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Le NEPAD ou l'ère de la conditionnalité intériorisée

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par Julien Vlassenbroek
Université de Louvain-La-Neuve (UCL) - Diplôme d'études spécialisées en études du développement 2005
  

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4.3. Deux paradoxes fondamentaux

Mais au-delà de tous ces éléments ponctuels, au-delà même du fait que le NEPAD tout entier repose sur des postulats néolibéraux qui ont montré leurs limites par le passé, ce plan apparaît comme recelant en lui des éléments éminemment contradictoires dans l'articulation de deux de ses principaux objectifs avec les moyens mis (ou à mettre) en oeuvre pour y parvenir.

4.3.1. Une volonté d'émancipation entraînant un accroissement de la dépendance

On l'a vu, les promoteurs du NEPAD tiennent à ce que leur projet soit perçu comme un outil « fondé sur un ordre du jour dont ont décidé les Africains de leur propre initiative et de leur propre gré, afin de déterminer eux-mêmes leur destin »78(*).

Autrement dit, le NEPAD se veut un plan d'émancipation de l'Afrique, fait par les Africains, pour les Africains. Seulement voilà, on a déjà mis en lumière tout ce que ce plan fait « par des Africains » recèle en fait de conditionnalités externes intériorisées et d'alignement sur les agendas des « partenaires de développement ». Et en ce qui concerne ses velléités émancipatrices, il semble bien que le NEPAD induise lui-même les facteurs qui risquent de les étouffer dans l'oeuf. En effet, malgré cette volonté d'autonomie maintes fois ressassée, on a déjà relevé que certains articles du document placent ipso facto l'Afrique sous tutelle des bailleurs de fonds (e.g. les articles 66, 184, 185, 186).

D'aucuns notent que le succès du NEPAD est directement dépendant d'investissements massifs que l'Afrique ne pourrait assumer d'elle-même, or les sources de financement que préconise l'accord restent les mêmes que celles des années précédentes, à savoir les traditionnelles aides des institutions internationales ou des « partenaires de développement » dans le cadre de relations bilatérales.79(*)

Lorsque l'on sait que « les besoins financiers annuels pour assurer les objectifs du NEPAD sont estimés à 60 milliards de dollars, soit plus de quatre fois le montant annuel de l'APD et des IDE »80(*), on comprend à qu'il s'agit là d'un projet qui, malgré ses prétentions, ne pourra être concrétisé qu'au prix d'une inféodation accrue de l'Afrique par rapport au monde développé.

Ce paradoxe d'un plan d'émancipation ne pouvant se réaliser qu'à travers un accroissement de l'auto-sujétion a été remarquablement synthétisé par Richard Ilorah : « the possibilities of supporting the NEPAD budget trough contributions based on member states' GNPs, `own resources, or VAT are [...] not especially bright. A reliance on donor countries and organizations would appear the best option of all except for the implications involved, many of which border on the interference with member states' autonomy and sovereignty. A reliance on donor countries and organizations is tantamount to accepting involvement by powerful international agencies that would ultimately tamper with the sovereignty of NEPAD member countries, and the autonomy of NEPAD as an African programme [dont on a vu qu'elle est déjà toute relative quant à son fond idéologique]. Generally, donor countries and organizations are reluctant to finance development projects if they are not allowed some degrees of influence in the region concerned. [...]. An argument for a reliance on external funding would be that if the success of NEPAD as a programme depends heavily on financial assistance from external donors [ce qui apparaît comme une fatalité à moyen terme], then the members states of NEPAD should as well allow specific donors to have influence not only in the region but also in the programme itself. This is obviously a common price associated with dependency and the question is whether NEPAD is willing to pay the price. Africa has in the past been known to depend heavily on external funding for its projects and donors countries in turn have more or less dictated terms of executing the projects »81(*).

C'est notamment sur base de ces constats que Patrick Chabal estime que le NEPAD ne devrait pas déboucher sur d'autres résultats que la perpétuation des relations Afrique-Occident telles qu'elles se sont développées depuis la décolonisation.82(*)

On se trouve donc bien ici face à un postulat contenant de nature un paradoxe fondamental et inextricable puisque les moyens avancés par le NEPAD afin de sortir le continent africain de son état de dépendance vis-à-vis des pays développés et des institutions multilatérales mèneraient inévitablement à un approfondissement de cette dépendance.

* 78 Id., Section II, article 48.

* 79 J. Gathaka et S. Wanjala, « Kenya and NEPAD », p. 18.

* 80 P. Hugon, « Le NEPAD entre partenariat et gestion des conflits », op. cit., p. 344.

* 81 R. Ilorah, « NEPAD : The Need and Obstacles »,p. 244.

* 82 P. Chabal, « The quest for good government and development in Africa: is NEPAD the answer? », op. cit., p. 462. 

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