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Le pouvoir de Standard and Poor's, illustration de la raison néolibérale

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par Elise Fraysse
Université Lumière Lyon 2 -  2012
  

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Faculté de Droit et de sciences politiques

Master 1 Droit public

Mémoire présenté par Élise Fraysse

Le pouvoir de Standard and Poor's,

illustrationde la raison néolibérale

Directeur de mémoire :

M. Guillaume Protière, maître de conférences en droit public

Année 2011-2012

« Contre vents et marées, savoir se maintenir. »

Goethe

Introduction

Section 1. Les agences de notation, fruit de l'Histoire

« C'est une aliénation de soi, une déshumanisation d'autant plus infâme et plus poussée que son élément n'est plus la marchandise, le métal, le papier, mais l'existence morale, l'existence sociale, l'intimité du coeur humain elle-même »1(*). Voilà comment Karl Marx définit la dette, et par là même la relation entre le créancier et le débiteur. Ainsi, si l'on suit Marx, en empruntant de l'argent, le débiteur donne en réalité une part de lui-même, puisqu'il donne sa parole de rembourser. De la même façon, le créancier, en acceptant de prêter de l'argent - prêt qu'il corrobore d'intérêts, accorde sa confiance au débiteur. Le débiteur comme le créancier consentent donc à mettre sur le marché une partie d'eux-mêmes, voire s'aliènent complètement, puisque ce qui est exploité, c'est le « travail éthique de la constitution de soi »2(*). C'est ce qui caractérise le marché de la dette, qui ne se contente donc pas de mettre en relation l'offre et la demande afin qu'elles se satisfassent instantanément, comme on peut l'imaginer pour la plupart des autres marchés.

Car ce qui s'échange réellement sur le marché de la dette, ce ne sont pas des biens palpables, ce sont des sentiments humains et des promesses, celle de s'acquitter de la dette et celle de remboursement dans le futur. Par là même, « octroyer un crédit oblige à estimer ce qui est inestimable »3(*), à savoir un comportement futur et incertain : la capacité ou la volonté de rembourser sa dette dans plusieurs années. Puisqu'il est impossible de connaitre du futur,  les acteurs du marché de la dette ont trouvé une parade :il suffira de « réduire ce qui sera à ce qui est, c'est-à-dire à réduire le futur et ses possibles aux relations de pouvoir actuelles»4(*), peu importe qu'il y ait une réelle correspondance entre le présent et le futur de l'économie.

Si le marché de la dette est un marché de promesses incertaines, car tournées vers un futur incertain et qui, de la sorte, aliène « les sentiments les plus nobles du coeurhumain »5(*) - que sont la confiance et la reconnaissance de l'autre -, il est dès lors indéniable que c'est un marché dangereux et risqué. Marx, en réfléchissant sur la relation entre créancier et débiteur, imaginait la dette entre Hommes. Or, aujourd'hui, la dette qui tourmente le monde entier, c'est plutôt celle des Etats, car elle prend des proportions démesurées. Qu'en aurait pensé Marx ? L'Etat, puisque personne n'a jamais déjeuné avec « lui », n'est a fortiori doué d'aucun sentiment, de coeur ou de moralité. Dès lors, quelle aliénation subit l'Etat lorsqu'il emprunte de l'argent sur le marché obligataire - par l'émission d'une obligation ? Peut-être serait-ce ce qui le caractérise et le distingue parmi le reste, à savoir la souveraineté. Sans aller jusqu'à dire que sa souveraineté est complètement aliénée, il semble pour le moins qu'elle soit écorchée, puisque l'Etat remet une part de son futur - et de celui de ses citoyens - aux mains d'entités distinctes de lui, qui lui prêtent de l'argent, afin qu'il continue à exercer ses fonctions et par là même, son pouvoir. Si cet écorchement reste relativement superflu quand la dette d'un Etat est relativement peu importante, il est indéniable que celui-ci devient plus important quand la dette augmente.

La dette publique des Etats s'est considérablement développée à partir des années 1970, suite à une série d'évènements tant politiques que structurels (élection de Margaret Thatcher et Ronald Reagan, chocs pétroliers, fin des accords de BrettonWoods...)6(*).Depuis, la dette publique n'a cessé d'augmenter si bien qu'aujourd'hui, celle de la France s'élève à hauteur de 85,7% du Produit Intérieur Brut (PIB), soit près de 1 717,3 milliard d'euros7(*), dont près de 78% est composée de la seule dette souveraine. Le cas de la France n'est pas isolé, en témoigne la crise de la dette actuelle qui touche une grande partie des pays du monde.Face à cette généralisation de la dette publique et à l'évincement des banques centrales pour prêter de l'argent aux Etats, ceux-ci ont été de plus en plus enclins à intervenir sur le marché obligataire, afin de se financer.

Alors qu'au départ, le choix de son partenaire se faisait selon les « affinités » des entités entre elles, la généralisation et l'approfondissement de la dette ont augmenté le nombre de partenaires envisageables. Ainsi, un besoin potentiel est né : celui d'obtenir des informations pour savoir à qui emprunter et à qui prêter. En effet, les relations entre les Etats du monde occidental s'étant pacifiées depuis la fin de la Guerre froide, la subjectivité (les affinités) a laissé place à l'objectivité (la rentabilité) pour choisir son partenaire sur le marché obligataire.

Celles qui deviendront les agences de notation financières ont tenté de répondre à ce besoin, en prodiguant des notes, qui évaluent la capacité et la volonté de l'acteur concerné à rembourser sa dette dans le temps qui lui est imparti8(*). Parmi elles, Standard and Poor's est la plus importante et la plus ancienne. Cette agence, en tant que telle, nait en 1941, de la fusion de Standard Statistics et Poor's, qui fournissaient déjà des renseignements financiers aux investisseurs dès 18489(*). Ce n'est qu'au début des années 1980 que Standard and Poor's commence à publier des notes sur les autorités publiques - villes, Etats ou établissements publics. Standard and Poor's, société commerciale, à l'instar des autres agences de notation, devient dès lors un instrument incontournable de la finance puisqu'elle croît à mesure que la dette se généralise et grandit.

* 1Marx (Karl), OEuvres, Economie II, Crédit et banque, Paris, Gallimard, 1968, cité dans Lazzarato (Maurizio), La fabrique de l'Homme endetté. Essai sur la condition néolibérale, Paris, 2011, ed. Amsterdam, p. 46

* 2Lazzarato (Maurizio), La fabrique de l'Homme endetté. Essai sur la condition néolibérale, Paris, 2011, ed. Amsterdam, p. 46

* 3Ibid. p. 39

* 4Idem.

* 5Ibid. p. 46

* 6 Lacoste (Olivier), 1945-2000 : la mutation des dettes et des crises, Alternatives Economiques, La dette et ses crises, Hors-Série n°91, 2012, p. 21

* 7 Insee, Comptes nationaux annuels - Base 2005

* 8Standard and Poor's, Guide to Credit Rating Essential, 2011, p. 5

* 9 Standard and Poor's, A history of Standard and Poor's 1981-1987, 2009, en ligne : < http://www.standardandpoors.com/about-sp/timeline/en/us/>

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe