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La radiodiffusion au cameroun de 1941 à 1990

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par Louis Marie ENAMA ATEBA
Université de Yaoundé I - Master II en Histoire des Relations Internationales 2011
  

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II.1.2. Les difficultés relatives à la conjoncture économique

Après l'indépendance et la réunification, le Cameroun devait s'autogérer. Il se devait de financer le fonctionnement de ses institutions. Même les institutions dites autonomes étaient contraintes de recourir au soutien financier de l'État. Ainsi, l'État s'occupait de la rémunération du personnel de la radio publique. Ce qui rendait la radio nationale dépendante du gouvernement. Cela représentait un frein au traitement objectif des informations diffusées.

La radiodiffusion du Cameroun était régie par le droit public. Elle était de la responsabilité de l'État. L'État avait ainsi le monopole sur elle. L'aspect étatique de la radio apparaissait dans trois domaines : le statut de son personnel, son mode de financement, la tutelle exercée sur elle par les pouvoirs publics. La radio nationale, en tant que médium d'État, fonctionnait sur financements publics. Le prélèvement d'une redevance sur la détention d'un récepteur de radio avait été instauré par l'administration coloniale. Il avait été rendu obligatoire par le décret du Premier ministre camerounais, sous le gouvernement de la Loi-Cadre de Gaston Déferre139(*). Ce décret stipulait dans son article 3 que « toutes ventes de postes récepteurs devaient être signalées aux S.P.T., afin de permettre le recouvrement de la redevance d'usage ». Les renseignements sur les titulaires des postes-récepteurs parvenaient à la S.D.E.T., par le biais des maisons de commerce locales. À partir de cette information, le détenteur était répertorié dans un fichier, et soumis au paiement d'une redevance, dont le taux annuel par récepteur était de 1 500 F.C.F.A. Les redevances prélevées au Cameroun étaient reversées au trésor public, et faisaient partie du budget général de l'État.

Par ailleurs, Radio-Cameroun diffusait sur toute l'étendue de son réseau des spots de publicité commerciale en langues officielles et en langues nationales. Les recettes de publicité étaient plus consistantes que celles de la redevance, et s'accroissaient au fil des ans. Les activités publicitaires s'exerçant sur l'étendue du territoire national étaient les suivantes: l'affichage, l'étude des marchés, la radio, le cinéma, les articles et les matériels, le tourisme, les agences de voyage, etc. Elles relevaient du monopole de la C.P.E. Cette dernière en percevait les recettes et les mettait à la disposition du trésor public.

Les recettes de publicité de redevance ne contribuaient pas directement au financement de Radio-Cameroun. L'État constituait l'unique source de financement de celle-ci. Raison pour laquelle ses charges faisaient l'objet d'une inscription budgétaire. Celle-ci faisait partie de l'enveloppe budgétaire globale du ministère qui en assurait la tutelle. La radiodiffusion du Cameroun n'avait pas de personnalité juridique propre. Elle était une direction de l'administration centrale, placée sous la tutelle du MIN.I.CULT.

L'intégration des personnels de la radio à la fonction publique nationale, et le pouvoir de tutelle exercé sur elle par le gouvernement de la république, étaient des indices observables d'une volonté de contrôle étatique sur l'institution.

Le 30 décembre 1962, la convention relative au maintien de la propriété de la France sur la radiodiffusion du Cameroun fut abrogée140(*). Elle avait été remplacée par une nouvelle convention de coopération, signée le 5 mai 1963. Aux termes de ladite convention, la radiodiffusion du Cameroun était entièrement prise en charge par le gouvernement du pays, tant en se qui concernait le matériel, que son personnel. Dans son article 2 en effet, la Convention stipulait :

Les biens meubles et les matériels acquis sur le budget de la République française et le F.I.D.E.S. qui étaient utilisés par l'O.CO.RA. (ex-SO.RA.FOM.) pour les émissions de la radiodiffusion du Cameroun sont dévolus en pleine propriété à la République fédérale du Cameroun141(*).

Dès lors, le statut du personnel de la radio nationale devait connaitre une mutation certaine. Dans ce sens, le Président de la République, Ahmadou Ahidjo, annonça, le 23 juillet 1963 : « Un statut du personnel de la radiodiffusion doit voir le jour prochainement. Il permettra aux divers agents spécialisés une intégration à la fonction publique camerounaise »142(*). Par après, les journalistes de la radio nationale, de même que les autres personnels des secteurs techniques et administratifs, avaient été admis comme fonctionnaires, émargeant au budget de l'État, dans les diverses catégories : catégories A, B, C, D, agents contractuels ou décisionnaires. Fort de ce principe, les recrutements des personnels à la radio nationale se faisaient parfois par affinité. Des personnes occupant des postes de responsabilité avaient le privilège de recruter leurs proches. Par sentimentalisme, elles sollicitaient des ressortissants de leurs familles, notamment leurs amants ou leurs frères et soeurs. Ceci sans tenir compte de la qualification et de la compétence. Ces employés, compétents ou pas, faisaient carrière dans la fonction publique nationale. Ils intégraient sans mérite le fichier solde de l'État. Certains exerçaient comme journalistes avec le C.E.P.E. ou le B.E.P.C. D'autres y étaient admis comme techniciens, sans diplôme. Ils gravissaient des échelons, et présentaient des défaillances avérées. Lesdites défaillances ne leurs valaient ni sanctions, ni licenciements. Il était exceptionnel de ne pas rencontrer de cadre issu des familles des dirigeants au sein la structure. Lorsqu'un cadre était promu à la radio nationale, il était considéré comme « le sauveur » de sa famille. Il était comme tenu par l'obligation de « donner du travail aux siens ». S'il ne s'y employait pas, il était traité de « méchant » ou de « rébarbatif » par ses proches143(*). Devenus ses collaborateurs, ses proches n'excellaient pas toujours à leurs postes, même lorsqu'ils étaient qualifiés et compétents. Cela était lié au fait qu'ils étaient cajolés par le patron, qui n'était rien d'autre que leur congénère. Ainsi, ils n'étaient pas tenus par l'obligation de résultat, condition de renforcement de l'efficacité de l'entreprise. Dans ce contexte, certains reportages de la radio nationale étaient mal ficelés et relataient des faits mensongers, à cause des mauvaises prestations des auteurs ou des réalisateurs. En dépit de ses insuccès, la radio nationale connaissait très peu de mutations à sa direction144(*).

L'efficacité de la radio dépendait en partie de la diffusion libre de ses émissions. Car les informations et les idées véhiculées par la radio n'étaient utiles que si elles étaient objectives. Il allait de soit que la déontologie ne pouvait se développer à la radio que si celle-ci était libre. Cinq obstacles majeurs empêchaient la liberté de communication par la radio nationale. Le plus ancien était technologique. Le second était politique. En effet, le déploiement de la radio était freiné par les tribunaux et le pouvoir. L'État censurait et orientait l'information. La troisième menace était économique: l'utilisation de la radio dans le but de faire des profits. La troisième entrave était relative au conservatisme des professionnels. Leurs notions et usages étaient surannés. La dernière menace émanait des traditions, notamment le statut des femmes musulmanes, la loyauté envers la tribu, le respect des anciens. En clair, cette menace émanait du public.

Le poste national disposait de deux émetteurs Thomson de 100 kW en ondes courtes et interchangeables. L'un desservait le poste national proprement dit, et l'autre, la chaîne internationale. Le poste national disposait également d'un émetteur Thomson en ondes moyennes, couplé aux 100 kW en ondes courtes, d'un émetteur d'1 kW en ondes moyennes. L'émetteur de la chaîne internationale connaissait régulièrement des pannes techniques liées aux déficits de pièces de rechange. Il était courant que ledit émetteur fût dépecé pour assurer le dépannage de l'émetteur de 100 kW de la station provinciale du Nord, ou du poste national lui-même. En 1981, un véhicule était affecté à la S.D.P. et un autre à la S.D.N. Chaque sous-direction devait prendre en charge le transport de son personnel, pour des reportages et des services de nuit. Cela donnait lieu à une répartition d'un véhicule pour 28 cadres de production et assimilés au sein de la S.D.N. Bien que les effectifs du personnel aient augmenté, les véhicules disponibles étaient insuffisants. Il existait un déséquilibre remarquable entre les potentialités techniques disponibles des studios et les moyens logistiques dont disposaient les hommes de la radio nationale. Les cars étaient insuffisamment mis en valeur et allaient exceptionnellement en mission.

Les coupures d'émissions plus ou moins prolongées, des nouvelles peu travaillées, des programmes sans impact consistant, une animation parfois « brouillonne », déplaisaient aux auditeurs. Dès 1985, la télévision faisait grande concurrence à la radio. La plupart des cadres compétents de la radio avaient été sollicités pour officier à la télévision nationale. Il s'agissait notamment de Charles Ndongo, Barbara Nkono, Adamu Musa, Denise Epote. D'où l'affaiblissement de l'efficacité de la radio.

Au regard de ses difficultés, la radio publique camerounaise avait des défis importants à relever.

* 139 Ladite loi avait consacré le régime de l'autonomie interne au Cameroun. Cela supposait que les autorités camerounaises pouvaient prendre des décisions d'utilité publique, sans nécessairement se référer à la métropole (la France).

* 140 Convention n°2205 du 27 juillet 1960.

* 141 Convention de Coopération dans le domaine de la radiodiffusion entre la France et le Cameroun, publiée dans le Journal Officiel de la République française du 12 mai 1965, p.15.

* 142 Ahmadou Ahidjo, in « Anthologie des Discours », Discours d'inauguration de l'émetteur de 30 kW O.C. de Garoua, 23 juillet 1963, p.304.

* 143 Entretien avec Louis-Marie Enama, 66 ans, Vérificateur, Okola, 02 février 2010.

* 144 J.P. Biyiti Bi Essam, « Une radio régionale africaine et ... », p.63.

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