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La maladie sacrée, les parthenoi dans le regard de la médecine grecque

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par Virginie TORDEUX
Université Rennes 2 - Master 2006
  

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I. ET VINT PROMETHEE.

Il fut un âge d'or où dieux et hommes vivaient ensemble284(*). Lorsque les hommes apparaissent pour la première fois dans nos sources, Zeus occupe déjà le trône de l'univers.

« Eux désormais eurent pour lui grande reconnaissance, ils lui donnèrent le tonnerre et la foudre étincelante et l'éclair. Jusque là Terre l'immense tenait caché ce pouvoir qui le fait roi de ceux qui meurent et de ceux qui vivent à jamais285(*). »

Il a vaincu Cronos, les Titans et les Géants. Le monde divin s'est stabilisé. Les dieux vivent sur l'Olympe mais partagent également certaines terres avec les humains, notamment celle de Mékoné, plaine de Corinthe. Dieux et hommes y festoient ensemble, on écoute les aventures des dieux, les muses chantent les louanges de Zeus. Tout est pour le mieux. C'est ce qu'on a appelé l'âge de Cronos286(*), temps antérieur au moment où la lutte se déclenche entre Zeus et les hommes. Ces derniers ne connaissent aucuns des maux actuels, tout pousse spontanément sans être soumis aux saisons.

« Autrefois les tribus des hommes vivaient sur la terre, protégées, loin des malheurs sans travailler durement, sans souffrir des tristes maladies qui font que les hommes meurent287(*). »

Les hommes restent jeunes, semblables à ce qu'ils sont dès le début. Ils ne naissent pas tel que nous l'entendons aujourd'hui, peut-être surgissent-ils de Terre, Gaïa, qui les aurait enfanté de la même façon que les dieux. Les hommes ne connaissent ni la mort, ni la naissance, ni le temps qui use les forces et fait vieillir. Après des centaines d'années, les hommes disparaissent. La vie ressemble à ce que raconte certains éthiopiens : une table du soleil attend ceux-ci chaque matin où ils trouvent à boire et à manger. Les viandes sont déjà cuites, le blé poussent sans être cultivé, la nature offre tous les biens de la vie domestique la plus raffinée, la plus civilisée. La femme n'existe pas encore.

Mais le moment de la séparation hommes et dieux est venu. Il s'opère quand les dieux font entre eux leur répartition. C'est dans la violence qu'ils ont d'abord réglé la question des honneurs et des privilèges réservés à chacun. Une fois que les Olympiens se sont installés en haut du ciel, il a fallu régler les problèmes entre eux. Zeus est chargé d'opérer la répartition qui se fait, soit au terme d'un conflit ouvert, soit d'un accord consensuel entre tous les Olympiens288(*).

Comment répartir les places entre les dieux et les hommes ? L'usage de la violence n'est pas pensable car les humains sont trop faibles. Comment faire des hommes les égaux des dieux ? Pour trancher cette situation, Zeus fait appel à Prométhée, car il a un statut ambigu. On dit de lui que c'est un Titan. Il est le fils de Japet, frère de Cronos. Il n'est ni un Titan, ni un Olympien. Prométhée possède un esprit de rébellion, malin et indiscipliné. Zeus et Prométhée partagent plusieurs traits communs sur le plan de l'intelligence et de l'esprit. Tout deux se définissent par un esprit subtil.

« Elle enfanta Ménoïtios le superbe Prométhée qui joue avec mille pensées289(*). »

Prométhée est dans un rapport de complicité avec les hommes. Son statut est proche de celui des humains, parce que ceux-ci sont aussi des créatures ambiguës, qui détiennent un aspect de divinité et en même temps un aspect d'animalité, de bestialité.

La scène se déroule ainsi : dieux et hommes sont rassemblés comme à l'ordinaire. Lors d'un banquet, Zeus charge Prométhée de faire la répartition. Il amène un taureau qu'il abat, découpe et fait deux parts. Chacune va exprimer la différence de statut entre dieux et hommes. Chacun des tas se présente ainsi : un rempli de la graisse appétissante entourant seulement des os blancs nus, l'autre une panse peu ragoûtante avec à l'intérieur tout ce qui est bon à manger.

« Ah ! Prométhée, toi qui est si malin, si fourbe, tu as fait un partage bien inégal290(*). »

Zeus, qui a vu d'avance la ruse, accepte de jouer le jeu, prend la part remplie de graisse appétissante et entre dans une colère épouvantable contre celui qui a voulu le duper. Prométhée va payer sa faute : Zeus décide de cacher le blé et le feu aux hommes : Prométhée a caché la viande, Zeus soustrait aux hommes ce qui était à leur disposition. La perte du feu est un catastrophe pour les hommes qui ne mangent la viande que cuite. Mais Prométhée trouve une parade : il monte au ciel avec une branche de fenouil qui brûle à l'intérieur mais pas à l'extérieur. Prométhée redescend et personne ne s'aperçoit que la tige brûle à l'intérieur. Ce feu, Prométhée va le donner aux hommes ce qui rend Zeus fou de colère.

Même si les humains ont retrouvé le feu, ce n'est pas le même que celui que Zeus a caché, celui qu'il a dans la main en permanence et qui ne faiblit jamais. Le premier est issue d'une semence, il est né, par conséquent il demande à être nourri. Il faut le conserver et veiller sur lui. Or, il possède un appétit insatiable tout comme les mortels.

En même temps que le feu, Zeus a caché aux hommes les céréales, sources de vie. Au temps de Cronos, les céréales poussaient toutes seules, désormais il devient laborieux et difficile de les cultiver et il faudra penser à les stocker pour la période de l'année durant laquelle aucune semence ne peut germer.

Pour les grecs, le blé est une plante cuite par l'ardeur du soleil mais aussi par le travail des hommes. Le feu est la vrai marque de la culture humaine. Le feu de Prométhée est celui de la technique, une procédure intellectuelle qui démarque les hommes des bêtes et consacre leur caractère de créatures civilisées. Et pourtant, dans la mesure où ce feu humain a besoin de s'alimenter pour vivre, il revêt aussi l'aspect d'une bête sauvage. Le feu rappelle la spécificité de l'homme, son origine divine et sa marque bestiale.

Toutefois, Zeus considère que sa victoire sur Prométhée n'est pas complète : certes il a pris le feu aux hommes mais Prométhée lui a repris. Zeus a pris le blé mais les hommes, désormais, se le procurent en travaillant. L'échec de son adversaire n'est pas éclatant. Alors, Zeus réserve une surprise aux humains.

Le châtiment que Prométhée reçut est connu291(*) et Zeus décide de punir à nouveau les hommes. Il leur envoie un fléau, Pandora, sous la forme d'une parthenos, modelée par Héphaïstos, parée par Athéna, qui lui noue sa ceinture, doté par Hermès de la parole, « d'un esprit impudent et d'un coeur artificieux », une créature mixte tenant du dieu, de l'homme et de la bête292(*).Ce mannequin, dont est issue la race des femmes, se présente comme les parts du sacrifice ou le fenouil, avec un extérieur trompeur.

Prométhée (dont le nom signifie qui comprend d'avance) comprenant ce qui menace les hommes prévient son frère, Epiméthée (qui signifie comprend trop tard) de n'accepter aucun cadeau des dieux.

« Quand il eut mis au point ce piège terrible, imparable, le père d'Epiméthée dépêche le fameux Argeïphontes, messager des dieux, pour apporter le cadeau. Epiméthée ne réfléchit pas. Prométhée lui avait dit pourtant de ne jamais accepter un cadeau de Zeus l'Olympien mais de lui retourner, de peur qu'un mal n'advienne à ceux qui meurent293(*). »

Mais lorsque Pandora se présente à lui, Epiméthée, ébloui, la fait entrer dans sa demeure, (telle une épouse). Il se marie dès le lendemain et Pandora est installée en épouse chez les humains. Or, chez lui, des jarres sont entassées et l'une d'entre elle ne doit pas être ouverte. Profitant de l'absence de celui-ci, Pandora, guidée par Zeus, ouvre la jarre interdite : tous les maux, tous les malheurs s'en échappent et, bien qu'elle referme vite, seul reste l'espoir, Elpis. Le mal est fait : tous les maux sont dans le monde à cause de Pandora. Elle qui incarnait déjà tous les maux les a encore multipliés. Ils sont invisibles, ne restent pas en place, de sorte que les hommes ne peuvent les éviter, ainsi l'a voulu Zeus.

« C'est de la première femme qu'est sortie la race des femmes en leur féminité. D'elle est sortie la race maudite, les tribus des femmes294(*). »

Deux vers pour dire la même chose295(*) ? Pas tout à fait, tout se passe comme si, au moment où est introduit le génos gynaikôn, le texte hésiodique consacrait deux vers à détailler les éléments constitutifs du syntagme. Redoublant l'expression de la féminité, le vers 590 campe les femmes dans leur qualités de femmes. En adjoignant le vers 591, on redouble la fermeture de la race des femmes, groupe isolé sur lui-même. Ainsi, en deux vers, le poète a dit l'essentiel : les femmes sont dérivées de la femme, elle-même produite à l'origine en un seul exemplaire face à la collectivité déjà constituée des hommes.

La race des femmes, née de la femme : la féminité s'autoreproduirait-elle dans le circuit fermé du genos ? Il faut accepter que Pandora soit, non pas la mère de l'humanité mais celle des femmes296(*).

Voilà qui nous entraîne loin de la femme reproductrice, ce mal nécessaire. Ainsi, la tradition naît dans l'hétérodoxie, et le texte fondateur installe la race des femmes dans un écart originel.

Ce écart est intéressant car en lui s'enracinent toutes les questions grecques sur l'origine : dans le récit, la femme apparaît sous le signe de la séparation.

L'outrage est fait, la punition trouvée, voyons quel impact l'arrivée de Pandora a eu sur les hommes.

* 284 Alain Tranoy, « La parthenos, mythes et réalités », Revadosanté, 2001, n°2, site internet.

* 285 Hésiode, Théogonie divine, Folio classique, 2004, p 63.

* 286 Jean Pierre Vernant, L'univers, les dieux, les hommes, 510-512.

* 287 Hésiode, Des travaux et des jours, Folio classique, 2004, 90-93.

* 288 Jean Pierre Vernant, op. cit. p 65.

* 289 Hésiode, Théogonie divine, 510-512.

* 290 Ibid., p 542-545.

* 291 Pour avoir rendu le feu aux humains, Zeus le cloue entre le ciel et la terre, à mi hauteur d'une montagne, d'une colonne, où il enchaîne et le ligote. Prométhée sert de nourriture à l'oiseau de Zeus, à l'aigle porteur de sa foudre. Tous les jours, cet aigle dévore le foie totalement et celui-ci repousse dans la nuit. Prométhée sera délivré par Héraclès avec l'assentiment de Zeus.

* 292 Nicole Loraux, Les enfants d'Athéna, Paris, Edition du Seuil, 1990, p 75-117.

* 293 Hésiode, Des travaux et des jours, 83-88.

* 294 Hésiode, Théogonie, 590-591.

* 295 Nicole Loraux, op. cit. p 77.

* 296 Ibid., p 78.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld