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Du mercenariat aux entreprises de services de sécurité et de défense : la question de l'externalisation dans les forces armées françaises

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par François Le Gallic
Ecole de l'air - Sciences Po Aix - Diplôme de Sciences Po Aix 2013
  

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4 / L'externalisation dans les pays anglo-saxons

« Donnez-moi la guerre, vous dis-je. Elle l'emporte sur la paix autant que le jour sur la nuit. Elle est vive, vigilante, sonore, pleine de lumière. », Shakespeare, Coriolan, 1607

Si « comparaison n'est pas raison », il n'est jamais inutile de regarder ce qui se fait chez nos voisins anglo-saxons en matière d'externalisation, notamment parce qu'ils disposent d'une expérience vieille de plus de cinquante ans dans ce domaine.

A) L'externalisation en Grande-Bretagne

Depuis 1983 et sous l'influence de John Nott (ministre de la Défense de 1981 à 1983) et de Michael Heseltine (ministre de la Défense de 1983 à 1986), le MoD pratique l'externalisation. Cette politique thatchérienne avait originellement pour objectif d'associer le secteur privé, et donc de lui en faire partager les coûts, à la politique de défense du royaume. Dans ce cadre, les fonctions de support furent assurées par le secteur privé à moins qu'il y eût une nécessité opérationnelle ou que cela fût plus économique de conserver ces fonctions in-house (Cmnd

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675-1, 1989, p. 35128). En 1991, le MoD fit appel à des prestataires privés dans de nombreux domaines comme la restauration, l'entretien des locaux, le nettoyage des tenues militaires, la sécurité et la maintenance. Certaines inquiétudes naquirent quant au recours à des sociétés privées dans le cadre de missions de guerre (le MoD parle de CONDO pour contractors on deployed operations). Toutefois des économies de l'ordre de 20 à 30% furent réalisées dans certaines unités129. En 1992, le MoD mit en place un programme qui incitait les services des armées à faire des offres concurrentes à celles des prestataires privés dans le cadre des contrats de défense. Tout ceci dans le but « d'améliorer l'efficience et la qualité du soutien aux lignes de front » (Cmnd 2800, 1995, p. 100).

Le MoD franchit un nouveau cap en matière d'externalisation en lançant successivement les PFI (Private Finance Initiative) en 1992 puis les PPP (Public Private Partnerships) en 1997. Pour être plus précis, la PFI consiste à faire financer par des partenaires privés l'achat de matériels et d'équipements publics. « Sans les charges d'achat et/ou de maintenance et grâce à l'étalement budgétaire que permet la PFI, la puissance publique encadre mieux ses budgets et contrôle plus facilement le dépassement. L'entreprise qui finance l'équipement public loue ensuite son utilisation à l'Etat.130 » Le PPP est quant à lui un terme générique qui est souvent utilisé de façon interchangeable avec la PFI. En effet, à la fin des années 1990, le terme de PFI avait mauvaise presse et il fut remplacé par celui de PPP, notamment parce que ce dernier vocable véhiculait à la fois les notions de « public » et de « partenariat ». Par ailleurs, dans le cadre des PFI/PPP, les sociétés privées financent et gèrent des services qui étaient autrefois du ressort du secteur public. Le recours aux PFI/PPP vise notamment à engranger des économies et à assurer une plus grande transparence dans le cadre des appels d'offres.

S'agissant du bilan de l'externalisation en Grande-Bretagne, il est possible de dire que les Britanniques ont été dans certains cas un peu trop loin. En atteste le célèbre fiasco du ravitaillement en vol. En 2002, le MoD annonça qu'il comptait externaliser cette fonction en évoquant des économies de l'ordre de 40%. En 2008, un contrat d'une durée de 27 ans et d'une valeur de 12 milliards de livres sterling fut signé avec AirTanker, consortium privé créé

128 Cmnd est l'abréviation pour Command paper, c'est-à-dire un document émis par le gouvernement britannique et présenté au Parlement. Les white papers, green papers, traités et rapports des Royal Commissions peuvent tous être publiés en tant que command papers.

129 Pr. HARTHLEY Keith, Military outsourcing : UK experience,Centre for Defence Economics, University of York, 2002

130 LAMBERT Eric, « Des bienfaits et conséquences de l'externalisation dans les forces armées », 25 septembre 2012, disponible sur www.vanguard-intelligence.com/fr/blog/, consulté le 25 septembre 2012

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pour l'occasion. Il s'agissait en l'espèce d'assurer la capacité opérationnelle de ravitaillement aérien et de transport aérien de la Royal Air Force (RAF), ce service comprenant l'entretien, la réparation et la formation des équipages. Pour améliorer la rentabilité de l'opération, il était prévu « qu'une partie de la flotte de ravitailleurs fasse l'objet de location à des compagnies aériennes de transport à la demande131 » puisque « seule une partie de ces appareils, environ un tiers, est nécessaire en temps ordinaire, lorsque le pays n'est pas impliqué dans une opération extérieure.132 »

Cependant, quatre aléas sont venus rendre ce contrat moins intéressant qu'il n'y paraissait au premier abord.

En premier lieu, la RAF a réduit drastiquement sa flotte d'avions de combats (environ un tiers), d'où une diminution du besoin relatif en ravitaillement en vol. Or, le caractère strict du contrat ne permet pas de renégocier le nombre de ravitaillements effectués.

En deuxième lieu, comme tous les aéronefs sophistiqués, les avions ravitailleurs auront besoin de subir des améliorations liées à l'évolution des techniques. Or, les avions n'appartiennent pas à la RAF et il lui sera donc difficile de réaliser les modifications nécessaires.

En troisième lieu, « le matériel de ravitaillement en vol, fourni par des constructeurs américains, est considéré comme sensible par le Pentagone qui l'a placé sous le régime ITAR (International Traffic in Arms Regulations), ce qui ne permet pas de louer ces avions à des compagnies privées pour les rentabiliser lorsque les militaires n'ont en pas l'usage.133 » Ainsi, l'intérêt économique du contrat perd toute sa valeur.

En quatrième lieu, AirTanker fournit les équipages des ravitailleurs (il s'agit de salariés civils). Or, le « contrat prévoit que pour les missions susceptibles de comporter un danger de nature militaire, notamment en Opex, des équipages militaires remplacent les civils à bord des appareils.134 », ce qui constitue « une lourdeur qui oblige la Royal Air Force à conserver et à entraîner des équipages opérationnels supposés ne pas voler en temps de paix.135 »

131 Rapport d'information n° 3624, En conclusion des travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur les externalisations dans le domaine de la défense, Louis Giscard d'Estaing et Bernard Cazeneuve, 5 juillet 2011, p. 64.

132 Op. cit., p. 63.

133 Op. cit., p. 65.

134 Op. cit., ibid.

135 Op. cit., ibid.

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Toutefois, le bilan de l'externalisation en Grande-Bretagne ne peut se résumer au seul cas du ravitaillement en vol. Comme le rappelle Philippe Chapleau, les « résultats sont mitigés, certains PPP et PFI étant à l'équilibre, d'autres marginalement profitables ; en revanche, confier la maintenance des Tornado à BAE a permis au MoD d'économiser 1,3 milliard de livres. Alors que les analystes tablent sur une baisse de 20% du budget de la Défense à partir de 2015, la Defense Support Review de 2009 préconise d'accroître l'externalisation ; selon ses rédacteurs, sur dix ans, le Royaume-Uni pourrait économiser 2,9 milliards de livres.136 »

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault