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Envoyé Spécial : une approche de l'environnement à la télévision française (1990-2000).

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par Yannick Sellier
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 Histoire et Audiovisuel 2007
  

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c- Une démarche journalistique : entre documentaire et reportage.

N'apparaît souvent sur le plateau qu'une seule personne lorsqu'il s'agit de présenter le journaliste que Paul Nahon et Bernard Benyamin désignent comme l' « auteur » du reportage. Par ailleurs, Bernard Benyamin et Paul Nahon invitent des réalisateurs de cinéma à concevoir des reportages. Concernant l'écologie, deux réalisateurs ont apporté leur contribution : Robert Enrico37(*) sur les incendies de forêt en mai 1991, Yves Boisset sur les ours et les infrastructures routières dans les Pyrénées en octobre 1992. Présenter le journaliste comme l'auteur d'un reportage, pour Paul Nahon et Bernard Benyamin, c'est une manière de préserver le journaliste du « rapt » du reportage auquel il a généralement consacré plusieurs semaines et dont eux-mêmes avaient été victimes en tant que journalistes. Le journaliste acquiert un droit moral sur son reportage comparable au « droit d'auteur » pour le cinéma. Entre autres exemples, Bernard Monsigny réalise en tant que journaliste des reportages pour Envoyé Spécial et en tant que cinéaste, des documentaires. Existe donc un constant parallèle entre une certaine démarche cinématographique (en terme de choix des images, de montage) et une pratique du journalisme (dont le but est d'abord de porter à la connaissance de toutes les informations essentielles). Paul Nahon explique ce parallèle:

« Vous savez très bien qu'à la télévision les journalistes sont aussi des auteurs38(*). Pas des réalisateurs, sauf s'ils réalisent leur sujet. Mais quand un journaliste part en reportage, il a envie de faire oeuvre de cinéaste. En revanche quand les cinéastes viennent travailler chez nous, ils n'ont qu'une envie c'est faire oeuvre de journaliste. Ainsi les uns et les autres essaient de se retrouver à la croisée des chemins. »39(*)

A cela s'ajoutent des titres de reportages évoquant explicitement des titres de films à succès, produisant une lecture particulière des éléments du discours agencés dans le reportage. Entre autres, Massacre à la tronçonneuse évoque le déboisement comme devant susciter horreur et frayeur, ou La bataille du rail, reprenant le titre d'une film de René Clément (1946) sur les sabotages du chemin de fer par la Résistance française durant la seconde guerre mondiale, et évoquant les résistances de la population touchée par le tracé du train à grande vitesse reliant Paris à Lyon. Paul Nahon et Bernard Benyamin expliquent que :

« Une information est lettre morte sans les visages, les hésitations, les rires et les larmes. Voilà pourquoi le bonheur et la tragédie sont souvent présents dans les reportages, signes tangibles que le monde bouge, change, explose ou s'apaise. » (...) «  Le reportage, c'est le goût et la saveur, la texture et le relief d'un événement qui ne serait sans lui que bruit et fureur. Le reportage, c'est la vie, loin des encadrés stériles et des dossiers austères aux vertus informatives évidentes mais ennuyeuses. » 40(*).

Paul Nahon précise encore que pour un reportage, « Comme dans un film, un personnage donne la clef pour entrer dans un problème. »41(*) et enfin, que le téléspectateur s'attache «  plutôt à un personnage ou à un groupe de personnes qui vont servir à éclairer l'histoire de leur pays, et, partant faciliter l'identification du spectateur. »42(*) Le reportage est donc souvent monté comme une histoire, ou plutôt comme un ensemble d'histoires singulières desquelles le téléspectateur peut tirer des enseignements, parfois une morale ou une loi générale.

Cependant, cette démarche n'est pas pour plaire à tout le monde. En effet, les théoriciens du journalisme, ou pour mieux dire certains universitaires et essayistes s'intéressant au journalisme, revendiquent pour la télévision, au début des années 1990, l'impartialité du discours informatif. Oubliant que le simple fait de choisir de traiter telle ou telle information est déjà le signe tangible d'une subjectivité. Cette revendication d'impartialité43(*) découle d'une évolution des techniques de transmission et d'enregistrement de l'information qui distinguerait la télévision de la presse écrite. La télévision aurait un impact renforcé, car plus direct et s'adressant à un public beaucoup plus large, que la presse écrite. Or le nombre de chaînes accessibles au plus grand nombre (les chaîne hertziennes) est restreint au début des années 1990 (le câble et le satellite ne sont encore réservés qu'à une part restreinte de la population). En conséquence de quoi, la télévision devrait être plus vigilante et surtout neutre vis à vis de l'information qu'elle transmet. Ceci afin que le téléspectateur puisse, en toute liberté, se faire une opinion sur celle-ci sans être trop influencé. Les moyens dont dispose la rédaction d'une chaîne de télévision semblent alors aussi plus performants que ceux de la presse écrite. Cette dernière est cantonnée à l'écrit et à quelques photos lorsque le journal télévisé diffuse images animées et commentaires pris sur le vif. La télévision se distinguerait donc encore de la presse par ses dons d'ubiquité et sa capacité à rendre le réel. Tandis que la presse serait plus à même de proposer un regard critique, un recul, par l'intermédiaire d'une réécriture nécessairement plus engagée de l'actualité.

Dans cette répartition plutôt schématique des tâches, et qui néglige par ailleurs le rôle des émissions radiodiffusées, Envoyé spécial apparaît un peu comme un électron libre. Certes, ce magazine s'inscrit dans la tradition du grand reportage des années 1950 aux années 1970 mais pour un public des années 1990, avec des moyens techniques et des aspirations différentes. Paul Nahon et Bernard Benyamin se départent donc d'un caractère prétendument strict et objectif au profit d'une subjectivité assumée, corroborée tant du point de vue formel que de celui du fond par les liens qui rapprochent le journaliste du documentariste.

* 37 Robert Enrico a reçu en 1976 un César pour le Vieux Fusil.

* 38 Respectant ce point de vue, les journalistes sont désignés comme les auteurs des reportages répertoriés dans l'inventaire des sources.

* 39 Rey Jean-Noël (propos recueilli par), Nahon Paul « Envoyé Spécial : rigueur et austérité », Cinémaction, Paris, 1997, p. 79

* 40 Azoulai Minou (coord.), Benyamin Bernard, Nahon Paul, Envoyé Spécial, le livre, Paris, Michel Lafon/Edition n°1, 1992, p. 20

* 41 Doussot Michel, « Entretien avec Paul Nahon », Télé Scope, n°131, Paris, 18-24 mai 1996, p. 13

* 42 Rey Jean-Noël (propos recueilli par), Nahon Paul « Envoyé Spécial : rigueur et austérité », Cinémaction, Paris, 1997, p. 72.

* 43 Esquenazi Jean-Pierre, La communication de l'information, Paris, Harmattan, Coll. « Champs visuels », 1997, p. 5

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld