WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Tradition et rationnalité chez Hans-Georg Gadamer


par Pierre Luhata Lokadi
Université Saint Pierre Canisius - Bachelier en Philosophie 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

III.2. « Plus être que conscience »

Cette courte phrase résume l'herméneutique de Gadamer. Voilà le message de tout « Vérité et Méthode ». C'est une vérité historique. Au coeur de la conscience réflexive de l'homme se trouve des zones d'ombres que la conscience elle-même n'est pas en mesure de saisir comme d'intention. La structure préalable de la compréhension a levé le voile à ce sujet. La pré- compréhension est condition de possibilité de toute compréhension.

« Plus  être que conscience » se manifeste avec éclat dans le « jeu ». Celui-ci subsume la conscience des joueurs. Ces derniers savent ce qu'ils sont entrain de jouer, mais restent sous l'emprise du jeu lui-même qui les guide à travers ses règles. Dans ce sens, un bon joueur c'est celui qui représente le mieux le jeu lui-même en respectant strictement ses règles.

Et c'est la même chose avec la tradition qui constitue le fondement de notre être historique. La tradition participe activement à la réalisation de l'homme. C'est ce que Gadamer baptise « le principe de l'histoire de l'action (ou influence)81(*). L'influence de l'histoire de l'action ne dépend pas de notre reconnaissance. Car elle porte toute réflexion consciente, elle ne peut pas être séparée d'elle pour être considérée comme un objet. Gadamer écrit :

Il n'est donc pas nécessaire de faire de l'histoire de l'influence une nouvelle discipline auxiliaire des sciences de l'esprit, qui aurait son indépendance, mais d'apprendre à se comprendre soi-même avec plus de justesse et de reconnaître que l'action de l'influence est l'oeuvre en toute compréhension, que l'on en soit ou non expressément conscient.82(*)

C'est pourquoi, la tâche de l'herméneutique, dit Grondin, c'est de rendre le Dasein à chaque fois individuel, accessible à lui-même, de le rappeler à lui-même et de traquer l'aliénation de soi dont il est victime.83(*) Sans aucun doute, l'histoire de l'influence agit par-delà et en deçà de la conscience que peut avoir un savant. D'où, l'humilité s'impose. Même en matières des sciences Thomas Kuhn parle des croyances scientifiques, qui relèvent plus de l'arbitraire. Car, les découvertes scientifiques sont oeuvres d'un élément arbitraire. Cet élément est souvent fruit de hasards personnels et historiques.84(*) Gadamer parle quant à lui du rôle de l'imagination dans toute découverte scientifique :

Qu'est-ce qui rend le chercheur fécond ? Est-ce le fait qu'il ait appris des méthodes ? Non ; celui qui n'invente rien ne les a pas moins apprises. C'est l'imagination qui est le don le plus important du chercheur. Imagination ne signifie naturellement pas ici une aptitude vague à se représenter n'importe quoi. Au contraire, l'imagination a une fonction herméneutique, elle est au service du sens de ce qui est digne d'être interrogé, du pouvoir d'ouvrir les vraies questions comme ne parvient à le faire en général que celui qui domine toutes les méthodes de sa discipline.85(*)

Par ailleurs, l'exemple de l'hérédité biologique montre aussi clairement que nous portons en nous beaucoup d'éléments du passé que nous ne pouvons justifier avec notre intelligence. Nous sommes fruits d'une longue tradition humaine. Cette tradition travaille en nous. Nous sommes travaillés par les gènes qui proviennent des plusieurs générations du passé. Nous sommes marqués par nos gènes86(*). L'arbre généalogique peut nous aider à éclairer ce problème. Donc, nous sommes portés par l'influence de la tradition qui échappera toujours à notre conscience réflexive. Surtout quand celle-ci veut considérer la tradition comme un objet. C'est la marque de la finitude de notre être historique. François Jacob parle de la mémoire de l'hérédité87(*). Les gènes conservent la tradition au sein de l'espèce. Aussi, faut-il ajouter que cette conservation se fait d'une manière intelligente. Au sujet du comportement des gènes Maddox affirme :

Les gènes eux-mêmes ne sont pas si simples qu'il y paraît. C'est ce qu'illustre à merveille la découverte, en 1978, d'une caractéristique tout à fait inattendue de l'organisation des gènes dans les eucaryotes. Dans le chromosome circulaire unique propre aux bactéries, les gènes sont arrangés, si l'on recourt au vocabulaire anthropologique, avec beaucoup de bon sens et d'économie.88(*)

L'homme sage c'est celui qui sait reconnaître sa situation d'être marqué par la finitude89(*). Le Dasein est pris dans la situation dans laquelle il vit. C'est un mystère qu'on ne peut pas objectiver. Gadamer nous invite à une herméneutique de la vigilance90(*). C'est exactement ce que Marcel Madila renchérit en ces propos :

L'exigence de rendre conscience que nous sommes des « êtres-affectés-par-le-passé » ne peut être comprise que si l'on parvient à montrer qu'il existe un lien très étroit entre la « compréhension » et « la tradition ». Il faut en conclure que les critères de la traditionnalité constituent finalement les faits caractéristiques du Dasein humain lui-même. Ces critères sont : la situation herméneutique, l'horizon et la fusion d'horizons.91(*)

On ne peut dès lors, résoudre par notre savoir, la situation dans laquelle on baigne. D'où, il faut la présence d'un autre. L'ouverture à l'autre par le dialogue, permet de mieux comprendre sa situation. L'autre a beaucoup à me dire. Nous sommes par excellence, des êtres de dialogue. Gadamer parle du « dialogue que nous sommes ».

* 81 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, Paris, Cerf, 1996, p.322.

* 82 Ibid., p.323.

* 83 Jean Grondin, op cit. p.139.

* 84 Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1972, p.19.

* 85 Hans Georg Gadamer, « Le problème herméneutique », in Archives de philosophie, n°33, janvier- mars 1970, p.13.

* 86 Castern Dutt, op cit. p.38.

* 87 François Jacob, La logique du vivant : une histoire de l'hérédité, Paris, Gallimard, 1970, p.256.

* 88John MADDOX, Ce qu'il reste à découvrir, Paris, Bayard, 2000, p.233.

* 89 Hans Georg Gadamer, Vérité et Méthode, p.323. Aussi, Gadamer dit que la Conscience de l'histoire tourne le dos à la naïveté de l'assimilation et de la comparaison en permettant à la tradition de devenir expérience et en restant ouverte à la requête de vérité que celle-ci présente. Ce n'est pas dans la certitude méthodique que la conscience herméneutique trouve son achèvement, mais dans la communauté d'expérience qui distingue de celui qui est emprisonné dans des dogmes, l'homme d'expérience. Cfr. Vérité et Méthode, p. 385.

* 90 Au sujet de l'herméneutique de la vigilance, Jean Onaotsho a consacré une abondante littérature. Nous renvoyons le lecteur à lire son article intitulé : « Herméneutique, Critique et Déconstruction. Repères d'une herméneutique de la vigilance », in Revue Philosophique de Kinshasa, Vol. XV. n° 27-28, Kinshasa, F.C.K., 2003, p.150.

* 91 Marcel Madila Basanguka, « Tradition, langage et jeu chez H.G. Gadamer. Une ontologie de la culture », in Revue philosophique de Kinshasa, n°32, juillet- décembre 2003, p.91.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery