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Le NEPAD ou l'ère de la conditionnalité intériorisée

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par Julien Vlassenbroek
Université de Louvain-La-Neuve (UCL) - Diplôme d'études spécialisées en études du développement 2005
  

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3. Que recommande le NEPAD : les grands axes du projet

D'après ses géniteurs, le NEPAD constitue « une promesse faite par des dirigeants africains, fondée sur une vision commune ainsi qu'une conviction ferme et partagée qu'il leur incombe d'urgence d'éradiquer la pauvreté, de placer leurs pays, individuellement et collectivement, sur la voie d'une croissance et d'un développement durables, tout en participant activement à l'économie et à la vie politique mondiales. Il est ancré dans la détermination des Africains de s'extirper eux-mêmes, ainsi que leur continent, du malaise du sous-développement et de l'exclusion d'une planète en cours de mondialisation »17(*).

Le ton général du document est très vite donné puisqu'il s'agit là du premier paragraphe de celui-ci. On y apprend d'entrée qu'il s'agit d'un engagement pris par des « dirigeants » et non par les peuples aux destinées desquelles ils président car ceux-ci ont été mis à l'écart de son élaboration. La lutte contre la pauvreté est le premier objectif nommément cité, suivi par « la croissance », le « développement durable » et l'intégration dans la vie politique et économique « mondiale » ; une hiérarchie des priorités qui, entre parenthèse, conforte l'idée d'un alignement sur les injonctions et l'agenda des bailleurs de fond (cf. infra).

On y lit ensuite que les « Africains ont commencé à manifester leur refus d'accepter un leadership économique et politique médiocre »18(*), autrement dit que la « bonne gouvernance » fera désormais partie des objectifs poursuivis par leurs dirigeants. Ce faisant et gardant en mémoire les leçons d'un « passé douloureux », les rédacteurs affirment que « les Africains ne doivent pas être les pupilles de gardiens bienveillants, mais plutôt les architectes d'une amélioration soutenue de leurs conditions de vie »19(*), ainsi ce programme constituerait-il « un nouveau cadre d'interaction avec le reste du monde, notamment avec les pays industrialisés et les organisations multilatérales. Il est fondé sur un ordre du jour dont ont décidé les Africains de leur propre initiative et de leur propre gré, afin de déterminer eux-mêmes leur destin »20(*). Ces dernières assertions relèvent indubitablement du courant de l' « African Renaissance ». Notons cependant que ces velléités autonomistes cadrent mal avec les nombreux appels du pied à destination des bailleurs de fonds comme celui contenu dans l'article 66 qui vise à lancer « un appel à nos partenaires de développement pour qu'ils nous apportent une assistance dans nos efforts ».

Afin de parvenir à réaliser le développement durable de l'Afrique, les initiateurs du projet en ont identifié les conditions requises. Elles sont de trois ordres selon eux : tout d'abord « la paix, la sécurité et la bonne gouvernance » étant entendu qu'il « est maintenant généralement accepté que le développement ne peut se réaliser en l'absence d'une démocratie véritable, du respect des droits de l'homme, de la paix et de la bonne gouvernance. Avec le NEPAD, le continent prend l'engagement de respecter les normes mondiales en matière de démocratie »21(*). Ce sont donc bien des critères exogènes de démocratie qui serviront de repères à l'évaluation des progrès politiques des parties prenantes à l'accord, renforçant potentiellement la perception du NEPAD comme un diktat déguisé ou du moins comme le résultat d'une intériorisation par les élites africaines des conditionnalités imposées par l'Occident à l'Afrique d'autant que les deux prérequis suivants, à savoir l'allégeance déclarée à « la gouvernance économique et la gouvernance des entreprises » et enfin la nécessité d'entreprendre des « approches sous-régionales et régionales au développement »22(*) relèvent également de l'agenda et surtout de la terminologie des institutions de Bretton Woods et des autres principaux « partenaires de développement ».

Une fois ces conditions introduites, le NEPAD se penche alors sur les « priorités sectorielles »23(*) dont on retiendra notamment la volonté de « combler l'écart dans le domaine des infrastructures » et notamment en ce qui concerne l'écart numérique que les tenants du NEPAD visent à combler en appelant à « investir dans les technologies de l'information et de la communication »24(*) tandis qu'ici encore, appel est fait à l'assistance du G8 et aux « bailleurs de fonds bilatéraux »25(*). La « mise en valeur des ressources humaines »26(*) qui concerne surtout les efforts afin d'éviter la fuite des cerveaux, la protection de l'environnement, le développement de l'agriculture et de la culture, des sciences et de la technologie sont autant d'objectifs contenus dans ce vaste programme. On verra dans la suite de ce travail que plusieurs analystes appréhendent d'ailleurs cette extrême diversité des desseins à poursuivre comme une faiblesse potentielle. D'autant que les ambitions du plan ne s'arrêtent pas là. Le Nouveau Partenariat s'attaque en effet encore à la mobilisation des ressources via une « initiative en faveur des flux de capitaux »27(*), qui comporte à nouveau un élément qui a l'accent du fatalisme de la dépendance puisqu'il concède que le « NEPAD vise à obtenir une augmentation des apports d'APD à moyen terme »28(*). Il contient également une « initiative pour l'accès aux marchés » notamment à travers la promotion des exportations et du secteur privé29(*).

Enfin, c'est somme toute logiquement que le « Nouveau partenariat pour le développement économique de l'Afrique » se soucie d'établir un... « nouveau partenariat mondial ».

Il est notamment question d' « instaurer de nouvelles relations avec les pays industrialisés et les organisations multilatérales »30(*). Qui dit « nouvelles relations » implique a priori une remise en cause ou, à tout le moins, une réorganisation desdites relations. Cependant, les concepteurs du NEPAD se sont empressés de préciser dès l'article 184 que les « divers partenariats entre l'Afrique et les pays industrialisés d'une part et les institutions multilatérales d'autre part devront être maintenus », offrant ensuite une liste des partenariats en question. Sous cet angle, il semble que cet article soit au moins partiellement antithétique par rapport au titre de la section dans laquelle il s'insère.

* 17 NEPAD, Section I, article 1.

* 18 Id., Section I, article 7.

* 19 Id., Section II, article 27.

* 20 Id., Section II, article 48.

* 21 Id., Section V, article 79.

* 22 Id., Section V, articles 71 à 95.

* 23 Id., Section V, articles 96 à 143.

* 24 Id., Section V, articles 104 à 108.

* 25 Id., Section V, article 108.

* 26 Id., Section V, articles 115 à 128.

* 27 Id., Section V, articles 144 à 152.

* 28 Id., Section V, article 148.

* 29 Id., Section V, articles 153 à 170.

* 30 Id., Section VI, articles 183 à 185.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand