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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine rationnelle en Grèce classique

INTRODUCTION

Pourquoi un travail de recherche sur la maladie sacrée ?

Au commencement, étant moi-même épileptique donc atteinte de ce que les anciens appelaient la maladie sacrée, j'ai voulu comprendre ce qui se cachait derrière cette appellation. Pourquoi sacrée ? Intervention divine ? Possession par un Dieu ? Les croyances moyenâgeuse penchaient en ce sens. Possédée par le diable. Toutefois, avant le Moyen-Age se trouvait l'Antiquité. C'est donc vers cette période que j'ai cherché des réponses.

J'ai ainsi trouvé le traité attribué à un auteur du corpus hippocratique De la maladie sacrée. Surprise, alors que les pré-socratiques attribuaient bien cette maladie à une intervention divine, l'auteur avait déjà compris ce que notre science contemporaine déterminerait, à savoir que cette maladie est liée à un dysfonctionnement du cerveau.

Ainsi il m'a semblé nécessaire d'étudier cette science.

Au fil des lectures, j'ai découvert, notamment grâce au traité de ce même corpus, Maladies des jeunes filles, que cette maladie touchait les parthenoi, ces filles qui, bientôt, allaient se marier.

Ainsi fut défini mon sujet. Restait à savoir ce que l'étude des parthenoi chez les Hippocratiques allaient apporter comme pierre à l'édifice de la science.

Ce travail a donc deux axes majeures, l'étude de la médecine dite hippocratique et la parthenos dans le corpus du même nom.

Comment définir des limites chronologiques ? On aurait pu tenter un travail mettant en parallèle les croyances traditionnelles et les croyances hippocratiques. Comme toujours en histoire ancienne, l'apprenti chercheur propose et les sources disposent. Cette lapalissade se trouve ici confirmée. Des époques antérieures, on ne trouve qu'un papyrus égyptien décrivant la crise et seul le texte du corpus hippocratique Maladie sacrée, nous renseigne sur les causes que l'on donnait antérieurement à cette maladie. Par conséquent, les limites chronologiques se sont imposées d'elles-mêmes : ce serait la période classique, qui correspond au Vème et IVème siècle avant Jésus-Christ. Ainsi, quand une date sera donnée dans ce mémoire, il ne sera pas rappelé qu'elle concerne la période avant notre ère, ceci allant de soi au vu du sujet choisi.

Cette délimitation m'amenait à m'interroger sur la médecine rationnelle.

« Je recommande, pour ma part, aux jeunes filles qui sont atteintes d'une telle affection de se marier au plus vite ; car si elles deviennent enceintes, elle guérissent. »1(*)

C'est en procédant de la sorte que l'auteur de Maladies des jeunes filles entendaient mettre un terme aux éventuelles crises d'épilepsie qui guettaient les parthenoi, vision opposée à la tradition populaire qui attribuait ces crises aux divinités auxquelles il était nécessaire de faire des offrandes pour faire cesser la maladie.

Le Vème siècle vit l'éclosion des sciences en Grèce. La médecine ne dérogea pas à la tendance générale qui considérait que chaque phénomène avait un cause naturelle, sans rapport avec l'intervention des dieux. Ainsi se trouve défini la médecine hippocratique : la maladie est le résultat de l'influence du milieu sur l'homme, les maladies proviennent de l'extérieur et non de l'influence des dieux. A ce titre, il est nécessaire de l'aborder avec les moyens d'observation que nous avons à notre disposition. C'est la promotion de la médecine par les cinq sens. Tout phénomène a une cause naturelle.

Un des auteurs appartenant au courant de cette nouvelle médecine, se pencha sur la maladie dite sacrée. La croyance populaire considérait qu'elle était le résultat de la possession du corps du malade par un dieu. Le traité sur cette maladie nous est parvenu. Dans une première partie, l'auteur critique ceux qui, les premiers, par ignorance et étonnement, ont fait croire que cette maladie était due aux dieux. Puis, il expose ce qu'il considère, comme étant la cause de cette maladie.

Même si le Vème siècle est la période de la recherche rationnelle, on s'aperçoit que des anciennes croyances sont encore vivaces. Que dire de cet utérus mobile, petit animal vorace dont la femme est l'esclave ? Héritage de Pandora ou motif pour justifier l'asservissement de la femme à l'homme ? Il faut croire que les progrès de la médecine s'arrêtaient là où commençait l'intérêt de la société. Comment comprendre qu'une jeune fille de quatorze ans soit considérée comme une adulte ? Cette théorie, peut être fantaisiste pour nous autres contemporains était loin de l'être aux yeux des classique. A la recherche d'un optimum biologique et, bien que dénonçant les mariages avec des filles trop jeunes, Aristote préconisait une différence d'âge entre l'homme et la femme de quinze à vingt ans. Un homme devenant un citoyen accompli à trente ans, âge auquel il pouvait entrer dans les différentes assemblées où siégeaient les citoyens, on peut donc déduire que la fille devait avoir entre dix et quinze ans. Et pour appuyer cette démonstration, quoi de mieux que les discours médicaux ?

Cette évolution de la pensée a eu un impact sur la société du Vème siècle, même si les anciennes croyances restèrent en vigueur. Puisqu'on voyait dans la maladie sacrée une maladie qui touchait principalement les jeunes filles, que les causes de l'épilepsie étaient considérées comme fausses par les médecins hippocratiques, il est nécessaire d'étudier l'impact, si impact il y a eu, de cette nouvelle branche de la médecine sur la vision des parthenoi, ainsi que leurs répercutions, si répercutions il y a bien eu sur la société grecque du Vème siècle. Qu'est ce qui caractérise la période classique ? Le cinquième siècle vit l'émergence des sciences. L'homme s'interroge sur le monde qui l'entoure, il suffit de lire Platon pour le comprendre. Contrairement aux anciennes croyances, toute chose a une cause naturelle ce qui va amener à une confrontation entre les théories pré-cinquième siècle et celles qui se développent à ce moment là. Le recours aux dieux n'est plus systématique et on cherche à comprendre. Le but des hommes étaient de fournir une vision cohérente et ordonnée du monde.

Ce changement ne fut certainement pas perçu à toutes les échelles de la société. Toutefois, n'ayant pas d'autres sources que le corpus, il faudra accepter que ce point de vue pouvait être représentatif de la pensée de l'époque.

Dans le corpus hippocratique, peu de référence à cette maladie. Trois cas dans les Epidémies et pourtant un traité complet semble dire que ce mal est typique des parthenoi. Doit-on voir dans cette explication une implication autre que médicale ? La médecine servirait-elle en partie, la société ?

Que sait-on des parthenoi ? En âge d'être mariée, elles ne le sont pas encore. Non domestiquée, elles vont subir, après le mariage, le joug du mari qui va les civiliser. Or, à la lecture des phénomènes se produisant lors d'une crise de la maladie sacrée, on comprend aisément qu'on puisse lui attribuer un caractère sauvage. Quel accès avons-nous à ses filles sur le point de devenir mère ? Elles se taisent, comme les femmes qu'elles vont devenir. Il faut donc accepter que les informations qui nous sont données soient déformées par la vision masculine de la femme. Quelle était-t-elle ?

Le passage à l'âge adulte est depuis la haute Antiquité, considéré comme une période dangereuse. En cela rien de nouveau. Les transformations visibles au niveau du corps laisse présager une tempête intérieure, tempête confirmée pour les Hippocratiques par le nombre de jeunes filles se pendant à cause, dit le médecin, de leur sang, qui ne peut s'écouler, l'orifice de sortie étant fermé. La virginité est donc considérée comme étant dangereuse. Quel remède ? Le mariage bien sûr. En effet, les médecins ne conçoivent pas que le moment du mariage ne soit pas celui de la défloration. Ainsi, l'homme ayant ouvert le passage, la jeune fille n'est plus en proie à la maladie sacrée mais, en retour, connaît les maux afférents au gyné car la période la plus dangereuse pour une femme n'a jamais été l'adolescence mais plutôt, le moment de la grossesse et l'accouchement.

A nouveau, pourquoi, pour appréhender ce moment difficile qu'est le pivotement du sacré, passer par le traité Maladie sacrée ? Parce qu'il est, dans sa première partie, représentatif du climat de l'époque et nous donne à voir la médecine du Vème siècle, déterminante dans toute recherche sur le fonctionnement du corps, et les problèmes auxquels elle était confrontée. Parce que, couplé au traité Maladie des jeunes filles, il montre toute la problématique du passage à l'âge adulte, qui a toujours été ritualisé, dans toutes les sociétés et de tous temps (majorité à dix-huit ans aujourd'hui, pourquoi cet âge et pas vingt et un an ?) car considéré comme dangereux.

Pourquoi s'intéresser aux femmes et surtout aux jeunes filles ? Parce que, depuis Prométhée, ce sont elles qui transmettent la vie. Par conséquent, il est vital, puisque sans enfants et surtout sans fils, pas de continuation de l'oikos, de préserver la parthenos. En effet, la femme est un mâle manqué. Etait-elle assignée uniquement à la maternité ? On le verra dans le développement qui suit. Pour devenir une femme accomplie, qui sert la société, elle devra être domestiquée.

Hippocrate s'intéresse à ce corps inquiétant, imprégné d'une sexualité redoutée. La perception de ces médecins du corps de la femme est celui d'un récipient qui s'emplit et se vide de son sang à toutes les étapes de sa vie. Mais ce corps, aussi inquiétant soit-il, doit être connu, car c'est grâce à lui que la race humaine se perpétue. Il faut donc en comprendre les mécanismes.

Partir à la recherche des parthenoi grecques, c'est suivre la trace de leur sang.

Ainsi, le projet du médecin est double. Assurer la santé de sa patiente, lui permettre de faire des enfants et l'aider à gagner sa place dans l'ordre établi de la cité. Car ne nous y trompons pas : si, pour nos yeux de modernes, la prise de la parthenos par un homme plus âgé choque car elle ressemble à une soumission, la jeune fille s'y prépare depuis toujours, le point phare de sa vie restant le mariage. La vie d'une femme est faite de deux périodes, une avant et l'autre après le mari. C'est donc bien le rapport à l'homme qui permet à la femme de se définir. C'est grâce à lui que le sang est versé. C'est donc grâce à lui que la jeune fille devient femme. Après avoir eu ses règles, la jeune fille a franchit un cap, tant physiologique que religieux social et politique. Elle est exclue de l'univers d'Artémis pour celui de Déméter, elle est prête à occuper la place qui sera la sienne. Le sang versé fait d'elle une femme, processus achevé lorsqu'elle aura donné naissance (illustrée par le fait qu'Artémis reste auprès des jeunes filles jusqu'à l'accouchement).

Dans ces conditions, il devient judicieux de s'interroger sur le sort des jeunes filles atteintes de la maladie sacrée. En effet, maladie sacrée et mariage sont liés. Mais quelle place les filles pouvaient-elles occuper si cette maladie perdurait après le mariage ? Les symptômes sont proches de ceux de la transe de la pythie. Entraient-elles en religion ? Peut-être... Mais cette hypothèse restera au stade d'hypothèse puisqu' aucune sources n'a pu me permettre d'établir la véracité de ce fait.

Pour mener à bien cette étude j'ai emprunté, outre les deux textes du corpus précédemment cités, sa Théogonie ainsi que Des travaux et des jours à Hésiode. En effet, ces textes ont le mérite de nous renseigner et de nous permettre de comprendre quelle croyances tronquaient la vision grecque de la femme. De même, L'Economique de Xénophon m'a permis de faire connaissance avec les qualités qu'on attendait d'une parthenos. Ainsi, s'est forgé un bouillon culturel qui m'a permis de mieux comprendre les théories médicales concernant la femme et d'accepter certains concepts qui auraient pu être considérés comme des aberrations au regard de la définition que les médecins hippocratiques donnaient de leur matière.

Si on ne dispose que d'un traité concernant la maladie sacrée, les traductions, en revanche, sont multiples. Malgré le prestige dont Emile Littré est entouré, prestige visible dans le fait que les ouvrages en langue étrangère se réfèrent à sa traduction, les trois premières parties de ce travail s'appuyant en grande partie sur les travaux de Jacques Jouanna, j'ai préféré opter pour sa traduction des traités hippocratiques quand cela était possible. Les traités dont la traduction est d'Emile Littré sont annotés en bas de page. Pour la quatrième et la cinquième partie, c'est la traduction de ce dernier qui a été utilisée.

Au regard de ce qui précède, le plan de cette étude se présentera ainsi : une présentation des sources qui montrera sur quoi s'appuie notre argumentaire, une bibliographie rapide pour toute personne désireuse de s'intéresser au sujet, afin de mieux cerner les médecins hippocratiques et leur raisonnement, une étude sur la naissance de cette médecine, ses spécificités et son chef de file, Hippocrate ; pour mieux appréhender ce qu'est une femme, on reviendra sur le mythe de Pandora qui installa les femmes dans un écart originel. Une fois ces deux points abordés, on sera en mesure d'accéder à la parthenos et aux maladies qui la tourmente, notamment la maladie sacrée. En effet, il était impossible d'étudier l'état de parthenos sans aborder les constructions culturelles qui s'établissent autour d'elle car, comme on le verra médecine et société sont étroitement liées à l'époque classique.

* 1 Hippocrate, De la maladie des jeunes filles, traduction de Jacques Jouanna.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault