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Ajustement d'une PME familiale à  son environnement socio économique: le cas de la société Mballa et fils SARL

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par Désiré Jules Ndoumou Foe
Université catholique d'Afrique Centrale - Master en socio anthropologie du développement 2007
  

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4.2 Les difficultés des entreprises et des entrepreneurs africains

Les travaux sur l'ajustement ou les entreprises en difficultés concernant le Cameroun sont rares. On retrouve quelques travaux sur ce thème en Afrique dans l'ouvrage collectif sous la direction de S. Ellis et Y.A Fauré (1995) Entreprises et Entrepreneurs Africains.

Par exemple, P. Labazée (idem : 142) évoque la perméabilité de l'entreprise africaine à son environnement culturel et social. Pour ce dernier, les difficultés des entreprises en Afrique sont liées au fait que la gestion des profits, marges et rentes capitalisés par les entreprises paraît échapper, au moins en partie aux critères de la décision économique. Il ajoute que « divers travaux évoquent les conséquences redistributives, des obligations magico - religieuses, des charges ostentatoires sur la valorisation des ressources financières dégagées au cours de l'activité ».

Les difficultés rencontrées par les femmes entrepreneurs et les tentatives d'ajustement de leurs activités sont reprises dans une étude du Ministère des Affaires Sociales et des Femmes du Cameroun (ibid : 474-482), présentant le cas de deux femmes propriétaires de moyennes entreprises à Bamenda affiliées à la North West Business Women's Association (NWBWA). Il ressort de cette étude que pour réussir dans leurs affaires les femmes entrepreneurs dépendent d'au moins trois facteurs : la disponibilité des crédits ; l'assistance des réseaux familiaux ; le fait d'être propriétaire d'un terrain. La prise en compte de ces facteurs s'avère essentielle pour la compréhension des difficultés des PME familiales au Cameroun, et particulièrement celles dont le propriétaire dirigeant est une femme comme c'est le cas de la SMF. Les femmes d'affaires réunies en association veillent à rendre leurs activités pérennes et efficaces en organisant des cours de gestion et de développement à destination des commerçantes. La formation en gestion représente donc un élément important dans la survie des PME.

Le métier d'entrepreneur ne s'apprend pas. En revanche, comme le soutient Y.A Fauré (ibid : 541) on peut apprendre des techniques de gestion et acquérir du savoir-faire. Néanmoins, « un problème majeur réside dans la faible ou la non disponibilité à la formation : le responsable

d'une entreprise ne souhaite pas apparaître comme celui qui apprend, ce qui signifierait qu'il ne sait pas, et il hésite également à quitter son activité, souvent très prenante, de crainte de s'exposer à des risques (perte de clientèle, relâchement des liens avec les fournisseurs, affaiblissement du contrôle des employés, etc.) ».

B. Ponson (ibid : 427-428) rappelle que les entreprises africaines exercent dans un environnement pénalisant. Il révèle que « l'Etat en Afrique a souvent pratiqué un interventionnisme de mauvais aloi :. multiplication des contrôles bureaucratiques injustifiés, pression fiscale excessive sur les entreprises du secteur formel, sans compter les prélèvements non officiels de toutes sortes... L'Etat s'est souvent révélé un prédateur redoutable pour les entreprises ». L'Etat en Afrique a insuffisamment contribué à la mise en place d'un environnement favorable aux PME.

Un document de l'Association Nationale des Entreprises Zaïroises (ANEZA), paru en décembre 1976, dresse la liste des défaillances constatées au sein des entreprises zaïroises :

absence totale d'activités commerciales, gestion inefficace, utilisation des fonds sociaux à des fins personnelles (construction de villas, achat de voitures etc.), absence totale de documents comptables, défaut de paiement des impôts, du personnel, de l'Institut National de Sécurité Sociale, non remboursement d'emprunts bancaires (ANEZA, circulaire du 15 novembre 1976). Cette situation au Zaïre est transposable au Cameroun, et particulièrement dans le cas soumis à notre étude.

Le cas de certains entrepreneurs comme celui de Blaise Tano Kouadio en Côte d'Ivoire (ibid : 341-345), montre qu'il est possible de s'ajuster après « une chute initiale ». Interrogé sur les causes de son échec, Tano Kouadio explique sans fard :

« Je me suis comporté comme un Africain. J'ai créé une société qui marchait bien et j'ai commencé à jouer le chef. J'achetais tout ce que je voulais. J'appelais mon comptable, je lui disais : « envoiemoi un million ». Je les dépensais. Je me suis cassé la figure ».

L'échec de la première entreprise est interprété a posteriori comme une épreuve formatrice :

« Se casser la figure, c'est une expérience à vivre. Résultat : les gens quand ils ont une boîte, je ne dis pas qu'ils sont guéris, mais ils savent la gérer. Parce que c'est terrible ».

le vice-président de la BAD, A. O. Sangowawa, établissait en 1993, lors d'une conférence organisée par le Comité des agences donatrices pour le développement des petites entreprises, un diagnostic fort intéressant au sujet des difficultés auxquelles doivent faire face les PME d'Afrique (P. English et G. Hénault, 1996 : 20) :

« [...] les petites entreprises méritent d'être encouragées en raison du grand intérêt et des merveilleuses possibilités qu'elles offrent du point de vue de la création d'emplois, de la répartition équitable du revenu, de la réduction de la pauvreté, de l'établissement d'un potentiel technologique local, de la participation au processus de développement des groupes qui sont dans une situation

économique précaire -- en particulier les femmes -- , de la création d'un terrain propice à la formation de gestionnaires et de chefs d'entreprises, de l'utilisation de leurs propres ressources pécuniaires et de la fourniture de services auxiliaires aux grandes entreprises. Bien qu'un nombre considérable d'États africains comprennent aujourd'hui l'importance des petites entreprises et se rendent compte qu'on doit favoriser leur essor, seuls quelques-uns d'entre eux ont adopté un train de mesures complet et efficace en ce sens. L'absence d'infrastructures, d'un cadre institutionnel et de mécanismes de financement appropriés ainsi que l'inefficacité des systèmes d'information existants ne sont que quelques-uns des sérieux obstacles qui entravent le développement organisé des petites entreprises en Afrique. »

Le représentant du secteur privé à cette même conférence, Alain Bambara, Président de Cosmivoire, résume les difficultés de l'entreprise et de l'entrepreneur africain (idem :22) :

« Quand une personne présente un projet, tout le monde part du principe qu'elle va échouer. On lui signale qu'elle sera en butte à des écueils, à des difficultés insurmontables. On lui dit que le secteur qu'elle veut exploiter est dominé par les expatriés et qu'elle n'a aucune chance. On lui conseille de s'intéresser à des secteurs plus rentables, comme si de tels secteurs pouvaient exister sans que les expatriés ne les remarquent.

Il règne chez beaucoup de nos administrateurs une mentalité qui n'encourage guère leurs frères à se lancer dans l'aventure de la petite entreprise. Au contraire, ils commencent même à l'étouffer par leur manière d'exercer leur autorité. Pour les esprits non suffisamment préparés à sassumer, de tels comportements sont vite décourageants.

Ce que je peux dire, c'est que ces tracasseries font partie du milieu de l'entreprise en Afrique et que l'entrepreneur doit s'en accommoder et trouver les moyens de s'en sortir. Le manque de fonds propres et l'insuffisance de sécurité sont souvent évoqués lorsqu'il est question des PME. Cest une réalité. Je me souviens avoir une fois sollicité un crédit à la Banque Nationale de Développement Agricole, pour ma plantation d'ananas. À l'époque, cette banque m'avait demandé de donner ma villa urbaine en garantie du prêt. Souvent, le patrimoine immobilier du promoteur n'est pas suffisant pour constituer une couverture-titres.

Par ailleurs, je viens de solliciter de la Société financière internationale un crédit, que j'ai obtenu. L'accord d'investissement est un document de 82 pages dont 36 traitent des conditions à remplir pour obtenir ce prêt. Je vous laisse deviner les difficultés qu'une PME pourrait rencontrer si d'aventure elle devait se trouver dans mon cas. Un État tout puissant qui passe une commande à des PME endettées et manquant de liquidités et qui ne leur paient pas leur dû, oeuvre pour la disparition d'un secteur dont lui même veut faire la promotion. »

La multiplication et la diversification de la production africaine sur les organisations, tel qu'on vient d'en avoir un aperçu ci-dessus, ne doivent pas faire illusion.

E. Kamdem (2000) relève deux principaux freins au développement des sciences de gestion en Afrique. C'est d'une part « la représentation négative de l'organisation », et d'autre part « la faible conceptualisation de l'objet `Organisation' ». L'organisation de production économique, loin de susciter un attrait aux yeux des africains, est plutôt devenue une source de méfiance car, étant susceptible de produire toutes sortes de nuisance chez l'individu11. Très souvent en Afrique, le concept d'organisation est largement confondu avec celui d'organisation administrative ou politique, c'est probablement pourquoi les chercheurs africains en sociologie et en sciences sociales ne se sont pas beaucoup passionnés pour cet objet d'étude davantage considéré comme une préoccupation des chercheurs en sciences juridiques et politiques. En outre, l'insuffisance, voire l'absence de ressources financières et matérielles est très souvent invoquée pour expliquer le retard pris par la recherche en général en Afrique. Nous pensons plutôt que le développement de la recherche aujourd'hui en Afrique est d'abord une affaire de volonté politique des dirigeants et d'engagement personnel des chercheurs avant d'être une affaire de disponibilité des ressources financières12.

Après avoir fait un état de la littérature sur notre thème d'étude, il est question à présent de faire ressortir la problématique de recherche. En effet, « Dans la pratique du monde réel, les problèmes ne se présentent pas d'eux-mêmes au professionnel comme des données. Ils doivent être construits à partir des matériaux de situations problématiques qui sont curieux, troublants et incertains. Pour transformer une situation problématique en problème, un professionnel doit effectuer un certain travail. Il doit donner du sens à une situation incertaine qui, initialement, n'en a pas » (Weick, 1995).

11 `Le travail du blanc ne finit jamais', telle est la phrase quasi rituelle prononcée aujourd'hui par nombre d'africains chaque fois qu'ils veulent exprimer la lassitude et la désaffection ressenties à la fois dans le travail industriel et dans son mode d'organisation.

12 Il est important de souligner ici le rôle central de certaines structures de financement et de vulgarisation de la recherche, à l'instar du Conseil Africain pour le développement de la Recherche en Sciences Sociales en Afrique (CODESRIA).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault