas, la recherche se doit de faire face à des intérêts divergents et pour la maintenir dans une position objective, avec le souci d'améliorer la production et la situation économique des producteurs, elle devrait avoir des fonds garantis ou elle serait appuyée par des structures neutres.

6.3 Vulgarisation agricole

La vulgarisation a été identifiée comme l'un des instruments de promotion du développement agricole. Elle est chargée de mettre les technologies développées par la recherche à la disposition des paysans pour favoriser un changement technologique nécessaire à une amélioration de leurs conditions de production et de vie. Au Bénin, la vulgarisation a été très tôt l'oeuvre exclusive des services publics. Ainsi, les CARDER étaient fortement impliqués dans la filière coton jusqu'au début des années 90. Ils assuraient la formation des producteurs, la vulgarisation des technologies agricoles et le suivi-évaluation.

Mais le gel de recrutement d'encadreurs et d'agents de vulgarisation compétents, suite au désengagement progressif de l'Etat et à la restructuration des services agricoles, a amené une diminution de l'effectif des agents des CARDER (Vodouhè et Tovignan, 2003). Dès lors, les Carder n'arrivent plus à effectuer un encadrement agricole proprement dit, c'est-à-dire en qualité et en quantité. Le nombre de producteurs par agents est devenu très élevé, ce qui limite leur efficacité sur le terrain. Actuellement, seulement les techniciens recrutés par l'AIC s'improvisent «vulgarisateurs» dans le secteur agricole; ce qui fait que, d'abord, vu l'effectif insuffisant et la qualification inadéquate des agents, le producteur se trouve obligé de se

débrouiller tout seul.

Avec la professionnalisation de la vulgarisation où, les services techniques recrutent eux même les agents chargés de faire la promotion de leurs prestations, toutes sortes de messages passent facilement dans le système agricole. La Société de Distribution Intercontinentale (SDI), dans sa volonté d'être plus présente dans le secteur des intrants et sans doute, dans sa stratégie de se positionner comme un acteur incontournable, a signé avec le ministère de l'agriculture un contrat l'autorisant à intervenir dans l'encadrement des producteurs. Cet encadrement de proximité porte sur l'amélioration des conditions d'utilisation des intrants agricoles par les producteurs. A cet effet, la société recrute des agents appelés Agents Polyvalents de Vulgarisation SDI (APV-SDI) qui interviennent au niveau de toutes les cultures en générales et celle du coton en particulier. Cette assistance pourrait être plus à but commercial qu'à caractère éducatif.

Le secteur cotonnier a besoin d'agents de vulgarisation qualifiés du fait de ses nombreuses exigences : la production cotonnière demande des semences spécifiques à chaque campagne de même que les intrants chimiques. Il faut alors un personnel d'encadrement spécialisé pour orienter les producteurs suivant les itinéraires indiqués.

6.4 La stabilisation et le soutien des prix de coton

Né dans le cadre de la libéralisation de la filière coton dont il a été la cheville ouvrière, l'Office National de Stabilisation et de Soutien provient de l'ancienne Direction de la Caisse de Stabilisation de la SONAPRA, elle-même héritière de l'ex-Fonds Autonome de Stabilisation (FAS).

Les mesures de réorganisation financière ont conduit au retrait de la fonction de stabilisation et de soutien à la SONAPRA et à son transfert à une structure qu'est l'ONS. Cet office a à charge :

- De garantir l'équilibre financier de la filière coton pour en assurer la pérennité.

- D'assurer et de gérer les ressources provenant des surplus dégagés par la filière en veillant à leur sécurité, à leur disponibilité et à leurs rendements.

- De contracter et de rembourser les emprunts nécessaires au soutien du prix de revient plancher de la fibre de coton.

Le marché mondial des produits agricoles est dominé par quelques grands producteurs qui sont, le plus souvent les gros consommateurs de ces produits. Afin de protéger les producteurs locaux contre les très grandes variations du prix d'achat du coton graine, il est donc nécessaire d'envisager un mécanisme qui d'une part, protège ou soutient les prix d'achat des produits agricoles et par conséquent le revenu des producteurs contre les caprices du marché international et d'autre part, évite que la SONAPRA enregistre des pertes qui risquent de mettre en péril l'avenir de la filière.

Dans le cadre de la restructuration de la filière, une étude de la Banque Mondiale conduite par Wadell, étude qui sert aujourd'hui de socle au fonctionnement de la filière, a montré que le stock des fonds de stabilisation et de soutien pourrait être limité à 10 milliards de francs CFA. Selon cette étude, le soutien apporté aux producteurs à travers les plus-values pourrait être greffé directement sur le prix d'achat du coton aux producteurs.

Les fonds de stabilisation ont été constitués seulement par la SONAPRA à la suite des marges dégagées du placement de la fibre sur le marché international. Les usines privées n'ont pas accepté participer à la constitution de ces fonds. Aujourd'hui, seule la SONAPRA bénéficie encore d'un appui de l'Office en début de campagne et aucun soutien n'est apporté aux producteurs, comme le soutien est intégré déjà aux prix d'achat du coton graine.

L'objectif de cette étude de Wadell était de faire bénéficier tous les paysans, des fruits de la production. En réalité, dans les zones de production, les plus-values dégagées de la commercialisation du coton sont utilisées pour les fonctionnements des mouvements paysans et pour les réalisations socio-communautaires (construction d'école, de centres médicaux,).

Ces fonds participent plus au développement de la localité qu'à un quelconque développement individuel des producteurs.

Actuellement, les attributions de l'office font l'objet de vives contestations avec l'Interprofession. Cette dernière réclame les fonctions de soutien assurées par l'office. Pour certains, la gestion des fonds de stabilisation constitués par la SONAPRA serait en vue au niveau de l'Interprofession. Alors que ces fonds sont détenus par la SONAPRA qui les exploite à chaque campagne pour engager la commercialisation et verser les intérêts à l'office.

6.5 La libéralisation de la filière et le transfert de pouvoir aux mouvements paysans

Avec le projet de libéralisation du secteur cotonnier, l'Etat s'est engagé à transférer un certain nombre de ces fonctions aux organisations paysannes, dont les activités de production et de commercialisation. Mais le transfert de pouvoir aux producteurs a t-il changé leur position de «subordonné» dans le système coton ?

6.5.1 Les producteurs et la fixation du prix du coton graine

Le prix du coton est généralement fixé, à l'ouverture de la campagne de commercialisation, par des comités nationaux formés de représentants du gouvernement, de l'organisme public de commercialisation et d'organisations de producteurs.

Les prix aux producteurs dépendent pour une large part, du prix du coton sur le marché mondial et de la rentabilité des activités de transformation et de commercialisation du coton. Le prix du coton graine est aussi influencé par les contextes politiques. Ainsi, en 1998- 1999, le prix aux producteurs a été fortement influencé par les enjeux électoraux, passant ainsi de 165 F (en 95-96) à 200 F (en 97-98) puis à 225 F(en 98-99), le prix le plus culminant de toute la série, depuis la production du coton au Bénin.

Malgré l'implication des producteurs dans ces processus de fixation des prix du coton, la tendance est restée constante. Ainsi, le partenariat entre les acteurs dominants de la filière et le paysannat se trouve déséquilibré et les producteurs ne parviennent pas à influencer les décisions ou même à se faire entendre pour défendre leurs propres intérêts. Les producteurs sont alors contraints à subir toutes ces décisions prises pour eux et « avec eux » mais sans une réelle intégration ou un véritable pouvoir pour influencer le système. Ainsi, ils se trouvent obligés, dans le cadre de la restructuration du secteur, d'intégrer les prises de décisions ; mais quand il s'agit de défendre les intérêts des acteurs représentés, on pense que là n'est pas leur rôle.

Il s'agit là d'un véritable paradoxe qui caractérise les pratiques des acteurs dominants de cette filière où il semble que le paysan ne peut être à la fois «bon à produire» et «bon partenaire» avec qui on devra négocier (Oloulotan, 2001). Ce paradoxe traduit assez bien le climat qui règne actuellement au sein du monde de développement en ce sens que, si certaines personnes pensent que les responsables paysans peuvent (ou doivent) contribuer avec efficacité à la bonne gestion de leur filière, d'autres, très attachées à une logique très ancienne de répartition des rôles au sein de la filière, ne font pas d'effort pour accepter que les paysans soient capables de prendre en main leur destin.

Est-ce que les mouvements paysans peuvent influencer les prix des intrants agricoles ? La forte dépendance des intrants coton et du système de crédit d'intrants, fait en sorte que la filière coton est très susceptible à des troubles d'ordre organisationnel ou institutionnel. Si ces intrants arrivent tard dans la saison ou s'ils sont de mauvaise qualité, la production en prend un coup.

Conscients de cette position clé qu'ils occupent dans la filière, les distributeurs d'intrants n'entendent pas négocier le prix des intrants avec les producteurs. Les prix de vente des intrants sont fixés par une commission et homologués par le gouvernement après transmission des propositions de prix. Dans le système, les producteurs, tout comme dans le cas de la fixation des prix d'achat du coton graine, n'ont pas une force déterminante pour influencer les prix. Le désengagement de l'Etat a certes donné des droits aux organisations paysannes, mais ils semblent ne pas être acceptés par les autres acteurs, les plus dominants du système.

6.5.2 Effets de la réforme sur le bien-être des producteurs de coton

Les achats de coton cumulés pour les trois campagnes ont généré près de 205 milliards de F CFA versés à divers acteurs de l'économie nationale (CAPE, 2004). Environ 60% de ce montant, soit 123 milliards sont allés directement vers les producteurs dans le cadre du paiement du coton vendu. La différence, soit 82 milliards de F CFA est allée vers le secteur de la distribution des intrants agricoles.

Au titre des ristournes payées toujours aux producteurs, environ quatre milliards ont été versés à ceux-ci.

De façon analytique, le cumul des revenus primaires (à l'endroit des producteurs) déversés dans la filière chaque année se chiffre en moyenne à plus de 45 milliards. Cette importante somme doit avoir une incidence sur le niveau de vie des producteurs si elle est bien utilisée. Quant aux ristournes et frais de prestation de service, ils sont destinés à assurer

20

15

10

5

0

Petits prodcteurs Gros producteurs

6 trait à dose normal Moins de 6 trait Plus de 6 trait

Traitements

le fonctionnement des OP et à la réalisation d'infrastructures socio-communautaires.

Les réformes entamées (censées profiter aux producteurs), n'ont pas permis d'améliorer le prix d'achat aux producteurs. Le prix au producteurs est resté sensiblement stable (autour de 200 F) alors que le prix des intrants et celui du coton sur le marché international ont fortement varié, avec une tendance à la hausse. Les réformes entamées ne semblent pas améliorer le bien-être des paysans. Dans tous les cas, la question majeure qui préoccupe tous les acteurs de la vie économique est de savoir quel sera l'avenir du secteur après sa libéralisation complète. D'aucuns pensent que la libéralisation de la filière exposerait les producteurs de coton à des risques liés au secteur et particulièrement la volatilité des cours mondiaux du coton pouvant leur être préjudiciable. Par contre la Banque Mondiale (Baffès, 2002) est plus optimiste et elle pense qu'une réforme bien conduite et transparente du secteur cotonnier améliorerait sa contribution au développement économique, en particulier au développement des zones rurales à travers une amélioration du prix au producteur (une réduction de l'écart du prix aux producteurs au prix international).

6.6. Impacts de la libéralisation sur les pratiques agricoles en coton: cas du contrôle des ravageurs

6.6.1 Méthode de contrôle des ravageurs avant la libéralisation

Selon les investigations menées au niveau des producteurs, il existait seulement une approche de contrôle des ravageurs. La lutte classique est la seule pratiquée dans toutes les exploitations de production cotonnière. Mais dans l'application de ce mode de contrôle des ravageurs, les producteurs ne respectent pas les doses et les dates d'application.

L'analyse de la figure montre que les petits producteurs respectent plus les six traitements recommandés que les gros producteurs ; ceci pourrait se justifier par le fait que les petits producteurs se consacrent plus à leurs exploitations pour se garantir au moins un minimum de rendement. C'est la tendance générale que traduit la figure.

Les producteurs qui vont au-delà des six traitements convenus ne respectent pas les doses recommandées. Ils fractionnent les doses et répartissent ainsi les traitements sur une

longue période.

6.6.2 Méthode de contrôle des ravageurs après la libéralisation

Au niveau de cette rubrique, nous distinguerons la période avant la campagne 2001-2002 (où ont commencé les dissidences dans les groupes professionnels) et la période après cette situation.

6.6.2.1 Période avant la campagne 2001-2002

Pendant cette période, deux méthodes de lutte cohabitent dans le milieu d'étude. Suivant l'objectif de réduction des coûts de production que s'est fixée la réforme, la LEC a été identifiée comme un moyen de lutte efficace. Très rapidement elle s'est répandue dans les zones cotonnières. Ainsi, dans la zone d'étude, tous les producteurs enquêtés qui sont restés dans le GV ont au moins une fois appliqué les produits LEC dans leur champ de coton.

Mais la politique de réforme n'a pas mis en place des mesures pour encourager cette pratique. Il n'y a pas un système précis qui définit le mode de mis en place de ces intrants.

6.6.2.2 Période après la campagne 2001-2002

Avec la naissance des dissidences entre les groupes professionnels, parce que ne retrouvant plus les intérêts en jeu, les réseaux parallèles ont vu le jour. Les producteurs qui se sont retrouvés dans ces groupes n'ont plus accès à la technologie de la LEC. Il y a alors une reconversion de la pratique de contrôle des ravageurs. Ceux qui utilisaient cette technologie se sont trouvés contraints à renouer avec la pratique classique (histoire de vie 2).

En effet, les distributeurs d'intrants qui alimentent ces réseaux ne mettent plus en place ces intrants LEC parce qu'ils ne leur sont pas aussi rentables que ceux exigés par la lutte classique. La technologie est certes utile pour les producteurs mais les distributeurs ne

trouvent pas leur compte. La réforme n'a pas su définir des mesures pour encourager l'importation de ces intrants. Les producteurs se retrouvent avec un goulot d'étranglement : ils ne peuvent plus retourner dans le système GV pour prendre les intrants parce que d'une part, ce système ne les arrange pas (retard du paiement des fonds coton, mauvaise gestion des cautions solidaires qui entraîne des impayés) et d'autre part, leurs productions sont d'avance destinées à des compagnie précises (SODICOT pour FENAPRA et MCI pour AGROP) et ils ne peuvent pas bénéficier des intrants souhaités dans le réseau d'appartenance.

6.6.2.3 La LEC en front avec les intérêts des distributeurs d'intrants

Les coûts des traitements chimiques varient suivant les groupements: au niveau des réseaux FUPRO et FENAPRA, les coûts s'élèvent à 49.500F et à 38.000F dans le réseau AGROP (au cours de la campagne 2004-2005). Dans le même temps, les traitements LEC sont estimés à 23.770F, soit en moyenne 50% des traitements classiques dans les divers réseaux. Pendant que cette technologie améliore la situation des producteurs en diminuant les charges de production, elle ne semble par réconcilier tous les acteurs, en particulier les distributeurs d'intrants. Les intérêts tirés sur 1 Ha de traitement classique dépassent de loin ceux générés par le traitement sur seuil (LEC) aux distributeurs d'intrants, parce que dans ce cas, la quantité de produits utilisée est faible (3 l au lieu 7 l dans le traitement classique). Ce manque à gagner au niveau de ces intrants, a fait que cette année, les distributeurs n'ont pas commandé ces intrants, bien qu'ayant pris des engagements fermes auprès de la recherche pour assurer la mise en place.

Cette rupture dans le processus d'adoption de la technologie, rupture qui a marqué plusieurs paysans, pourrait constituer un frein dans sa diffusion. Les paysans pourraient rester méfiants de la technologie parce qu'ils se disent, suite à la non mis en place de ces intrants, « avoir été trahis par l'Etat». En effet, il a été montré par Rogers (1983) que la perception que les paysans ont d'une innovation reste un élément déterminant de son adoption. Si déjà, ils perçoivent une trahison de l'Etat dans la technologie, ils pourraient se réserver quant à son utilisation. Ainsi, la non disponibilité de ces intrants vient de «briser» le pont entre paysan et l'innovation.

7- PERSPECTIVES DE LIENS INSTITUTIONNELS DES ACTEURS

7.1 Attentes des acteurs

7.1.1 Attentes des producteurs

Les producteurs constituent les maillons les plus importants de la filière coton. Ils ont placé beaucoup d'espoir dans la conduite des réformes au regard des situations vécues dans le passé (mauvaise gestion des intrants agricoles dans les GV, détournements des fonds coton par les secrétaires GV,...). En effet, le cycle répétitif de la dégradation des cours sur le marché et le faible niveau d'implication des producteurs dans la gestion de la filière sous les services publics ne leur ont pas garanti un revenu décent et stable dans le temps. Les attentes des producteurs se résument à l'amélioration de leur revenu donc de leur niveau de vie qui se traduit essentiellement par :

- Le paiement des différentes recettes à leur profit dans les délais raisonnables

- Le démarrage de la campagne de commercialisation à temps

- L'implication des producteurs dans la fixation des prix dans un cadre de concertation et sur base d'un consensus pour garantir un prix rémunérateur

- La transparence dans la gestion des activités de la filière

- La mise en place des intrants, de bonne qualité, à bonne date et à un prix raisonnable

7.1.2 Attentes des distributeurs d'intrants

Les attentes de ces acteurs se résument à:

-au renforcement de la capacité des OP à mieux participer à la mise en place des intrants par une bonne expression des besoins en intrants et une meilleure centralisation des commandes et des facturations des mises en place dans les GV/GP.

- au non-retour des stocks d'intrants par les GV, une fois la mise en place faite conformément aux bons de commandes fermes.

- au dénouement du crédit intrant mis en place en respect de la réglementation en vigueur au niveau des banques.

Les résultats sont en général intéressants car, le crédit intrant a été toujours dénoué à 100% et avant le 31 décembre, conformément au principe retenu. Toutefois, les retours de stocks d'intrants continuent d'avoir cours, malgré la notion de bons de commande ferme,

obligeant souvent les distributeurs d'intrants à concéder les avances sur report à

certains groupements afin de leur permettre d'honorer leurs engagements vis-à-vis des producteurs.

7.1.3 Attentes des égreneurs

Les égreneurs attendent d'exercer leurs activités dans les conditions normales telles

que :

- Démarrage à temps de la campagne de commercialisation

- L'approvisionnement des usines à leur capacité nominale, sur la base d'un plan d'évacuation qui tient compte des réalités du terrain (production nationale, détournement des chargements,) - L'acceptation d'un prix consensuel et négocié de tous les acteurs de la filière.

7.1.4 Attentes de la recherche

Pour les acteurs enquêtés au niveau de la recherche, la « filière est malade parce qu'il y a trop de laisser-aller ». Malgré le tropisme actuellement favorable à la libéralisation, le gouvernement devrait s'impliquer davantage dans le domaine des intrants du coton, en régulant et en sanctionnant les opérateurs indélicats. Il s'agit pour le gouvernement de s'investir davantage dans la recherche et le développement, en partenariat avec les organisations de producteurs tout en veillant au respect des principes de base de gestion de la réforme dans le secteur.

Si les responsables, à différents niveaux s'y engageaient de manière transparente, des mesures de régulation et de contrôle mises en oeuvre par l'Etat pourraient réduire effectivement les divers risques liés à la production et améliorer la situation économique des paysans.

7.2 Appréciation de la portée de la réforme du secteur coton

L'appréciation de la réforme peut être évaluée par rapport à la qualité des services offerts, à la qualité de la production, à l'efficacité du système ou par rapport aux acteurs. Dans cette étude, nous concentrerons notre analyse sur l'appréciation de la performance de la réforme par rapport aux différents acteurs du secteur.

7.2.1 Evaluation par rapport aux producteurs

constituent le principal terreau auquel le sous-secteur cotonnier doit son développement. Cependant de nombreuses interrogations subsistent par rapport aux capacités des OP à vraiment contribuer au succès des réformes.

En absence d'autres filières organisées, le constat qui se dégage depuis la mise en place de la FUPRO fait apparaître que cette structure ne trouve sa raison d'être que dans la culture du coton. Même si quelques fois, des efforts ont été entrepris pour intervenir dans d'autres filières comme celles des cultures vivrières, de l'ananas, de la production animale, il est difficile pour la FUPRO de ne pas paraître comme une OP faîtière présente dans la filière coton. Cela s'explique d'une part par le fait que cette filière est la mieux organisée dans le pays. En clair, toutes les activités de la FUPRO sont exclusivement concentrées sur la production cotonnière. Les ressources que nécessite cette structure doivent provenir de cette spéculation à moins d'être appuyée par des subventions extérieures. La filière se trouve alors asphyxiée parce que, contrainte à supporter plusieurs acteurs. Si les réformes engagées avaient favorisé une diversification des spéculations, les multiples parties qui se ruent aujourd'hui vers le coton, parce qu'étant le seul créneau porteur en matière de filière, seraient orientés vers d'autres secteurs.

S'il est vrai qu'une culture organisée sert de locomotive pour d'autres filières, il n'en demeure pas moins qu'à N'Dali, la situation reste tout autre. L'intérêt que le producteur tire de cette spéculation, en dehors de sa recette, reste le canal des intrants qu'ils utilisent, dans l'informel, pour d'autres spéculations (cas des cultures maraîchères et du maïs). Mais malheuresement, la production du maïs n'est pas valorisée et il s'y prête juste une agriculture de subsistance. Avec cette stratégie, il s'ensuit des impayés en fin de campagne, ce qui affecte en retour la recette cotonnière. Le paysan se retrouve ainsi dans un cercle vicieux, miné par les intérêts des puissants acteurs de la filière coton béninoise.

En effet, avec la tendance à la baisse des cours du coton sur le marché international depuis quelques années, la filière traverse une crise aggravée par les résultats observés suite au transfert de compétence aux organisations paysannes. Il est tout à fait évident, que la forte responsabilisation des organisations paysannes, depuis la gestion des intrants jusqu'à la commercialisation primaire à fait naître des crises de mauvaise gestion et de malversation. Constatons qu'avec les mutations qui sont intervenues dans le secteur coton, les organisations paysannes à tous les niveaux (GV, UCP, FUPRO), sont affaiblies par des problèmes de gestion et de trésorerie qui sont liés d'une part au système de gestion et de distribution des intrants coton et d'autre part à la gestion des mécanismes de la commercialisation primaire. Le problème d'endettement par crédit intrants est monnaie courante pour les GV. Par contre,

les Importateurs-Distributeurs d'Intrants, quant à eux, sont assurés du remboursement des crédits d'intrants à part entière, grâce au système actuel géré par la CAGIA, la CSPR et l'Interprofession.

Ces situations d'endettement sont entretenues par l'inexistence de la notion de spécialisation en certaines cultures; ce qui a favorisé des déviations dans la gestion des intrants dont une forte proportion est bradée ou détournée sur les cultures vivrières, sans autres dispositions pour en assurer le remboursement du crédit.

La mauvaise application de la notion de caution solidaire a servi de socle à la dilapidation des ressources collectives par une minorité, le plus souvent les responsables de ces organisations paysannes, démotivant ainsi plusieurs producteurs à la base.

Les disfonctionnements observés au sein des organisations paysannes témoignent que ces acteurs à la base ne s'étaient pas préparés à ces diverses missions qui leur ont été assignées avec la réforme. Cette incapacité à gérer efficacement ces nombreuses fonctions a engendré des frustrations qui ont servi de tremplin à la création des structures paysannes parallèles à la FUPRO.

Cette approche scissionniste des structures paysannes, ne saurait rien arranger dans cette filière qui a besoin du soutien de tous ces acteurs, surtout dans le domaine si complexe de la commercialisation primaire, où la sécurisation des intérêts des producteurs tient une place de premier choix. Il est vivement conseillé que les OP des divers réseaux tirent de cet environnement de conflit et de clivage, des enseignements pertinents qui s'imposent pour une redynamisation des groupements de producteurs à la base.

En effet, malgré ces nombreuses faiblesses relevées suite à cette nouvelle orientation organisationnelle de la filière, l'espoir reste encore permis surtout que le Bénin fait partie des premiers pays à expérimenter cette politique de libéralisation et de privatisation du secteur coton. Les expériences acquises pourront servir pour la réorganisation et la restructuration des paysans en groupements spécialisés dans la culture cotonnière; ce qui apaiserait certaines inquiétudes, notamment sur le plan de la gestion des biens collectifs.

7.2.2 Evaluation par rapport aux autres acteurs

Avec cette politique de libéralisation-privatisation du secteur, caractérisée par l'entrée en jeu des acteurs privés, l'esprit capitaliste s'est développé chez les opérateurs économiques. La course au profit, par tous les moyens possibles, au détriment de la classe paysanne, reste alors l'idéologie au niveau de ces acteurs.

Vu la forte dépendance du secteur des cours internationaux assez fluctuants, la réforme n'a pas su définir un appui de stabilisation aussi bien aux Importateurs-Distributeurs qu'aux égreneurs afin de soutenir ces acteurs et de soulager les producteurs des coûts de production sans cesse croissants.

Avec la nouvelle plaque institutionnelle qu'impose la réforme, les acteurs privés notamment les distributeurs et les égreneurs à la recherche d'intérêts, ne se sentent plus libres pour mener leurs activités et une guerre d'intérêts se développe entre ces groupes d'acteurs. Avec le processus de privatisation des outils industriels en cours, processus prévu par la réforme, le problème de conflit quant à la répartition de la production nationale entre égreneurs pourrait encore s'accentuer. Ces outils étant revenus aux privés, tous les moyens seront mis en oeuvre pour chercher à s'approvisionner au moins à la capacité nominale.

Mais toutes ces crises peuvent être jugulées si chaque acteur prend en compte les principes de base qui régissent l'organisation de la filière. Dans ce cas, l'espoir est permis et tout le monde y trouvera son compte. Il reste que l'Etat affiche sa volonté d'aller jusqu'à bout du processus de façon responsable en réglant convenablement les divers problèmes qui se posent à la filière. Une implication de l'Etat dans le secteur en signant souverainement l'accord cadre qui doit intervenir entre l'Interprofession et les autres acteurs pour la délimitation des domaines d'intervention de chaque acteur limiterait les conflits actuels.

En observant les institutions qui assurent la gestion du mécanisme actuel, il est facile de constater que les «responsables des structures avant réformes» dont l'inefficacité a conduit à ces réformes s'y retrouvent toujours.

En définitif, le mécanisme de gestion imposé par la réforme n'est pas mal en soi. Elle peut permettre de relever tous les défis qu'elle s'est fixés, seulement le mode de gestion du mécanisme reste encore inapproprié.

8. PRODUCTEURS ET INNOVATIONS AGRICOLES COTONNIERES

Dans ce chapitre, nous aborderons les rôles de chaque catégorie d'acteurs (recherche, vulgarisation et paysannat) dans la génération des technologies agricoles. Nous nous baserons sur la Lutte Etagée Ciblée (LEC), nouvelle technologie de contrôle des ravageurs, actuellement en vulgarisation dans les milieux cotonniers.

8.1 Une forme de IPM dans le contrôle des ravageurs au Bénin: la Lutte Etagée Ciblée

L'augmentation de la production nationale en coton (de 272.371 tonnes en 1993 à près de 400.000 tonnes en 2000 (OBEPAB, 2002)) rythme également avec le niveau de consommation de pesticides ( de 1.972.764 litres en 1993 à 2.314.127 litres en l'an 2000 (OBEPAB, op cit)). L'utilisation de pesticides dans la production cotonnière présente de sérieux risques aussi bien pour les producteurs que pour l'environnement, ce qui impose la recherche de méthodes alternatives de contrôle des ravageurs. D'où l'initiative de la Lutte Etagée Ciblée expérimentée au Bénin depuis 1988.

La Lutte Etagée Ciblée (LEC), telle qu'elle est pratiquée au Bénin, constitue une méthode de contrôle des ravageurs qui consiste à choisir et à appliquer, si nécessaire suivant le calendrier habituel de traitement, une ou plusieurs matières actives en concentré emultionnable selon le degré d'infestation du champ observé.

> Avantages de la LEC

La technologie présente de nombreux avantages à savoir :

Selon la recherche, la technologie rend les producteurs plus aptes à reconnaître les ravageurs avec leurs dégâts, de même que les types de produits avec les doses à appliquer selon l'intensité des infestations. En concentrant plusieurs matières actives, la LEC permet de faire efficacement face à la résistance observée chez certains ravageurs dont le cas le plus frappant du H. amigera dans les zones de forte production.

Du fait qu'elle soit appliquée sur seuil, la technologie permet de limiter les nombreux dommages (intoxication, pollution) causés aux producteurs et à l'environnement au cours des traitements phytosanitaires.

Pour les producteurs, l'avantage la plus en vue au niveau de cette technologie reste la réduction des coûts de traitement, ce qui améliore les recettes de production en fin de campagne. Les traitements LEC coûtent environ 24.000F contre 53.000F pour les traitements classiques. Les producteurs manifestent un intérêt à la technologie, non pas à cause de son

caractère de protection (des producteurs et de l'environnement), mais plutôt à la réduction des charges de production.

> Contraintes de la LEC

A côté de ces multiples avantages, la technologie demande plus d'efforts aux producteurs. Elle impose l'obligation d'aller observer les ravageurs au champ, la veille ou l'avant-veille du traitement afin d'évaluer la charge parasitaire. Pour des grandes exploitations, il est souvent difficile aux paysans de faire ces observations, ce qui revient à compter les insectes sur 400 à 500 plants pour les exploitations de 10 à 12,5 Ha.

Dans le même temps, les paysans-observateurs formés pour la tâche sont pris en charge par les producteurs ( à raison de 250F par Ha traité) pour leur prestation. Ces diverses contraintes limitent l'adoption du paquet au niveau des paysans (observation des champs et traitement avec les produits chimiques recommandés pour la LEC).

Tableau 7: Pratique de la LEC dans les milieux d'étude.

Paramètres

Observation + produits
LEC

Produits LEC seulement

Observation traditionnelle
+ produits LEC

Suanin

3/15 (20%)

5/15 (33%)

7/15 (47%)

Sakarou

1/12 (08%)

6/12 (50%)

5/12 (42%)

Dèbou

2/8 (25%)

4/8 (50%)

2/8 (25%)

Kori

2/11 (18%)

5/11 (45%)

4/11 (37%)

TOTAL

17%

43%

40%

Source: Enquête N'Dali, 2004

L'analyse du tableau 6 montre que très peu de producteurs (17% de l'échantillon) pratiquent l'observation telle qu'exigée par l'approche LEC. La principale raison évoquée par les paysans pour justifier la «non-observation » des plants avant traitement, suivant la méthodologie de la LEC, est la contrainte temps qu'impose cette opération. En effet, pour 1 ha, il faut observer 40 plants pour évaluer le degré d'infestation et juger de la nécessité de traiter ou non le champ.

La pratique traditionnelle consiste à observer les plants sous ombrage (plants situés sous les arbres laissés dans les champs) et à apprécier leur état par rapport à ceux exposés au soleil. Si un grand nombre des plants situés à l'ombre (environ 45%) présentent un état de flétrissement par rapport à ceux exposés au soleil, la pression parasitaire est forte et le champ devra être traité. Cette pratique traditionnelle permet aux paysans de gagner du temps.

8.2 La participation paysanne dans la mise en place des innovations

La participation de la population est souvent vue comme une manière de réaliser un développement rural plus efficace et visant davantage à résoudre les problèmes des bénéficiaires (van den Ban et al, 1994). De plus en plus, elle est perçue comme une stratégie qui facilite l'adoption des innovations.

8.2.1 Qu'est ce que la participation ?

La participation suppose que la responsabilité du processus de décision au sujet de l'identification et de la mise en place d'une innovation soit partagée entre les divers acteurs (le paysannat, la recherche et la vulgarisation). Ainsi, il y a une parfaite intégration des différents compartiments à toutes les phases de la conduite de l'innovation. Lavigne Delville et Nour-Eddine (1999) ont distingué sept niveaux de participation des populations aux programmes et projet de développement (de la participation passive à l'initiative locale).

Combien de technologies issues des stations de recherche n'ont pas été purement et simplement rejetées par les paysans parce que, ne répondant pas à leurs préoccupations ?

Les innovations proposées au paysannat doivent prendre en considération l'expérience des agriculteurs. Dans la réalité, ces acteurs locaux sont détenteurs de technologies appropriées, forgées au cours des siècles et résultant de leurs propres recherches (expériences) et des innovations introduites. Les producteurs, le plus souvent font des sélections selon la perception qu'ils ont de l'innovation, ce que constate aussi (1994). C'est dans ce sens que beaucoup de producteurs ont préféré l'approche traditionnelle d'observation des plants, qui permet de gagner du temps à celle recommandée par la méthode LEC. Il y a alors une réadaptation de la technologie à la réalité sociale du milieu. Le temps utilisé pour compter les insectes dans le champ peut être utilisé pour d'autres activités dans l'exploitation. Les paysans ont adopté alors les intrants LEC et y ont ajouté leur approche locale. Le paquet n'a pas été adopté entièrement.

Si toujours est-il qu'avant de s'approprier une technologie, le paysan y apporte des modifications résultant de son niveau technique et des contraintes socio-économiques vécues, l'idéale aurait été que les innovations proposées aux agriculteurs prennent en considération leurs expériences pour s'approcher plus de leur réalité sociale. Sinon, très rapidement, l'innovation se trouve en marge de leurs attentes.

8.3.2 Quel type de participation a t-on besoin pour la conduite des innovations ?

La participation du paysan au processus de décision concernant l'identification, la méthode et l'organisation de l'innovation permet de mieux s'approcher des réalités sociales des acteurs locaux, pour qui la technologie est destinée.

Le rejet de nombreuses innovations pourrait être lié à l'absence d'une participation véritable des paysans. Et quand ces derniers sont associés, ils sont plutôt utilisés comme des «instruments» au lieu d'être considérés comme de véritables acteurs qui doivent être impliqués (Eponou, 1994). Dans certains cas, on les associe sans conviction, juste pour satisfaire aux exigences des bailleurs de fonds (Eponou, op cit). Dans ce contexte, comme leur participation, qui se limite d'ailleurs à une fourniture d'informations, est vue comme une nécessité pour satisfaire les exigences du bailleur, l'utilisation qui en est faite ne leur est pas souvent utile.

L'élaboration de la technologie de la LEC a été faite conjointement avec le paysannat. Ces acteurs ont participé à la conduite des expérimentations de la technologie. Malgré cette implication des paysans, la technologie se trouve réadaptée soit parce que la participation n'a été que virtuelle et non effective ou soit pour répondre aux réalités socio-culturelles du milieu, comme l'annonce d'ailleurs Eponou (op. cit) .

Photo 2 Les paysans participant à la collecte des
données dans le champ de coton

8.3.3 Rôles et motivations de chaque acteur dans la génération des innovations agricoles
participatives

Le rôle que la recherche, la vulgarisation et le paysannat peuvent jouer au moment de l'élaboration d'une innovation dépend d'une part, des connaissances dont dispose chaque catégorie d'acteurs et d'autre part, du pouvoir de décision accordé à chacun d'eux (van den Ban et al, 1994).

Dans la conduite conjointe du processus, chaque classe a la liberté de donner son opinion ou avoir ses critères propres pour évaluer l'innovation identifiée. Les échanges entre ces groupes pourraient permettre de s'accorder sur les résultats. Cette confrontation constitue une véritable difficulté en ce sens que, ce que un acteur trouve pertinent et efficace pourrait ne pas l'être pour l'autre.

Dans le cas pratique du "learning group" étudié dans le cadre de cette étude, certaines expérimentations (cas des essais en bande : coton-mil) ont été jugées inefficaces par les producteurs alors que les résultats se sont révélés intéressants pour la recherche.

La motivation des paysans à participer au learning group mis en place reste principalement la « recherche de la connaissance » ou la « curiosité de découvrir ». Mais cette forme de perception des paysans laisse croire « qu'ils sont venus en se mettant dans une position d'apprenant ». Dans la réalité, l'idée de base est de considérer ces acteurs locaux comme détenteurs de technologies appropriées forgées au cours des siècles ou résultant de leurs propres recherches. Ainsi, l'évolution convergente de ces connaissances (endogène et scientifique) aurait permis de créer une synergie interactive entre les acteurs et d'identifier la communication sociale. Cet environnement facilite une complicité agissante dans l'analyse des problèmes, l'élaboration et la mise en oeuvre des solutions les plus appropriées. Cette réalité ne semble pas être encore précise chez les acteurs locaux : pour eux, ils n'ont rien à apprendre aux autres acteurs. Les paysans ne sont pas encore convaincus de leur rôle dans le système. Dans le learning group étudié, seulement trois (03) paysans sur dix (10), soit un poids de 30% reconnaissent que dans la recherche conjointe menée avec les autres acteurs (recherche, vulgarisation), ils ont aussi des connaissances à transmettre à ces acteurs.

La recherche participative rencontre de nombreuses difficultés qui ne permettent pas

Photo 3 : Une séance d'observation des attaques dans le champ de coton échange entre chercheurs, vulgarisateurs et paysans

sa mise en oeuvre effective.

8.3.4 Les obstacles à la participation

Les obstacles liés à la participation peuvent être d'ordre culturel ou du fait de la divergence des points d'intérêts.

Les obstacles à la participation peuvent être directement liés à chaque catégorie d'acteurs. Mais dans cette rubrique, nous allons nous appesantir sur les barrières liées au paysannat, surtout avec l'environnement institutionnel au niveau de la filière coton, après la libération.

8.3.4.1 les divergences dans les intérêts

Dans le "learning group" où se conduit une forme de recherche participative, nous avons identifié deux catégories de producteurs mues par des intérêts divergents.

La première catégorie regroupe ceux qui sont intéressés par les intérêts financiers de l'approche, « en travaillant dans le groupe, on peut obtenir des faveur d'ordre financiers ». Mais très tôt, ne sentant pas un tel intérêt en jeu, ces paysans se sont retirés du groupe, parce que « le temps perdu n'est pas rémunéré ». Pour ce groupe, l'élément déterminant reste le soutien financier qui accompagne la participation, alors que la « vraie participation» serait l'engagement dans le soucis de comprendre et de contribuer en vue de faire correspondre l'innovation aux réalités sociales vécues, ce qui facilite son adoption.

Dans la deuxième catégorie, nous retrouvons les paysans qui se sont engagés à la « recherche du savoir». Mais est-ce la recherche du savoir, la vraie clé de la participation ? En se plaçant dans une telle position où le paysan suppose que le savoir vient de l'autre, il se trouve dans l'incapacité de partager sa connaissance avec les autres acteurs, parce que pour le paysan, il ne connaît rien. La collaboration dans le "learning group" a amené à briser cette barrière qui se pose aux paysans.

8.3.4.2 Pesanteurs culturelles :les inégalités sociales

Les inégalités ethniques au niveau des communautés ne sont pas de nature à rendre la participation effective. Alors que dans de nombreux contextes, une participation significative ne peut se produire que si toute la population cible est reconnue partagée les mêmes droits (Eponou, 1994), en milieu Bariba, toutes les couches ethniques n'ont pas les mêmes importances dans la société (cf. section 4.3.2). Cette différence sociale fait par exemple qu'il serait difficile pour un Bariba de considérer pour vrai et de suivre ce que développe un Somba parce qu'entre ces deux ethnies, il a existé une relation de maître à sujet. Cette image transparaît encore dans la société et rend difficile la cohabitation entre individus.

L'inégalité entre le sexe (entre l'homme et la femme), surtout dans les communautés rurales constitue une pesanteur qui entrave l'efficacité de la participation. A cet effet, nous avons observé que tous les membres du learning group ne participent pas au même degré, ceci étant imposé par le système culturel. Après, plusieurs séances de discussions, nous avons établi le diagramme de la figure 9 qui traduit la position de chaque membre du "learning group" au cours d'une prise de décision.

Nous avons évalué le nombre de fois que chaque membre du groupe a pris la parole pour faire une proposition ou pour défendre une réponse. Pour des discussions, les membres n'ont pas des positions fixes mais la tendance reste répétitive. Les femmes ont souvent l'habitude de se placer en retrait du groupe, parce que, dans la société bariba, la femme ne doit pas occuper la même place ou même se prononcer après l'homme.

Il serait opportun de rechercher des moyens pour aller au-delà de ces barrières culturelles sans créer de frustration au sein du groupe, pour une réelle participation.

A= atacorien - B= bariba - () = degré d'intervention - Trait plein = homme Trait creux = femme

B
(10%)

B
(20%)

A
(10%)

B

B
(40%)

B
(10%)

A

A

B
(10%)

B

Figure 10: Positionnement et degré d'intervention des membres du learning group

8.3.4.3 La divergence des intérêts des réseaux paysans

La dissidence dans les mouvements paysans a amené la création de divers réseaux (AGROP, FENAPRA,...). Les innovations agricoles concernent tous ces groupes et il faut

une collaboration de paysans des divers réseaux pour la mise en place de ces innovations. Dans la réalité, les pratiques varient d'un réseau à un autre, surtout au niveau des pesticides chimiques ( cf. histoire de vie 2).

Entre les paysans même, il y a des rivalités: le retrait d'un groupe de producteurs, des GV a entraîné des manques à gagner au groupement (les ristournes sont diminués parce qu'il y a une fuite des tonnages vers les nouveaux groupements, avec le départ des producteurs). Alors que c'est sur ces ristournes que fonctionnent les GV et les UCP. Le climat de dissidence qui subsiste entre les réseaux ne crée pas un environnement favorable à la collaboration entre les paysans.

Tableau 8: Analyse SWOT de la filière coton au Bénin

Paramètres

FORCES

FAIBLESSES

Techniques

- Climat des zones de forte production est propice à la culture (en moyenne 900-1 100mm, saison sèche marquée) - Terre n'est pas une contrainte

- Seule filière organisée, ce qui mobilise tous les producteurs

- Rendement assez faible surtout dans la zone-centre (ZouCollines)

- Humidité plus élevée dans la zone sud, ce qui augmente la pression parasitaire

Socio-économique

- Les recettes coton constituent une part importante des revenus dans les zones de production

- La vente est garantie aux producteurs

- Accès facile aux intrants de production

- Secteur contribue beaucoup à l'économie nationale - Participe aux réalisations socio-communautaires

- Retard dans le paiement des recettes coton aux producteurs

- Mauvaises gestions des producteurs ce qui entraîne des endettements dans les groupements villageois

- Appui insuffisant aux initiatives paysannes

- Augmentation des coûts de production

- Forte dépendance du secteur des marchés internationaux

Institutionnel

- Bonne innovation de la libéralisation/ privation

- Intégration du secteur privé dans la gestion de la filière

- Faible pouvoir de négociation des organisations paysannes vis-à-vis des autres acteurs

- Naissance de dissidence dans les groupes professionnels - Intervention des acteurs politiques qui débouche sur le non-respect des principes de la réforme

Analyse SWOT de la filière coton au Bénin (suite)

Paramètres

OPPORTUNITES

MENACES

Technique

- Potentialité pour augmenter la superficie cotonnière (terre étant disponible dans les zones de forte production)

- Augmentation des pertes de production si les IDI ne sont pas soumis à de contrôle rigoureux

Socio-économique

- Potentialité pour améliorer les services de vulgarisation à travers le Farmer Field School, les approches participatives d'identification des méthodes de contrôle des ravageurs.

- Bonnes potentialité pour la production biologique (en limitant les dommages causés à l'environnement et à la santé des producteurs).

- Baisse du prix de coton sur les marchés internationaux - Distorsion du prix au marché mondial par des subventions à la production (USA, Europe et Asie)

- Augmentation des coûts de production

Institutionnel

- Les arrangements en cours dans le secteur créent un environnement favorable à l'intégration des acteurs privés. - La libéralisation et la privatisation peuvent conduire à plus de transparence dans la gestion de la filière

- Risque de rupture d'accès aux intrants à cause de la libéralisation.

- Le non-respect de la prise de décision collective risque de miner tout le secteur

- Le retrait complet de l'Etat risque de miner tout le secteur

Source : Enquête, 2004

9- CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Depuis le début des années 1990, le Bénin assiste à une réorganisation du secteur cotonnier, autrefois coordonné et géré entièrement par l'Etat. La filière est aujourd'hui gérée par une Interprofession regroupant les organisations des producteurs, les égreneurs et les distributeurs d'intrants. Avec ces réformes, on assiste dans le secteur, à une profonde crise de confiance entre les divers acteurs.

A la suite de conflits entre acteurs au sein des organisations professionnelles originelles, ces dernières ont connu des clivages avec la création de nouvelles organisations. Ainsi, de la FUPRO, les producteurs ont créé l'AGROP et la FENAPRA. De même, au niveau des distributeurs d'intrants, des dissidents du GPDIA ont mis en place l'ADIAB. Dans le rang des égreneurs, même s'il n'y a pas formellement la création d'une organisation dissidente, toutes les compagnies d'égrenage ne se reconnaissent plus membres de l'APEB. Toutes ces organisations dissidentes mènent leurs activités en dehors du cadre formel établi dans le contexte de la libéralisation, perturbant ainsi le fonctionnement normal du mécanisme. Cette restructuration institutionnelle a plus que jamais dessoudé les relations entre différents groupes d'acteurs en créant au sein de chaque classe des «mécontents» qui ne retrouvent plus leurs intérêts dans ce nouveau jeu de la libéralisation. Mais le non-respect par certains acteurs des engagements pris, ne saurait causer tant de problèmes à la filière si l'Etat béninois jouait à plein le rôle qui est le sien dans la réforme. En réalité, il suffirait que l'Etat assure l'exécution de ses prérogatives pour mettre fin au débordement actuel observé au niveau de la filière coton.

Au-delà de toutes ces considérations, vu l'importance de cette filière dans l'économie nationale (en terme de contribution en valeur fiscale), il serait illusoire de l'approcher uniquement sous un angle technique. Le secteur cotonnier n'est pas un terrain libre où, différentes parties prenantes se retrouvent pour échanger et se rendre complémentaires. Il est par contre, un champ de bataille, où l'économie, la politique et les intérêts (individuels, collectifs, nationaux ou de partenaires étrangers) se confrontent et s'entrechoquent. La filière reste un véritable foyer d'enjeux pour les différents acteurs.

Cet environnement de la filière ne manque pas d'affecter la basse classe paysanne : la multiplication des réseaux, les conflits de leadership,.... De nombreux producteurs se sont retrouvés incapables d'utiliser la Lutte Etagée Ciblée, méthode de contrôle des ravageurs reconnue assez efficace et peu coûteux. Cette inaccessibilité à l'innovation est due à la

dissidence. Mais aussi, les distributeurs qui supportent ces réseaux ne retrouvent pas leurs intérêts, à mettre en place des intrants dans un système qui fait appel à moins d'intrants.

Au vu des résultats de cette étude, il ressort que l'Etat conserve encore une fonction de coordination et de régulation des activités du secteur libéralisé, qu'il doit assurer conjointement avec l'Interprofession. Mais le relâchement de l'Etat à encourager le non- respect des règles définies pour la conduite de la filière par certains groupes d'acteurs.

Des efforts devraient surtout être concentrés sur l'augmentation des rendements afin que toutes les compagnies d'égrenage atteignent au moins leur production nominale, ce qui limiterait les guères entre égreneurs.

De même, compte tenu de l'échec des fonds de stabilisation existants, le gouvernement devra rechercher des mécanismes alternatifs de stabilisation (le cas de l'approche commodity risk management par exemple) permettant de réduire les risques encourus par les producteurs du fait des fluctuations des prix sur les marchés internationaux. Toujours au plan international, surtout dans le contexte actuel de la décentralisation, le développement d'un partenariat entre les zones de production cotonnière et les compagnies d'égrenage et de distribution d'intrants agricoles constituerait un atout pour les municipalités. Le renforcement de la recherche et des capacités de développement afin d'identifier d'une part, des débouchés pour d'autres spéculations et d'autres part, des alternatives durables aux méthodes de production actuelles (incluant le coton organique et la réduction des coûts de production) lèverait le goulot d'étranglement qui repose sur les producteurs.

Face à la mauvaise gestion qui s'opère continuellement dans les organisations paysannes, l'encadrement des producteurs sur les modes de gestion doit être renforcé pour permettre de relever les défis posés par la libéralisation. Il est aussi recommandé d'accentuer la formation des producteurs, selon une approche participative, sur les reconnaissances des ravageurs du coton et de leurs ennemis naturels en vue de la promotion de la lutte biologique, qui protège aussi bien les producteurs que l'environnement.

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ANNEXE
Histoire de vie 1
Sujet : Secrétaire du GP-FENAPRA de Tèbo
Emigré de l'Atacora - 29 ans

Je m'appelle Donatien Konkouata et je suis atacorien. J'ai laissé l'école en classe de sixième, en 1988, faute de moyens. J'ai décidé de faire le coton et j 'ai rejoins mes cousins à Tèbo pace que j 'ai appris que le coton marche bien dans ce village.

J'ai commencé avec 1/4 ha de coton et on n'avait pas de problème de retard ni d'impayé jusqu'au moment où le secrétaire GV a commencé un jeu louche. Après qu'il ait distribué les engrais, il les rachetait aux producteurs à 5000F et revendait plus tard à 10.000F à ces mêmes producteurs quand ils en ont besoin. Finalement, tout le village tombe en impayés. Le GV a fait une réunion pour lui interdire ce mauvais comportement. Il a ensuite cherché un autre moyen, quand on demande par exemple, un crédit de 25.000F, il inscrit 50.000F et retire les 25.000F supplémentaires, ce qui pose aussi des problèmes d'impayés dans notre village. On produit toute une campagne et on n'a pas l'argent ; en 2002, c'était trop. C'est justement à ce moment que la FENAPRA venait dans notre village et j 'ai décidé de partir dedans en attendant de voir ce que cela pourrait donner. Mais je vous avoue que jusqu'à maintenant tout va bien pour moi et je vends mon coton, au plus deux semaines et j'ai mon argent. Avant quand j'étais dans le GV, je ne gagnais rien mais maintenant où je suis secrétaire du GPFENAPRA de mon village, une partie des ristournes qui arrivent est partagée entre les membres du bureau et une autre est mise en caisse pour les déplacements du bureau.

L'année passée, nous avons reçu les engrais à 9.700F pendant que, dans les GV il est vendu à 9.900F. les NPK n'étaient pas la même chose parce que les emballages étaient différents, de même que les insecticides. Les insecticides en sachet, «tampico» (Avaunt) nous ont trahi l'année passée et moi je ne vais plus jamais l'utiliser dans mon champ. Quand tu traites ton champ avec ce produit, deux jours après, toutes les capsules tombent et tu verras que la plante grandit vite.

A Nikki, cette année, les producteurs du GV n'ont pas trouvé d'engrais, ce qui fait que beaucoup sont venus dans notre groupement. On n'a plus suffisamment d'engrais pour tous les membres du groupement actuellement. Je viens de prendre deux sacs d'urée chez le secrétaire du GV-Suanin qui est un parent, il s'est marié à ma jeune soeur. Depuis que je suis dans le réseau FENAPRA, je n'ai jamais eu de semences traitées, il y a d'autres qui parviennent à l'avoir par le biais des amis. L'année passée, les plants n'avaient pas poussé et

on était obligé d'acheter les semences dans les GV. Le Yoroukou (environ 3,5 kg) est vendu à 250F. quand j 'ai voulu en acheter, c'était trop tard, tout était fini. C'est le vrai problème que nous avons dans le groupement.

Histoire de vie 2

Sujet : Secrétaire du GP-FENAPRA de Suanin Gros producteur du village - 33 ans

Je m'appelle Bagoudo Pierre, je suis de Témé (à 35 km de Suanin). Mes parents sont venus s'installer à Suanin en 1974 parce que, dans le temps, Témé était enclavé, on n'avait difficilement accès à l'eau potable. Dans le même temps, ma mère perdait beaucoup d'enfants.

J'ai commencé à faire le coton à partir de 1979 dans le champ de mon père. Nous les enfants, nous faisions le semis, le sarclage et à la récolte, nous ramassons les tas de coton dans les paniers. A cette époque, les encadreurs venaient dans les champs pour voir comment chacun faisait son champ.

J'ai pris mon champ en 1985, année où j 'ai fait le coton pour mon propre compte. Je venais de laisser l'école et le coton marchait très bien dans notre village. En ce temps, on prenait l'engrais et les insecticides chez les encadreurs qui connaissaient tous les champs. On ne pouvait pas tricher avec les engrais comme cela se fait aujourd'hui. Il n'y avait pas d'autres groupements que les GV pour l'organisation de la production du coton. L'argent venait vite et les producteurs avaient suffisamment de quoi vivre jusqu'à la campagne prochaine, surtout que la vie n'était pas si chère.

En 1994, j'étais organisateur dans le bureau GV de mon village, mais l'année suivante, j'ai dû démissionner de ce poste parce que se sont les décisions du président et du secrétaire qui passaient toujours. Ils ne consultent personne et prennent des décisions en votre nom, cela a fait que certains sont partis vers le GV de Wobakarou.

Même après mon départ du GV, j 'ai servi le groupe en utilisant mon engin pour toutes les courses. Mais quand les ristournes arrivent, on ne me donne même pas 1F pour le carburant parce qu'ils me prennent comme le «gobigui» (le plus riche) du fait que j 'ai l'attelage.

En réalité, les ristournes sont partagées entre le président, le secrétaire et quelques responsables de l'USPP. Les paysans n'y sont jamais intéressés, ils veulent seulement leur « propre argent » de vente du coton, c'est pourquoi il faut que l'argent arrive vite. Jusqu'en 1996, l'argent arrivait régulièrement et il n'y avait aucun problème. Mais à partir de 1997, le

retard a commencé progressivement et cela ne nous permettait plus de contrôler le GV. Parfois quand l'argent vient, le bureau vous dit que ce n'est pas venu et on n'a pas les moyens de vérifier. Il y a eu certaines années où nous n'avons eu que 41% seulement de notre argent et même d'autres années où nous n'avons pas eu 1F pour nous soulager. C'est ce problème qui a amené à la création de AGROP devenu par la suite FENAPRA. Il faut dire que depuis qu'on s'est détaché du CARDER, les problèmes ont commencé. Avant les encadreurs connaissaient tous les champs et si quelqu'un doit de l'engrais, ils le savaient et tout marchait bien, il n'y avait pas des problèmes d'impayés. Maintenant le secrétaire se lève et va dans son champ sans chercher à savoir ce qui se passe à côté de lui, ce qui encourage les détournements d'engrais dans les GV.

Je suis allé dans le réseau FENAPRA en 2002. Au niveau de FENAPRA, on ne peut pas dire que cela ne marche pas pour le moment. Nous avons toujours eu notre argent à temps. Mais le produit de l'année passée n'était pas bon et quelques producteurs sont en impayé. Avant, quand j'étais dans le GV, je n'utilise pas les produits que j'utilise aujourd'hui dans le GP- FENAPRA. Les produits du GV étaient certes coûteux mais plus efficaces. Dans le GV on utilisait les produits de la recherche (LEC), mais dans le FENAPRA on n'a pas ces produits, donc on est obligé d'utiliser ce que les distributeurs de la FENAPRA nous donnent.

Aujourd'hui, le coton ne donne plus comme avant. Si on peut avoir autre filière, surtout au niveau des vivriers, je vous assure qu'on laissera tous le coton. Mais si la situation du coton continue ainsi, avec les retards du paiement, d'ici cinq ans, plus personne ne produirait le coton dans le Bénin

TABLE DES MATIERES

Dédicace i

Remerciements ii

Résumé iv

Abstract vi

Table des matières .. ix

Listes des tableaux xii

Listes des figures . xii

Listes des encarts . xiii

Abréviations . xiv

1. INTRODUCTION GENERALE 1

1.1 INTRODUCTION 1

1.2 PROBLEMATIQUE ET JUSTIFICATION 2

1.3 PERTINENCE DE L'ETUDE 4

1.4 OBJECTIFS ET QUESTIONS DE RECHERCHE 4

2. CADRE METHODOLOGIQUE 6

2.1 CHOIX DE LA ZONE D'ETUDE 6

2.2 CHOIX DES VILLAGES 6

2.3 METHODE DE COLLECTE DES DONNEES 7

2.3.1 Etude documentaire 7

2.3.2 Entretiens informels 8

2.3.3 Entretiens semi-structurés 8

2.3.4 Entretiens structurés 9

2.3.5 Triangulation 9

2.4 ECHANTILLONNAGE 9

2.5 NATURE DES DONNEES COLLECTEES 10

2.6 METHODES ET OUTILS D'ANALYSE DES DONNEES 11

2.6.1 La comparaison 11

2.6.2 Les études de cas 12

2.6.3 Les diagrammes participatifs 12

2.6.4 Les histoires de vie 12

2.6.5 Les citations 13

2.7 LIMITE DE LA RECHERCHE 13

3. REVUE DE LITTERATURE 14

3.1 ANALYSE DE QUELQUES CONCEPTS 14

3.1.1 Notion de filière 14

3.1.2 Notion d'acteurs 15

3.1.3 Le concept d'institution /organisation 17

3.1.4 Notion de conflit 17

3.1.5 La notion du pouvoir dans les organisations paysannes 19

3.1.6 Notion du leadership 21

3.1.7 Les interfaces sociales 22

3.1.8 Le système de connaissance et d'information agricole 22

3.2 EVOLUTION INSTITUTIONNELLE DE LA FILIERE COTON AU BENIN 23

4. PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE 26

4.2 MILIEU PHYSIQUE 26

4.2.1 Climat 26

4.2.2 La végétation et l'hydrographie 27

4.2.3 Sol et relief 27

4.3 MILIEU HUMAIN ET ACTIVITES ECONOMIQUES 28

4.3.1 Milieu humain 28

4.3.2 Peuplement et interrelations 28

4.3.3 Activités économiques 30

5. ACTEURS ET INTERFACES 1

5.1 RESTRUCTURATION DU SECTEUR AGRICOLE AU BENIN: DIFFERENTES REFORMES ENGAGEES DANS LE SECTEUR COTON 32

5.1.1 Diverses phases de gestion de la filière 32

5.1.2 La pression pour la libéralisation et la privatisation du secteur cotonnier 34

5.1.3 Déroulement du processus de désengagement de l 'Etat de la gestion de la filière 35

5.1.4 Performance de la SONAPRA 37

5.1.5 Retombées du transfert au niveau de la SONAPRA 37

5.2 CADRE INSTITUTIONNEL DE LA FILIERE COTON ET SON FONCTIONNEMENT APRES LA LIBERALISATION 38

5.2.1 Les choix stratégiques du gouvernement en matière de réforme de la filière 38

5.2.2 Les acteurs de la filière 39

5.2.3 Fonctionnement et enjeux au niveau des nouvelles structures 43

6. EFFETS DE LA LIBERALISATION SUR LE SYSTEME DE PRODUCTION 77

6.1 LA LIBERALISATION DU SECTEUR COTONNIER : LA SOLUTION ATTENDUE OU UNE IMPASSE

POUR LES ACTEURS DU SECTEUR ? 77

6.2 RECHERCHE COTONNIERE 78

6.3 VULGARISATION AGRICOLE 80

6.4 LA STABILISATION ET LE SOUTIEN DES PRIX DE COTON 81

6.5 LA LIBERALISATION DE LA FILIERE ET LE TRANSFERT DE POUVOIR AUX MOUVEMENTS PAYSANS 82

6.5.1 Les producteurs et la fixation du prix du coton graine 82

6.5.2 Effets de la réforme sur le bien-être des producteurs de coton 83

6.6. IMPACTS DE LA LIBERALISATION SUR LES PRATIQUES AGRICOLES EN COTON: CAS DU CONTROLE DES RAVAGEURS 84

6.6.1 Méthode de contrôle des ravageurs avant la libéralisation 84

6.6.2 Méthode de contrôle des ravageurs après la libéralisation 85

7. PERSPECTIVES DE LIENS INSTITUTIONNELS DES ACTEURS 87

7.1 ATTENTES DES ACTEURS 87

7.1.1 Attentes des producteurs 87

7.1.2 Attentes des distributeurs d'intrants 87

7.1.3 Attentes des égreneurs 88

7.1.4 Attentes de la recherche 88

7.2 APPRECIATION DE LA PORTEE DE LA REFORME DU SECTEUR COTON 88

7.2.1 Evaluation par rapport aux producteurs 88

7.2.2 Evaluation par rapport aux autres acteurs 90

8.1 UNE FORME DE IPM DANS LE CONTROLE DES RAVAGEURS AU BENIN: LA LUTTE ETAGEE

CIBLEE 92

8.2 LA PARTICIPATION PAYSANNE DANS LA MISE EN PLACE DES INNOVATIONS 94

8.2.1 Qu'est ce que la participation ? 94

8.3.2 Quel type de participation a t-on besoin pour la conduite des innovations ? 95

8.3.3 Rôles et motivations de chaque acteur dans la génération des innovations

agricoles participatives 95

8.3.4 Les obstacles à la participation 97

9- CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS 100

10. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 102






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