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Conditions socio-économiques des paysans de Lociane, une section de la commune de Thomassique


par Frantz Isidor
Faculté d'Ethnologie de l'Université d'État d'Haïti - Maîtrise en Sciences du Développement 2024
  

Disponible en mode multipage

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FACULTÉ D'ETHNOLOGIE(FE)

DÉPARTEMENT DES SCIENCES DU DÉVELOPPEMENT(DSD)

Sujet de recherche : Conditions socio-économiques des paysans de Lociane, une Section de la Commune de Thomassique.

Mémoire présenté par Frantz ISIDOR

Promotion 2020-2022

Pour l'obtention du grade de Maître en Sciences du Développement

Sous la direction du professeur Jean-Maxius BERNARD, Ph. D.

Février 2024

Université d'État d'Haïti
Faculté d'Ethnologie

Département des Sciences du Développement

Ce mémoire de maîtrise intitulé :

Conditions socio-économiques des paysans de Lociane, une Section de la Commune de

Thomassique

Préparé par :
Frantz ISIDOR

A été évalué par un jury composé des professeurs suivants :
M. Lamarre CADET, Ph. D.

Président

M. Jean-Maxius BERNARD, Ph. D.

Directeur de Recherche

M. Adma DESSEIN, Ph. D.
Lecteur critique

II

Table des Matières

Antécédents vi

Résumé 1

Introduction générale 2

1.-Justification de l'étude 5

2.-Problématique 7

3.-Principaux objectifs de l'étude 11

4.-Structuration de l'étude 13

Chapitre I. Cadre conceptuel et méthodologie de la recherche 14

1.1.-Cadre théorique et conceptuel 14

1.2.-Revue de littérature 16

1.3.-Méthodologie de recherche 22

1.3.1.-Collecte de données 25

1.3.2.-Méthode utilisée pour la collecte de données 26

1.3.3.-Méthode d'analyse et d'interprétation des données 27

1.4.-Contextualisation de l'observation ethnographique 27

1.4.1.-Rapport descriptif du paysage observé 29

1.4.2.-Grille d'observation 38

1.5.-Contrainte sur le terrain de recherche 41

Chapitre II. Lociane et conditions socio-économiques des paysans 42

2.1.-Géo-localisation de la frontière Haïti-République Dominicaine 42

2.2.-Thomassique et la 2e Section Lociane 44

2.2.1.-Délimitation 46

2.2.2.-Localisation de la Commune de Thomassique 46

2.2.3.-Localisation directe de la Section communale de Lociane 47

2.2.4.-Histoire de Thomassique et la 2e Section Lociane 47

2.3.-Voies de pénétration dans la 2e Section Lociane 50

2.3.1.- Comparaison entre des localités de la 2e Section Lociane 53

2.4.-Facteurs de développement des conditions socio-économiques des paysans de Lociane 53

2.4.1.-Intégration des forces actives dans l'économie productive 54

2.4.2.-Appropriation de l'espace territorial en développement 58

2.4.3.-Cheminement socio-historique de l'acteur local et sa place fonctionnelle 60

III

2.4.4.-Caractéristique particulière dans l'éclosion de la couche paysanne haïtienne 62

2.4.5.-Activités économiques des paysans de Lociane 64

2.4.6.-Tenure de la terre 66

2.4.7.-Engloutissement de l'économie du pays 68

2.4.8.- Conséquence de la réalité des secteurs économiques disjonctés 69

Chapitre III. Gestion de la frontière Haïti-République Dominicaine 71

3.1.-Différentes théories sur la thématique de la frontière 72

3.1.1.-Approche traditionnelle de la notion de frontière 72

3.1.2.-Considération sur l'approche moderne du phénomène de frontière 73

3.1.3.-Préférence accordée à l'utilisation des approches post-modernes de la frontière 74

3.2.-Question de la délimitation de la ligne frontalière Haïti-République Dominicaine 81

3.2.1.-Rapports Haïtiens et Dominicains 82

3.3.-Contexte socio-historique de la frontière Haïti-République Dominicaine. 84

3.3.1.- À partir de l'action de Toussaint Louverture 86

3.3.2.- À l'ère de l'indépendance d'Haïti 87

3.3.3.-Situation qui découle de l'indépendance de la République Dominicaine 89

3.4.-Négociation sur la ligne frontalière Haïti-République Dominicaine 90

3.5.-Considération sur l'évolution hégémonique de la Dominicainie par rapport à Haïti 93

3.6.-Systématisation de la discrimination raciale à l'égard de l'Haïtien 95

3.7.-Regard sur les Puissances internationales dans les relations entre Haïti et la République Dominicaine

97

3.7.1.-Insouciance des autorités haïtiennes vis-à-vis de la frontière 100

Chapitre IV. Décentralisation et organisation des collectivités territoriales 102

4. 1.-Rappel historique du fondement de la décentralisation en Haïti 104

4.1.1.-Fondement légal de la décentralisation en Haïti 104

4.1.2.-Approche théorique de la décentralisation 106

4.1.3.-Théorie juridique de la décentralisation 107

4.2.-Responsabilité des ordonnateurs dans la gestion de la finance dans le cadre de la décentralisation 108

4.2.1.-Prégnance de la corruption : l'érection des institutions efficaces de contrôle 108

4.3.-Organisation de l'administration centrale de l'État 109

4.3.1.-Finance dans le processus de la décentralisation 110

4.4.- Rôle de l'État dans la mise en place de la décentralisation : dotation des collectivités territoriales des

moyens de concevoir de véritables politiques publiques 112

iv

4.4.1.-Définition du concept de la collectivité territoriale 113

4.4.2.-Définition fondamentale dans la conception de l'État 114

4.4.3.-Définition des choix stratégiques de développement économique en matière de politiques

publiques 117

4.4.4.-Politique publique : de la naissance à l'acception moderne 118

4.5.-Condition nécessaire à l'implémentation de la décentralisation 119

4.5.1.-Distinction entre intérêt général et affaires locales 121

4.5.2.-Question de l'autonomie de gestion des collectivités territoriales 121

4.5.3.- Organisation de la Section communale Lociane sur le plan politique 122

Chapitre V. Résultat de l'étude 123

5.1.-Rapport de proximité des autorités de la collectivité territoriale avec la population 124

5.2.-Certains aspects anthropologiques du politique 127

5.3.- Responsabilité manifestée par le paysan dans la sphère du développement local 128

5.4.- Organisation sociale à Lociane 130

5.5.-Représentation du commerce des produits agricoles dans la frontière de la 2e Section Lociane par

rapport à la dynamique interne 133

5.6.-Impact de l'importation des produits agricoles sur la production du paysan haïtien 135

5.7.-Accès aux services vitaux 137

5.7.1.-Eau 137

5.7.2.-Soin de santé 138

5.7.3.-Éducation 139

5.7.4-Encadrement agricole 140

5.8.-Perception de l'État haïtien dans son abandon du monde paysan dans l'opinion des paysans. 142

5.8.1.-Ressources humaines 145

Conclusion 148

Perspectives propositionnelles 154

Limites de l'étude 155

Références bibliographiques 157

Annexe 169

V

Liste des abréviations, sigles et acronymes

AFPEC Académie de Formation et de Perfectionnement des Cadres

AF Année Fondamentale

ASEC Assemblée de la Section Communale

CASEC Conseil d'Administration de la Section Communale

CEA Conseil d'État du Sucre (c'est un sigle d'un organe dominicain)

CFPB Contribution Foncière des Propriétés Bâties

CFGDCT Contribution au Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales

CSCCA Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif

CTE Hinche Centre Technique d'Exploitation de Hinche

CT Collectivité Territoriale

DINEPA Direction Nationale de l'Eau Potable et de l'Assainissement

GVCM Global Vision Citadelle Ministries

IDH Indice de Développement Humain

IGF Inspection Générale des Finances

IHSI Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique

Km, Km2 et mm Kilomètre, Kilomètre carré et millimètre

MAE Ministère des Affaires Étrangères et des cultes

MARNDR Ministère de l'Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural

MDE Ministère De l'Environnement

MICT Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales

MEF Ministère de l'Économie et des Finances

MENFP Ministère de l'Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle

MPCE Ministère de la Planification et de la Coopération Externe

MPP Mouvement Paysan Papaye

MSPP Ministère de la Santé Publique et de la Population

NTIC Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication

ODD Objectifs de Développement Durable

ODPSL Organisation pour le Développement des Paysans de la 2e Section Lociane

OJUDT Organisation des Jeunes pour l'Unité et le Développement de Thomassique

ONG Organisation Non Gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

OREPA Centre Office Régional d'Eau Potable et d'Assainissement du Centre

PIB Produit Intérieur Brut

PLD Partido de la Liberacion Dominicana

PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement

PRSC Partido Reformista Social Cristiano

TI Transparency International

SMCRS Service Métropolitain de Collecte des Résidus Solides

SNGRS Service National de Gestion des Résidus Solides

UCREF Unité Centrale de Renseignement Financier

ULCC Unité de Lutte Contre la Corruption

USAID United States Agency for International Development

vi

Antécédents

La présente étude est dédiée à :

1) La mémoire de Franck ISIDOR, mon père, François ISIDOR, mon grand-père, Maurice BRUN, mon grand-père maternel et Lucita DUBUISSON (man François), ma grand-mère paternelle, en souvenir des valeurs sacrées de courage au travail inculquées en moi.

2) Clermana JOSEPH (man Maurice), ma grand-mère maternelle, qui vit encore1 plus d'un siècle, combattante de toujours.

3) Ma mère Irlande BRUN, une bâtisseuse d'avenir. Elle ne cesse jamais de serrer ses reins aux mille cordes de passion, d'amour, de tendresse pour alimenter mon coeur d'énergie nécessaire à surmonter les épreuves de la vie. D'autant qu'elle m'a doté d'une éducation digne qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui.

4) Mon épouse Gina CASIMIR, la manifestation de son indéfectible soutien m'a souvent été d'une double force.

5) Mes filles jumelles Gihandris Hassia, Nahandris Irlandie et mon garçon Rybklussen Yka-Ludrantz.

6) Mon frère Wensky ISIDOR et ma soeur Guerdeline ISIDOR qui m'ont toujours gratifié de tout accompagnement nécessaire et suffisant pour pouvoir valoriser mes aptitudes aux études universitaires et le côté intellectuel de la famille.

7) Mon Oncle Hubert ISIDOR, agronome, dont l'assistance dans l'adversité est un arbre donnant des fruits précieux pour l'avenir.

8) Natacha JEAN, une amie distinguée parmi mes condisciples de la promotion 2000-04 de l'École Supérieure d'Infotronique d'Haïti.

9) La mémoire de Maître Rosalès TRISTANT, pour la consécration de sa vie à l'enseignement, en particulier, celui du Droit aux élèves-avocats de l'École du Barreau de Petit-Goâve.

1 Par grâce, elle vit sa deuxième année après le siècle au moment de la réalisation de ce travail de mémoire. Longue vie à elle !

VII

Remerciements

Tout projet d'étude confronte une réalité de sacrifice et de passion. Ce qui caractérise la force de sa réalisation. Sans doute, notre travail ne saurait être réalisé sans l'aide et le soutien de mes proches de manière générale.

Je tiens à leur adresser mes plus sincères remerciements, et à tous ceux qui ont apporté leur soutien à son élaboration, en particulier :

Au Professeur Jean-Maxius BERNARD Ph. D., pour ses suggestions, conseils et critiques en tant que responsable du Département des Sciences du Développement et comme professeur accompagnateur. Des remarques ont été précieuses et indispensables pour orienter la recherche et aboutir aux résultats trouvés.

Au Doyen ad intérim de la Faculté d'Ethnologie, Professeur Claude Mane DAS ; tous les professeurs ayant participé et contribué à ma formation, pour m'avoir inculqué les valeurs et compétences pour pouvoir contribuer aux réflexions sur la problématique du développement en Haïti.

Comment ne pas adresser, de manière spéciale, des remerciements aux professeurs de méthodologies Ilionor LOUIS, Ph. D. et Jean Mary LOUIS S.J. / Ph. D. ;

À l'ensemble de mes camarades du DSD de la promotion (2020-2022) et autres amis pour leurs conseils avisés ;

À toute la communauté thomassiquoise et particulièrement les habitants de la 2e Section Lociane qui ont collaboré à la réalisation de cette étude et à tous ceux que j'ai omis involontairement, ils sont tous dans mon coeur, je leur adresse mes plus profonds remerciements.

VIII

Avant-propos

Il serait fastidieux et même impossible d'énumérer toutes les difficultés de la vie en Haïti. Parler des déplacements forcés et les violences physiques, psychologiques auxquels la population s'expose sous le simple fait qu'elle vit dans tel ou tel autre endroit qui puisse tomber sous la domination totale des bandes criminelles lourdement armées s'avère franchement écoeurant.

Les gangs armés extorquent, vandalisent, tuent, lynchent, incendient, pillent, volent, violent, kidnappent et rançonnent... sous les yeux passifs et impuissants de l'État central et des administrations locales. À travers la plupart des Départements du pays, toute la population haïtienne vit des moments d'effroi devant la terreur des criminels notoires opérant en toute impunité. Qui ne les a pas qualifiés de terroristes dont les actes ignobles n'émeuvent en rien des structures répressives du Gouvernement se faisant ainsi leur complice. En droit, il est admis le principe de responsabilité criminelle par omission. De par ce principe, n'y a-t-il pas lieu de questionner l'indifférence des gouvernants de l'État central et des agents des collectivités territoriales ? C'est le signe d'une inertie coupable dans cette prolifération des gangs armés qui commettent de manière plus directe et inimaginable des actes terroristes2 caractérisant une haine invétérée contre la société haïtienne.

De mon état de déplacé forcé et involontaire de mon lieu d'habitation à Pernier 17-A, où je m'étais installé depuis 2005, il m'est nullement besoin d'exprimer les chances que j'ai eues de pouvoir réaliser ce travail malgré le choc psychologique confronté en m'accommodant à de nouvelles résidences, parfois même à encourir des nuits, ô combien instructrices dans les locaux de la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Port-au-Prince.

2 Selon la Convention internationale du 9 décembre 1999 pour la répression du financement du terrorisme , dans son article 2.1 (b), un acte terroriste se définit comme « tout acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou par son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ».

1

Résumé

L'histoire d'Haïti3 - Kiskeya ou Bohio est marquée par des évènements qui déterminent la frontière entre les deux Républiques partageant l'île du même nom. Des moments conflictuels à la dialectique diplomatique, un nouvel ordre s'impose. Par exemple, l'intervention du Président Fabre Nicolas Geffrard, survenue en juillet 1861 dans l'affaire Rubalcava, constitua des actions fortement imprégnées des objectifs formels pour restaurer l'indépendance de la République Dominicaine et renforcer celle de la République d'Haïti. La nécessité pressante de créer et de maintenir des relations de coopération entre ces deux Républiques exige des efforts de relever le niveau de gestion et d'autonomie dans la décentralisation des collectivités territoriales en général, et surtout celles se trouvant sur la frontière. Des deux côtés, il importe de mettre en place des structures susceptibles d'assurer la production nationale. Ce, pour équilibrer des échanges commerciaux, culturels et même diplomatiques. Eu égard au constat fait, la République Dominicaine a pris le devant dans la course au développement : son économie est sortie bénéficiaire de ces échanges. Qu'est-ce qui justifie cette avance ? La décentralisation ne peut-elle pas contribuer à la dynamisation des régions frontalières ?

Le transfert de compétences dans le processus de la décentralisation interpelle les décideurs de l'État. Il leur incombe de définir de nouvelles politiques publiques visant l'amélioration des conditions socio-économiques des masses paysannes. Le cas de la deuxième Section Lociane, regroupant des localités rurales de la Commune de Thomassique, est révélateur. Dans cette Section communale, comme dans toutes les autres, la gestion de l'espace territorial se fait grandement sentir quant aux besoins exprimés par la population locale, surtout dans le cadre de sa participation dans le développement local.

La présente étude titrée : conditions socio-économiques des paysans de Lociane, une Section de la Commune de Thomassique participe aux réflexions sur la nécessité de permettre aux paysans haïtiens d'avoir plus de possibilité financière et gestionnaire pour prendre en main leur destin.

Mots-clés : Frontière, État, condition socio-économique, décentralisation, participation, masses paysannes, développement local, politique publique, collectivité territoriale.

3 La dénomination Haïti-Kyskeya ou Bohio désigne l'île d'Haïti. Des historiens en désignent le nom que les premiers habitants naturels donnèrent à cet espace insulaire caractérisé par ses hautes montagnes.

2

Introduction générale

La situation géographique de la 2e Section Lociane engendre l'importance primordiale de la frontière parmi les facteurs agissant sur l'évolution des conditions socio-économiques des paysans du milieu. L'interface directe des frontières représente des ressources économiques et culturelles. Les conditions socio-économiques des populations vivant dans les frontières relèvent d'abord des facteurs nationaux et internationaux. En effet, celles-ci sont étroitement liées au modèle de gestion politique et aux relations existant entre États contigus. Le niveau de développement atteint par les États en question joue aussi un rôle majeur dans l'appropriation de l'espace commun en lui donnant une caractéristique particulière dans la compréhension des phénomènes historiques et culturels qui ont façonné cette frontière.

La frontière internationale est la droite de division de premier ordre des structures territoriales des États indépendants. En droit international, les frontières font état d'objet inviolable, mais elles ne sont pas intangibles (Faucher, 2023). Au cours du temps, les frontières entre les États se font et se défont au gré de la conjoncture géopolitique du moment. Aujourd'hui, nous comptons cent quatre-vingt quinze États indépendants reconnus par l'ONU à travers les cinq continents qui se répartissent ainsi : deux en Amérique du Nord, cinquante-quatre en Afrique, quarante-huit en Asie, quarante-quatre en Europe, quatorze en Océanie et trente-trois en Amériques latines et Caraïbes (Deluzarche, 2023).

Dans le bassin de la Caraïbe se situent Haïti et la République Dominicaine, deux pays indépendants partageant la deuxième grande île de la région. Des 76,480 km2 dont mesure l'île entière, la République d'Haïti occupe le tiers soit 27,750 km2. Cette superficie est faite à 80% de montagnes contre seulement 7,000 km2 de plaine. Selon les estimations récentes, la partie occidentale abrite une population de près de douze millions d'habitants. Force est d'essayer de saisir l'impact des phénomènes socio-historiques de la frontière sur les représentations sociales et mentales des différentes composantes de la société haïtienne.

Les documents écrits nous permettent de faire remonter l'histoire de la frontière haïtiano-dominicaine aux traités de Ryswick (1697) et d'Aranjuez (1777). Abstraction faite des circonstances particulières favorisant ces traités, des événements conflictuels ont conduit à des effacements répétitifs des frontières entre ses deux territoires. Le premier moment d'effacement en date serait le traité de Bâle de 1795 qui prenait plein effet sous l'administration de Toussaint

3

Louverture, gouverneur de Saint-Domingue 1800-1802. La deuxième période fut l'unification administrative et politique qui s'établissait à l'intervalle entre 1822 à 1844. La troisième occasion s'est produite durant l'occupation américaine de la République d'Haïti qui a engendré l'unification administrative de l'île entière au cours de la période de 1916 à 1924.

Cette mouvance de rapprochement s'achemine vers une dynamique d'ouverture réciproque des deux sociétés, bien évidemment à l'avantage déterminant de la République Dominicaine, et enfin, aboutit à la logique de la coopération (Alexandre, 2020, p. 61). Néanmoins, la rengaine des positions extrémistes et racistes de l'anti-haïtianisme n'en démord pas. Une preuve se justifie dans les récentes actions politiques qui trouvent une expression dans l'arrêt TC 0168/13 de la Cour constitutionnelle dominicaine adopté en date du 23 septembre 2013. Près de 250,000 personnes d'origines haïtiennes qui jouissaient de la nationalité dominicaine deviennent apatrides avec l'application de cet arrêt. Mais aussi, la compréhension de l'évolution des alliances politiques4 en 1994, selon Pérez (2020, p. 101), pour contrer la montée de Peña Gomez à la présidence, - Dominicain noir, disciple de Juan Bosch au parti de PRD5-, illustra fort bien les sentiments racistes, xénophobes et anti-haïtianistes qui sont toujours vivaces dans les classes sociales dominantes en République Dominicaine. Les conséquences éprouvantes se répercutèrent plus fortement depuis le massacre de 1937 sur les rapports entretenus avec les populations haïtiennes des milieux frontaliers. D'où résulte l'importance de la compréhension du phénomène de frontière entre Haïti et la République Dominicaine dans la dimension socio-historique de sa création.

À chaque moment d'agitation discursive sur la ligne frontière entre Haïti et la République Dominicaine, l'épineux problème de sa délimitation s'impose, entre autres, dans toute sa complexité. Rappelons bien, qu'avant l'arrivée de la proclamation6 de 1794 consacrant l'abolition de l'esclavage à Saint-Domingue, Toussaint Louverture qui, - s'alliant tour à tour avec les

4 César Pérez a projeté une analyse sur le caractère invraisemblable de l'alliance de deux partis politiques PLD (Partido de la Liberacion Dominicana), parti fondé par Juan Bosch, incarnation du marxisme en République dominicaine et PRSC (Partido Reformista Social Cristiano), parti fondé par Joaquin Balaguer, héritier politique de Trujillo, conservateur historiquement opposés et même des adversaires pour bloquer l'arrivée de Dr Peña Gomez à la présidence en 1996. Parmi d'autres raisons, la classe politique le considérait comme un Dominicain noir à descendance haïtienne.

5 PRD (Partido Revolucionario Dominicano) est le parti politique de tendance gauche que Juan Bosch avait créé. Ce qui lui avait permis d'arriver au pouvoir aux élections de 1962 après la mort de Trujillo. Juan Bosch s'opposait toujours au secteur dominant représenté par Trujillo puis Balaguer. Après avoir été évincé au pouvoir en 1963 par un coup d'État, il partit pour l'exil et son parti, sous la direction de Peña Gomez, organisa la résistance contre l'invasion américaine de 1965 et entra en opposition contre Balaguer, revenu au pouvoir en 1966. Lorsque Bosch eut à revenir au pays, il abandonna son parti et créa le parti PLD.

6 La proclamation du 4 février 1794 de l'abolition de l'esclavage par la Convention est l'application du décret de Santhonax du 29 août 1793 pris à cet effet à Saint-Domingue.

4

Espagnols et les Anglais contre les Français, à la recherche des moyens de l'émancipation du peuple de Saint-Domingue - devait se résoudre à renouer ses relations avec les Français qui dominaient à l'Ouest. De son retour dans le camp français, il permit la conquête de toute la région du Nord qui rejoint à la rivière massacre.

Par ailleurs, le fait que Toussaint Louverture fut fondateur de la ville de Barahona y justifia bien plus une grande affluence de Noirs devenus Haïtiens après 1804, tout comme à bien d'autres endroits. Cantonnée à la frontière, dans les hauteurs de Mirebalais avant la campagne de l'Est, une branche de l'armée ayant à sa tête Jean-Jacques Dessalines a été rejointe par celle du Nord pour faire le siège de Santo Domingo en 1805. Cette campagne a certainement permis l'occupation des villes frontalières de Lascahobas, Hinche, Saint-Michel et Saint-Raphael. Il en ressort donc une sorte de maniement et remaniement de points de limites qui bougent soit au gré des situations de statu quo post bellum (Castor, 1988/2021) ou de tentatives de négociations où se sont proposées en cession à Faustin Soulouque (1847-1859), les plaines de Vega Real et Neyba7 (De Lespinasse et al., 2013). Mais l'intransigeance de l'Empereur Faustin 1er le tailla en mille pièces en voulant toute l'île sous la domination haïtienne. Certaines villes frontalières, toutes occupées par des Haïtiens, ont été bien obtenues par le combat diplomatique du Président Fabre Nicolas Geffrard (1859-1867). Mais cependant, l'indétermination des lignes a été si perplexe que la Constitution de 1874 a admis la fixation des limites en raison de l'occupation des habitations des Haïtiens sur l'île. Plus tard encore, dans les négociations de 1924 et 1931, il y a lieu de relever la revendication du droit de propriété d'Haïti sur une bande de l'espace de Monte Cristi et la région d'Azua.

Avec l'exiguïté des plaines dans la partie occidentale de l'île et la forte croissance démographique de la République d'Haïti, les Haïtiens avaient l'habitude d'occuper beaucoup de terres laissées en friche dans la zone frontalière de la partie de l'Est pour entreprendre des activités de l'agriculture, et également, s'y installèrent tout simplement8. L'évolution des conditions socio-économiques en obligeaient la plupart du temps.

7 L'historien Michel Hector souligne que Neiba eut un campement de Noirs fort nombreux en population qui existait depuis le début du XVIIe siècle. Ce campement portait le nom de maniel de Neiba. Cf [Hector, Michel. « Les traits historiques d'un protonationalisme populaire » in Hurbon Laënnec, dir. L'insurrection des esclaves de Saint-Domingue (22-23 août 1791). Actes de la table ronde internationale de Port-au-Prince du 8 au 10 décembre 1997, 2e éd. Port-au-Prince, Éditions de l'Université d'?État d'Haïti, 2023, pp 203-218].

8 Entre autres procédés qui ont permis l'installation des populations dans la zone frontalière, il y a le mouvement va-et-vient des esclaves en marronnage. Au début, les marrons sortent de l'Est. Rappelons par exemple, la rébellion des esclaves à Saint-Domingue en 1679 avec Padrejean qui fut esclave en fuite de la partie espagnole. La grande plantation qui s'intensifie avec la

5

L'occupation des espaces territoriaux par les paysans de la zone frontalière de la 2e Section de Lociane dans la Commune de Thomassique suscite l'intérêt de la présente étude sur les conditions socio-économiques dans la recherche de compréhension des facteurs potentiels de développement de cette zone. À telle enseigne, il revient à comprendre l'évolution de la production des échanges économiques et culturels dans leurs rapports systémiques qui traversent ce milieu frontalier.

1.-Justification de l'étude

Grande fut notre curiosité intellectuelle pour orienter notre recherche vers l'espace géographique nous permettant de comprendre les déterminants des facteurs socio-économiques qui expliquent l'évolution de la zone frontalière entre Haïti et la République Dominicaine. Et particulièrement, le travail noue le rapport de spatialité avec la frontière de la 2e Section Lociane dans les conditions socio-économiques des paysans y vivant tout en considérant les phénomènes sociaux qui s'y produisaient au cours de la période allant de 2010 à 2021.

Nous sommes convaincus que la zone frontalière de la Commune de Thomassique dispose des potentialités qui lui permettraient d'avoir un élan de progrès en faveur de la majorité de ses habitants. Le point culminant de ses atouts se focalise sous sa position frontalière. La 2e Section Lociane est le point frontal sur la frontière. Elle joue un rôle important dans les rapports des échanges commerciaux avec la République Dominicaine. Mais nous croyons que la 2e Section Lociane pourrait faciliter de plus vastes avantages par d'autres types de relations concernant des points d'échanges culturels, soit le tourisme environnemental et culturel, de productions coopératives. Aussi l'espace frontalier peut-il accueillir des projets de développement d'infrastructures, de création de zones industrielles indépendantes, de gestion commune de services, d'aménagement commun de territoire (nouvelles voies de communication, extension du réseau de transports en commun, parcs binationaux, etc.) À telle enseigne qu'il importe de souligner la valeur historique des localités de Playe et de Savane Mulâtre. La première localité fut un lieu de combat des cacos dans la résistance contre l'occupation américaine dès le mois d'août 19159, et la seconde transpire les retranchements des éclats épiques de champs de bataille au cours

colonie française à l'ouest provoquera la tendance inverse. Il fut évident que ce mouvement de traversée conduisit à des campements dans les zones de tampons entre les deux colonies (par exemple, il y eut le campement de Noirs insurgés dans la zone de Hinche). Depuis lors, la nécessité d'une délimitation officielle des frontières commença bien à s'imposer. 9 La localité de Playe dans la 2e Section Lociane de Thomassique fut l'objet d'une confrontation entre les cacos en 1917 (mouvement armé de paysans sous la direction de Charlemagne Péralte et Benoit Batraville) et des troupes de marines de l'occupation américaine en 1915-1934. Cf [Gilles, Justin, « Des choses à savoir sur la Commune de Thomassique », Loop Haiti News, publication du 13 septembre 2022, en ligne, www.haiti.loopnews.com, consultation au cours du mois de juin 2023.]

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des campagnes de l'Est après 1844. C'est un fort potentiel touristique qui se renferme dans la substantivité historique des quelques rares évènements qui survinrent dans ce milieu. Cependant, la réalité ne semble augurer de telles perspectives à ce jour dans cette zone d'étude de l'espace frontalier haïtiano-dominicain. Mais, malgré tout, il s'avère que les échanges commerciaux s'intensifient continuellement dans cet axe central qui jouit de l'avantage de la proximité géographique à la grande région métropolitaine et par rapport au Nord, en particulier.

Des raisons d'ordre personnel nous conviennent également à étudier certains aspects sur Thomassique, Commune ayant en front de l'Est, la zone frontalière de la 2e Section Lociane. Car, il parait sincèrement d'une obligation toute naturelle de participer à la recherche d'une explication scientifique par rapport aux difficultés auxquelles est confrontée la population de la 2e Section Lociane, en guise de contribution sociale au processus de production de réflexions scientifiques. Ainsi, des raisons du moins personnelles et intellectuelles animent-elles notre curiosité à investiguer et explorer ce champ d'étude. La période de onze années retenue, pour développer cette étude est motivée dans l'optique de suivre la régularité de certaines données autant que possible qui puissent nous permettre de bien établir notre objectif de recherche. La 2e Section Lociane caractérise un choix privilégié en fonction de sa situation directe sur la ligne frontalière de la Commune de Thomassique.

Cette position de grande proximité avec la République Dominicaine répond pour la plupart des paysans à une logique d'opportunité économique. D'ailleurs, celle-ci s'offrant par la facilité d'échanger de marchandises existe depuis des lustres. En outre, il y a la mobilité de travail à court, moyen et long terme dans l'autre partie, la proximité familiale avec des personnes qui vivent de l'autre côté. Et, au cas échéant, la possibilité de bénéficier des services scolaires et de soins médicaux qui sont disponibles dans la partie de l'Est. Des raisons d'attachement aux patrimoines justifient encore la vie de beaucoup de paysans dans cette zone. Les paysans se résignent tant bien que mal à cultiver de la terre comme principale activité généralement occupée par la plupart d'entre eux dans la 2e Section Lociane. C'est à la faveur de bien de pareilles considérations socio-historiques qu'il convient globalement de faire poindre les horizons du sujet de recherche sur une explication démontrant l'importance particulière de la frontière de la 2e Section Lociane entre autres facteurs significatifs et déterminants dans l'évolution des conditions socio-économiques des paysans du milieu. Ce qui revient à caractériser une analyse profonde de la problématique du mileu et de ses paysans dans la dimension de leurs conditions socio-économiques.

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2.-Problématique

Jusqu'en 2021, selon les estimations des Nations Unies 10(World Population Prospects), Haïti est habitée par une population de 11, 541,683 personnes. Mais les données de l'IHSI en accusent, pour la même année, une estimation de population de 11, 905,892 personnes dont 5, 906,934 hommes et 5, 998,963 femmes. Alors que la République Dominicaine, occupant plus de 2/3 tiers du territoire de l'île, est peuplée de 11, 118,000 personnes11 dont 50.2% d'hommes et 49.8% de femmes. Les rapports des échanges commerciaux et culturels entre les deux peuples sont importants. Néanmoins, les contrôles des flux transfrontaliers restent une difficulté énorme pour les autorités haïtiennes qui manifestent une véritable incapacité à assurer la sécurité de leur territoire national. Les seize points frontaliers non-contrôlés (OIM, 2021) et les quatre autres considérés officiels sont susceptibles des toutes sortes de trafics illégaux qui exposent les paliers de la sécurité intérieure du pays. La sécurité nationale englobe un tout y compris le complexe environnemental incluant des facteurs de conditions socio-économiques.

La dynamique de construction et de production itérative d'idées compréhensives du milieu en vue se délimite dans les confins de la 2e Section Lociane de la Commune de Thomassique du Haut Plateau Central comme unité spatiale de l'étude, au cours de la période de 2010 à 2021. De là, elle recoupe l'intérêt d'appréhender les principales caractéristiques du niveau de développement qui y sont susceptibles avec les données sur les conditions socio-économiques des paysans actées dans le prisme de la gestion accentuée sur le schéma organisationnel décentralisé en fonction des prescriptions de la Constitution de 1987. La démarche visant à cerner la complexité de la question des conditions socio-économiques des paysans de Lociane saurait-elle écarter la logique d'instrumenter les rapports d'échanges développés avec la frontière dans son développement ?

Le développement d'Haïti, comme la plupart des pays ex-colonisés encore sous-développés, dépend de quelques enjeux majeurs qui sont, en général : l'accès aux services de santé en fonction des principaux indicateurs sanitaires et autres services de bases placés au coeur de la problématique de développement (Mathon, 2012). De plus, il y a lieu d'interroger des aspects qui touchent :

? L'intégration économique régionale ;

10 Ces données ont été disponibles sur le site internet

Https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SP.POP.TOTL?locations=HT

11 Ces données sont fournies sur le site internet www.donneesmondiales.com/republiquedominicaine.

·

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Les réflexions sur la problématique de l'industrialisation par les transformations 12 technologiques ;

· Les choix sur les questions migratoires, le renforcement institutionnel des cadres normatifs d'État : la lutte contre la corruption, l'établissement d'un État de droit, la concrétisation des mécanismes de décentralisation et la garantie de la sécurité nationale.

Les discussions s'enchainent à la définition d'un agenda sur :

· Les thématiques de l'environnement : réduction des risques de catastrophes diverses et désastres, arrêt et renversement de la dégradation écologique et de la pollution ;

· La maîtrise de la stabilisation des tensions économiques et financières à l'ère néolibérale : la réduction de la croissance des inégalités (la lutte contre la pauvreté) ;

· La lutte contre les trafics illégaux de toutes sortes et la lutte contre la contrebande ;

· La gestion des espaces frontaliers, etc.

Ce sont autant de préoccupations vitales et cruciales qui déterminent les conditions socio-économiques et politiques des populations des pays en question. Ce, dont l'élévation du niveau de vie de manière significative requiert, en grande partie, d'un effort réel pour institutionnaliser un régime de gouvernance qui permet de prendre en compte des principes fondamentaux de la défense des intérêts généraux de la Nation13, indépendamment du contexte social et politique d'autant bien qu'ils soient égoïstes ou non. À cet égard, la Nation haïtienne accuse une absence complète de vision d'État moderne14 dans son fonctionnement.

En général, les dysfonctionnements de l'État sont aigus : son désengagement en milieu rural rend la situation encore plus chaotique. En ce qui concerne la réalité de la 2e Section Lociane, nous disposons des données récentes qui ressortent de l'observation au cours de plusieurs visites sur les lieux en 2022. Il s'agissait de procéder directement à des déplacements dans plusieurs localités de la Section Lociane qui se trouve dans la Commune de Thomassique. Nous avons observé l'état

12 À ce propos, Irma Adelman affirme que dans les pays en développement, les transformations technologiques se font davantage sous la forme de transferts de technologie que des Recherches et Développement qui sont trop couteuses.

13 L'académie française, 1694, définit la nation comme l'ensemble des habitants d'un même Etat, d'un même pays, vivant sous les mêmes lois et utilisant le même langage. Http://www.universalis.fr, consulté le 02/7/2022.

14 Le concept d'État moderne renferme un mode d'organisation politico-administrative qui présente des capacités étatiques et de structures institutionnelles internes de garantie de droits dans une territorialité. Cf [Sassen Saskia. Critique de l'État. Territoire, autorité et droits, de l'époque médiévale à nos jours, en ligne, 14/05/2009, https://www.contretemps.eu/wp-contents/uploads/Sassen ch1.pdf, site visité en janvier 2024].

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précaire des conditions de vie des habitants ou paysans de cette zone. La lecture faite de la situation des habitants dans cette zone frontalière interroge l'efficacité des politiques publiques qui visent au développement de la Commune y compris celui de ses deux Sections communales. Il s'agit de projets effectifs tendant à justifier la mobilisation et l'affectation des fonds communaux15 (Cadet, 2014). Les courantes utilisations faites par les autorités de ces fonds ont-elles un impact concret sur les conditions de vie de la population ? Cette dernière est confrontée à bien des problèmes sur tous les plans qui comptent de manière non exhaustive, l'assèchement des rivières et cours d'eau qui présente l'état de fait assez visible où les rivières (Lociane, Don Diègue, Rio Hondo, Los Ratones16 et Boucan Taureau) et le cours d'eau (Augustina) diminuent considérablement en débit. Tout compte fait, la situation observée semble accuser des difficultés de toutes sortes dans les facteurs de développement visant à fournir un accès aux services relatifs à la santé, l'eau potable, l'éducation, etc.

La considération de certains indicateurs économiques permet d'évaluer la détérioration des conditions socio-économiques résultant de l'incapacité de l'État à propulser la modernisation des filières économiques. Celles-ci se fondent surtout sur l'agriculture, l'élevage, la commercialisation et sur la fabrication du charbon de bois, un fléau pour la couverture végétale. Les terres quasi désertiques deviennent moins rentables pour les cultures traditionnelles telles que la patate douce, le maïs, le manioc, le pois congo, etc. L'aridité des terres est une préoccupation pour les paysans étant bien confrontés aux problèmes de l'exploitation agricole manuelle traditionnelle sur des superficies extrêmement réduites au fil du temps. Les difficultés de communication ne sont pas les moindres : la plupart des routes sont tortueuses, impraticables aux convois par camions.

Le contexte de la 2e Section Lociane de la Commune de Thomassique accuse la complexité de la gestion territoriale qui semble jouer un rôle prépondérant dans les conditions socio-économiques des paysans haïtiens vivant dans cette zone frontalière. Comme toute Section communale, Lociane est concernée par la décentralisation qui fait l'objet des articles 61 à 87 de la Constitution de 1987. Par exemple, l'article 66 fait injonction aux autorités de l'État de permettre aux collectivités territoriales de jouir de l'autonomie nécessaire à leur développement.

15 Depuis l'exercice 2012-2013, le budget national a prévu un décaissement de 10 millions de gourdes disponibles pour chacune des 142 communes du pays. Le montant sert à financer des projets qui concernent leur développement socio-économique.

16 Les rivières de la zone sont dénommées en espagnol. Loratoun en créole tire sa traduction du mot espagnol Los Ratones.

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Mais en réalité, il y a une centralisation à outrance dont souffrent toutes les Sections communales accentuant de surcroît une situation de disparité entre les localités. Entre autres conséquences de ce fait, sans de véritables réseaux d'organisation communautaire, les paysans de Lociane sont empêtrés dans une dynamique d'échange commercial avec la République Dominicaine qui est tout à fait défavorable à leur encontre et tendant à les entrainer dans une dépendance accrue. Cette situation est exploitée pour caractériser une position hégémonique - tant supputée par le système néo-colonialiste et impérialiste raciste de l'Occident - de la République Dominicaine sur Haïti. Ces problèmes observés sur le terrain, constituent l'objet de la présente étude. Des nombreuses questions qui pourraient susciter les débats, retenons quelques-unes dont : comment les collectivités territoriales appréhendent-elles la question de la décentralisation ? Comment pouvons-nous comprendre les réticences de l'État haïtien à concéder l'autonomie pleine et entière des collectivités territoriales qui doivent planifier et implémenter leur développement ? Quelles sont les causes fondamentales expliquant ou conditionnant la détérioration des conditions socio-économiques des paysans haïtiens des zones frontalières en général, et ceux de la 2e Section Lociane en particulier ? Quelle relation peut-elle exister entre gestion de l'espace territorial et les conditions socio-économiques des paysans ? Quel peut être l'intérêt à tirer d'une gestion plus efficace de ces zones frontalières pour l'amélioration des conditions socio-économiques des paysans y vivant ?

Ainsi, une revue de littérature et les informations tirées des données recueillies sur le terrain de la recherche s'avèrent-elles nécessaires à la clarification des questions posées. Entre-temps, nous prenons soin de préciser le champ de notre d'étude en formulant des questions comme : quels sont les facteurs qui déterminent les conditions socio-économiques des paysans haïtiens de la zone frontalière de la 2e Section Lociane? En quoi le processus de décentralisation consiste-t-il à fournir des facteurs de gestion constituant un modèle autre que celui qui est en vigueur dans l'espace territorial de cette zone frontalière ? Quel peut être l'apport de la décentralisation par rapport à la dynamique d'accentuation des politiques publiques visant à affecter ou impacter les conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane de la Commune de Thomassique ? En quoi le levier déterminant des conditions socio-économiques des paysans de Lociane constitue-t-il un facteur corollaire de l'intervention de l'État, des autorités de la collectivité territoriale dans le prisme de la décentralisation, des rapports d'échanges sur la frontière et des différentes formes d'organisation développées pour défendre les intérêts locaux ?

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Quels sont les facteurs de relation des groupes sociaux internes et des relations internationales qui s'emploient-ils à affecter les conditions socio-économiques des paysans de la zone frontalière de la 2e Section Lociane de Thomassique ?

2.1.-Question de recherche

Toutes ces questions peuvent être résumées comme il suit : en quoi consistent-elles l'évaluation et la compréhension de l'impact de la frontière de la 2e Section Lociane sur les conditions socio-économiques des paysans dans la dynamique politique de la décentralisation et l'évolution des structures d'organisation du milieu pour un développement local ?

2.2.-Hypothèses

L'implantation de la décentralisation dans la frontière de la 2e Section Lociane entraine la gestion territoriale pénétrant une nouvelle dynamique de participation de ses paysans dans la production de développement local tout en intégrant les agents de la collectivité territoriale et les structures d'organisation dans la défense des intérêts locaux pour améliorer les conditions socio-économiques.

D'où découle une autre qui enjoint la volonté politique de l'État pour le processus de la décentralisation de la frontière de la 2e Section Lociane comme clé de réussite en complément de la gestion des ressources de tous ordres qui doivent être mobilisées dans la définition de politiques publiques affectant les conditions socio-économiques dans cette spatialité spécifique.

3.-Principaux objectifs de l'étude

3.1.-Objectif général

Comprendre l'évolution des facteurs déterminants des conditions socio-économiques des paysans de Lociane dans les rapports systémiques établis à ce niveau sur la ligne frontière entre Haïti et la République Dominicaine.

3.2.-Objectifs spécifiques

Comprendre la forme de relation développée entre les autorités de la collectivité territoriale et les paysans de Lociane dans la dynamique de recherche de participation.

Montrer l'enjeu de la géopolitique dans les rapports d'échanges au niveau de la frontière de la 2e Section Lociane.

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Relever les traits caractéristiques de la vie organisationnelle des paysans dans la 2e Section Lociane.

Évaluer certains indicateurs sur les conditions socio-économiques des paysans de Lociane.

Dans le but de mieux organiser les données de cette recherche, nous avons jugé utile de retenir un certain nombre d'indicateurs pour la vérification des concepts de l'hypothèse. Ces indicateurs permettent de construire les variables à vérifier ou de mieux opérationnaliser les concepts.

La méthode mixte de recherche exploratoire et descriptive nous permet de saisir les dimensions qui définissent et opérationnalisent des variables de l'hypothèse multi-variée caractérisant ce travail. C'est ainsi que l'hypothèse première comporte la variable indépendante de l'implantation de la décentralisation avec la participation des forces vives dans le développement local. La variable dépendante comprend l'amélioration des conditions socio-économiques des paysans de Lociane. La variable intermédiaire ressort de l'intégration des agents de la collectivité territoriale et des structures d'organisation dans la défense des intérêts locaux.

Aussi, la seconde hypothèse contient-elle la variable indépendante de la volonté politique de l'État dans le processus de la décentralisation de la frontière de la 2e Section Lociane. La variable intermédiaire se dresse dans la gestion des ressources de divers ordres qui doivent être mobilisées dans la définition de politiques publiques.

Ces différentes variables comportent des concepts qui vont essentiellement caracteriser l'outillage de cette étude de recherche. Pour l'élaboration de ces outils, un certain nombre d'indicateurs ont été d'abord sélectionnés, puis traduits sous forme de questions. Les principales questions de l'argumentation portent sur les constructions des variables suivantes :

? Compréhension des acteurs locaux de la CT de la 2e Section Lociane du processus de la décentralisation.

? Niveau d'adaptation des paysans de Lociane aux rapports d'échanges dans la frontière de la 2e Section Lociane.

? Participation des paysans de Lociane aux structures d'organisation en vue défendre les intérêts locaux.

? Importance de la gestion territoriale dans la production de développement local dans la 2e Section Lociane.

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4.-Structuration de l'étude

La présente étude comporte cinq (5) chapitres. Le premier chapitre, présenté sous le nom de Cadre conceptuel et méthodologie de la recherche, contient la documentation qui nous permet de définir les concepts et de faire choix des méthodes ou des outils méthodologiques adaptés à l'étude et renferme la revue de la littérature tout en démontrant des points justificatifs. Le deuxième chapitre, intitulé Lociane et conditions socio-économiques des paysans, comporte la dimension caractérisée sur la géolocalisation de la spatialité de l'étude tout en présentant le contexte de l'observation de terrain qui permet de déceler les différents facteurs agissant dans la détermination des conditions socio-économiques des paysans. Il établit également l'enjeu du développement local avec la participation de l'acteur paysan. Ce qui prouve le degré d'engagement du paysan dans la lutte pour son émancipation socio-économique. Le troisième chapitre, intitulé Gestion de la frontière Haïti-République Dominicaine, entend démontrer la complexité de la notion de frontière et la particularité socio-historique de la frontière haïtiano-dominicaine et présente les enjeux de la délimitation de la ligne frontalière entre les deux États. Le quatrième chapitre, dénommé Décentralisation et organisation des collectivités territoriales, embrasse succinctement la question de la décentralisation de l'État et détermine le rôle prépondérant qu'il joue dans la mise en oeuvre de la décentralisation à côté d'autres acteurs. Enfin, le cinquième chapitre, présenté sous le titre de Résultat de l'étude, se déroule autour de la démonstration des résultats interprétés après l'analyse des données pour en dégager une étude scrutée sur une réalité concrète des informations vérifiables. Ces dernières permettent de saisir la situation globale de la population-cible qui éprouve des contraintes majeures dans son développement. Les considérations objectives sur les données significatives suscitent toutes sortes d'intérêts pour des études de recherche scientifique.

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Chapitre I. Cadre conceptuel et méthodologie de la recherche 1.1.-Cadre théorique et conceptuel

En Haïti, la concrétisation des mécanismes de la décentralisation de l'État est toujours considérée comme une opportunité pour les collectivités territoriales. Elle consiste à favoriser l'intervention croissante et consistante des collectivités territoriales dans la définition de politiques publiques de gestion spécifique de leurs régions pour déterminer la production nécessaire de développement local qui puisse conduire à l'amélioration des conditions socio-économiques des populations concernées. La collectivité territoriale de Thomassique devrait être en mesure de partager des responsabilités qui favoriseraient son développement et surtout tirer profit de sa position frontalière. La responsabilité des autorités locales s'avère nécessaire au développement local. Les structures sociales, mentales, politiques, économiques sont importantes dans la prise en compte de politique publique. Ce qui implique donc d'ouvrir tout l'espace de réflexion à accueillir la participation des paysans concernés dans l'implantation du modèle de développement dans leur communauté en tenant compte des efforts associatifs déjà germés un peu partout dans les localités de la 2e Section Lociane en dehors même de toute représentativité significative de l'État.

La recherche sur les conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane de la Commune frontalière de Thomassique introduit implicitement le concept de frontière à côté d'autres qu'ils s'avèrent nécessaire de considérer en ampleur pour pouvoir saisir toute la dimension de cette étude. Il s'agit bien d'une obligation cruciale de préciser le champ d'orientation conceptuelle qui permet de chevaucher sur deux courants partageant la conception des conditions socio-économiques dans cette recherche. Premièrement, elles renferment des considérations sur le développement économique, des salaires dans le marché du travail, le prix des marchandises, le capital, l'état des transports, la diffusion des medias, etc. Et, deuxièmement, elles sont perçues dans l'optique d'un certain nombre de facteurs de bien-être qui sont entre autres une alimentation suffisante, de l'eau potable, un abri sûr, de bonnes conditions sociales et un milieu environnemental et social apte à maîtriser les maladies infectieuses (Yonkeu et al., 2003). Ce second aspect concentre des facteurs d'intérêt pour la présente étude. Des facteurs qui articulent des composantes de développement économique, renfermant des éléments nécessaires à la croissance économique. Par croissance économique, nous entendons, selon Perkins et al. (2014, p. 29), une élévation du revenu par habitant, ainsi que de la production de biens et de services.

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D'après eux, le développement économique contient davantage d'implications, et, en particulier, des améliorations de la santé, de l'éducation et d'autres aspects du bien-être humain. Il importe d'assurer une augmentation de l'espérance de vie, la réduction de mortalité infantile et l'accroissement des taux d'alphabétisation qu'autant d'élever le revenu per capita pour combler certains paliers substantiels du développement.

Par développement, nous entendons l'ensemble des transformations techniques, sociales, territoriales, démographiques et culturelles accompagnant la croissance de la production. Un défi de la société haïtienne tient à concevoir un développement qui puisse inclure le milieu paysan.

La notion de paysan17 est abordée dans le sens de la déclaration adoptée en décembre 2018 par les Nations Unies sur les droits des paysans. Ceux-ci sont considérés comme des personnes18 se consacrant individuellement ou collectivement aux activités de production agricole (culture, élevage, etc.). Il importe aussi de voir l'aspect symbolique de sa fonction. Ce qui comporte aussi les intérêts de cette classe sociale19 évoluant en marge d'influence des sphères centrales de direction des affaires politiques, économiques et sociales. Ce qui a donc interpellé l'importance de la décentralisation étant entendue comme le partage, l'octroi, le transfert de responsabilité et de pouvoir que l'État unitaire centralisé consent de manière dévolutive ou subsidiaire aux collectivités territoriales qui s'engagent à gérer en toute autonomie leurs propres ressources en vue de mener des actions de développement économique pour leurs populations. Une telle dynamique peut favoriser le potentiel catalytique du développement local. Le développement local 20 est une dynamique économique et sociale, concertée et impulsée par des acteurs individuels et collectifs -- collectivités locales, acteurs économiques, organisations de la société civile, services de

17 En 2018, l'Organisation des Nations unies (ONU) déclare que si les paysans sont à la base de l'alimentation des humains, ils rencontrent souvent des problèmes quant à leurs droits, par exemple à cause de politiques ou de relations économiques qui sont en leur défaveur. Paysan -- Wikipédia ( wikipedia.org)

18 La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, a aussi rappelé que les paysans et les autres personnes travaillant en zone rurale contribuent à préserver la culture, l'environnement, les moyens de se nourrir et de vivre et les traditions des humains, et qu'il faut donc en tenir compte dans le cadre de l'Agenda 2030 pour le développement durable.

19 La notion de classe sociale renvoie au groupe social de grande dimension pris dans une hiérarchie de fait et non de droit.

20 Le développement local fait l'objet de définitions nombreuses et variées. Pour Mengin (1989) le développement local constitue pour une communauté la faculté de relocaliser son développement en s'appuyant sur les caractéristiques de son espace : richesses naturelles, humaines, spécificité de l'espace, organisation sociale propre et tradition culturelle ; Selon Bernard Vachon (cité dans Dorvilier, 2011), il est une stratégie qui vise, par des mécanismes de partenariat à créer un environnement propice aux initiatives locales, à s'adapter aux nouvelles règles du jeu de la croissance macro-économique, à travers d'autres formes de développement qui, par des modes d'organisation et de production inédits, intègreront des préoccupations d'ordre social, culturel et environnemental parmi des considérations purement économiques ; De l'avis de Diane-Gabrielle Tremblay et Jean-Marc Fontan, aussi cités par Dorvilier(2011), le développement local constitue un processus global, une stratégie intégrée dont l'objectif est de promouvoir une autre manière de penser et de faire inclusivement les lieux de vie et mettant l'accent sur les notions de solidarité et de citoyenneté .» (p. 15).

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proximité et administrations déconcentrées de l'État, etc. -- sur un territoire donné21. À tel égard, Azoulay (2002, p. 27)22 estime que « l'état des conditions matérielles d'existence d'une population constitue un niveau de développement parallèlement à l'amélioration de ses conditions matérielles qui sont un préalable au processus du développement ». C'est ainsi qu'il parait intelligent de considérer l'aspect de développement local dans un espace frontalier sous le même angle qu'un espace métropolitain. La spatialité de la 2e Section Lociane, dans sa prépondérance frontalière entre Haïti et la République Dominicaine, constitue une base solide d'appropriation de l'influx nerveux du cadre conceptuel sur la notion de frontière dont la revue de la littérature de la recherche rôde essentiellement tout autour de son champ.

1.2.-Revue de littérature

Depuis toujours, la frontière suscite beaucoup d'intérêts dans ses différents aspects. La frontière haïtiano-dominicaine n'en fait pas exception. La corrélation existant entre l'évolution de la conscience sociale et les ambitions de développement des conditions socio-économiques des peuples des deux Républiques ressort de la saisine de la file historique qui confectionne les actions des hommes politiques dans l'espace et le temps.

Ainsi avons-nous recensé, pour la plupart, quelques textes récents d'étude traitant de la question du développement de la frontière entre Haïti et la République Dominicaine qui renferme notre intérêt particulier. Nous en abordons certaines approches théoriques de plusieurs auteurs dans les lignes suivantes :

Selon Diamond (2006), il y a une histoire qui démarre avec l'arrivée des Européens sur l'île baptisée Hispaniola, toute couverte de forêt. L'exploitation colonialiste et esclavagiste qui s'ensuivait au cours des siècles23 accouchera deux peuples dont les différences recoupent : l'environnement, l'économie et une frontière. Il souligne que l'exploitation à outrance qui se produisait du sol de la tiers partie ouest de l'île et le déboisement provoqué par le colonialisme

21 Voir le site d'internet IRAM (Institut de Recherches et d'Applications des Méthodes de développement). France. URL : Https://www.iram-fe.org>développement-local-et-décentralisation, page consultée le 6/7/22.

22 Azoulay, G. Les théories du développement. Du rattrapage des retards à l'explosion des inégalités, France, Presses Universitaires de Rennes, 2002.

23 Diamond, J., dans son ouvrage intitulé Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, expose les effets désastreux du système colonialiste et esclavagiste, au cours des trois siècles successifs à partir du XVIe jusqu'au XVIIIe, des Européens sur la destinée des peuples de l'île Hispaniola dans une division territoriale imposée sans l'avis des individus du terroir et d'autres considérations d'aucunes sortes d'eux.

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entrainera un déséquilibre se créant en défaveur de celle-ci devenue Haïti qui connaitra, au final, un plus fort taux de croissance démographique résultant spécifiquement de l'établissement accru des masses d'esclaves.

Dilla Alfonso (2008, pp. 89-110), dans son texte sur la question du développement de la frontière dominico-haïtienne24, défend le point de vue que le développement de la frontière dominico-haïtienne dépend de quatre aspects :

1) perspective de développement local comme processus d'activation économique, vu des opportunités locales par rapport à la frontière en termes de ressource ; 2) investissement social en vue d'augmenter le capital humain dans la frontière ; 3) vision et programmation transfrontalières par des accords politiques et commerciaux, etc. ; 4) règlement d'un cadre juridique institutionnel révisé.

En général, la frontière est génératrice d'échanges culturels qui permettent de nouvelles perspectives de développement socio-économique des communautés impliquées. Cela n'opère pas pour autant un changement systématique dans le coût socio-culturel qu'implique le regard différent fait, du contexte historique et politique de la frontière, par les deux peuples. La frontière devient un processus marqué par l'asymétrie, la discontinuité spatiale et fragmentation systémique. À la croisée des deux sociétés si inégales, dans la concurrence de marché, sans contrepoids publics et sociaux, il en résulte donc un échange inégal qui - marqué par le commerce de biens, la migration de main-d'oeuvre et les processus naissant d'investissement - prend place à la frontière tout en mettant en évidence la vulnérabilité haïtienne. Il subsiste une situation qui génère une restructuration spatiale à régions et couloirs transfrontaliers inégaux dans leurs niveaux de développement et leurs rôles fonctionnels qui affectent gravement les composantes du système transfrontalier (économie, relations sociales, légalité, idéologie, etc.). Fragmentation qui s'explique dans le retard juridico-politique par rapport aux évolutions dans les sociétés. La frontière connait une dynamique démographique variée au travers des deux côtés de l'île. Et, les populations entretiennent des échanges commerciaux qui constituent la principale ressource économique. Mais, ces considérations du moins encourageantes dans les relations entre les deux économies de l'île ne vont pas anéantir le poids des facteurs idéologiques qui conduisent les mécanismes d'exploitation des travailleurs haïtiens en République Dominicaine. Tout ce dont il

24 Dilla Alfonso, H., « La question du développement de la frontière dominico-haïtienne » in Les défis du développement insulaire. Développement durable, migrations et droits humains dans les relations dominico-haitiennes au XXIe siècle, Wilfido Lozano et Bridget Wooding (sous la dir de), 2008, Editions Editora Buho, Rép. Dom.

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faut recadrer par concertation binationale en touchant des questions telles que : la migration, le commerce, l'usage des ressources naturelles partagées (en particulier l'eau).

Dilla Alfonso (ibid.), précise plus loin dans ce texte, - avec un oeil optimiste sur les bonnes relations entre les deux Républiques -, qu'on peut profiter des multiples opportunités que génère l'interaction transfrontalière pour bâtir des solides liens de coopération en parallèle au développement local.

Entre autres, des articles de presses et des articles scientifiques de certains auteurs, qui nous sont parvenus sous les mains jusqu'à présent fournissent une documentation assez enrichissante, notamment le travail académique de Mathon (2012) présente l'intérêt d'une ressource extrêmement notable sur le sujet crucial de l'accès aux services de base en santé dans les Communes respectives de Hinche et de Thomassique.

Théodat (2020, p. 81), dans son papier dénommé la frontière haitiano-dominicaine : une île dans l'île, s'attarde sur une démonstration d'expressions distinctives25 de deux identités historiquement conflictuelles qui rejoignent un pont en la valeur de la région frontalière pour faciliter des échanges sur tous les plans : social, commercial, culturel, etc. L'adresse politique des gouvernements dominicains leur a conduit à saisir les voies d'orientations économiques assez substantielles qui déterminent leur position dynamique à prendre avantage de producteur-vendeur sur l'île où Haïti est simplement client-consommateur. Les échanges entre les deux parties sont une base historique depuis la période coloniale qui soude les mailles de la chaine de population-frontière-échanges à travers tous les points de passage. Les règlements politico-administratifs ne sont que procédure subsidiaire d'une réalité propre à la nature des deux peuples qui se complémentent. Ainsi, la migration se pratique en dépit de tout, les marchés binationaux fonctionnent, les échanges continuent au profit de la partie de l'Est et l'Haïtien s'accommode à la réalité.

Aussi Théodat (ibid.) poursuit-il, la conjonction du fait des dispositions de circulation via Carrizal et la construction d'un nouveau marché dominicain vis-à-vis de la Commune haïtienne de Belladère, fait accroître l'importance de cette ville dans le commerce transfrontalier. Aussi, deux fois par semaine, des marchés fonctionnent-ils à Tilori, Los Cacaos, Las Matas de Farfán, Hato

25 Théodat, J-M., « La frontière haitiano-dominicaine: une île dans l'île » in La négation du droit à la nationalité en République dominicaine. La situation d'apatridie des dominicains et dominicaines d'ascendance haïtienne, Denis Watson (sous la dir.), Editions de l'Université d'Etat d'Haïti, Port-au-Prince, Haïti, 2020.

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Viejo, Banica, etc. Des relations sociales interagissent en plus des échanges commerciaux entre les acteurs des deux pays. Cependant, en raison des avantages structuraux dont dispose la République Dominicaine, elle fournit d'autres biens et services à la plupart des femmes constituant le noyau névralgique des commerçants transfrontaliers. En somme, les Dominicains profitent de l'acquisition des marchandises ou biens produits en Haïti à vil prix, à défaut, du côté haïtien, de conditions adéquates de stockage et de moyens de transport. Enfin, de plus en plus, les habitants de Belladère dépendent des infrastructures sociales de la République Dominicaine.

Un article du journal en ligne Alter Presse 26 en date du 3 octobre 2012, a fait état d'une rencontre que les autorités des municipalités des Communes respectives de la région frontalière du haut plateau, ont eue avec leurs homologues dominicains des municipalités de Pedro Santana, de Elias Pina, de las Matas de Farfán. La partie dominicaine en a profité pour dénoncer la légèreté dont font montre les autorités locales haïtiennes en matière de gestion de frontière, le vol de bétail qui fait rage, l'immigration clandestine, le commerce illicite et la protection des droits fondamentaux des personnes menant des activités commerciales le long de la frontière. Du côté haïtien, soutient cet article d'Alter Presse, certains habitants de la zone frontalière qualifient d'humiliante cette réalité de deux poids et deux mesures, à partir de laquelle les Dominicains se déplacent librement, à l'heure voulue, pour se procurer de la pintade ou autre produit haïtien, tandis que les nationaux font toujours face à des restrictions.

Aussi, ce même article s'enchaine-t-il, des habitants des zones frontalières du Plateau central se plaignent des avantages des termes des échanges commerciaux qui vont aux Dominicains se constituant en véritable fournisseur du marché haïtien des matériaux de construction, une grande variété de produits alimentaires. En contrepartie, les Haïtiens leur vendent principalement du tamarin, du pois congo27 et de la pintade.

Depuis le début de l'année 2016, des Communes frontalières telles que « Ouanaminthe, Belladère, Anse-à-Pitres, Savanette, Fonds-Verettes et Thomassique sont confrontées à des problèmes de sécheresse qui plongent leurs populations dans la famine. » Suivant (Alter Presse, 2016)28.

26 Odatte, R., « Plateau Central- Problématiques frontalières : Les municipalités dominicaines et haïtiennes en quête de solutions », [AlterPresse] | [en ligne], publié le 3 oct. 2012, Url : https://alterpresse.org, (page consultée le 08/04/2022).

27 Cette expression désigne un haricot commun des variétés typiques d'haricots en Haïti.

28 Odatte, R., « Haïti : Des communes frontalières frappées par la sécheresse spécial », [AlterPresse] | [en ligne], publié le 29/03/2016, Url : https://alterpresse.org, (page consultée le 08/04/2022).

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Un long discours s'étire sur la thématique de la frontière entre Haïti et la République Dominicaine par la contribution de plusieurs écrivains, notamment avec l'un des papiers de Théodat (2007) ayant abordé la différence des deux territoires29 qui s'étaient pourtant soumis à une trajectoire historique en partie similaire. Son idée aiguise la compréhension sur l'importance de l'orientation des politiques économiques dans le processus de développement d'un pays. Mathon (2012), dans le fond de son travail sur l'accès aux services de santé de base dans deux Communes du Haut Plateau central : Hinche et Thomassique, a réalisé le diagnostic de la distribution spatiale des services de santé qui renferme le besoin d'améliorer : l'accessibilité géographique aux équipements (centre de santé fonctionnel) et le réseau routier sur l'accessibilité spatiale. Dans un texte assez convaincant, Bobea (2008) propose une analyse sur la sécurité frontalière30 qui s'inscrit dans une dimension interdépendante et régionale dans une démarche concertée pour endiguer l'effet de débordement générant l'instabilité sociale et politique, narcotrafic, armes, trafic humain. Cette situation sécuritaire caribéenne résulte de la répercussion de plusieurs schémas contextuels : le niveau international de l'atmosphère post 11 septembre 2001. Elle caractérise le nouveau rapport des États-Unis d'Amérique avec la région des caraïbes, la perspective intra-caribéenne qui renvoie à une révision des forces de sécurité des États caribéens pour affronter la criminalité organisée dans l'espace caribéen avec l'état délétère de la sécurité nationale d'État caribéen. Cette situation interpelle l'action d'appropriation par d'autres États pour concourir à la défaillance sécuritaire nationale. Enfin, elle redoute toute confrontation entre l'État de droit et des pratiques de gouvernance qui s'apparentent à l'État délinquant dans l'optique de conservation de pouvoir. D'autres écrivains dominicains, Lozano et Wooding (2008, p. 11)31 ont fait état d'une détérioration du niveau de vie des populations qui habitent la région frontalière des deux côtés de la frontière dominicano-haïtienne. La question reste à comprendre les causes d'une telle situation de détérioration des conditions de vie au niveau de la frontière entre Haïti et la République Dominicaine?

29 Théodat, J-M., « Les localités d'Aménagement Concerté. L'exemple de la Mésopotamie banicéenne», EchoGéo [en ligne], 2 | 2007, mis en ligne le 25 janvier 2010, URL : http://journals.openedition.org/echogeo/1350; DOI : https://doi.org/10.4000/echogeo.1350, consulté le 01 août 2021.

30 Bobea, L., « Insécurité insulaire vis-à-vis sécurité régionale » in Les défis du développement insulaire : Développement durable, migrations et droits humains dans les relations dominicano-haitiennes au XXIe Siècle, Wilfido Lozano et Bridget Wooding (sous la dir de), 2008, Editions Editora Buho, Rép Dom.

31Lozano, W. et Wooding, B., (sous la dir. de), Les défis du développement insulaire : Développement durable, migrations et droits humains dans les relations dominicano-haitiennes au XXIe Siècle, Rép. Dom., Editora Buho, 2008.

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Lozano et Wooding (ibid.) ont, par ailleurs, mis en exergue des réflexions sur le processus d'articulation de schémas nouveaux de libre-échange et d'ouverture économique qui comprend les questions d'assurer des agendas liés à des thèmes urgents requérant des actions coordonnées entre Haïti et la République Dominicaine sur le thème de l'environnement et de la gestion des risques, en particulier des réserves d'eau des deux pays.

En passant en revue quelques documents qui ont été jusqu'ici disponibles sur la question, nous remarquons un manque de données précises fournissant des explications assez rigoureuses sur des causes qui justifient pourquoi les conditions économiques des populations des régions frontalières des Communes respectives haïtiennes ont connu de tels désavantages par rapport à l'importance de la frontière. Tandis qu'il y a une augmentation croissante du volume des échanges qui se réalisent entre les classes d'affaires respectives d'Haïti et la République Dominicaine. Et enfin, qu'est-ce qu'il est urgent de faire en vue d'en proposer des pistes de solution pour cette situation ? Aussi ne rencontrons-nous pas encore une étude qui cherche spécifiquement à expliquer une telle situation de détérioration du niveau de vie de la population qui habite la région frontalière des deux côtés. Ce qui nous permettrait d'avoir plus d'éclairage sur la question. Bien évidemment, cette étude sur la zone frontalière haïtiano-dominicaine est circonscrite dans la Commune de Thomassique du Haut plateau central, et plus particulièrement dans la 2e Section Lociane dont la démarche consiste à fouiller les données sur les conditions socio-économiques des paysans qui y vivent en nous étendant sur la période allant de 2010 à 2021. Par ailleurs, nous n'avons pas trouvé de politiques publiques32 qui s'articulent autour de la spécificité de la zone frontalière, malgré le fait qu'il existe des organes qui sont créés dans cette optique. Par exemple, le fonds de développement frontalier fonctionnant sous la tutelle du MEF. En cela, il y a une nécessité d'accorder une gestion spécifique des Communes respectives de la frontière qui, même si elles sont rurales pour Haïti, sont placées sur une porte internationale avec la République Dominicaine. Cela traduit une interface économique traditionnelle rurale s'ouvrant sur une dynamique commerciale internationale et présentant bien plus d'intérêts à capitaliser (en termes de gestion et de contrôle) que le délaissement pur et simple qui s'y fait maintenant. Peut-être, était-ce une préoccupation qui s'apparentait au projet du Président Dumarsais33 Estimé dans la construction

32 Les politiques publiques désignent un ensemble de dispositions légales, techniques, financières que le secteur public met en place pour résoudre des problèmes dans un secteur donné. Elles caracterisent la prépondérance de la gouvernementalisation qui, dans le sens de Michel Foucault, institue un rôle déterminant du gouvernement dans le service donné à la population tout en implémentant son emprise sur elle.

33 Le président Dumarsais Estimé a gouverné le pays au cours de la période allant du 16 août 1946 au 10 mai 1950.

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moderne34 de la ville frontalière de Belladère en 1948 (Nelson, 2018), bien que cette ville fût fondée35 en 1910. En quoi cette intervention de l'État peut-elle présupposer la détermination de ses prérogatives spécifiques dans la politique publique de développement local et frontalier ? À propos du concept de développement, il est sous-entendu dans la finalité du sujet à traiter comme aboutissant de toute action de politique publique.

1.3.-Méthodologie de recherche

Les approches méthodologiques caractérisent l'orientation des réflexions qui sont produites dans l'application des concepts de l'hypothèse multi-variée formulée pour la réalisation de ce travail de recherche. Il faut remarquer que les normes élémentaires de la pédagogie canadienne ont été appliquées pour le codage bibliographique et dans le corps du document de recherche. Ces règles fournissent une méthode de rédaction dans le domaine des sciences sociales (Dionne, 2008). Ces éléments de méthodologie fournissent un cadre indispensable à l'élaboration des travaux scientifiques (Toussaint, 2017, p. 62). La méthode est enjointe à conduire l'ensemble des procédures qui aboutissent à la finalité des résultats déterminés dans le cadre de la recherche.

Elle fait recours à la méthode de recherche exploratoire et descriptive privilégiant à la fois l'approche qualitative et quantitative, dite recherche par méthodes mixtes. Le choix est fait sur la conception à systèmes embarqués en vue de disposer des données qualitatives et quantitatives en même temps. L'emprunt de la ligne directrice de l'essence théorique permet de rapprocher à l'esprit scientifique. Une tournée est faite vers Gingras et Côté (2009, p. 110) qui considèrent que la théorie crée la capacité d'imaginer des explications pour tout phénomène social. La théorie est à la base des hypothèses et des concepts. Elle reprend la stimulation à poser de nouvelles questions qui visent à enrichir le savoir. Plusieurs approches sont donc abordées pour essayer d'apprécier les différentes thématiques de la recherche. Ainsi, la question de la frontière Haïti-République Dominicaine est-elle d'abord abordée dans le vaste champ doctrinaire de structuralisme36. Ensuite,

34 Nelson, G., (Un documentaire pour les 70 ans de Belladère), Le nouvelliste | [en ligne] publication du 12 octobre 2018|url :www.lenouvelliste.com, page consultée le 12/09/2022.

35 Ces informations sont fournies sur le site internet www.fenamh.org.ht/belladere, site consulté le 12/09/2022.

36 Le structuralisme est la méthode d'analyse qui tend à détecter des relations constantes à travers un ensemble d'éléments qui sont variables. Il revêt une forme atemporelle. Il consiste à déceler l'ordre présent derrière les faits et leurs variations. La mise en évidence de relations constantes malgré la modification pousse à établir l'existence pertinente de la structure. Cf [Juignet Patrick, « structuralisme et sciences humaines » |en ligne, publication mise à jour 11/02/2023| http://www.philosciences.com, page consultée le 29/05/2023]

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c'est l'approche d'analyse fonctionnaliste37 que nous tentons de privilégier dans la compréhension des mécanismes sociaux du paysan dans la société haïtienne, en considérant les finalités des conditions d'évolution des paysans de la 2e Section Lociane. Et puis, pour la notion de l'espace territorial des localités dans le processus de la décentralisation dans la 2e Section Lociane, il est question de procéder par considération d'étude de cas38 dans une démarche inductive.

D'après Robert K. Yin (cité dans Sballil, 2015, p. 70), un phénomène contemporain suivant un contexte réel peut être décortiqué par une recherche empirique, étant une étude de cas à partir des frontières où se cache une réalité entre le phénomène et le contexte, mais que de ressources empiriques multiples puissent y être mobilisées. De poursuivre, Alex Mucchielli (cité dans Sballil, 2015, p.70) estime que la recherche empirique consiste à décrire une situation réelle dans son contexte et à l'analyser pour en faire ressortir les phénomènes suivant l'intérêt du chercheur. L'étude de cas gagne en importance en observant directement dans le contexte la réalité des personnes et de recueillir les données. Cette approche s'applique à l'induction que Chevrier (2009) considère comme une réalité en quête d'une théorie, donc inductive et générative.

Dans cette étude de cas, portée à décrire la qualité dans la dimension d'analyse sur les conditions socio-économiques des paysans dans la zone frontalière de la deuxième Section Lociane de Thomassique, il est entendu nécessaire d'adopter une approche interpretative dont la nature se révèle heuristique39, descriptive40, particulariste41 et inductive. En fonction de l'étude de cas, il peut se présenter une approche s'inscrivant dans une perspective interprétative et visant à la compréhension, la découverte et la description du phénomène étudié. Ce qui permet de faciliter l'émergence de nouvelles interactions, de nouvelles variables et peut mener à redéfinir le phénomène en fonction du raisonnement du chercheur qui se base sur l'observation des faits. Le

37 Le fonctionnalisme est pris dans le sens absolu tel que prôné par Bronislaw Malinowsky et Radcliffe Brown pour camper une analyse fonctionnelle qui tient compte de la fonction vitale que remplissent les idées, les objets matériels, les coutumes et les croyances dans l'ensemble systémique de la société. Chacune de ces entités représente une partie indispensable d'une totalité organique. Cf [Delas, Jean-Pierre, Mily, Bruno, « Les fonctionnalismes » in Histoire des pensées sociologiques |en ligne, publication du 9/3/2016| https://doi.org/10.3917/arco.delas.2015.01.0293].

38 L'étude de cas est une approche de recherche empirique consistant à enquêter sur un phénomène, un groupe d'individus, sélectionnés de façon non aléatoire, afin d'en tirer une description précise et une interprétation qui dépasse ses bornes. Cf [Simon N. Roy « L'étude de Cas » in Recherches sociale. De la problématique à la collecte de données. Benoit Gauthier (sous la dir.), 5e Edition, Presses de l'Université du Québec, Québec, 2009, p 207].

39 La nature est heuristique parce qu'elle fournit une nouvelle description trouvée dans le phénomène étudié par la découverte de nouveau sens ou l'élargissement des expériences déjà vécues par la confirmation.

40 La description apporte une présentation riche et profonde du phénomène étudié.

41 Elle s'effectue dans une focalisation sur un cas particulier. Ce cas lui-même représente un élément très important pour le phénomène étudié.

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raisonnement inductiviste fait recours à la logique et l'expérience à la base de la science dans sa démarche objective (Chalmers, 2009).

Quant au concept propre de la décentralisation, nous l'approchons dans la perspective théorique descriptive. Mais en fait, la thèse se limite dans l'analyse d'un sous-système à travers des conditions socio-économiques des habitants de quelques localités territoriales qui permettra de mieux comprendre un système plus large. Sur ce, la perspective globale de l'étude renvoie, au final, à l'adoption de la démarche sociale systématique de Talcott Parsons (cité dans Louis, 2019, p. 141) dans le cadre du structuro-fonctionnalisme. L'initiative rejoint la préoccupation de déceler les fonctions des acteurs sociaux dans le processus de la décentralisation dans leur unité d'action pour dégager une compréhension des liens tissant la globalité du corps social. Aussi cette vision méthodologique a-t-elle guidé nos objectifs dans la recherche de compréhension des facteurs déterminants des conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane. Cette option théorique conduit à un système axiomatique qui permet de concevoir la théorie et la logique de développement comme des systèmes ouverts qui s'associent dans un enchevêtrement de compétences des acteurs sociaux. C'est un modèle d'étude qui permet aussi de considérer le sens des actions individuelles devant la confrontation des options variées dans l'intérêt du corps social. Elle adopte également dans cette même logique l'approche théorique des parties prenantes.

Selon Lorraine Savoie-Zajc (cité dans Sballil, 2015, p. 69), les sciences humaines devraient généralement s'attacher à la compréhension des situations humaines et sociales. Cette tournure va à l'encontre de la finalité d'élucider un phénomène par le lien de cause à effet entre les variables constructives du phénomène. Aussi le courant épistémologique est-il caractérisé par cette finalité. Ce faisant, il a été logique de recourir à la méthode de recherche à la fois qualitative et quantitative en mettant l'emphase sur une étude de cas à côté de celle du structuro-fonctionnalisme. Ce type de recherche se justifie par deux raisons. La première raison est qu'il s'agit de relever certaines données non quantifiables sur des phénomènes sociaux à l'instar du type de relation qui existe entre les acteurs sociaux présents dans cette zone frontalière. La seconde raison est que les données sur les conditions socio-économiques des habitants de la 2e Section Lociane de la Commune de Thomassique par rapport aux résultats des politiques publiques qui pilotent les actions évolutives et développementistes de l'espace frontalier de ce ressort, ne sont disponibles dans les manières précises et convenables à cette recherche ni au niveau des ministères, ni au niveau des institutions non gouvernementales, d'où résulte la nécessité de mener des enquêtes directes auprès de

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différents acteurs. L'interaction des différents acteurs sociaux définit l'importance du rôle remplit par chacun dans un système global.

1.3.1.-Collecte de données

Un précieux temps a été mis pour aller rechercher des données dans les bureaux du MAE, plus précisément dans les bureaux de la Direction des Affaires Dominicaines, du MPCE et de certaintes organisations nationales et internationales. Les bibliothèques de la Faculté d'Ethnologie et de la Faculté des Sciences Humaines ont été régulièrement fouillées à la recherche des ouvrages en rapport avec les thématiques du sujet de recherche et ceux qui s'en rapprochent de près. Aucunes données précises n'ont été trouvées à même de satisfaire notre recherche. Aussi avons-nous consulté des bibliothèques virtuelles de notoriété telles que google scholar, erudit, corpus.ulaval, etc., pour essayer de tirer les meilleurs partis des connaissances disponibles en la matière, en vue de conduire une recherche rigoureuse qui répond aux normes académiques de la méthodologie adoptée ici.

Ainsi, s'avère-t-il important de faire l'utilisation aussi bien de la source primaire que secondaire. La source primaire consiste au fait de nous disposer, autour d'une semaine de déplacements dans les différentes localités au cours de cinq (5) jours consécutifs. En somme, il s'agit de mener des observations42 participantes ouvertes et des entrevues (entretiens) semi-dirigées43 qui se déroulent au cours d'une semaine de collecte de données lors de nos déplacements à pied et à mototaxi sur les lieux. L'échantillonnage est constitué de manière aussi variée que des couches sociales qui vivent dans sept localités de la 2e Section Lociane, à savoir : Boc Banic, Nan Croix, Savane Mulâtre, Don Diègue 2, Malary, Carrefour Suzely et Terre Blanche. Ces localités sont situées sur le flan Nord'est, Est et Sud'est, bordant la frontière dans la zone de la Commune de Thomassique vis-à-vis de la Commune dominicaine de Banica et des localités comptées respectivement Hato Viejo, Savanna Cruz, Mata Jaja, etc. Mais, au final, les participants ne sont pas statistiquement représentatifs de l'ensemble de la population étudiée et le chercheur ne peut extrapoler les résultats à cette population. C'est d'ailleurs une des faiblesses de la méthode qualitative en termes de représentativité. Cependant, il ne relève d'aucune exigence d'avoir une quantité donnée de participants dans un échantillonnage. Mais, par rapport à l'échantillon de la population de 37,467

42 Selon Dionne(1998), l'observation participante ouverte est une tâche dans laquelle le chercheur qui, s'appliquant à la description d'un portrait global d'un phénomène inconnu, s'intègre ouvertement dans la situation comme observateur extérieur.

43 Dans ce type d'entretiens le chercheur suit l'interviewé dans la direction de l'entrevue avec ses idées.

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habitants de la 2e Section Lociane, une étude comportant des données sur cinquante-et-une (51) personnes fournit une vision relative de l'ensemble de la population. Néanmoins, c'est surtout par la consultation des informateurs-clés et à l'analyse systématique des données quantitatives que nous avons pu caractériser l'objet scientifique de cette étude.

1.3.2.-Méthode utilisée pour la collecte de données

La collecte de données détermine l'activité par laquelle les données sont recueillies dans le but de conduire à la mise à l'épreuve de l'hypothèse. Des outils tels que les entretiens semi-dirigés et l'observation sont employés pour ramasser des données sur le terrain de l'étude. Une observation systématique a été réalisée au cours de deux séances de visite sur le terrain dans les localités ci-dessus évoquées en fonction des critères objectifs que requiert la réalisation de la recherche. Aussi avons-nous continué avec la série d'observations participantes d'où résulte une description à partir d'une grille d'observation qui comprend les services publics, leur disponibilité, leur fonctionnalité et leur potentialité. Il s'agit aussi de faire la description de la culture agricole prédominante dans la zone, les différentes activités économiques et commerciales et la présentation de la faune et de la flore de la région. Le rôle prépondérant des acteurs locaux sur le plan socio-économique et politique et les grands propriétaires de terres et d'autres moyens de productions sont des éléments pris également en compte dans notre étude. Le travail consiste à dégager une analyse de manière la plus objective que possible.

Il faut souligner l'utilisation des entrevues semi-dirigées qui a été faite dans cette recherche pour créer une plus grande flexibilité. Cela donne de la possibilité de changer l'ordre des questions en conséquence et en fonction des commentaires des répondants.

En fait, la collecte de données a été réalisée au cours de la semaine du 26 au 30 décembre 2022. Des déplacements ont été effectués dans le cadre d'observation systématique. Et des entretiens ont eu lieu avec cinquante-et-une (51) personnes réparties en vingt-et-une (21) femmes et trente (30) hommes à travers les sept (7) localités choisies pour piloter la recherche. Les personnes avec qui ont été tenus des entretiens constituent des informateurs clés. L'âge moyen des participants à l'échantillonnage de l'étude est de 40 ans.

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1.3.3.-Méthode d'analyse et d'interprétation des données

Aussi, la recherche mixte s'en tient-elle à un double avantage qui contient, d'une part, les résultats étant accessibles et la production de connaissance pour rechercher des données en raison des variables interprétées par le chercheur et en fonction de la teneur sensorielle de la recherche, d'autre part, quant aux résultats formulés en des termes clairs et simples aux participants à la recherche, il y a une interaction qui se développe entre les paysans de Lociane eux-mêmes et avec leur environnement dans le cours de la recherche. Les individus, en prenant connaissance des résultats de la recherche, se mettent en position de délibération, de critique et questionnent son applicabilité et sa transférabilité dans leur propre contexte, c'est-à-dire ils s'imaginent des retombées positives suivant des possibilités d'une prise en compte des propositions formulées en termes de perspectives à travers la conclusion de l'étude. La démarche méthodologique permet l'étalage de différents procédés scientifiques qui ont guidé les contours réflexifs et discursifs de l'étude. Ce qui nous amène à être rigoureux dans la façon dont les données sont interprétées et les méthodes appliquées pour les collecter. Car, la meilleure façon que nous jugeons utile d'aborder une étude de terrain est de considérer la situation globale de la population-cible dans la mise en contexte de l'observation et des entretiens in situ.

1.4.-Contextualisation de l'observation ethnographique

La démarche d'observation retrace l'attention portée sur le déroulement du travail de terrain effectué dans les différentes localités déterminées dans le choix de l'étude. C'est la descente des lieux. Des parcours systématiques réalisés à pied et à mototaxi au cours des journées entières impriment des moments forts de pénétration des espaces intérieurs de cette partie du pays qui détient toute sa spécificité dans la paysannerie haïtienne. Le besoin de comprendre les conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane ne saurait être comblé que de la nécessité d'aller écouter les gens dans la paysannerie pour pouvoir saisir leurs réalités de vie. La recherche sur les conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane répond aux méthodes qualitatives et quantitatives qui adoptent une approche inductive impliquant de collecter des données à partir des techniques. Comme moyens techniques de collecte de données, nous utilisons, d'abord de l'observation ensuite nous procédons à des entretiens semi-dirigés. L'expérimentation de terrain offre un créneau de source première pour la collecte de données qui sont ensuite

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analysées et interprétées44. L'arrivée sur le terrain attire la curiosité des paysans qui sont vigilants en ce temps-ci face à tout visage inconnu. Cela traduit le niveau de risque qu'il comporte dans le fait pour des jeunes gens de se déplacer n'importe où sur le territoire en ce moment. Vu la conjecture sociale d'insécurité. Il aura fallu vite expliquer amplement la signification de la présence sur les lieux. Après s'être identifié comme étudiant de la Faculté d'Ethnologie à l'Université d'État d'Haïti menant une recherche de données avec pièces d'identification à l'appui, les paysans comme brigades des lieux ont fini par accepter dubitativement de laisser le libre champ aux démarches de l'étude. Sitôt, on a entendu loin des voix résonnant : Primo, quien es esse moreno? Ki sa nèg sila vini chache por aqui ? De ceux-là qui se tenaient tout près en sortait cette question : tù tienes problemas nèg an mwen ? Entre-temps, des gens venant des quatre coins s'amassent rapidement autour de nous ...

Des questions tendancieuses ont exprimé la méfiance vis-à-vis des jeunes garçons dans l'insinuation de pouvoir intercepter tout suspect qui serait en fuite dans la frontière. La notoriété de quelques personnes nous a aussi facilité la protection nécessaire à la libre circulation. Mais l'étranger n'est pas bien perçu à priori. Surtout, ils réprouvent la présence des politiciens. N'empêche qu'ils espèrent que des projets soient nécessaires à réaliser dans la zone pour aider à améliorer les conditions de vie des habitants de la 2e Section Lociane. Aussitôt disposés à nous entendre, nous leur avons beau expliquer que notre présence ne s'inscrivait dans aucun des deux cas ci-dessus évoqués.

Nous supposons que leur méfiance, à prime abord, démontre qu'ils ont l'habitude de rencontrer des politiciens, des enquêteurs des ONG, des arnaqueurs et des imposteurs. De grands efforts ont été déployés pour faire passer le discours sur la recherche de données dans le cadre d'une étude universitaire. Il a fallu incessamment reprendre le but et l'objectif de notre présence. Le motif de cueillette de données pour la compréhension d'un tel phénomène social dans ce milieu leur paraissait nouveau. Donc, ils en appréhendent une dissimulation des vraies raisons de notre présence. Preuve que ces paysans ne s'appliquent pas à tout croire du premier coup. Ils questionnent beaucoup comme des juges d'instruction qui posent une même question sous des formes différentes pour corréler la cohérence des réponses. Ils cherchent même à se montrer prêts

44 L'interprétation des données répond à une organisation cohérente des données, la transparence au processus utilisés et la limitation des biais subjectifs. Nous tenons compte de la relativité des données, c'est pour cela que nous en avons procédé à trois phases : au nettoyage, à l'analyse et au codage des données.

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à sympathiser à votre cause si vous leur dites votre réelle intention. Ils ne sont pas dupes. Même s'ils vous parlent, ils ne vous livrent pas tout. Il avait fallu que nous nous entretenions avec des leaders communautaires en tant qu'informateurs clés, en l'occurrence Edouard communément appelé `Ti Edouard' à Carrefour Suzely pour que d'autres paysans acceptent volontiers de nous parler. Aussi fallait-il que nous tombions, à Savane Mulâtre, sur le jeune Alpha Pierre qui a fait des études classiques à Thomassique pour que d'autres gens s'entendent à entrer dans nos démarches. Certaines figures servent de leaders communautaires qui inspirent de la confiance nécessaire pour d'autres personnes qui manifestent un sentiment répulsif vis-à-vis de l'étranger. Malgré tout, plusieurs personnes ont refusé de nous parler.

1.4.1.-Rapport descriptif du paysage observé

La plupart des paysans de la 2e Section Lociane sont propriétaires de leur maison de deux à trois pièces, faites de toit en tôle à pavée non cimentée qui sont de plus en plus dispersées au fur et à mesure que nous entrons dans la profondeur de la Section communale. Encastrées dans des clôtures en raquette, à grandeur inégale, les maisons ont des portes en bois, les parois en palissade pour certaines et en clissade45 et pisé pour la plupart. Sur la route empruntée par Nan Latte, en passant par savane sucre, nous remarquons le chantier d'un tronçon de route en béton, étant donnés les caniveaux des deux côtés de la chaussée en terre sablée, pour conduire au nouveau lycée encore inachevé, qui est en construction depuis 2015. Une route de sept (7) mètres de largeur longe savane sucre pour arriver à ravine Zoranje, aux bordures déboisées, qui est presque asséchée en ce moment de fin de décembre. Poursuivant ainsi notre traversée des passes des ravières Loratoun 1 et 2 sur la route en terre battue qui conduit à Malary dans une distance de près de deux heures de marche. De vastes champs presque dépourvus d'arbres sont encerclés en pâturage à raquette à piquants. Nous atteignons Malary à partir de l'écriteau du mur qui enclôt le puits d'eau à traction humaine qui se situe devant le champ de pois congo quasi desséché en aval d'une église protestante en palissade à toiture en tôle sur une petite pente. Une foule de personne en majorité de jeune fille avec des gallons de couleur jaune débordent l'encerclement du puits en attente de son ouverture. Il est presque 16 heures d'horloge. La manche de manoeuvre du puits artésien est cadenassée en ce moment de la journée. Un responsable de l'église détenant les clés doit venir ouvrir le puits artésien, a répondu une jeune fille à qui nous avons demandé : à quelle heure vous allez pouvoir

45 La clissade c'est l'expression qui désigne l'armature en lattes disposées horizontalement entre les poteaux en bois de maison.

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remplir vos seaux ? Il fonctionne le plus souvent fort tard dans l'après-midi, en rajoute-t-elle. Dans un horaire variant à intervalle de deux jours durant la semaine. Des jeunes femmes ou jeunes filles et petits enfants sont amassés sous un arbre à l'attente de l'ouverture du puits.

Avec une quantité imposante de demande, c'est fort tard dans la soirée que beaucoup d'entre ces personnes vont parvenir à avoir un peu d'eau pour pouvoir tenir pendant deux jours. Il semble que la crainte de toute éventualité soit d'une panne ou autre du puits artésien attise plus de cupidité à tirer la plus grande quantité d'eau possible.

Un peu plus avant à près de 200 mètres, nous constatons, sur le côté droit en direction du point central de l'artère principale de Malary, un espace déboisé presque enclos qui constituait un lagon où se tenaient des trous creusés dans un amas de boue en plein air, sans aucun arbre de couverture sous le vif fouet du soleil. Des enfants s'y retrouvèrent, notamment il y avait une petite fille s'agenouillant sur la bouche d'un trou assez coincé en forme de puits d'eau pour pénétrer un petit bol en vue de tirer de l'eau sale à jeter en guise de filtrage de la substance potable. N'a-t-il pas raison, Alexis (1955), dans son roman Compère Général Soleil, de soutenir que : « le Soleil est le seul service d'hygiène dans les campagnes haïtiennes. Il attaquait les microbes...» (p. 171).

En approchant plus près d'eux, après une respectueuse salutation, nous leur avons questionné en ces termes : « bonswa ti moun, kouman nou ye ? Epi kisa nap fè la ? » De répondre, ils ont adressé en choeur : « Bonswa wi tonton, nap pran ti dlo pou nou sèvi.» De relancer, nous leur avons exclamé : « men nou bwè li tou ! », ils nous ont répliqué : « wi, si nou pa jwen n dlo nan pi a, nou kon n kite'b poze ak ti bout rakèt pou nou ka bwè`b ».

En voici des prises de photographie illustrant la situation de l'eau potable à Malary. La première photographie (photo 1), affichée à la page 31, montre la partie de devant du puits artésien qui comprend un écriteau en anglais. GVCM, est une ONG qui caractérise une mission chrétienne opérant dans divers endroits dans le Plateau Central. Elle intervient dans la fourniture de quelques services de bases aux populations démunies de certaines localités. Elle a donc financé la construction de ce puits artésien qui dessert la population de Malary.

La deuxième prise de vue photographique (photo 2), présentée aussi à la page 32 de l'encadrement photographique, montre la source de filtrage d'eau qui est investie par des enfants à la recherche de l'eau en attendant que le cadenas du puits artésien soit ouvert. C'est l'autre point de ravitaillement immédiat en eau sur place. Après avoir parcouru à pied une longue distance pour arriver à Malary, il se faisait déjà tard.

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Il n'était nullement conseillé de poursuivre ce chemin au-delà des quatre heures de l'après-midi. Le chemin était rebroussé pour rentrer à Thomassique...

Dans l'amas d'eau de la rivière Loratoun à la seconde passe dite Loratoun 2, aux deux bords vidés des arbres dont les bouts enracinés justifient des existences anéanties dans l'exploitation du charbon de bois, le lendemain matin, il est presque 7 heures, nous avons remarqué beaucoup de gens qui viennent chercher de l'eau dans une source d'eau dans ce qui reste de la rivière de Loratoun. Des motocyclettes vrombissent leur bruit de cylindres à la rampe des mornes abruptes dans les traces peu praticables des sentiers ruisselés par les pluies des dernières saisons. Des animaux à sacs en paille remplis d'objets, certains sont montés par des personnes tenant les cordes à brider, d'autres sont laissés libres avec une corde autour du cou, bien chargés et suivis de meneurs portant de petits sacs ou une cuvette à la tête en allant au marché. Pour le coup, une dispute vive s'engage entre un motard et un meneur d'animal à un endroit de passage coincé où l'un et l'autre se croient avoir la priorité de passage. Un local peint en vert et blanc loge l'écriteau d'un centre socio-médical dans la zone, placé à quelques 50 mètres à droite au fond d'une cour sans barrière et quasi encerclée de grande raquette à piquants. Mais, il ne fonctionne pas depuis plus de 10 ans nous a annoncé des riverains. Le centre de santé servait surtout à la vaccination dans la zone, en rajoutent-ils. Aussi s'indignent-ils de l'absence de politiques publiques visant à intégrer Malary dans une dynamique de développement local. Kermanci, un jeune motard de 23 ans, avance : « depuis plus de deux ans, l'ex-député Francisco Delacruz, originaire de la zone, avait rompu tout contact avec nous parce qu'il fut vivement critiqué pour son manque délibéré d'intérêt pour les problèmes de Malary ».

PHOTO 1: ILLUSTRATION DE PUITS ARTÉSIEN DE MALARY

Le puits artésien construit par l'ONG GVCM à Malary

Le mur à écriteau qui est devant le puit artésiens Par-derrière

Source : Frantz Isidor en date du 26 décembre 2022

Source : Frantz Isidor en date du 26 décembre 2022

PHOTO 2: ILLUSTRATION DE SOURCE D'EAU À MALARY

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Chemin faisant, nous traversons Malary en direction de Savanette et atteignons vers les 10 heures et demie, l'espace semi-aride de Don Diègue 2. Les arbres ne tiennent plus débours ici. Les sentiers sont difficiles même pour les motocyclettes. Des terres quasi non cultivées sont habitées par des arbustes clairsemés. Un établissement d'école assez grand et long avec sa toiture en tôle soutenue par des poteaux en bois en paroi de béton à faible épaisseur dont le socle de ferrailles s'en tient aux fils de fer. C`est la modernité par rapport à la palissade ou la clissade et pisé. Cet établissement dispose des portes d'entrée et des fenêtres qui empêchent à n'importe quel individu d'y pénétrer. Les raquettes à piquants enclosent la cour. C'est une école congréganiste de section primaire, car, dirigée par un prêtre catholique. Les gens se plaignent que ce dernier augmente le prix annuel de

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1000 mille gourdes en sortant des 2000 mille. Plus loin, nous avons vu un chaume à toiture en tôle et cloisonné en feuille de tache à palmis. C'est quand même rare. En ce beau matin de décembre, au sommet de la morne qui conduit à la rivière de Don Diègue, le regard peu lointain sur les cimes du Pico Duarte décrit une image pittoresque de grande sensation. En y traversant pour atteindre l'autre rive de Don Diègue 2, il y a un petit carrefour où le chemin à gauche mène à Terrier Rouge, la Playe, Don Diègue 3, Locoray, La Saintery, Canicey, etc.

Mais prolongeant la route droite nous traversons Kolorine et pénétrons à Boc Banic, il est presque 12 heures. C'est un centre attractif avec beaucoup d'activités commerciales. Des maisons en bloc sont recouvertes de béton et comportant même des étages à côté de celles gardant le style démodé de la zone rurale. Des cours encerclées en fil de fer accroché aux poteaux en bois. La principale artère est en chantier avec les caniveaux aux deux côtés de la chaussée en terre battue. Une petite place publique datée des vieux temps tient lieu de réception des visiteurs. Les gens y sont moins curieux des étrangers. Il y a un sous-commissariat de police avec 2 ou 3 policiers en poste, un tribunal de paix, une chapelle de l'Église catholique, et plusieurs églises protestantes, un centre de santé pour l'État et trois cliniques privées. Il y a aussi un bureau du ressort de CTE Hinche de l'Orepa Centre relevant de la Dinepa qui se tient tout près des installations des antennes-relais de transmission pour le réseau d'une compagnie de télécommunications (téléphonie mobile desservant la population haïtienne de l'ère des NTIC). Quelques écoles primaires privées, une école nationale et un collège de niveau 9e A.F. desservent cette grande localité que certains s'abusent d'appeler quartier. Il y a des débits d'eau au domicile de certains habitants dans un périmètre réduit. Un marché à quelques tonnelles en paille. En effet, la présence de l'État s'y fait pourtant montre.

Mais les structures ministérielles de MDE, MARNDR, MPCE et les agents de la collectivité territoriale n'interviennent pas encore dans la protection de l'environnement qui est dévasté par le déboisement dans cette Section communale. Aucun plan n'est tenu pour remédier à la dégradation de l'environnement avec la coupe des arbres pour fabriquer du charbon de bois. D'ailleurs, l'article 253.1 de la Constitution de 1987 amendée le 9 mai 2011 impose toute action de politique publique nécessaire et urgente pour remédier à la dégradation de la couverture végétale en dessous de 10%. Cependant depuis quelque temps déjà les estimations de la couverture végétale du pays sont à moins de 2%. L'absence d'arbre est à la base de la sécheresse prolongée qui chauffe davantage la terre. Une terre chaude rend inapte toute agriculture dans certaine partie du paysage. À côté de

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Lociane, une rivière bien propice à l'agriculture mais d'où le risque de perte est plus élevé avec l'inondation. Des mornes abruptes rendent plus nécessaire l'ingéniosité des techniciens qualifiés pour étudier les possibilités d'irrigation.

Des camions à 6 et 10 roues de transport de matériaux de construction, de produits manufacturés et des mototaxi portant des passagers et autres objets provenant de la République Dominicaine se dressent devant la chaine de police barrant la route sur la pente descendante vers la grande rivière de Lociane46 d'une faible largeur dans un très grand lit. C'est sa beauté renfermée dans sa longue portée de circuits à travers plusieurs localités qui impose son nom à la Section communale. Après l'avoir traversée, peu profonde en ce moment, nous parcourons quelques 30 minutes de marche à pied avant d'arriver au fleuve de l'Artibonite qui s'étend sur une assez grande largeur. Les véhicules traversent les deux rivières dans ce mois de sécheresse sans difficulté.

Une cotisation pécuniaire est exigée à verser à l'agent du point d'arrêt pour laisser-passer. Ainsi, un agent de la police nationale détient-il l'autorité du droit de passage. Il n'y a pas de service de douane à Thomassique depuis après 7 décembre 2015. Par suite des altercations entre les agents du poste douanier de Thomassique et des chauffeurs de camions qui ont occasionné la mort de deux d'entre ces derniers atteints de projectiles des agents douaniers. Allait s'ensuivre l'incendie du poste douanier par des membres de la population en réaction de leur colère.

Le service douanier s'est installé depuis lors à Papaye, près de Hinche, aux environs de 18 kilomètres de Thomassique, dans un chaume sous des grands arbres. Des hommes lourdement armés font office d'agents douaniers travaillant dans des conditions très précaires (Odatte, 2016)47. L'absence de service douanier est un vaste champ libre pour la circulation de marchandises importées en République Dominicaine dans toute la zone. C'est seulement lorsqu'il faut traverser Papaye pour se rendre à Hinche que la douane puisse taxer. Mais, comme le souligne Théodat (2014, p. 99), le prélèvement de taxes ne sert pas le financement direct des politiques publiques de développement de la communauté locale sans parler de la question de la contrebande48.

46 La rivière Lociane mesure 45 km. Sa source découle du massif du Nord. Elle se jette dans le fleuve de l'Artibonite. Elle traverse toutes les principales localités de la 2e Section de Lociane. Cette raison explique le choix nom du ruisseau attribué à la Section communale.

47 Odatte, R. « Haïti-économie : des agents douaniers toujours absents à Thomassique. Plus d'un mois après l'incendie de la douane »|En ligne publication du 27/01/2016| www.alterpresse.org, page consultée le 04/12/2022.

48 La contrebande est prise ici dans un sens plus large, la frontière avec la République Dominicaine est l'objet de pertes de recettes pour Haïti de l'ordre annuel de 350 à 500 millions de dollars au minimum. Alors que le pays n'y collecte qu'environ 50 millions par an. Cf [Laleau, Wilson, Haïti, pétrocaribe et ses déraisons. Manifeste pour une éthique de responsabilité, Editions C3, Delmas, Haïti, 2020, p. 86].

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En sortant de Boc Banic, nous empruntons la route principale qui traverse Don Diègue 1 et Carrefour Suzely. Cette voie en terre battue est praticable pour les gros véhicules de transport. Tout à Carrefour Suzely, un chemin conduit à Savane Mulâtre. Et, de poursuivre le chemin nous atteignons Latine qui constitue la localité de limite de la 2e Section Lociane par rapport à la circonscription de Cerca-la-Source.

Carrefour Suzely est une localité tout aussi ravagée dans sa structure environnementale. L'église adventiste, structurée en paroi de palissade est en rénovation pour une construction en bloc. Une école de niveau primaire y est logée. À l'autre côté de la route se situe l'école nationale. Les maisons à toiture en tôle, aux cours toutes cloisonnées démontrent le symbolisme de la propriété privée dans toute cette zone frontalière. C'est chez Edouard que des personnes tombées malades peuvent se procurer des premiers soins à frais payé. Il n'y a pas de puits d'eau et débits d'eau du bassin de captage de 75 mètres cubes construit en 2019 à Don Diègue 1, non loin de Carrefour Suzely dont la distribution concerne uniquement Boc Banic. Mais l'absence d'électricité est palliée avec des panneaux solaires que certains exposent par devant leurs maisons. Un habitant eut à nous dire qu'en « République Dominicaine, le panneau solaire se vend à plus bas prix y compris le coût de revient par rapport à Haïti. Et qu'il lui parait plus facile de parcourir une plus longue distance telle que se rendre à Santo Domingo au lieu d'aller à Hinche ». Les routes sont dans de mauvais états de circulation dans cette zone.

Savane Mulâtre, au nord, s'enfonce dans un long chemin d'un état calamiteux qui regorge les deux artères qui viennent soit de Terre Blanche ou de Carrefour Suzely. La motocyclette et le véhicule tout terrain sont les seules automobiles capables de se rendre à Savane Mulâtre. Mais la majorité de la population pratiquent la route à dos d'âne ou à motocyclette de nos jours. La pratique du charbon de bois a affecté tout l'environnement de cette Section communale, notamment Savane Mulâtre qui ne renferme que des arbustes de bayarondes49 parsemées sur un sol rocailleux. Les pluies ont ruisselé des pans entiers des ravins dépossédés des bordures boisées. La rivière Lociane juxtapose l'entrée de la localité qui s'abrite sur une basse altitude. Des toits de chaume résonnent l'état de misère des habitants qui assomme l'émerveillement historique caractérisant ce coin de terre. Savane Mulâtre est en situation très difficile sur le plan socio-économique en dépit de sa proximité avec la frontière comparativement à Boc Banic. Elle renferme un petit cimetière débordé de sa capacité à accueillir des cadavres. Il n'y a pas de marché public ni centre de santé. Les

49 C'est l'expression haïtienne qui désigne un arbuste très répandu dans nos régions campagnardes.

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habitants disposent d'une chapelle de l'église catholique et quatre autres églises protestantes. Il y a deux écoles primaires dont l'une est nationale. Elles ont grande raison pratique d'enseigner les bienfaits de l'eau potable pour la santé. La conscience citoyenne en sera bien prise en compte. La rivière de Lociane pourrait faire l'objet de projet d'assainissement. Mais, la localité ne dispose pas de l'eau potable. Rien que penser à voir la rivière de Lociane en crue effraie. D'ailleurs, il n'y a aucun pont jeté sur une rivière dans la 2e Section de Lociane. C'est une zone qui est très dangereuse parce que des paysans y sont assassinés en plein jour par des voyous criminels ou bandits armés opérant systématiquement dans cette zone frontalière.

À l'effroi des motards pour emprunter la route de Savane Mulâtre, s'ajoute la longue distance qui renchérit le coût de transport. Autre risque de déconvenue expose à la frayeur de s'y retrouver bloqué par manque de motard transporteur (taximoto) qui ne s'y aventure pas au-delà des deux heures de l'après-midi. Les paysans y sont pourtant courtois, quoiqu'ils soient un peu indifférents vis-à-vis de l'étranger. C'est la teneur de la conversation engagée qui peut faciliter la tâche. Grâce à des leaders communautaires, les entretiens se déroulent plus facilement. Le travail de recherche est pourtant tenu dans la rigueur. Les problèmes de la localité sont exposés avec clarté. Des maisons à toit en tôle contrastent avec d'autres chaumes de styles plus antiques qui diversifient le décor du paysage semi-aride d'où balaye un léger vent qui bouffe les visages. Des petites croix symbolisent les refuges mortuaires consacrés dans les basses-cours des familles à côté des latrines sans cloison où certains habitants font leur aisance en plein air. Il faut souligner que la plupart de cette population ne dispose pas de latrines. Sans électricité, le panneau solaire est d'une grande utilité pour recharger les appareils de télécommunication dont les compagnies démontent fort bien qu'elles s'étendent véritablement dans tout cet espace du territoire national mais la palme revient à la compagnie de télécommunications Natcom. Parce que tous les contacts que nous avons établis avec les habitants du milieu en ressortaient absolument.

À la sortie de Savane Mulâtre, au passage à Terre Blanche, le paysage incruste le délaissement d'un endroit livré à la nature sauvage. La localité de Terre Blanche est dépourvue de tout type de services sociaux. À part de deux petites églises protestantes abritées dans des chaumes à tromper le soleil, sans école ni rivière, ni puits d'eau, des petites maisons de deux pièces en palissage ou en clissade et pisé, cette localité abrite une faible quantité de population dans une situation dispersée. Des caveaux sont construits dans des cours en absence de cimetière qui est généralement

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la norme dans cette zone pour enterrer les morts. C'est un signe qui démontre également la différence de quelques valeurs anthropologiques des habitants de cette localité.

Les arbres y sont extrêmement rares. Des haies vives séparent les champs de pois congo qui résistent au soleil de plomb massacreur de fin décembre se réduisant à leur plus simple expression de plantes rabougries et fanées. À Terre Blanche, des cours clôturées en candélabre gardent une propreté de balayage entretenu. Les localités proches Hatonuevo, Savane Plate et Garde Salnave desservent respectivement Terre Blanche aux besoins d'éducation au niveau atteignant la 6e année fondamentale et d'eau potable à près de 4 à 5 km. Pour ce qui concerne le besoin en soin de santé, un déplacement plus conséquent de près de 8 à 12 km s'impose relativement au choix de se rendre soit à Thomassique ou soit à Cerca-la-Source ou soit à Boc Banic.

Au rythme saccadé, ronflant son moteur avec trois passagers à bord d'une mototaxi, deux ont dû descendre pour marcher à pied afin de permettre au véhicule de ramper le morne abrupt et tortueux de la rivière loratoun avec l'autre passager agrippé au motard qui n'arrête de plaindre de l'attitude des dirigeants politiques qui ne font semblant de connaitre la douleur de la population que pour obtenir le vote aux élections. Après mille et une promesses, plus jamais on ne les reverra. « Si se pou mwen, s'indignait-il, volè sa yo pap jwen n yon vwa ankò nan eleksyon bò isit la. Se sèl manman yo ak papa yo ak rès fanmi yo kap bay yo vòt ».

Nous n'osons pas imaginer l'emprunt de cette route dans la saison pluvieuse. Nous allons à Nan Croix qui est une localité gardant plus ou moins une couverture végétale. La route en terre battue, en très mauvais état, bordée de candélabre aux deux côtés regroupe de nombreux chaumes à l'intérieur des arbres fruitiers, des cocotiers. Certaines cours des paysans renferment des sacs de charbon empilés. C'est une aussi un constat valable pour toutes les localités de la zone. Les rivières traversées pour pénétrer la localité sont dépourvues de bordure végétale. Rares sont des cabrits qui sont amarrés au bord du chemin qui s'amenuise au fur et à mesure que s'apercoive l'entrée au centre du bourg de Nan Croix. Les maisons à toiture en tôle de diverses dimensions à portes en bois constituent la seule originalité d'une région qui abrite une population dépourvue de tout service même au minimum. Des latrines précaires desservent une faible portion de cette population.

Le puits d'eau à traction humaine que l'ONG World Vision avait construit depuis 2004 est la source de débit d'eau disponible dans la localité. « Dans les moments de panne, c'est à deux heures

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de marche que nous nous rendons au fleuve de l'Artibonite pour prendre de l'eau », a martelé Faton, ancien membre de Casec, près de 60 ans qui est natif natal de la zone. Les saisons pluvieuses sont encore plus dures pour nous avec la route qui est impraticable, en a-t-il ajouté.

Très dépendants de la Dominicanie, les paysans des localités les plus proches de la frontière profitent des jours de marché des localités frontalières dominicaines pour s'y approvisionner en produits tels que l'huile, sucre, macaroni, salami et en volaille50. Cette volaille est de plus forte grosseur que la poule de race en Haïti. Cette affaire de volaille importée en République Dominicaine a grandement attiré notre attention dans ce milieu rural. Cette étude ne va pas y entrer. Mais c'est très important ! Les volailles ont subi de fortes maladies qui les déciment en grande quantité. De manière générale, à chaque année il y a une période de maladie pour les volailles mais c'est la forte recrudescence des maladies au cours d'une même année qui rend la situation plus inquiétante.

Le commerce occupe une grande place dans les activités des femmes paysannes de la 2e Section Lociane, mais le métier agriculteur est général dans la région. Selon Bastien (ibid.), le paysan apprend non seulement à manier de la houe et de la faucille mais aussi quand, et comment semer, nettoyer le terrain et procéder à la récolte.

1.4.2.-Grille d'observation

TABLEAU 1 : DÉMONSTRATION DES INDICATEURS SOCIO-ÉCONOMIQUES DE LA 2E SECTION LOCIANE

Grille d'observation des localités : Boc Banic, Savane Mulâtre, Terre Blanche, Nan Croix, Carrefour Suzely, Malary et Don Diègue 2

 

Disponibilité

Fonctionnalité

Accessibilité

Eau potable

Dinepa à Boc Banic, un puits artésien à Malary et à Nan Croix. Les autres localités n'ont pas d'eau potable

La distribution d'eau se
fait 10 jours/mois à Boc
Banic. Les pannes sont

fréquentes avec les

puits à traction
humaine.

Un nombre réduit dispose
de l'eau à Boc Banic. Un
horaire drastique indispose

une large population à
Malary et à Nan Croix

Infrastructure routière

Les routes sont en terre

battue. Sauf que le
bitume de la route de

Même en temps sec, les

routes sont
difficilement

Le bitume de la route de Cerca-la-Source arrivant à

Garde Salnave aménage

 

50 La volaille importée par la Haïtiens sur la frontière est cette qualité de poule appelée mannil ou glinn par les paysans d'ici, de couleur blanche en général.

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Cerca-la-Source arrivant

à Garde Salnave
aménage une partie de la route de Boc Banic.

praticables voire en

saison pluvieuse.

une partie de la route de Boc Banic dont le reste

est en terre battue mais

praticables pour les

véhicules robustes et les
motocyclettes.

Centre de santé

À Boc Banic il y a un centre de santé de MSPP. Les autres localités n'en disposent pas.

Le centre de santé

fonctionne à minima.

La distance éloignée des autres localités par rapport à Boc Banic rend le centre de santé qui s'y trouve quasi insignifiant pour elles.

Électricité

Aucune trace de la

compagnie de
l'Electricité d'haïti dans la 2e Section de Lociane.

Il n'y a pas de trace de

projet d'électrification
de la zone

De façon isolée, des

Personnes possèdent des
énergies alternatives à

Boc Banic.

Encadrement agricole

Pas de bureau de services techniques agricoles ni de crédit agricole

Aucune initiative n'est relevée en ce sens.

Aucun cultivateur n'a fait état de disposition de crédit agricole.

Source : Frantz Isidor en fonction du travail de terrain en date de 26 au 30 décembre 2022

 

Les images des photographies (photo 3), présentées à la page suivante, démontrent quelques types d'habitat où demeurent des paysans dans les localités telles que Malary, Carrefour Suzely et Savane Mulâtre.

Il s'agit de montrer les types de petites baraques couvertes en tôle, clissées, enduites de boue d'argile. Ce sont les principales caractéristiques des logements du milieu rural de la 2e Section Lociane. Il est loin d'y voir un modèle d'architecture à négliger. Nous pouvons plutôt en imaginer des modèles aménagés. La construction de ces logements ne comprend pas de latrines et de douche. À deux ou trois pièces, ils abritent des familles de sept (7) personnes au moins.

PHOTO 3: TYPE D'HABITAT OÙ VIVENT CERTAINS PAYSANS DANS LA 2E SECTION LOCIANE

Source : Prise photographique de Frantz Isidor en décembre 2022

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1.5.-Contrainte sur le terrain de recherche

Nous avons bien pris soin de ne pas tomber dans les situations apparemment les plus faciles à observer. Nous avons donc insisté à rencontrer un grand nombre de personnes pour pouvoir réaliser des entrevues avec elles. Les entretiens se sont déroulés dans une atmosphère de convivialité avec des paysans qui constituent des informateurs-clés. Des leaders communautaires ont manifesté un grand intérêt à cerner les contours de notre démarche. Des jeunes gens ont aussi montré leur attention. Malgré tout, des personnes dont des femmes ont surtout décliné nos sollicitations à des entretiens. Comme nous l'avons tantôt évoqué, la réticence de certains paysans vient en grande partie de la méfiance des étrangers. Mais le budget disposé n'aurait pas permis de prolonger la durée des déplacements pour réaliser beaucoup plus de travaux sur le terrain. Vu ces contraintes, nous avons convenu de bien utiliser les faibles moyens du bord pour apporter le maximum de rendement en termes de résultats de recherche.

Le cadre conceptuel et méthodologique a caractérisé l'orientation des réflexions qui sont produites dans l'application des concepts. La démarche substantielle tend à conjuguer des assertions théoriques avec des données empiriques pour asseoir une analyse objective sur les conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane. Ce travail a rendu toute l'importance d'une observation qui a abordée les points marquants ayant permis d'établir le panorama de la situation de l'étude dans les principales composantes des conditions socio-économiques des paysans des différents milieux considérés dans la 2e Section Lociane.

Dans le prochain chapitre, un schéma classique se dessine dans la contextualisation de la présente recherche afin de mettre en relief la position géographique particulière de la zone frontalière de la 2e Section Lociane qui en détermine un point crucial d'intérêt. Il sera également question de montrer l'étendue des besoins généraux des paysans de la zone dont résulte l'importance des réflexions sur les stratégies de développement qu'il est possible d'implémenter dans cette partie du pays.

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Chapitre II. Lociane et conditions socio-économiques des paysans

Ce chapitre décrit le noeud gordien de la recherche qui se cristallise dans la notion de conditions socio-économiques autour de laquelle gravitent d'autres entités conceptuelles telles que frontière, décentralisation, développement local et l'acteur paysan. Les différentes approches théoriques sur l'économie politique présentent un intérêt capital pour comprendre la défaillance de la construction stratégique des mécanismes de gestion incriminée aux pouvoirs publics. Surtout, dans le phénomène de frontière qui interagit à plusieurs dimensions dans des facteurs socio-économiques déterminant les vécus quotidiens des paysans de la 2e Section Lociane. Il s'agit également de présenter les paradigmes de développement à plusieurs étapes de l'évolution de la pensée économique rejoignant le bien-fondé des décisions dégagées de la participation des différents acteurs impliqués dans le processus de développement d'un espace territorial. Force est donc de saisir, après l'observation, la position géographique définissant l'unité de l'étude dans ses dimensions concrètes d'une réalité prise dans ses éléments de fait. L'unité de l'étude fournit le privilège de prélèvement des données qui caractérisent le fondement même de la sociologie. D'ailleurs, celle-ci s'intéresse principalement aux phénomènes sociaux dans leurs états concrets. Sur ce point, les pages 43, 46 et 47 présentent des cartes géographiques. La première de celles-ci (carte 1) permet de visualiser la tracée de la frontière entre Haïti et la République Dominicaine. S'ensuivent la carte démontrant la géolocalisation de la Commune de Thomassique (carte 2) et celle montrant la position directe de la 2e Section Lociane (carte 3) dans la Commune de Thomassique, l'endroit où seront prélevées les données de l'étude.

2.1.-Géo-localisation de la frontière Haïti-République Dominicaine

L'île Hispaniola, selon Price-Mars (1953/1998a, p. 39), comprend une cordillère centrale qui domine l'agencement orographique. Sa partie de l'Est contient les plus grandes vallées et les plus larges plaines où la distribution hydrographique favorise une abondance de cours d'eau, remplie par des pluies saisonnières plus drues. Et à l'Ouest, le développement des montagnes s'enchevêtre en une série de chaines coupées de plaines côtières de faible dimension superficielle.

Notre étude est focalisée sur la Commune de Thomassique, plus précisément sur la 2e Section communale de Lociane, une localité limitrophe de la frontière. Cette dernière commence : Au Nord, de la rivière massacre jaillissant de la Cordillera Central.

Au Centre, par une partie du fleuve de l'Artibonite.

À l'Ouest, par les lacs Azuei et Enriquillo,

Au Sud, elle se termine par la rivière Pedernales.

CARTE 1 : ILLUSTRATION DE LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE DE LA FRONTIÈRE ENTRE HAÏTI ET LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

Situation géographique de la frontière de la République d'Haïti avec la République Dominicaine

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Source: Https://www.Haiti-bing.com/maps

Cette ligne frontalière qui - a une portée qui s'évalue sur une bande d'environ 380 km de long (PNUE, 2013), s'étendant du Nord au Sud, sur à peu près 10-20 km de chaque côté de la frontière actuelle, et dont la largeur varie en fonction de l'infrastructure, des cours d'eau, de la topographie et du niveau d'interaction transfrontalière entre les communautés - recoupe des particularités morphologiques contrastes de la mer aux montagnes abruptes qui s'élèvent à plus de 2,000 mètres d'altitude. Elle traverse des régions où les précipitations sont tour à tour très abondantes ou très faibles, et où l'on trouve une grande variété de sols et de substrats géologiques.

L'île Hispaniola, agrippée entre les latitudes 20oN et 17oN, se déploie sur près de 77.000 km2 d'étendue, avec les chaines de montagnes escarpées, réparties en quatre grandes de l'ouest/nord-ouest vers l'est/sud-est dont les plus hauts sommets sont élevés respectivement à 3,098 mètres et 2,680 mètres au-dessus de la mer pour la République Dominicaine et la République d'Haïti. La couverture forestière comprenait une estimation de 85% de l'île au moment de la découverte par les Européens au XVe siècle.

La colonisation française de la partie occidentale a grandement contribué à la déforestation de cette région. L'intensification de la culture de la canne à sucre et du café et l'abattement des arbres précieux comme les campêches et autres ont détruit les forêts qui couvraient les mornes et les montagnes de Saint-Domingue. Cette déforestation se poursuit jusqu'à nos jours et fait d'Haïti le

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pays le moins couvert sur le plan végétal. Comme conséquence, les précipitations pluvieuses s'amoindrissent. Elles se dégradent de 4000 mm à 350 mm par an. La période de rude sécheresse s'étend de décembre à avril. Mais avec le phénomène du changement climatique qui se précise de nos jours, la saison pluvieuse devient moins intense en précipitations. Dans les deux parties de l'île, la température varie respectivement à 26 o C et 26.2 o C en Haïti et en République Dominicaine. Aussi des régions plus chaudes près des côtes maritimes connaissent-elles des niveaux de température de 35o C. Dans les hauteurs des montagnes, la température varie entre 20o C à 10o C.

L'exploitation outrancière qui se faisait de plus de trois siècles de colonialisme esclavagiste a laissé les sols de la partie occidentale dans l'état d'extrême minceur. Les pentes les plus abruptes, enrichies en calcaire, connaissent de fortes dégradations dues à l'érosion qui résulte de la déforestation sévère. La partie de l'Est, ayant été moins exploitée, conserve des sols plus épais. Les versants de précipitations pluvieuses y sont plus importantes, parce que non contrariés de chaines montagnes qui se dressent plutôt aux confins de la partie occidentale. L'érection de telle haute chaine de montagne défavorise la partie occidentale en précipitation de pluies. De toute façon, les responsables dominicains ont développé un sentiment plus soucieux de la question écologique que ceux d'Haïti.

Les régions montagneuses renferment des cours d'eaux courts et tortueux. Les ressources hydriques haïtiennes repartissent entre trente (30) principaux bassins versants qui sont extrêmement exposées à des menaces. Ces dernières, si évidentes soient-elles, interpellent notre responsabilité à définir de véritables plans d'action de renversement de la dégradation des bassins versants, de la pénurie d'eau, des inondations et de la contamination bactérienne des sources.

2.2.-Thomassique et la 2e Section Lociane

La répartition territoriale de la République d'Haïti s'institue à travers la mise en place de trois niveaux de collectivités territoriales (Dorner, 1998) y compris leurs nombres (10 Départements, 146 Communes, 571 Sections communales) sur l'étendue géographique de 27,750 km2.

Depuis la Constitution de 1957, le législateur a évalué l'ampleur des responsabilités des régions en procédant à l'augmentation des gestionnaires régionaux qui s'articulent dans la réduction de l'étendue de certains Départements pour en élargir le nombre. Ainsi la répartition territoriale

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devient-elle à neuf au lieu de cinq Départements qu'il y avait dans la Constitution51 de 1946, à savoir les Départements : du Nord, du Nord Est, du Nord-Ouest, du Centre, de l'Artibonite, de l'Ouest, du Sud-est, du Sud et de la Grande Anse. Chaque Département se divise en Arrondissements, chaque Arrondissement se subdivise en Communes et chaque Commune se subdivise en Quartiers et Sections rurales. Ce principe a pris son ampleur gigantesque avec l'adoption par voie référendaire de la Constitution du 29 mars 1987 qui a été considérée comme un gage d'espoir pour avoir jeté les bases sur lesquelles devait s'opérer un long processus pour conduire à la décentralisation du pays tout en restant un État unitaire ». (Fleur-Aimé & Thomas, 2015). Entre-temps, la loi du 18 juin 2003 a consacré l'élévation de la région des Nippes au rang de Département pour en comptabiliser le dixième.

Mais le lieu prédominant privilégié dans l'étude se concentre dans la 2e Section Lociane de la Commune de Thomassique qui se retrouve dans l'Arrondissement de Cerca-la-Source qui compose les quatre sous-ensembles administratifs de Communes (Hinche, Mirebalais, Lascahobas et Cerca-la-Source) constituant le Département du Plateau Central. Ce Département est un vaste bassin, bordé au Nord par le massif du Nord, à l'Ouest par le massif des Montagnes Noires, au Sud par les montagnes du Trou d'eau et à l'Est par le bassin de San Juan.

La cartographie (carte 2), présentée ci-dessous à la page 41, précise la localisation de la Commune de Thomassique dans la proximité de la ligne frontalière qui délimite les deux territoires de l'île Hispaniola. Cependant, ce gros plan sur la position géographique ne livre pas tous les détails. C'est pour cette raison que la troisième cartographie (carte 3) est aussi présentée à la page 42 en vue d'indiquer toutes les spécificités qui caractérisent la position géographique plus ou moins exacte de la situation de l'étude.

Selon les données de l'IHSI, en 2005, la population de la Commune de Thomassique fut estimée à 51,155 habitants. Ces derniers étaient répartis sur une superficie totale de 260.01 km2. Cela donnait une densité de 195.0 habitants au km2. Elle est comparativement faible par rapport à la moyenne nationale qui est de 289 habitants au km2. La 2e Section Lociane est une Section rurale qui est une dénomination que la Constitution de 1946 a introduite dans la subdivision territoriale à côté des Quartiers. La Constitution de 1987 en a fait la désignation de Section communale qui est la plus petite entité territoriale administrative suivant son article 62. Elle fait partie d'une autre

51 Voir l'article 2 de la Constitution d'Haïti de 1946.

collectivité territoriale qui est la Commune et celle-ci d'une autre plus large qui est le Département (Privert, 2006).

La 2e Section Lociane fait partie intégrante de La Commune de Thomassique qui est située entre les latitudes nord d'Équateur 18°58' et 19°12' et les longitudes ouest méridiens de Greenwich 71°42' et 71°55'. Elle est à 27 kilomètres de Hinche, chef-lieu du Département. Elle est établie sur une altitude moyenne de 450 mètres (300-600). Mais la Commune s'étend rapidement au cours des années, une étude faite en 2014 rapporte que la Commune de Thomassique couvre une superficie de 264,76 km2 répartie sur deux Sections communales (Matelgate et Lociane). Celles-ci comprennent respectivement 55 et 79 habitations et localités selon les dernières données de l'IHSI. Cependant le nombre de localités a augmenté dans la 2e Section Lociane pour passer maintenant à 84. La 2e Section Lociane occupe une superficie sensiblement inférieure à celle de la 1ère Section Matelgate mais dont la population est supérieure à celle de la 1ère Section. Ainsi la 2e Section Lociane compte-t-elle 84 localités (CIAT, 2008).

2.2.1.-Délimitation

La Commune de Thomassique est limitée :

Au Nord par la Commune de Cerca-la-Source ;

Au Sud par la Commune de Thomonde et la République Dominicaine;

À l'Est par la République Dominicaine et la Commune de Cerca-la-Source;

Et à l'Ouest par la Commune de Hinche et de Thomonde.

2.2.2.-Localisation de la Commune de Thomassique

CARTE 2 : ILLUSTRATION DE LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE DE THOMASSIQUE Illustration de la situation géographique de Thomassique près de la frontière

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Source: https://www.bing.com/images- carte thomassique - Bing images

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Mais précisément, la 2e Section Lociane elle-même est délimitée au Nord de Latine par Fort Biassou (une localité de la première Section communale Acajou-Brulé de la Commune de Cerca-la-Source), à l'Est de Boc Banic par la République Dominicaine, à l'Ouest de Loratoun 1 par le centre urbain de la Commune de Thomassique et au Sud de Baranque par Bouloume (1ère Section Matelgate). Les Sections communales sont constituées d'habitations ou localités. Cependant, les habitants n'arrivaient pas toujours à s'entendre sur la délimitation de ces habitations ou localités.

2.2.3.-Localisation directe de la Section communale de Lociane

CARTE 3 : ILLUSTRATION DE LA SITUATION GÉOGRAPHIQUE DE LA 2E SECTION LOCIANE

Source: https:www.bing.com/images/search?... vignette.wikia.nocookie.net 2.2.4.-Histoire de Thomassique et la 2e Section Lociane

La Commune de Thomassique fait partie de l'Arrondissement de Cerca-la-Source du Département du Centre, Haïti. Bien avant, la Commune portait le nom de « Thomassico ». Elle fut d'abord

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élevée au rang de quartier en 1889 de l'Arrondissement de Hinche par décret du gouvernement provisoire de Légitime. Antérieurement, la localité était rattachée à la République Dominicaine, plus précisément à la vallée San Thomé où se sont déroulés un bon nombre d'évènements historiques52. C'est par le traité haïtiano-dominicaine de 1874, sous le gouvernement de Michel Domingue que Thomassique cessera officiellement à l'instar de Thomonde, de Hinche et de Cerca Carvajal d'appartenir à la partie orientale de l'île. Enfin, elle fut élevée au rang de Commune en 1954. La date de sa création se rapporte à 1950 en tant que bourgade53 (I. Isidor, 2014).

En 2014, la population de la Commune de Thomassique fut estimée à près de 70,000 habitants. La vie économique de la Commune se base foncièrement sur l'agriculture, l'élevage, l'artisanat et les corps de métiers tels que la maçonnerie, l'ébénisterie, la charpenterie et la couture, etc... De par sa position stratégique sur la frontière centrale, le commerce y joue une place prépondérante. Le charbon de bois constitue actuellement la filière extra agricole la plus rentable du circuit commercial de la Commune. L'exploitation à outrance du charbon de bois constitue aussi une entrave très sérieuse à l'équilibre environnemental et écologique de la ville et de la Commune. En l'occurrence, la 2e Section Lociane présente toutes les caractéristiques de dévastation des arbres par l'activité du commerce de charbon de bois qui est la cause principale de la quasi désertification de nombreuses localités dans les Sections communales. Néanmoins, l'histoire retient un récit de combat épique qui s'est déroulé dans cette zone frontalière au moment conflictuel guerrier des deux Républiques. En effet, dans la dernière bataille qu'engageait le gouvernement de Soulouque en décembre 1855 contre les Dominicains, Sabana mula qui devint Savane Mulâtre, localité près de Fort Biassou, autre lieu aussi historique, fut le théâtre d'un terrible champ de combats.

Dans la projection économique et financière, la proximité du marché est un avantage de taille. La relation de proximité entre le centre de production qui se trouve depuis quelques décennies en République Dominicaine et le marché de consommation qui représente Haïti relève l'importance stratégique de l'axe central de Thomassique qui concourt à la trajectoire qui passe par Belladère. Entre les deux grands pôles économiques du pays, le Nord et l'Ouest, la voie du Plateau central,

52 En février 1856, dans les hostilités haïtiano-dominicaines, d'intenses combats s'engageaient dans toutes les villes frontalières dont la savane de Santomé. Cf [Price-Mars, Jean. La République d'Haïti et la République Dominicaine [1953], Tome 1, Editions Fardin, Collection du Bicentenaire Haïti 1804-2004, Port-au-Prince, Haïti, 1998].

53 Dans une trajectoire tourmentée, le Quartier de Thomassique - rattaché à l'arrondissement de Hinche relevant du Département du Nord en 1906, puis rapatrié à celui de l'Artibonite en 1909- fut érigé en Commune 5e classe par la loi du 24 juin 1934, puis un arrêt présidentiel abrogea cette loi en date du 7 septembre 1942.Enfin, la loi du 24 juin 1952 l'éleva en Commune de 4e classe.

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particulièrement la 2e Section Lociane acquiert de l'importance grandissante d'une ligne d'échanges commerciaux par voie terrestre. C'est un défi qui se dresse devant l'économie haïtienne de concentrer ses énergies productives pour renverser la situation en ses faveurs. Elle peut profiter de ces mêmes voies de pénétration pour échanger avec la République Dominicaine.

2.2.5.-Population de la Section communale

Toutes les données trouvées concernent généralement la Commune de Thomassique. Mais notre étude s'attache à en extraire les données précises concernant la 2e Section Lociane, pour ne pas la perdre de vue. C'est ainsi que nous avons relevé des données qui annoncent une occupation spatiale de 81.7 % de la population dans le milieu rural, durant la période intercensitaire de 1982-2003. Cette population avait cumulé un taux de croissance au rythme annuel de 3.4%. La densité était estimée à 195 habitants par kilomètres carrés. L'habitat est fort dispersé dans ce milieu rural.

La 2e Section Lociane s'étend sur une superficie de 128.69 km2 avec une population de 21,944 habitants selon les données de l'IHSI en 2005. En considérant le taux de croissance démographique annuel dans sa valeur constante, la population s'accroit en 2021 au nombre de 37,467 habitants dans la 2e Section Lociane.

2.2.6.-Cadre de vie dans la 2e Section Lociane

La 2e Section Lociane de la Commune de Thomassique, en raison de sa position frontalière, dispose d'une facilité d'échanges culturels et commerciaux avec la République Dominicaine. La Commune dispose également de quelques sites pittoresques particulièrement avec les chaînes Paincroix qui accordent des vues panoramiques attrayantes. Malgré ces atouts majeurs, la 2e Section Lociane de Thomassique est, tout comme la Commune restant entièrement enclavée, démunie des infrastructures, services et équipements les plus élémentaires avec des influences négatives sur la qualité de vie de la population qui est très pauvre54. La 2e Section Lociane dispose de certaines localités à forte concentration d'habitat qui comprend : Boc Banic, Nan Croix, Carrefour Suzeli, Savane Mulâtre, etc.

54 Selon « la carte de pauvreté pour Haïti » élaborée par le MPCE (Ministère de la Planification et de Coopération Externe) en juin 2002, la commune de Thomassique occupe le 122ème rang sur 135 en termes de niveau de pauvreté à l'échelle nationale (soit le dernier quintile faisant référence au groupe de Communes à niveau de pauvreté extrêmement élevé).

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La 2e Section Lociane est située à moins de 15 km du fleuve de l'Artibonite55 qui fournit la ligne limite entre les deux États de ce côté-ci. La 2e Section Lociane comprend 84 des 138 localités de la Commune. Elles sont bien ouvertes à la circulation malgré l'état des routes. Le répertoire rythmique bachata est largement apprécié des musiques dominicaines diffusées de manière tonitruante sur des postes de Radio. Des bribes de conversations des habitants entremêlent souvent le créole et l'espagnol dans une création langagière : « pale pannyòl ».

2.3.-Voies de pénétration dans la 2e Section Lociane

Il est à remarquer que la route menant à Thomassique en sortant de Hinche est en terre battue. Elle est en très mauvais état pour la circulation de véhicules, avec beaucoup de reliefs, une végétation rabougrie, des arbres dispersées sur de vastes superficies presque dessertes où l'on dénombre des habitats dispersés. De prime abord, il est tout à fait facile de remarquer l'absence d'ingénierie sociale d'État qui y fait ménage. Combien de temps devra-t-on attendre la construction du tronçon de route Hinche-Thomassique ?

Au bout de 35 minutes à bord d'une taxi-motocyclette, la traversée de la 1ère Section Matelgate est faite pour arriver au milieu de la Commune. Le boulevard Jean Jacques Dessalines tranche la 1ère Section Matelgate à l'Ouest et la 2e Section Lociane à l'Est. Il y a donc des options permettant d'emprunter plusieurs voies pour pénétrer les différentes localités dans la 2e Section Lociane.

Premièrement, en nous dirigeant au Sud le sentier traversant la rivière de Louratoun conduit jusqu'à Baranque. Cette voie mène à la frontière. Deuxièmement, à l'arrière du marché qui caractérise le centre urbain de la Commune, se trouve une route qui conduit à Nan croix en passant par Loratoun 1, Nan Kokoye. Matelgate. La traversée de Nan Croix conduit aussi à la frontière. Troisièmement, en partant du point central de la place publique de Thomassique, en empruntant la route logeant la rue espagnole, en traversant Nan Latte, Savane Sucre, Loratoune 1 et 2, s'ouvre le chemin qui conduit à Malary puis Savanette. Poursuivant ainsi c'est l'atteinte des hauteurs de Don Diègue 2, Kolorine et Boc Banic.

55 Le fleuve de l'Artibonite prend sa source dans les hauteurs de la cordillère centrale en République Dominicaine. Les 2/3 du fleuve sont du côté haïtien, coupant la partie centrale d'Haïti. Il continue sa trace avec de fort débit dans une largeur considérable jusqu'à la région du département de l'Artibonite où il constitue une source d'irrigation en passant par le captage en réservoir au niveau de Péligre [Péligre est une localité de la 3e Section communale des Bayes de la Commune de Boucan Carré]. Le barrage de Péligre fut construit dans les années 1950, avec un réservoir d'une capacité de 400 millions de mètres cubes d'eau pour le développement de l'irrigation et de la production de l'énergie électrique .Cf. [Lucien Georges Eddy, Espaces périphériques et économiques d'archipel. La trajectoire contemporaine de la commune de Verrettes. Éditions de l'Université d'État d'Haïti, Port-au-Prince, 2009].

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Et enfin, l'axe partant du Nord sur le morne fort, en prolongeant la route de Cerca-la-Source, qui est la seule à avoir été revêtue de bitume, à côté d'autres routes et sentiers en terre battue. Ils sont tous en très mauvais état. Il est possible de poursuivre en traversant plusieurs localités de cette Section communale, notamment Felipite et Morne Avèlin avant d'arriver à Garde Salnave où la route est subdivisée en trois branches ou artères. La première artère est la route principale conduisant à Cerca-la-Source en direction du Nord. La deuxième artère, en direction du Nord est, traverse Terre Blanche, puis mène à Savane Mulâtre. La poursuite de cette voie mène à Latine près de Fort Biassou. Évidemment, il est possible de se rendre à la frontière de ce côté. La troisième artère, en direction de l'Est, mène à Boc Banic en passant par Hatonuevo 1 et 2, Carrefour Suzely et Don Diègue 1. Cette route est la mieux entretenue. Cependant, la saison pluvieuse s'annonce un calvaire dans la pratique de ces routes pour quelque soit le type de véhicule. Parce que la masse de poussière que ces voies contiennent sera des amas de boues impénétrables. Ces insinuations expriment les qualités déplorables de ces voies de communication dans la 2e Section Lociane. La première photographie de l'illustration suivante représente la route de Malary qui conduit à Boc Banic et la deuxième photographie en dessous indique l'état de la route de Nan Croix qui conduit aussi à la frontière. Aussi importe-il de reprendre la revendication soutenue par les paysans pour réclamer l'amélioration des routes qui permettent d'atteindre la frontière respectivement par Kolorine et Nan Croix.

Des sentiers servent de liaison entre des localités. Sur la route de Malary, dans les hauteurs de Loratoun 2 au premier carrefour, si l'on prend la direction du côté droit, la poursuite du chemin conduit à Nan Croix en passant par Monbin Trou et Nan Francique. Ces sentiers découpés sont des moyens utilisés pour faciliter des échanges entre des localités sans obliger de passer par le point de Thomassique pour prendre la route principale. L'emploi de ses voies de communication inter-localité peut servir aussi un moyen de contourner les contrôles de circulation. Pour un convoi signalé à Nan Croix en direction de Thomassique, il est fort possible qu'il puisse prendre un découpé pour déboucher sur une autre route. Même si les chemins vacinaux sont déplorables.

La République Dominicaine exploite une situation économique favorable pour écouler ses produits en Haïti. Ces voies contribuent à la circulation des marchandises. L'accroissement des affaires concourt à la perspective de croissance démographique qui se projette dans la zone en raison de la sensibilité de sécurité face à la menace sismique planant sur le pays. Par l'avènement du séisme de 12 janvier 2010 qui marque encore l'esprit, et plus récemment, le séisme du 14 août 2021 dans

le grand Sud, il y a une grande appréhension de la population. La région du centre du pays représente un tampon de sécurité dans la situation tectonique de l'île par rapport aux deux principales zones de failles actives : au Nord à partir de la mer vers la terre d'Est en Ouest ; dans les terres du Sud jusqu'à l'Ouest s'abattant dans la vallée d'Enriquillo à l'Est (Prépetit, 2011, p. 21). Malgré ces potentialités de la zone, l'observation ethnographique et les données des entretiens nous permettent de déceler des contraintes majeures auxquelles sont confrontées les populations-cibles dans le processus du développement. Il nous importe donc de pister quelques facteurs qui permettent de fonder des réflexions sur l'amélioration des conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane.

PHOTO 4: ILLUSTRATION DE L'ÉTAT DE ROUTES DANS LA 2E SECTION LOCIANE Illustration de l'état de quelques routes dans la 2e Section Lociane

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Source : Prise de vue photographique de Frantz Isidor en décembre 2022

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2.3.1.- Comparaison entre des localités de la 2e Section Lociane

La comparaison du niveau de développement des localités de la Section communale n'est pas très importante pour l'étude. Il serait plus juste de se mettre à comparer les Communes frontalières des côtés haïtien et dominicain. Mais une chose est certaine, celles du côté dominicain accusent un niveau d'organisation qui dépasse largement celui des Communes du côté haïtien. Banica est un exemple frappant par rapport à Thomassique. La localité frontalière de Hato Viejo en Dominicanie est tenue dans une splendeur qui peut fouetter notre orgueil dans la gestion globale de l'espace territorial. Rien qu'à voir l'impact environnemental avec la couverture végétale de l'autre côté de la frontière, il est évident que la différence est réelle. D'une certaine manière, nous nous permettons de nous livrer à une comparaison sporadique entre quelques localités. Bien que nous essayons plus spécifiquement de détecter l'impact de la connexion étroite qui existe dans le développement des échanges commerciaux à travers les différentes localités par rapport à l'infrastructure routière disponible. En effet, ces échanges sont plus intenses à Boc Banic par rapport à d'autres localités de la 2e Section Lociane étant placées dans une position tout aussi favorable que celle-ci. Mais, il faut rappeler que les infrastructures routières favorisent beaucoup les échanges commerciaux. Cela fait grandement défaut aux différentes localités telles que Nan Croix, Savane Mulâtre, etc.

Les acteurs les plus importants dans les décisions de développement ont été évoqués ici pour fixer leurs responsabilités. C'est un fait que chacun a ses propres intérêts à défendre. Mais l'intérêt général incombe à primer l'adoption des meilleures politiques publiques qui seront applicables. Dans le cas de la 2e Section Lociane, il y a des intérêts particuliers pour la collectivité territoriale à défendre en vue d'apporter les éléments de services de base indispensables pour l'amélioration des conditions socio-économiques des paysans. La tracée des lignes directives montre l'importance des facteurs intégrateurs de l'unité des forces vives pour réaliser le développement.

2.4.-Facteurs de développement des conditions socio-économiques des paysans de Lociane

À travers les facteurs qui sont susceptibles de déterminer les choix de politiques économiques, l'élément essentiel est caractérisé dans la définition des priorités. Celles-ci découlent des décisions adoptées par les structures organisées qui s'attachent globalement à la prise en compte des différents acteurs s'impliquant dans le champ de développement local. Le développement se réalise dans un espace territorial qui désigne une collectivité territoriale que ce soit dans le

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Département ou la Commune ou la Section communale. Dorvilier (2011, p. 25) souligne que « l'espace haïtien est l'objet d'une territorialisation dans sa structure physique et sociale à travers le temps en fonction des aspirations, de multitude de manques et différenciés des différents groupes sociaux ». Cette spécificité convient davantage à la dénomination de développement local. L'interpénétration des réseaux sociaux, des échanges de marchandises et de coopération de projet de développement conditionnent l'ouverture internationale des espaces ruraux qui subissent de l'influence des acteurs externes. Léger (2000, pp. 87, 89) considère quatre types d'acteurs qui s'y côtoient : les acteurs locaux et la société civile, l'État, les collectivités territoriales et la coopération internationale. Ces groupes d'éléments hétérogènes interagissent sous des motivations propres et différentes avec des attentes divergentes qui caractérisent l'enjeu résultant de l'ensemble des contrepoids qui font balancer les intérêts dans la détermination, l'orientation, la réalisation, l'installation et l'opérationnalisation de projets dans les milieux ruraux.

2.4.1.-Intégration des forces actives dans l'économie productive

En Haïti, l'un des défis majeurs qui persiste, réside dans le besoin d'élever notre économie dans ses dimensions de croissance, dans un cadre viable et équitable qui comporte de mobile de création d'emplois massifs, productifs et rémunérateurs. Il s'agit, entre autres, d'arriver à garantir la stabilité macro-économique sans sacrifier la stabilité sociale en procédant graduellement à agir en fonction des priorités fixées (F. Deshommes, 2005, p. 9).

Une première démarche consiste à identifier les ressources humaines, matérielles et financières qui devront être valorisées dans un cadre de gestion efficiente de ressource et de planification de politique publique dans la durabilité. Enfin, une prochaine étape doit permettre à l'intégration dans la division du travail, l'ensemble des citoyens où chacun puisse jouir des fruits de son apport (F. Deshommes, 2005). Mais comment parvient-on à une coalition inclusive ? C'est le grand problème des différentes forces sociales haïtiennes. Elles n'arrivent pas encore à se superposer dans une conjonction idéale de vivre ensemble constituant une contenance de la domination d'un groupe.

2.4.1.1.-Approche théorique sur la condition socio-économique

En 1990, le premier Rapport annuel sur le développement humain du PNUD a introduit une plus grande considération sur l'harmonisation des aspects socio-économiques du développement (Besnainou, 1991).

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Le récipiendaire du prix Nobel d'économie en 1998, l'Indien Amartya Kumar Sen soutient que le développement exige un système démocratique, parce que la démocratie suppose la jouissance des droits civiques aux individus par la possibilité de revendiquer la satisfaction des besoins élémentaires ou la protection de la vie. La démocratie accorde aussi les libertés sociales et politiques conduisant aux libertés économiques, et celles-ci entrainent des retombées sur les libertés politiques et sociales (Sen, 2000). Mais la démocratie est-elle une condition suffisante ou nécessaire pour construire ou avoir le développement ?

Cette transitivité qui s'établit entre démocratie et développement économique est une exigence de responsabilité des divers acteurs politiques dans la gestion du bien commun résidant dans le travail productif pour réaliser la croissance économique positive. Cette exigence impose également des instruments équitables de définition de politiques publiques prenant en compte des intérêts généraux et vitaux de la société.

De la nouvelle approche qui apparait, après avoir privilégié la seule croissance de la production de richesses par des indicateurs comme le PIB, le concept de développement s'est élargi pour inclure différentes dimensions constitutives du bien-être, voire du bonheur : l'état global de santé des populations, les niveaux d'instruction, d'une manière générale, les conditions de vie56. La réflexion sur les indicateurs pertinents pour mesurer le développement prend de plus en plus en compte la dimension du bien-être (et/ou du bonheur) et il y a une profusion d'indicateurs économiques, sociaux et environnementaux qui tentent de l'évaluer, le mesurer.

En ce sens, l'État central se doit de redynamiser le levier de la contribution consistante des entités des collectivités territoriales qui renferment de nouvelles prérogatives en matière de gestion, d'administration et d'aménagement du territoire. Ainsi, subsiste-t-il toujours l'objectif principal d'améliorer les conditions de vie des populations par la fourniture de services publics collectifs de manière efficiente et efficace. Donc, parvenir à réduire la pauvreté. Mais, la notion de la pauvreté caractérise une approche analytique avec Sen (1992) mettant en évidence le déficit de capabilités57 qui interpelle au prime abord l'action politique de l'État. Celui-ci se retrouve dans l'obligation de s'engager dans une voie économique dépendant des infrastructures et des ressources dont il dispose en vue d'assurer un développement économique. Aussi nous sommes-nous amenés à considérer le

56 Voir le site d'internet : http://www.geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/développement / (consulté en juin 2022).

57 La capabilité renvoie à l'état de la corrélation entre les politiques publiques et les capacités publiques.

56

problème politique et même géopolitique qui sous-tend la problématique du développement. Sur ce, nous pouvons reprendre une idée de Jörg Mayer-Stamer (cité dans Freund et Lootvoet, 2005) concevant que l'économie politique de développement est essentiellement de la revendication politique avant d'être du ressort de l'appareillage technico-scientifique. Dans le cas d'Haïti, il est impératif de concentrer des efforts pour trouver une concertation qui tend à relever la puissance de l'État pour rétablir les mécanismes institutionnels garant des libertés individuelles motrices de l'initiative de la mobilisation des facteurs intégrateurs de développement.

Rappelons que le développement désigne l'ensemble des transformations techniques, sociales, territoriales, démographiques et culturelles accompagnant la croissance de la production. Il traduit l'aspect structurel et qualitatif de la croissance et peut être associé à l'idée de progrès socio-économique eu égard des conditions socio-économiques. Ainsi, les approches théoriques sur les principaux courants de développement économique révèlent-elles nécessaires à éclaircir les horizons.

Le concept de développement tel que prôné dans le point IV du discours d'investiture du Président américain Harry Truman en janvier 1949 constitua un idéal de changement pour tous les pays dits sous-développés. Sans signification précise, il est conçu en fonction du lieu d'expérimentation. Au cours du temps, le paradigme du développement change constamment pour moduler les réalités sociales et économiques, malgré des controverses. Parmi les diverses approches du développement, celle dite participative nous intéresse dans la présente étude pour ses inclinaisons à l'empowerment. La vision induite de pôles de développement de François Perroux peut s'y rejoindre pour mettre les individus dans un rôle de catalyseur de développement. Cela implique de contrôler des ressources par la maîtrise des capacités s'exerçant sur les plans : politique, culturel et institutionnel.

Aussi importe-t-il de saisir le jeu interactif des acteurs agissant dans le cadre du développement. À l'analyse des interactions entre acteurs sociaux, Olivier de Sardan(1995) montre un paradigme altruiste concernant l'aspect moral et un autre modernisateur relevant du caractère évolutionniste et techniciste (pp. 8, 85).

Mais les couches démunies subissent le contact des porteurs du développement dans le schéma interactionniste. Cette perception n'échappe pas à Sainsiné (2009) qui réalise que le porteur de développement concentre toute sa stratégie dans les moyens d'intégrer le milieu récepteur, le plus souvent le milieu local, à la modernité marchande (p.15). Le développement requiert pourtant

57

l'apport des citoyens en plus des seules prérogatives de l'État ou des ONG (Jean-François, 2021,

p. 113). Aussi faut-il considérer les intérêts animant les différents acteurs du développement. Si bien qu'il importe de désigner ces acteurs sociaux. L'État, les ONG, les entreprises privées, les acteurs locaux (société civile) et des acteurs internationaux interagissent dans le cadre de la théorie des parties prenantes58 pour apporter une contribution aux efforts de réalisation des objectifs organisationnels du développement local. L'État a grand intérêt à placer le développement économique au centre de ses préoccupations politiques selon Myrdal Gunnar (cité dans ARNDT, 1987). Cet avis est partagé par O. Deshommes (2014) en vue d'attribuer une fonction régulatrice et fonctionnaliste dans le rôle de l'État intervenant dans la mise en place des moyens pour faciliter l'investissement dans les secteurs porteurs de développement (p. 15).

Mais en Haïti, l'État est caractérisé par ses faiblesses dans la gouvernance économique qui bloque le développement. Quelles en sont les causes ? Des auteurs en disent beaucoup. Pour Price-Mars (1953/1998a), l'indemnité de 150,000 millions de franc en or payée à la France par l'ordonnance de Charles X en 1825 a eu de graves conséquences dévastatrices pour Haïti. Des puissances internationales ont acculé les dirigeants haïtiens dans une mauvaise gouvernance économique. Il suffit de voir que les réformes économiques entreprises en 1826, 1874 et 1880 répondaient aux exigences favorables de la France. Et, celles des années 1910, 1916 et 1924 servaient aux intérêts des Etats-Unis d'Amérique. En effet, toutes ces réformes engagées pour rembourser des dettes externes jouaient contre les intérêts des masses paysannes. Pour sa part, Olius (2022) qualifie tout cela de mégouvernance 59 . Mais Joachim (1979/2014), lui, précise qu'en dehors de ces considérations accablantes des pressions financières des puissances étrangères, l'État a toujours fait un sursis sur ses obligations envers les masses populaires et paysannes en s'accommodant aux caprices des ayants-droits d'un groupe d'affairistes qui, se prétendant bourgeois, n'ont jamais eu besoin de s'inquiéter pour les questions relatives à l'émancipation économique du pays. Encore, l'auteur souligne-t-il incessamment que les dirigeants militaro-politiques haïtiens alliés à une

58 La théorie des parties prenantes a pris son envolée avec les travaux de E. Freeman en 1990, en dépit des travaux de Dood(1932) et Bernard(1938) qui ont initié l'intérêt pour le terme dans le sens qu'une entreprise doit rechercher l'équilibre des intérêts concurrents des différents participants. Freeman a mis en avant la construction d'une constellation d'intérêts à la fois coopératifs et concurrents qui affectent les décisions managériales par la recherche de la nature des relations entre les processus et des résultats en vue d'aboutir à un équilibre d'intérêt. Voir les sites d'internet www.sitemanagement.fr et www.brimag.com.

59 La mégouvernance désigne le fait que des pressions extérieures contraignaient les dirigeants haïtiens à la mauvaise gouvernance du pays. C'est la thèse de Gary Olius dans son papier Haïti 1804-2018. 2014 ans de servitude économique et d'une gouvernance assistée, Delmas, C3 Éditions, 2022.

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bourgeoisie d'affaires ont creusé la dépendance de l'économie nationale dans la seule opération de vente des produits fabriqués dans les grands pays capitalistes (p. 164).

Dans la même logique, O. Deshommes (2014, p. 25) renchérit pour démontrer que l'État haïtien faisant des caractéristiques de faiblesse, d'incompétence et parfois de malveillance un modèle de gouvernance, n'a jamais su animer d'une volonté de structurer un projet pour répondre aux besoins de la population. De son côté, Gilles (2008) souligne à juste titre le caractère conflictuel que l'État a toujours développé envers les masses paysannes laborieuses qui n'ont été l'objet d'aucun investissement. (p. 41). Le paysan se retrouve dans une confrontation avec les autres composantes constitutives de la société tout étant livré à lui-même. Mais en aucune façon, nous ne saurions dédouaner nos dirigeants de la responsabilité de la gouvernance du pays. Les circonstances difficiles ne les délient pas du devoir d'assumer la bonne gouvernance politique, économique et sociale.

2.4.2.-Appropriation de l'espace territorial en développement

Dans les années 1950, selon Bastien (1951/1985), l'espace territorial haïtien était occupé à plus de 80% dans le milieu rural. La production agricole constitua l'économie nationale. Mais depuis les années 1970, comme l'indique Lucien (2009), l'espace rural haïtien qui se transforme progressivement en collectivités territoriales, connait un processus d'urbanisation60. En 2018, l'urbanisation est passée à 64% (AFP, 2018)61. Elle accuse un taux annuel de 5%. L'espace rural ne bénéficie pas d'investissement industriel tout comme le milieu urbain n'enregistre pas non plus de bond industriel en Haïti. Le problème fondamental ne se pose pas ici dans ce travail. Il s'agit plutôt de considérer le délaissement du milieu rural en dehors de tout accompagnement de l'État et des agents des collectivités territoriales.

Le milieu rural est constitué des régions géographiques (Communes et Sections communales) situées à l'extérieur d'une agglomération urbaine dans un pays62. Les Communes se développent, selon Lucien (2009), dans une dynamique de démonstration des conditions naturelles du milieu,

60 L'urbanisation constitue ce phénomène démographique qui se traduit par la forte concentration de la population dans les villes. Ce processus s'agrandit considérablement depuis la première révolution industrielle.

61 L'agence France-Presse a démontré une accélération importante du taux d'urbanisation s'est produite en Haïti surtout après le séisme de 2010. Mais qu'aucune politique publique n'accompagne ce phénomène. Voir l'article « Haïti : l'urbanisation s'accélère sans créer de richesses », publication 24/01/2018, En ligne, www.lexpress.fr, site consulté en date du 14 mai 2023.

62 Ces informations ont trouvées sur le site internet www.uis.unesco.org, consultation en date de 14/05/2023.

59

leurs techniques de culture, les paysages agraires, une présentation des rapports juridiques entre les hommes et la terre et des précisions sur les circuits économiques (organisation des marchés, confrontation de l'offre et de la demande, formation des prix (p. 173).

La paysannerie subit l'assaut de globalisation des marchés économiques. Cela tend à entrainer une dépendance des zones rurales. Jacques Girault (cité dans Lucien, 2009) s'est penché sur une analyse assez complexe pour situer une poulie attractive dans les relations de dépendance du milieu rural à double attache. Il en détecte d'abord dans les échanges internationaux où les produits agricoles font l'objet d'échanges inégaux et ensuite, dans le système de commercialisation interne où dans les endroits reculés, les gens sont liées à un monopole d'achat, subissant la plus forte taxation, et soumis à un contrôle du régime politique et social sévère (p. 25).

2.4.2.1.-Rôle de l'acteur paysan et de la société civile

La société civile est une thématique privilégiée dans la réflexion des acteurs de la communauté internationale. Elle jouit d'une grande promotion pour inclure les paliers de décisions de l'État pour contribuer à la gestion des affaires publiques. Elle s'entend l'ensemble des associations non gouvernementales qui se constituent en force de pression pour la défense des intérêts tant individuels que collectifs de leurs membres. Ces associations agissent comme des acteurs et de contre-pouvoirs indépendants de l'État et du marché financier et économique. Elles sont donc très importantes pour le fonctionnement de la démocratie. Alors de nouveaux rapports se dressent entre la société civile, le secteur privé et les pouvoirs publics.

2.4.2.2.-Société civile dans un rôle de contre-pouvoir de l'État

Par cette position, la société civile facilite les échanges et les relations entre les acteurs privés en dehors de l'intervention des pouvoirs publics. Le marché des échanges articule les rapports entre les individus dans la défense de leurs propres intérêts et le gouvernement se confine dans la régulation de l'ordre public, la garantie des droits de propriété et la libre circulation.

2.4.2.3.-Société civile comme facteur intégrateur de partenariat avec l'État

Avec l'évolution intégrationniste du libéralisme économique et politique, les tissus sociaux traditionnels s'amenuisent et se fissurent considérablement. Et comme conséquence, les besoins vitaux des citoyens ne sont plus assurés par l'État. La société civile devient un outil de la communauté internationale pour fournir les services en manque des pouvoirs publics dans une

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sorte de partenariat public/privé. Entre-temps la notion de bien commun reprend son sens originel dans l'articulation d'instance décisionnelle de pouvoir qui assure la planification et la gestion de la chose publique qui intègre les structures de base. Ces dernières expriment des actions efficaces dans le niveau d'implication des membres de la population dans les structures organisées. À cet effet, la localité Nan Croix démontre une forte conscience d'organisation avec l'initiative du leader communautaire Pierre Onès dans la création de la structure ODSL.

2.4.3.-Cheminement socio-historique de l'acteur local et sa place fonctionnelle

L'auteur Léger (2000) détermine une seule place pour la société civile à côté des acteurs locaux qui interagissent activement autour des autres dans le processus de décentralisation. L'acteur local est d'abord membre de la population. L'acteur local est une couche de la population localisée dans un milieu géographique. Il se situe par rapport à l'international, le national, le régional.

Pour la population, nous regardons l'aspect de sa répartition sur l'espace géographique qui nous renvoie à la géographie de la population tout en cherchant à comprendre les mécanismes d'implantation des individus dans un espace géographique. Quels sont les motifs qui déterminent la fixation des individus dans une zone telle qu'une frontière ? Ce que Pierre George (cité dans Marois, 2008) développe en faisant ressortir des points assez cruciaux sur : diversité et inégale occupation de l'espace de l'oekoumène (surface habitable de la terre) ; population et inégal développement ; les formes d'implantation de la population ; l'accroissement naturel ; les migrations de population. Il insiste beaucoup sur l'important besoin d'identifier les mécanismes des faits et processus des populations et de peuplement, de montrer les relations entre le comportement des collectivités humaines et les faits de structure économique et sociale.

Dans cet ordre d'idées sur la géographie de la population, l'auteur met l'emphase sur les interactions entre l'homme et son milieu : « il s'agit d'analyser les rapports réciproques et un façonnement bilatéral permanent des groupes de population et de leurs oeuvres. » (Marois, 2008). Presque dans la même période, Glenn Trewartha (cité dans Marois, 2008) propose une définition différente et qui met l'accent sur la compréhension et la dynamique de l'espace : « (...) l'essence de la géographie de la population réside dans la compréhension des différences régionales dans le peuplement terrestre - une étude de la compréhension et de la dynamique de l'espace. »

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Aussi, nous permettons-nous un détour sur Foucault (2004, p. 69) pour voir que le personnage politique de population a fait son entrée dans la pensée politique au XVIIIe siècle. Mais l'emploi du terme même dans les techniques et des procédés de gouvernement, voire dans les textes anciens tenait une modalité essentiellement négative. La population signifiait alors le mouvement par lequel, après quelque grande catastrophe : épidémie, guerre et disette qui causaient beaucoup de mort d'hommes avec une rapidité et une intensité vraiment spectaculaire, se repeuplait un territoire devenu désert. À cette époque, surtout en Angleterre, la population était perçue à la mortalité des hommes à travers les données démographiques qui concernaient le dénombrement des morts et les lieux et des causes. Il s'agissait d'établir un rapport à la mortalité dramatique concernant la problématique de repeuplement de la population.

Mais avec l'époque du caméralisme et du mercantilisme, au XVIIe siècle, la population devient au centre de la dynamique de la puissance de l'État et du souverain. La population produit de la richesse dans le travail de l'agriculture et les manufactures. Les physiocrates au XVIIIe siècle vont évoluer par rapport aux mercantilistes. Ils vont accepter des variables dans le comportement de la population qui n'est plus obligée d'être vassale du souverain. Le désir devient un facteur capital dans le comportement de la population, et déterminera sa naturalité dans son action. L'économiste François Quesnay (cité dans Foucault, 2004) : « reconnait qu'il n'était pas possible d'empêcher les gens à venir habiter là où ils considèrent qu'il y aura le plus de profit pour eux et où ils désirent habiter, parce qu'ils désirent ce profit. »(p. 76).

La population va s'étendre depuis l'enracinement biologique par l'espèce jusqu'à la surface de prise offerte par le public. En cela, F. Quesnay (idem) ajoute que : « le vrai gouvernement économique, c'était le gouvernement qui s'occupait de la population. » (p. 79). Mais une controverse s'interposera entre Malthus qui résonnait sur le problème de la population en termes de facteur bio-économie et Marx en envisage une donnée historico-politique de classe, d'affrontement de classes et de lutte de classes, ce dont la société de Saint-Domingue en faisait une caractéristique essentielle. Or, les luttes de classes sociales, dont Haïti hérite, n'ont pas été grand maître de direction pour le développement intégré par la transformation des structures sociales. La fracture sociale haïtienne met à mal tout effort des acteurs locaux et collectifs dans leurs unités élémentaires sans une vision commune. Il y a donc une urgence de concilier des intérêts pour générer des ambitions nationales.

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2.4.4.-Caractéristique particulière dans l'éclosion de la couche paysanne haïtienne

La population haïtienne, après l'indépendance, déterminera dans une orientation dualiste, l'acteur local à travers les bossales qui se distancieront des créoles - dans leurs pratiques cruelles des politiques économiques d'élites dirigeantes - en se dispersant dans les montagnes intérieures du plus loin des grandes villes des côtes maritimes pour aller construire un pays en dehors suivant les raisonnements de Barthélemy (1989). Les bossales vont constituer les masses paysannes qui évolueront dans un premier temps dans un effet pervers de compression dans la passivité économique, dans l'occultation sociale et dans la marginalité politique. Cependant, Michel Hector (cité dans Corten, 2013, p. 29) affirme que l'économie paysanne concentrée dans le Lakou63 aura connu une période très florissante, en particulier entre 1859 à 1889, et permettra de manière paradoxale à ce que l'État arrive à répondre aux obligations financières du paiement de la double dette de l'indépendance. Les hauts fonctionnaires et les officiers supérieurs comme élite militaro-politique couplée des gens d'affaires, toute minoritaire représentait l'État même et exploitait, brimait en charges et taxes les masses paysannes, majoritaires. Il va s'en dire que les élites haïtiennes n'ont jamais accordé de la priorité à la question de développement du pays en prouvant de l'aptitude à l'innovation des structures sociales. Ce qui aurait servi de base concertée pour l'émergence de l'intérêt général ou commun.

La dimension de l'analyse de la responsabilité des élites haïtiennes ne cesse de prendre proportion avec la méthodologie de sa vocation. Cette dernière se décline dans l'obligation de rechercher les potentialités du peuple pour forger un destin en surmontant les contradictions et difficultés par le privilège de l'accord sur la définition de l'intérêt général. En ce sens, nous pouvons considérer avec Price-Mars (1919/2002) qui précise : « qu'il est en effet d'évidence historique que les plaintes les plus légitimes, les protestations les plus circonstanciées, les révoltes même les plus justifiées de la classe des affranchis n'auraient jamais pu aboutir à un résultat appréciable sans le concours des masses. Nous savons également que les revendications des affranchis pour l'égalité des droits politiques si pleines de bon sens fussent-elles, les eussent amenés certainement à des échecs sanglants, s'ils n'avaient pas eu l'heureuse pensée, à un moment donné, de taire tous les griefs de classe pour élever leur coeur à un sentiment de haute générosité humaine en réclament la liberté générale des esclaves. » (p. 16).

63 Le mot créole haïtien Lakou est une dérivation de l'expression nominale française 'la cour ' (qui renferme une caractéristique spatio-politique des monarchies d'Europe) renvoie en Haïti à une bio-spatialisation civile. C'est l'espace où sont rassemblés les différents membres d'une même famille élargie. Ce rassemblement spacio- sanguin constitue une force matérielle et humaine qui s'applique à l'entreprise économique de la culture agricole et la défense politique et civile du groupement familial en cas d'agressions extérieures.

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Au contraire de l'attitude intelligente qui a donné résultat par l'unité telle que postulée par l'éminent écrivain Jean Price-Mars, les élites haïtiennes, selon Saint-Armand (cité dans Mézilas, 2021), ont mis tout leur poids dans la balance pour évacuer les masses paysannes incapables d'assurer leur propre transformation. Ces masses sont agrippées dans leur situation de non-sujets, de victimes, de marginaux, d'exclus. (p. 109). Nous n'avons même pas besoin de reprendre ici la littérature sur la rupture sociale que provoque l'exclusion. Par ailleurs, cette dernière est un système entretenu de nos jours par la persistance de la corruption64 dans la sphère sociétale.

En effet, un fossé abyssal se creuse dans cette orientation dualiste entre l'État allié de l'élite65 et les paysans haïtiens. À tel égard, Gilles (2008) renchérit que les masses toutes miséreuses seront l'objet d'exploitation systématique par l'État. Ainsi, Paul Moral (cité dans Gilles, 2008) affirme-t-il que : « la majorité de la population rurale vit dans l'extrême dénuement où elle se nourrit chichement, au seuil de la faim chronique.»(p. 41). Les gouvernements et les élites urbaines manifestent une indifférence et insouciance criminelle à l'égard des couches paysannes rurales qui ont été pourtant l'objet de grande sollicitation, par l'imposition de toutes sortes de taxes, à supporter le fardeau destructeur du paiement de la dette de l'indépendance.

Dans un second temps, les masses commencent par se réveiller en prenant conscience de leurs forces massives. Elles se mettront à intégrer les structures politico-religieuses des communautés ecclésiastiques de base, selon Dorvilier (2011, p. 14), en guise de réclamation d'une place plus active dans la société. Ce changement de stratégie des paysans a fortement caractérisé la résistance contre les Duvalier pour culminer leur accessibilité à la citoyenneté sociale. De telles aspirations se cristallisaient également de manière implicite dans la possession de la terre.

Au fait, les couches créoles et les masses populaires bossales, devenues des Haïtiens après 1804, développaient de grandes affinités pour la possession des terres depuis l'époque de Toussaint après l'abolition de l'esclavage en 1793. Les cultivateurs entendaient toujours posséder la terre qu'ils travaillaient. Ils voulaient à tout prix échapper à la grande habitation exploitée au profit d'un maître. La vaste quantité de terre libre sur un espace sensé considéré sien ne saurait être négligée

64 La corruption est l'abus fait au profit d'un particulier dans l'exercice de sa fonction au détriment de l'intérêt général que représentent les finances, deniers et ressources économiques de l'État, selon l'article 3 de la loi 12 mars 2014 sur la prévention et répression de la corruption.

65 Nous refusons d'entrer dans la théorie des élites telle que développée par des auteurs comme Gaetano Mosca, Wilfrido Pareto et Roberto Michels (cités dans Etienne, 2007). Cette théorie renvoie à la réalité sociale de la distribution inégale des ressources, et, c'est une minorité qui en bénéficie toujours. Cela se justifie par sa supériorité d'intelligence ou sa capacité d'organisation (p. 34).

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dans le désir d'acquérir de la petite propriété privée des paysans haïtiens. D'ailleurs, il faut inscrire dans cette logique la loi du 30 octobre 1850 interdisant l'occupation sans titre des terres vacantes de l'État (Joachim, 2014, p.176). Ce, dans le dessein exact de freiner l'appétit insatiable des paysans à la petite propriété privée. Cette tendance continue à la contention des biens ruraux avec les lois de 3 septembre 1932 et de 12 septembre 1934. Sans pouvoir freiner les paysans dans l'occupation anarchique de terres. Les vastes plaines des zones frontalières ne s'échappaient pas à l'occupation des Haïtiens. D'ailleurs, malgré toutes les dispositions prises, les réactions paysannes ont marqué de forte capacité d'adaptabilité. Aussi la frontière servait-elle de lieu de refuge pour les opposants politiques contre les dictatures. Pendant le règne des Duvalier, il y avait même des entreprises de déboisement de la frontière pour limiter la subversion à partir de ces lieux.

L'empressement du besoin d'agrémentation d'une dynamique de changement politique et socio-économique alimente l'espace territorial des paysans qui se tanguent de réelles autonomies dans leurs mouvements de groupes dans les communautés locales. C'est à la faveur de telles considérations que nous nous versons dans l'analyse structurale-fonctionnaliste qui s'établit dans la recherche des structures internes de la société haïtienne qui dérivent des rapports sociaux et des pratiques inféodées dans une mécanique statique, rouillée, stéréotypée sur la fonction.

Les bases théoriques structuro-fonctionnalistes proviennent des réflexions de ces auteurs (cités dans Dorisca, 2010), à savoir : Jean-Philippe Peemans place le développement au centre des rapports entre le pouvoir et l'ensemble des acteurs politiques.Le développement ne saurait être concevable sans les contradictions qui sont elles-mêmes relatives à l'évolution de la pensée des acteurs sociaux et politiques. Jacques Attali concentre ses analyses sur l'importance de l'autonomie des acteurs locaux et nationaux pour penser leur développement tout en diminuant la dépendance vis-à-vis des puissances extérieures. Martin Verlet confirme le rôle essentiel joué par l'acteur local dans le développement. D'où l'entrain de la trajectoire du circuit décisionnel partant du bas vers le haut entérinant la version institutionnelle de garantie de la cohésion sociale. (p. 49).

2.4.5.-Activités économiques des paysans de Lociane

Les métiers de maçonnerie, de charpentier, d'ébénisterie et d'autres se pratiquent dans la 2e Section Lociane, mais l'agriculture et l'élevage occupent toutes les préoccupations de la vie économique à la base du commerce de produits agricoles. Il s'agit d'une économie agropastorale. Elle s'adapte bien à leur logique qui tient à la diversité des moyens de subsistance.

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Le niveau des activités commerciales est plus intense à Boc Banic. Son niveau de développement est plus élevé par rapport aux autres localités. C'est une preuve que le commerce avec la frontière est attrayant pour les couches sociales qui pratiquent essentiellement du commerce dans la frontière. La route qui s'y ramène est de meilleure qualité par rapport aux autres endroits. C'est un avantage que Boc Banic détient en ce sens. Sa proximité est aussi un autre avantage important. Savane Mulâtre et Nan Croix sont aussi proches de la frontière, mais ces localités n'ont pas le même élan de progression économique par rapport à Boc Banic. L'infrastructure routière est un indice important qui manque dans l'équation de comparaison pour Savane Mulâtre et Nan Croix. En général, les voies de communication restent un grand outil pour faciliter les échanges. L'administration locale a tout intérêt à engager des actions concrètes pour améliorer les routes.

2.4.5.1.-Rôle de la femme paysanne

Pour Ans (1987, p. 181), la femme paysanne joue un rôle clé de communication économique entre le centre urbain pourvoyeur de biens industriels (toiles, outils et d'autres menus articles d'équipements ou de consommation courante) et l'entreprise agricole familiale. Cette entreprise renferme une double particularité d'autosatisfaction à la consommation et rentière à une moindre échelle. Les femmes de la 2e Section Lociane, très enclines à l'activité commerciale, se plaignent beaucoup de l'absence de crédit agricole qui leur permettrait d'investir dans la production agricole. Les bénéfices engrangés dans la vente de la récolte des jardins contribueraient à constituer un capital à même de réinvestir. L'épargne qu'elles engageaient dans l'élevage d'animaux autrefois n'est plus possible de nos jours à cause de nombreuses maladies qui les tuent : de gros et menus bestiaux. À Don Diègue 2, nous avons eu un entretien avec Solange, femme de 52 ans dont les parents sont des Dominicains. Elle est née ici dans l'habitation de ses parents. Ils ont laissé en héritage de vastes propriétés terriennes dans la localité. La dame au teint clair a dit « éprouver de grandes tristesses pour voir les difficultés économiques qui les frappent avec la sécheresse qui a presque détruit toute la production de l'année. Cette situation ralentit énormément les activités commerciales dans la zone. Parce que les femmes paysannes ont l'habitude d'aller vendre les produits agricoles qui sont disponibles dans le champ de la famille et achètent d'autres produits. En matière proprement légale, cette activité ne répond pas au statut de commerce. C'est pour cela qu'il est important de définir le statut du paysan qui participe dans les échanges commerciaux de produits agricoles. Evidemment, c'est une autre paire de manche qui ferait l'objet d'autre étude.

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2.4.5.2.-Exploitation dans le secteur agricole

L'agriculture est pratiquée dans la 2e Section Lociane à la merci de la pluie. Aucun type d'engrais chimique ne s'y applique. L'irrigation des terres reste une revendication majeure des paysans, parce que les eaux de Lociane et de l'Artibonite sont un atout pour l'arrosage des terres. Les paysans utilisent la charrue et les animaux de trait pour préparer les champs en plus du sarclage qui est généralement utilisé par les petites exploitations. Les principales productions agricoles renferment : les céréales (maïs, sorgho qui est devenu très rare à cause de maladie de plante), les légumineuses (pois congo, arachide) et les tubercules (manioc, patate douce). Le pois congo, le maïs et la pistache constituent les principaux produits agricoles qui supportent la part d'exportation des paysans. Le cabri avant l'intrusion d'une maladie mortelle jusqu'ici ignorée par les paysans s'ajoutait à la demande dominicaine. Dépourvue de service vétérinaire, la Section communale, confrontée à la mort des animaux constituant un capital pour le paysan, ne fait pas l'objet de préoccupation d'aucune autorité. La pintade est très achalandée mais se trouve de plus en plus rare. Le boeuf devient un bétail à grande spéculation que beaucoup de paysans ne possèdent plus. En outre, il est très convoité par les voleurs. Par ailleurs, les vols de bétails et les maladies des animaux et la sécheresse accrue sont des éléments perturbateurs qui tuent comme dans une guerre larvée l'économie paysanne de la 2e Section Lociane.

2.4.6.-Tenure de la terre

Les données analysées montrent que les paysans de cette Section communale sont presque tous propriétaires en héritage des terres qu'ils exploitent. Cette partie présente la qualité de la tenure agraire des paysans dans cette zone. C'est très important de montrer toute la nuance que nous avons remarquée dans les données recueillies. Une majorité de paysans est propriétaire en héritage. En ce sens, la majorité des terres de la 2e Section Lociane est d'origine familiale qui se transmet de génération Père/fils en héritage. Nous trouvons les héritiers des familles Marelien et Lopin qui détiennent de grandes propriétés. Ce qui les classe dans la catégorie considérée de grandons dans la zone. Ces familles ne travaillent pas toutes leurs terres. Une part non négligeable a acquis sa petite propriété mais contracte aussi des baux-à-ferme pour agrandir le champ d'exploitation. Nous avons remarqué aussi que les paysans se plaignent du manque de ressources financières qui les privent des possibilités d'agrandir leurs moyens de production agricole.

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Un nombre réduit de paysan fait état de la caractéristique de sans propriété et cette catégorie contracte des baux-à-ferme d'une petite propriété d'un propriétaire héritier qui part à l'étranger, plus particulièrement en République Dominicaine. Le paysan haïtien est généralement prolifique en progéniture. Dans cette enquête de terrain, nous avons trouvé la moyenne des enfants à 5 par ménages. Il s'ensuit que des paysans propriétaires terriens qui ont des enfants vont laisser un héritage partitionné au nombre de progéniture. La partition de la propriété réduit la capacité de production. Cette problématique a été l'objet du fondement des contradictions qui relèvent de différents facteurs à divers moments de notre parcours historique.

À différentes périodes, souligne Ethéard (2014, p. 18), nous avons une tenure propre qui se faisait sur la propriété foncière. La période coloniale priorisait les grandes plantations de plus de dix carreaux. À côté, l'arpent vivrier désignait la parcelle donnée à l'esclave pour sa petite culture suivant une ordonnance de 1785, et enfin, il y avait des terres que les marrons occupaient en marge de la société coloniale. La période révolutionnaire se révéla très décisive dans le mode d'appropriation des terres restées vacantes par les grands propriétaires blancs de la classe dominante. Du mouvement d'émigration massive de la classe des blancs, les affranchis se réclamèrent des ayant-droits naturels et les chefs révoltés qui obtenaient leur liberté avec la proclamation de 1794, donc les nouveaux libres, se firent plein panier du foncier. N'étant pas disposés au travail de la terre, ils allèrent donner lieu au métayage à des petits paysans. Ces derniers, quoique libérés, ne disposèrent que leur force de travail. Ils trouvèrent donc dans le métayage une pratique qui leur procura un sentiment de liberté qui s'apparenta au modèle de l'arpent vivrier et au mode d'organisation sociale pratiqué par les anciens marrons dans Lakou. Toutefois la contradiction66 subsistait avec l'idéalisme de la politique économique qui commandait à garder les grandes plantations. Face à cette réalité, Toussaint a instauré le caporalisme67 agraire. Mais la pression montait avec l'Indépendance en 1804, l'État céda en adoptant le pragmatisme qui caractérisa la coexistence des terres de l'État et celles appartenant à des particuliers qui regroupèrent des grandons68 et des paysans ayant possession de terres. Un grand nombre de

66 Face à l'aspiration des masses paysannes pour avoir la petite propriété, L'Etat se voit obligé d'innover avec le système portionnaire en imposant une taxe sur l'ensemble de la production et le partage qui donne 2/3 au propriétaire et le tiers pour les cultivateurs.

67 Le caporalisme agraire consistait à contraindre l'exploitation des grandes propriétés de plantation.

68 Cette expression désigne le grand propriétaire de terres qui en a reçu à partir des donations de l'État. Mais avec le temps l'expression tend à signifier tout court, une personne qui possède de grandes propriétés de terres. Peu en importe la forme ou la provenance des moyens d'acquisition.

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paysans restait sans terres en dépit de l'anarchie qui s'installât dans la distribution des terres du domaine de l'État au cours du XIXe siècle. Les agitations timorées de quelques gouvernements ne trouvèrent efficacité dans les dispositions légales qui s'estompèrent devant les évidences politiques.

Cependant un petit nombre de paysan s'est tout de même constitué un petit patrimoine foncier à partir de quelques moyens, mais en général, c'est par occupation anarchique sans titres. L'option de la petite propriété gagne en proportion grandissante. Ce dont les doctrines néo-libérales ne souffrent de démontrer le bien-fondé de telles aspirations.

Le métayage fait l'affaire des absentéistes qui ne s'obligent d'aucunes redevances en termes d'investissement dans les moyens de production, et l'État ne les y contraignent en rien. Le paysan s'emploie avec les moyens du bord pour produire. L'État, complaisant dans son échec, s'attache à extorquer le fruit du travail des paysans avec l'imposition de taxes. Seul son prélèvement compense ses devoirs.

Mais l'occupation américaine se convaincra de remédier à l'expansion de la petite propriété en renforçant l'arsenal juridique et en activant des plans de reconstitution de la spatialité plantationnaire. De nouvelles problématiques confrontèrent l'espace foncier et les rapports de production. Le paysan paiera les frais dans la nouvelle dynamique. L'historienne Castor (1971/1988) souligne que l'exploitation capitaliste de l'occupant caractérise à l'expropriation systématique des paysans de leurs petites propriétés (p. 90). Cette situation entraine une paupérisation de la couche paysanne.

2.4.7.-Engloutissement de l'économie du pays

À l'évincement des paysans des terres en leur possession, les terres deviennent une part marchande de la spéculation financière. Laquelle activité s'éloigne essentiellement de la fonction d'exploitation agricole. Les grandes firmes étrangères pratiquent la corvée. Et, les réactions des masses travailleuses contraignent vite en désillusion les faibles investisseurs dans le secteur agricole. Le fossé entre deux classes : possédantes et non possédantes s'agrandit de plus en plus. Du fonds de toute cette tranchée qui se creuse entre les deux factions, c'est l'économie nationale qui, se reposant essentiellement sur le travail du paysan, s'assombrit dans la récession. Une diminution constante de la production s'affiche au cours des années 1970. Le choix que l'État s'offre face à cette situation, souligne encore Gilles (2008, p. 42), sous l'instigation de l'USAID,

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c'est le recours à l'importation des produits alimentaires. Cette mesure néfaste assiégera davantage l'économie nationale sous deux angles : 1) créer une concurrence écrasante pour la faible production nationale. 2) entrainer le pays dans la dépendance aggravante de l'extérieur. Cette dépendance s'établit envers des produits agricoles des États-Unis d'Amérique et de la République Dominicaine. Il en résulte une détérioration systématique des conditions de vie dans la paysannerie haïtienne.

Le problème du relèvement de la capacité de production de la paysannerie haïtienne est posé. C'est un défi de développement local. Il est essentiel de déployer tous les efforts nécessaires pour attirer tous les apports nécessaires qui sont disponibles à l'extérieur. Mais les directives fondamentales doivent être définies par les agents nationaux et locaux. C'est tout à fait normal que la responsabilité de l'État et des autorités locales soit interpellée dans la définition de politiques publiques qui correspondent à la hauteur de la dimension du problème de la production nationale. En ce sens, notre préoccupation majeure se penche sur ce qui a été envisagé pour monter des opérations de mobilisations de moyens de production agricole avec les fonds communaux budgétisés depuis l'exercice fiscal 2012-2013. Ces interventions ne devaient-elles pas toucher les producteurs locaux de la 2e Section Lociane ?

2.4.8.- Conséquence de la réalité des secteurs économiques disjonctés

Un autre cas plus révélateur de la fragilité de l'économie haïtienne se démontre dans sa caractéristique économique dualiste. Il est un fait qu'il y a une absence de complémentarité, selon Delince (2000) entre l'économie urbaine fondée sur l'industrie manufacturière, le commerce et le service et l'économie paysanne basée essentiellement sur l'agriculture et l'élevage. Au final, la rupture systémique entre ces deux secteurs entraine l'économie nationale dans un problème d'articulation fonctionnelle. Il s'ensuit un vide structurel dans le marché interne pour liquider les produits locaux par la conséquence de la réalité disjonctive de fonctionnement des secteurs économiques urbain et rural.

Il faut également rappeler un autre trait marquant du secteur économique urbain est qu'il s'accroche aux économies des puissances capitalistes extérieures. Elles y apportent de faibles capitaux destinés à l'investissement, les cadres techniques et les approvisionnements en biens d'équipement et de consommation courante, comme en souligne encore Délince (idem). L'exportation est la solution privilégiée pour des rentrées de devises. En passant, l'économie

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nationale est devenue bien tributaire des fluctuations du commerce international. En un sens, le producteur agricole de la 2e Section Lociane s'entraine dans la même logique pour écouler le pois congo, le maïs, etc., sur la frontière. Mais en fait, s'il y avait une industrie locale ou régionale qui se chargeait de lui acheter ses produits il aurait un choix, soit vendre dans la frontière ou soit en découler sur le marché intérieur. La présente recherche se penche sur la question en raison d'une opportunité offerte pour réfléchir sur la construction d'une connexion structurelle entre les secteurs économiques piliers du pays en vue d'accroître les possibilités de maximisation des rendements productifs. C'est dans ce sens que Bernis (1974) a repris la plaidoirie de Friedrich List (1789-1846) pour montrer l'importance d'une économie complexe qui s'appuie sur le développement agricole et le développement industriel (p. 105). Il s'agit d'une étape importante pour atténuer les énormes déséquilibres économiques et sociaux qui s'aggravent au jour le jour. Quitte à faire abstraction de la question de la répartition de la richesse engendrée dans cette économie imbriquée.

Mais ce fait met bien à l'évidence des carences chroniques dont souffrent les instances locales n'arrivant point à entrainer des rapports avec les populations des régions reculées, c'est-à-dire les couches paysannes dans une dynamique inclusive. Il est tout à fait facile de questionner le rôle de l'État dans la cohérence de la gouvernance de l'espace territorial. Cela implique toute la matrice fonctionnelle de la décentralisation qui permet essentiellement l'implantation des assises pour le développement local. Le troisième chapitre de l'étude s'annonce pratiquement très intéressante dans l'épilogue d'un modèle de gestion de la frontière entre Haïti et la République Dominicaine en vue de caractériser des rapports d'échanges commerciaux, culturels, etc., des paysans de la 2e Section Locaine qui y vivent. En particulier, la zone frontalière de Lociane requiert une démarche logique de vision interpellant la mise en liaison des différentes conceptions de la notion frontière. Elles devront faire cours à l'élucidation des idées dominantes permettant d'épiloguer sur les ressorts socio-historiques qui ont accouché des particularités de la frontière entre Haïti et la République Dominicaine. Aussi, sera-t-il évident de cogiter sur la meilleure manière de raccorder et ragaillardir les relais des objections plausibles de la résistance haïtienne contre l'implantation du système raciste et de favoritisme dans la praticabilité des avancées théoriques du néocolonialisme à multiples facettes qui se construit à travers la domination d'une partie sur une autre. Cela justifie en partie combien il est crucial de faire une mise en contexte historique et sociologique du phénomène frontière. Ce qui reste en lui-même un domaine spécialement complexe et particulier dans le cas de l'île baptisée Hispanola par les conquérants espagnols en 1492.

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Chapitre III. Gestion de la frontière Haïti-République Dominicaine

La dynamique de la géopolitique internationale traduit fort bien la condition d'autonomie de gestion d'un État. Celui-ci se déclarant indépendant expressément ou tacitement est la principale source de la création de frontière. La réalité des frontières est dynamique. La limologie désigne le domaine d'études des conflits et représentations délimitatives des frontières. De manière conventionnelle, les frontières se décomposent en dyades - « frontières communes à deux États » - faites de segments. Elles sont des constructions sociales et politiques.

Hormis des considérations sur les récentes avancées dans le conflit mettant aux prises la Russie et l'Ukraine qui affectent du moins temporairement, depuis 24 février 2022, le panorama de la géographie des frontières où la carte des frontières du monde était relativement stable depuis trois décennies. En 1989, le monde était scindé par 264 dyades et 232,106 km de frontières, et en 2020, par 311 dyades et 261,570 km de frontières. Ce phénomène est complexe, compte tenu des rapports internationaux qu'il renferme.

La gestion de la frontière est abordée dans ses spécificités qui relèvent des aspects nationaux et internationaux de l'espace territorial. La prise en charge du contrôle de cet espace engage plusieurs niveaux de responsabilités qui s'activent dans la gestion spécifique des intérêts stratégiques que représente ce milieu. C'est ainsi que le rôle des agents locaux des collectivités devient un pallier important dans le dispositif global de la gouvernance d'un pays. Avec le transfert, le partage ou l'octroi de compétences aux collectivités territoriales qui s'effectuent dans la cohérence de l'unité étatique, la gouvernance se régionalise. Les autorités locales autonomes sont donc astreintes à des normes de gestion. Elles disposent des ressources qui leur sont propres. Elles sont aptes à créer des droits et redevances pour augmenter les recettes fiscales et concourir à des règlements pour élargir l'assiette fiscale. Concernant la 2e Section Lociane, l'importance des acteurs locaux s'accroît avec le volume grandissant des activités transfrontalières qui s'enclenchent dans la dynamique économique globalisante qui s'y réalise.

Mais la question traitée ici ne s'intéresse pas à l'aspect de la globalisation. Il est justement utile de préciser à titre de rappel que la question de la frontière est un point important dans cette recherche. C'est à partir du milieu frontalier que repose toute la concentration des activités économiques qui contribuent à l'occupation de la majorité des paysans haïtiens dans la zone frontalière de la 2e Section Lociane.

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Ainsi, le travail en fond d'écran consiste-t-il à soulever les points de conjonction qui cristallisent l'influence des puissances occidentales dans les rapports d'échanges avec les deux pays institués par des pratiques disproportionnées par ordre de traitement. Cela constitue la toile de fond des relations internationales par rapport à Haïti et la République Dominicaine. Mais cette situation offre aux Haïtiens une occasion bien propice qu'ils peuvent profiter pour faire une autocritique constructive. De même, ils pourront essayer de se mettre en état de compaison avec les Dominicains. Mais avant tout, il y a lieu de comprendre certaines théories du phénomène. Alors, il s'agit de retracer les différentes approches théoriques qui concernent la frontière, en général, en vue d'arriver à la particularité de la frontière entre Haïti et la République Dominicaine dans sa position géographique au niveau de la 2e Section Lociane.

3.1.-Différentes théories sur la thématique de la frontière

Les théories indiquent des idées qui sont développées dans la compréhension d'un phénomène social. La notion de frontière a connu une évolution assez spectaculaire avec le temps pour partir d'une conception traditionnelle en passant par une conception moderne pour atteindre des approches post-modernes. Ces dernières, étant donné leurs plus grandes vues sur les différents aspects qui composent le phénomène de la frontière, servent péremptoirement de support théorique dans cette étude. L'intérêt se traduit par le point de vue de la sécurité de la frontière qui permet de contrôler cet espace. Il s'agit de maîtriser les paramètres des échanges commerciaux et autres qui constituent des facteurs importants des conditions socio-économiques. Il en résulte que les théories sur la frontière fournissent un guide de compréhension des différentes exploitations qu'elle peut être l'objet. De plus, c'est dans la perspective de l'application de ces différentes théories que notre recherche a interrogé sur les représentations que les paysans se font de la zone frontalière dans les entretiens avec les informateurs-clés sur le terrain.

3.1.1.-Approche traditionnelle de la notion de frontière

L'approche traditionnelle du phénomène frontière conduit à projeter un regard sur la théorie d'Henry Dorion (cité dans Grenier, 1964) qui consiste à : décrire formellement et objectivement la ligne frontalière elle-même en faisant référence aux données juridiques et politiques ; décrire la région où s'inscrit cette ligne frontière en se référant aux données historiques, économiques et géomorphologiques ; enfin, établir les relations qui se tissent autour de ces données au regard de

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la géographie. Cette approche ne permet pas de saisir toute la complexité de la nouvelle réalité qui s'y développe. Aussi, l'évolution considérable qu'a connue le phénomène frontière nous amène-t-elle à considérer d'autres conceptions qui concernent la période moderne avec plusieurs autres approches.

3.1.2.-Considération sur l'approche moderne du phénomène de frontière

Le phénomène de frontière s'explique dans ce courant sur des aspects plus variés. Cette matière fournit assez d'éléments qui permettent de confronter une démarche assortie de différentes conceptions de nombreux auteurs produisant sur la thématique de la frontière. En ce sens, Breugnot (2012) affirme que la frontière joue des fonctions multiples dans de différents aspects allant du cas personnel à l'espace d'enjeux publics internationaux du point de vue politique et économique. La complexité subsiste du fait que la frontière renferme des éléments de dimension politique d'autant qu'elle constitue un espace économique générateur de ressources. Cependant, elle demeure un phénomène social au regard de la vie, d'histoire et de mémoire caractérisant sa dimension sociologique, sociale, culturelle, symbolique ou imaginaire. Le caractère géopolitique de la frontière se détermine dans la ligne ou la zone qui culmine la jonction du territoire d'un État à un autre État constituant des entités politiques indépendantes69.

La construction de l'Europe, après la seconde guerre mondiale, engendrait la notion d'espace frontalier qui offrait un tableau spatial voué spécifiquement à diminuer la fonction historique des frontières qui consistait à différencier officiellement deux populations ayant été caractérisées par leur appartenance nationale, linguistique et culturelle. D'une manière à susciter la quête de compréhension sur le fait que des populations vivent à quelques kilomètres l'une de l'autre et persistent à se considérer comme parfaitement étrangères les unes aux autres. En ce sens, la réalité de la proximité ne simplifie pas nécessairement la communication à cause de la complexité de la psychologie humaine définissant les charges émotionnelles résultant de l'histoire ancrée dans les traits culturels et les rapports d'identité.

69 Cette indépendance peut concerner des états dans un même territoire. On parle alors de frontières internes. C'est le cas pour la Suisse et le Canada qui tiennent au fil d'une pression politique visant à maintenir une cohésion minimale en vue d'écarter l'option séparatiste.

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De l'avis des auteurs Dubois et Rérat (2012), le cours de l'histoire a beaucoup contribué à redéfinir les frontières nationales. Certes, leur trace reste plus ou moins statique, mais leurs rôles et fonctions ont subi des évolutions dynamiques par rapport aux contextes historiques, politiques, économiques et sociaux durant le XXe siècle où de profondes mutations géopolitiques et économiques se sont produites dans le monde. La mondialisation s'implante en comprimant l'espace-temps tout en libérant la circulation de flux de capitaux, de personnes, d'informations et de marchandises. Alors, la frontière, par les pratiques des habitants qui y vivent, signifie de nouvelles perspectives qui contribuent à en redéfinir.

Ces auteurs conçoivent aussi que la frontière est une composante territoriale remplissant des fonctions de délimitation de souveraineté entre États, possibilité de contrôler la circulation qui s'y fait, défense du territoire national. L'accomplissement de ces fonctions participe à la construction d'une identité nationale. Assimilée à un binôme barrière/interface et coupure/couture, la frontière dispose d'un ensemble de règles, de normes et de procédures qui régulent et contrôlent leurs effets sur les acteurs sociaux, politiques et économiques dans une construction politique évolutive qui interagit avec le développement territorial des régions frontalières (partie déterminée de la frontière) et les pratiques spatiales de leurs habitants.

Encore Dubois et Rérat (2012) estiment-ils que la frontière place la distance dans la proximité entre deux États différents dans leurs systèmes institutionnels qui peuvent disposer souverainement des modalités de circulation sur l'espace frontalier. Il existe une réalité qui atteste l'incapacité du pouvoir central à faire respecter son ordre juridique sur ses frontières parce que celles-ci sont devenues l'objet de contrebandes de tout genre à cause du degré de leur porosité. Encore que les NTIC défient-elles toute législation et les frontières des États et rendent incontrôlables les flux d'échanges d'information que les États veulent souscrire.

3.1.3.-Préférence accordée à l'utilisation des approches post-modernes de la frontière

La responsabilité de l'État et des agents locaux s'engage dans la gestion (politique, sécuritaire, économique, etc.) de l'espace territorial. La préférence accordée aux approches post-modernes se justifie dans l'importance de la sécurité et du contrôle dans la limologie. En cette matière, l'identification du responsable de la sécurité est capitale. La sécurité recouvre : la macro-région, l'État ou ses parties. Le rôle symbolique de la sécurité d'une frontière, des images et du discours

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contemporain joue beaucoup dans sa perception70. En référence aux approches considérées postmodernes, il s'agit aussi de chercher à comprendre la position hégémonique que les autorités dominicaines se font dans leur conduite. À tel point qu'elles se donnent des motifs pour imposer une clôture qu'elles sont en train de construire sur la frontière. Par ailleurs, il est évident qu'à travers le monde, le développement des échanges économiques et culturels tend à amoindrir la rigidité absolue des frontières.

La présente étude aborde avec privilège un article de Dressler(2007) traitant des approches postmodernes qui se convergent dans une théorie de la sécurité frontalière. Cette théorie strictement sécuritaire découlant de la période post-moderne est considérée sur un territoire déterminé. Ses différentes parties recoupent l'identification des gens qui en est une appréciation symbolique. Elles intègrent également une identité ethnique et nationale71. La notion de sécurité nationale se familiarise aux représentations des frontières qui se confondent à l'utilisation de l'appareil policier de l'État pour assurer cette sécurité. Les zones de frontière sont acceptées comme des frontières naturelles pour les gardes-frontières, les services de douane et les concentrations d'unités militaires, spécialement dans les endroits perçus comme menacés par l'opinion publique. Dans sa complexité, la sécurité 72 renferme plusieurs subdivisions de types : la sécurité militaire, économique, politique et environnementale, etc. Concernant la 2e Section Lociane, l'absence de contrôle est un fait qui expose le pays à tout type de menace qui peut provenir de la République Dominicaine. Les routes qui passent par Nan Croix, Baranque et Savane Mulâtre conduisant à la frontière sont libres de tout contrôle du côté haïtien. Elles sont souvent empruntées par des criminels, notamment les voleurs de bétail qui opèrent dans cette zone. Des paysans ont été assassinés à Savane Mulâtre au cours du mois d'octobre 2022 par des hommes qui sortaient de la frontière. Et, ils s'y sont repartis après la perpétration de leur acte meurtrier en toute quiétude. La présence de la police nationale d'Haïti se manifeste seulement à Boc Banic qui détient la voie de communication en terre battue la plus appropriée pour atteindre à la frontière. Cependant, les rivières Lociane et l'Artibonite à traverser ne disposent pas de ponts de passage. (Voir Annexe 2).

70 Ainsi, Paasi(1996) et Aolto(2002) pensent-ils qu'en dépit des conflits historiques entre la Suède et la Finlande, les représentations sociales concernant leurs frontières sont positives, alors que la frontière de la Finlande avec la Russie est perçue comme une source d'immigrants illégaux, de criminalité, de pollution et autres menaces.Cf. [Camille Dressler « L'approche des frontières du point de vue de la sécurité» publication en date de 01/12/2007|En ligne sur www.cairn.info, site consulté le 14/02/2023].

71 Nous pouvons considérer Sebastopol en Russie et le Kossovo en Serbie sont de tels territoires symboliques

72 Dans son acception étendue, la sécurité renvoie à celle des systèmes vitaux et l'absence de menace sur la vie des habitants et sur leurs activités.

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La prévention de la menace militaire échafaude le socle primaire de l'interprétation traditionnelle du rôle des frontières étatiques dans la question de la sécurité nationale. La priorité accordée à l'efficacité de combat militaire en vue de repousser l'agression d'un ennemi potentiel détermine le régime spécial des zones militarisées engendrées par des zones frontalières. La sécurisation d'une zone frontalière entraine le maximum de contrôle sur les flux frontaliers. Les individus, les marchandises ou les informations indésirables, etc., sont maitrisés, contrôlés, bloqués ou laissés passer devant la ligne frontalière du territoire d'État. La frontière qui permet de remplir facilement le contrôle du flot transfrontalier est généralement moins dense et par conséquent, l'activité économique y est stagnante. L'approche basée sur la sécurisation de l'État exige que cette fonction lui soit dévolue et que les intérêts sécuritaires des régions frontalières s'intègrent dans ceux de l'État lui-même. La géopolitique détermine donc la géo-économie.

Il y a une pluralité de vue des frontières dans les études post-modernes. On priorise le cas où tout le territoire de l'État est impliqué dans les échanges commerciaux qui rendent particulièrement ces régions frontalières des attractions de croissance économique et des centres d'innovation. Il y a une perspective de déboucher sur des agglomérations urbaines, zones industrielles, etc. Il peut aussi en résulter des mariages ethniques et des changements de structure ethnique et identitaire dans la population en termes de donnée démographique et sociale dans ces régions frontalières. Lorsque la confiance s'accroit mutuellement les préjugés stéréotypés disparaissent. Cette situation permet l'emploi des méthodes modernes de contrôle télécommandé au lieu d'en tenir aux moyens traditionnels de contrôle. Aussitôt qu'il y ait un changement dans la perception de menace de la sécurité nationale ou régionale. Il s'agit de supposer de l'efficacité des forces militaires à conjurer tout danger. Mais, il est une constante que seules les forces militaires ne peuvent arrêter l'immigration illégale, les trafics de drogues et d'armes, les risques d'épidémies, de pollution transfrontalière et de désastres environnementaux globaux. Alors, l'économie est terriblement affectée et la société est dérangée avec la persistance de l'emploi des méthodes traditionnelles dans le contrôle des flux transfrontaliers croissants. L'une des méthodes privilégiée de nos jours est la coopération étroite entre les États voisins. Elle requiert de la confiance mutuelle73. L'approche post-moderne de la sécurité des frontières interpelle la contribution des gouvernements dans le développement de la coopération transfrontalière au niveau des autorités locales. Les intérêts

73 La notion de confiance mutuelle renferme une opération conséquente de dé-militarisation des zones frontalières et l'ouverture des frontières (dé-sécurisation).

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spécifiques des zones frontalières ne peuvent plus longtemps être restés ignorés par le pouvoir central qui dès fois fait obstacle à la coopération régionale qui intègre désormais la sécurité. Cette théorie insinue le rôle prépondérant des initiatives des autorités locales dans la gestion de l'espace territorial. Elle démontre aussi l'importance de la décentralisation qui s'exprime dans sa teneur dévolutive.

3.1.3.1.-Approche systématique de la défense des frontières

Cette approche entend élaborer un plan pour la défense de tout le territoire du pays en même temps que les frontières. Le combat s'engage donc contre l'immigration illégale et le trafic de drogues au-delà des mesures défensives au niveau des frontières74. L'espace s'étendant sur les régions intérieures en plus de la zone du long des lignes frontalières contribue au développement du transport des échanges commerciaux et des communications pour créer des frontières au- dedans du territoire de l'État...

Les acteurs locaux et internationaux sont interpellés à partager la responsabilité de la sécurité frontalière au côté de l'État. Car, il n'est pas question de se leurrer à prévenir à toutes les éventualités, mais le mieux est de se préparer à réagir promptement le cas échéant, d'une manière flexible et appropriée.

La vie réelle présente d'autres vues à l'application idéaliste des recommandations post-modernes. L'inertie des vues traditionnelles, la culture géopolitique, les impératifs de construction de l'État et de la Nation, sont en quête de renforcement opéré par le rôle symbolique des frontières, le caractère même de l'espace frontalier et d'autres facteurs géopolitiques75.

3.1.3.2.-Approche discursive des frontières comme représentations sociales

Le discours et les représentations sociales intègrent des valeurs en soi, des fonctions des frontières et souventes fois concernant leur démarcation. Les études de la limologie s'en intéressent donc.

74 À l'appréciation des données de Prozrachnye Granitsy(2002), (cité dans Dressler, 2007), au niveau international, seulement 5 à 10% du trafic de drogues sont susceptibles d'être interceptés dans les points de passages officiels. C'est pour cette raison qu'il convient de s'attaquer aux sources de ce trafic -les organisations criminelles internationales. Il s'agit de faire preuve d'attitude d'ouverture pour rendre la transparence de l'information sur le flot transfrontalier avec la possibilité d'un audit international et le télé-contrôle via les technologies modernes (Lalliner, 2001 ; Moisio, 2002).

75 Les processus d'intégration dans les nouveaux Etats indépendants de la CEI avancent souvent dans deux directions : Ils essayent de combiner l'aspiration à l'intégration à la grande Europe avec les relations stables avec le Russie. Mais ils sont souvent obligés de choisir soit l'UE, soit la Russie ; soit les frontières relativement transparentes avec les nouveaux membres ou les pays candidats de l'UE, soit avec la Russie. Les frontières européennes et les frontières politiques et administratives dans l'espace post-soviétique forment en fait un système intégré. En fait, la transparence de l'énorme frontière entre la Russie et le Kazakhstan ne fait pas bon ménage avec l'ouverture des frontières occidentales, plus particulièrement les frontières frontales. Cf. [Camille Dressler (ibid]).

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La théorie de la géopolitique critique76 désigne une géographie haute et une géographie basse. La première, décomposée en géopolitique théorique et pratique, embrasse un champ de politiciens et d'experts par la création des concepts tentant d'estimer une haute représentativité de leur contrée au niveau international.

La géopolitique basse recoupe l'ensemble des représentations géopolitiques, de symboles et d'images dans les médias, etc. C'est le socle visionnaire de la géopolitique mondiale. La construction de l'État s'y rejoint un élément d'identité politique et ethnique et un outil d'action. L'espace politique comprenant la sécurité nationale et des menaces, les avantages et désavantages d'une stratégie spéciale dans les relations internationales forme les représentations des relations constitutives de la vision géopolitique77 mondiale. Les différents groupes sociaux interprètent à leur sens le rôle des frontières. Un phénomène mythique couvre alors les représentations des frontières pour la plupart des groupes. L'identité politique et ethnique dérive donc des représentations78 des frontières. Le renforcement de régime des nouveaux États indépendants se réalise dans le rôle symbolique des frontières79.

3.1.3.3.-Le rôle fonctionnel de l'approche politique-pratique-perception dite approche `PPP'

Cette approche fait une synthèse de différentes approches traditionnelles pour rejoindre les valeurs pratiques de l'approche fonctionnelle80. Des niveaux spatiaux différents provoquent l'analyse combinée de cette approche qui s'avère importante de :

1) relever les flux transfrontaliers propulsés par la frontière en se concentrant sur les réseaux d'affaires frontalières de l'ensemble des acteurs sociaux ; 2) considérer les facteurs des flux

76 La notion de géopolitique critique est développée par Toal(1996) et d'autres auteurs, Cf.[Camille Dressler(ibid.)]

77 Selon Djikink(1996), Taylor et Flint(2000), repris dans l'article de Camille Dressler, cette vision regroupe également les représentations du territoire des groupes ethniques ou de la nation politique et leurs frontières, les modèles d'Etat idéal, la mission historique et les forces prévenant sa réalisation. De même d'après Kolossov(1996) cité par Camille Dressler, cette vision provenant de l'histoire et de la culture nationale, est une synthèse des vues véhiculées par différents strates de l'élite politique, les experts académiques, l'intelligentsia des créateurs et l'opinion publique générale. L'activité du gouvernement est légitimée par l'équivalence de la géopolitique haute et basse.

78 Il importait pour les dirigeants politiques d'Europe centrale et orientale de présenter leur frontière à l'échelle globale comme les démarcations entre l'est et l'ouest, comme frontière européenne à l'échelle macro-régionale et de présenter, à l'échelle locale, les frontières naturelles de leur groupe ethnique comme des frontières historiques ; ou à l'inverse, comme résultat de compromis sages mais difficiles à réaliser au nom de la stabilité internationale (Berg et Oras, 2000 ; Moisio, 2002).

79 Les frontières des pays baltes avec la Russie sont ainsi interprétées comme les limites entre l'ouest et l'est, l'Europe civilisée et l'Asie `Barbare`. Il s'agit d'une dynamique très politisée des rapports entre la Russie et ses voisins dont les intérêts de coopération frontalière seront toujours mis à mal en fonction de la haute géopolitique. C'est ainsi qu'en ex-URSS, l'attitude sacrée envers la frontière de l'Etat est profondément inscrite dans la conscience collective (Kolossov, 2003).

80 Selon Henri Lefebvre, une pratique sociale découle de la frontière qui représente plus qu'une institution légale visant à assurer l'intégrité du territoire de l'Etat. S'y ajoute le résultat d'un long développement historique et géopolitique, un décisif symbole d'identité ethnique et politique.

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transfrontalier et la connexion fonctionnelle barrière/contact qui engendrent la capacité des États dans les stratégies de leurs autorités locales ; 3) entendre à l'interdépendance entre les activités frontalières, la perception81 des frontières et leurs infrastructures institutionnelles et légales.

Cette approche tenant compte du comportement des individus82 dans la zone frontalière relève surtout de la théorie traditionnelle. Il en résulte que la zone des cycles de vie humaine s'en transforme également. Idéalement, cette zone adopte la forme des cercles concentriques reflétant l'affaiblissement avec la distance, des contacts d'individus avec son lieu d'origine. Certains critères personnels s'ajoutant au développement des transports, des facteurs politiques et légaux contribuent à former cette zone des cycles de vie qui montre un aspect différent des autres régions du territoire national. Les personnes les mieux éduquées se rapprochent le plus aux structures étatiques que celles les moins éduquées. Les comportements des individus et ces zones des cycles de vie sont des variables déterminées par les facteurs internes subordonnés à la proximité de la frontière.

Ces facteurs internes recoupent les conditions socio-économiques autant que les restrictions administratives et légales. L'association des gens aux intérêts de leur groupe ethnique, des citoyens à leur État et des habitants à leur région ou à leur proximité joue un rôle prépondérant dans l'identité ethnique et nationale. Dans le cas de la 2e Section Lociane, cette approche `PPP' permet de comprendre les relations personnelles que les Dominicains et les Haïtiens se développent dans leurs rapports de proximité.

3.1.3.4.-Détermination structurelle de l'approche Eco-politique

Les considérations sur les frontières sociales ne relèvent pas des processus naturels. Les frontières administratives ou politiques agissent sur les montagnes, les bassins fluviaux 83 , les zones ornithologiques ou poissonneuses, les monuments de la nature, les mers intérieures et autres

81 Selon Scott(2000) et Van Houtum(1999), la « perception de la frontière dans son caractère, son évolution et les canaux d'influence des représentations sociales relatives aux frontières, régions frontalières, relations entre États et régions voisines, coopération frontalière et discours spécifique des géopolitiques hautes et basses »Cf [Camille Dressler (ibid.)]

82 C'est ainsi que l'approche PPP, selon Lunden(2000), Lunden et Zalamans (2000), est considérée proche de la théorie du comportement humain dans les zones de frontières. John House(1987), estime qu'elle est apparentée aux approches post-modernes et à la théorie fonctionnelle. Cf [Camille Dressler (ibid.)]

83 Les bassins fluviaux représentent des régions naturelles étroitement intégrées qui, en même temps, représentent la base d'habitation et de transport. Ils déterminent souvent les frontières entre les territoires créés historiquement et les communautés culturelles. Mais les problèmes d'utilisation de l'eau, des ressources biologiques et énergétiques sont des sources classiques de conflits frontaliers internationaux.

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régions naturelles qui y sont souvent divisées. D'autant plus que les dépôts de minéraux connaissent le sort partagé entre plusieurs unités politiques.

La diffusion des polluants dans l'air et dans l'eau se réalise à travers le milieu naturel relevé des régions naturelles intégrées84.

3.1.3.5.- Imaginaire d'un monde sans frontières

Le courant de pensées néo-libérales véhicule une libération de l'économie, le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication et une prospérité croissante débouchant sur l'ouverture graduelle plus intégratrice des frontières politiques au lieu de leurs formes aliénantes actuelles. La nécessité de coopération internationale pour résoudre les problèmes environnementaux et énergétiques à l'échelle planétaire convainc à l'effet de telle option. Des lois internationales faciliteront plus aisément des solutions aux conflits frontaliers. Les contradictions à ce propos seraient surmontées avec la séparation des fonctions économiques et idéologiques85 des frontières. L'unanimité ne se dégage pas autour du paradigme d'un monde sans frontières, parce que dans les régions où les processus d'intégration sont très avancés, les frontières demeurent encore une barrière. En Amérique du Nord et en Europe où se répartissent généralement des démarcations pacifiques, intégratrices, ouvertes, internationalement reconnues, cette idée pourra s'appliquer plus facilement que dans d'autres continents tels qu'en Asie et en Afrique où subsistent les conflits 86 potentiels frontaliers. D'ailleurs, toutes les régions du monde bercent des mouvements nationalistes. La loi internationale bute à de nombreuses contradictions qui touchent au droit illimité des peuples à l'auto-détermination et à l'intégrité territoriales des pays souverains et à l'inviolabilité de leurs frontières. Autant d'obstacles qui mettent ainsi à mal l'idéal néo-libéral à ce sujet. Cette réalité de point d'obstacle n'échappe pas à la zone de frontière de la 2e Section Lociane qui présente différents points de contrôle du côté dominicain. La partie haïtienne

84 Les travaux de Young(1997) et d'autres chercheurs (cités dans Dressler, 2007) révèlent l'incitation à la coopération internationale et avec elle les coopérations frontalières dans la recherche de solution des problèmes environnementaux à l'échelle régionale et globale. Des chercheurs en sciences politiques spécialistes des relations internationales et des géographes physiques se concentrent sur l'étude des problèmes d'environnement et de politiques transfrontalières.

85 A ce propos Ohmae (1995), Prescot(1999) pensent que « l'excès de nationalisme ainsi qu'un droit illimité des peuples à l'auto-détermination doivent être dépassés grâce à la démocratisation en profondeur et en largeur. » Wu Chung-Tong(1998) souligne que l'optimisme se dégage du développement rapide des coopérations transfrontalières entre les régions du monde par des modèles identiques.

86 L'Europe et l'Amérique du Nord disposent des frontières au sol qui représentent 5% de longueur entre les Etats, alors qu'en Afrique, 42% de longueur des lignes frontalières sont tracées sans aucunes considérations des réalités sociales. La période colonialiste des Français et des Britanniques en a imposé 37% sur le seul motif de partage territorial. Cf [Camille Dressler, idem]

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correspond mieux à cet idéal de frontière libre dans les seize points non contrôlés par l'administration douanière haïtienne.

3.2.-Question de la délimitation de la ligne frontalière Haïti-République Dominicaine

La question de la délimitation de la frontière Haïti-République Dominicaine s'inscrit dans la démarche de la recherche de la vérité historique et sociologique qui peut permettre de saisir les évènements qui ont accouché la frontière de l'île Hispaniola.

Le cours de l'histoire montre bien comment s'est évoluée cette île qui a été l'objet de découverte87 par Christophe Colomb pour le compte d'Espagne, en 1492, d'où provient sa dénomination Hispaniola (Isla Hispagnola) : petite Espagne. La population autochtone - composée de Tainos, Ciboneys88 et d'Arawaks, l'ayant appelé Haïti (Ayiti), Quisqueya (Kiskeya) ou Bohio, repartie en cinq caciquats ou royaumes : le Marien89, le Xaragua, la Maguana, la Magua et le Higuey - y sera presque totalement décimée en quelques décennies (C. Lespinasse, 2020, p.68). L'occupation de l'île connaitra des mouvements qui donneront lieu à la domination des Espagnols en débutant la traite négrière en 1503 avec Nicola Ovando. Et puis, l'intrusion des corsaires français au cours de 1625 dans la côte occidentale déterminera un état de fait de rivalité grandissante entre les puissances européennes, notamment celle entre l'Espagne et la France conduira à un partage qui marquera le début du processus de différenciation de domination. Il se produisit un phénomène de coïncidences existentielles de ces deux puissances sur l'île. Celles-ci orienteront leurs espaces territoriaux dans des choix différents sur les plans social, économique et politique. Cela constitue une donnée socio-historique qui démontre et/ou détermine la valeur anthropologique des deux peuples sur la même île. Et par-dessus, il en résulte un complexe institutionnel de deux Républiques avec deux peuples bien distincts dans leurs moeurs et coutumes dont une frontière étanche s'établit entre eux en des circonstances particulièrement singulières.

87 Le concept de conquête convient mieux pour rentrer dans la logique de Laënnec Hurbon dans son papier : le Barbare imaginaire, Les éditions du cerf, Paris, 2007, p 8.

88 Benoit Joachim a fait mention de cette couche raciale parmi les habitants primitifs de l'île d'ayiti en 1492 dans son ouvrage intitulé : les racines du sous-développement en Haïti [1979].Editions de l'université d'Etat d'Haïti. Port-au-Prince, 2014, p98.

89 La distribution territoriale des naturels de l'île Ayiti en cinq caciquats ou royaumes est une illustration qui détermine que la puissance d'un chef (cacique) sur une spatialité et ses sujets. Le marien représente l'actuelle région du Nord-ouest, gouverné par Guacanagaric, il acceuillit Christophe Colomb; le xaragua, représente la partie de l'Ouest occidental jusqu'à l'actuelle pointe de Tiburon dont le centre de pouvoir était à Léogâne avec Bohecio et sa soeur la reine d'Anacaona à l'arrivée des espagnols ; la maguana, gouvernée par Caonabo, s'étendait dans la région centrale d'une partie de l'Artibonite au Centre échouant dans les hauteurs de San Juan rejoignant les lieux de Barahona ; la magua comprenait la partie nord-est jusqu'à la baie de samana à l'océan atlantique, dirigée par Guarionex; enfin le higuey couvrait la partie extrême orientale baignant sur la mer atlantique, dirigé par Cayacoa. Ces deux derniers caciquats étaient situés la partie orientale de l'île, la République Dominicaine.

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3.2.1.-Rapports Haïtiens et Dominicains

Les peuples partagent des élans de solidarité et de rapprochement dans toute situation qui interpelle les raisons objectives et subjectives de leurs intérêts. Les considérations socio-historiques façonnent bien des traits dans le comportement des peuples. Mais les intérêts économiques sont d'une importance capitale dans la gestion des rapports entre des peuples. En substance, les deux peuples de l'île Hispaniola fonctionnent ensemble dans un esprit de solidarité, de coopération et d'entente pour développer des échanges commerciaux et autres en dépit de la frontière qui les sépare.

La frontière représente un point de jonction entre ces deux peuples qui regorgent autant de différences de par la culture, la langue et la législation. Les Dominicains manifestent un plus grand penchant pour laisser la zone frontalière en direction des villes urbaines, alors que les Haïtiens, eux, ont tendance à s'y rapprocher en vue de profiter des opportunités économiques et commerciales de l'espace frontalier et bénéficier des services de bases qui font défaut dans leur contrée. En fait, Haïti ne fournit pas assez de services de base aux habitants de la zone frontalière.

Selon Lamothe (2008, p. 146), entre les habitants qui vivent dans la zone frontalière et les autorités politiques, il existe un grand écart d'appréciation de la ligne frontière. Cette ligne frontalière que les administrations politiques tendent à surveiller est une ligne imaginaire. Les habitants des deux côtés s'entendent pour vivre ensemble, ils font du commerce et partagent des traits culturels en commun. Mais cette considération est nuancée par d'autres auteurs qui décrivent clairement le sentiment anti-haïtien se propageant dans certains milieux sociaux en République Dominicaine.

Selon Alexandre (2009), il reste un fait qu'un fort sentiment anti-haïtien s'intensifie avec des actes de violences contre les Haïtiens en République Dominicaine. Par ailleurs, depuis après les années 1990 du coup d'État et de l'embargo, il se réalise un important développement de réseaux de transport entre les deux pays, trouvant un relais de progression avec l'ère des nouvelles technologies de l'information et de la communication qui constitue un moyen de communication de masses nécessaires à faciliter l'extension des échanges commerciaux. D'autant plus qu'un nombre croissant d'étudiants haïtiens investissent les centres d'enseignement supérieur en République Dominicaine. En outre, il se développe un réseau touristique de la petite bourgeoisie haïtienne, divisée en deux catégories dont l'une, d'après Louis (2019, p. 235) est qualifiée d'aile

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établie et l'autre, d'aile nouvelle de la classe moyenne haïtienne, qui pratique régulièrement ou par saison en visite à la République Dominicaine.

Théodat (2010) affirme « qu'entre Belladère et Elias Piña, s'établit un couloir inachevé, tant le potentiel de croissance du plus important bassin versant commun aux deux pays semble receler de défis. Les villes de Hinche, Thomassique, Mirebalais et Lascaobas sont en train de subir l'influence cristallisante de San Juan et d'Elias Piña, les deux localités dominicaines les plus importantes dont la prégnance s'exerce en profondeur désormais sur le territoire haïtien. L'amélioration des liaisons terrestres renforcera cette emprise dans un premier temps si rien n'est fait pour renforcer simultanément des politiques publiques renvoyant aux capacités de production des campagnes et des provinces limitrophes haïtiennes. Sans ces garde-fous nécessaires, l'accélération du volume d'échange avec le territoire haïtien se fera au détriment de son agriculture et de son artisanat ; son commerce étouffera ses ateliers et ses usines ». C'est aussi un fait que la 2e Section Lociane s'encastre dans sa dépendance accentuée de la partie orientale avec Banica, Hato Viejo et Savana Cruz. Une question dans les entretiens cherche même particulièrement à relever cette relation de dépendance des Haïtiens par rapport à la frontière.

Des positions exprimées par nombreux auteurs insinuent un mal être social et économique du peuple de la République d'Haïti souffrant des précarités qui résultent de l'abandon de l'État. En raison surtout du manque d'éducation politique, surgit l'avis de Joachim (1979/2014, p.169). Concernant l'État haïtien, Corten (2013, p. 21) qualifie de déliquescence toute l'infrastructure sociale d'un État qui s'apparente à un État failli. Par la difficulté majeure d'établir une concordance dans les intérêts des élites et le reste de la société, il s'ensuit le renforcement des inégalités sociales privant la majorité de la population du minimum de bien-être. Les conditions socio-économiques se dégradent de plus en plus en Haïti. Cette situation pousse à rechercher, entres autres, pour certains, les causes structurelles dans la gouvernance qui s'écarte de l'État de droit.

En effet, la gouvernance doit être articulée aux niveaux : politique, social et économique. Aussi passe-t-elle par la transparence dans les actions gouvernementales, les bonnes mesures, les sanctions, la reddition de comptes entre autres qui forment le pilier de l'État de droit démocratique eu égard des conditions d'évolution technologique. Et, ces conditions sont primordiales à la réalisation de la construction du projet socio-politique et économique de l'État. Comme l'a souvent répété Denis (2018) : « une stratégie de développement économique s'engage dans un processus. Ce dernier implique le savoir scientifique, les connaissances techniques et empiriques, des innovations

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technologiques et une ingénierie dans les pratiques sociétales. Lesquelles déterminent un certain seuil dans la marche du développement socio-économique du pays. Ces stratégies de développements économiques ont été appliquées dans le but de parvenir à un certain niveau de bien-être économique et social collectif. » (p. 174).

Les difficultés d'Haïti à assumer les conséquences de ses rapports transfrontaliers avec la République Dominicaine ne datent pas d'aujourd'hui. Mais, les effets négatifs de ces rapports disproportionnés n'ont jamais manifesté autant d'impact sur la dynamique interne du pays. D'ailleurs le traitement de la question de la sécurité nationale a grandement consommé l'énergie de ce travail dans la démonstration des intérêts majeurs qui caractérisent cette matière. La prolifération des armes à feu et des munitions ne serait-elle pas une preuve de la porosité de la frontière entre autres voies ? Aussi la compréhension de notre perception de la frontière avec la République Dominicaine ne suffit-elle pas pour expliquer le moindre degré d'importance que nous accordons à la dimension socio-historique qui a donné lieu à ce phénomène.

3.3.-Contexte socio-historique de la frontière Haïti-République Dominicaine.

L'histoire de la création de la frontière retrace des particularités sur plusieurs ordres et présente une réalité bien particulièrement complexe et intéressante, compte tenu des contentieux historiques qui marquent les relations substantielles qui lient les destins des deux pays qui en ressortent des fonts baptismaux dans l'île Hispaniola.

L'auteur Price-Mars (1953/1998a) souligne que l'implantation de l'emblème de la Rédemption : la croix du Christ dans la région du Nord de cette île montagneuse de l'archipel des Antilles en 1492, par Christophe Colomb fait entrer l'île d'Haïti dans l'histoire du monde. Allaient s'ensuivre deux évènements aux lourdes conséquences humanitaires : l'extermination graduelle des 700,000 possesseurs naturels qui donnait lieu, quelques décades plus tard, à la conjoncture de la traite des Nègres d'Afrique pour assurer l'exploitation dans un système colonialiste et esclavagiste. Pour consacrer droit aux puissances de la péninsule ibérique : L'Espagne et le Portugal, en 1493, le Pape Alexandre VI leur avait distribué les terres de l'Amérique. Cette décision fut méprisée par les autres puissances à savoir : la France, L'Angleterre et la Hollande. Ces dernières se réclamèrent également le droit de jouir des aventures aux Amériques.

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Au fil des ans, le système d'exploitation colonial privilégié par l'Espagne ne donnait plus de rendement avec l'épuisement des mines d'or et d'argent dans la partie occidentale. Les Espagnols se concentraient essentiellement dans la partie orientale qui pompait encore de métaux précieux. Le délaissement de la partie occidentale allait favoriser l'avancement dans les grandes terres des boucaniers et flibustiers français vers 1625 qui s'établirent et menèrent des activités pirates déjà quelque temps dans l'île de la Tortue. Dans la guerre européenne de la France contre L'Espagne, l'île Hispaniola va être un sujet de transaction. En nombre supérieur, les Français occupèrent progressivement beaucoup de terres dans la partie occidentale. Les Espagnols90 , en position de faiblesse, étaient contraints de négocier. Ainsi, en est-il sorti le traité de paix de Ryswick en 1697 où l'Espagne cède le tiers (1/3) occidental du territoire de l'île à la France (Price-Mars, 1953/1998a), tout en conservant l'autre deux tiers (2/3). Selon C. Lespinasse (2020, p. 56), la volonté de ne pas mélanger ses sujets catholiques aux flibustiers français de confession protestante était une raison qui poussait les Espagnols à se séparer des Français dans la signature de ce traité. C'est le socle fondamental de création de la frontière entre les deux futures Républiques de l'île. Alors, il est évident de constater la construction sociale et politique de cette frontière à partir de ces éléments. En un mot, les Européens ont créé cette frontière sur l'île Hispaniola.

Entre-temps, les Espagnols ont bien trouvé des opportunités plus fructueuses dans les conquêtes minières des terres sud-américaines qui les font négliger l'île dominée et exploitée depuis 1492. Il est rapporté que depuis le dernier quart du XVIe, leur nombre se réduisait considérablement sur toute l'île. Lequel constat avait été réalisé par l'anglais Sir Francis Drake, en planifiant l'attaque et le pillage de Santo Domingo en 1586. Même avec l'arrivée des premiers noirs d'esclaves en 1503, sous l'insistance du prêtre catholique Las Casas, l'ensemble ne pouvait donner la supériorité numérique des occupants pour le compte d'Espagne. La forte concentration d'immigrés d'Espagne s'accentua en 1506 sous le proconsulat de Nicola Ovando. Cette période montra l'opulence de la richesse d'or qui coulait à Hispaniola. Peu versés dans les quelques fermes de culture de manioc, du tabac en parallèle aux tentatives d'élevage et de la pratique de la coupe de bois précieux rougeâtres, tels que l'acajou, le campêche, depuis vers 1530, les Espagnols ne montrèrent plus d'intérêt pour l'île Hispaniola. Surtout, ils se rendaient compte de la plus grande difficulté à défricher la partie occidentale. Défis que les flibustiers français ne tarderont pas à relever en

90 En 1695, les Espagnols avaient pourtant lancé une opération qui solda par l'incendie complète de la bourgade du Cap-Français fondée par des boucaniers et des flibustiers en 1670. Cf [André-Marcel d'Ans, Haïti : Paysage et société, Éditions Karthala, Paris, France, 1987, op.cit., p.118].

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introduisant d'intenses cultures agricoles dans la partie occidentale qu'ils s'infiltrèrent à cause de l'alanguissement des Espagnols.

Mais est-ce que le traité de Ryswick de 1697 définissait-elle une délimitation précise du partage de territoire de l'île Hispaniola ? Évidemment, la solution dans la spatialité délimitative ne se résolvait pas avec ce traité. Il eut fallu la réalisation du traité d'Aranjuez en 1777, selon Théodat (2008, p. 115), qui accorda une répartition frontalière en fixant deux contrées distinctes aux points des embouchures des rivières du Massacre et de Pedernales.

3.3.1.- À partir de l'action de Toussaint Louverture

Toussaint Louverture, dans ses manoeuvres et tactiques politiques pour parvenir à l'émancipation des Noirs à la liberté, n'hésitait pas tantôt de côtoyer les royalistes du camp espagnol. Par cela, il leur donnait des empiètements à l'Ouest. Et, lorsqu'arriva la proclamation de Santhonax du 29 août 1793 de l'abolition de l'esclavage par les Français - acte qui visait surtout à contenir l'effervescence destructrice des masses esclaves -, Toussaint devient donc républicain en renouant l'alliance avec les armées françaises. Il permit alors à la partie occidentale de regagner en territoire avec l'occupation de toute la région du Nord. La proclamation de la Convention française en date du 4 février 1794 raffermit davantage la position de Toussaint91 dans la lutte territoriale. Ces actions politiques de Toussaint ont grandement joué sur le maniement de la ligne frontière.

L'intérêt des Espagnols se désengage sans cesse pour l'île Hispaniola qu'ils abandonnèrent au fur à mesure que les mines de la grande terre d'Amérique gisaient en abondance. Voyant au contraire l'intérêt manifesté par les Français, les Espagnols leur cédèrent la partie orientale par le traité de Bâle en 1795. Toute l'île appartient légalement à la France à partir de cette date. Cette phase est considérée comme un moment de la déshipanisation des Antilles (Ans, 1987, p. 93).

91 Au début de 1793, la France entre en guerre contre l'Angleterre et l'Espagne. L'île Hispaniola en sera un terrain de conflit avec le ralliement des insurgés ayant à leur tête Jean-Francois, Biassou et Toussaint, dans le camp de l'Espagne. En ce moment, les français contrôlaient pratiquement seulement l'espace territorial du Cap. La frontière avec l'Est ne tenait qu'en ce lieu. Les anglais avancèrent dans le Sud et les Espagnols ont progressé jusqu'à Fort-Liberté, les mornes du Nord, la région de Mirebalais et tout près de Port-au-Prince. Toussaint, lui-même pénètre pour le compte du roi d'Espagne les milieux du nord-ouest sur Plaisance, Gros-Morne, Terre-Neuve, Acul, Limbé, Port-Margot et à l'ouest sur les hauteurs de Verrettes, la Petite Rivière. Il entre aux Gonaïves et s'établit à Marmelade en tant colonel de l'armée espagnole. A la fin de l'année 1793, Toussaint se sépare des siens et de la couronne royale pour rejoindre la République française en se proclamant général en chef de l'Armée des insurgés. Il attaque Saint-Raphaël et puis Gonaïves. Ces entreprises ont permis à la France de reprendre des territoires dans les limites qui ont été consignées dans l'accord d'Aranjuez en 1777. Les luttes de Toussaint ont été incisives dans les décisions des Espagnols avec le traité de Bâle en 1795 (Pluchon, 1989, pp. 83,84).

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Après la guerre du Sud et la mise en cachot de Rome à la fin de l'année 1800, Toussaint Louverture a connu une fulgurante montée. Il devient gouverneur général de la Colonie de Saint-Domingue qui l'attribue aux fonctions d'administrateur civil et de chef des armées. Selon Price-Mars (1953/1998b), il est à remarquer l'opportunisme du génie de Toussaint Louverture qui conçoit audacieusement le dessein d'unification des parties Ouest et Est en un tout administratif à partir du 7 février 1801 par la force des armes et en proclamant la fin de l'esclavage à l'Est. Son entrée à Santo Domingo a mis aussi fin à la domination du gouverneur espagnol Joachim Garcia avec ses troupes et les généraux français Chanlatte et Kerverseau. Alors, il réalisa effectivement le voeu politique du traité de Bâle sous son court règne 1800-1802. Aussi la proclamation de la Constitution de 1801 en fut-elle un socle inébranlable de sa volonté (Etienne, 2020, p. 176). Toussaint Louverture a montré par ses actions la corrélation directe de la politique intérieure avec les actions politiques de l'extérieur.

3.3.2.- À l'ère de l'indépendance d'Haïti

Après la proclamation de l'indépendance haïtienne en 1804, seule la partie s'étendant entre le cap Tiburon et la rivière massacre respirait de la liberté. Avec la reddition de capitulation des troupes expéditionnaires après la bataille de Vertière en 1803, certains colons et les débris de l'armée vaincue se rendaient dans la partie de l'Est en considérant l'effet du traité de Bâle qui leur donnait un quelconque droit sur cette partie-là. Par cette action, les vaincus de 1803, réactivent une ligne de frontière. Ils limitent la révolution de 1804 dans la seule partie occidentale. Comment les héros de l'indépendance appréciaient-ils une telle situation ? Quelle en fut la meilleure action à entreprendre ? Entre-temps, l'esclavage se pratiquait à l'Est.

C'est dans de telle circonstance que l'Empereur Jacques 1er se retrouvait dans l'obligation de faire valoir le droit pour toute l'île d'être libérée de l'emprise des débris du vestige de l'armée expéditionnaire française. Car, il ne saurait question pour lui de penser consolider l'indépendance haïtienne avec la présence d'une puissance esclavagiste vaincue en 1803 dans la partie de l'Est. Alors, surgit le principe de la mer pour frontière. L'île entière forme le territoire indivisible du peuple d'Haïti ! Mais la résistance du côté de l'Est s'affirma. Malgré la soumission des habitants de Santiago de Cabelleros et ceux d'autres villes à la conquête haïtienne, Dessalines n'arriva pas à pénétrer la ville de Santo Domingo.

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Après l'assassinat de l'Empereur, les gouvernements haïtiens immédiats, en situation de schisme de la partie occidentale, ont soutenu de manière séparée, toutes les initiatives des patriotes de l'Est pour arriver à obtenir le départ des soldats du débris92 de l'armée française dans la partie de l'Est en date du 9 juillet 1809. Mais, c'est à l'avènement de Jean-Pierre Boyer à la présidence que le pays va retrouver la stabilité intérieure nécessaire qui, par la réunification de la République, lui permettra d'adresser la question de la partie de l'Est.

Les manoeuvres politiques des patriotes dominicains emmenés par Nuñez de Caceres ont conduit à proclamer une indépendance en date du 1er décembre 1821 de l'Hayti Espaniole, tout en cherchant un rattachement à la Confédération de la Colombie, à peine d'être créée en sortant du jouc colonialiste espagnol. Ce jeu politique consistait à garder une distance à la fois avec l'Espagne et la République d'Haïti, et par conséquent, garder une frontière étanche. Mais la situation qui prévalait dans la partie de l'Est était véritablement fluctuante, des forces opposées et des coïncidences géopolitiques ont coupé court au projet de Caceres. Cependant, Boyer usa de toute son habilité dans la compréhension des enjeux géopolitiques par l'emploi des facteurs circonstanciels de la stabilité intérieure dans la partie occidentale, réunifiée sous son administration, pour canaliser les énergies nécessaires à la réunification administrative de l'île d'Haïti. Les méthodes diplomatiques dont Boyer s'employait de manière fine consistaient à l'ingéniosité de la démonstration des avantages comparatifs qu'une unification sous l'égide d'Haïti était la seule solution viable pour l'émancipation des deux peuples étant donné la conjoncture géopolitique internationale. L'Espagne était en guerre avec la France et l'Amérique du Sud jouait son émergence politique. D'autant plus, dans une grande majorité, les Dominicains manifestaient une faiblesse certaine d'avoir une puissance extérieure sur qui compter au cas échéant d'une forte pression des Espagnols.

Alors le Président Boyer essaya de rassurer les protagonistes de l'Est par tous les moyens qu'Haïti était bien la solution raisonnable. Devant les tergiversations des divers groupes, d'une part, Nuñez de Cacerez, croyant la situation répond à une hypothétique alliance à la confédération de la Colombie, d'autre part, des groupes moins importants envisageaient l'alternative de l'unité haïtienne, et le reste dans sa majorité vivait au gré des évènements. Mais surgit alors l'épineux point de divergences qui font mugir les remous historiques entre les deux Républiques. L'entrée

92 C'est un terme cher à Jean Price Mars qui veut montrer le vestige délabré de l'armée française vaincue par l'armée indigène victorieuse à vertière en 1803 à Saint -Domingue.

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du Chef d'État d'Haïti le 9 février 1822 à Santo Domingo à la tête de son armée sans hostilité, du moins avec de grandes acclamations, caractérisait-elle un envahissement ou une réponse à une sollicitation circonstancielle ?

Bien évidemment, des intérêts du petit nombre de possédants n'en concordaient pas. Le célèbre écrivain Jean Price-Mars rapporte qu'il y a lieu de reconnaitre la conclusion d'une union de raison ou même circonstancielle qui soumettait le destin des 63,000 habitants de l'Est d'après le dénombrement de 1820 au plan commun de l'unité de l'île d'Haïti.

D'ailleurs, l'action d'unification de l'île, conformément à l'article 40 de la Constitution de 1816, répondait à un impératif de présomption de l'indépendance et le rejet de l'esclavage qui subsistait encore dans la partie orientale. C'était dans cette vision de protection de l'indépendance haïtienne qu'il incombait aux dirigeants haïtiens de réaliser l'annexion des quatre divisions administratives : Santo Domingo, Cibao, Azua et Seybo pour rendre la population une et indivisible sous une même direction qui caractérise la stratégie de défense contre la menace extérieure de l'indépendance haïtienne.

3.3.3.-Situation qui découle de l'indépendance de la République Dominicaine

Alors, se réalisa l'unité politique et administrative93 sous la présidence de Jean-Pierre Boyer (1818-1843) qui marqua une domination haïtienne durant 22 ans sur l'île entière et se termina en 1844 (Price-Mars, 1953/1998b, p. 169). Des tentatives avortées de conquête de l'Est firent le bilan de nombreux gouvernements haïtiens jusqu'au milieu du 19e siècle, en précision historique de période gallum : 1844, 1845, 1849 et 1855. Aussi, Price-Mars (ibid.) en dit-il, les Haïtiens défendaient leurs prétentions de garder la gouvernance de l'île entière sous leur domination afin d'empêcher qu'une puissance étrangère ne s'installât dans la partie de l'Est et ne menaçât leur indépendance nationale. Parce que, d'après eux, les Dominicains n'étaient pas capables de se défendre face à une puissance étrangère. Mais, les Dominicains n'entendaient plus rester sous l'obédience haïtienne avec leur indépendance proclamée depuis 27 février 1844.

Par cette déclaration d'indépendance des Dominicains, la situation qui se présente aux dirigeants politiques haïtiens était complexe. Il s'agissait de considérer le principe de l'unité territoriale indivisible de l'île d'Haïti et ses îles adjacentes se retrouvant pourtant depuis 1801 dans toutes les

93 Jean Prince-Mars rapporte que Nuñez de Caceres donnait le nom `Haïti Espagnole' au nouvel État qui se constitua, après sa révolution, le 30 novembre 1821.

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constitutions haïtiennes. Les tentatives guerrières de reprise de possession ont aggravé les tensions entre les dirigeants des deux territoires. De la présence des Haïtiens dans les villes frontalières, notamment à Hinche et ses environs depuis la campagne de l'Est de Dessalines alla enjoindre la disposition constitutionnelle de 1874 qui mit en substance, les limites frontières du territoire aux positions occupées actuellement par les Haïtiens (Deux siècles de constitutions haïtiennes 18011987, 2011). Donc, la division de l'île s'assuma péremptoirement avec l'évidence d'une frontière qui subsista pourtant dans une indétermination des lignes frontalières. Ce dont un traité en 1935 aura tenté de résoudre. Mais le massacre des Haïtiens et des Dominicains noirs habitant la zone frontalière du côté de l'Est en 1937 allait envenimer les tensions dans la cohabitation difficile aux relations transfrontalières ternes94 propageant en ondes sinusoïdales entre les deux Nations. Et, d'autant plus récemment, les évènements de juillet- août 2005 qui ont causé la mort à treize Haïtiens en République Dominicaine. Sans oublier la politique systématique de rapatriement d'Haïtiens qui se conduisit depuis l'été 1991, en application du décret du 13 juin 1991 du Président Balaguer (Alexandre, 2013, pp. 35-88).

L'arrêt TC/0168/13 du Tribunal constitutionnel dominicain en 2013 enlevant leur nationalité à des milliers de Dominicains d'origine haïtienne (Gabriel, 2017) et l'exécution en cours du projet dominicain de construction d'un mur d'une longueur de 164 km (Le Monde-AFP, 2022), débuté le 20 février 2022 dans la zone Dajabon (Nord-Ouest) sur la frontière sont parmi d'autres actes récents qui mettent en évidence, en soubassement, les tensions historiques qui accablent les relations entre les deux Républiques.

3.4.-Négociation sur la ligne frontalière Haïti-République Dominicaine

L'île Hispaniola a vécu l'acharnement de la guerre en 1801 avec Toussaint, et en 1805, Dessalines faisait trembler les rideaux de Santo Domingo. Puis la redoutable période de belligérance qu'entretenaient particulièrement les gouvernements successifs de Rivière Hérard, de Louis Pierrot et de Faustin Soulouque qui s'étalent de 1844 à 1856, sont des confrontations qui insinuent la détermination de l'éloignement des puissances esclavagistes hors des vues dans les parages de Cibao. Le principe de la mer pour limites frontières devenait un idéal dont n'importe quel sacrifice n'était épargné pour concrétiser.

94 Jean Price-Mars a justement montré des incidences diplomatiques que le conflit Haïti-Rép. Dominicaine entre 1844 à 1855 a suscité par des tractations à connotations raciales mettant aux prises des intérêts géopolitiques que les puissances européennes et nord américaines exploitaient dans leurs velléités colonialistes et expansionnistes in La Rép. D'Haïti et la Rép. Dom, Tome 2.

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L'avènement de Fabre Nicolas Geffrard à la présidence en 1859 donna une nouvelle orientation dans l'affirmation des prétentions haïtiennes en usant des voies diplomatiques pour corroborer une dynamique de protection de l'indépendance d'Haïti à travers celle de la République Dominicaine dans toute sa teneur souveraine, loin de toute influence des puissances esclavagistes. Voilà qu'en date du 18 mars 1861, à la surprise des Haïtiens, la réalité marque une réinstallation des Espagnols dans la partie de l'Est suivant un accord passé entre Pedro Santana, Président de la République Dominicaine et la cour d'Espagne. Cette nouvelle donne va marquer un tournant dans la diplomatie haïtienne qui se résout à compter sur ses forces pour aider à libérer le territoire dominicain de l'ancienne puissance esclavagiste : Espagne.

Les efforts diplomatiques du Président Geffrard pour la restauration de l'indépendance de la Dominicanie restent une page non valorisée par les études sur les relations entre Haïti et la République Dominicaine, surtout par les idéologues racistes dominicains. Depuis l'affaire Rubalcava en juillet 1861 Haïti montra sa force décisive dans un nouveau rôle. Dans ses correspondances diplomatiques, la partie haïtienne usa de toutes ses adresses politiques pour délimiter le territoire. Bref, les villes de Hinche, Lascahobas et Saint Raphael, occupées par les Haïtiens sont l'objet de précieux acquis que Fabre Nicolas Geffrard rejette de toutes quelconques prétentions. La recherche d'une délimitation de la frontière est commissionnée par la diligence haïtienne au cours de 1862.

Le problème de la ligne de frontière demeure désormais un trait extraordinairement sensible dans les relations entre les deux Républiques. Des tensions répétées à divers endroits dans la frontière charrient la fragilité de la question. Entre-temps, des pourparlers en vue d'apporter une résolution pacifique à la question de délimitation de la frontière ont fait l'objet d'accord sous le Président Michel Domingue (1874-1876) et le vis-à-vis dominicain Ignacio Gonzales en 1874 et de même qu'entre Tirésias Simon Sam (1896-1902) et Ulisses Heureaux en 1898. Mais il en résulta des échecs. (Castor, 1988/2021).

L'évolution des négociations poussa en vain à la sollicitation de l'arbitrage du Pape Léon XIII à la fin du XIXe siècle. La commission mixte formée en 1901 à cet effet se solda aussi en échec. Le noeud gordien de la tracée de la frontière butte assez souvent sur le fait qu'il y a les données du dernier traité de partage d'Aranjuez de 1777, celles du statu quo post bellum de 1856 et celles de l'occupation pacifique.

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Devant l'avantage que chacune de parties prétend vouloir tirer à l'une ou l'autre de ces données, il parait évident de déduire l'enjeu que recèlent de telles négociations. Une deuxième division d'information militaire des États-Unis a opéré une solution de délimitation en 1907 et 1908. À la résurgence de la question frontalière en 1912, Haïti a sollicité la médiation de la puissance nord-américaine qui a proposé provisoirement une solution délimitative pour rester en attente d'une résolution définitive. Venait en date du 21 janvier 1929 un accord signé entre Haïti et la République Dominicaine sous l'encouragement des États-Unis suivant les arrangements conclus en 1924. En ce sens, les Présidents Louis Borno (1922-1930) et Horacio Vasquez s'entendaient à trancher définitivement la question de la tracée de la frontière.

La réalité de l'arrangement fait qu'Haïti devait céder au Nord, une portion de terre à Monte Cristi et la région d'Azua, en échange, dans le Sud, il lui revenait près de 200 mètres de terres destinées à construire une route à son propre compte. Très vite, l'opinion publique haïtienne dénonçait et rejetait avec fracas les propositions de cet accord qui était très défavorable à Haïti. La multiplication de graves altercations et d'incidents sur toute la ligne frontalière indiquait l'acuité et l'insatisfaction du côté des Haïtiens.

C'est ainsi qu'à partir de mai 1931, des négociations diplomatiques se sont reprises en vue de résoudre la question de la démarcation de la ligne de frontière dans l'esprit de révision de l'accord de 1929. En effet, un traité fut signé le 27 février 1935. Mais l'agissement de Trujillo pour forcer un nouvel accord en date du 9 mars 1936 démontre le ravissement des droits de propriété retrouvés par les Haïtiens en situation de possession avant l'accord de 1929.

L'auteure Castor (1988/2021) tenait à faire remarquer que chacune des deux Républiques de l'île développe une urgence propre au traitement de la délimitation de son territoire. Au début du XIXe siècle, les gouvernements haïtiens utilisaient la question de l'Est pour répondre à des motifs stratégique, militaire et économique. La consolidation de l'indépendance prévalait dans tout engagement y relatif. Après cette phase, les autres gouvernements attisaient aux aspirations expansionnistes en ralliant la partie de l'Est à la République d'Haïti. Mais, en général, la question de la délimitation de la frontière du territoire national n'a jamais fait l'objet d'intérêt supérieur pour les gouvernements haïtiens ni pour la population dans sa majorité. En dehors de la fréquentation de la zone frontalière, l'influence dominicaine n'était aucunement perçue dans sa tendance dominante. C'est ainsi qu'il est généralement reproché à Haïti de montrer plus d'attention aux nations lointaines qu'à la République Dominicaine. L'intérêt pour la République Dominicaine

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demeurait toujours insignifiant pour Haïti. Par contre, les Dominicains ont très tôt essayé par tous les moyens de forger une idéologie prouvant la menace que constitue Haïti pour leur nation. L'anti-haïtianisme devient donc une doctrine d'identification pour eux. Cette tendance est fortement exprimée avec l'arrêt TC : 0168/13 de la Cour constitutionnelle pris en date du 23 septembre 2013.

3.5.-Considération sur l'évolution hégémonique de la Dominicainie par rapport à Haïti

Un retournement de la perspective frontalière s'opère de nos jours dans la relation entre les deux pays. Des points frontaliers attirent considérablement des activités d'échanges commerciaux. Les centres ruraux les plus proches de la frontière gagnent en importance dans la dynamique d'attractivité. En particulier, la localité de Boc Banic est devenue une plaque tournante pour la 2e Section Lociane dans les échanges avec la Commune dominicaine de Banica. Le géographe Théodat (2020, p. 81) considère que cette ligne est inachevée, mais participe grandement dans le découlement librement de certains produits les mieux achalandés sur le marché dominicain tels que le pois congo, la pintade, le cabri, l'avocat. Du côté dominicain, en général, nous nous procurons de tous les produits agricoles qui sont devenus rares, des blocs pour les parois dans la construction, le ciment, les barres d'acier, les produits alimentaires, les poulets, et autres.

La monnaie d'échange exigée par les Dominicains est le peso dominicain qui prend des points sur la gourde. L'économie dominicaine dispose de plus grands moyens de production qui caractérisent sa force dans les termes des échanges et prééminence de l'offre et la demande. La République d'Haïti est justement placée en troisième position de partenaire économique des Dominicains après les États-Unis et le Porto-Rico. L'avantage de proximité de transport de marchandises est atout majeur. Le volume des échanges est propre à chaque région. Dans le Nord par Dajabon, rapporte Théodat (2020), on enregistre pour l'année 2006, 62.33 millions de dollars américain par an (M $/an), au Centre via Elias Pina, 23.42 M $, au Sud Independencia et Pedernales font respectivement 48.17 M $ et 5.09 M $. L'importance des activités commerciales transfrontalières tend à faire augmenter le flux de population dans ces régions qui voient une croissance dans la densité de population au kilomètre carré.

Le progrès enregistré sur les plans politiques et économiques conforte un bond vers une économie en voie de développement pour la République Dominicaine. Cette situation est exploitée à certains égards pour essayer d'asseoir une position hégémonique par rapport à Haïti. Pour illustrer cette assertion, il s'avère important d'établir une comparaison de l'évolution économique des deux pays

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à partir de 1960. Alors, selon Théodat (ibid.), ils avaient le même PIB/hab. : 800 $/an. Les composantes de l'IDH démontrent une relative équilibre avec l'espérance de vie 44 ans en Haïti et 54 en République Dominicaine ; la mortalité infantile : 253/1000 en Haïti contre 149/1000 en République Dominicaine et la population en dessus de 15 ans relevait un taux d'analphabétisme de 33% contre 78% en Haïti. Mais les orientations différentes des politiques publiques qui s'ensuivront entre-temps expliquent les écarts dans l'IDH 95 qu'ils connaissent de nos jours en signe de réussite de la République Dominicaine dans les domaines de l'éducation, de la santé publique et de l'économie.

Au tournant des années 1980, une transformation de l'économie d'exportation de matières premières s'est opérée pour embrasser une filière de substitution à l'importation. Ces mesures rendent plus d'autonomie au pays par rapport au marché mondial. En outre, il y a eu l'adoption d'une législation amplement incitative aux flux de capitaux étrangers pour dynamiser d'autres secteurs d'investissements productifs : le tourisme et les zones franches.

En août 1994, la classe politique dominicaine a signé un accord politique96 pour permettre au pays de jouir d'une certaine stabilité politique qui va grandement favoriser l'essor économique qui s'enchevêtre à la tendance hégémonique que la posture trujilliste échafaudait à divers égards. Aussi Corten (2013, p. 19) précise-t-il qu'à partir de 2011 la République Dominicaine a pris le large dans la course pour un développement économique considérable par rapport à Haïti.

Avec l'emploi créé dans les villes industrielles, l'urbanisation s'accentue. L'agriculture irriguée, bénéficie des investissements en équipements mécanisés pour augmenter le rendement de la terre et accroitre la production du pays tandis que la part de la main-d'oeuvre y diminue. En 2005, le PIB de la République Dominicaine provenait de 56% des services, 32% de l'industrie et de 12% de l'agriculture. Tandis que cinq ans plus tard, les données montraient qu'en Haïti le PIB provenait des pôles d'emplois de services et industriels absorbant 43% en service et 13 % en industrie de la population active de 3.6 millions d'habitant suivant les données de l'IHSI en 2010. Et face à cela, il y avait 44% de la population active qui s'adonnait à l'agriculture de subsistance. Avec une période de cinq (5) ans d'écart, il n'est pas théoriquement crédible pour asseoir une comparaison

95 L'indice de développement humain, allant de 0 à 1, est un indice composé de l'espérance de vie à la naissance, la scolarisation en fonction du taux d'analphabétisme et le pib per capita en tenant compte de la parité du pouvoir d'achat. En 2019, Haïti avait un idh de 0.510 contre 0.756 pour la République Dominicaine. Cf [ www. perspective.usherbrooke.ca].

96 Les turbulences politiques qui ont survenue après des élections frauduleuses pour reconduire le président Joaquin Balaguer au pouvoir au détriment de Francisco Pena Gomez ont poussé l'OEA et l'Eglise catholique dominicaine à jouer un rôle de médiation pour parvenir à un accord politique en date du 12 août 1994 en République dominicaine. Cf « République dominicaine le mandat du président Balaguer est écourté », en ligne publication 12 août 1994, www.lemonde.fr.

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objective. Mais, étant donné que la situation devrait donner l'avantage à Haïti pour améliorer son score et elle ne l'a pas fait. Parce qu'un taux aussi élevé de population qui se retrouve dans le secteur agricole rend difficile le parcours au développement. Une économie productive moderne n'a pas besoin d'un tel pourcentage de sa population active dans l'agriculture de subsistance qui fournit généralement des produits à très faible valeur ajoutée.

La République Dominicaine profite encore de sa position pour définir les règles dans les échanges commerciaux avec Haïti, parce qu'il n'y a pas d'accord récent de libre-échange entre les deux pays. Le traité réglant principalement ce domaine remonte à novembre 1874. Il stipule en son article 14 que « les citoyens des deux nations contractantes peuvent entrer, demeurer, s'établir ou résider dans toutes les parties des deux territoires, et ceux qui désirent s'y livrer à une industrie quelconque, auront droit d'exercer librement leur profession et leur industrie, sans être assujettis à des droits autres ni plus élevés que ceux qui pèsent sur les nationaux respectifs... » (C. Lespinasse, 2020, p. 72). Par ailleurs, Castor (1988/2021, pp. 157,158) révèle un traité commercial signé en août 1941 par les deux pays. Mais cependant, le commerce qui datait depuis l'époque coloniale se renforçait entre les deux parties de l'île peu après 1867. À considérer que les exportations des deux pays l'un vis-à-vis de l'autre accusent 1 milliard $ USD pour la République Dominicaine contre 100 millions $ USD pour Haïti en 2005 démontrent clairement le déséquilibre énorme qui s'installe dans les termes des échanges. La croissance non contrôlée du volume d'échanges informels présuppose bien des montants plus élevés comparativement à ceux-ci.

3.6.-Systématisation de la discrimination raciale à l'égard de l'Haïtien

L'auteur Etienne (2020) soutient que des mythes d'identification existentielle d'un ennemi réel ou imaginaire participe à bien des égards à la construction de l'État-Nation (p. 179). Les réactionnaires dominicains se sont convaincus à faire d'Haïti un ennemi fictif et/ou réel en contre-façonnant des faits historiques dans les rapports relatifs à l'évolution des deux parties de l'île. Optant à s'assimiler le fonds culturel de l'occident et de l'Espagne, en particulier les élites dominicaines ont pu s'imaginer plus proches des valeurs occidentales qui comportent, de fait, des préjugés de toutes sortes. Et les habitants des zones frontalières qui côtoient les centres de services publics chez les Dominicains évoquent amplement des traitements humiliants qu'ils subissent.

Ce qui permet de voir l'approche de classes sociales dans les rapports entre les dirigeants des deux États. Parce qu'il y a un complexe de supériorité que Castor (1988/2021) décèle dans certains

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aspects qui déterminent l'attitude et le comportement réactifs de la République Dominicaine après la période de domination haïtienne. Les autorités de la partie de l'Est essayent de tirer avantage sur le plan de la réussite économique et géopolitique. Les Dominicains ont pris grandement conscience du favoritisme racial (Diamond, 2006) qu'ils ont bénéficié des puissances esclavagistes depuis le XIXe siècle. Puisque l'Occident aurait toujours considéré Haïti comme une classe d'esclave parvenue à la liberté. C'est un fait que Price-Mars (1953/1998a) a beau démontrer l'irrationalité de telles considérations de supériorité raciale puisque la structure épidermique ne saurait constituer une prédominance raciale en ce cas-ci. Le mélange d'Européens avec les femelles naturelles de l'île ajouté à la faible quantité de Noir esclave ne saurait se considérer de la race blanche pleine de futiles prétentions inimaginables d'une quelconque supériorité telle qu'elle a été véhiculée au XIXe siècle et subtilement ainsi jusqu'à nos jours. En 1788, la partie de l'Est dénombrait 125,000 habitants dont 15,000 esclaves noirs. Cette donnée illustre bien évidemment l'infirmité de possibilités pour les bronzés d'ébène de prédominer dans de telles structures de classes sociales.

Aussi, Mézilas (2022) fustige-t-il les idéologues dominicains qui se donnent une raison hégémonique en portant une prédominance qui converge des idéologies : hispanité, indianité et anti-haïtianisme (p. 10).

Pour sa part, Wooding (2020, pp. 136,137) a manifesté un grand intérêt à analyser le caractère raciste, xénophobe dans l'attitude des Dominicains envers les Haïtiens que le régime de Trujillo (1930-1961) s'acharnait à répandre avec virulence dans toutes les couches de la société. Bien évidemment, elle reconnait que ce sentiment existait bien avant la période de Trujillo et cela continue encore de nos jours mais pas dans de telle proportion. Aujourd'hui, il y a une ignorance et des préjugés qui sont très répandus dans des couches extrémistes qui s'en servent à des fins politiques. Entre-temps, reconnait le diplomate et sociologue Alexandre(2009), beaucoup d'efforts sont consentis pour redonner une autre image dans les rapports entre les deux pays. Nous avons trouvé un geste magnanime dans le dévouement des Dominicains pour secourir Haïti après le séisme du 12 janvier 2010. De même, nous admettons énorme la contribution des Dominicains à hauteur de 50 millions de dollars américains comme donation97 pour la construction faite par leur propre firme, dans le Nord, en 2012, de l'immeuble universitaire dénommé Campus Henry

97 RadioTélévision 2000 a rapporté ces faits dans son article intitulé « Haïti/Education : République dominicaine finance la construction d'une université dans le Nord » |En ligne publication du 2/08/2010, page consultée le 14/03/2023.

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Christophe de Limonade. Mais dans la complexité de relations entre les deux pays nous ne pouvons pas tout ignorer pour nous verser dans l'admiration des gestes de la Dominicanie. En cela, quand nous regardons avec Elie (2020, p. 61) l'orgueil qui caractérisa la fierté du roi Henri Christophe, bâtisseur par excellence par la réalisation de la Citadelle LaFerrière, huitième merveille du monde, il y a lieu d'imaginer l'arrière-pensée qui cristallise les gestes des Dominicains. Nous pouvons facilement supposer l'avantage géopolitique et économique qu'ils peuvent en tirer. L'idée de soupçon d'une certaine condescendance dans ces gestes serait-elle exagérée ? Autrement dit, serait-ce une attaque voilée à la fierté du peuple haïtien dans l'imaginaire héroïque de ses ancêtres ? Le sentiment anti-haïtianiste est un outil que les dirigeants dominicains utilisent aussi pour marquer leur différence dans la perception de l'intérêt général et dans la gestion de l'espace territorial. Cela s'explique dans les réalisations d'infrastructures qui se font chez eux et le souci qu'ils manifestent pour tenir la stabilité politique. Cette différence de gestion se fait ressentir dans les villes frontalières. Par exemple, Banica est une Commune qui caractérise des différences majeures en termes d'infrastructures par rapport à la Commune de Thomassique. En particulier, les paysans de la 2e Section Lociane qui fréquentent souvent des villes frontalières s'indignent de l'inertie des actions des dirigeants haïtiens. Il se trouve que la plupart des gouvernants haïtiens ne se montrent pas autant soucieux que ceux de la Dominicanie.

3.7.-Regard sur les Puissances internationales dans les relations entre Haïti et la République Dominicaine

Il n'est pas trop évident de reprendre ici les faits qui démontrent les résistances que la diplomatie haïtienne a dû engager face aux pressions des puissances internationales qui n'ont jamais voulu accepter les prescriptions constitutionnelles haïtiennes qui l'ont conféré droit de propriété sur toute l'étendue de l'île jusqu'en 1874, hormis la Constitution de 1801 de Saint-Domingue. L'occupation américaine de 1915 assignait la part d'Haïti à l'accomplissement des fondements de la division internationale du travail qui trouvait sa base dans la théorie des avantages comparatifs (1817) développée sur le commerce international98. Dans ce contexte, Haïti est définie à fournir de la

98La théorie des avantages comparatifs de l'économiste britannique David Ricardo (1772-1823) se précise ainsi : les pays participent dans le commerce international pour deux raisons fondamentales ; chaque raison contribue aux gains qu'ils retirent de l'échange. Les différences des pays diversifient leurs apports de biens et services. Ce qui peut les faire bénéficier de leur différence c'est l'accord que se dégage que chacun se consacre à ce qu'il fait relativement le mieux. 2) Les pays entretiennent le commerce international en raison d'engranger des économies d'échelle de production. En effet, si chaque pays produit seulement un registre limité de biens, il produira chacun de ceux-ci à une échelle plus grande-et donc de manière plus efficiente-que s'il essayait de les produire tous. Chaque pays peut se spécialiser dans le bien dans lequel il a un avantage comparatif. Un pays possède un avantage comparatif dans la production d'un bien si le coût d'opportunité de cette production exprimé en termes d'autres biens est inférieur

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main-d'oeuvre à bas prix dans les entreprises multinationales à capitaux nord-américains implantées dans le bassin caribéen, notamment à Cuba et en République Dominicaine. L'économie de cette dernière a toujours jouit d'un intérêt plus alléchant pour le système capitaliste. Depuis la période conflictuelle de 1844 à 1856 qui opposa Haïti et la République Dominicaine, les puissances européennes et les États-Unis d'Amérique ont toujours manifesté un favoritisme à l'égard de la République Dominicaine. Plusieurs raisons peuvent expliquer leurs choix. Mais un fait est certain, les préjugés raciaux et ethniques qui caractérisaient le système esclavagiste et colonialiste n'ont point été cessés envers Haïti après la Révolution de 1804.

L'investissement des capitaux étrangers implanté en République Dominicaine a toujours été plus conséquent en termes de grandeur qu'en Haïti. Bien entendu, il n'est pas crédible de reposer une analyse sur ce fait pour accuser tous les maux que connait Haïti dans ses relations avec la République Dominicaine. Mais cependant l'élan de favoritisme 99 que jouit la République Dominicaine a occasionné une prise de conscience des facteurs raciaux qu'ils prétendent bénéficier et s'en servent pour évoquer un sentiment pro-occidental à même d'en tirer un pressentiment dominant.

Dans le même dessein, nous considérons que la question de la construction de l'Université roi Henri Christophe ayant été confiée aux firmes dominicaines pour en faire don à Haïti constitue un acte très significatif de la grandeur paternaliste. La communauté internationale les encourage ou les force ainsi à démontrer leur qualité exemplaire vis-à-vis des Haïtiens. Que dire des déclarations des Présidents Dominicains depuis Leonel Fernandez à Luis Abinader qui n'ont jamais raté des occasions que leur ont offertes des tribunes internationales pour faire des sollicitations d'aide pour Haïti contre sa descente aux enfers ! D'ailleurs, ce peuple se perd dans son insouciance pour de ne voir la récupération de la possession du patrimoine culturelle et historique de l'île d'Haïti que les Dominicains s'attribuent depuis un certain temps. Alors que l'Haïtien sait bien qu'ils l'identifient à un peuple d'une nation d'ennemis. Lamothe (2008, p. 48) détecte aussi dans la caraïbe, une opinion qui reconnait que les Dominicains assimilent leur identité à une expression de l'anti-haïtianisme. Certainement, Price-Mars (1953/1998b) n'eut cesse de démonter les contre-vérités

dans ce pays-là à ce qu'il est dans d'autres pays. Le commerce international entre deux pays peut être bénéfique pour les deux pays si chaque pays exporte les biens pour lesquels il possède un avantage comparatif. Cf [Paul R. Krugman et Maurice Obstfeld, Economie internationale, 3e, Editions De Boeck Université, Bruxelles, Belgique, 2001, pp 14-15].

99 Le géographe Jared Diamond reconnait le fait que des préjugés raciaux aient toujours guidé la communauté internationale à privilégier les rapports de préférence avec la République Dominicaine au lieu de la République d'Haïti.

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historiques et sociologiques sur lesquelles s'appuyèrent les idéologues racistes dominicains pour attiser la xénophobie et l'ostracisme envers Haïti. La déraison des groupes extrémistes dominicains est inquiétante et se manifeste au vu et au su de tout le monde.

Mais la communauté internationale a ses préférences même si ce sont ses intérêts qui la préoccupent avant tout dans les affaires internationales. C'est ainsi que le tout-puissant de cette communauté internationale a toujours tenu la main pour s'assurer de la compagnie des groupes de Droite au pouvoir en Haïti. Ces tenants n'ont jamais fait preuve d'aucune sensibilité pour soulever les questions d'équité dans les rapports entre l'international avec la République Dominicaine et Haïti. L'histoire rapporte le tollé des agitations des courants de la Gauche de Port-au-Prince depuis après 1937 qui insistaient sur la nécessité de redéfinir les rapports entre les deux pays.

À chaque moment de graves incidents dans les relations entre les deux Républiques de l'île, les groupes de Droite qui ont pratiquement toujours gardé le pouvoir sous protection des États-Unis n'ont jamais rien fait d'autre que de se soumettre, d'une part, au diktat du Département d'État qui leur imposait toujours de conclure coûte que coûte des accords avec les Dominicains. Raison est que les intérêts économiques des États-Unis sont énormes en République Dominicaine (Alexis, 1955, p. 157), il n'y a pas lieu de laisser des conflits avec Haïti viennent salir la réputation de la République Dominicaine pour ne pas attirer les foudres de l'opinion internationale et, en particulier, l'opinion américaine. Et d'autre part, les dirigeants haïtiens se courbent souvent devant les autorités de Santo Domingo pour bénéficier de leur support en vue de contenir les actions subversives des opposants haïtiens opérant depuis le territoire voisin.

Pour preuve, nous reprenons l'issue des protestations haïtiennes sur la tragédie exterminatrice des gens de couleurs en 1937 par le régime naziste de l'impitoyable Trujillo. Le Président Sténio Vincent(1930-1941), prototype parfait des inconditionnels fonctionnaires de la défense des intérêts du système capitaliste néo-féodal en application en Haïti, n'eut aucune gêne pour conclure un accord avec les Dominicains en ramenant les négociations au niveau bilatéral. Lamothe (2008, p. 48) rapporte les termes du contrat signé en date du 14 octobre 1978 par le Président Jean-Claude Duvalier(1971-1986) et le CEA sous le gouvernement dominicain Antonio Guzman Fernandez, pour la zafra100 de 1978-79 qui consistait à embaucher des travailleurs paysans haïtiens pour aller

100 C'est le terme qui désigne la période de la récolte de la canne à sucre dans les pays hispaniques de la région caribéenne.

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travailler- au prix de 0.5 $/jour- dans les batey101 en République Dominicaine comme coupeur de canne102. Après l'Arrêt TC 0168/13 qui mettait toute l'opinion internationale dans un élan de fraternité envers les Haïtiens pour pointer le caractère raciste des autorités dominicaines, le gouvernement haïtien n'a pas eu le courage pour capitaliser sur la conjoncture favorable de l'opinion internationale et nationale, le Président Michel J. Martelly (2011-2016) et le Premier ministre Laurent S. Lamothe ont pris la tangente dans des négociations bilatérales avec le gouvernement dominicain. Dans toutes ces situations, ce sont les consignes des États-Unis qui orientent les dirigeants haïtiens dans la recherche de normalité dans la relation entre les deux Républiques. Les relations internationales exigent une politique intérieure qui cristallise la bonne combinaison des facteurs de production de biens économiques.

3.7.1.-Insouciance des autorités haïtiennes vis-à-vis de la frontière

L'histoire de la frontière Haïti - République Dominicaine reste et demeure une notion encore non assez étudiée pour pouvoir apporter toutes les lumières sur toutes les facettes des évènements qui se sont produits dans cette unité phénoménale depuis le traité de Ryswick en 1697. Les zones frontalières sont les premiers endroits à subir l'influence grandissante de la République Dominicaine qui exploite toutes les occasions qui lui sont offertes par la gestion insouciante de l'administration de l'État en Haïti. La dynamique de l'évolution dans la société haïtienne exige de nouvelles analyses dans les rapports avec la République Dominicaine. Les paysans haïtiens de la 2e Section Lociane se retrouvent donc à la croisée des chemins d'une situation de survie et d'indignation dans les rapports des échanges commerciaux avec la partie dominicaine de la frontalière vis-à-vis de la leur. Le côté haïtien ne fait l'objet de gestion pouvant conduire à faciliter son développement.

De toute évidence, il faut créer un cadre normatif qui propose des moyens pour trancher sur les actions favorables à entreprendre pour arriver à remonter la pente qui se dresse dans la gestion irresponsable de l'espace territorial, en particulier l'espace frontalier de la 2e Section Lociane. Au

101 C'est l'expression espagnole qui désigne les milieux extrêmement précaires où demeurent les travailleurs de la canne à sucre en République Dominicaine depuis la fin du 19e siècle. En 2014, il y avait 425 bateys qui hébergeaient plus de 200000 personnes. Cf [Inès Da Gracia Gasper « le batey en République Dominicaine : espace présent d'un temps passé »| en ligne, publication du 1/12/2019, https : doi.org/10.400/etudescaribeennes.17582].

102 Nous signalons que ces genres de contrat entrent dans une routine depuis après l'occupation américaine. Gérard Pierre Charles mentionne un accord signé le 20 janvier 1967 entre Balaguer et Duvalier pour envoyer 20 mille travailleurs haïtiens dans les Bateys au cours de l'année. Cf [Pierre-Charles, Gérard, Radiographie d'une dictature. Haïti et Duvalier, Éditions de l'Université d'État d'Haïti, P-au-P, 2013, op. cit., p 206].

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devoir de changer la donne, l'amélioration des conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane est un défi qui s'impose, entre autres, aux Haïtiens et particulièrement aux agents locaux avec la participation des paysans de Lociane.

Dans toutes les approches abordant la notion de frontière, il y a une dimension de gestion qui se fait de l'espace frontalier par rapport à la réalité des conditions socio-économiques des habitants qui y évoluent. À propos, la présente étude a essayé aussi de faire ressortir l'apport des pays occidentaux dans la détermination d'une trajectoire plus faste pour la partie de l'Est. Mais, il va s'en dire que les dirigeants de l'autre côté ont, tout de même, su faire preuve de plus de perspicacité dans la définition d'un idéal commun dans l'intérêt national.

Le rôle de l'État dans l'aménagement du territoire en termes de développement est prépondérant. Ses interventions sont nécessaires afin d'établir des conditions de vie suffisamment adéquates par l'offre de services de base aux habitants de n'importe quel espace du territoire. La zone frontalière présente un haut niveau d'intérêt stratégique de sécurité et de coopération qui requiert la disposition d'un équipage technique bien rôdé pour le contrôle. Pour cela, la contribution des autorités locales dans la gestion directe des espaces frontaliers est généralement essentielle. Tout ce dont, la compréhension de certaines études enseigne la viabilité de réussite possible dans une option dynamique de décentralisation effective.

C'est pourquoi le prochain chapitre se penche sur la question de la décentralisation où se réalise le transfert de compétences de l'État à une entité juridique distincte de lui (Jean-Charles, 2002). L'État central se cantonne alors dans ses attributions formelles. Les collectivités territoriales peuvent jouir d'une sorte d'autonomie organique et financière dont l'effectivité est la finitude de la décentralisation.

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Chapitre IV. Décentralisation et organisation des collectivités territoriales

Ici, la perspective d'analyse met en exergue surtout la question de l'État dans un dynamisme de décentralisation. À cet égard, la nation haïtienne est confrontée à un dilemme qui permet soit, dans une simplicité non viable, de rester accrocher au bon office de la communauté internationale, ou soit, dans un esprit combattif, de mobiliser ses ressources en priorisant ses intérêts pour reconquérir l'essence de l'indépendance nationale. Ce combat, s'il est engagé, est fonction du respect de l'application du minimum consensus qui s'établit fondamentalement dans la Constitution de 1987 et sur certains aspects socio-anthropologiques des valeurs traditionnelles de la société haïtienne.

Par cette indépendance, il s'agira de pouvoir disposer de la latitude de définir des politiques103 publiques qui, ressortant des plans : politique, économique et social, concernent les entreprises publiques, la production nationale, l'agriculture, la réforme agraire, etc. Ainsi, une des principales démarches revient à disposer des connaissances réelles et approfondies des mécanismes de fonctionnement de notre économie, des ressorts profonds de la société et des sources de son dynamisme. Ce faisant, le but se détermine dans la définition des priorités dans les choix de politique économique (F. Deshommes, 2005).

Aussi convient-il de disposer des allocations budgétaires nécessaires par rapport au processus de développement. Ce qui exige des facteurs préalables de planification en matière de politiques publiques qui doivent soutenir un effort programmé d'action visée au mécanisme de production de développement des ressources humaines, d'infrastructures routières et de services de bases qui participent dans la ligne d'intérêts généraux de l'État et des collectivités territoriales dans leurs intérêts locaux. Ces actions programmées sont donc vouées à conduire à une économie qui renoue avec la croissance positive. Mais, cette croissance doit être bénéfique pour toutes les couches sociales. Et, l'une des voies privilégiées par la Constitution de 1987 pour arriver à acheminer les signaux de progrès économique dans tous les coins du pays est la bonne gouvernance. Cette dernière peut être effectuée dans le cadre de la décentralisation qui est un choix structurel de changement de politique administrative accordant de l'autonomie aux collectivités territoriales. En ce sens, elle entame la décentralisation politique qui est une dévolution de compétence limitée à

103 Nous entendons par politique publique toutes les décisions politiques qui accordent des priorités à des objectifs qui s'intéressent à certains enjeux fondamentaux théoriques et pratiques pour le développement de la communauté en question.

103

l'intérieur des frontières géographiques. Les collectivités territoriales sont l'émanation de l'article 61 de la Constitution de 1987 qui leur confère des compétences en qualité d'institutions locales autonomes jouissant de personnalité juridique et des ressources propres en vue d'administrer leurs affaires locales sous l'égide de l'État unitaire (Privert, 2006). Les autorités locales sont élues par la population de la circonscription géographique pour assurer la gestion des affaires collectives y relatives.

À la considération d'un besoin de décentralisation de l'État, il parait évident qu'il y a une relation de transitivité entre la décentralisation et le développement local (Deberre, 2007). La décentralisation est ce partage de responsabilité que l'État unitaire centralisé consent de manière dévolutive aux collectivités territoriales qui s'engagent à gérer en toute autonomie leurs propres ressources en vue de mener des actions de développement économique pour leurs populations. La décentralisation de l'État à travers des collectivités territoriales est un acte significatif qui engage deux entités.

L'État central transfert des pouvoirs aux autorités locales et garde ses prérogatives de contrôle. Les autorités locales accusent des responsabilités de gestion qui les habilitent à concevoir de véritables politiques publiques pour le développement de leur communauté dans le respect des intérêts généraux de l'État. Chaque concept sera développé de manière séparée dans toutes ses dimensions théoriques.

Léger (2000, p. 87) précise que la décentralisation est un projet de société qui réunit tous les acteurs : nationaux, régionaux et locaux. Un partage proportionnel de responsabilités s'y opère dans la gestion publique des domaines relatifs au développement. Le but essentiel renvoie à l'emploi adéquat et rationnel de moyens pour satisfaire des besoins.

Cette assertion démontre le caractère purement économique de la décentralisation, celle de l'homo-oeconomicus. Or il n'y a pas de frontière étanche entre l'économique et le social. Dans ce sens, Azoulay (2002) précise que : « l'amélioration des conditions matérielles d'existence des personnes impose finalement le fondement de l'économique et cette amélioration est comme le tissu nerveux dans la biologie humaine pour la notion de développement.»(p. 26).

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4. 1.-Rappel historique du fondement de la décentralisation en Haïti

Ce concept est largement développé par la Constitution de 1987 qui en fait une option structurelle de développement par excellence. Mais en réalité, il y a diverses dispositions légales attestant les idées de la décentralisation en prélude de cette Constitution. En effet, deux courants disputent le fondement des idées de la décentralisation dans ses parcours historiques. L'un détecte son immixtion dans notre législation depuis la création de la Commune en 1816 dont la subdivision de l'Arrondissement en Commune104 dispose d'un représentant de la Commune dans une chambre de communes et un chef tenant lieu dans le département, et, l'autre en décrit sa prépondérance fonctionnelle avec la Constitution de 1843. La charge des écoles primaires est confiée aux Communes et aux villes celle des écoles supérieures105. En outre, d'autres responsabilités à la fois civiles et financières sont attribuées à un projet comme chef d'administration (conseil d'arrondissement) et un maire de la Commune. Il est créé depuis lors le principe d'autonomie des collectivités territoriales. Mais en réalité, aucun effort concret n'a été engagé dans un processus d'implémentation de la décentralisation.

Contrairement à la France qui a dû affronter les difficultés de la centralisation à outrance pour commencer avec, d'abord des programmes d'aménagement du territoire, puis la décentralisation au cours des années 1960. C'est au cours des années 1980 qu'Haïti a timidement commencé à pencher sur la solution de la décentralisation pour permettre aux collectivités territoriales de contribuer à la gestion de l'espace territorial.

4.1.1.-Fondement légal de la décentralisation en Haïti

L'idée de la décentralisation a traversé la société haïtienne depuis le XIXe siècle. Elle a laissé des traces vivaces avec plusieurs lois et décrets qui ont consacré des matières constructives au renforcement des capacités fonctionnelles des Communes. Certaines dispositions légales ont été prises en vue de permettre la réalisation de l'autonomie de gestion et l'augmentation des revenus communaux qui sont nécessaires au processus de décentralisation. C'est notamment le cas de la loi du 13 février 1968 règlementant les services hydrauliques de la République, de la loi du 12 juin 1974 relative à l'usage des eaux souterraines, des décrets du 3 mars 1981 et du 21 avril 1983 sur le SMCRS désormais transformé en SNGRS. Mais cette transformation tend à centraliser. C'est

104 Ces informations sont fournies dans la constitution d'Haïti de 1816, les articles 42 et 43.

105 Ces informations sont fournies dans la constitution d'Haïti de 1843, les articles 31 et 135.

105

une manière d'enlever le pouvoir de décider des collectivités territoriales sur la gestion de leurs déchets. Il peut bien y avoir de la coopération inter-régionale, inter-communale, etc.

En effet, depuis 1974, on commença à utiliser formellement le terme de décentralisation avec des textes légaux portant sur la mobilisation fiscale en faveur des structures communales. S'y ajoutent le décret du 5 avril 1979, modifié par le décret du 23 décembre 1981 relatif à la CFPB, stipulant un impôt réel communal basé sur la valeur locative de tout immeuble (Paillant, 2015), la loi du 18 septembre 1978 sur les délimitations territoriales et la loi du 19 septembre 1982 relative à l'adoption d'une politique cohérente d'aménagement du territoire et de développement à partir des entités régionales issues du regroupement des départements géographiques et des arrondissements de la République.

Selon Privert (2006, p. 197), l'article 67 du décret-loi du 22 octobre 1982 sur la Commune institue le schéma d'inscription des recettes et des dépenses au budget communal par chapitres et sections. Cela démontre bien, dès lors, l'effort qui se déployait pour structurer la gestion administrative des Communes qui vont être considérées comme des collectivités territoriales avec des compétences fiscales plus étendues.

Reste que le chantier de la décentralisation présente encore de nombreux travaux à faire, en dépit de différents textes de loi et décret qui rejoignent des dispositifs constitutionnels tendant à encadrer le processus, faciliter la disponibilité des ressources, etc. En 1991, il y avait une loi sur les collectivités territoriales qui a été votée, mais non promulguée par le pouvoir exécutif. Rien ne précise si le pouvoir exécutif en avait fait objection. La CFGDCT instituée par la loi du 20 août 1996 apporte un complément sur le plan financier aux revenus communaux dans l'objectif de promouvoir l'autonomie administrative et financière des collectivités territoriales. Certainement, nous retenons la promulgation de la loi du 4 avril 1996 portant organisation de la collectivité territoriale de la Section communale. Aussi le décret du 28 septembre 1987 sur la Patente et le décret du 15 janvier 1988 portant sur les recettes des collectivités territoriales contribuent-ils aux efforts visant à accroître les revenus des collectivités territoriales. En outre, sont introduits les décrets du 1er février 2006 : 1) fixant le cadre général de la décentralisation ; 2) portant organisation et fonctionnement des Sections communales ; 3) portant sur l'organisation et le fonctionnement du Département ; 4) portant sur l'organisation et le fonctionnement de la collectivité territoriale municipale ; 5) portant sur la fonction publique territoriale. Ils participent dans l'optique de renforcement des structures d'organisation de ces entités pour leur établissement

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opérationnel. Enfin, sont arrivés le décret de 2007 sur la création du fonds de développement au niveau local, le décret du 22 juillet 2015 identifiant et établissant les limites territoriales des Départements, des Arrondissements, des Communes et des Sections rurales et le décret de 2017 qui établit des révisions sur la fiscalité locale des collectivités territoriales. Mais dans un autre registre, la loi constitutionnelle du 9 mai 2011 portant amendement à la Constitition du 29 mars 1987 a enlevé des fonctions dans l'appareillage des collectivités territoriales. La modification au niveau de l'article 192 de la Constitution amendée est assez significative. Compte tenu des attributions que les conseils départementaux détenaient dans le processus de désignation des membres du conseil électoral permanent.

4.1.2.-Approche théorique de la décentralisation

L'approche de la décentralisation se distingue à travers deux grands courants théoriques : en premier lieu, nous retrouvons les théories normatives ou celles dites encore libérales prônant dans leurs objets, la gestion efficace et efficiente des affaires publiques dans la promotion de la démocratie et le développement. S'y rejoignent des théories politiques de la bonne gouvernance estimant que la décentralisation est un facteur de stabilité politique, la théorie de la gestion de l'efficacité qui établit la nécessité de la relation harmonieuse entre le gouvernant et le citoyen en vue de recueillir de meilleures informations sur les besoins de la population et d'autres théories de choix politiques qui concernent l'accès de la population à des services de meilleure qualité avec des institutions de contrôle spéfiquement établies.

L'approche normative s'opère ainsi par de nombreuses dispositions légales contraignantes ; en second lieu, les théories analytiques dites descriptives qui, reconnaissant les caractéristiques de la bonne gouvernance et la gestion de l'efficacité, se distinguent par l'idée que l'État est un instrument au service des classes dominantes qui se rattachent elles-mêmes aux superstructures de la communauté internationale. C'est ainsi qu'elles considèrent l'importance de la prise en compte du contexte dans lequel s'appliquera la décentralisation qui établit toujours une confrontation des intérêts divergents entre des acteurs différents. Cette étude dégage ses affinités pour l'approche normative. Mais, il est important d'interroger à quel degré ses multiples dispositions légales ont-elles contribué à changer les comportements et modifier les mentalités ? La question de mentalité se révèle donc un paramètre crucial qui doit conduire à la concrétisation des mécanismes de la décentralisation. À propos, l'enjeu de la décentralisation enjoint des préoccupations sur la mise en

107

place d'un espace de concertation d'où surgissent l'alliance, l'articulation entre les opérations, entre les acteurs socio-économiques (Mengin, 1989, p. 22). Mais comment arriver à mettre ensemble des groupes aussi hétérogènes des composantes sociales haïtiennes ?

4.1.3.-Théorie juridique de la décentralisation

La décentralisation, étant donné la multitude d'instances autonomes de décisions, interpelle les organes locaux106 de maitriser juridiquement leurs actions et de prendre en toute liberté dans l'unique respect des lois et règlements, la décision qu'ils veulent. En ce sens, Aron (1965) précise que la caractéristique fondamentale des collectivités territoriales est l'organisation des pouvoirs (p. 37).

Nombre d'écrivains produisent des réflexions sur la thématique de la décentralisation. Nous passons à pieds joints sur une revue de littérature du concept en commençant par Baguenard (1980/2006, p. 9) qui conçoit que la décentralisation renvoie à l'idée de gouvernement local. Elle met l'accent sur l'auto-administration des collectivités territoriales. Elle s'inscrit dans une logique de démocratie locale107. Pour sa part, Léger (2000, p. 87) estime que la décentralisation est un projet de société visant à impliquer les instances locales dans la gestion publique par un partage plus équilibré des responsabilités dans des domaines importants du développement.

La décentralisation conduit à la bonne gouvernance par trois moyens : premièrement, en améliorant l'efficacité de l'allocation de ressources ; deuxièmement, en promouvant la transparence qui réduit les possibilités pour la corruption ; et enfin, en améliorant le recouvrement de coûts. Les gouvernements locaux, étant plus proche aux citoyens, se retrouvent en mesure de répondre à leurs besoins. Mais des conditions préalables s'imposent pour pouvoir influencer la performance des autorités publiques locales : la définition claire des responsabilités de tous les niveaux de l'État pour éviter tout quelconque chevauchement en matière de pouvoir et juridiction. Il faut instituer une loi décrivant en détail les structures et statuts des institutions publiques, surtout au niveau local (Thélusme, 2017). Car, les dispositions du code rural ne sont pas suffisantes. Le contrôle est le point crucial qui garantit la bonne utilisation des deniers de l'État. Pour cela, il est

106 Pour pouvoir mieux s'organiser dans la défense de leurs intérêts, les organes locaux se regroupent en Haïti. Les maires font partie de la Fédération Nationale des Maires d'Haïti(FENAMH), créée en 1995. Les CASEC rejoignent l'Association des CASEC d'Haïti qui est créée en 2005 et les ASEC intègrent la Fédération Nationale des Asec d'Haïti. Cf [ www.fenamh.org.ht].

107 Ce concept de démocratie locale est compris dans un sens de foyer naturel de la démocratie et de la participation citoyenne qui tend à la valorisation contemporaine de la proximité des citoyens de la concentration et la personnalisation des pouvoirs en vue de porter un regard actif sur les pouvoirs exécutifs et délibératifs. CF [Lefebvre, Rémi, « Démocratie locale» in Dictionnaire des politiques territoriales |En ligne publication 2020 |http :www.cairn.info, page consultée le 16/03/2023].

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nécessaire d'instituer une loi sur les mécanismes de contrôle et de suivi. En support des lois organiques, il faut un cadre réglementaire, les pratiques de l'institution détaillées. Finalement, les élections locales devraient se tenir régulièrement à un moment différent de celles étant nationales.

4.2.-Responsabilité des ordonnateurs dans la gestion de la finance dans le cadre de la décentralisation

La gestion des comptables de deniers publics tient à l'efficacité et leur responsabilité en tant qu'ordonnateurs et liquidateurs des dépenses publiques. Ils encourent une responsabilité qui peut être disciplinaire, pénale et civile sans préjudice des sanctions qui peuvent leur être infligées par le Juge des Comptes à raison de leurs fautes de gestion108.

4.2.1.-Prégnance de la corruption : l'érection des institutions efficaces de contrôle

La gestion financière est un domaine très important pour caractériser les activités financières qui concourent à réaliser les objectifs des politiques publiques pour le développement des communautés. Mais comme le souligne Gousse (2012), « l'organisation et la gestion des administrations publiques dans les pays en développement souffrent souvent de lourdeurs et de dysfonctionnements qui vont les rendre particulièrement vulnérables à la corruption. L'inflation des réglementations contraignantes et complexes et la faiblesse des contrôles y sont des caractéristiques fréquentes. » (p. 55). Pour Haïti, le procès du fonctionnement de l'administration publique est accablant dans son verdict. La corruption est un fait socio-historique qui accable toutes les structures sociales. Des efforts doivent être engagés pour en sortir à travers des dispositifs fonctionnels du renforcement et de consolidation des institutions efficaces dans le contrôle et la répression des actes corruptibles.

Dans sa thèse intitulée : vers une refondation du droit des finances publiques locales en Haïti, Valmera(2021) a repris l'idée de Julien Mérion qui a dit que la réforme constitutionnelle de 1987 vise à parachever la construction de l'État enlisée dans les méandres du néo-patrimonialisme et à moderniser des structures étatiques en appuyant sur la démocratie et la décentralisation. Dans la même ligne, Charles L. Cadet (cité dans Valmera, 2021) a écrit que : « la période qui s'ouvre avec la loi constitutionnelle de 1987 constitue théoriquement une rupture dans l'évolution

108 Ces informations sont fournies dans le décret du décret du 16 Février 2005 faisant office de loi organique sur la préparation et l'exécution des lois de finances suivant ses articles 79, 80 et 82. Même si le texte ne renferme pas des précisions sur le concept de faute de gestion.

109

institutionnelle et politique du pays en tant qu'elle inaugure des types de démarche pouvant rapprocher l'État le plus que possible d'un idéal de modernité ». Et dans ses propos, Doré (2002) considère que cette loi mère met fin au corporatisme d'État (p. 108).

L'institution internationale de dénonciation de la corruption TI (2002) précise que « c'est tout un système de contre-pouvoirs et de garde-fous qu'il s'agit de mettre en place pour s'assurer que les organismes et les institutions publiques rendront comptes et garantir le respect des principes fondamentaux contenus dans la loi et dans la Constitution. » (p. 65).

Le résultat d'une bonne gestion financière dépend des institutions de contrôle. Le contrôle permet de mesurer l'efficacité d'une institution. À cet égard, Haïti accuse toutes ses faiblesses. Les différentes institutions telles que : CSCCA, ULCC, UCREF, IGF, etc. ont montré des manquements évidents dans le contrôle des deniers de l'État. La justice, dans son appareillage n'a pas su non plus manifester ses capacités pour réprimer systématiquement les actes de corruption. D'où s'ensuit un cycle infernal d'impunité qui s'érige en système en Haïti.

4.3.-Organisation de l'administration centrale de l'État

Les articles 234 et 234 al.1 de la Constitution de 1987 définissent l'administration publique comme l'instrument par lequel l'État concrétise ses missions et objectifs. Elle est constituée de l'administration d'État et de l'administration des collectivités territoriales. Pour garantir sa rentabilité, elle doit être gérée avec honnêteté et efficacité. Ce qui rejoint un point fort de l'approche normative de la décentralisation.

La loi constitutionnelle a consacré la question de la décentralisation comme une stratégie de développement économique collaboratif avec les différentes entités régionales et locales qui s'alignent dans les efforts à divers niveaux sous l'auspice du pouvoir central. La décentralisation apparait à la fois comme une technique et un enjeu sociétal. Cette Constitution contraint aussi à la marche de pair la déconcentration administrative et la décentralisation. Ainsi, les articles 85 et 86 de la section E se réfèrent à la délégation au niveau départemental et aux vices délégations dans les Arrondissements comme représentants de l'administration centrale ; 61 à 87 définissent des collectivités territoriales, de leurs représentants, de la décentralisation et l'article 217 des finances locales.

110

4.3.1.-Finance dans le processus de la décentralisation

La Constitution de 1987 stipule que les collectivités territoriales jouissent de l'autonomie, administrative et financière (art. 66). L'État fournit un cadre structurel de formation sociale, économique, civique et culturelle dans les Sections communales (art. 64). Dans les rapports entre l'État central et les collectivités territoriales, le principal se matérialise par la question d'intérêt général signifiant la gestion des ressources au niveau administratif et politique (art. 74, 81, 87.2 et 87.4). En cela, Mordacq (2011) soutient que la finance publique est une question centrale dans le pilotage des politiques publiques quant à la soutenabilité des modes appropriés de la bonne gouvernance (p. 41).

En appréciation du partage, du transfert, de l'octroi de pouvoir ou compétence que confère l'État central via la décentralisation aux collectivités territoriales, le principe de subsidiarité109 trouve un canal privilégié pour la consécration de la gestion de proximité en toute connaissance de cause des subtilités culturelles des affaires d'intérêt local dans le souci du bien de la collectivité. Mais la question de fonds fiduciaire demeure un défi à l'effet de la décentralisation. Car, l'administration publique et celle des collectivités territoriales ne suscitent pas de confiance dans la gestion de fonds. Elles ont du mal à émettre des obligations qui les permettront d'attirer des investisseurs. Ainsi, Philippes Bezes et Michel Bouvier (cités dans Valmera, 2021), ont beau essayer de démontrer combien la consolidation financière est importante. Sans elle, l'État (dans le cadre des États unitaires et décentralisés) et les collectivités locales sont en fait des acteurs inactifs du développement. Cette conception trouve une large adhésion. À propos, Alexandre Desrameaux (cité dans Valmera, 2021), accentue son analyse sur les finances publiques qui occupent une place de plus en plus conséquente dans les débats publics. Il avance que sans moyens financiers « appliquer et faire respecter les décisions publiques demeure voeux pieux ». Aussi,

109 Le principe de subsidiarité se précise en importance capitale comme technique de transfert de compétences aux collectivités territoriales à côté des principes de dévolution et de progressivité. Elle constitue essentiellement une technique de répartition temporelle par la division de tâches étatiques attestant l'inefficience dûe à la lourdeur de l'appareil politico-administratif de l'Etat unitaire centralisé, intervient l'action des entités locales disposant d'un délai au cours duquel celles-ci ont été autonomes dans la gestion des attributions de leurs compétences. En effet, la subsidiarité impose une condition à l'attribution de la compétence en assurant la transition entre deux compétences, dans le sens de continuité de service public. Elle se manifeste, en général, lorsqu'un composant n'est pas en mesure de remplir sa mission, un autre palliera son absence ou son échec. L'efficience est une des causes qui peut, en effet, provoquer l'actualisation de la compétence subsidiaire. « Ainsi dans le cas qui concerne essentiellement Haïti, la décentralisation par le principe de subsidiarité répond à un besoin de régionaliser [Privert, Jocelerme. (2006), Décentralisation et collectivités territoriales. Contraintes, enjeux et défis. Editions le béréen, Québec] la gouvernance qui découle par le transfert de compétences aux collectivités territoriales dont leurs capacités sont évaluées par l'Etat central afin de leur permettre d'exercer des attributions que leurs capacités se révèlent suffisantes à remplir. »

111

indique-t-il dans la même veine que « les décisions financières et budgétaires doivent être prises en tenant compte de données politiques, économiques et sociales, nationales et internationales, qu'elles contribuent en même temps à faire évoluer » (p. 38). Les recettes fiscales et les autres ressources propres constituent une part de ressources déterminantes pour les collectivités territoriales.

Enfin, en Haïti, face à la lourdeur administrative qui bloque toute avenue économique de l'État unitaire centralisé, la décentralisation devient un impératif qui pourra - avec les effets probants du principe de subsidiarité - permettre aux collectivités territoriales d'exploiter leurs ressources potentielles et spécifiques pour leur développement. Aussi, s'agit-il d'envisager la décentralisation dans ses dimensions : politique (transfert de fonctions dévolutives à des collectivités), administratives (fourniture de services publics de biens) et fiscales (génération de revenus). En matière de décentralisation, le principe de subsidiarité conduit l'État à déléguer certains de ses pouvoirs aux collectivités territoriales lorsqu'il considère qu'elles sont mieux à même de les assumer, compte tenu de leur proximité aux citoyens. À l'inverse, certaines missions remontent ou restent naturellement au niveau de l'État : diplomatie, défense, police, justice, recherche fondamentale, infrastructures de base, solidarité et cohésion nationale110...

En allant sucer la roue de ces idées, nous pouvons remarquer que la répartition des compétences n'est pas la condition suffisante pour prétendre que l'agent de la collectivité territoriale est le seul responsable du développement de son espace territorial. Donc, l'aide du pouvoir central demeure un outil très utile pour soutenir les efforts des agents locaux (Baguenard, 1980/2006, p. 41).

TABLEAU 2 : TYPOLOGIE DE DÉCENTRALISATION

ILLUSTRATION DES DIFFÉRENTES TYPOLOGIES QUI CARACTÉRISENT LA

DÉCENTRALISATION

Types

Responsables politiques

Responsables de

l'exécution

Provenance du

financement

Déconcentration (Ce

n'est pas la
décentralisation)

Élus nationaux

Agents du

gouvernement central

Budget national

Délégation (Subsidiarité)

Élus nationaux et élus locaux

Agents locaux sont

supervisés par des

Budget local avec ou sans paiements contractuels de

 

110Ces informations ont été fournies sur le site de https://www.toupie.org/Dictionnaire/Subsidiarite.htm,.

112

 

employés du

gouvernement central

l'État, venant du budget national ou local

Dévolution (la

forme la plus

avancée dans le

processus de la

décentralisation)

Élus locaux

Agents locaux de la collectivité territoriale

(incluant des corps
d'employés nationaux)

Budget local : impôt et transfert de l'État central venant du budget national en appui aux collectivités

Source : Ce tableau est complété suivant le modèle tiré du texte de mémoire de Fils-Aimé (« s.d. »)

 

La complexité de l'adoption du modèle de gestion décentralisée implique différents acteurs. Il s'agit de mettre en évidence l'importance des efforts de prélèvement de ressources fiscales. Des actions qui doivent être engagées par l'initiative des agents locaux. Cette attitude est déterminante dans la responsabilité des dirigeants nationaux ou locaux. Ils ont des tâches à remplir qui dépendent d'une bonne gestion des deniers de l'État. À rendre possible la lutte contre la corruption, l'État crée des institutions de prévention et de répression de telles infractions.

4.4.- Rôle de l'État dans la mise en place de la décentralisation : dotation des collectivités territoriales des moyens de concevoir de véritables politiques publiques

Le rôle fondamental de l'État dans la construction sociale peut s'établir dans la décentralisation. Cette oeuvre traduit l'appui nécessaire aux collectivités territoriales dans la capacité de développer des politiques publiques de développement local. Elle s'accentue aussi sur le rôle structurant de l'État dans le processus de la décentralisation. Dans une démarche concrète de décentralisation nous pouvons entreprendre les chantiers d'implémentation du principe de subsidiarité (légitimant les transferts de compétences) puis arriver à la dévolution. Les collectivités territoriales auront connu des étapes qui partent du droit à l'expérimentation111, la péréquation112 pour aboutir à l'autonomie financière, etc. C'est ainsi que le processus de décentralisation doit pouvoir tenir compte de : la spécificité des localités, la diversité dans l'apport des valeurs anthropologiques des groupes sociaux et la rationalisation dans les décisions à adopter.

111 L'expérimentation est un dispositif créé en France consistant à autoriser une loi à une collectivité territoriale d'adapter une politique publique qui ne ressort pas de ses attributions légales pour une période donnée. Cf [ www.vie-publique.fr, « En quoi consiste l'expérimentation législative locale ? » |En ligne en date du 22/02/2021, page consultée 07/03/2023]

112 La péréquation tend à trouver l'égalité dans les ressources des collectivités. Du sens horizontal, elle permet de partager les ressources des collectivités territoriales les plus riches aux plus démunies. Dans le sens vertical, il s'agit à l'État de donner aux collectivités territoriales. Cf [ www.vie-publique.fr, « En quoi consiste l'expérimentation législative locale ? », en ligne le 9/01/2023].

113

Dans cette même veine, Baguenard (1980/2006, p. 23) estime que la décentralisation se mesure à la marge de manoeuvre dont dispose les collectivités territoriales dans l'État unitaire. Elle caractérise une balance sensible qui résulte d'un compromis dynamique entre, d'un côté, des forces centripètes tendant au renforcement de l'unité nationale, et, de l'autre, des forces centrifuges incitant à l'épanouissement de la diversité locale. Sa survie dépend de la vigueur des collectivités territoriales et de la contribution du pouvoir central. Sinon, la décentralisation reste un voeu pieu. La fusion des actions de l'État et des agents de la collectivité territoriale a particulièrement motivé ce travail de recherche dans la mesure où des questions du questionnaire d'entretiens revenaient à détecter l'intervention de l'administration de l'État par le traitement accordé à la 2e Section Lociane dans les différents services publics fournis aux membres de cette population.

4.4.1.-Définition du concept de la collectivité territoriale

Il reste cependant très rare de trouver une définition bien précise du concept de collectivité territoriale. Une tournée est faite vers le professeur Prophète (cité dans Dorisca, 2010, p. 86) décrivant trois conceptions différentes qui ressortent de l'approche de collectivités territoriales :

? Avec la conférence de Rio au Brésil en 1992, elles s'entendent une unité de gestion qui s'imbrique dans des activités économiques, sociales et écologiques.

? Un point de vue sociogéographique s'en dégage avec une société de personnes rassemblées par des filiations sociologiques dans l'occupation d'un espace territorial physique déterminé dont les limites relèvent d'un ordre juridique.

? L'aspect purement juridique démontre la collectivité territoriale comme une entité publique distincte de l'État et dotée de la personnalité morale disposant un territoire. En principe, l'État détient exclusivement de la personnalité morale à travers son espace propre.

Issus de suffrage direct des collectivités territoriales, les membres des collectivités territoriales subjuguent la gestion des collectivités territoriales avec le conseil municipal qui se charge principalement du développement socio-économique de la Commune113. Les administrateurs locaux assurent la garantie de la personnalité morale dans l'autonomie administrative avec la disposition d'un personnel propre et d'un budget propre de la collectivité territoriale. D'où s'ajoutent, selon Boeuf et Magnan (2006, p.7), des compétences propres et l'exercice de pouvoir

113 Le conseil municipal se charge des missions qui se rapportent :1) urbanisme et aménagement du territoire et les services des travaux publics (construction de marchés publics, édifices municipaux, les services d'incendie et de police) ;2) aménagement urbain qui consacre l'embellissement des espaces publics, infrastructure routière, eau potable, politique d'hygiène.

114

de décision délibérative. Ces tâches fondamentales rendent les administrateurs locaux responsables par devant leur électorat de leur gestion locale (Dumornay, 1995, p. 6). Force de l'abstraction faite de la décentralisation territoriale qui s'applique aux collectivités territoriales. La décentralisation s'applique sur l'espace territorial, comme nous l'avons déjà précisé, de la République d'Haïti, instituée à travers la mise en place de trois niveaux de collectivités territoriales y compris leurs nombres (10 Départements, 146 Communes, 571 Sections communales) sur l'étendue géographique de 27,750 km2. Ledit espace géographique est territoire114.

Mais, comme but visé à l'objectif du projet d'étude, l'horizon général de la limite frontalière du territoire de l'État est d'abord considéré. Et puis, toute l'attention est fixée sur la spécificité de la zone frontalière de la 2e Section communale de Lociane, dans ses dimensions socio-économiques et la gestion territoriale. Selon Mathelier et al. (2004) précisant que le territoire, espace sur lequel s'exerce une autorité - celle de l'État - et dont les limites sont fixées par les frontières, est à la fois support et levier du développement. Ce qui conduit à des modes particuliers d'appropriation et de gestion. La composante du territoire se réfère alors à une dimension de limites fixées par les frontières d'un autre État qui se définit avec Max Weber (cité dans Etienne, 2007) :

« [...] il faut concevoir l'État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoire déterminé- la notion de territoire étant une de ses caractéristiques-, revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime. Ce qui est en effet le propre de notre époque, c'est qu'elle n'accorde à tous les autres groupements, ou aux individus, le droit de faire appel à la violence que dans la mesure où l'État le tolère : celui-ci passe donc pour l'unique source du «droit» à la violence. » D'où résulte l'importance de la compréhension de l'État dans sa définition et sa conception.

4.4.2.-Définition fondamentale dans la conception de l'État

Diverses définitions essayent de saisir le concept de l'État. Ce travail se réfère à l'Encyclopaedia Universalis(1989) pour utiliser certaines d'entre elles : « selon Hans Kelsen, l'État est comme un système de normes. Pour Friedrich Hegel, l'État est la substance consciente d'elle-même. C. Frédéric Bastiat, économiste, conçoit l'État comme une grande fiction à travers laquelle tout le monde s'évertue à vivre aux dépens de tout le monde. Raymond Carré de Malberg, dans`Contribution à la théorie générale de l'État' en 1921, pense que l'État est une communauté d'hommes, fixée sur un territoire propre et

114 Dans ses cours en DSD, le professeur Jean Maxius Bernard enseigne que c'est le modèle de subdivision de territoire de l'Italie qui a prédominé dans le monde occidental. En effet, en 1790, les pouvoirs publics français ont imité les circonscriptions ecclésiastiques, établies depuis le IVe siècle à Rome, pour adopter la commune et le département.

115

possédant une organisation d'où résulte pour le groupe envisagé dans des rapports avec ses membres une puissance suprême d'action, de commandement et de coercition.» Cp. 844).

Dans sa réalité conceptuelle, l'État est une idée. C'est qu'il est pensé. D'où résulte son essence. Encore dans l'Encyclopaedia Universalis, est-il précisé que « L'homme a inventé l'État pour ne pas obéir à l'homme. L'État n'est pas un phénomène naturel, comme le clan, la tribu ou la nation. Il est construit par l'intelligence humaine à titre d'explication et de justification du fait social qu'est le pouvoir politique ». Ce pouvoir politique est la consécration d'une mission exercée sur le corps social. L'État est l'une des institutions qui assure l'ordre dans la société. Il se retrouve dans la superstructure politique et juridique (Louis, 2019).

Selon Braud (2004, p. 7) l'État désigne d'une part, une société politiquement organisée, et d'autre part, un pouvoir qui s'exerce en son sein à partir d'un noyau. Encore Hegel voyait-il dans l'État, le triomphe progressif de la Raison dans l'Histoire. Il faisait référence certainement à l'histoire des origines115 de l'État qui remontent aux bouleversements des sociétés occidentales au cours du XVIe siècle.

L'État s'inscrit dans l'ordre des réalités sensibles quoique disparates lorsqu'il s'exerce dans la substance officielle, la sécurité nationale ou l'injonction fiscale. En substance territoriale, il s'incline dans le fait de spatialité agissant par des symboles aux frontières. Des acteurs politiques dirigent l'État. Il est visible à travers des domaines tels que l'éducation, l'infrastructure, la sécurité, la santé, etc. Mais le symbolisme de l'État est plus fort dans les représentations mentales. L'État s'établit dans un ordre constant d'indépendance par rapport à des puissances extérieures. Il s'agit donc de la souveraineté qui s'exerce dans les limites d'un territoire. Selon Foucault (2004, p. 13), la sécurité s'exerce sur l'ensemble d'une population qui a institué un État. L'important est tout aussi le branchement de l'efficacité politique de la souveraineté sur une distribution spatiale.

115 L'histoire des origines de l'Etat est l'objet de bien de controverses. Pour l'essentiel, trois étapes ont été produites à l'engendrement de la forme d'organisation des sociétés humaines : première étape, les groupements des premiers humains caractérisent un besoin de sécurité contre les autres clans ou autres groupes. Par l'ensemble, les décisions sont prises pour organiser la vie de leur groupement ; deuxième étape, quand les membres du groupement deviennent trop nombreux, les liens familiaux se dissolvent ou se disloquent au fur et à mesure que les individus se séparent. L'ensemble pose un nouveau problème dans la prise de décision. Il s'avère donc nécessaire de déléguer un individu ou un petit groupe pour décider pour l'ensemble. C'est la délégation de pouvoir. Mais les règles d'attributions du pouvoir ne sont pas définies. Ce qui occasionne une situation d'instabilité ; troisième étape, à la recherche d'une base stable, permanente et abstraite, l'institutionnalisation du pouvoir s'impose. D'où le dicton : `le roi est mort vive le roi '. La continuité du pouvoir s'organise dans l'Etat. Mais les règles d'attributions du pouvoir posent encore des problèmes.

En marge des connaissances anthropologiques et historiques, les philosophes du XVIIe siècle interrogèrent sur les raisons qui ont poussé à la création de l'Etat. La volonté divine est la réponse facile qui demeurait pendant longtemps. Mais en se distanciant de la métaphysique, cette croyance ne tenait plus avec le temps. Trois théories vont concourir à clarifier l'interrogation : 1) les théories du contrat, 2) les théories du conflit, 3) les théories de la fondation-adhésion.

116

Mais selon l'approche marxiste, L'État sert de support à l'infrastructure économique caractérisant la base de l'activité humaine au profit de groupes détenteurs des moyens de production. Ces derniers dominent l'appareil de l'État au détriment des classes non possédantes par l'exploitation. Revenons-nous en au monopole de souveraineté de l'État qu'il détient et remplit exclusivement dans les attributions souveraines de la contrainte légitime, de la fiscalité et du crédit. Car la souveraineté est un attribut d'État. L'État en Haïti [dit unitaire se définit comme la structure comportant un État sur un territoire à organisation juridique, politique et économique lui conférant l'ensemble des attributions de la souveraineté nationale dans un gouvernement116 (trois pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire)].

Par gouvernement, selon Boyard (2010, p. 31), nous entendons une administration politique qui bénéficie de la puissance publique et de la capacité de commander et de se faire obéir. Et la population est représentée par l'ensemble des nationaux de l'État, c'est-à-dire, par tous les individus jouissant de la nationalité de l'État.

C'est en vertu de telles substantivités que nous pouvons signifier ainsi l'État : diplomatie, défense, police, justice, recherche fondamentale, solidarité, infrastructures de base et cohésion nationale117. Ce sont des champs où interviennent ses actions monopolistiques. Entre autre monopole de l'État, s'inscrivent la dynamique et la complexité des transformations sociales et politiques ainsi que l'articulation du politique et du social, du global et du local dans une perspective de gestion de la sécurité nationale qui connait plusieurs théories notamment celle qui est classique, s'étendant de l'extérieur vers l'intérieur à partir des services diplomatiques externes et des systèmes traditionnels de protection des espaces frontaliers avec des services douaniers et ceux des aéroports et des côtes maritimes.

Entre-temps, des conceptions modernes se développent en la matière avec des mécanismes économiques y compris des outils de technologies de l'information et de la communication. Par l'approche de la sécurité nationale, Joseph (2005) explique que la notion évolue avec le temps pour sortir du clivage classique des notions d'équilibre inter-étatique de rapports de force, de souveraineté et de respect des frontières étatiques. Le paradigme économique a surgit depuis peu. Mais le tiers-monde fait exception aux théories nouvelles de la sécurité nationale. En ce sens, le danger y est de plus de l'intérieur qu'à l'extérieur à cause de l'instabilité politique qui y règne.

116 Voir les articles 59 et 59.1 de la Constitution d'Haïti de 1987.

117 Ces informations ont été fournies sur le site de https://www.toupie.org/Dictionnaire/Subsidiarite.htm,.

117

Ainsi, le clivage classique inter-étatique y subsiste-t-il. En ce qui concerne la frontière dont fait l'objet cette étude, elle se définit, selon Acloque (2022), dans un sens restreint, comme une limite fixée par traité entre deux États. En substance, elle a caractérisé l'apparition des États modernes qu'Etienne(2007) suppose « une rationalisation de domination politique, grâce à l'institutionnalisation de la participation des citoyens à la gestion de la chose publique. »(p.30). Charles Tilly (cité dans Bonazzi, 2009) pense que l'État moderne représente un processus historique de formation d'un noyau autonome. La société féodale s'embourbait dans une crise de structure sociale qui favorisa l'émergence de l'État.

À la fin du moyen âge, l'Europe a connu des transformations socio-économiques qui ont largement contribué à l'apparition de l'État. C'est ainsi qu'il s'opère une mise en relation entre la construction de l'État et la modification de la structure sociale. Il résulte bien une désintégration de la société traditionnelle qui assume beaucoup de résistance d'ailleurs. Un nouveau modèle d'échange s'entend avec l'État qui s'impose avec la division du travail social engendré par le développement économique. Très tôt déjà, l'État se confronte à la limite de la frontière qui détermine la discontinuité entre deux foyers différents d'appropriation territoriale. Alors, la limologie ou science des frontières est, à cet égard, d'un appui très précieux pour la géographie politique. Elle touche au droit, à l'histoire, à la science politique. Mais la frontière, renvoie à une réalité concrète qui en fait un cas intéressant à la géographie qui en étudie donc les conséquences du phénomène `frontière' (Sanguin, 1974).

4.4.3.-Définition des choix stratégiques de développement économique en matière de politiques publiques

L'État se doit de prioriser la définition des instruments qui encouragent des investissements dans des domaines qui relèvent de trois ordres : premier ordre, des investissements sont réservés essentiellement à l'intervention des entreprises privées ; deuxième ordre, ceux qui reçoivent l'intervention des entreprises privées sous la supervision des structures étatiques ; et troisième ordre, ceux qui se réservent dans l'espace de souveraineté nationale. En tout cas, le mécanisme de définition des instruments nécessaires au développement socio-économique et politique ne doit pas échapper à la compétence de l'État.

Ensemble, l'État et le secteur privé doivent s'incliner devant les prérogatives de l'État de droit régissant des rapports de progression dans l'orientation de développement. Cela traduit un

118

processus qui tient ses lignes directives dans la concertation des forces antagoniques interagissant dans la défense de l'intérêt collectif, dans une logique continue de dialogue, de concertation et de consensus. À l'effet d'un tel modus operandi, nous attendons que l'État dégage assez de ressources de toutes sortes qui lui permettront de contribuer à réorganiser la dynamique des structures socio-économiques et politiques au niveau interne. Et, à l'évidence d'implémentation de nouvelles orientations socio-économiques. Haïti tendra ainsi à insuffler une autre dynamique dans ses relations avec les autres pays, en particulier la République Dominicaine. Ces considérations lient intimement la dynamique interne dans les relations avec l'extérieur. Celle-ci se manifeste véritablement par le besoin d'adopter de nouveau paradigme dans la définition de lignes directrices et de priorités comme vecteur de développement.

4.4.4.-Politique publique : de la naissance à l'acception moderne

À l'origine, les politiques publiques ressortent du renforcement des pouvoirs du roi avec la monopolisation sur la fiscalité, la monnaie, la police ou la guerre. Ces fonctions régaliennes vont constituer le socle inébranlable de l'État moderne. Michel Foucault développe la conception de savoirs de gouvernement pour montrer l'ensemble des technologies qui permettent à l'État de gouverner les territoires et les populations. À travers cette gouvernementalisation118, l'État impose sa légitimité par la capacité de faire régner l'ordre, de maitriser les connaissances nécessaires au contrôle de l'espace territorial et d'apporter des services de base indispensables à la population. Le développement fulgurant connu aux États-Unis au cours des années 1950 a essentiellement marqué l'origine de la notion de politique publique. Elle a eu son acception moderne par l'utilisation du mot Gouvernment pour désigner les actions publiques du gouvernement américain.

En Europe, les penseurs tels que Hegel, Marx et Weber ont pourtant bien longtemps mis en exergue le concept de l'État comme institution qui domine la société, la façonne et la transcende. Mais, particulièrement en France et en Angleterre, c'est au cours du XIXe siècle que l'État a commencé à se pencher sur les activités qui entrent dans le cadre de politiques publiques. Les interventions de l'État qui caractérisaient des politiques publiques étaient marquées surtout par la lutte contre les effets du marché capitaliste. Ainsi, Karl Polanyi (cité dans Muller, 2009, pp. 6-8) souligne-t-il

118 Gouvernementalisation est une notion utilisée par Michel Foucault pour désigner la superstructure équipée de l'État qui, dès XVIIIe siècle, se charge de résoudre tous les défis auxquels la population fait face tout en assurant le contrôle sécuritaire sur celle-ci.

119

que les effets de dislocation que l'extension du marché et l'industrialisation entrainent sur la société ont permis à ce que les premières politiques publiques visaient essentiellement le secteur social. Aussi la société de salariat créée par le capitalisme a-t-elle occasionné les interventions de l'État dans le secteur de l'assistance sociale avec l'État Providence.

4.4.4.1.-Caractéristique de politiques publiques

Les politiques publiques ont un caractère sectoriel. Chaque politique publique intervient dans un secteur découpé de manière spécifique de la société pour constituer un objet d'action publique. Deux situations engendrent l'action de politique publique. Dans un cas, le secteur préexiste à la politique. Il s'agit d'une fonction de structuration verticale des rôles sociaux par la définition des règles de fonctionnement, de sélection, d'élaboration des normes et des valeurs spécifiques, de fixation de champ. Dans un autre, la politique provoque un problème dans un secteur d'intervention, il renvoie à ce qui s'est produit avec les politiques sociales.

De toute façon, les politiques publiques ont pour objectif de gérer les déséquilibres provenant de la sectorisation et dans la complexification des sociétés modernes. De même, un secteur peut produire ses propres objectifs de politiques publiques. En ce qui a trait au processus de décentralisation, il participe largement dans la mise en oeuvre de projet de société. Cela implique une administration de l'État définissant les règles et les règlements. Et les acteurs des collectivités territoriales gèrent les objectifs visés par l'implémentation de politiques publiques pour les différents secteurs à divers niveaux.

4.5.-Condition nécessaire à l'implémentation de la décentralisation

La décentralisation prônée dans l'État moderne est considérée par l'assimilation de la logique de Aron (1965, p. 66) à une organisation administrative. C'est d'abord avec des dispositions légales qu'il convient d'envisager sa réalisation. Néanmoins, l'arsenal juridique haïtien en contient un grand nombre de textes. Il faut avoir des cadres théoriques pour orienter le processus de décentralisation. C'est ce dont le travail retient, selon l'auteur, pour réaliser la décentralisation :

? la détermination d'une sphère de compétences spécifiques au profit des collectivités

territoriales ;

? l'autonomie d'action des autorités locales par rapport au pouvoir central, tant pour leur nomination que pour leur révocation ;

·

120

l'autonomie de gestion des affaires119 locales par les collectivités territoriales (Baguenard, 1980/2006, p. 24).

Dans l'interprétation de la Constitution de 1987, Léger(2000) se réfère aux enjeux globaux du processus de la décentralisation sur le plan : administratif, juridique et institutionnel. Il s'agit d'entreprendre un cadre de transfert de compétences du pouvoir central vers des collectivités territoriales et établir un canal de participation de la société civile. À cet égard, des lois et règlements doivent, souligne-t-il, compléter la prescription constitutionnelle pour fixer la répartition des acteurs et leurs attributions. Il est entendu que la participation de la société civile constitue un aspect crucial dans la définition des enjeux et l'édification de la réglementation qui doit désigner entre autres :

· Les compétences administratives de chaque acteur qui distingue l'intérêt général étant du ressort de l'État central et les affaires locales relevant des collectivités territoriales ;

· Le degré d'autonomie à accorder à chaque niveau de collectivité ainsi que les ressources correspondantes à transférer : humaines, financières et matérielles ;

· Le type de contrôle à exercer par l'administration centrale suivant qu'il s'agit de déconcentration, de délégation ou de dévolution ;

· La tutelle est exercée par le pouvoir central, étant donné l'inexistence de hiérarchie entre les collectivités territoriales ;

· Les relations entre les autorités locales élues et la délégation ;

· Les modes de résolution des conflits entre différents paliers de gouvernement local ;

· Les modalités d'implication de la population et de la société civile (p. 95).

Mais ce qui caractérise une partie de la faiblesse de ces théories dans le contexte de la 2e Section Lociane, c'est qu'elles ne tiennent pas en compte des conditions socio-économiques précaires qui ne puissent permettre de disposer des ressources humaines efficaces à même de représenter dignement des collectivités territoriales. Alors, il revient à l'État via le ministère de tutelle à savoir le MICT de se charger de la formation des agents locaux à côté des différentes associations où ils s'affilièrent. Toute la littérature sur cette matière porte à convaincre de l'importance de la compétence et la disposition des ressources humaines dans la défense des intérêts de la collectivité territoriale. Car il est impérieux que les agents locaux soient bien imbus de l'objet sur lequel ils

119 Les affaires locales c'est une notion qui, reposant sur des choix politiques, se révèle tout à fait subjective et complexe à maitriser.

121

doivent se baser pour diriger leur communauté. Ce qui conduira à pouvoir identifier les affaires locales et les distinguer des intérêts généraux.

4.5.1.-Distinction entre intérêt général et affaires locales

L'intérêt général que nous évoquons ci-dessus s'appréhende comme critère transversal et finalisé, déterminé à un but précis. Le corps social, constitué en groupement d'individus, déléguant la souveraineté au gouvernement qui doit assurer l'ordre social et politique. Le but implique à satisfaire les préoccupations des citoyens. Mais entre l'intérêt public qui ressort des compétences de l'État et les affaires locales qu'il délègue aux collectivités territoriales dans des choix politiques, il y a une distinction. La notion des affaires locales est subjective et complexe. Assimilée à une tranche localisée de l'intérêt général. « Les affaires locales n'ont traditionnellement pas d'existence juridique objective. Le critère territorial n'étant d'aucun secours, dès lors qu'il permet seulement de déterminer la sphère géographique d'intervention des autorités administratives.» (Baguenard, 1980/2006, p. 26). La distinction surgit avec l'intervention de l'État qui se fait uniquement dans l'intérêt général.

4.5.2.-Question de l'autonomie de gestion des collectivités territoriales

Sur le plan de leur existence, les organes de pouvoir local s'exercent de manière indépendante du pouvoir central dans une société à organisation politique décentralisée. L'approche de l'autonomie de gestion est donc fonctionnelle. Les organes locaux jouissent d'une indépendance fonctionnelle leur permettant une libre gouvernance (administration) des affaires locales.

Alors la question de la garantie juridique cristallise la reconnaissance de la qualité des collectivités territoriales. Comme personnes morales, les collectivités territoriales représentent un acte de vie juridique. Elles ont des droits et obligations qui leur permettent d'agir en leur qualité d'entité proprement autonome. Qu'il s'agisse de patrimoine et d'engager leur responsabilité. Elles peuvent user des prérogatives de puissance publique. Mais cependant, cette qualité juridique ne garantit pas totalement une réelle autonomie de gestion des collectivités territoriales qui ont obligation de se soumettre aux injonctions des intérêts généraux dans leur ensemble de décisions. Et ces intérêts généraux sont définis par l'État. Néanmoins, les acteurs locaux ont une responsabilité qui les habilite à investir la gestion des collectivités territoriales. Ce qui caractérise encore une plus grande importance dans l'objectif d'une démonstration magistrale de leur utilité dans la dynamique des rapports dans la frontière entre Haïti et la République Dominicaine

122

4.5.3.- Organisation de la Section communale Lociane sur le plan politique

La Section communale est organisée par la loi. Elle est administrée par un organe exécutif : le CASEC assisté d'un organe délibératif : l'ASEC. Ces organes sont élus pour quatre ans avec pour attributions entre autres sanctionner et ratifier la politique de développement de la Section communale préparée et présentée par le CASEC120.

D'après l'article 66 al. 2 du décret électoral 2015. Pour les Sections communales ayant moins de 10,000 électeurs, 5 représentants sont élus. C'est le cas pour la première Section de Matelgate. Pour les Sections de plus de 20,000 électeurs, 9 représentants sont élus. C'est le cas pour la 2e Section Lociane qui avait autant d'élus membres ASEC aux dernières élections sous l'égide dudit décret. À signaler que ses premiers élus CASEC et ASEC ressortirent des élections de 1990.

Par ailleurs, les CT souffrent du manque de dispositions légales qui établissent des appuis formels aux actions des décideurs étatiques dans les milieux ruraux dans le cadre du développement local. Sur ce, nous concluons ce chapitre qui a permis d'élucider les différentes conceptions de l'État. D'où relèvent ses responsabilités de rechercher l'efficacité de son fonctionnement administratif dans le choix de la décentralisation. Cette dernière est assimilée à une côte de la colonne vertébrale de l'étude. Elle implante sa fonction en agrémentant les fondements légaux du processus. Elle agite le rôle prépondérant de l'État qui tient son fondement dans la raison des Hommes, selon Hegel. La décentralisation implique l'orientation dans une nouvelle gestion des espaces territoriaux avec l'accentuation des responsabilités des agents locaux dans l'implémentation de politiques publiques. La capacité dont les autorités locales font montre pour concevoir des politiques publiques de développement local et plus particulièrement pour le développement de la zone frontalière de la 2e Section Lociane signifie une avancée dans notre problématique. L'enchevêtrement des forces agissant sur le terrain de la recherche enjoint le choix théorique de notre approche globale d'analyse. Ainsi, est-ce en fonction du prisme analytique structuro-fonctionnaliste que nous évaluons les résultats de terrains. Pour le prochain chapitre, cette phase traduit les résultats analysés des entretiens semi-dirigés réalisés dans l'étude. Ce qui caractérise également l'étape représentant la structure empirique de l'opération de la recherche.

120 La loi du 4 avril 1996 sur l'organisation de la collectivité territoriale de Section communale fixe à 3 membres de Casec. Et les ASEC dépendent de l'importance démographique soit 7 représentants élus pour un nombre inférieur ou égal à 5000 habitants, 9 pour 5001 à 14999 habitants et 11 représentants élus pour les Sections communales ayant 15000 habitants et plus.

123

Chapitre V. Résultat de l'étude

La présentation des résultats, à partir des données obtenues des séances d'observation et d'entretiens en situation dans la 2e Section Lociane, signifie une partie déterminante dans la présente recherche qui initie la situation particulièrement concrète de l'unité d'étude. Toute proportion considérée, il s'agit d'essayer de comprendre la situation globale des habitants vivant autour des 380 km qui constituent la ligne frontière entre Haïti et la République Dominicaine. À priori, l'analyse tend cependant à éviter de permettre de projeter une idée qui transcende le problème dans la recherche des liens de causalité en vue de soutirer des pistes de solution. D'où, par l'effet induit, le dynamisme transposera un phénomène de changement de vision sur le reste du territoire qui abrite la population entière. Sur ce point, il s'agit de rechercher la justification de la pertinence des instruments de mesure et validité de l'étude qui s'accentue dans la confrontation de données significatives qui ressortent de la collecte de données sur le terrain de la recherche. La démarche est orientée par la problématique de l'étude qui évoque les corrélations possibles entre des faits, des acteurs et les composantes des conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane dans la dynamique de la décentralisation prônée par la Constitution de 1987.

La recherche par méthodes mixtes à conception de systèmes embarqués121 permet de collecter et d'analyser des données qualitatives et quantitatives simultanément au sein de cette étude pour répondre à la question de recherche. Une grande préoccupation est donc portée sur la présentation de tableaux chiffrés qui serviront d'indicateurs quantitatifs d'une situation qui garde en considération, avant tout, ses aspects qualitatifs dans la représentation des conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane. L'accent mis sur les données concrètes démontre un paramètre important des indices ou des tendances caractérisant le fondement de la recherche à la fois quantitative et qualitative à vocation objective.

C'est ainsi que nous nous référons à des illustrations dans des tableaux à chiffres pour permettre une plus grande précision de rigueur dans l'énonciation des appréciations analytiques. Cependant, il faut signaler que les chiffres ne permettent pas de saisir toutes les réalités sensibles à la qualité de vie et du vécu des gens.

121 En vue d'acquérir une compréhension approfondie et étendue des conditions socio-économiques des paysans de Lociane, cette conception de recherche se révèle une option bien logique par rapport surtout à la problématique en question. www. voxco.com.Qu'est-ce-que la recherche par méthodes mixtes ? Site consulté en juin 2023.

124

Le tableau ci-dessous affiche la présentation de la répartition des cinquante-et-une (51) personnes qui ont répondu aux questions de nos entretiens. Chaque localité contient un nombre de répondants qui ont participé au travail de recherche. Cela constitue l'échantillon de la population de la recherche à partir des séances d'entretiens semi-dirigés conduits sur le terrain (constitué de sept localités) de cette recherche au cours de la semaine du 26 au 30 décembre 2022.

TABLEAU 3 : PRÉSENTATION DE LA RÉPARTITION DES RÉPONDANTS AUX ENTRETIENS

Présentation de la répartition des répondants aux entretiens

Localités (terrains)

 

Nombre de répondants

Savane Mulâtre

 

9

Carrefour Suzely

 

8

Malary

 

7

Terre Blanche

 

9

Nan Croix

 

8

Boc Banic

 

5

Don Diègue 2

 

5

Total : sept (7) localités

 

51

Source : Frantz Isidor dans le cadre de ce travail de recherche

5.1.-Rapport de proximité des autorités de la collectivité territoriale avec la population

Les autorités locales contribuent fortement à la gestion de proximité qui s'établit dans la fourniture de services de base aux populations. Le rapport de proximité est une valeur indicatrice de la prise de connaissance des besoins en vue d'apporter des réponses nécessaires. Cela entraine la mise en application de la théorie des parties prenantes qui s'applique dans la vigueur des agents locaux et la volonté politique des gouvernants centraux.

Le tableau ci-dessous (présenté à la page suivante) essaie de démontrer le sens de responsabilité que les autorités de la collectivité territoriale manifestent envers la population qui est leur mandant. L'enjeu est que par l'entremise des agents locaux, l'État accentue sa présence de proximité qui est à même de mieux permettre la satisfaction des besoins des couches de base. D'ailleurs, c'est un moyen privilégié de partager des informations. L'information un outil essentiel dans l'implémentation du processus de décentralisation. Elle doit être envisagée sous tous les angles : information technique, économique, politique, juridique, commerciale, fiscale.

125

C'est pour cela que Beaudoux(2000) estime que tous les moyens sont à mettre à disposition des paysans et des acteurs locaux pour établir des canaux de transmission d'information : radio, presse, technicien de contact, réunion d'information122, les NTIC et même des centres d'information (p. 31). Cette démarche renvoie à l'expression de la manifestation d'une volonté politique de l'inclusion des paysans. Mais, malgré l'absence à l'infini de volonté qui puisse exister, les contraintes des possibilités de l'économie discursive sont évidentes pour ce qui concerne les autorités locales de la 2e Section Lociane. Les instances locales ne montrent pas l'évidence de la capacité d'action dans la recherche de la complémentarité des forces actives pour établir des rapports directs de discussions sur les conditions socio-économiques des paysans. Les réactions révoltantes des paysans de Savane Mulâtre vis-à-vis des autorités locales démontrent clairement le bien-fondé de cette interprétation analytique.

TABLEAU 4 : TENDANCE DE RAPPORT ENTRE LES PAYSANS ET LES AUTORITÉS DE LA

COLLECTIVITÉ TERRITORIALE

Tendance de rapport entre les paysans de Lociane et les autorités de la collectivité territoriale

Localité

Proximité des paysans

avec les instances locales

Boc Banic

Savane Mulâtre

Carrefour Suzely

Terre Blanche

Nan Croix

Malary

Don Diègue 2

% de répondants ayant constaté la présence des agents locaux

20%

0%

11.11%

37.5%

12.5%

0%

0%

% de répondants ayant jugé qu'ils sont parfois présents pour eux

40%

0%

22.22%

25%

25%

42.85%

0%

% de répondants

reconnaissant la présence des agents communaux pour capture d'animaux

0%

0%

0%

0%

0%

14.28%

40%

% de répondants avouant leur déception des agents locaux qui sont toujours absents

40%

100%

66.66%

37.5%

66%

42.85%

60%

Total

100%

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Source : Frantz Isidor dans le cadre de l'étude

122 La rencontre avec les mandants est une méthode que les élus doivent tenir compte suivant la logique de Beaudoux Etienne, dans son papier intitulé Accompagner les ruraux dans leurs projets. Éditions L'Hermattan, Paris, France, 2000.

126

Le tableau ci-dessus contient une double entrée qui comprend en horizontale les localités incluses dans le champ d'étude et en verticale, la tendance de rapport de proximité que les autorités locales développent avec la population.

Cette présentation fait état de la relation que les autorités locales étant les maires, les membres de Casec et Asec développent avec leurs mandants. La logique active de l'empowerment qui embrasse toute la spécificité du développement local exige de l'inclusion des paysans. D'ailleurs, c'est en établissant des ponts de dialogue que le processus d'intégration se renforce.

Suivant les données disposées au cours du travail, dans toutes les localités, une énorme déception de la population se dégage vis-à-vis des agents locaux qui ne manifestent pas grand intérêt à rester en contact avec la population. Le rapport de ces données interprétées confirme les propos des paysans qui ont dit que les agents locaux ne se soucient pas d'eux. La totalité des répondants à Savane Mulâtre avouent que les autorités locales ne sont pas disponibles pour eux. À Don Diègue 2, la déception par l'absence des agents locaux est à 60% des répondants, et les 40% ont fait état de la présence des employés du service de capture d'animaux de la Mairie qui interviennent au cas échéant. Terre Blanche reste l'endroit où il y a moins de déception sur la présence des agents locaux avec 37.5%, suivi de Boc Banic qui est le lieu natif natal du dernier maire principal, devenu agent exécutif intérimaire depuis 2020. Les 40% des répondants de la population interrogée à Boc Banic ont pourtant avoué leur déception des rapports que les agents locaux ont développés avec la population après leurs élections. Les 42.8% des répondants dans la localité de Malary ont aussi évoqué le sentiment de déception.

À Carrefour Suzely et à Nan Croix, les répondants, respectivement à 66.6% et 62.5% ont exprimé le niveau de déception qu'ils éprouvent à l'égard des autorités locales. Les 14.28% des répondants de Malary ont fait état de la présence des agents communaux de capture dans la localité. Et 42.8% des répondants de Malary admettent qu'ils ont parfois contact avec les autorités locales. Les 40% des répondants de Boc Banic ont admis le même jugement.

À égalité parfaite de 25% des répondants, des localités de Terre Blanche et de Nan Croix ont manifesté leur indulgence envers des agents locaux qui sont parfois disponibles pour eux. À Carrefour Suzely, 22.22% des répondants éprouvent un bon sentiment pour les élus locaux qui sont parfois disponibles pour eux.

Dans la pleine satisfaction de contact avec les agents locaux, Terre Blanche détient 37.5% de répondants qui avouent garder de bon sentiment dans ce sens. Pour sa part, Boc Banic compte 20%

127

des répondants qui abondent dans le même courant de satisfaction. 12.5% de répondants de Nan Croix portent un élan élogieux des rapports développés avec les agents de la collectivité territoriale. Enfin, 11.11% des répondants de Carrefour Suzely partagent l'enthousiasme sur les bons rapports avec les agents locaux qui se montrent présents pour eux. Mais le nombre de répondants affichant leur insatisfaction est largement supérieur par rapport à cette portion de gens montrant une certaine satisfaction dans leur relation avec les élus locaux.

Le constat des observations nous amène à questionner comment des paysans de la 2e Section Lociane peuvent-ils établir de bonnes relations avec leurs élus locaux ? Dans la foulée de ses mécontents de la gestion catastrophique des autorités locales, il y a une remise en question de la décentralisation dans cette Commune et ses Sections subséquentes. Est-ce que la décentralisation est-elle déjà en train d'être implémentée dans cette circonscription ? Autrement dit, est-ce que c'est la mauvaise gestion des dirigeants locaux qui caractérise une telle insouciance ? Lorsque les autorités des collectivités territoriales ne se sentent pas obligées de marquer une présence soutenue auprès de leurs mandants qui sont majoritairement des paysans comment arrivent-elles à planifier des projets de développements pour ces derniers ? Ces données évoquées ci-dessus démontrent toutes les difficultés de la possibilité d'accorder des acteurs locaux dans une dynamique de conjonction de la force indispensable au développement local.

5.2.-Certains aspects anthropologiques du politique

L'analyse anthropologique du comportement du dirigeant politique présente toutes les difficultés qu'il y ait pour établir de bons rapports entre les gouvernants et les gouvernés en Haïti. Entre une foule de promesses farfelues des campagnes électorales et la gouvernance politique après les élections il y a un fossé abyssal. Le dirigeant politique haïtien n'a jamais manifesté une grande culture relationnelle et communicationnelle avec leurs mandants dans l'expression de la vérité. Le souci de dire la vérité est une manifestation de responsabilité. Il ne s'agit pas d'interdir de donner de l'espoir. Mais il est nécessaire de faire des promesses réalistes. En ce sens, Habermas(1988), pense qu'on peut vouloir penser une issue, mais on ne peut l'imaginer à n'importe quel prix.(p. ii). C'est pour cela qu'il est indispensable d'avoir une société civile qui s'engage dans les affaires publiques pour servir de contre-pouvoirs aux pouvoirs publics. Les paysans de la 2e Section Lociane expriment largement leur déception vis-à-vis des élus locaux. Elle dérive des diverses promesses non tenues, de l'abandon des localités.

128

Le devoir d'informer de tout ce qui se fait et d'enquérir des données sur les conditions de vie de la population est du ressort de la collectivité territoriale et d'autres instances concernées. Cette pratique permet de prendre des décisions qui répondent aux besoins réels de la population concernée. Dans la 2e Section Lociane, l'agent communal de capture d'animaux intervient pour sanctionner dans certains endroits comme à Don Diègue 2. C'est un rapport vertical qui exprime le sentiment de l'État de chef haïtien sans redevance envers la population. L'auteure Donner(1998) eut à dire que le « chef de section est l'image du souverain qui fait et défait de ses propres volontés. » Cette caricature semble être bien incarnée dans la psyché de l'agent communal et d'autant plus dans le milieu rural.

Ces données analysées et interprétées ont démontré dans une logique quantifiée d'une vision du comportement de l'autorité en Haïti à l'aide de l'état des lieux dans la 2e Section Lociane dans la période donnée. C'est ainsi qu'il s'avère très important d'essayer de pénétrer le fonds de la manifestation de la responsabilité que le paysan s'attribue dans la démarche naturelle de la production de facteur de développement local.

5.3.- Responsabilité manifestée par le paysan dans la sphère du développement local

Le développement, comme objectif et processus présente une forte incarnation de la vie sociale. Depuis l'adoption de la Constitution de 1987, les acteurs locaux s'entendent davantage à se réunir dans la défense d'un objectif précis pour leur communauté. Cette nouvelle approche est à même de créer le leadership nécessaire qui puisse conduire à faire émerger l'intérêt commun pour des activités de développement local. La transcendance de la conduite dans le sens de la responsabilité renforce les instruments de confiance. De là, ressort la vision stratégique qui dépend de l'autorité d'organisation. Les paysans de Lociane se proposent d'assumer leurs responsabilités dans leur devoir de citoyen pour vivre dans leurs localités. La plupart de ces localités évoluent en dehors des soucis des autorités de la collectivité territoriale. Les récits de certains leaders communautaires expriment fort éloquemment l'état mental du paysan. En appréciant les propos de Dérévil, 45 ans, natif natal de Savane Mulâtre, il convient de maitriser la psychologie sociale du paysan qui est déterminé à affronter son destin. Ce paysan s'entend de toutes ses forces pour dire « qu'il lui importait avant tout de s'organiser pour vivre dans sa localité ». C'est un symbolisme de conviction dans la combativité nécessaire à tout patriote. Peut-il s'agir d'un sentiment d'éveil et de vigilance ? Ces propos insinuent aussi combien les liens du terroir sont forts dans les

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représentations mentales et sociales. C'est la démonstration des caractéristiques essentielles de la vie collective selon Aron(1965). Le paysan essaie à sa manière d'orienter les phénomènes politiques en attirant le regard des agents locaux sur les problèmes auxquels il est confronté. Par la même occasion, il espère soutirer un engagement de la part de l'État par l'effet d'un soin plus attentif sur la paysannerie.

La vigilance du paysan est une preuve qui signifie que leur situation ne les affaiblit pas. Jean-François (2021, p.114) a repris la grille de lecture de Roger C. Mill à propos du leadership dans les communautés pauvres. Il s'agit d'un paradigme qui met en évidence des efforts cérébraux qui permettent de transformer en énergies positives toutes les mauvaises perceptions qui tendent à compliquer la réalité. Il importe de dominer les forces vibrantes qui cristallisent l'engagement des citoyens en interaction avec la communauté dans une induction de propagation de la confiance et de l'équité dans la revitalisation des stratégies de développement.

Cette approche s'avère intéressante à prendre en compte dans le contexte de la 2e Section Lociane qui, plongée dans l'atmosphère de réflexion de développement local, a besoin d'activités économiques substantielles pour intégrer les masses paysannes dans l'implémentation des décisions qui les concernent à cet égard. Néanmoins, des encadreurs techniques qui maitrisent le monde rural seraient aptes à stimuler les leaders paysans dans un apport méthodique d'organisation communautaire participative. Bien évidemment, plusieurs résultats y seraient attendus. En effet, cela pourrait commencer par aider les producteurs agricoles à rééquilibrer les rapports d'échanges commerciaux sur la frontière.

Dans ce registre, nous pouvons signaler que le fond du rapport commercial que les paysans de Lociane entretiennent avec les Dominicains est très désavantageux pour les producteurs agricoles haïtiens. D'où résulte toute l'importance du besoin de regrouper les forces dans des structures organisationnelles pour permettre de mieux défendre des intérêts communs. C'est ainsi que nous avons pensé à saisir la tendance à l'organisation sociale dans cette zone. L'organisation est cette forme de regroupement social d'individus qui sont en interaction. Un même but collectif y est fixé en dépit des divergences des individus sur des choix préférentiels, des informations, des intérêts et des connaissances dont ils peuvent disposer personnellement.

130

5.4.- Organisation sociale à Lociane

L'organisation est une structure capitale dans la détermination des objectifs clairs et précis à atteindre ou à réaliser. La définition des règles impersonnelles valables pour tous est une force pour assurer la cohésion et la fonctionnalité d'une organisation. L'adhésion des participants à une organisation dépend largement des objectifs visés, des personnes porteuses de la parole dans la direction de l'organisation et le mode de fonctionnement qui trouvera un écho dans la population. Les propos tirés des entretiens avec les paysans de la 2e Section Lociane, nous enseigne aussi de l'importance de la capacité de la régénération en permanence d'une organisation. C'est ainsi que comprendre la participation de ces paysans dans des structures organisationnelles revient à considérer certains de ces facteurs intrinsèques de l'organisation en question elle-même.

TABLEAU 5 : TENDANCE DE PARTICIPATION DES PAYSANS DANS LA VIE ORGANISATIONNELLE

Tendance de participation des paysans dans la vie organisationnelle

Localité

Participation

à la vie
organisationnelle

Nan Croix

Terre Blanche

Savane Mulâtre

Carrefour Suzely

Malary

Boc Banic

Don Diègue 2

% de répondants

étant membres
d'une organisation

37.5%

11.11%

11.11.%

12.5%

14.28%

0%

0%

% de répondants
ayant été membres
d'une organisation

0%

0%

22.22%

12.5%

0%

20%

0%

% de répondants

ne faisant pas

partie d'une
organisation

62.5%

88.88%

66.66%

75%

85.71%

80%

100%

Total

100%

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Source : Frantz Isidor

131

Le tableau ci-dessus contient une double entrée qui comprend en horizontale les localités incluses dans le champ d'étude et en verticale, la tendance de participation à la vie des activités des organisations. Elles peuvent être de n'importe quelle nature : politique, sociale et communautaire.

Ce tableau exprime en gros l'état de non adhésion de la totalité de la population de répondants de Don Diègue 2 à la vie d'organisation. Plusieurs raisons peuvent se prêter à des hypothèses pour comprendre le pourquoi de cette tendance allant dans la même direction pour toutes les autres localités, quoique dans des proportions moindres. 88.88 % des répondants de Terre Blanche, 85.71% à Malary, 80% de ceux de Boc Banic, 66.66% de Savane Mulâtre et 62.5% de ceux de Nan Croix expriment leur état de personnes n'ayant pas fait partie d'une structure organisationnelle. C'est une donnée assez évocatrice lorsque l'on sait ce que représente l'organisation dans la vie collective.

Pour des répondants qui ont été membres d'une organisation, 22.22% en sortent de Savane Mulâtre. S'ensuivent Boc Banic avec 20%, et enfin, Carrefour Suzely comptant 12.5% des répondants qui ne manifestent plus d'intérêt pour faire partie des structures organisées. Du côté de la vie idéale de l'évolution organisée des membres de la communauté, Nan Croix compte 37.5% de paysans répondants qui ressentent plus d'importance à ce sujet. Dans cette catégorie, Malary compte 14.28% de répondants, et 12.5% pour Carrefour Suzely. À proportion relative, Terre Blanche et Savane Mulâtre affichent également 11.11% de répondants dans ce travail. Les répondants attestant qu'ils sont membres d'organisation partagent les deux structures organisationnelles qui sont parmi les plus influentes dans la zone, à savoir : MPP et OJUDT.

Il faut remarquer que l'intégration des structures des organisations communautaires ne relève pas de la volonté du paysan en soi. C'est un travail qui concerne les leaders communautaires qui doivent sensibiliser les paysans sur cette nécessité. Et l'adhésion des paysans se fera en fonction de la confiance que lui inspire les objectifs de l'organisation et surtout les qualités du leader dans ses pratiques. C'est pour dire que le besoin, même s'il se fait sentir, il est difficile de demander au paysan de le combler. Toutefois, il ne faut pas écarter des possibilités d'expérimentation. Ainsi, avons-nous trouvé l'initiative de Pierre Onès, dans la localité de Nan Croix, avec une Organisation pour le Développement des Paysans de la 2e Section Lociane (ODPSL). L'esprit de regroupement est présent, mais que dire de la capacité de management. Pour ce qui concerne des organisations coopératives, nous n'avons pas relevé de cas de leur existence. Avec quelles compétences les leaders communautaires pourront-ils s'organiser pour forcer l'État et les agents locaux à assumer

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leurs responsabilités vis-à-vis de leurs milieux ? À propos, Mengin(1989) souligne que les populations vivant dans les milieux marginalisés, comme acteurs, ont grand intérêt à saisir la dimension du processus de développement local en vue de prendre leur destin en mains (p. 24). Aussi en ajoute-t-elle, c'est un important outil politique en termes de moyen de mobilisation des ressources locales matérielles et humaines (p. 22).

La plus forte proportion de répondants qui ne participe pas aux activités organisationnelles est une démonstration assez significative. Cela prouve qu'il y a une certaine difficulté pour compter sur la seule capacité des paysans de cette Section communale pour tout réaliser en matière d'organisation sociale. Or, le développement local compte beaucoup sur l'organisation sociale. Cette situation conforte une raison qui corrobore l'intérêt que nous avons démontré tantôt pour que des agents des le caractère difficile du contact entre le paysan et les institutions de développement. Néanmoins, le milieu d'intersection recoupe dans une stratégie participationniste123 qui dépend de l'objectif poursuivi dans la relation acceptant l'apport réflexif du paysan dans l'instance décisionnelle. Par ailleurs, l'une des meilleures façons permettant de manifester la force dans les affaires publiques d'une communauté est la teneur du niveau d'organisation sociale. C'est pour cela que collectivités territoriales, aidés des spécialistes de développement, puissent se mettre en portefaix du poids de la cause du développement des localités qui se trouvent dans cet état. Cependant, Olivier de Sardan (1995, p. 165) tente de démontrer que les structures organisationnelles constituent des outils importants pour la mise en place ou le montage des pièces essentielles du fonctionnement de la vie collective. Le rapport de dépendance existant entre vie collective et structures organisationnelles est la base sur laquelle puisse être construit l'édifice de la force des acteurs paysans pour déterminer leur capacité de participation.

Mais le paysan de la 2e Section Lociane est livré à lui-même. Cette situation ne fructifie pas le temps qu'il consacre dans son projet de vie. Une collaboration s'avère nécessaire. Subissant unilatéralement le poids de l'infrastructure économique prédatrice, le paysan admet que l'heure d'un dialogue s'impose pour une conjonction d'intérêt. Le besoin d'organisation de la force paysanne est pressant. Il est tant espéré que des coopérations puissent s'établir avec des organes extérieurs pour implémenter des projets de développement local en appui à des filières agricoles

123 C'est une expression utilisée par Sardan pour signifier l'intégration du paysan dans le noyau décisionnel.

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et même en appui à des organisations rurales autonomes. Notre propos tient fortement à Engels (1998, p. 50) évaluant que la force de production dont dispose l'humanité est immense. Cette considération optimise la possibilité d'accroître indéfiniment le rendement du sol en y combinant l'apport du capital, du travail et de la science. Cette approche a trouvé une relance systématique dans la théorie de développement économique de Robert Solow démontrant que les facteurs : capital (investissement), le travail (main-d'oeuvre, population) et le progrès technologique permettent aux pays de croître à un taux élevé à long terme. Ainsi, c'est l'oeuvre de la force conjuguée qui doit s'appliquer pour changer la dynamique dans les termes d'échanges dans la zone de frontière de la 2e Section de Lociane.

5.5.-Représentation du commerce des produits agricoles dans la frontière de la 2e Section Lociane par rapport à la dynamique interne

La frontière est considérée par la majorité des paysans de cette Section communale comme une opportunité majeure de développer des affaires commerciales. Elle caractérise, en un sens, un territoire entrepreneur pris dans le contexte de la 2e Section Lociane, étant organisé et exploité uniquement pour ses ressources où les seules potentialités économiques y sont prises en charge, selon l'avis de Dorvilier (2011, p. 33).

Pour les paysans de la 2e Section Lociane, la frontière est une notion que l'on désigne de `nan fwontyè ' ou ` fwontyè a '. La frontière est atteinte par plusieurs passes. Les débouchés commerciaux représentent une grande opportunité et intéressent beaucoup les Haïtiens de cette zone. La frontière, selon les réflexions de Sodner Pierre, 42 ans, paysan de Nan Croix, est un espace d'opportunités pour développer les activités commerciales ». L'activité commerciale relève d'échange de produits. Dans ce cas-là, nous avons vu que le paysan de la 2e Section de Lociane ne produit pas beaucoup pour échanger. Et d'autant plus que ses moyens de négociation dans les termes d'échanges commerciaux sont très limités.

Les principaux produits agricoles qu'il vend aux Dominicains sont le pois congo, la pistache et le maïs. L'activité commerciale relève d'échange de produits. Ces derniers doivent être engendrés dans les conditions favorables à un rendement maximum par le rapport de production et les ressources engagées. Même pour considérer le secteur agricole qui concerne la 2e Section Lociane. Mais la production agricole de cette zone dépend des aléas de la pluviosité annuelle. Donc, elle accuse une grande fébrilité qui engendre sa diminution constante au fur et à mesure que les

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problèmes environnementaux exposent un régime climatique qui allonge la saison de sécheresse. D'ailleurs, la 2e Section Lociane est l'objet de la pratique d'abattage systématique des arbres pour le commerce de charbon. Sans aucune intervention de l'État en matière de reboisement ou de protection de l'environnement, la frontière reste la seule solution de survie pour la majorité des paysans. Raymond, 54 ans, paysans de Boc Banic, « regrette que les paysans haïtiens ne disposent pas d'accompagnement nécessaire dans le crédit agricole pour pouvoir financer l'achat de matériels agricoles plus ou moins modernes tels que pompe d'irrigation, tracteur agricole, etc. Ce qui leur permettrait d'intensifier la production agricole. Cela permettrait également la rentabilité économique dans la vente aux Dominicains et au marché intérieur ». Mais pour le moment, ajoute-t-il, nous faisons le jeu des Dominicains qui contrôlent presque tout, le prix d'achat et le prix de vente de tous les produits qui viennent dans le marché124 binational. Il en rajoute pour dire « Nous les Haïtiens qui venons vendre sur le marché binational, nous avons parcouru un long chemin difficile à mototaxi ou à dos d'âne. Il n'y a pas moyen de conserver nos produits périssables. Il n'y a pas d'autres moyens que de vendre si nous ne voulons pas tout perdre. »

Cependant, une chose attire notre attention dans les propos de Raymond. Ce n'est pas tant l'aspect de rentabilité qui le pousse dans la relation commerciale avec les Dominicains, c'est en réalité une obligation. Il n'y a pas d'autres alternatives. Il y a aussi une impuissance face à une situation qu'il ne contrôle pas. Une rage intérieure le ravage dans le fait qu'il doit vendre ses produits aux prix imposés par les Dominicains sur les marchés de la frontière. Par contre, les Dominicains vendent généralement les leurs aux prix qu'ils veulent eux-mêmes. Les conditions en place ne permettent pas aux Haïtiens de pouvoir trop jouer sur la loi de l'offre et de la demande. Les Dominicains savent bien que les Haïtiens sont dans des conditions précaires. Raymond insinue que « c'est l'augmentation de sa production qui peut lui permettre de vendre plus pour pouvoir entrer beaucoup plus d'argents qui permettront de subvenir à ses besoins familiaux ». Mais ce n'est pas sa condition de vente qui va être améliorée pour autant. Au prix de 650 à 700 pesos le quintal du pois congo, il n'y a pas un bénéfice tiré par rapport au travail consenti dans les champs d'exploitation agricole.

124 Le marché facilite la commercialisation des denrées agricoles et les produits manufacturés. Il constitue un ordre organisationnel plus ou moins rigoureux. Les évantaires et les tonnelles se rangent par niveau de spécialisation. Ainsi nous avons des jours de marché dans la 2e section de Lociane et dans la zone frontalière : Jeudi, Hato Viejo ; Mercredi, Boc Banic ; Dimanche, Banica.

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Le paysan va vendre personnellement ses produits agricoles sur le marché frontalier. Il n'y a pas une instance intermédiaire qui pourrait permettre de tenir le cours du marché. Si une organisation de type de coopérative est disponible à pouvoir intervenir dans le marché intermédiaire dans l'objectif de procéder à l'achat des produits des paysans et qu'elle allait en revendre aux Dominicains, peut-être arriverait-elle à jouer sur l'offre et la demande, parce qu'elle serait en situation de monopole. Nous savons bien la force de l'organisation dans le marché économique. Mais lorsque plusieurs petits paysans vont peser à la vente125, il n'y a pas une force réelle pour tenir le cours du prix des produits. La division fait l'affaire des Dominicains. Le faible niveau d'organisation des paysans dans ce milieu démontre toutes les difficultés qu'ils éprouvent pour contrebalancer l'influence des Dominicains dans les échanges commerciaux. Bien entendu, ce n'est pas le principal facteur explicatif de cette problématique, mais il va de soi que l'organisation joue un grand rôle de nos jours dans le marché de l'offre et de la demande.

5.6.-Impact de l'importation des produits agricoles sur la production du paysan haïtien

La paysannerie recoupe de facteurs économiques systémiques à une typologie d'organisation sociale. L'espace qu'occupe le paysan est façonné par son rapport avec ses obligations envers ses membres de famille et les détenteurs des pouvoirs qui l'entourent. Le paysan haïtien est livré à lui-même depuis l'indépendance. Bastien (ibid.) souligne qu'il n'attend rien de l'État. Il est un auto-employeur qui dirige ses affaires agricoles et y réalise les travaux avec ses proches. Il est aussi institué la pratique du coumbite126 qui facilite le partage de la force de travail. À partir de ses expériences, il développe un savoir-faire, des moeurs et coutumes qui intègrent son propre être dans son naturel état. Cet être travailleur, économe et sobre dont la diminution de la rentabilité de sa production agricole entraine de plus en plus sa dépendance vis-à-vis de l'étranger.

La production diminuant accentue l'importation qu'entraine l'inflation accusant la régression de la qualité de vie des paysans. À ce propos, nous relevons, selon Paul (2016, p.13), l'accentuation de l'inflation qui s'accroit avec l'importation des biens et services résultant de l'adoption du

125 Il y a un autre problème d'ailleurs relatif au statut du paysan qui n'est commerçant. En aucun cas, il ne saurait être capable de participer à un appel d'offre de l'État. En fait, c'est une autre paire de manche que cette étude ne traite pas.

126 Rémy Bastien désigne en l'expression coumbite ou combite, la forme d'entraide communautaire de travail sans rémunération qui implique des voisins non apparentés. Mais André-Marcel d'Ans considère que de nos jours, le paysan assimile le combite comme un ensemble de manouvriers de statut socio-économique inférieur qu'on rassemble à l'influence plus ou moins de force pour aller travailler gratis, simplement en échange de sa nourriture.

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système de change flexible127 en Haïti au cours des années 1990. En ce sens, O. Deshommes (2014, p.18), souligne que les paysans sont submergés par l'invasion des produits importés des pays qui pratiquent souvent une politique de dumping commercial. Ils meurent tranquillement et constatent avec impuissance l'anéantissement de leurs facteurs de production locale.

Aucune politique publique en vue d'augmenter la production du pays n'a été conduite pour juguler le phénomène de cherté de la vie qui affecte considérablement la population et particulièrement les paysans des zones reculés. La dépréciation de la monnaie nationale est aussi caractérisée face au peso dominicain qui s'applique dans les échanges sur les marchés des zones frontalières.

Selon l'analyse de Paul (2016, p. 13), les facteurs contributifs à une telle situation résident surtout dans : le déséquilibre de la balance des paiements, le financement du déficit budgétaire, etc. À cet égard, nous avons tantôt souligné la pertinence de la nécessité de définir des priorités en disposant des allocations budgétaires en vue d'exécuter des politiques publiques productives de développement. Mais en réalité, Haïti se confronte à de graves difficultés à la consolidation budgétaire. Cela signifie qu'elle n'arrive pas à réduire son déficit budgétaire. Un véritable gâchis réside dans la dépense publique, la collecte des recettes et la valorisation des ressources publiques. En nous référant aux raisonnements de Laleau (2020, p. 85), nous nous accordons sur le fait qu'Haïti s'attache prioritairement à financer les importations au lieu de disposer ses ressources à la propulsion de l'investissement privé où la création d'emploi et de richesse dans les secteurs productifs jouent le rôle prépondérant à travers les petites et moyennes entreprises dans les milieux ruraux. Ces préoccupations correspondent bien à la théorie de la dépendance dans les stratégies de développement qui fixe un rôle prépondérant de l'État dans la production de facteurs de fourniture des biens et services afin de réduire la dépendance sur les marchés extérieurs.

Concernant la 2e Section Lociane, les paysans possèdent des stratégies économiques qui s'établissent sur la petite production marchande128 et les mécanismes sociaux répondant aux mutations sociales et économiques. Mais cependant, l'espace vide dans lequel ils évoluent exige

127 Paul, J E., La décote de la gourde face au dollar. Quelques pistes pour sortir du marasme économique actuel. Editions C3, Delmas, Port-au-Prince, Haïti, 2016.

128 Le concept de petite production marchande est l'émanation de Marx qui décrivait la condition des paysans français après la révolution de 1789. Karl Marx considérait les petits lots privés que les paysans exploitent en fonction de leurs moyens de production. Cf [Gabriel Gbénou, Le revenu paysan.Entre la logique sociale et la raison utilitaire, Editions Presses de l'Université Laval, Québec, Canada, 2010, op. cit., 138].

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bien des services qu'ils ne peuvent pas se procurer dans les meilleures conditions sans l'intervention de l'État.

5.7.-Accès aux services vitaux 5.7.1.-Eau

L'accès à l'eau potable est le problème majeur auquel est confrontée presque toute la population qui vit dans la 2e Section Lociane. Les propos de la majorité des personnes avec qui nous avons eu des entretiens dans la quasi-totalité des localités abondent dans le même sens que Solage, habitante de Don Diègue 2 relatant que « la ravine de Don Diègue où la population savait aller puiser de l'eau dans les trous de sable est pratiquement tarie ». Elle poursuit en ce sens que « c'est à une heure et demie de marche que nous allons en chercher à Lociane ». Toutes les autres localités souffrent énormément des difficultés de l'accès à l'eau potable dans une proportion exagérée qui caractérise une violation flagrante des droits de l'homme. Le cas de Savane Mulâtre est évocateur. Diéné Hyacinthe, âgé de 35, natif natal du lieu, eut à nous dire en ces termes : « se men'm kote ak bèt nap pran dlo pou nou bwè nan twou sab nan rivyè Lociane nan ». Il en rajoutait : « se depi'm piti map tande paran m yo ap reve yon jou pou nou ka bwè dlo tiyo nan Savann milat tankou tout moun nan lot kote yo. Helas ! Nap mouri nou pap janmè jwen n yon bagay konsa isit la».

Depuis 2017, l'ONG chrétienne GVCM a construit le seul puits artésien que dispose Malary. Losqu'il est tombé en panne, c'est à plus de 5 à 7 km que des habitants de cette localité doivent se rendre pour chercher de l'eau. Bien entendu, s'ils ne veulent pas en puiser à la source de terre dans le lagon. Pour se rendre à Garde Salnave ou à Savane Plate, on doit payer une course de moto-taxi jusqu'à cinq cents gourdes pour vous conduire à remplir 5 ou 6 récipients. Ils sont généralement de gros gallon de couleur jaune équivalent de 5 petits gallons de 4.5 litres par unité de gallon. Il est fort à parier que la population ne peut pas tenir un tel coût de revient de 83 gourdes pour un gros gallon d'eau. À défaut de disposition de moyens pour pouvoir consentir de tel sacrifice pécuniaire, les habitants utilisent l'eau de la rivière Loratoun, Don Diègue ou la Lociane pour la boisson, la cuisine et tout. Seule la localité de Boc Banic accuse d'une disponibilité minimale d'eau potable. Les paysans de Terre Blanche ne disposent de l'eau sur place, ils doivent se rendre soit à Garde Salnave pour plus près ou soit à Savane Plate un petit peu plus loin. Ces endroits sont situés sur la route nationale qui revient de Los Posos129 où est placé depuis 1978 un système d'adduction

129 Los Posos est une localité qui se trouve dans la section Acajou-Brûlé 1 de la Commune de Cerca-la-Source.

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d'eau potable pour alimenter le milieu urbain de Thomassique. La plupart des localités ont été créées après cette date. Elles n'ont pas encore fait l'objet de projet d'adduction d'eau potable. Cependant, il est essentiel de rappeler que l'approvisionnement en eau potable est étroitement lié aux droits à la vie, à la nourriture et à la santé (Levin, 2009, p. 9).

5.7.2.-Soin de santé

La santé est l'état complet de bien-être physique, psychique et mental. C'est un droit garanti par l'article 25 al. 1 de la déclaration universelle des droits de l'homme. Comme droit, l'engagement est nécessaire pour permettre d'atteindre cet état de bien-être. Selon Amartya Sen (cité dans Mathon, 2012), le développement et la formation du capital humain sont fortement imprégnés dans la distribution des services de santé (p.16). Cette affirmation insinue la préoccupation majeure qui devrait engager les autorités dirigeantes d'un pays pour caractériser des mesures qui puissent fixer des capacités en vue d'atteindre des objectifs dans la fourniture équitable de la santé à la population. Mais, il est un fait que ces préoccupations restent encore un défi pour Haïti. Dans le cas particulier de la 2e Section Lociane, toutes les localités souffrent énormément de la difficulté d'accéder aux soins de santé. La distance à parcourir à bord d'une motocyclette ou à dos d'âne pour une personne malade de trouver un centre de santé à près de 15 kilomètres au moins demeure une réalité démontrant tous les retards qui restent encore à combler pour respecter l'engagement pris dans l'application des mesures en faveur des ODD formulés en 2015.

Cependant, la marche à pied reste le moyen généralement utilisé par la majorité des paysans. La dame Solage, de Don Diègue 2 eut à se plaindre pour les problèmes de santé. Très inquiète, elle s'indigne en disant « qu'il vaut mieux de ne pas y penser parce que le centre médical de Boc Banic ne fournit que certains soins primaires. Pour toute autre complication la mort est presque assurée pour la personne qui est malade. » Dérivil de Savane Mulâte, ajoute en ce sens : « se bondye kap gade moun isit pou yo pa malad grav. Depi ka a yon moun grav nan tan pou nou rive ak li nan lopital ki Boc Banic ou Thomassique ou Cerca-la-Source ou Banica, gen anpil fwa nou pèdi moun nan ». Cette situation explique que la distance est trop longue en plus de la mauvaise qualité de la route. Par ailleurs, la saison pluvieuse caractérise la forte crue de la rivière Lociane qui rend quasi impossible tout déplacement. À un certain niveau, seule la localité de Boc Banic dispose du minimum de service de santé. Il n'est pas évident d'en rechercher la qualité. Il est facile de comprendre que les conditions de pauvreté dans lesquelles évoluent ces paysans peuvent

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occasionner beaucoup de maladies. Les risques de maladies représentent une menace pour la santé publique. Il est fort à parier sur la frontière pour pallier au grand manque de service santé qui caractérise la 2e Section de Lociane. Mais les difficultés viennent de la volonté des Dominicains de bloquer la frontière assez souvent pour d'autres cas en dehors de l'aspect commercial, c'est-à-dire il est plus facile qu'ils vous laissent entrer dans les jours de marché que d'autres jours. M. John Hodgson et Joseph R. Oppong (cités dans Mathon, 2012) soulignent des modalités de mesure sur les effets des frontières sur l'accès aux soins de santé. Une frontière ouverte offre plus d'opportunité pour bénéficier des services de base que le pays voisin dispose.

5.7.3.-Éducation

Ne disposant pas assez de moyens pour se payer une course de 400 gourdes aller-retour de mototaxi, un effort de près de deux heures de marche est consenti par les enfants de Malary qui doivent se rendre à l'école à Thomassique. Trois structures scolaires, à savoir : une école nationale, une école de la mission d'église conservatrice et une école communautaire accueillent les élèves de niveau primaire de la localité de Nan Croix. L'école nationale n'a pas son local proprement disponible, c'est dans l'après-midi qu'elle fonctionne à l'abri de l'église conservatrice. Les écoles de Nan Croix accueillent des élèves d'autres localités proches telles que Matelag, Fon Davi et Monbin Trou qui n'ont pas assez de structures scolaires capables d'accueillir tous leurs postulants. Cette situation explique combien l'éducation occupe une place prépondérante pour les parents des localités évoquées dans la recherche. Malgré le fait que certains parents de Don Diègue 2 se plaignent de l'augmentation d'un millier de gourdes du frais scolaire qui devient au montant annuel de trois mille gourdes. La proximité des structures scolaires peut favoriser une plus grande possibilité de fréquentation. C'est la logique qui est démontrée dans la plaidoirie de Michelle Blanchard, fille de 20 ans de Terre Blanche qui « estime que la distance de plus de 4 kilomètres à parcourir est une des causes principales de la non scolarité de nombreux enfants dans sa localité ». Parce que c'est à dos d'âne ou à pied que des petits enfants ont l'habitude de se rendre à l'école. Les élèves de Terre Blanche ont la possibilité de se rendre à l'École Nationale de Hatonuevo ou à l'École Nationale Saint-Jean de Savane Plate dans une distance d'à peu près 5 km. À Boc Banic, le niveau scolaire atteint la 9e A.F. Les résultats officiels de la 9e pour l'exercice 2021-2022 ont enregistré la réussite de trois élèves de l'école nationale de 3e cycle de Boc Banic sur onze y ayant participé. Cette donnée signifie la faiblesse de la qualité d'enseignement dispensé dans cette zone.

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C'est au MENFP que revient l'attribution de la gestion de la formation. Il dispose de la latitude de former un modèle de citoyen à travers le contenu de la formation qu'il lui enseigne. Parce que l'éducation engendre des bénéfices économiques individuels et sociaux. C'est à ce niveau que nous rejoignons la mission transcendantale de l'État dans le sens prôné par Hegel, Weber et Marx.

5.7.4.-Encadrement agricole

Les moyens de relever les données sur la dynamique agraire de la zone justifient les questions sur l'encadrement technique au niveau agricole dont dispose le paysan. Cette démarche vise à relever la vision politique qui constitue la base tangible pour augmenter les connaissances scientifiques des paysans. Il est admis normal de penser à professionnaliser l'agriculture pour permettre à ce que le paysan haïtien devienne un exploitant agricole. En ce qui concerne le paysan de la 2e Section Lociane, ces considérations vont lui permettre de tirer avantage dans les rapports des échanges commerciaux de produits agricoles avec les Dominicains.

Une partie importante du problème des paysans de cette zone réside dans la non-prise en compte de la question de la dynamique agraire par des autorités avec les paysans. Il s'agit d'un constat de l'absence de politiques publiques visant à définir une dynamique agraire. Cette notion concerne les modes d'exploitation, la politique agricole, les systèmes agraires et l'ouverture des marchés. Mais en fait, la problématique persiste dans le fait que la plupart des paysans de cette zone ne dispose pas d'encadrement agricole. Les paysans de la 2e Section Lociane s'en plaignent beaucoup. Pour la majorité d'entre eux, le fait d'aller travailler en République Dominicaine pendant une partie de l'année répond aux contraintes de la dépendance de la pluie dans l'agriculture dans cette zone. En effet, il y a une nécessité pour établir la cohérence dans l'accès à la terre et l'exploitation de la terre. Cela traduit intrinsèquement à un mode de gestion des intrants nécessaires à la dynamique agraire dans le cadre de la production agricole. Il s'ensuit aussi un besoin d'implanter des moyens de développement d'une agriculture intensive où se pratique la jachère ou l'utilisation d'engrais. Cela nécessite au préalable de la disponibilité d'un système d'irrigation en vue de permettre de réaliser le rendement maximum dans la production agricole.

La pertinence du produit intérieur par tête dans cette Section communale de 37,467 habitants est un indicateur du niveau de développement économique qui peut nous permettre de saisir

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approximativement le phénomène. Parce qu'en fait, il reste difficile de vivre sans revenu130. Le paysan de la 2e Section Lociane en est bien conscient de tout cela comme l'ensemble de la paysannerie haïtienne. Par ailleurs, c'est pour cette raison que le paysan développe une approche socio-psychologique tendant à se mettre au travail pour être responsable de soi-même. Cette approche a toujours prédominé en dépit de toute circonstance. Par exemple, la garde d'un cabri exige d'aller l'amarrer, le faire nourrir, le changer de place, le surveiller, etc. Le travail dans le champ agricole est comme une obligation naturelle à laquelle tout le monde y participe. Cette situation présente toutes les difficultés de considérer le chômage dans son sens étymologique par rapport à ce milieu rural. La plupart des activités évolue dans un cadre purement informel. L'économie informelle est souvent mal organisée et, par conséquent, l'anarchie qui y règne la rend non rentable à tout le monde.

Ce qui prouve encore toute la difficulté de mesurer le revenu personnel de chacun. Puisque la tendance à l'entraide reste fortement enracinée dans les mentalités. Mais en fait, à la lumière des raisonnements de Mengin(1989), nous pouvons considérer que les paysans sont liés à la création ou recréation des activités économiques (p. 26). Même si le taux de chômage peut-être considéré très faible, mais, rien ne prouve pour autant que le travail des paysans rapporte beaucoup en termes de revenus résultés du rendement et de la productivité du travail. L'esprit débrouillardiste est bien présent chez ses paysans. D'après Pierre-Charles (1967/1993), il y a donc une nécessité urgente d'intervention sur l'implémentation de politiques publiques et de réalisation des projets d'accompagnement pour maximaliser les rendements de l'économie populaire qui peut être véritablement vitale et dynamique dans l'emploi, dans la production de biens et services, dans l'agriculture et l'artisanat (p. 16).

Mais une constante revient sans cesse dans toutes les expressions des personnes interrogées, c'est que les conditions de vies sont devenues très difficiles dans l'exploitation agricole des petites propriétés. Leurs superficies tendent d'ailleurs à diminuer au fil du temps c'est-à-dire de génération en génération avec le morcellement en héritage.

130 Le revenu est un terme qui renvoie implicitement à la provenance des revenus. Dans le cas de la 2e Section Lociane, les revenus des paysans proviennent de différentes sources qui vont de la vente des produits agricoles et des transferts des proches évoluant généralement en République Dominicaine. Avec la vague de la migration haïtienne dans de nombreuses contrées sud-américaines ces derniers temps, il n'est pas de doute qu'il y ait d'autres sources des transferts. Pour les transferts en provenance de la République Dominicaine, il y a l'aspect de commission donnée à une personne en voyage qui va livrer à la personne destinataire. Cette réalité traduit un mode de fonctionnement traditionnel qui tend à disparaitre avec les services des maisons de transfert qui commencent à s'implanter un peu partout dans le pays de nos jours.

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Le cycle infernal de pauvreté absolue des paysans est aussi constaté par Via Campesina(2002). Ses propos indiquent que l'exploitation agricole strictement manuelle non chimisée pratiquée sur des superficies réduites de l'ordre d'un hectare131 (ha) fournit des rendements en équivalent-grain à peu près de 10 quintaux (qx). Ce qui produit un rapport de productivité du travail du paysan d'une valeur de 10 qx par actif. Dans le contexte de la 2e Section Lociane, cette modélisation permet d'apprécier la mesure d'exploitation agricole généralement inférieure à 1 ha n'atteignant pas 10 qx en termes de productivité du travail. Ce qui équivaut à 1000 kg de grain. De nos jours, la forte baisse du prix du grain fait évaluer à moins de 10 dollars pour 100 kg de grain.

C'est dans cette même logique que Raymond nous a renseigné que le quintal du pois congo se vend au prix maximum de 700 pesos. Le mode de production agricole donne un seuil de productivité ne dépassant pas 1000 kg de grain net. Dans cette optique, l'IHSI132 fournit le PIB réel en 2021 à 614.3 milliards de gourdes soit l'équivalent de 8,190,666,666.67 dollars au taux de change de 75 gourdes pour un dollar. Avec une population de 11,905,892 habitants, la déduction pour le nombre de 37,467 habitants de la 2e Section Lociane donne une valeur du PIB réel de 25, 775,448.66 dollars. En substance, le PIB réel par tête d'habitant de la 2e Section Lociane atteint la valeur de 687.95 dollars pour l'année 2021. Cette valeur équivaut à 1.88 $ us par jour. Ainsi, dans le classement défini par Jeffrey D. Sachs (cité dans Jean-François, 2021, p. 36), un revenu de moins $3 par jour caractérise la pauvreté endémique. Ce qui prouve bien la corrélation qui existe entre certains indicateurs économiques et l'état des conditions socio-économiques des habitants de cette zone rurale allant dans une baisse continue du PIB par tête d'habitant. D'où résulte le faible pouvoir d'achat qui se justifie automatiquement avec une telle faiblesse au niveau du PIB.

Comme nous l'avons dit tantôt, le milieu rural subit un fort taux d'inflation démontrant toutes les difficultés des moyens de communication qui font en partie augmenter les coûts des produits industriels dont les paysans ne peuvent pas s'en passer.

5.8.-Perception de l'État haïtien dans son abandon du monde paysan dans l'opinion des paysans.

La dégradation drastique de la vie paysanne est une conséquence directe de la politique gouvernementale et de son incapacité à établir un contrat socio-économique et politique qui offre

131 Un hectare est l'unité de mesure agraire équivalant à 100 ares. Cela constitue une superficie de 100m*100m, soit 10,000 mètres carrés.

132 Rapport/IHSI: l'économie haïtienne en chute libre, des économistes haïtiens restent « pessimistes » pour 2022 | Gazette Haiti.[En ligne] http :www.gazettehaiti.com, consultation de juillet 2023.

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des garanties viables dans la justice sociale comme base d'une nation. C'est sur cette finalité que les masses, devenues conscientes de la réalité sociale, s'attèlent à identifier et analyser, selon Jean-François (2021), les causes de leur situation et comprendre leur condition de vie de manière non fataliste. Certainement, Bastien (1951/1985) lui aussi, bien avant, a compris qu'une évolution s'est produite dans la mentalité des paysans. Ils deviennent donc moins fatalistes dans l'appréciation des difficultés auxquelles ils sont confrontés. L'organisation sociale est mise en cause. C'est le processus qui a conduit à ce que la plus grande partie des richesses créées par les paysans est accaparée par une minorité urbaine (F. Deshommes, 2006, p. 222). La bourgeoisie embryonnaire, prédatrice dans la logique de Joachim (1979/2014, p. 206), s'est confondue dans l'État tout en accaparant des domaines publics pour exploiter les paysans. Les dirigeants de l'État qui, dans la crise aiguë des années 1980, encore sous les recommandations de l'USAID, selon Gilles (2008), se sont engagés dans la production de produits agricoles destinés à l'exportation en vue de générer des devises étrangères qui, en complément de la part de l'industrie d'assemblage, serviront à financer l'importation des biens alimentaires. C'est à cet état des choses que la masse paysanne attribue les causes de la détérioration de ses conditions socio-économiques. C'est aussi bien entendu le système néocolonial implanté par l'occupation américaine avec des institutions qui, selon Pierre-Charles (2013, p. 99), défendent exclusivement les intérêts des puissants secteurs des classes dirigeantes et des classes moyennes des villes. Donc, ce système agit au détriment des masses paysannes. Aussi, Alexis (1955), dans son roman Compère Général Soleil, souligne-t-il que : « l'État haïtien n'est pas l'État du peuple.» (p. 157).

L'expression des ressentiments des paysans de la 2e Section Lociane ne saurait être plus illustrative quand nous entendons le jeune Pierre, 30 ans, vivant à Savane Mulâtre en ces mots : « Leta pa itil nou anyen isit la, nou livre ak nou men'm epi nan men bondye ». De poursuivre Tote Mati, 42 ans, paysan de Malary nous a déclaré que : « l'État n'existe pas pour les pauvres. De pauvres habitants que nous sommes dans cette région ne bénéficient d'aucuns services publics qui puissent soulager nos souffrances. Tout ce dont nous avons besoin, en termes d'éducation, de santé et d'eau potable nous devons parcourir plus de deux heures de marche à pied pour l'obtenir aux frais exorbitants que nos faibles ressources ne permettent pas d'assumer. Au fait, il y a environ trois mois, des voleurs venaient bien armés nous dépouiller de nos animaux en plein jour. Malgré les appels de secours adressés aux forces de l'ordre étant à Thomassique, elles n'intervenaient jamais. » Aussi

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en a-t-il renchéri en ces propos : « si leta egziste pou moun lot kote mwen pa konnen, men pou nou men'm bò isit la nou poko jan m santi egzistans leta sa a ».

À Nan Croix, les remarques gardant les mêmes plaintes de l'abandon de l'État font l'avis de nombreux paysans qui s'indignent du cercle vicieux de la pauvreté les liant dans le sens qu'ils ne trouvent pas de supports pour augmenter la production agricole. Il y a un besoin d'irrigation. Les animaux sont très exposés à des maladies qui les tuent. Les écoles que la communauté dispose n'atteignent que le niveau de la 6e année fondamentale. Pour permettre à ses enfants d'avancer à l'école, il faut avoir beaucoup de moyens financiers. Ce dont ils ne disposent pas avec la dégradation de leurs moyens de production agricole comme principale activité économique. Pierre Onès, un professeur d'école primaire, avance que « les enfants de la communauté continueront toujours à se rendre en République Dominicaine ou ailleurs tout étant faiblement instruits et dépourvus de connaissances professionnelles. Et dans ces conditions-là, Nan Croix n'aura pas la chance d'avoir des fils et filles qui puissent atteindre les milieux sociaux élevés, c'est-à-dire ils ne connaitront jamais de la mobilité sociale ». C'est le même raisonnement qui a aussi traversé le jeune Alpha Pierre, 30 ans, de Savane Mulâtre qui eut à dire que : « nou pap janm ka rive gen anpil konesans pou nou ka defan n interè kominote nou an. Paske pa gen posibilite pou pitit soyet rive lwen lekol. Lakoz nou pa gen lajan pou nou pemèt pitit nou ale lekol tomasik ou lot kote yo, se konsa se sèl moun lot kote kap toujou nan pozisyon pou yo dirije nou. »

La gravité de la détérioration des conditions socio-économiques des paysans résulte de plusieurs facteurs, notamment de l'anéantissement de la production agricole, de l'insuffisance d'initiatives dans l'industrie embryonnaire133, l'inconsistance dans l'application de directives intelligentes. En fait, ces choix stratégiques permettraient d'exploiter les potentialités de développement des secteurs de l'industrie touristique134 (Rouzier, 2015). Mais pratiquement, nous nous perdons dans l'incohérence des politiques publiques qui n'arrivent pas à définir les priorités des politiques sectorielles de développement. L'auteur F. Deshommes (2006) a démontré les conséquences

133 L'industrie en Haïti reste au stade embryonnaire. Ce n'est pas le problème fondamental. Il reste un fait que l'Haïtien n'a pas suffisamment développé la culture de prise du risque pour investir dans l'innovation. Or le risque participe dans la dynamique du capitalisme qui exige de l'innovation selon Joseph Alois Shumpeter (1939).

134 Haïti a un potentiel touristique énorme qui résulte des particularités uniques et exceptionnelles pouvant être à la base des avantages concurrentiels inégalables dans la région'.Cf [Rouzier, Daniel-Gérard, Praxis, propositions de gouvernance pour une autre Haïti, Editions Kiskeya publishing co, Port-au-Prince, Haïti, 2015, op.cit., p75]. Mais sur ce propos, il est intéressant de cogiter sur le tourisme de mémoire qui est une forme de connexion historique qui pourrait nous rapprocher des Africains. Il s'agit de les inciter à renouer les liens ancestraux avec Haïti par le souvenir de la traite négrière.

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interminables du déclin de la production agricole sur des plans qui rejoignent à : l'autosuffisance et la sécurité alimentaire, la balance commerciale agricole, l'emploi agricole, la déforestation, la migration et la pauvreté générale (p.155). Franck Laraque (cité dans Dorisca, 2010, p.110), eut à préciser dans sa thèse sur le défi à la pauvreté que parmi les paysans qui ont été chassés des plaines et des collines beaucoup d'entre eux se sont rabattus sur les terres dans les mornes. Loin des infrastructures socio-économiques de l'État qui comprennent : école, hôpital, encadrement technique, crédit agricole, irrigation, etc. Dans la privation totale de tous ses moyens, ils ont inventé des moyens parallèles de subsistance par des pratiques rudimentaires. À l'insuffisance de rendement agricole, ils coupent des bois pour faire du charbon en vue de commercialiser.

La démonstration du modèle particulier de l'état de subsistance caractérisant le monde rural est incriminée au faible investissement humain consacré dans la paysannerie. Avec quelles ressources humaines le monde rural arrivera-t-il à mobiliser un discours pour renverser les mentalités en vue d'en finir avec la destruction de l'environnement ? Des questionnements insinuant et assimilant le rôle des ressources humaines dans la défense des intérêts locaux en vue de contribuer au développement. Dans le cas de la 2e Section Lociane, comment la gestion des ressources humaines est-elle caractérisée ?

5.8.1.-Ressources humaines

En fait, les localités n'arrivent toujours pas à retenir les jeunes qui ont réussi à décrocher leurs certificats de fin d'études classiques. Aussi faible que soit la quantité de ceux-là qui y parviennent c'est à Savane Mulâtre que nous trouvons beaucoup plus de gens diplômés au baccalauréat qui essayaient d'y construire une vie avant de tirer l'éponge. Boc Banic demeure la localité qui attire plus de diplômés. D'autres localités comme Terre Blanche et Carrefour Suzely connaissent de très faible part de jeunes qui y accèdent voire qu'ils y resteraient. Les ressources humaines éduquées sont extrêmement difficiles à être retenues par ces milieux ruraux. Ceux-ci caractérisent tout de même, selon Dorvilier (2012), des sociétés à passion égalitaire qui ne confèrent pas à l'individu toute la latitude d'affirmation personnelle comme signe intrinsèque lié à la modernité (p. 33).

Pour cause de précarité des conditions de travail, les champs agricoles n'attirent pas forcément des jeunes un peu cultivés. Ils entreprennent d'autres types d'activités parallèlement à cette agriculture de subsistance. Par exemple, ils se lancent dans la conduite de mototaxi, l'enseignement, le petit

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commerce, la vente de borlette135, etc. Mais, pour la plupart d'entre eux, l'option de la migration est la plus facile à prendre. En général, ils traversent la frontière avant d'envisager d'autres cieux plus cléments. C'est que la condition de production n'engage pas l'intérêt de l'État dans la création d'emploi. Tandis que les besoins de l'État sont toujours un facteur incitatif à la production. La comptabilité publique haïtienne accuse des comptes qui démontrent que l'État jusqu'en 2019, selon Laleau (2020), consentait des dépenses annuelles pour l'acquisition de biens et services s'élevant à près de soixante-dix milliards de gourdes. Cette importante demande en biens est une opportunité d'incitation à la production locale pour offrir à l'utilisation de la main-d'oeuvre locale le travail nécessaire à l'amélioration des conditions de vie (pp. 85, 86).

Cette idée s'apparente bien à la logique keynésienne qui concevait le rôle majeur de l'État dans la relance économique à court terme. Le temps imparti dans un programme est important dans la projection économique. Il faut donc réaliser l'urgence dans l'élaboration des mécanismes de financement du développement local. C'est par l'utilisation de la main-d'oeuvre généralement marginalisée136 de la paysannerie que ressort une possibilité d'accroître la production de biens industriels pouvant entrainer significativement des retombées positives par l'augmentation de revenus. D'où résultera l'épargne nécessaire qui servira à investir dans la logique des étapes de la croissance linéaire de Walt W. Rostow. Mais, nous n'allons pas gober toute la pensée de cet économiste américain parce que le développement ne saurait suivre une droite linéaire. D'autant que les pays industrialisés dits développés n'ont jamais eu à suivre des étapes prônées par Rostow.

Notre démarche part de la conception de Barbara Ingham (cité dans Jean-François, 2021, p. 16) concevant que le développement est à la fois un objectif et un processus dans une caractéristique spécifique à chaque pays : au niveau national, régional ou local. À propos, cela implique une projection faite par des acteurs sociaux qui s'activent dans des discussions constructives en vue de trouver des ressources suffisantes et nécessaires sur les plans financiers et humains. Ces ressources permettront d'envisager une solution de développement de la capacité de production agricole et d'introduction d'un foyer industriel de transformation agricole pour la substitution à l'importation

135En Haïti, la loterie est une institution privée appelée couramment borlette. Mais l'Etat essaie encore de réguler le secteur des jeux de hasard et d'argent à travers une institution dénommée la Loterie de l'État Haïtien(LEH), malgré sa création depuis 1927 et sa reconnaissance officielle en septembre 1958. Voir le site www. Communication.gouv.ht.

136 Il est admis que l'agriculture de subsistance en Haïti retient un excédent de main-d'oeuvre marginalement non-productif qui peut être converti dans le secteur industriel pour répondre à la théorie de changement structurel dans les stratégies de développement. L'industrie constitue donc une étape importante du développement.

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face au problème donné dans la détérioration des conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane.

Dans un second scénario, nous pouvons essayer la solution de l'approche de changement structurel qui déterminera les moyens nécessaires d'une passation de la masse de main-d'oeuvre du secteur agricole vers l'industrie. Tout ce dont de véritable politique publique pourrait en tenir compte dans une construction décentralisée de la gouvernance.

Une véritable implémentation de la décentralisation pourrait conduire à promouvoir l'investissement productif dans les différentes régions du pays. Le motif premier de la décentralisation est l'économique. Il est donc de tout avantage que cette motivation anime les décisions politiques pour pouvoir concrétiser les mécanismes d'implémentation de la décentralisation. Alors, il est admis que le principe d'autonomie reste théorique. L'enjeu se situe dans la manière dont le contexte de la 2e Section Lociane peut favoriser un cas pratique de l'application des règles fondamentales de la gestion axée sur la décentralisation par les agents locaux. Il s'agit pour les différents acteurs de se verser dans la créativité dans leurs initiatives locales (Moise, 2013, p. 369). Mais bien entendu, il leur faut une aptitude à l'innovation comme preuve de capacité politique.

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Conclusion

L'histoire transversale et multidisciplinaire de la ligne frontière entre la République d'Haïti et la République Dominicaine sur l'île Hispaniola recoupe un tréfonds de particularités dans l'évolution de deux peuples qui sont voués à un destin commun dans le cadre du besoin de la défense des intérêts géopolitique et économique. Cependant, chaque État confronte une réalité sociale propre qui détermine sa structure politique et économique. Des rapports de coopération tentent de prédominer sur la tendance traditionnelle anti-haïtianiste qui sous-tend à demeurer en force résiduelle dans les camps des extrémistes. Un temps révolu qu'Haïti démontra très tôt dans la reconnaissance de l'autre.

La particularité de l'altérité constitue l'axe prédominant de la détermination des actions de la diplomatie politique haïtienne. C'est la perception de cette réalité que notre analyse relève dans l'orientation du Président Fabre Nicolas Geffrard (1859-1867), au tournant de 1861 dans une nouvelle dynamique de traitement de la question de l'Est.

Il s'agit alors de considérer la révolution conceptuelle de la complicité existentielle des deux Républiques. L'heure du renforcement des garanties de l'indépendance d'Haïti sonne à travers l'existence de la République Dominicaine libre et indépendante des puissances esclavagistes. Un changement significatif de paradigme se produit dans l'enterrement de la hache de guerre pour emprunter une ligne directrice moderne de la dialectique. Elle marquera la réalité géopolitique de la région caribéenne. Désormais, le peuple dominicain devient un partenaire du peuple haïtien qui se réconcilie pour le progrès de l'île d'Haïti, peu importe les différences considérées.

La frontière s'apparente à une fatalité historique dont l'accord de 1874 entre les deux Républiques faisait abstraction des contraintes substantielles qu'elle impose. L'acte porte la force de la rationalité humaine qui devait conduire à surmonter les brèches tangibles de toutes les difficultés quelles qu'elles soient.

Le revers de la tendance révolue des Haïtiens dans la relation avec la République Dominicaine vient de l'appréhension des faits historiques et sociologiques que les Dominicains ont très mal digéré. Une logique cartésienne allait connaitre sa terminologie dans la complexité de la géopolitique que le Président Fabre Nicolas Geffrard devait initier dans sa problématique à un moment aussi crucial pour la diplomatie haïtienne. Il interpelle les autres aspects qui engendrent le mode d'organisation sociale du développement économique dans l'appropriation territoriale.

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La société haïtienne, étant rattrapée par les contradictions internes exacerbées où le paysan ayant subi toutes les contraintes sociales, a perdu de vue l'importance de se tenir sur ses pieds fermes. La base agricole permet de marcher comme dans une approche biologique du social assimilée au fonctionnalisme. Au fait, cette société a vécu un grave handicap aux cours de deux siècles d'existence dont les conséquences résonnent dans son improductivité économique et une instabilité politique chronique. S'y ajoutent, pour certains, en guise d'explication justificative, l'insouciance des dirigeants haïtiens, la revanche réactionnaire de l'impérialisme occidental néo-colonialiste et l'héritage de l'inadéquation des éléments fonctionnels de l'organisation sociale inégalitaire de Saint-Domingue.

Ces trébuchements vont être suivis et analysés de près par l'autre (la République Dominicaine) dans un souci d'une part, de caractériser un levier d'animosité et, d'autre part, de se dégager des ornières haïtiennes pour profiter de prendre l'avantage. Celui-ci est largement aidé et supputé par le favoritisme raciste occidental afin d'asseoir une position hégémonique des Dominicains sur Haïti. À l'ère de Rafael Trujillo, le drame culmine en désastre exterminateur naziste avec le génocide de 1937137 sur les Haïtiens et Dominicains noirs qui vivaient dans la région frontalière. La tendance raciste s'enracine dans toute la société dominicaine et s'enchaine dans des divers évènements regrettables dont l'un se révèle dans l'arrêt TC : 0168/13 de la Cour constitutionnelle dominicaine en date du 23 septembre 2013. La communauté internationale a toujours pesé de tout son poids pour concocter une atmosphère de paix fragile en défaveur de l'histoire qui s'indigne de la non-vérité et de l'injustice. Bref. La frontière est délimitée.

Le cours du temps ne remédie pas à l'élan fragile du fondement de la structure sociale haïtienne qui engendre à priori la production du sous-développement et l'incapacité de l'imposition d'un État de droit. Tous les efforts s'inclinent à la réflexion constructiviste d'un nouveau paradigme que nous appuyons dans la participation active des forces sociales dynamiques dans les divers foyers décisionnels. Les masses paysannes s'ébranlèrent pour l'intégration avec l'innovation de certaines structures économiques : Lakou, coumbite, etc. Les communautés revendicatives ecclésiastiques ont sonné le glas de la mobilisation politique des masses paysannes. Vents débours contre l'exclusion, elles défient les frontières du monde occidental et exposent le cas d'Haïti : il faut développer les localités en Haïti. La décentralisation s'entend donc un projet structurel de

137 Certains auteurs parlent de massacre de Persil perpétré en date du 2 octobre 1937, coûtant la vie à près 20000 personnes, sous les ordres du président Rafael Trujillo.

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gouvernance qui offre des opportunités à exploiter dans une nouvelle gestion de société. Mais la responsabilité des autorités locales doit être assumée pour viser les objectifs de l'amélioration des conditions socio-économiques de la population paysanne.

Des auteurs comme Guy Alexandre, Dilla Alfonso Haroldo et Pierre-Joseph Lamothe font partie du courant qui milite pour un véritable rapprochement entre les deux Nations. Ce courant de pensée a pesé de tout son poids pour considérer le côté positif dans les relations entre les deux pays. Ces intellectuels privilégient l'atmosphère de bonne entente pour bâtir un grand optimisme dans le renforcement des relations. En ce sens, Lamothe (2008, p. 146) s'est montré très enthousiaste des bons rapports que les deux peuples entretiennent. Il a même considéré que la frontière est une fiction. Mais, ce que l'auteur a omis de dire dans son analyse c'est que les Haïtiens subissent beaucoup d'humiliations dans la plupart des espaces publics où ils vont chercher des services que leur propre pays ne leur offre pas.

De toute façon, Haïti a intérêt à développer des échanges commerciaux avec la République Dominicaine. L'essentiel c'est de rechercher des accords commerciaux très équilibrés. Cela traduit la logique qu'Haïti doit nécessairement repenser ses stratégies pour accroître ses capacités de production pour pouvoir balancer ses relations commerciales avec la République voisine. Le problème de la production économique du pays est capital. Mais, c'est l'ensemble de la force des collectivités territoriales qui doit s'en charger dans la répartition des responsabilités de gestion et d'aménagement du territoire.

Cette démarche renvoie à la recherche des facteurs qui sont à même de pouvoir contribuer à apporter un schéma d'éclairage dans l'optique de définition d'un ensemble de choix par ordre de priorité. Entre les actions de l'État à travers les politiques publiques de développement qui aperçoivent, d'une part, les desiderata d'une faible part de la population par l'axe hiérarchique commandant des directives d'en haut. Cette formule est adoptée depuis des lustres. Elle accuse un constat d'échec patent. Et, d'autre part, l'action de l'État dans un consensus jouant sur la stratégie participationniste. Elle offre un nouveau paradigme qui permet à l'acteur local paysan d'intégrer la sphère décisionnelle.

L'acte d'appui étatique consiste au strict contrôle et à la définition de grandes orientations (règles et règlement de gouvernance) pour le renforcement de la puissance de la Nation qui se concilient dans les pratiques gouvernantes des collectivités territoriales. Ces dernières s'impliquent dans les tâches de développement local qui accompagne la promotion de la solidarité nationale.

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C'est dans cette logique que s'inscrit la décentralisation qui renvoie à la contribution des acteurs paysans s'appropriant des atouts du transfert de pouvoir dans le renforcement de l'autonomie des collectivités territoriales. Cette contribution s'entend à l'ultime recours comme planche de salut pour parvenir au développement local qui doit tenir compte des facteurs essentiels de l'amélioration des conditions de vie de la majorité de la population dans toutes les dimensions spatiales de la ligne frontalière.

La région centrale gagne en importance croissante sous plusieurs angles de vue partant du tactique de proximité et stratégique qui couvrent les potentialités économiques et culturelles. L'évolution actuelle des échanges commerciaux sur la frontière de la 2e Section Lociane interpelle l'urgence de gestion plus rationnelle par l'implication d'une nouvelle dynamique de vision politique qui se dessine dans l'effectivité de la décentralisation qui confrontera les autorités locales dans la responsabilité directe du service public.

Pour déceler le poids de l'intervention de l'État et des autorités locales dans l'évolution des conditions socio-économiques, il était important de regarder des aspects significatifs du niveau de proximité entretenu par les autorités locales avec les populations et la sensibilité au point de vue d'engagement social des paysans. Ces considérations renvoient normalement aux questions y relatives formulées dans les entretiens tenus avec des paysans de différentes localités considérées dans l'étude du milieu. À la première approche, la relation de proximité fait grandement défaut pour presque toute la population de Savane Mulâtre. Cette tendance exprime la forte déception des paysans de la 2e Section Lociane vis-à-vis de la non-présence des agents locaux dans la communauté. Dans le cas où les autorités des collectivités territoriales ne se sentent pas obligées de marquer une présence soutenue auprès de leurs mandants, il est difficile de concevoir par quel moyen elles projettent d'impliquer toutes les parties prenantes dans le développement local. Il y a risque de méconnaissance des véritables besoins de la population. La négligence des rapports de proximité des agents locaux avec les paysans constitue le fossé établi pour exclure le savoir-faire de ces derniers dans le processus de discussion et réalisation des projets de développement local. C'est aussi dans l'optique de rechercher la motivation des différents acteurs que nous avons privilégié l'approche globale structuro-fonctionnaliste dans cette étude.

Et parallèlement, en fonction des considérations socio-historiques dans les rapports entre les Haïtiens et les Dominicains, cette étude de recherche s'attachait également à l'idée de comprendre les facteurs déterminants des conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane

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en vue de réfléchir sur les moyens qui permettraient de parvenir à une amélioration de ces conditions. Ainsi, la solution hypothétique de la décentralisation a-t-elle été soutenue dans la mesure où la volonté politique de l'État existe pour encourager son implémentation. À cela, s'ajoute l'engagement par action dans les politiques publiques des agents locaux. Ce qui requiert au préalable une démarche de connexion avec la majorité de la population. Et, cette dernière doit s'organiser davantage en vue de participer activement aux efforts de développement local. Bien entendu, la démarche consiste à intégrer le paysan dans le champ du pouvoir local des enjeux réels des politiques publiques.

Dans le cas de la 2e Section Lociane, les défis de la gouvernance sont majeurs. L'amélioration des conditions socio-économiques de ses paysans a servi de pivot de réflexions qui s'évertuent essentiellement à rejoindre toutes les préoccupations de cette étude de recherche. Elle rejoint également l'inclinaison à la problématique des actions visant à déterminer les facteurs essentiels de la décentralisation tendant à corroborer les efforts de définition de politiques publiques pour affecter les indicateurs économiques. Parce que les paysans de la 2e Section Lociane, dans un milieu où le PIB per capita est à 1.88$ par jour, constituent les couches les plus défavorisées. Tandis qu'ils exécutent des tâches coutumières dans l'agriculture de subsistance, leurs conditions de vie confrontent aux difficultés les plus terribles qui affectent considérablement leur niveau de consommation. L'écart se creuse même au niveau des différentes localités. Ce qui démontre d'autant plus le besoin d'intervention des autorités locales dans la péréquation des ressources.

Aussi, la gestion des espaces frontaliers dans le contexte de la 2e Section Lociane de par ses opportunités impose-t-elle, en priorité, une dimension contraignante de réalisation des objectifs d'amélioration des conditions socio-économiques des paysans par la relance de la production de toute sorte : agricole et industrielle. L'option de la décentralisation définit un schéma sociétal qui interpelle la responsabilité directe de divers acteurs dans les différentes sphères de la région dans des objectifs spécifiques sous l'impulsion d'une vision commune.

Les paysans de la 2e Section Lociane agitent un tel besoin dans les considérations de leurs situations. Celles-ci étalent des carences criantes de la présence de l'État n'intervenant pas dans les services de base qui caractérisent la fourniture de : l'eau potable, la santé, l'infrastructure routière, la sécurité publique, l'encadrement de la production agricole et la protection et la réhabilitation de l'environnement, etc. Cette situation accuse des caractéristiques d'espaces vides qui se livrent à la rupture de l'ordre social en dehors de toute structure possible de développement.

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La décentralisation et le développement se révèlent deux opérations qui sont à schématiser en fonction de la bonne mesure des réalités concrètes de l'espace social et territorial. Il s'agit néanmoins de l'observance de certaines règles de droit qui s'inscrivent essentiellement dans la définition des pratiques objectives de gouvernance à priori fortement axé sur la défense de l'intérêt général de la population.

Et pour pénétrer la réalité de la dimension socio-organisationnelle des paysans comme facteur agissant sur les déterminants des conditions socio-économiques. Nous indiquons que la relation avec les organisations sociales développée par les paysans de la 2e Section Lociane permet de détecter la force vibrante qui cristallise leur engagement dans les réseaux d'échanges dans la communauté. Pour cela, il s'avérait nécessaire de regarder le niveau d'adhésion des paysans de la 2e Section Lociane aux structures organisationnelles qu'ils ont à leur portée d'intégration. Grosso modo, le tableau exprime fortement l'état de non adhésion de la majorité des paysans des localités de la 2e Section Lociane à la vie d'organisation. Plusieurs raisons peuvent toutefois se prêter à des hypothèses pour comprendre le pourquoi de cette tendance allant dans la même direction pour toutes les autres localités. C'est une donnée assez évocatrice lorsque nous considérons ce que représente l'organisation pour et dans la vie collective.

Dans toutes les localités considérées dans l'étude, il y a aussi une faible portion de répondants qui ont été membres d'une organisation. Ce qui caractérise un désenchantement pour participer aux manifestations des structures organisées. Cependant, la population de Nan Croix se distingue dans la participation à la vie d'organisation. L'idéale de l'évolution organisée des membres de cette communauté a même poussé un leader communautaire prénommé Pierre au lancement de l'organisation pour le développement des paysans de la 2e Section Lociane (ODPSL). C'est un cas particulier. Par ailleurs, le faible pourcentage de paysans attestant qu'ils sont membres d'organisation, partagent deux structures organisationnelles qui sont parmi les plus influentes dans la zone, à savoir : MPP et OJUDT (organisation des jeunes pour l'unité et le développement de Thomassique). En définitive, les données recueillies sur le terrain de cette recherche démontrent toutes les difficultés pour accorder des acteurs sociaux locaux dans une dynamique de conjonction de la force indispensable au développement local à la confluence des divers intérêts qui forment l'enjeu de la collectivité territoriale.

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D'une manière purement économique, le développement local participe dans la dynamique de substituer à l'importation massive en vue de relancer les activités génératives de production capables de répondre à la demande interne. Abstraction faite de la priorité des élites pour le développement des facteurs de production dans une dynamique économique nationale.

Le cas de la 2e Section Lociane soulève la question de la prise en compte de la gestion de l'espace territorial où s'impose un choix de décentralisation soit par le principe de subsidiarité ou soit par la dévolution. La dynamique de la décentralisation doit s'enchainer dans la discussion participationniste qui commande à l'application des dispositions concrètes qui tiennent compte des réalités socio-anthropologiques et historiques des collectivités apparaissant dans l'élaboration de politiques publiques de développement local. Mais en réalité, les données qui concernent cette Section communale font état d'une situation très inquiétante. D'autant que les habitants qui sont éloignés de la périphérie des grandes villes sont exposés aux conditions socio-économiques les plus déplorables. Les régions frontalières demeurent une preuve patente de l'état d'absence de services publics adéquats qui laisse propager une perception de délaissement des personnes y demeurant. Le manque d'organisation des paysans et leur abandon par des agents locaux rendent difficile des considérations probantes d'une solution avec la décentralisation par la garantie des actions autonomes des autorités locales.

À la diligence des initiatives des forces vives locales !

Perspectives propositionnelles

Toute la littérature sur la notion frontière démontre l'importance de cet espace qui recoupe une multifonctionnalité dans une multi dimensionnalité. L'État et les habitants aux environs de la frontière ont intérêt à développer une synergie d'actions pour maitriser les différents paramètres de cet espace géoéconomique et géopolitique.

Cependant, avec la conception de responsabilité de l'État dans un rôle structurant, créateur, régulateur du champ économique, il s'agit d'une approche selon laquelle, Gbénou (2010, p. 93) relève une importance des institutions politiques comme préalable à la solution des problèmes de développement. Et cette situation tend à concourir au rapprochement étroit entre l'État et la société dans une centralisation. C'est une approche qui s'ouvre sur la perspective d'une nouvelle étude. La démarche générale dans cette étude sous-tend à l'idée que le pouvoir en charge de l'État dans une perspective d'organisation doit contribuer à établir l'administration locale. Cette orientation

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conduit à envisager une action de la mise en adéquation avec les principes régaliens de l'État. Les structures locales doivent être plus performantes sous la surveillance étroite des différentes institutions de contrôle telles que : CSCCA, ULCC, UCREF, etc. Dans sa pratique de gestion, la collectivité territoriale entend mettre à profit des moyens adéquats d'utilisation de ressources nécessaires et suffisantes pour pouvoir mieux satisfaire les besoins de la population. En ce sens, nous pouvons proposer à ce que :

? L'autorité des agents de la collectivité territoriale soit établie, de manière active, dans le contrôle de l'espace frontalier de la 2e Section Lociane. A cet égard, le rétablissement du service de la douane y est une priorité.

? Des négociations soient entreprises pour permettre qu'une partie conséquente et significative des recettes douanières soit affectée en surplus du budget communal en faveur des politiques publiques qui priorisent les besoins urgents pour améliorer les conditions socio-économiques des paysans dans la 2e Section Lociane.

? Des actions soutenues doivent être envisagées pour encourager les structures organisationnelles dans la zone en vue d'induire des effets combien nécessaires de la participation de la population au processus du développement local.

? Des travaux doivent être impulsés à rendre possible l'amélioration de la participation à la vie collective. Il s'agit en premier lieu de faciliter l'accès à l'information, en second lieu, établir des relations de débats avec les citoyens.

Limites de l'étude

Le travail n'a pas trop accentué sur les contraintes de la décentralisation et plus particulièrement sur les contraintes du développement local des zones frontalières. Aucune analyse n'est faite sur l'amendement constitutionnel de 2011 où d'énormes changements ont été opérés dans certaines attributions des collectivités territoriales pour affaiblir leur rôle dans certaines fonctions. En somme, pour l'implantation de la décentralisation, nous admettons qu'il ne s'agit pas d'une bataille gagnée à l'avance. Car les moyens nécessaires en termes de ressources : humaines, financières et la volonté politique ne sont pas mobilisables automatiquement.

Mais cependant, le jeu en valait la chandelle pour essayer d'apporter quelques éléments de réflexion sur l'évolution des structures inégalitaires entre les masses paysannes et les élites haïtiennes. Les distorsions socio-économiques entre les deux classes caractérisent une faiblesse

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dans le ressort fonctionnel qui devait pouvoir absorber les charges potentielles pour favoriser le développement local. Ce qui nous a fait interpeller la responsabilité des acteurs sociaux, en particulier, celle des élites. En fait, nous avons presque laissé de côté, les différentes théories sur le concept de responsabilité. Nous nous en sommes contentés justement de peu en plus de la définition élémentaire de l'obligation de remplir une charge, un engagement. De la même façon, nous n'avons pas trop abondamment développé certains aspects quantitatifs du concept des conditions socio-économiques. Ce qui nous permettrait de mesurer un plus grand nombre d'indicateurs économiques avec l'utilisation de logiciels spécialisés en matière d'économétrie. Toutefois, nous avons effectué une étude exhaustive consistant à relever des données qualitatives et quantitatives suffisantes concernant les conditions socio-économiques des paysans dans les localités ciblées par la présente étude de la zone frontalière de la 2e Section Lociane. Compte tenu de la contrainte du temps et de la situation de l'insécurité qui, prévalant dans le pays, nous empêchent de circuler librement. Au cours d'une seule semaine nous avons parcouru à pied et à mototaxi avec une maitrise de tous les risques possibles un nombre de sept (7) localités de la 2e Section Lociane, à savoir : Malary, Don Diègue 2, Boc Banic, Terre Blanche, Savane Mulâtre, Carrefour Suzely et Nan Croix.

La diversité était le meilleur moyen de recueillir des données différenciées qui permettraient la mise à jour d'un panier, le plus large que possible, d'éléments pertinents pour la compréhension des facteurs ayant contribué à expliquer les conditions socio-économiques des paysans de la 2e Section Lociane sur fonds de préoccupation de cette recherche.

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Annexe

169

A

Annexe 1

Appendice de questions dans le cadre d'entretiens semi-dirigés.

NB : Notre recherche concerne des habitants et paysans qui habitent une Section rurale frontalière. C'est la langue créole que pratique cette population tout comme la majorité de la population haïtienne. C'est la raison principale qui commande de préparer les méthodes de collecte de données dans la langue de créole haïtien.

Nimewo kod

Dat jodia

Lè li ye a

Remak

Seks moun nap fè dialòg ak li a M F lòt

Non lokalite ya :

Boc-Banic

Nan Croix

Savane Mûlatre

Don Diègue 2

Malary

Carrefour suzely

Terre-Blanche

 
 
 
 
 
 
 

« Bonjou kompatryòt mwen

Nou se etidyan nan metriz kap fini nan Fakilte Etnoloji nan Inivèsite Leta Dayiti. Nan kad yon etid nap fè sou zafè kondisyon sosyal ak ekonomik moun kap viv nan fwontyè a ki gade nan dezièm seksyon Losyann nan Tomasik.

Nou ap mande w ak sajès pou w ka mete w nan dispozisyon pou nou boukante pawòl nan kèk kesyon nou ta renmen ou reponn pou nou. » Nou ap pran nòt de sa nap diskite la yo. Eske ou pèmèt nou rapòte non ou nan teks kap ekri a ? Wi [ ] ou non [ ]

1.-Kijan ou rele non ou ?

R :

2.-

Nan ki tranch laj ou : mwens ke 20 lane [ ] ; (20-30) [ ] ; (30-40) [ ] ; (40-50) [ ]; (50-60) [ ]; (60-70) [ ]; plis ke 70 lane [ ] / oubyen di nan ki lane ou fèt :

3.- Eske ou se moun ki fèt nan lokalite fwontyè sa ? si wi

Si non Men se depi kilè wap viv nan zòn fwontyè a ?

R :

4.- B

Eske ou ka di nou ki aktivite ou fè pou ou kapab viv nan fwontyè a ? R :

4.1.- Si wi se komès wap fè nan ki mache ou konn al van n ? Sinon al nan kesyon 5 lan.
R : 4.2.- Si wi se nan panyòl ou al van n machandiz kijan ou viv rapò ak dominiken wap kontre yo ? R : 4.3.- Ki kote ou achte machandiz wap van n yo ?

R :

4.4.- Si wi se nan panyòl ou achete machandiz kijan ou viv rapò ak dominiken wap kontre yo ?

R :

5.- Si wi se agrikilti wap fè ki sa ou pwodwi plis ? Sinon al nan kesyon 8 lan.

R :

5.1.- Ki lòt pwodwi nou plante tou ?

R :

5.2.-Nan ki sezon nou fè grand rekòlt nan zòn sa ?

R :

6.-Ki kantite kòb aktivite sa wap fè a kon n pèmèt ou antre nan men ou ?

R :

6.1.-Eske aktivite ekonomik wap fè yo pèmèt ou jwen n kòb ki pemet ou viv ak fanmi ou ?

R :

6.2-Sinon ki kote ou kon jwen lot kòb ki pèmèt ou repon n ak bezwen ou men m ak fanmi ou ?

R :

7.- Eske nan tè jadin nou yo gen yon sistèm irigasyon ki pote dlo ladan yo ?

se ki instans ki mete li en plas ?

R :

7.1.-Si wi

R :

7.2.-Ou gen infomasyon depi kilè li ap fonksyone ?

R :

7.3.-Tè wap fè jadin ou an kijan ou genyen li ?

oubyen ou se fèmye yon gran don ki met tè a ?

R :

7.3.1.-Eske ou se fèmye Leta ?

C

7.3.2.-Si se yon gran don ki met tè a kijan yo rele non li ? R :

8-Eske ou fè elvaj tou ak agrikilti ? Si wi ki zannimo nou gade ?

R :

8.1.- Eske nou gen teknisyen agrikòl ki kon n ban nou seminè ak lòt enkadreman pou jadin nou?

R :

9.-Eske ou fè elvaj selman ?

R :

9.1.-Eske nou gen veterinè ki kon n bay zannimo nou yo vaksen ak lòt swen ka yo mande oubyen

kan yo malad?

R:

9.-Ki kote nou al lopital kan nou gen pwoblèm la sante ki mande nou wè doktè ?

R :

10.-Se yon sant sante pou Leta oubye se yon institisyon prive

R : Sant sante Leta

sant sante prive

11.-Kijan nou evalye travay fòs lòd yo nan zòn fwontyè a kap bay nou sekirite ?

R :

12.-Eske nou gen sevis/tiyo dlo potab nan zòn fwontyè nou ye a bò isit la?

R:

13.-Si wi eske nou bwè dlo sa ?

R :

14.-Sinon ki kote nou jwen n dlo pou nou bwè ?

R :

15.- Ki rapò nou genyen ak asec oubyen casec yo nan zòn nan ?

R :

16.-Eske gen lòt reprezantan leta ki kon n vini kontre ak nou nan zòn fwontyè sa ?

R :

17.-Eske ou gentan genyen pitit deja ? Sinon al nan kesyon 24 lan.

R :

18.-Si wi eske pitit ou ap viv ak ou nan fwontyè a ? Sinon al nan kesyon 24 lan.

R :

D

19.- Si wi Eske se timoun ki gen laj pou li ka al lekòl ? Sinon al nan kesyon 24 lan.

R :

20.-Si wi eske ya l lekòl ? Sinon al nan kesyon 24 lan.

R :

21.- Eske timoun ou nan nivo klas primè oubyen se nan nivo klas segondè?

klas segondè oubyen ou gen nan tou 2 nivo yo

R : Klas primè

22.- Ki kote yo al lekòl?

R:

23.-Eske se nan yon lekòl Leta oubyen nan yon lekòl prive yo ye?

R: Lekol leta lekòl prive

24.-Eske ou gen timoun ki fini ak tout klas lekòl yo ki retounen vini viv isit la nan fwontyè a?

R:

25.-Eske w konn fè lòt aktivite ki oblije w ale lòt kote ki pou dominiken yo nan fwontyè a?

R:

26.-Eske ou kon n al nan mache binasyonal nan fwontyè bò isit la?

oubyen òganizasyon politik

R

27.-Eske ou se manb nan yon òganizasyon ?

R:

28. Si wi, eske se yon òganizasyon sosyal kominotè

oubyen ou se manb nan plizyè òganizasyon

29.- Kijan nou konsidere leta peyi dayiti nan trètman li bay lokalite a nan fwontyè bò isit la?

R:

30.-Kisa zòn fwontyè sa reprezante pou ou menm kap viv ladan l?

R :

31.- Ki pwojè ou ta renmen wè ki fèt pou nou tout kap viv nan zòn fwontyè sa ?

R :

32.-Gen yon kloti dominiken yo ap konstwi nan fwontyè a, eske ou ka di yon pawòl sou sa ?

R :

33.-Eske ou santi gen kek lòt bagay ou te bezwen ajoute pou nou fini ak boukante pawòl sa nou soti genyen la nan moman sila ?

R :

Nou di ou yon gran mèsi pou kolaborasyon ou nan dyalòg sa ki fini la.

Annexe 2

Les photographies présentées ci-dessous illustrent la situation de quelques rivières dans la 2e Section Lociane. Ces rivières concernent Loratoun (photo 5) sur la route de Nan Croix. À Boc Banic, il y a Lociane (photo 6) et l'Artibonite (photo 7). Il n'y a pas de pont dans cette zone.

PHOTO 5: IMAGE DE LA RIVIÈRE DE LORATOUN DANS LA PASSE DE NAN CROIX

La passe de la rivière de Loratoun dans la route de Nan Croix

Prise de photo de Frantz Isidor sur le terrain

E

PHOTO 6: LA PHOTO DE LOCIANE DANS LA PASSE DE BOC BANIC

La rivière de Lociane du côté de Boc Banic. La traversée conduit à l'Artibonite.

Photographie de Frantz Isidor en décembre 2022

F

PHOTO 7: ARTIBONITE DANS LA PASSE DE BOC BANIC

Le fleuve de l'Artibonite dans la zone frontalière de Boc Banic

Prise de photo par Frantz Isidor au cours de l'étude

G

H

Annexe 3

Répertoire des tableaux, cartes et photographies Liste des tableaux

Tableau 2 : Démonstration des indicateurs socio-économiques de la 2e Section Lociane 38

Tableau 3 : Typologie de décentralisation 111

Tableau 4 : Présentation de la répartition des répondants aux entretiens 124

Tableau 5 : Tendance de rapport entre les paysans et les autorités de la collectivité territoriale 125

Tableau 6 : Tendance de participation des paysans dans la vie organisationnelle 130

Liste des photographies

Photo 1: Illustration de puits artésien de Malary 31

Photo 2: Illustration de source d'eau à Malary 32

Photo 3: Type d'habitat où vivent certains paysans dans la 2e Section Lociane 40

Photo 4: Illustration de l'état de routes dans la 2e Section Lociane 51

Photo 5: Image de la rivière de Loratoun dans la passe de Nan Croix E

Photo 6: La photo de Lociane dans la passe de Boc Banic F

Photo 7: Artibonite dans la passe de Boc Banic G

J

Liste des cartes

Carte 1 : Illustration de la situation géographique de la frontière entre Haïti et la République

Dominicaine 43

Carte 2 : Illustration de la situation géographique de Thomassique 46

Carte 3 : Illustration de la situation géographique de la 2e Section Lociane 47






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