FACULTE DE PHILOSOPHIE
SAINT PIERRE CANISIUS
KIMWENZA
Par
Pierre LUHATA Lokadi, sj.
Mémoire présenté pour l'obtention
Du Grade de Bachelier en Philosophie
Directeur : Professeur Jean ONAOTSHO
Mai, 2006
Tradition et rationalité chez Hans- Georg GADAMER
Une lecture de Vérité et
Méthode
A tous ceux qui ont cru au feu dévorant qui
brûle dans mon coeur
au- delà de la finitude de mon être historique
et qui présentement se reposent auprès de la
sagesse divine :
René De Haes, Kabangu Fwamba, Henri Bonga et Nsungu
Mpaka
A vous, chers amis et professeurs,
Je dédie ce travail.
Remerciements
Loin d'être personnel, ce travail a été le
fruit d'un effort collectif. Plusieurs personnes ont contribué à
sa réalisation. Ainsi, le devoir nous impose de faire un acte de
reconnaissance envers ceux qui ont accepté volontairement de souffrir
avec nous durant la gestation de ce travail. Qu'ils partagent donc avec nous la
joie de sa naissance.
Ainsi, qu'il me soit permis de mentionner les quelques
influences significatives que même une mémoire défectueuse
ne supprimera jamais entièrement car désormais, ces personnes
vivent en moi, elles constituent une tradition pour moi.
Mes remerciements s'adressent tout d'abord au Professeur Jean
ONAOSTHO Kawende pour m'avoir introduit à la pensée de GADAMER.
Qu'il trouve dans ce travail un hommage vivant à sa haute intelligence,
sagesse et personnalité. Ce qu'il a gravé en moi aucun vent, si
violent soit-il, ne pourra l'effacer. Que Maman Annie, Prodige, Anne et
Jean-Junior soient aussi remerciés pour la
générosité de leur coeur.
Les mots de merci s'adressent aussi à tous mes
professeurs de la faculté. Plus particulièrement, je pense :
au professeur Paulin MANWELO pour avoir accepté de faire une critique de
ma problématique ; au professeur NTIMA Nkanza pour ses innombrables
remarquables et conseils. Je ne les oublierai jamais. Que le Père Johan
Allary soit aussi remercié pour le soin qu'il a mis durant trois ans
pour s'occuper de la santé spirituelle de mon âme.
Merci au Frère Umba Joachim et au Père Jules
Tshibamfumu. Ils savent le « pourquoi » de mes
remerciements. Merci à mon Maître MUTUNDA Mwembo Pierre ;
c'est lui qui m'a donné le goût de la philosophie et a
initié mon esprit à affronter le débat autour des
questions brûlantes de la rationalité moderne. Que ce travail soit
pour lui un signe de reconnaissance.
Je ne saurai oublier mon ami et grand frère dans la
compagnie, Emmanuel BUEYA bu Makaya. Merci d'avoir activement contribué
à la genèse et à l'éclaircissement de la
problématique qui traverse notre travail. Soit Béni ! Aussi,
que les membres de mon équipe de vie d'EMMAÜS soient
remerciés particulièrement pour la vie fraternelle menée
durant mes études philosophiques à Canisius.
D'une manière spéciale, j'adresse mes
remerciements à mes parents, frères, soeurs, ami(e)s et
connaissances. A papa Jean LUHATA et à Maman Louise M'BI, pour le don de
la vie que j'ai reçu de la part du Seigneur à travers leur
médiation. Qu'ils puissent se reconnaître dans le travail de leur
fils. A mes frères et soeurs : Henriette, Marie-Louise, Soeur
Laurette, Benoît, Pauline, Jean-denis, Abel, Blandine et Papy ;
merci pour votre soutien fraternel.
Que tous mes ami(e)s trouvent aussi dans ce travail
l'expression de ma gratitude envers eux. Je ne saurai oublier le couple ami,
Peter KAWE et Viviane ASHIMBA. Que le Seigneur bénisse votre
foyer !
0. Introduction
générale
Que le titre de notre travail soit consacré à la
Tradition et à la Rationalité chez Gadamer, cela est très
significatif. Cette dialectique tradition- rationalité constitue,
à notre sens, la problématique centrale de
« Vérité et Méthode ». Une lecture
approfondie de cet ouvrage nous montre avec clarté l'actualité du
débat. D'une part, les partisans de la tradition humaniste et, d'autre
part, les partisans de la raison à travers les nouvelles technosciences
qui dominent le monde et transforment la vie sur Terre.
En effet, l'époque moderne a connu un bouleversement
extraordinaire dans le domaine de la science. C'est l'avènement de la
science du « Je » ou du « Moi ».
Descartes semble être le promethée de l'époque moderne. Il
vole le feu de la raison pour le donner à l'agir humain. Avec lui, le
primat est accordé à la res cogitans au mépris de
la res extensa. Le monde extérieur n'existe pas. Seul, moi qui
pense existe. Sauf le « Je » échappe au doute
cartésien. Tout ce qui est non-moi est soumis au doute, il est objet
d'investigation. La méthode se présente comme voie incontournable
pour bien mener ses investigations. L'aufklärung viendra
radicaliser la position de Descartes en faisant de la Raison la seule instance
de légitimation de l'agir humain. Il faut oser penser par
soi-même. Adieu l'Autorité, la tradition, les coutumes... C'est la
liberté de l'homme qui est en vedette durant cette époque de
l'histoire. L'impératif catégorique de Kant en est un exemple
apologétique. Jean Onaostho explique bien cette période de
l'histoire en ces termes :
En effet, depuis le déclin du paradigme
médiéval essentiellement onto-théologique, la philosophie
moderne naissante, la Réforme et l'
« Aufklärung »(avec son corollaire de scientisme) ont
jété un discrédit sur la tradition, les
préjugés et l'autorité assimilés à des
« idola » incompatibles avec l'idéal moderne de
progrès, de liberté, d'émancipation, d'autonomie. Pour le
chef de file du rationalisme (Descartes), comme pour Kant et l'ensemble des
Lumières, la tradition devient pour ainsi dire, le principal obstacle
épistémologique que doit vaincre tout savoir à vocation
scientifique et critique1(*).
Par ailleurs, le romantisme quant à lui, cherchera
à réinstituer la tradition. Ce qui compte c'est la restauration
du passé et de l'ancien. C'est l'éloge de l'ancien. Celui-ci est
le centre de l'avènement du sens et de l'être. Ainsi, entre Les
lumières et les romantiques il y a opposition radicale. Les
lumières soutiennent la raison et les romantiques valorisent la
tradition.
Le travail de Gadamer est à situer au coeur de cette
opposition. Gadamer veut concilier ces deux doctrines philosophiques. Pour lui,
la raison doit aller de pair avec la tradition. Il réhabilite la
tradition, les préjugés et l'autorité. Aussi, il sied de
retenir qu'il y a une rationalité dans la tradition. Celle-ci repose sur
la re-connaissance. Reconnaître c'est un acte de la raison.2(*) D'où, Gadamer dit que
l'opposition n'est pas aussi absolue entre tradition et raison. Dans ce sens,
toute herméneutique doit commencer par abolir cette opposition
abstraite3(*). Par ailleurs,
au coeur de ce débat se pose le problème de la fondation des
sciences humaines. Quelle méthode pour les sciences humaines ?
Ce travail s'efforce de montrer comment l'homme est un
être historique et conditionné, marqué par la finitude. En
réalité, l'homme est pour beaucoup le reflet de sa
société. Il y a en lui quelque chose d'inobjectivable, mais
pourtant vrai, qui le conditionne avant même qu'il ait la conscience de
se reconnaître comme un « Je pense ». Cette chose,
c'est la tradition. C'est pourquoi, l'historicité de l'individu doit
être prise au sérieux. Qu'on soit scientifique, expert ou homme
ordinaire, la tradition nous accompagne toujours, jusque dans nos
recherches. Elle doit être un partenaire dialogal. C'est dans le dialogue
avec la tradition que la possibilité d'un avenir meilleur est
assurée.
Aussi, ce travail se veut d'abord une lecture de
« Vérité et Méthode ». Il s'agira pour
nous d'engager un dialogue avec le texte, point par point, chapitre par
chapitre en vue de dégager les grandes lignes qui orientent notre
problématique à savoir, la dialectique entre Tradition et
Rationalité telle qu'elle se déploie dans le livre. Ainsi, notre
travail survole la totalité de « Vérité et
Méthode ».
Pour ce faire, le travail est divisé en trois
chapitres. Le premier chapitre traite de la problématique de la
méthode dans les sciences humaines. Dans ce chapitre, il sera question
de présenter le débat autour de la fondation des sciences
humaines comme science. La question majeure s'énonce de la
manière suivante : « quelle méthode pour les
sciences de l'esprit » ? Dans le deuxième chapitre la
réflexion porte sur le dépassement de la question
épistémologique sous la conduite de la
phénoménologie. L'expérience de l'art nous conduit
à l'expérience herméneutique. Avec la
phénoménologie le mot d'ordre est lancé :
« le retour aux choses mêmes ». Il s'agira de saisir
l'essence des sciences humaines à travers les travaux de Husserl, Compte
York et Heidegger. Enfin, le troisième chapitre, intitulé
« Tradition comme partenaire dialogal », est la matrice de
notre travail. Ce chapitre montrera la relation d'intimité qui existe
entre la tradition et la rationalité.
Une conclusion générale reprendra les grandes
articulations notre travail.
CHAPITRE PREMIER :
LES SCIENCES DE L'ESPRIT ET LE
PROBLEME DE LA METHODE
I.0. Introduction
Les sciences de l'esprit ou sciences humaines, en allemand
« Geistswissenschaften », ont porté cette
dénomination au cours de l'histoire pour se distinguer des sciences de
la nature. Ces dernières, marquées essentiellement par
l'idée de la méthode, ont connu un succès éclatant
depuis les temps modernes. L'objectivité, la systématisation, la
rigueur et l'exactitude sont des exigences incontournables au sein des sciences
de la nature.
Face à la domination des sciences de la nature, les
autres sciences dites « inexactes » en particulier les
sciences de l'esprit, ont été poussées à
réfléchir sur elles-mêmes. Beaucoup ont pensé
pouvoir fonder les sciences de l'esprit en leur offrant une méthodologie
propre qui garantirait leur autonomie par rapport aux sciences de la nature.
Cette démarche a été une erreur car elle n'a pas
permis de saisir correctement la vraie essence des sciences de l'esprit. En
effet, vouloir fonder les sciences de l'esprit en se basant sur le
modèle des sciences de la nature c'est en réalité,
méconnaître leur essence qui se calque sur le modèle de la
tradition humaniste.
Les réflexions qui guident ce chapitre sont reparties
en deux points. Le premier traite de l'idéal méthodologique des
modernes. A la suite de Descartes, la méthode s'est imposée comme
la seule voie qui conduit à la connaissance vraie. Cette idée
s'étendra aux sciences de l'esprit. C'est ce qui peut ressortir du
dialogue avec des auteurs tels que : J.S. Mill, Hermann Helmholtz, L. Von
Ranke, J.G. Droysen et Dilthey. En dernier lieu, nous dirons ce que pense
Gadamer de l'idée de la « Méthode ».
I.1. Le concept de Méthode
chez les modernes
En général, on entend par
« méthode », du latin
« methodus », la marche rationnelle de l'esprit pour
arriver à la connaissance ou à la démonstration d'une
vérité. Il s'agit dans ce cas, d'une procédure qui
consiste à observer les phénomènes, à en tirer des
hypothèses et à vérifier les conséquences des ces
hypothèses par une expérimentation au laboratoire. La
méthode, c'est aussi une démarche suivie par une discipline pour
l'acquisition de la connaissance et la découverte de la
vérité. Elle peut être comparée à un chemin
que le chercheur parcourt tout au long de don investigation et de son labeur.
Ce chemin n'est pas ordinaire. Il est fait des quelques balises servant de
points de repères tout au long de la recherche. André Lalande
définit la « méthode » en partant de son
étymologie grecque 4(*)?? qui signifie « poursuite » (
) ; et par conséquent, effort pour atteindre une fin, une
recherche, une étude.5(*)
De toute évidence, il appert que l'idée de la
méthode telle que comprise par les modernes fait allusion à une
conscience consciente, à une maîtrise, mieux à une
expertise de la part du chercheur. Il s'agit pour le scientifique de
maîtriser son expérimentation, son observation. Nous sommes en
présence d'une conscience présente, éveillée,
dominatrice et donneuse de sens. Toutefois, l'on pourrait se demander :
jusqu'où cette conscience serait-elle consciente ?
Descartes semble être un des premiers philosophes
à avoir donné le coup d'envoie de la nouvelle science
basée sur l'idée de la « méthode ».
Cela apparaît clairement dans le sous-titre qui accompagne le fameux
« discours de la méthode ». En effet, nous pouvons
lire : « pour bien conduire sa raison et chercher la
vérité dans les sciences ».6(*) Descartes cherche à
fonder une nouvelle science différente de la philosophie. Car selon lui,
la philosophie n'a pas de fondement solide :
...puis, pour les autres sciences, d'autant qu'elles
empruntent leurs principes de la philosophie, je jugeais qu'on ne pouvait avoir
rien bâti qui fût solide sur des fondements si peu ferme, et ni
l'honneur ni le gain qu'elles promettent n'étaient suffisant pour me
confier à les apprendre car, je ne e sentais point, grâce à
Dieu, de condition qui m'obligeât à faire un métier de la
science pour le soulagement de ma fortune, et quoique je ne fisse pas
profession de mépriser la gloire en cynique, je faisais néanmoins
fort peu d'état de celle que je n'espérais point pouvoir
acquérir qu'à faux titre.7(*)
Sans aucun doute, la pensée de Descartes a beaucoup
influencé l'époque moderne dans le domaine de la science. Cette
pensée a conduit à un dualisme radical entre d'une part, le
« Je », conscience autosuffisante, maître de
l'univers, c'est la res congitans, et d'autre part, l'objet-monde,
dépourvu de sens et d'existence réelle, c'est la res
extensa. Ainsi, le monde matériel ne trouve sa consistance que dans
les formules de l'entendement de l'esprit humain. L'univers est quantifiable.
La nature, y compris l'être humain, devient un livre ouvert. C'est le
début d'une nouvelle science basée sur la
rationalité.8(*)
Dans le souci de l'objectivité et de clarté, le
monde qui nous entoure est mis en époké. Il y a rupture,
une séparation entre le « Je » et le
« non-Je ». Le « non-moi » est
sensé subir le sens. Le vrai monde est celui créé par
l'esprit humain. On ne peut pas ignorer la notion de la représentation
mathématique qui réduit la réalité aux signes et
formules. La réalité c'est le signe. Ainsi, tout se calcule, se
planifie et se programme en vue d'atteindre l'exactitude voulue. Adieu l'heure
de l'à-peu-près, de la providence.
A côté des grandes prouesses des sciences de la
nature, que représente les sciences de l'esprit sous la conduite de la
philosophie ?
Plusieurs tentatives ont été menées pour
donner aux sciences de l'esprit leur identité propre c'est-à-dire
une autonomie par rapport aux sciences de la nature. Les travaux
réalisés par J.S. Mill, H. Helmholtz, Ranke, Droysen et Dilthey
sont exemplaires.
1.2. John Stuart Mill et la
méthode inductive
Philosophe et économiste anglais, John Stuart Mill a
beaucoup contribué dans le domaine économique. Sa philosophie
trouve sa source chez plusieurs auteurs. Entre autres : l'empirisme de
Hume, l'Utilitarisme de Bentham, l'Associationnisme de son père James
Mill et le positivisme de Comte.
Pour ce qui concerne le débat autour des sciences de
l'esprit, il est bon de savoir que la dénomination « sciences
de l'esprit » est due au traducteur de la
« Logique » de Mill. Le problème de Mill
était de trouver la possibilité d'une application de la logique
inductive dans les « moral sciences », en allemand
« Geisteswissenschaften ».9(*) Par l'induction, il faut entendre le fait de partir
des faits particuliers pour aboutir à une vérité
générale. Ce qui est primordial c'est la recherche de la
généralité et de la régularité en vue
d'aboutir aux lois stables. C'est ici que prend source en son principe,
l'idéal d'une science naturelle de la société. Gadamer
cite la psychologie des masses comme cas illustratif d'une science naturelle de
la société.10(*)
Cependant, cette approche de Mill pose problème. La
connaissance, dans les sciences de l'esprit, ne s'acquiert pas fondamentalement
selon les critères des lois. La démarche inductive des sciences
de la nature ne permet pas de promouvoir l'expérience du monde social au
statut de science. En effet, les sciences de l'esprit ont une approche
différente de la réalité. Ici, on ne cherche pas à
saisir le phénomène concret qui se présente devant nous
comme un cas relevant d'une généralité. Le
phénomène est saisi dans ce qu'il a de particulier. Le
phénomène est saisi dans sa concrétude. Il se
révèle unique et historique. Le travail ici consiste à
comprendre comment tel homme, tel peuple, tel Etat, est ce qu'il est devenu et,
ce qui s'était passé au fond pour qu'il soit ainsi. Voilà
l'idéal des sciences de l'esprit même si certains voient en cela
un prétexte pour les qualifier de « science
inexacte ».11(*)
A la suite de Mill, le physicien Helmholtz cherchera à
son tour à donner aux sciences de l'esprit une place au carrefour des
sciences. Au fait, il se base sur la méthode inductive de Mill pour
apporter sa contribution.
1.3. Hermann Helmholtz12(*) : l'induction logique et
l'induction artistique- instinctive.
Pour fonder les sciences de l'esprit, leur accorder une
autonomie par rapport aux sciences de la nature, Helmholtz commence par
distinguer deux sortes d'inductions selon qu'on est dans les sciences de la
nature ou dans les sciences de l'esprit. Il y a d'une part,
l'induction logique : celle-ci
fonctionne comme mode d'investigation dans les sciences de la nature. Elle est
liée à l'activité consciente du scientifique. Elle repose
totalement sur l'usage propre que le scientifique fait de son entendement.
D'autre part, il y a l'induction artistique ou
instinctive. Cette dernière est propre aux sciences de
l'esprit. Il s'agit d'une inférence inconsciente. L'exercice de
l'induction s'accompagne d'une espèce de Tact
(taktgefülh) qui implique le recours à des facultés de
l'esprit qui sont d'un autre ordre faisant intervenir la mémoire et la
reconnaissance d'autorités.
Par ailleurs, on peut aussi facilement constater l'influence
de la pensée de Kant dans l'« essai de fondation »
de Helmholtz. Il distingue la liberté et la nature. Si la connaissance
dans les sciences de la nature s'opère grâce aux lois
mathématiques, l'expérience qui commande la connaissance
historique est de tout autre espèce. D'où, le problème de
Helmholtz consistait à montrer comment la méthode inductive est
soumise dans la connaissance historique à des conditions autre que dans
les sciences de la Nature. Car, la liberté est le propre de l'être
humain, donc de l'histoire.
Cependant, Gadamer fait remarquer que la distinction que fait
Helmholtz au sein de l'induction n'est pas absolument logique mais
plutôt psychologique.13(*) Aussi, Helmholtz est resté prisonnier de la
méthode inductive de Mill. La reprise des intuitions de Kant et de Mill
ne permet pas de justifier les sciences de l'esprit sinon que de les maintenir
dans un sentiment d'infériorité par rapport aux sciences de la
nature.14(*) C'est
à « l'école historique » que reviendra le
mérité d'avoir élevé les sciences de l'esprit
à la conscience logique d'elle-même.
I.4. L'école historique15(*)
L'école historique a pour préoccupation
l'histoire universelle. Cette école cherche à comprendre
la totalité du contexte de l'histoire de l'humanité16(*).Selon Ranke, la tâche de
l'historien consiste à rechercher une objectivité modeste et
à raconter les choses « comme elles ont véritablement
été » en évitant comme les penseurs de
l'Afklärung, de faire le procès du passé ou comme
les romantiques de l'idéaliser. Au sujet de cette thèse de Ranke,
Gadamer porte cette critique :
La célèbre formule de Ranke sur
l'élimination de l'individualité a donné une expression
populaire à ce qui est une exigence de la pensée historique,
à savoir la tâche que s'assigne la conscience historique de
comprendre tous les témoignages d'une époque à partir de
l'esprit de cette époque, de les envisager en faisant abstraction des
préoccupations actuelles de notre vie présente et sans
élever de prétention moralisatrice du passé qu'il s'agit
du comprendre lui aussi comme un passé humain.17(*)
Ranke se préoccupe de l'objectivation du passé
qui doit se réaliser par l'effacement de l'historien. Pour lui,
l'effacement est synonyme de la participation réelle18(*).
De son côté, Droysen, « le
théoricien perspicace de la méthode »19(*), adepte de l'historicisme de
Ranke, historien de formation, cherche à fonder transcendentalement les
sciences de l'esprit en partant de l'histoire comme centre de gravité.
Dans un passage cité par Gadamer, Droysen affirme : « il
n'y a guerre de domaine scientifique qui soit aussi peu que l'histoire,
fondé, délimité et articulé en
théorie »20(*). Pour construire son système, Droysen envisage
l'existence d'un impératif catégorique de l'historien basé
sur le modèle kantien qui serait alors la source vivante dont jaillirai
la vie historique de l'humanité.
Toutefois, si l'on doit à l'école historique le
mérite d'avoir donné aux sciences de l'esprit la conscience
logique d'elles-mêmes, n'empêche de souligner son échec dans
cette démarche. En effet, l'erreur de l'école historique
réside dans le fait qu'elle a voulu donner aux sciences de l'esprit une
consistance pareille aux sciences de la nature.
A la suite de Ranke et Droysen, Dilthey, auteur de
« la critique de la raison historique », ne viendra que
prolonger les intuitions déjà développées au sein
de cette école. L'accent sera mis chez lui sur la compréhension
comme méthode dans les sciences de l'esprit.
1.5. Wilhelm Dilthey
Dilthey21(*) reste un des esprits savants qui ont marqué
l'histoire de l'humanité au 19e siècle. C'est le Kant
des sciences de l'esprit. Il est préoccupé par le problème
de connaissance dans les sciences de l'esprit. Influencé par la
pensée de Kant, il cherche les conditions d'une connaissance
scientifique possible de l'histoire. Il examine la valeur
épistémologique des opératoires intellectuelles dont la
combinaison permet au monde historique de
« s'édifier » comme objet de connaissance. Ainsi, il
procède par la critique de la raison historique. Pour Dilthey, la
démarche compréhensive propre aux sciences de l'esprit et la
démarche explicative des sciences de la nature ne se contredisent
pas22(*). Au contraire,
elles se complètent dans la connaissance historique. L'effort
qu'entreprend Dilthey est, sans aucun doute, de trouver un fondement pour les
sciences de l'esprit. Ce fondement est la psychologie.23(*)
Cependant selon Gadamer, Dilthey n'est que
l'interprète de l'école historique. Il ne fait que reprendre les
intuitions fondamentales de Ranke et de Droysen.24(*) Dilthey est resté
prisonnier de la méthode inductive des sciences de la nature et surtout
de l'empirisme de la logique de Mill :
Tout le travail, difficile, que Dilthey a consacré
pendant des dizaines d'années à la fondation
(grundlegung) des sciences de l'esprit, est en fait un débat
ininterrompu avec l'exigence logique qui s'imposait, selon le
célèbre dernier chapitre de Mill, aux sciences de l'esprit. Ce
qui n'empêche pas cependant Dilthey de rester totalement sous l'emprise
du modèle fourni par les sciences de la Nature, alors même qu'il
veut précisément justifier l'autonomie des sciences de
l'esprit25(*).
Dilthey cherche l'objectivité dans les sciences de
l'esprit. En effet, selon lui, la connaissance implique la dissolution de notre
engagement dans la vie, l'acquisition d'une distance par rapport à notre
histoire propre, condition nécessaire de son objectivation.26(*) Voici quelques
concepts-clés qui permettent de comprendre la pensée de Dilthey.
Nous avons les concepts suivants : « expérience
vécue »27(*), la notion de
« structure »28(*), la « solidarité des
individus 29(*)», le
« donné »30(*). Par ailleurs, Ranke et Droysen avaient
déjà proposé des catégories historiques pour fonder
les sciences de l'esprit. Parmi ces catégories nous pouvons
retenir : « scènes de liberté » (Ranke),
« force », « puissance »,
« tendance déterminante ». Derrière ces
catégories nous pouvons comprendre que toute individualité est
déjà façonnée par la réalité qui lui
fait obstacle. Dans ce sens, l'individualité n'est pas
subjectivité, mais force vivante.
Les concepts de force, de puissance, de tendance
déterminante, etc. employés par les historiens veulent tous
rendre perceptible l'essence de l'être historique, en laissant entendre
que l'idée ne trouve toujours qu'une représentation imparfaite
dans l'histoire. Ce ne sont pas les plans et les opinions des acteurs qui
représentent le sens du devenir ; ce sont au contraire les effets
historiques qui font connaître les forces historiques. Ces forces qui
constituent les véritables porteurs du développement de
l'histoire, ne sont pas comme la subjectivité monadique de
l'individu.31(*)
Aussi, Chez Droysen, la catégorie principale est celle
qu'il baptise : « puissances
éthiques »32(*).
Si l'induction est la méthode des sciences de la
nature, la compréhension est propre aux sciences de l'esprit. En effet,
pour Dilthey la tâche de l'herméneutique consiste à
comprendre la vie à travers des expressions standardisées comme
les écrits, l'art, la musique...Ainsi, la compréhension pour un
historien de formation c'est de passer des expressions vécues aux
impressions vécues par l'auteur33(*).
Cette herméneutique est purement
épistémologique et constitue la méthodologie
générale des sciences de l'esprit. Dilthey rattache
l'herméneutique à la conscience historique. Pour lui,
l'herméneutique est l'élément universel de la conscience
historique pour laquelle il n' y a d'autres connaissances de la
vérité que celle qui consiste à comprendre les expressions
et en celle-ci, la vie. C'est la vie et comme conséquences,
« l'ensemble de la tradition qui deviendra pour la conscience
historique 34(*)une
rencontre de l'esprit avec lui-même ».35(*)
1.6. Gadamer et le concept de la
Méthode
Beaucoup ont interprété le titre de l'ouvrage de
Gadamer comme signifiant « vérité contre
méthode ». Et pourtant, Gadamer ne se reconnaît pas dans
cette interprétation. En effet, l'auteur de
« Vérité et Méthode » n'est pas contre
la méthode. Son problème c'est de montrer que si la
« méthode », telle que appréhendée par
les modernes, fonctionne efficacement dans les sciences de la nature, cela ne
va pas de soi avec les sciences humaines. Gadamer s'explique en ces
termes :
Le concept de « méthode » dans le titre
de mon livre indique déjà la distinction. Je n'ai pas - comme le
prétend par exemple Betti dans un débat avec Groce et Gentile -
élargi la méthode originelle de l'herméneutique
théologique et juridique à d'autres disciplines, afin d'assurer
par là la portée applicative nécessaire au concept de
méthode. J'ai plutôt cherché à montrer que le
concept de méthode est inadéquat pour décider de la
légitimité des sciences humaines. 36(*)
Gadamer soutient qu'il y a des méthodes en sciences
humaines. On doit les apprendre et les appliquer. Cependant, on ne peut pas
justifier les sciences humaines par le fait qu'on peut appliquer certaines
méthodes à certains objets.37(*) Dans les sciences humaines la relation qui existe
avec l'objet est fondamentale. Cette relation suppose la participation à
la tradition.
Ainsi, il faut rejeter l'idée de la méthode
telle que comprise par les modernes pour revisiter le concept grec tel que
Aristote le comprend. Une méthode qui décide avant même
d'avoir pénétré la chose est une mauvaise abstraction. En
effet, il revient à l'objet lui-même de déterminer la
méthode de sa pénétration. La vraie méthode est
celle qui laisse la chose déployer sa propre logique. Une méthode
pareille rend justice aux sciences humaines.38(*) Comme nous le verrons dans le deuxième
chapitre, la compréhension et l'interprétation
représentent le mieux, la méthode qu'il faut pour les sciences
humaines. Car elles relèvent de l'expérience
générale que l'homme fait du monde.39(*) Avec la compréhension
interprétative, l'objet lui-même se révèle à
nous tel qu'il est véritablement.
Voilà, ce que Gadamer pense de l'idée de la
méthode. Que retenir de ce premier chapitre ?
1.7. Conclusion partielle
Les travaux accomplis depuis Mill jusqu'à Dilthey, pour
fonder les sciences de l'esprit sont louables et méritent notre
reconnaissance. Dans une période marquée par la domination des
sciences de la nature, les sciences de l'esprit n'avaient qu'une place
marginale, baptisées « sciences inexactes » parce
que pas « de méthode ». Dilthey et ses
précurseurs ont cherché à donner une méthode aux
sciences de l'esprit. Cette méthode permettrait de justifier celles-ci
devant le tribunal méthodologique des sciences de la nature. Les griefs
adressés contre elles ne sont que des montages car, beaucoup ont
méconnu leur essence.
Contre Dilthey, Gadamer formule contre lui une critique en ces
termes :
Le conditionnement historique de la conscience ne
constitue-t-il pas une limite insurmontable à l'achèvement de la
conscience historique ? Hegel pensait peut-être pouvoir surmonter
cette limite par la sursomption (Aufhebung) de l'histoire dans
l'esprit absolu. Mais si la vie est une réalité créatrice
inépuisable, comme le pense bien Dilthey, la métamorphose
constante de l'ensemble significatif de l'histoire n'exclut pas la
possibilité d'un savoir qui atteigne l'objectivité ? La
conscience historique n'est-elle pas finalement un idéal utopique et qui
se contredit lui-même ?40(*)
Suite aux apories rencontrées chez Dilthey et les
auteurs penseurs étudiés dans les lignes
précédentes, Gadamer prend une autre orientation. Une nouvelle
voie d'investigation ouverte par la phénoménologie. La
méthode des sciences humaines doit être celle qui nous permet
d'aller aux choses mêmes afin de laisser à celles-ci le pouvoir de
nous adresser la parole. C'est la tâche de la compréhension.
Le chapitre qui suit est basé sur les travaux
réalisés par Heidegger à la suite de Husserl et le Comte
York. Avec le tournant phénoménologique, la question n'est plus
épistémologique mais plutôt ontologique.
CHAPITRE DEUXIEME :
Le dépassement de la
question épistémologique sous la conduite de la
Phénoménologie
II. O. Introduction
Le débat autour de la question de la fondation des
sciences de l'esprit a été un débat
épistémologique. Le problème fondamental consistait
à rendre scientifique les sciences de l'esprit. Cependant, les
différentes tentatives qui ont cherché à fonder les
sciences de l'esprit suivant le modèle des sciences de la nature ont
conduit aux apories. En réalité, ces tentatives n'ont fait que
donner aux sciences de l'esprit une place marginale derrière les
sciences exactes.
C'est pourquoi, Gadamer propose une autre voie, celle de
l'herméneutique où le phénomène de la
compréhension joue un rôle important. Ici, l'analyse de
l'expérience de l'oeuvre d'art est exemplaire car l'oeuvre d'art a une
vérité. Cette vérité n'est pas conceptuelle comme
c'est le cas dans les sciences de la nature. Au contraire, la
vérité propre à l'oeuvre d'art requiert la participation
qui transforme la vie de la personne qui fait l'expérience.
Sous la conduite de la phénoménologie, les
travaux de Husserl, Compte York et Heidegger poseront les lignes directrices
qui doivent orienter toute recherche en sciences de l'esprit. La règle
d'or c'est « le retour aux choses mêmes ».
Ce deuxième chapitre a trois points principaux. Le
premier point traite de l'ontologie de l'oeuvre d'art. L'expérience de
l'oeuvre d'art renferme une vérité qui transforme la vie. Le
deuxième point parle du concept de « vie » chez
Husserl et son approfondissement par le Compte York. Le dernier point est
consacré à Martin Heidegger et à son herméneutique
de la facticité.
II.1. L'ontologie de l'oeuvre
d'art comme ouverture à l'expérience herméneutique.
II.1.1. Gadamer et la question de
la vérité de l'oeuvre d'art
On ne peut pas commencer à parler de l'ontologie de
l'oeuvre d'art avec Gadamer sans rappeler le combat qu'il a mené pour
rendre justice à l'expérience de vérité propre
à l'art. Avec Kant l'art est passé au crible de la raison
critique. Le procès intenté contre l'esthétique va
conduire à un embarras ontologique. C'est le massacre de l'oeuvre d'art.
En effet, avec la conscience esthétique, l'abstraction est introduite au
sein de la connaissance esthétique. Il est évident que même
le domaine esthétique n'a pas été épargné
par l'idée de la méthode. Voici ce que Gadamer dit à ce
propos :
La relégation de la détermination ontologique de
ce qui est esthétique dans le concept d'apparence esthétique a
donc pour fondement théorique que l'empire du modèle de
connaissance, qui est celui des sciences de la nature, conduit à
discréditer toute possibilité de connaissance qui ne
relèverait pas de cette doctrine nouvelle de la méthode
(« fiction », dit-on)41(*).
Aussi, la conscience esthétique peut être
comparée à l'impératif catégorique. C'est le centre
d'expériences vécues, qui fournit la mesure de tout ce qui
s'impose comme art. Nous sommes donc devant un sujet conscient,
réfléchissant et possédant le pouvoir de réaliser
la distinction esthétique et de porter sur toute chose un regard
« esthétique ».42(*)Le grand crime de la distinction esthétique
c'est le fait de couper l'oeuvre d'art de son milieu de vie. L'oeuvre perd son
lieu et son monde pour devenir un objet d'exposition dans des
musées.43(*)
Et pourtant, l'oeuvre d'art n'a-t-il pas un message à
nous livrer ? Ne nous parle-t-il pas comme un
« tu » ? L'oeuvre d'art nous adresse une parole. Elle
doit être considérée comme un partenaire dialogal, car elle
a un message à nous livrer. L'expérience de l'art possède
aussi une vérité. Son mode de connaissance est suis
generis44(*). Cette
vérité ne peut être épuisée
définitivement au moyen des concepts. L'oeuvre d'art continuera toujours
à nous parler autrement. Voilà ce qui est extraordinaire.
L'expérience de l'art exige donc la compréhension. Celle-ci est
un phénomène purement herméneutique.
Pour rendre justice à l'oeuvre d'art, Gadamer pose la
question de l'oubli de l'être de l'oeuvre d'art à la conscience
esthétique comme Heidegger l'avait fait avec la métaphysique
traditionnelle. Cette question ne porte pas sur la subjectivité de la
conscience, mais elle va au- delà d'elle pour rejoindre le sphère
de l'Etre. Il nous faut interroger l'Etre- même de l'oeuvre d'art.
II.1.2. OEuvre d'art comme demeure
de l'Etre
L'oeuvre d'art a une vérité qui lui est propre.
Cette vérité n'est pas méthodologique ; mais au
contraire elle est une vérité herméneutique à
laquelle il convient de participer.45(*) Aussi, participer à l'expérience de
l'oeuvre d'art c'est accepter de se laisser transformer par elle. La
vérité de l'art transforme la vie. Pour mieux comprendre cette
thèse, Gadamer utilise le concept de « jeu ». Ce
concept est une clé de lecture pour celui veut comprendre
l'herméneutique de Gadamer. Le jeu permet de dépasser la
clôture épistémologique propre à la
vérité scientifique, souvent aveugle, et créer une
ouverture infinie de la vérité herméneutique.
En effet, le jeu ne remplit son but que lorsque les joueurs
s'oublient dans le jeu. Le jeu absorbe la conscience de ceux qui s'y livrent.
Gadamer affirme que « celui qui joue sait bien quelle chose est le
jeu, il sait que ce qu'il fait n'est qu'un jeu et pourtant, il ne sait pas ce
qu'il sait par là »46(*).
Comme dans le jeu, celui qui fait l'expérience de
l'oeuvre d'art se trouve métamorphoser. Le jeu a une essence qui est
indépendante de la conscience de ceux qui jouent. Ainsi, les joueurs ne
sont pas le sujet du jeu, mais à travers eux, c'est le jeu
lui-même qui accède à la représentation
(Dasterllung). Le jeu est son propre sujet. Son mode d'être
n'exige pas la présence d'un sujet conscient qui puisse se comporter de
manière intelligente. Même l'initiative ne relève pas des
joueurs. Elle est prise par le jeu lui-même. Cela veut dire que la
liberté des joueurs n'échappe pas à la puissance du jeu.
Car, le jeu représente un risque pour celui qui joue. On ne joue qu'avec
des possibilités limitées. Le risque du jeu c'est le défi
qu'il nous lance. En effet, c'est peut-être l'autre qui va
mériter.
Finalement, jouer c'est toujours être joué. Il y
a donc là une représentation. Celui qui joue représente
d'une certaine manière le jeu lui-même devant les spectateurs.
Cette représentation n'est pas donnée à quelqu'un. La
représentation dans son essence s'adresse toujours et déjà
à quelqu'un même quand la salle de spectacle est vide (même
quand personne n'est présent pour écouter ou regarder)47(*).
Par ailleurs, voici quelques notions clés qui nous
permettront de bien comprendre l'ontologie de l'oeuvre d'art :
a. La transmutation en oeuvre.
La transmutation signifie chez Gadamer que quelque chose soit
d'un coup et en totalité autre chose. Et cet autre possède un
statut ontologique vrai. Par exemple, dans le théâtre l'acteur
joue à l'être de l'autre. Il fait semblant. C'est la simulation et
la feinte.48(*) Celui qui
joue se détache de lui-même et en même temps garde son
identité qui restera caché pour les spectateurs. Ainsi, la
représentation nous permet de rencontrer l'oeuvre elle-même. Tout
comme nous rencontrons le divin dans le culte. Le jeu ne laisse pas subsister
pour personne l'identité de celui qui joue. La métamorphose est
une sorte de délivrance qui nous amène à la
vérité de l'Etre.
b. La médiation totale
La médiation totale signifie que
l'élément qui sert de médiation se supprime lui-même
lors de la représentation. L'oeuvre est jeu parce qu'elle n'atteint son
but que chaque fois qu'elle est jouée. Ce que l'auteur joue et ce que
le spectateur reconnaît est une et même chose. Ce qui est
imité dans l'imitation, créé par l'écrivain,
représenté par l'exécutant, reconnu par le spectateur, est
la visée de l'oeuvre. C'est cela le sens de toute
représentation.
Dans les oeuvres littéraires, la médiation se
fait grâce à l'interprétation. En effet, interpréter
c'est recréer. La médiation par essence, est médiation
totale.49(*)
c. La temporalité
esthétique
Le propre de toute oeuvre d'art c'est d'être
contemporain de tout présent. L'oeuvre d'art reste elle-même
malgré les métamorphoses et les déformations que les
répétitions peuvent lui infliger.50(*) Ce qui se présente comme jeu de l'art ne
s'épuise pas. Il doit demeurer. Il y a un droit à la durée
et la durée d'un droit.
Nous savons bien que le droit existe dès le moment de
sa proclamation. C'est la même chose avec la Parole de Dieu, lors de la
proclamation de l'Evangile. La parole a pour fonction d'accomplir la
médiation totale. La parole opère la médiation de la
contemporanéité. Celle-ci signifie qu'une chose unique soit-elle,
se présente à nous, si lointaine qu'en soi l'origine, acquiert
présence dans la représentation. Bref, la
contemporanéité est présence.51(*)
d. L'exemple du tragique
Aristote a introduit quelque chose d'important dans la
conception du tragique : l'effet produit sur le spectateur.52(*) Le tragique est toujours
compris comme unité historique. Le propre du tragique c'est
d'être accepté. Il s'agit d'une communion : le héros
accepte son destin. Le « ainsi » est chez le spectateur
quelque chose qui vient l'éclairer des aveuglements dans lesquels il
vit. Le tragique nous permet de prendre connaissance de notre finitude. C'est
notre propre histoire qui se déroule devant nous.
e. Y-a-t-il une
représentation de la vérité dans les arts non
-transitoires ?
Par arts non- transitoires, il faut entendre tous ceux qui
n'ont pas besoin d'être exécuté pour être compris.
C'est le cas de la peinture, de la sculpture, de l'architecture, de la
littérature...Beaucoup ont cru qu'il n'y a pas de représentation
dans ces arts. Ce n'est pas vrai. Ici également l'être advient
à la présence. Il y a toujours un surcroît d'être.
Dans le cas de la littérature, le contenu d'un livre se donne en
représentation dans l'imagination du lecteur. L'être qui
était caché se révèle au lecteur. Il devient
présent. Gadamer affirme que dans le déchiffrement et
l'interprétation il y a un miracle qui se produit : la
transformation de quelque chose d'étranger et de mort en quelque chose
d'absolument coprésent et de familier.53(*) Il y a donc fusion d'horizons dans
l'occasionnalité54(*) de l'oeuvre d'art. Jean Grondin dit qu'en ce sens,
tous les arts sont transitoires55(*).
Voilà, d'une manière brève quelques
notions importantes qu'il faudrait retenir sur l'oeuvre d'art. Maintenant, il
est temps de tirer des conséquences herméneutiques de
l'ontologie de l'oeuvre d'art.
II.1.3. L'oeuvre d'art, quelle
signification herméneutique ?
Nous avons dit plus- haut que l'expérience de l'oeuvre
d'art nécessite, non pas un effort de conceptualisation, ni
d'objectivation mais plutôt, la compréhension. En effet, la
compréhension comme moyen nous permet d'accéder à
l'expérience véritable de l'art. Elle est comme une partie de
l'événement du sens, dans lequel le sens de toutes
déclarations se forme et s'accomplit. La tâche fondamentale de
l'herméneutique c'est l'intégration. Il ne s'agit pas de chercher
à restaurer naïvement le passé comme le pensait
Schleiermacher. Car, vouloir reproduire fidèlement la production de
l'auteur est une illusion. De même que vouloir connaître
l'état d'âme dans lequel se trouvait l'auteur pour mieux
connaître son oeuvre est pur psychologisme. Dilthey est l'un de ceux qui
soutienne cette deuxième thèse.
Par contre, l'oeuvre d'art nous rejoint toujours dans notre
présent pour nous adresser la parole. Pour un esprit clairvoyant,
l'être de l'oeuvre d'art se présente exactement comme le
Dasein chez Heidegger. Le propre du Dasein c'est d'être
le berger de l'Etre. Il est l'Etre-là. Il est ek-statis.
L'oeuvre d'art permet à quelque chose d'immanent de se rendre
présent dans la vie de l'homme. C'est la vérité
herméneutique de toute expérience de l'oeuvre d'art. Cette
expérience contient une certaine vérité qui a pour
télos la transformation de notre vie56(*).
Le concept « de vie » est riche de sens.
Gadamer entend l'approfondir avec Husserl et Compte York.
II.2. Le concept de
« vie » tel que compris par Husserl et compte York.
II. 2.1. Edmund Husserl
Le problème de Husserl était de dépasser
le dualisme cartésien entre le sujet et l'objet. Dans la construction de
sa phénoménologie transcendantale, il introduit une notion
importante, celle de l'intentionnalité : « toute
conscience est conscience de quelque chose ». Dans l'acte de penser
le sujet et l'objet sont saisis simultanément. Le mot d'ordre de
l'intentionnalité est « le retour aux choses
elles-mêmes ». Il s'agit fondamentalement de laisser à
la chose la capacité de pouvoir nous révéler son
être, son essence. Pour Husserl, l'unité réelle des
expériences vécues se réalise dans la conscience. Celle-ci
représente une coordination essentielle. A ce sujet Gadamer dit
ceci :
Avec Husserl, l'opposition entre la nature et l'esprit est
à réviser ; sciences humaines et sciences naturelles doivent
être comprises à partir de l'intentionnalité de la vie
universelle.57(*)
Par ailleurs, on trouve aussi chez Husserl la notion de
l'horizon qui n'est pas une frontière rigide, mais quelque chose qui en
appelle au cheminement et invite « au-va-plus-loin ».
Ainsi, tout ce qui est comme étant, est donné dans le monde et
emporte avec lui l'horizon du monde.58(*)
La suspension Husserlienne permet de découvrir
l'essence de l'objet. Elle ne supprime pas la validité du monde. La mise
en épokè permet de comprendre les expériences
vécues particulières, les intentions cachées, anonymes,
implicites de la conscience et à rendre ainsi intelligible en
totalité, toute validité ontologique objective. Le monde qui est
mis en époké est « un monde de la
vie ». Ce monde n'est pas objectivable par la conscience, car il est
lié à la subjectivité. Ce monde est donc
historique59(*).
Cependant, un problème demeure dans la
phénoménologie transcendantale de Husserl. Il concerne la nature
même du « Moi transcendantale »
réfléchissant. Celui-ci compris comme originaire, n'a pas de sol
ontologique. C'est la critique que Heidegger adresse au
« Moi Transcendantal » de Husserl. En plus, le rapport
avec les autres « Moi transcendantaux » est
problématique. En effet, l'autre est d'abord appréhendé
comme objet de perception avant de devenir ensuite, par empathie,
« alter ego », un toi.
Bref, le concept de « monde de la vie »
tel que développé par Husserl est riche mais n'est pas
suffisamment approfondit. Ce concept a attiré l'attention de Gadamer
parce c'est à travers la vie que l'historicité de tout ce qui
est vivant est rendu manifeste. C'est dans cette ligne que le Compte York et
Heidegger viendront approfondir.
II.2.2. Le comte York
York propose de comprendre la vie comme une affirmation de
soi. La vie est une unité jusque dans la division et l'articulation de
soi. Le vivant est division originaire.60(*) Dans ce sens, même la conscience est à
comprendre comme comportement de la vie. Ce qui caractérise
fondamentalement le vivant c'est l'assimilation. Celle-ci veut dire que tout
vivant se nourrit de ce qui lui est étranger ou qu'il perçoit
comme étranger. Cette vérité est au coeur de la structure
du vivant même.
Le comte York jette ainsi un pont entre la
phénoménologie de l'esprit de Hegel et la
phénoménologie de la subjectivité transcendantale de
Husserl.61(*) Aussi, il
dépasse Husserl et Dilthey dans la mesure où, dit Gadamer, il ne
remonte pas seulement à la vie dans une intention
épistémologique mais conserve aussi la connexion
métaphysique de la vie et de la conscience de soi tel qu'il avait
été développé par Hegel62(*). Par conséquent, la
conscience d'objet ne peut pas connaître ce qui est vivant. Ni l'effort
de l'entendement qui s'exerce à pénétrer la loi des
phénomènes. En effet, le vivant se présente comme quelque
chose qui ne peut être saisi de l'extérieur à sa
vitalité63(*).
Telle est le sens que porte le concept de vie chez le comte
York. Retenons que la prise de la dimension métaphysique de la vie est
capitale car, elle sera le point de départ de l'ontologie fondamentale
de Martin Heidegger.
II.3. Martin Heidegger et
l'herméneutique de la facticité.
Avec Heidegger, la phénoménologie quitte la
sphère transcendantale pour s'enraciner dans le sol existential.
Heidegger entend approfondir le concept de « monde de la
vie ». C'est le point de départ de sa
phénoménologie existentiale. L'auteur de « l'Etre et
Temps » veut comprendre l'existence humaine dans sa
quotidienneté, dans ses hauts et ses bas. Cette herméneutique
nouvelle s'appelle : « herméneutique de la
facticité ».64(*) Le Dasein est un être dans le monde,
un être au monde, un être-jeté-au-monde. Le monde dans le
sens heideggérien signifie l'univers avec l'ensemble des significations
que le Dasein lui confère. En effet, une pierre n'a pas de
monde. L'animal a un monde. Mais, l'homme crée son monde, il le
façonne. Il est l'être-là. C'est-à-dire que le
Dasein a la capacité de sortir de soi et de se projeter. Le
pro-jet fait intervenir trois existentiaux : la déchéance,
la déréliction et la compréhension. Parmi ces trois
existentiaux, seule la compréhension est le propre de l'homme parce
qu'elle est une ouverture à l'avenir. La compréhension est le
mode d'être du Dasein :
La compréhension n'est pas un idéal de
l'expression humaine auquel, comme Dilthey, l'esprit se résignerait en
sa vieillesse ; elle n'est pas non plus comme Chez Husserl, un ultime
idéal de méthode pour la philosophie qui s'opposerait à la
naïveté du « vivre-au-jour-le jour », elle est,
au contraire la forme d'accomplissement originaire du Dasein qui est
un être-au-monde. Avant toute différenciation de la
compréhension dans les diverses branches de l'intérêt
pragmatique ou théorique, la compréhension est le mode
d'être du dasein dans la mesure où il est « pouvoir
-être » et « possibilité ».65(*)
La compréhension n'est plus à comprendre comme
une méthode des sciences historiques mais comme le caractère
ontologique originaire de la vie humaine elle-même. D'où,
Heidegger se propose de faire une analytique du Dasein pour
éclairer sa structure de la compréhension. Cette analytique est
à situer au niveau transcendantal car, la compréhension chez
Heidegger a un poids ontologique66(*).
C'est pourquoi, la question rebondit avec éclat :
« qu'est-ce qui se passe quand on comprend » ?
II.4. La structure
préalable de la compréhension
La compréhension se trouve au coeur du rapport de
l'homme avec le monde, avec les autres et avec lui-même. Il y a chez
Heidegger une valorisation ontologique des problèmes de la structure de
la compréhension historique de l'existence humaine qui est
essentiellement orientée vers le futur.
Le problème de la structure préalable de la
compréhension nous renvoie à la question de la temporalité
du Dasein. Celle-ci nous renseigne que le temps est une
modalité de l'être du Dasein. Le temps n'est pas une succession du
passé, du présent ou futur, mais une continuité
unifiée. Le passé et l'avenir sont présentifiés
dans le Dasein. Ainsi, le projet dans sa dimension ek-statik
constitue la capacité du Dasein à relier son
passé et son avenir dans le présent. D'où, il y a comme
une structure circulaire dans le pro-jet du Dasein. Effectivement, la
compréhension se présente d'une manière circulaire. C'est
ce que Heidegger a appelé « le cercle
herméneutique »67(*).
Dans la compréhension il y a deux structure :
« la structure d'anticipation » et
« la structure en
tant que».
- Par « structure
d'anticipation », il faut entendre tout ce qui nous a
marqué, influencé, impressionné dans le passé et
qui nous permet de saisir une réalité nouvelle. Ces sont les
pré-opinions qui peuvent se révèle vraies ou fausses au
fur et à mesure qu'on comprend vraiment. Gadamer le dit autrement en ces
termes :
Quiconque cherche à comprendre est exposé aux
erreurs suscitées par des pré-opinions qui ne résistent
pas à l'épreuve des choses mêmes. Telle est la tâche
constante du comprendre : donner aux esquisses justes et
appropriées à la chose, qui en tant qu'esquisses sont des
anticipations qui n'attendent leur confirmation que des « choses
mêmes ».68(*)
- Par ailleurs, « la structure entant
que » cherche à confirmer ou à nier
l'expérience du passé c'est-à-dire les pré-
opinions. Cette dernière structure vient révèle le sens de
l'être. Ce qu'il est véritablement. C'est la chose même.
Cette structure interroge nos pré- opinions sur leur nature et leur
validité69(*).
Ces deux structures s'accompagnent toujours d'un autre
phénomène herméneutique important qu'on appelle :
« l'interprétation ». Celle-ci est à placer
au coeur de tout mouvement du comprendre. Comprendre c'est interpréter.
D'où, dans toute compréhension la structure se présente
toujours de cette manière : précompréhension -
compréhension - précompréhension. C'est un cercle infini.
Car, on comprend toujours autrement.70(*)
Toutefois, il sied de retenir que dans tout mouvement de
compréhension il y a « appropriation »71(*). Notre passé ne nous
lâchera plus, il nous suivra partout. C'est la marque de la finitude
notre être historique.
Avec la découverte de la structure préalable de
la compréhension, Heidegger nous ouvre les yeux. Tout ce qui est
passé n'est pas nécessairement mauvais. Par contre, il faut un
dialogue pour affirmer ou infirmer la validité de son message dans
notre situation présente.
Ainsi, les préjugés, la tradition et même
l'autorité doivent être compris autrement que de la manière
dont ils étaient compris par les partisans de l'Aufklärung
et les romantiques. La nécessité de leur rendre justice s'impose.
Il faut réhabiliter l'autorité et la tradition car, elles
constituent des préjugés à partir desquels advient la
compréhension. Les préjugés ne sont pas dogmatiques par
contre, Gadamer affirme que :
Les préjugés qui guident ma
précompréhension ne cessent pas non plus d'être mis en jeu,
jusqu'à ce que je les abandonne, autre manière de les
transformer. Car telle est la force infatigable de l'expérience ;
en toute leçon qu'elle donne elle ne cesse pas de former une nouvelle
précompréhension.
Arrivés à ce point de notre réflexion, il
est temps de nous résumer.
II.5. Conclusion partielle
La réflexion dans ce deuxième chapitre a
été guidée par la phénoménologie. Le
problème était de faire un dépassement des apories
suscitées par la conscience historique. L'expérience de l'art
nous a montré qu'il y a une vérité esthétique,
différente de la vérité méthodologique. La
vérité esthétique est participative et elle conduit
à la transformation de la vie. Le concept de jeu nous a permis de mieux
comprendre l'être de l'oeuvre d'art. L'expérience de l'art est
plus « être que conscience ».
La signification herméneutique de l'art nous a conduit
à la phénoménologie. Avec Husserl et Compte York, le
concept de vie prend une signification plus vaste que celle que lui avait
conférée Dilthey. La vie est historique. Elle ne peut pas
être saisie comme objet d'une conscience réfléchissante.
Car, même la conscience est un comportement de la vie.
C'est ce que Heidegger explicite avec son
herméneutique de la facticité. A la différence des autre
créatures, le Dasein seul a la capacité de se pro-jeter.
Il est un être de capacité et de possibilité. Et cela se
réalise grâce à la compréhension qui est une
ouverture au futur. La compréhension est le mode d'être du Dasein.
D'une manière lumineuse, Heidegger nous présente ce qui se passe
quand nous comprenons. Pas de compréhension sans
précompréhension.
D'où, la réhabilitation de la tradition et des
préjugés chez Gadamer. Ceci nous amènera à
revisiter la tradition humaniste. Ce sera l'objet du troisième chapitre.
La tradition n'est pas opposée au progrès ou à la
rationalité. Au contraire, elle contribue au progrès. Ainsi, elle
doit être prise comme un partenaire dialogal.
CHAPITRE TROISIEME :
TRADITION COMME PARTENAIRE
DIALOGAL
III. 0. Introduction
Avec la découverte de la structure préalable de
la compréhension dans l'expérience humaine en
général, l'herméneutique se libère du sommeil
dogmatique inoculé par l'Aufklärung. La tradition,
l'autorité et les préjugés sont importants dans toute
expérience humaine de compréhension. D'où, le retour
à la tradition humaniste sera la voie sûre pour fonder les
sciences humaines. Car, la tradition humaniste véhicule une connaissance
non méthodologique comme dans les sciences de la nature, au profit d'un
savoir qui tient son fondement de la tradition, de l'autorité et des
préjugés. A travers la formation, le sensus communis, le
jugement et le goût, la tradition humaniste nous invitera à
adopter une attitude de l'ouverture à l'Universel. L'universel c'est le
milieu où l'autre et moi pouvons nous reconnaître l'un dans
l'autre.
Comme le titre du chapitre l'indique, il s'agit ici
fondamentalement d'instaurer un dialogue entre d'une part, la tradition et,
d'autre part, la conscience réflexive de l'individu mieux, la raison. Le
dialogue n'est possible que si on reconnaît que la tradition nous parle.
Elle est toujours présente en nous et à travers nous. Elle
caractérise la finitude de notre être historique. Au fait, la
tradition est le berceau à partir duquel toute réflexion est
possible.
Aussi, dans le dialogue se place un élément
fondement qui joue le rôle de médiateur dans tout effort de
compréhension, c'est le langage. A travers le langage, la tradition et
la rationalité peuvent enfin cohabiter ensemble.
Ce chapitre a quatre points à développer. Le
premier point est un retour à la tradition humaniste. Ceci en vue de
trouve un modèle qui soit adéquat aux sciences de l'esprit. Le
deuxième point traite de l'influence qu'a l'histoire sur la conscience
réflexive. C'est ce que Gadamer intitule : « plus
être que conscience ». Le troisième point parle du
dialogue herméneutique. Ici, l'accent sera mis sur la nature d'un vrai
dialogue suivant le modèle platonicien. Et enfin, le quatrième
point s'énonce : le langage entre tradition et
rationalité. Ce point nous montrera le lien d'intimité qui existe
entre la tradition et la rationalité.
II.1. Retour à la
source : le modèle de la tradition humaniste
L'influence de la Renaissance a été
considérable sur l'Europe. L'humanisme est le fruit de cette influence.
La redécouverte des lettres classiques ou plus précisément
de la lecture constitue la préoccupation majeure de cette période
de l'histoire humaine. Le retour à la Grèce antique remet sur la
place publique la rhétorique, la poésie, la grammaire, la
philosophie morale (l'Ethique), la grammaire et l'histoire. La culture
humaniste se présente foncièrement comme pédagogique. La
mission consiste à élever l'homme à l'humanité. Et
cette élévation se réalise grâce à la
formation, au sens commun, au jugement et au goût.
III.1.1. Herder et la concept de
Bildung (formation)
Pour Herder72(*), l'être humain est un être qui est
appelé à se former. C'est un être historique qui se
réalise à travers le temps et l'espace. La formation humaine
s'oppose à la formation naturelle. D'une part, nous avons la culture et
d'autre part, nous avons la nature. La formation humaine s'identifie au concept
allemand de Bildung et elle désigne la manière
proprement humaine de développer les dispositions naturelles que l'on
possède. La formation vise la transformation de l'homme. Elle
métamorphose l'homme. Ainsi, l'homme cultivé c'est celui qui est
ouvert à l'universel, c'est l'ouverture à l'autre. Il ne
prétend pas tout connaître. Il est disposé à
admettre les points de vue de l'autre. Il est apte au dialogue. Finalement,
l'homme cultivé est humble, il n'oublie pas le savoir de son
non-savoir.73(*)
Bref, le concept de Bildung nous renvoie à la
disposition intérieure de l'homme74(*). La finalité de toute culture c'est justement
former ses dispositions intérieures à s'élever à
l'universel. En d'autres mots, c'est former éduquer l'homme à
s'ouvrir à d'autres contenus, perspectives autres et
générales.
Le sens commun nous renseignera que les dispositions
intérieures d'humilité et d'ouverture aux autres nous renvoient
à la morale, à la politique et à la formation de
l'histoire de la société.
III.1.2. Le sensus communis
Le sens de ce concept a été
déformé par les lumières. Descartes le premier rejette le
sens commun parce que dit-il, c'est un ensemble des pseudos
vérités ne reposant pas sur une fondation claire et distincte. Le
doute Cartésien fait table rase des vérités de la
tradition et du sens commun (bon sens). Ainsi, nous pouvons comprendre la
phrase de Kant: « ose te servir de ta
raison ».
Cependant, Gadamer affirme que ce concept a été
mal compris. N'y a-t-il pas une sagesse qui est véhiculée dans le
sens commun ? Effectivement, le sens commun a une sagesse à nous
communiquer. Il concerne surtout les vérités morales, historiques
et politiques.75(*) Ces
vérités constituent l'homme et ne peuvent pas être objet
d'une conscience réflexive. En effet, l'histoire ne se transmet pas par
des méthodes ni par des règles ou des axiomes, mais elle transmet
une sagesse de Vie. C'est ce qu'on appelle « la vita
memoriae ».76(*)
Cette sagesse de vie est déjà une formation du
jugement chez l'individu. Ce qui implique une bonne manière de se
conduire dans la société.77(*)
III.1.3. Le jugement
Comme le concept de « sens commun », le
concept de « jugement » a été aussi victime
de la puissance dévastatrice de l'Aufklärung. Kant avec sa
« critique du jugement » stipule que le jugement ne
s'apprend pas parce qu'aucune démonstration conceptuelle ne régit
l'application de règles. Cette conception contredît
forcément ce que dit « le sensus
communis ». En effet, ce concept n'est pas d'abord une
faculté formelle comme le pense Kant. Au contraire, il inclut toujours
un ensemble de jugement et des critères de jugement qui le
déterminent dans l'ordre du contenu.78(*)
Le jugement n'est pas une exigence, mais c'est une
capacité de se solidariser moralement et civilement avec les autres.
Elle vise « l'utilité commune »79(*). En ce sens, le jugement
implique le goût.
III.1.4. Le goût
Le concept de goût n'avait rien à faire avec
l'esthétique dans la tradition humaniste. Originairement, il avait un
sens moral. Il signifiait un mode de connaissance ou
« sens » qui ne s'apprend pas tel quel, mais qui se forme
et qui est fondamentale à la vie en société et à la
culture humaine. Le concept de goût fait appel aux notions de la
convenance, de la mesure et de la justesse. C'est donc un savoir pratique. Le
problème de l'application est au centre de ce savoir.
Aristote nous apprend que la sagesse de vie ne s'acquiert pas
grâce aux règles, mais elle se forme et se cultive. Elle ouvre
l'homme à la pluralité. Et cela permet de transcender le
particulier pour embrasser l'universel. C'est pourquoi il est clair que l'objet
des sciences humaines c'est essentiellement l'existence morale et historique de
l'homme.80(*)
Voilà l'héritage de la tradition humaniste qui
a été malheureusement enterré vif par les
préjugés positivistes de l'Aufklärung. Cependant,
la sagesse de vie qui est derrière cet héritage nous ouvre la
voie à la compréhension de ce qu'on appelle
« Tradition ». Cette réalité historique,
longtemps méconnue par les lumières, reste portant
présente dans notre vie de chaque jour. Elle travaille en nous et avec
nous d'une manière silencieuse et sécrète. Ce travail est
plus qu' « être que conscience ».
III.2. « Plus être
que conscience »
Cette courte phrase résume l'herméneutique de
Gadamer. Voilà le message de tout « Vérité et
Méthode ». C'est une vérité historique. Au coeur
de la conscience réflexive de l'homme se trouve des zones d'ombres que
la conscience elle-même n'est pas en mesure de saisir comme d'intention.
La structure préalable de la compréhension a levé le voile
à ce sujet. La pré- compréhension est condition de
possibilité de toute compréhension.
« Plus être que conscience »
se manifeste avec éclat dans le « jeu ». Celui-ci
subsume la conscience des joueurs. Ces derniers savent ce qu'ils sont entrain
de jouer, mais restent sous l'emprise du jeu lui-même qui les guide
à travers ses règles. Dans ce sens, un bon joueur c'est celui qui
représente le mieux le jeu lui-même en respectant strictement ses
règles.
Et c'est la même chose avec la tradition qui constitue
le fondement de notre être historique. La tradition participe activement
à la réalisation de l'homme. C'est ce que Gadamer baptise
« le principe de l'histoire de l'action (ou influence)81(*). L'influence de l'histoire de
l'action ne dépend pas de notre reconnaissance. Car elle porte toute
réflexion consciente, elle ne peut pas être séparée
d'elle pour être considérée comme un objet. Gadamer
écrit :
Il n'est donc pas nécessaire de faire de l'histoire de
l'influence une nouvelle discipline auxiliaire des sciences de l'esprit, qui
aurait son indépendance, mais d'apprendre à se comprendre
soi-même avec plus de justesse et de reconnaître que l'action de
l'influence est l'oeuvre en toute compréhension, que l'on en soit ou non
expressément conscient.82(*)
C'est pourquoi, la tâche de l'herméneutique, dit
Grondin, c'est de rendre le Dasein à chaque fois individuel,
accessible à lui-même, de le rappeler à lui-même et
de traquer l'aliénation de soi dont il est victime.83(*) Sans aucun doute, l'histoire
de l'influence agit par-delà et en deçà de la conscience
que peut avoir un savant. D'où, l'humilité s'impose. Même
en matières des sciences Thomas Kuhn parle des croyances scientifiques,
qui relèvent plus de l'arbitraire. Car, les découvertes
scientifiques sont oeuvres d'un élément arbitraire. Cet
élément est souvent fruit de hasards personnels et
historiques.84(*) Gadamer
parle quant à lui du rôle de l'imagination dans toute
découverte scientifique :
Qu'est-ce qui rend le chercheur fécond ? Est-ce le
fait qu'il ait appris des méthodes ? Non ; celui qui n'invente
rien ne les a pas moins apprises. C'est l'imagination qui est le don le plus
important du chercheur. Imagination ne signifie naturellement pas ici une
aptitude vague à se représenter n'importe quoi. Au contraire,
l'imagination a une fonction herméneutique, elle est au service du sens
de ce qui est digne d'être interrogé, du pouvoir d'ouvrir les
vraies questions comme ne parvient à le faire en général
que celui qui domine toutes les méthodes de sa discipline.85(*)
Par ailleurs, l'exemple de l'hérédité
biologique montre aussi clairement que nous portons en nous beaucoup
d'éléments du passé que nous ne pouvons justifier avec
notre intelligence. Nous sommes fruits d'une longue tradition humaine. Cette
tradition travaille en nous. Nous sommes travaillés par les gènes
qui proviennent des plusieurs générations du passé. Nous
sommes marqués par nos gènes86(*). L'arbre généalogique peut nous aider
à éclairer ce problème. Donc, nous sommes portés
par l'influence de la tradition qui échappera toujours à notre
conscience réflexive. Surtout quand celle-ci veut considérer la
tradition comme un objet. C'est la marque de la finitude de notre être
historique. François Jacob parle de la mémoire de
l'hérédité87(*). Les gènes conservent la tradition au
sein de l'espèce. Aussi, faut-il ajouter que cette conservation se fait
d'une manière intelligente. Au sujet du comportement des gènes
Maddox affirme :
Les gènes eux-mêmes ne sont pas si simples qu'il
y paraît. C'est ce qu'illustre à merveille la découverte,
en 1978, d'une caractéristique tout à fait inattendue de
l'organisation des gènes dans les eucaryotes. Dans le chromosome
circulaire unique propre aux bactéries, les gènes sont
arrangés, si l'on recourt au vocabulaire anthropologique, avec beaucoup
de bon sens et d'économie.88(*)
L'homme sage c'est celui qui sait reconnaître sa
situation d'être marqué par la finitude89(*). Le Dasein est pris
dans la situation dans laquelle il vit. C'est un mystère qu'on ne peut
pas objectiver. Gadamer nous invite à une herméneutique de la
vigilance90(*). C'est
exactement ce que Marcel Madila renchérit en ces propos :
L'exigence de rendre conscience que nous sommes des
« êtres-affectés-par-le-passé » ne peut
être comprise que si l'on parvient à montrer qu'il existe un lien
très étroit entre la « compréhension »
et « la tradition ». Il faut en conclure que les
critères de la traditionnalité constituent finalement les faits
caractéristiques du Dasein humain lui-même. Ces
critères sont : la situation herméneutique, l'horizon et la
fusion d'horizons.91(*)
On ne peut dès lors, résoudre par notre savoir,
la situation dans laquelle on baigne. D'où, il faut la présence
d'un autre. L'ouverture à l'autre par le dialogue, permet de mieux
comprendre sa situation. L'autre a beaucoup à me dire. Nous sommes par
excellence, des êtres de dialogue. Gadamer parle du « dialogue
que nous sommes ».
III.3. Le dialogue
herméneutique
Il est vrai que Gadamer est un platonicien. Il a
consacré plusieurs études sur les dialogues de Platon :
« Phèdre », « Philèbe »,
« le sophiste », « Parménide »,
« Phédon », « la
République », « Timée » ... Son
effort consiste à saisir le phénomène du dialogue dans son
essence -même. Pour ce faire, il fonde sa réflexion sur la
dialectique platonicienne. La dialectique telle que comprise par Platon est
éthique. En d'autres termes, elle est la théorie de la
possibilité du dialogue. 92(*) Pourquoi le dialogue ? Parce que l'entente
objective au sein du dialogue a pour but le savoir.93(*) La philosophie n'est-elle pas
un savoir dialectique ? En outre, qu'est-ce qui se passe dans le
dialogue ?
Le dialogue se présent fondamentalement comme
l'être de l'oeuvre d'art. Il a son être propre et donc sa
finalité. Le dialogue se réalise indépendamment de la
volonté des interlocuteurs. Le dialogue comme éthique a pour
but l'entente. En effet, malgré les différents points de vue que
les hommes adoptent lors d'un dialogue, ceux-ci peuvent s'entendre. Ils peuvent
fusionner leurs horizons respectifs94(*). Ceci implique que s'il l'on comprend l'autre il faut
entrer dans son horizon. Dialoguer dès lors, c'est chercher la fusion
des horizons. L'horizon n'est pas quelque choser de figer, de statique, il
change à cause de la mobilité historique du Dasein.
Gadamer l'exprime mieux en ces termes :
L'horizon est au contraire quelque chose en quoi nous
pénétrons progressivement et qui se déplace avec nous.
Pour qui se meut, l'horizon change. De même l'horizon de passé,
dont vit toute existence humaine, et qui est présent sous de tradition
qui se transmet, est-il aussi toujours en mouvement.95(*)
Ce mouvement continuel qui meut l'horizon veut dire qu'il n'y
a pas de dogmatisme. L'expérience permet l'ouverture à d'autres
horizons. Ici, il sied de signaler que Gadamer a une approche différente
sur le concept d' « expérience ». Son approche
est différente de l'approche scientifique. Ce qui intéresse
Gadamer c'est l'historicité de toute expérience.96(*) L'expérience conduit
à l'Universel. Elle ouvre la voie à d'autres
vérités. L'expérience sert justement à nier ou
à confirmer mon horizon. Il y a donc une dialectique dans toute
expérience historique humaine.97(*) Certes, un homme expérimenté n'est pas
dogmatique.
Il existe aussi des horizons historiques, car tout
passé a son être propre. La tradition est un horizon historique.
Le passé nous adresse toujours la parole. C'est comme les gènes
dans la transmission des caractères. Ils sont un message, une parole qui
provient de la tradition. Pour entre en dialogue avec la tradition il faut
avant tout reconnaître son altérité. C'est ce que la
conscience historique nie.
Le dialogue est un risque pour les interlocuteurs. On ne sait
pas en avance qui l'emportera. Au fait, c'est peut être l'autre qui a
raison. Dans le cas du dialogue avec la tradition, c'est soit elle ou soit la
conscience réflexive qui l'emportera. Toutefois, le dialogue est infini.
La fusion des horizons ne signifie pas l'exclusion d'une autre
possibilité de dialogue. La tension sera toujours présente dans
le dialogue.98(*) Le
travail de l'herméneutique est justement de dissiper cette tension.
Par ailleurs, dans le dialogue c'est la question ou
l'interrogation qui est importante. Celui qui sait poser une question peut en
effet orienter le dialogue. Gadamer affirme :
Que la question ait un sens, cela est impliqué dans son
essence. Or le sens est orienté. Le sens de la question est donc la
direction dans laquelle seule peut s'effectue la réponse, si elle veut
être une réponse sensée et pertinente. La question situe
son objet dans une perspective déterminée. L'apparition d'une
question ouvre, comme par effraction, l'être que l'on interroge. En ce
sens, le logos qui déploie cet être ainsi ouvert est toujours
réponse. Lui-même n'a de sens que dans le sens de la
question.99(*)
Par ces phrases Gadamer veut affirmer
l'antériorité de la question à toute connaissance. Les
dialogues de Platon confirment cette thèse. Si Socratique savait
confondre ses interlocuteurs c'est fondamentalement parce qu'il savait poser
des questions. L'art de questionner c'est justement l'art de mener loin la
pensée. C'est l'art de penser. Questionner c'est laisser à l'Etre
la possibilité de devenir Logos. Gadamer nous raconte une scène
de discussion entre Socrate et les sophistes :
Platonicien de vieille date, j'aime tout spécialement
les scènes inoubliables où Socrate discute avec les sophistes
omniscients et les réduit à quia par ses questions,
jusqu'à ce que n'y tenant plus ils revendiquent enfin à leur tour
le rôle de questionneurs qui semble si avantageux. Et que se passe-t-il
alors ? Ils ne savent pas questionner. Ils ne leur vient absolument pas
une seule question à l'esprit qui mérite d'être
posée et telle qu'il y ait lieu de chercher à y répondre
avec persévérance.100(*)
Si le Dasein est le demeure de l'Etre chez Heidegger
c'est forcément parce qu'il questionne. D'où, la question conduit
à la présence de l'Etre101(*). C'est dans ce sens que Gadamer dit que la
dialectique est l'art d'avoir un vrai dialogue.102(*) Aussi, dans le vrai dialogue
la logique question-réponse est capitale car, c'est elle qui dirige le
dialogue. Cette logique peut être appliquée dans n'importe que jeu
ou art qui nécessite le dialogue. En effet, interpréter c'est
aussi dialoguer avec le texte. De même que la lecture. Le texte nous pose
une question et attend notre réponse103(*). Cette dialectique accompagne la lecture du
début à la fin du texte. Dans ce sens, comprendre un texte c'est
lui poser une question. De même que comprendre l'opinion de l'autre c'est
la comprendre comme réponse à une question.104(*)
Par ailleurs, le dialogue soulève le problème de
l'application. Nous avons dit que le dialogue a pour fin l'entente. Celle-ci
conduit nécessairement à l'agir. L'application est
inhérente à tout acte de compréhension. A travers
l'exemple de l'herméneutique juridique et théologique, Gadamer
entend montrer que le problème de l'application renvoie à
l'Ethique. C'est la recherche de ce qui est Bien.² En comprenant ou en
interprétant un texte nous entrons en dialogue avec lui en vue d'un
engagement dans la vie concrète. L'exemple de la parole de Dieu dans
l'herméneutique théologique est apologétique.
L'évangile nous parle, il nous pose des questions sur notre vie de
chrétiens auxquelles nous sommes tenus de répondre.
Au -delà de cette réflexion sur le dialogue,
Gadamer nous fait remarquer une chose. C'est que dans le dialogue se place un
élément fondamental qui est condition des possibilités de
tout dialogue vrai. C'est le langage. Celui-ci se place comme
intermédiaire dans tout exercice de comprendre.
III.4. Le Langage : entre
Tradition et Rationalité.
Beaucoup ont fait du langage un instrument ou un outil dont on
peut se servir. On a réduit le langage à un simple instrument de
travail qui ne sert qu'à décrire. Le positivisme logique
viendra radicaliser cette thèse105(*). Malheureusement cette conception du langage est
pernicieuse car elle conduit à une attitude instrumentale de la
pensée vis-à-vis du langage.
C'est pourquoi Gadamer veut saisir le phénomène
du langage dans la vérité de son être même. Il prend
la phénoménologie comme voie pour arriver à cette fin. Le
retour aux grecs notamment à Socrate, Platon et Aristote n'a pour but
que de rappeler l'oubli de l'Etre du langage par la philosophie
occidentale106(*).
Gadamer fait une étude approfondie des plusieurs dialogues de
Platon, entre autres : Cratyle, Philibè, Sophiste,
Parménide...pour saisir le rôle du langage dans
l'existence humaine.
Le langage a une dimension ontologique. Il est le lieu par
excellence où l'Etre se manifeste mieux, le lieu où l'Etre se
rend présent. C'est la conception grecque du Logos. Le langage
est le médiateur par excellence de notre expérience au
monde107(*). Le dasein
comme être-jété-dans-le- monde grandit au sein du langage.
Le langage nous a précédé. Il nous constitue et c'est
à partir de lui que toute compréhension est possible. C'est
grâce au langage que l'entente de la société est possible.
C'est exactement ce que Gadamer dit en ces mots :
Comprendre ce que quelqu'un dit, c'est, comme nous l'avons vu,
s'entendre sur ce qui est en cause et non se transporter en autrui et revivre
ce qu'il a vécu. Nous avons souligné que l'expérience de
sens qui s'effectue de la sorte, dans la compréhension, inclut toujours
une application. Nous observons à présent que ce processus tout
entier est un processus langagier (sprachlich). Ce n'est pas sans
raison que la problématique proprement dite de la compréhension,
ainsi que la tentative de maîtriser par une technique- c'est l'objet de
l'herméneutique -relèvent traditionnellement de la grammaire et
de la rhétorique. Le langage est le milieu dans lequel se réalise
l'entente entre les partenaires et l'accord sur la chose même.108(*)
Aussi, le langage se comporte comme un jeu. Gadamer parle du
« jeu du langage ». Ce jeu se réalise dans
l'exercice de la traduction ou de l'interprétation. En effet, il existe
un dialogue continuel entre le langage du texte et celui du traducteur. Dans le
cas de l'interprétation Gadamer dit que le rôle de
l'interprète est déterminant car c'est lui qui participe à
l'éveil du sens du texte. Sans son apport, le texte reste lettre morte.
A ce sujet, Gadamer affirme :
Or, cela signifie que les idées propres à
l'interprète participent toujours, elles aussi et dès le
début, au réveil du sens du texte. Ainsi, l'horizon personnel de
l'interprète est déterminant, il ne l'est pas cependant, lui non
plus, à la manière d'un point de vue personnel que l'on maintient
ou impose, mais plutôt comme une opinion ou une possibilité que
l'on fait jouer et que l'on met en jeu, et qui contribue pour sa part à
une appropriation véritable de ce qui est dit dans le texte.109(*)
Ces phrases de Gadamer révèlent le
caractère langagier de la compréhension qui est la
concrétisation de l'histoire de l'influence. L'historicité de la
compréhension doit être prise au sérieux. Ce qui ressort du
dialogue entre le texte et l'interprète n'appartient pas seulement au
texte, ni à l'interprète, mais c'est quelque chose de commun
entre les deux. Fruchon dit que la saisie du sens est un
phénomène de pure intériorité. C'est dans et par le
langage que le sens advient et qu'il s'impose comme
vérité110(*). C'est pourquoi, comprendre c'est toujours articuler
cette compréhension en une interprétation qui est mise en langage
de sens.111(*) Avec
cette thèse Gadamer montre l'intimité profonde qui existe entre
penser et parler112(*).
Ceci nous renvoie aux problèmes des Universaux. Quel rapport entre le
monde et la langue ? Il y a une identité ontologique. C'est ainsi
que Gadamer dit que l'être qui peut être compris est
langue.113(*)
Gadamer explique cette thèse en disant :
Quand j'écrivais : « l'être
accessible à la compréhension est langage », il fallait
voir dans cette formule que ce qui est ne peut jamais être compris dans
sa totalité. Il faut l'y voir, dans la mesure où tout ce qu'un
langage entraîne avec soi renvoie toujours au-delà de
l'énoncé lui-même.114(*)
Cette thèse affirme l'universalité de
l'herméneutique. En effet, le problème de la compréhension
est universel. L'herméneutique ne cherche qu'à décrire
l'expérience humaine du monde au moyen de l'élément
langagier qui constitue l'essence de la tradition. C'est à travers le
langage que la tradition nous est transmise. Que ça soit les coutumes,
la langue, les proverbes, les contes, les mythes, les légende...Par
ailleurs, Gadamer dit que le fait que l'essence de la tradition soit
caractérisée par sa dimension langagière atteint sa pleine
signification herméneutique lorsque cette tradition devient tradition
écrite115(*).
C'est dans l'écrit que repose la conscience spirituelle de la
tradition.116(*)
L'écriture est pure présence de l'esprit. C'est exactement c'est
que Gadamer confirme en ces termes :
Rien n'est pure trace de l'esprit au même titre que
l'écriture, mais rien non plus n'est aussi dépendant de l'esprit
qui comprend. Dans son déchiffrement et son interprétation se
produit un miracle : la transformation de quelque chose d'étranger
et de mort en quelque chose d'absolument Co-présent et de familier.
Aucune autre tradition, qui du passé vient à nous, ne peut
l'égaler. Les vestiges de la vie passée, les édifices en
ruines, les outils, le contenu de tombes peuvent être ravagés par
les tempêtes du temps qui les assaillent -mais la tradition
écrite, dès qu'elle est déchiffrée et lue, est
à tel point esprit pur qu'elle nous parle comme si elle était
présente. C'est pourquoi la faculté de lire, la
familiarité avec l'écrit, est comme un art secret, voire un
charme qui nous libère et nous lie. En lui l'espace et le temps semblent
abolis. Quiconque sait lire ce qui est transmis par écrit atteste et
accomplit la pure présence du passé.117(*)
Aussi, il faut signaler que le langage est toujours langage de
la raison.118(*) Il y a
donc une intimité profonde entre la raison (la pensée) et le
langage. Car la raison n'est raison que sous forme langagière pour
être comprise. Aussi, nous avons dit qu'il existe aussi une
intimité entre tradition et langage. La tradition est langage, elle nous
adresse la parole qui doit être interprétée et comprise.
Dans ce sens, il serait judicieux de penser une intimité entre tradition
et rationalité. En effet, le propre du dialogue c'est d'introduire les
interlocuteurs dans l'intimité de leur être- même.
L'essence de la tradition ne contredit pas celle de la raison119(*). Au contraire, ces deux
réalités se meuvent dans une dialectique de
question-réponse, rupture- continuité. D'où, il faut
combattre l'idée selon laquelle que la tradition est l'ennemie
principale de la raison. Au contraire, elle est un partenaire dialogal. Entre
les deux, le contraste n'est pas absolu. C'est ce que Gadamer nous dit dans ces
phrases :
Il me semble cependant que le contraste n'est pas aussi absolu
entre tradition et raison. Autant la restauration consciente de traditions ou
la création consciente de nouvelles traditions sont
problématiques, autant est également chargée de
préjugés et jusqu'au fond d'elle-même fidèle
à l'Aufklärung, la foi romantique dans les
« traditions organiques » qui imposerait le silence
à la raison. En réalité, la tradition ne cesse pas de
porter en elle un élément qui relève de la
liberté et de l'histoire même.120(*)
III.4. Conclusion partielle
La tradition comme partenaire dialogal doit être pris au
sérieux. Beaucoup ont ignoré l'essence de la tradition. Beaucoup
ont cru que la tradition est synonyme du traditionalisme. Pure illusion !
Loin de là. La tradition est ce par quoi notre présence au monde
est rendue possible. Le Dasein comme être-jeté-dans-le monde est
un être historique. Il se forme à travers le temps et l'espace. La
tradition humaniste avait bien compris la dimension historique de l'homme.
C'est pourquoi l'accent était mis sur la formation de l'homme à
travers les dispositions intérieures de sens commun, du jugement et du
goût. L'homme formé, cultivé n'est pas dogmatique, il est
ouvert aux autres, apte au dialogue. Il sait reconnaître sa finitude.
A travers le dialogue, le langage nous est apparu comme le
médium de notre expérience du monde. C'est à partir du
langage que toute compréhension est possible de même que la
relation intersubjective dans la société. Le langage est donc le
médiateur entre la tradition et la rationalité.
IV. Conclusion
Générale
Notre travail a porté sur
« Vérité et Méthode », livre phare de
GADAMER dans lequel s'articulent les grandes lignes d'une herméneutique
philosophique. Notre méthode a été analytique. La
réflexion a tourné autour des trois domaines fondamentaux que
développe « Vérité et Méthode »
à savoir : l'oeuvre d'art, l'histoire et le langage. C'est à
travers ces trois domaines que Gadamer traite de la problématique qui
traverse son livre. La tradition est-elle une opposition de la
rationalité ?
Tradition et rationalité, deux concepts, deux
thèmes, deux réalités souvent perçues comme
contraires et contradictoires. En effet, plusieurs courants philosophiques se
sont affrontés autour de ces deux réalités. Les partisans
de l'Aufklärung ont réclamé la raison pour se
débarrasser des préjugés considérés comme
des idola. Pour eux, seule la raison peut conduire à la
libération totale et effective de l'homme longtemps assujetti par la
dictature de l'Autorité et de la Tradition. D'où la
phrase : « ose te servir de ta raison ».
Derrière l'idée de la raison se trouve cachée un
élément puissant qui constitue le fondement de la science
moderne : la Méthode. « En dehors de la méthode,
pas de science ». Affirment les lumières.
Les romantiques, allant en contre-courant contre les
lumières, réhabilitent la tradition. Tout ce qui est ancien
mérite du respect car c'est là que résident le vrai, le
véritable et le durable. C'est le passé qui compte pour les
romantiques. Aussi, le sentiment joue un rôle incontournable.
L'opposition radicale introduite par les deux courants
philosophique continue jusqu'aujourd'hui. Les travaux de Gadamer se situent
justement au coeur de cette problématique.
« Vérité et Méthode » est une
tentative de conciliation de la tradition et de la rationalité au moyen
du langage. Aussi, proposer une nouvelle méthode pour les sciences
humaines. Une méthode non monolithique et restrictive comme celle des
sciences de la nature, mais une méthode plutôt ouverte à
l'expérience humaine. C'est le travail de l'herméneutique comme
science par excellence de l'expérience que l'homme fait du monde.
La démonstration de Gadamer s'articule autour de
l'oeuvre d'art, de l'histoire et du langage. Ces trois domaines nous conduit
à une rationalité pluraliste.
Avec l'expérience de l'oeuvre d'art, nous
découvrons une autre vérité non conceptuelle et non
méthodologique. C'est une vérité de participation
transformatrice. Le concept classique du jeu nous montre que la conscience
réflexive n'est pas toujours maîtresse d'elle-même comme
dans les sciences de la nature. Ici, c'est l'être du jeu -même qui,
en se livrant en spectacle, devient présence et ainsi, subsume la
conscience des joueurs. Le propre de l'expérience artistique c'est
l'ouverture épistémologique. En effet, on comprend toujours
autrement et mieux davantage, à chaque fois que l'on fait
l'expérience de l'oeuvre d'art.
Le deuxième domaine est celui de l'histoire. Ici les
travaux de Husserl, Compte York et Heidegger constituent le chemin sûr
qui conduit à la saisie de l'essence des sciences humaines.
Dépassant les apories de l'école historique et de Dilthey, la
phénoménologie va conduire aux choses mêmes.
L'historicité de l'être humain doit être pris au
sérieux. En effet, l'homme est un être historique marqué
par la finitude. La vérité herméneutique de l'histoire
permet de réconcilier l'homme avec lui-même et en l'aidant
à se reconnaître dans l'altérité.121(*) C'est ici que la
compréhension joue son rôle dans les sciences de l'esprit. Avec
Heidegger, nous savons que la compréhension est le mode d'être du
Dasein. Aussi, la découverte de la structure préalable
de la compréhension enlève les voiles d'obscurité qui
accompagnait ce phénomène humain. La compréhension n'est
possible que grâce aux préjugés. De ce fait,
réhabiliter les préjugés c'est aussi reconnaître la
valeur de l'Autorité et de la Tradition. Après coup, le
caractère historique de l'homme fait qu'il est plus être que
conscience.
Par ailleurs, dans la compréhension advient le langage
qui est la condition de possibilité de tout dialogue. C'est le
troisième domaine que Gadamer développe dans la dernière
partie de « Vérité et Méthode ». Loin
d'être un instrument au service du Dasein, le langage constitue
un élément mystérieux et intime qui porte toute son
expérience d'un être-jeté-dans-le-monde. Le langage est
médiateur de l'expérience herméneutique
c'est-à-dire de l'expérience de la vie et du rapport aux autres.
Le langage constitue une expérience originaire et fondatrice,
malheureusement masquée par les modes d'expansion scientifique de la
culture moderne. Il n'est pas une puissance dont nous nous rendons
maître, mais un milieu qui nous forme, c'est-à-dire nous
élève à l'Universel, et nous met en relation. Gadamer dit
que le langage est le milieu dans lequel se réalise l'entente entre les
partenaires et l'accord sur la chose -même.122(*) Finalement le langage porte
la tradition et la raison. C'est dans le langage que ces deux
réalités cohabitent.
Bref, le langage permet de former : un milieu commun,
véhiculer la tradition, faire coexister le passé et le
présent,123(*)
permettre le dialogue et la fusion des horizons, engager les interlocuteurs
dans un mouvement productif (rupture- continuité, question-
réponse), les oblige à trouver une langue de
référence, entrer dans les processus de compréhension et
réaliser l'acte de compréhension en maîtrisant
l'interprétation.
Par ailleurs, d'aucuns pourront se poser la question de savoir
si nous avons refusé de porter des critiques contre
« Vérité et Méthode ». Certes, ils
auront peut être raison car tout travail humain est marqué par son
historicité, donc ses limites. Rappelons cependant tel n'a pas
été notre préoccupation centrale. Il est vrai que beaucoup
ont porté contre Gadamer des critiques acerbes et pertinentes qui
méritent d'être mentionnées. Entre autres, on a
reproché à Gadamer le caractère dogmatique et conservateur
de sa pensée. Georgia Warnke par exemple dit que le conservatisme de
Gadamer trouve son écho dans certaines réflexions qu'il fait sur
la synthèse des horizons.124(*) Habermas quand à lui, reproche à
Gadamer d'avoir réhabiliter les préjugés,
l'autorité et la tradition. Selon lui, l'autorité est aveugle et
dogmatique et la tradition source de violence et de
non-vérité.125(*) D'autres encore critiquent Gadamer d'étouffer
la liberté humaine par le poids de la tradition.
Durant toute sa vie, Gadamer a passé son temps à
répondre à ces différents reproches. On se souviendra des
débats qu'il menait avec Habermas et Derrida sur la
déconstruction et la critique de l'idéologie. Il nous semble
toutefois que Gadamer n'est pas contre la raison. Son souci est
d'éveiller la conscience à l'antériorité de
l'imparable action de l'histoire sur toute conscience critique.126(*)
Au fait, la tradition et la rationalité constituent les
deux ailes qui nous permettent de nous élever dans les cieux pour
contempler la splendeur et la beauté de la vérité.
Bibliographie
A. Ouvrages de Hans- Georg
GADAMER
GADAMER H. G., Le problème de la conscience
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Méthode. Les grandes lignes d'une herméneutique
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B. Articles de Hans-Georg GADAMER
GADAMER H.G., « Le défi
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____________, « Rhétorique,
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_____________, « Le problème
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C. Ouvrages des autres auteurs
GRONDIN, Jean, Introduction à Hans- Georg
GADAMER, Paris, Cerf, 1999, 224p.
KUHN, Thomas, La structure des révolutions
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DUTT, Carsten, Herméneutique, Esthétique,
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JACOB, François, La logique du vivant : une
histoire de l'hérédité, Paris, Gallimard, 1970,
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DILTHEY, Wilhelm, L'édification du monde
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D. Articles des autres auteurs
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FRUCHON P., « Herméneutique, langage et
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pp.522-568
OKOLO, O., B., « Les sources romantiques de la
négritude », philosophie et conflit des cultures en Terre
Africaine, Mélanges offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur
émérite des F.C.K., Kinshasa, Cerdaf, 2002, pp.153-160
ONAOTSHO, K., J., « Herméneutique,
critique et déconstruction. Repères d'une herméneutique de
la vigilance », in Revue philosophique de Kinshasa, Vol. XV. n°
27-28, 2003, pp.142
_________________, « Fondation ontologique de la
rationalité dialogique : pour une rationalité
pluraliste », in philosophie et conflit des cultures en Terre
Africaine, Mélanges offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur
émérite des F.C.K, Mélanges offerts au Père Alfons
Josef SMET, professeur émérite des F.C.K., Kinshasa, Cerdaf,
2002, pp.261-282.
_________________, « Le développement comme
oeuvre de la tradition », in philosophie et conflit des cultures
en Terre Africaine, Mélanges offerts au Père Alfons Josef SMET,
professeur émérite des F.C.K , Kinshasa, Cerdaf, 2002,
pp.161-170.
Table de Matières
Remerciements
2
0. Introduction générale
3
CHAPITRE PREMIER :
6
LES SCIENCES DE L'ESPRIT ET LE PROBLEME DE LA
METHODE
6
I.0. Introduction
6
I.1. Le concept de Méthode chez les
modernes
7
1.2. John Stuart Mill et la méthode
inductive
9
1.3. Hermann Helmholtz : l'induction logique
et l'induction artistique- instinctive.
10
I.4. L'école historique
11
1.5. Wilhelm Dilthey
13
1.6. Gadamer et le concept de la Méthode
15
1.7. Conclusion partielle
17
CHAPITRE DEUXIEME :
18
Le dépassement de la question
épistémologique sous la conduite de la
Phénoménologie
18
II. O. Introduction
18
II.1. L'ontologie de l'oeuvre d'art comme ouverture
à l'expérience herméneutique.
19
II.1.1. Gadamer et la question de la
vérité de l'oeuvre d'art
19
II.1.2. OEuvre d'art comme demeure de l'Etre
20
a. La transmutation en oeuvre.
21
b. La médiation totale
22
c. La temporalité esthétique
22
d. L'exemple du tragique
23
e. Y-a-t-il une représentation de la
vérité dans les arts non -transitoires ?
23
II.1.3. L'oeuvre d'art, quelle signification
herméneutique ?
24
II.2. Le concept de
« vie » tel que compris par Husserl et compte York.
25
II.2.1. Edmund Husserl
25
II.2.2. Le comte York
26
II.3. Martin Heidegger et l'herméneutique de
la facticité.
27
II.4. La structure préalable de la
compréhension
28
II.5. Conclusion partielle
30
CHAPITRE TROISIEME :
32
TRADITION COMME PARTENAIRE DIALOGAL
32
III. 0. Introduction
32
II.1. Retour à la source : le
modèle de la tradition humaniste
33
III.1.1. Herder et la concept de Bildung
(formation)
33
III.1.2. Le sensus communis
34
III.1.3. Le jugement
35
III.1.4. Le goût
35
III.2. « Plus être que
conscience »
36
III.3. Le dialogue herméneutique
39
III.4. Le Langage : entre Tradition et
Rationalité.
42
IV. CONCLUSION GENERALE
47
Bibliographie
52
Table de Matières
54
* 1 Jean Onaostho Kawende,
« Herméneutique, Critique et Déconstruction.
Repères d'une herméneutique de la vigilance », in
Revue Philosophique de Kinshasa, Vol. XV. n° 27-28, Kinshasa,
F.C.K., 2003, pp.142-143.
* 2 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, les grandes lignes d'une
herméneutique philosophique, Paris, Seuil, 1996, p.301.
* 3 Ibid., pp. 302-304.
* 4 André Lalande dit
que chez les anciens, notamment chez Aristote, , veut souvent dire simplement
« recherche » et ce qui a été plus tard
appelé méthode est quelquefois appelé ?????. (Cfr.
Aristote, Physique, III, 1 ; 200b 13.) Cfr.,
Vocabulaire Technique et critique de la Philosophie, Paris, P.U.F,
1926, p.623.
* 5 Ibidem,
p.623.
* 6 René Descartes,
Discours de la Méthode. Pour conduire sa raison et chercher la
vérité dans les sciences. Paris, Ponussielgue frères,
1879.
* 7 Ibidem, p. 9.
* 8 La notion de la
rationalité est centrale dans toutes les sciences de la nature. Cette
notion est saisie de deux manières : d'abord à travers
l'idée toute formelle d'une cohérence des choix ou des
préférences envisagées comme dispositions à agir,
ce qui se traduit mathématiquement par des transitivités ( a ?
b ; b ? c ; a ?c) ou d'absence de cycle. En second lieu, le
choix rationnel est saisi à travers la construction graduelle de
modèles reposant sur des hypothèses jugées convaincantes
à propos de la décision humaine, généralement dans
un contexte de risque ou d'incertitude.
* 9 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode. Les grandes lignes d'une
herméneutique philosophique. Paris, Seuil, 1996, p.19.
* 10 Ibid., p.20.
* 11 Ibidem, pp.20-21.
* 12 Hermann Helmholtz est
un savant allemand hors paire. Il n'est pas à présenter dans les
sciences de la nature. Dans sa célèbre conférence
inaugurale du colloque scientifique d'Innsbruck « sur le but et les
progrès en science de la Nature », en 1869, F. von Humboldt
dit à son sujet : « il avait réussi à
dominer toutes les sciences de la nature à son époque et à
pénétrer jusqu'en chacune de leurs spécialités.
Helmholtz a travaillé sur la thermodynamique, l'hydrodynamique,
l'électrodynamique et la théorie de l'électricité,
la physique météorologique, la physiologie, la théorie de
l'acoustique et l'optique physiologique. En plus, il se préoccupait
aussi des problèmes esthétiques ou philosophiques. Cfr.
Jean-Louis Breteau, «Hermann Helmholtz », in
encyclopédia universalis, Paris, p.279.
* 13 Ibid., p.21.
* 14 Ibid., p.22.
* 15 L'expression d'
« école historique » désigne un mouvement
d'abord composé des juristes Putcha, Hugo et surtout Savigny dont la
conviction majeure était que le droit, les moeurs, les langues ou les
constitutions politiques devaient être tenus pour des produits ou des
émanations de l'esprit particulier de chaque peuple(Volksgeist). Par
ailleurs, un mode d'analyse purement empirique était à l'oeuvre
dans cette école, une tendance à s'absorber amoureusement dans
les particularités des faits historiques, un esprit Universel d'analyse
historique qui veut déterminer la valeur du fait isolé uniquement
à partir de l'ensemble du développement, et, dans la
théorie de la société, un esprit historique qui, pour la
vie présente, cherche explication et règle dans l'étude du
passé, et pour lequel en fin de compte la vie spirituelle est en tout
point historique. Cfr. Dilthey, L'édification du monde historique
dans les sciences de l'esprit, Paris, Cerf, 1988, p.50.
* 16 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p.217.
* 17 Hans Georg Gadamer,
« Le problème herméneutique », in
Archives de philosophie, n°3, janvier -mars 1970, p.6.
* 18 Pour Ranke,
l'effacement de soi est encore une forme de participation réelle. On ne
doit pas comprendre le concept de participation de manière psychologique
ou subjective, il faut plutôt le penser à partir du concept de vie
qui se trouve à la base. Parce que tous les phénomènes
historiques sont des manifestations de la vie universelle. C'est participer
à a vie que d'y avoir part. Cfr. Vérité et
Méthode, p. 232.
* 19 Ibid., p.229.
* 20 Ibid., p.22.
* 21 Philosophe allemand,
après avoir commencé ses études de théologie
à Heidelberg, il les continue à Berlin où il
s'intéresse de manière croissante à la philosophie en
suivant les cours de Ranke. En 1867, il est nommé professeur à
l'Université de Bâle. Il éprouvera un intérêt
particulier aux travaux de Schleiermacher. Son ouvrage intitulé
« introduction aux sciences de l'esprit » est un chef
d'oeuvre dans lequel il se consacre sur la nature et les méthodes des
sciences humaines. Il sied aussi de souligner que Dilthey fut le maître
de Martin Buber. Cfr. J-C Merle, «Wilhelm Dilthey », in
Encyclopédie Universelle, oeuvres philosophiques, Paris, P.U.F,
pp. 1717-1721.
* 22 Pour Dilthey, la
conscience historique est une connaissance de soi. Cette connaissance est
intérieure. En effet, la vie est vouée à la
réflexion. Ainsi, c'est la connaissance de soi( la conscience
historique) qui donne naissance à la conscience scientifique qui est
extérieure. La vie est antérieure à la l'objectivation
scientifique. Mais, le lien entre ces deux connaissances est une donnée
originaire. Cfr. Vérité et Méthode,
pp.255-256.
* 23 Pour Dilthey la
psychologie est capable d'universalisation. Elle est le point de départ
de la réflexion des chacune des sciences de l'esprit. Cfr. Critique
de la Raison historique, Introduction aux sciences de l'esprit. Essai
de fondation de l'étude de la société et de
l'histoire, Paris, Cerf, 1992, p.17.
* 24 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p. 218.
* 25 Ibid, p.22.
* 26 Ibid, p.23.
* 27 Par le concept d'
« expérience vécue » (Erlebnis), fait
allusion à des contextes qui ont été vécus par un
individu ou qui pourraient être vécus à nouveau par
d'autres. Il n'y a chez Dilthey de sujet général, mais des
individus historiques Cfr. Vérité et Méthode,
p.242.
* 28 La notion de
« structure chez Dilthey peut être comprise à la
lumière de la doctrine de l'intentionnalité de la conscience de
Husserl. C'est donc l'analyse husserlienne qui permet à Dilthey la
distinction entre une « structure » et un
« ensemble causal ». La structure nous permet de comprendre
l'individu dans son historicité c'est-à-dire, la structure
psychique de l'individu représente une unité intelligible. Cfr.,
Vérité et Méthode, p.245.
* 29 Ce concept permet de
passer d u contexte de vie d'un « sujet réel » vers
des « sujets logiques ». En d'autres termes, il s'agit
fondamentalement du passage d'une fondation psychologique à une
fondation herméneutique des sciences de l'esprit. Ici, c'est la
compréhension est capitale. En effet, pour Dilthey la
compréhension est compréhension d'une expression. Cfr.
Vérité et Méthode, p.244.
* 30 Cette notion doit
être rattachée à l'idée de l'intentionnalité
chez Husserl. Avec l'enrichissement de cette notion de
« donné » (Gegebenheit), la conscience se trouve
toujours déjà insérée dans une structure
(ensembles), ayant son être propre dans sa visée. Cfr.
Vérité et Méthode, p.245.
* 31 Ibid, p. 226.
* 32 Cette catégorie
permet d'étudier les individus dans ce qu'ils signifient en tant que
moments dans le mouvement des puissances éthiques. Le concept de
puissances éthiques est central dans la pensée de Droysen par ce
que c'est à partir de ce concept qu'il fonde aussi bien le mode
d'être de l'histoire que la possibilité de sa connaissance
historique. Cfr. Vérité et Méthode, p.233.
* 33 Hegel fait une critique
contre cette thèse de Dilthey au sujet de la compréhension. En
effet, l'auteur de la « phénoménologie de
l'esprit », affirme qu'une vraie compréhension engage toujours
une dialectique du passé et du présent. Aussi, vouloir restaurer
fidèlement le passé comme le pense Schleiermacher est une
illusion. L'essence de l'esprit historique ne consiste que dans la restitution
du passé, mais dans la médiation réfléchie avec
la vie présente. Cfr. Vérité et Méthode,
p. 188.
* 34 La conscience
historique peut être comprise à travers l'idée de l'Esprit
absolu chez Hegel. Elle (la conscience) ne considère tous les
phénomènes du monde humain et historique que comme des objets qui
permettent à l'esprit de se connaître lui-même plus
profondément. Dans la mesure où elle les comprend comme
objectivations de l'esprit, elle les retraduit « dans la
vitalité spirituelle dont elles procèdent.
* 35 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, p.249.
* 36 Carsten Dutt,
Herméneutique -Esthétique- Philosophie pratique,
Québec, Fides, 1995, p.23.
* 37 Ibid., p.25.
* 38 Hans- Georg Gadamer,
Le problème de la conscience historique, Louvain, P.U.L., 1936,
pp.13-14
* 39 Hans-Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p.11.
* 40 Ibid., p.251.
* 41 Ibid., p.101.
* 42 Ibid., p.103.
* 43 Ibid., p. 169.
* 44 Ce mode de connaissance
est certainement différent de la connaissance sensible qui est propre
aux sciences de la nature. Il n'est pas conceptuel comme l'a bien
démontré Kant. Et pourtant, c'est une forme de connaissance, une
médiation de vérité qu'il faudrait bien
reconnaître. D'où, la notion de l'expérience doit
être comprise dans un sens plus large que celui que Kant a donné.
Cfr. Vérité et Méthode., p.115.
* 45 Ibid., p.13.
* 46 Ibid., p.20.
* 47 Gadamer donne l'exemple du
jeu des enfants. En effet, l'enfant qui se cache le visage et demande qu'on
puisse le reconnaître ne joue pas pour être reconnu. Cfr.,
Vérité et Méthode, p. 126.
* 48 Ibid., 129.
* 49 Ibid., p.138
* 50 La notion de la
temporalité esthétique renvoie sans aucun doute à
l'analytique du Dasein chez Heidegger.
* 51 L'écriture
représente d'une manière extraordinaire la
contemporanéité. Les écrits nous parlent toujours dans le
présent.
* 52 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p. 147.
* 53 Ibid., p.183.
* 54 La notion de
l'occasionnalité de l'oeuvre d'art veut dire selon Gadamer que la
signification continue à se déterminer en son contenu à
partir de l'occasion dans laquelle elle est envisagée, de sorte qu'elle
contient plus qu'elle contiendrait indépendamment de cette occasion.
Cfr. Vérité et Méthode, p. 162.
* 55 Jean Grondin,
Introduction à Hans -Georg Gadamer, Paris, Cerf, 1999,
pp.77-83.
* 56 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p. 187.
* 57 Hans Georg Gadamer,
op.cit., p39.
* 58 Ibidem, p.39.
* 59 Il y a une
différence à faire entre le concept de monde tel que compris et
utilisé par les scientifiques dans leurs recherches et « le
monde de la vie » dans lequel baigne et les scientifiques et leurs
expériences.
* 60 Ibid., p.272.
* 61 Ibid., pp. 274-5.
* 62 Ibidem, p.275.
* 63 Idid, p.273.
* 64 Pour Gadamer,
l'herméneutique de la facticité est celle qui est pleinement
consciente d'être insurmontablement précédée par ce
qui lui donne la possibilité même d'avoir un pro-jet, un pro-jet
qui du fait même ne pourrait être qu'un pro-jet fini. Cfr. Le
problème de la conscience historique, pp.46-47.
* 65 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, p.280.
* 66 L'analytique que
propose Heidegger est existentiale parce qu'elle est pensée de l'Etre au
double sens. D'une part, il y a la découverte de l'Etre par le
Dasein. Et d'autre part, il y a révélation de l'Etre
à l'homme. Ceci veut dire que la finalité de l'analyse
préalable du Dasein c'est d'ouvrir au sens de l'Etre. Ainsi,
avec Heidegger, la question fondamentale n'est plus la critique des conditions
de la connaissance, mais la question de l'Etre.
* 67 Pour Gadamer, le concept
de cercle herméneutique veut dire que dans le domaine de la
compréhension, on ne prétend nullement déduire un terme de
l'autre, de telle sorte que le vice de démonstration logique que traduit
sa circularité ne signifie pas ici un vice de forme, mais constitue bien
la description adéquate de la structure de la compréhension. Cfr.
Hans Georg Gadamer, « Le défi
herméneutique », in Revue Internationale de
Philosophie, n°151, 1984, p.335.
* 68 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, p. 288.
* 69 Ibidem, p.288.
* 70 Ibid., p.318.
* 71 Ibid.,p. 290.
* 72 Humaniste allemand,
Herder est l'un des plus grands critiques de Kant. Théologien de
formation, il se lia d'amitié profonde avec Hamann. Enseigne à
l'école du Chapitre de Riga, ville où il achève ses
études et où il commence à prêcher. Il a beaucoup
contribué à la réalisation de l'histoire de la
littérature classique et de la culture européenne du XVIIIe
siècle. Son fameux ouvrage « Beförderung der
Humanität » est une apologie de la tradition humaniste. On lui
doit le concept allemand de Bildung. Cfr. Encyclopédie
philosophique Universelle, les oeuvres philosophiques, Paris, P.U.F.,
1992, p.1197.
* 73 Jean Grondin,
Introduction à Hans Georg Gadamer, Paris, Cerf, 1999, p.45.
* 74 Professeur Okolo pense
que pour les romantiques l'idée de culture renferme l'idée de
formation pour ne pas parler de transformation. La culture prend l'homme
dès son enfance et le conduit vers l'âge adulte et en même
temps qu'elle ouvre l'homme vers des valeurs universelles, le particularise,
l'individualise. Dans ce sens, la formation donne à la culture
individuelle et communautaire sa forme. Cfr. Bénoït Okolo Okonda,
« les sources romantiques de la négritude », in
philosophie et conflit des cultures en Terre Africaine, Mélanges
offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur émérite des
F.C.K., Kinshasa, Cerdaf, 2002, p.160.
* 75 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, Paris, Seuil, 1996, p.47.
* 76 Ibid.,p.39.
* 77 Pour un
approfondissement du concept de sensus communis dans la tradition
humaniste, il est judicieux de visiter la pensée de Vico, qui, nous
semble-t-il, est parmi ceux qui ont mieux compris l'importance de la tradition
humaniste et se sont présentés comme avocats de cet
héritage historique. Cfr. Vérité et
Méthode, pp 35-47.
* 78 Gadamer affirme que le
bon sens se réalise fondamentalement dans le jugement que l'homme
prononce sur ce qui est bien (Recht), et sur ce qui ne l'est pas, sur ce qui
est faisable et sur ce qui ne l'est pas. Cfr. Vérité et
Méthode, p.48.
* 79 Ibidem, p.48.
* 80 Jean Grondin,
Introduction à Hans Georg Gadamer, Paris, Cerf, 1999, p.48.
* 81 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, Paris, Cerf, 1996, p.322.
* 82 Ibid., p.323.
* 83 Jean Grondin, op
cit. p.139.
* 84 Thomas Kuhn, La
structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion, 1972,
p.19.
* 85 Hans Georg Gadamer,
« Le problème herméneutique », in
Archives de philosophie, n°33, janvier- mars 1970, p.13.
* 86 Castern Dutt, op
cit. p.38.
* 87 François Jacob,
La logique du vivant : une histoire de
l'hérédité, Paris, Gallimard, 1970, p.256.
* 88John MADDOX, Ce
qu'il reste à découvrir, Paris, Bayard, 2000, p.233.
* 89 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, p.323. Aussi, Gadamer dit que
la Conscience de l'histoire tourne le dos à la naïveté de
l'assimilation et de la comparaison en permettant à la tradition de
devenir expérience et en restant ouverte à la requête de
vérité que celle-ci présente. Ce n'est pas dans la
certitude méthodique que la conscience herméneutique trouve son
achèvement, mais dans la communauté d'expérience qui
distingue de celui qui est emprisonné dans des dogmes, l'homme
d'expérience. Cfr. Vérité et Méthode, p.
385.
* 90 Au sujet de
l'herméneutique de la vigilance, Jean Onaotsho a consacré une
abondante littérature. Nous renvoyons le lecteur à lire son
article intitulé : « Herméneutique, Critique et
Déconstruction. Repères d'une herméneutique de la
vigilance », in Revue Philosophique de Kinshasa, Vol. XV.
n° 27-28, Kinshasa, F.C.K., 2003, p.150.
* 91 Marcel Madila
Basanguka, « Tradition, langage et jeu chez H.G. Gadamer. Une
ontologie de la culture », in Revue philosophique de
Kinshasa, n°32, juillet- décembre 2003, p.91.
* 92 Hans Georg Gadamer,
L'Ethique Dialectique de Platon, Interprétation
phénoménologique du Philèbe, Paris, Actes du Sud,
1994, 17.
* 93 Ibid., p.49.
* 94 Chez Gadamer le concept
d'Horizon est essentiellement lié à celui de la situation.
L'horizon est le champ de vision qui comprend et inclut tout ce que l'on peut
voir d'un point précis. (Cfr. Vérité et
Méthode, p. 324.) Selon Grondin, la thèse de Gadamer est que
l'on comprend toujours, au moins en partie, à partir de son horizon
lorsqu'on cherche à comprendre quelque chose, mais sans que l'on n'en
ait toujours conscience. Cfr. Jean Grondin, « La fusion des
horizons, la version gadamérienne de l'adæquatio rei et
intellecus », in Archives de Philosophie, n°68,
2005, p.403.
* 95 Ibid., p.326.
* 96 Les travaux de Thomas
Kuhn sont bénéfiques pour celui qui veut approfondir ce
thème. Cfr. La structures des révolutions
scientifiques.
* 97 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, p.376.
* 98 Ibid., p.328.
* 99 Ibid., p.386.
* 100 Hans Georg Gadamer,
L'art de Comprendre, Herméneutique et tradition philosophique,
Paris, Aubier, 1982, pp.13-14.
* 101 Gadamer pense que
comprendre le caractère problématique d'une chose c'est aussi la
questionner et attendre d'elle une réponse. Cfr.
Vérité et Méthode, p. 398.
* 102 Ibid.,p. 390.
* 103 Ibid., p.401.
* 104 Ibid., p.399.
* 105 A ce sujet Gadamer
dit qu'il est inévitable que le nivellement des formes de vie à
l'âge industriel agisse sur le langage. De fait, l'appauvrissement du
Vocabulaire fait l'immense progrès, rapprochant la langue d'un
algorithme technique. La parole authentique qui a quelque chose à dire
et qui pour cette raison n'utilise pas des signes convenus mais cherche les
mots à l'aide desquels on peut atteindre autrui, est une tâche
humaine générale mais c'est une tâche particulière
pour le théologien dont la mission est de transmettre un message
écrit. Cfr. Gadamer, L'art de Comprendre. Herméneutique et
tradition philosophique. Paris, Aubier, 1982, 40.
* 106 Au sujet de l'oubli de
l'Etre du langage, Pierre Fruchon dit ceci : « il y a une
pensée qui n'est pas une pensée grecque et qui rend mieux justice
à la réalité du langage, en sorte que, dans la
pensée occidentale, l'oubli du langage ne pouvait pas devenir
total. C'est la pensée Chrétienne de l'Incarnation. Cfr, Pierre
Fruchon, Herméneutique, langage et ontologie. In archives de
philosophie n°36, 1973, p.550.
* 107 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, p. 405.
* 108 Ibid., pp.405-6.
* 109 Ibid., p.
* 110 Pierre Fruchon, «
Herméneutique, langage et ontologie », in Archives de
Philosophie, n°36, 1973, p.530
* 111 Jean Grondin, Op
Cit, p.182.
* 112 Hans Georg Gadamer,
Vérité et Méthode, p.411
On peut être approfondir cette étude en
revisitant Platon. En effet, dans la 7e lettre de Platon, celui
présentent les quatre médiations de la chose. Il y a :- le
nom ou le mot (onoma) ; -l'explication ou plus exactement la
définition du concept (logos) ;- l'apparence, l'image sensible,
l'exemple, la figure(eidolon) ; -enfin, la connaissance. A
ceux-ci, il faut ajouter un cinquième élément c'est
« l'étant véritable lui-même ». Cfr.
L'art de Comprendre. Herméneutique et tradition philosophique.
Paris, Aubier, 1982, p.40.
* 113 Ibid., p.500. Il faut
comprendre par cette phrase que ce qui est ne peut jamais être compris
dans sa totalité. Tout ce qu'un langage entraîne avec soi renvoie
toujours au- de là de l'énoncé lui-même. On ne peut
comprendre ce qui se dit qu'en cherchant à entendre son non-dit,
c'est-à-dire la question ou la constellation de questions d'où
ressort ce qui a été proféré. Les mots
n'épuisent pas la réalité. Cfr. Gadamer, « Le
défi herméneutique », in Revue Internationale de
Philosophie, n°151, 1984, P.U.F, pp. 338-339.
* 114 Ibid., pp.338-339.
* 115 Idid., p.412.
* 116 Ibid., p.413.
* 117 Ibid., p.183.
* 118 Ibid., p.424.
* 119 Onaostho dit que la
tradition porte la science dans son évolution. Même
l'évolution de la techno- science suit la dialectique
« prolongement- rupture » de l'ancien, au
déjà-là. La modernité, le développement se
déploient sur le fond de la tradition. Cfr. « Le
développement comme oeuvre de la tradition », in
philosophie et conflit des cultures en Terre Africaine, Mélanges
offerts au Père Alfons Josef SMET, professeur émérite des
F.C.K , Kinshasa, Cerdaf, 2002, p. 170.
* 120 Ibid., p. 302.
* 121 Ibid., p.29.
* 122 Ibid., p. 406.
* 123 Notamment par
l'écriture et l'acte de lire les textes anciens.
* 124 Georgia Warnke,
Gadamer, Herméneutique, Tradition et Raison, Bruxelles, De
Boeck, 1991, p. 131.
* 125 Jürgen Habermas,
La logique des sciences sociales et autres essais, Paris, P.U.F.,
1987, p.121.
* 126 Jean Onaotsho Kamwende,
« Herméneutique, Critique et Déconstruction.
Repères d'une herméneutique de la vigilance », in
Revue philosophique de Kinshasa n° Vol. XV. n° 27-28, 2003,
p.150.