WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les dons, phénomène anthropologique au coeur des élections au Burkina Faso: une analyse des comportements électoraux dans la ville de Ouagadougou

( Télécharger le fichier original )
par Oumarou Kologo
Université de Ouagadougou - DEA de sciences politiques 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

§2- Les dons comme une exigence du champ électoral

Tout porte à croire qu'aujourd'hui, l'appât du gain a la primauté sur les valeurs socioculturelles. Cette situation met en péril l'avenir et l'héritage déjà affaiblis par de nombreux maux dont le monde peine à se délier. La société semble avoir atteint le summum de la déchéance. Les seules règles qui gouvernent l'organisation sociale deviennent la nécessité, le besoin en un mot l'impératif de survie.

La marchandisation des relations sociales se présente comme une pseudo alternative à la misère. Face à une société qui a perdu ses repères, la famille africaine en générale et Ouagalaise en particulier n'échappe pas à la désorganisation et à l'effritement de ses valeurs primaires (solidarité, humanité, amour, parenté etc.). L'individualisme semble avoir atteint son paroxysme et s'est même érigé en valeur sociale. Bien que critiqué et remis en cause par les principes moraux ou religieux, ce phénomène va grandissant et contribue à désacraliser les règles qui régissaient la vie sociale.

La politique comme nous l'avions déjà relevé se pratique dans le champ social et de ce fait, est touchée par ce phénomène de « changement social149(*) » dans les rapports des acteurs. Ces changements étant caractérisés par la tendance à placer les intérêts économiques individuels immédiats au dessus de l'intérêt collectif. Les interactions sociales ou politiques entre agents sont dans ce contexte contrôlées et orientées afin de produire des gains économiques ou symboliques (prestige ou influence, reconnaissance et considération sociale).

Au regard d'une telle réalité, la pratique politique exige un minimum pour attirer l'attention de cette population croupissant chaque jour dans une pitoyable situation. P.E s'inscrit dans cette optique en soulignant que « les partis qui n'ont aucun moyen pour accrocher l'électorat seront confrontés à d'énormes difficultés pour jouer les rôles qui sont les leurs, puisque les gens n'écoutent pas les bavards, ils veulent du concret». Le concret étant tout ce qui, dans l'immédiat, leur permettrait de répondre à leurs besoins quotidiens. Poursuivant dans la même lancée, W.L du PDP/PS explique que dans un arrondissement de Ouagadougou (Boulmiougou), alors que son parti était en train de délivrer un discours, il aurait surpris certaines populations se plaignant en ces termes : «  cet homme parle trop, nous on veut manger ». C'est en fait une lapalissade, puisqu'il y a dans les masses, qui viennent écouter les discours, peu de personnes accrochées aux programmes que présente le messager. En outre, vu l'analphabétisme criard, on distingue peu de personnes capables de comprendre le programme des partis. En plus, un adage populaire dit que « ventre affamé n'a point d'oreilles ». Le discours programmatique serait illusoire devant une population qui réclame et attend impatiemment qu'il termine pour se ruer sur le messager ou ses émissaires dans la seule intention de ne pas rentrer bredouille.

Selon Banégas150(*), il n'y a pas lieu de s'étonner car « la consolidation démocratique et la subjectivation citoyenne s'opèrent paradoxalement dans le creuset des logiques clientélaires et dans la matrice plus générale de « la politique du ventre ». Par exemple, malgré le fait que les dons soient perçus comme des sources de motivation des choix de certains électeurs, seulement 16 personnes soit 40% des enquêtés ont souhaité leur suppression dans les campagnes électorales. 60% des populations rencontrées estiment qu'on ne peut plus faire des campagnes sans dons au Burkina. Cela témoigne de tout l'intérêt qu'accordent les populations aux dons électoraux.

La quête de l'ancrage démocratique ne peut ignorer les questions récurrentes de subsistance qui se posent et se transportent sur le champ politique. Elle devrait les intégrer afin d'atteindre les résultats escomptés. En effet, 26 personnes dont 14 hommes et 12 femmes soit au total 65% des enquêtés (Cf. tableau n0 16 en annexe) estiment que de plus en plus,  les dons sont exigés par les électeurs. Si à l'origine ce sont les partis politiques qui ont initié ce phénomène dans le champ électoral, de nos jours, les partis sont obligés de donner pour avoir des gens à leurs meetings, en d'autres termes pour mobiliser les électeurs. Au regard de cette situation, il conviendrait d'éduquer les populations à y faire face sans se laisser influencer (cf. tableau 18 en annexe).

Les acteurs politiques seraient pris dans leur propre piège à travers leur tentative de conquérir l'électorat. Habitués au système du « don électoral », les électeurs le réclameraient d'eux-mêmes comme condition de leur engagement politique. Le don apparaît dès lors comme un moyen d'aliénation, de consolidation mais aussi de déstabilisation des liens entre les acteurs politiques et les populations. Il jouerait le double rôle inclusif et exclusif. En effet, « il se développe des mécanismes d'incorporation et d'exclusion des individus des groupes ethniques dans la sphère d'influence151(*) (...) ». Dans ce jeu, le parti ou le candidat qui ne veut pas être marginalisé ou exclu de la zone d'influence ne peut que faire des offres alléchantes. Le don s'imposerait donc aux acteurs politiques, car il leur permet de se maintenir sur le champ politique, d'acquérir le respect et la reconnaissance des populations.

De l'avis de S.T152(*) du PDP/PF : « la recherche de la reconnaissance sociale est la première étape qui permet à l'homme politique de jauger sa popularité et ses chances de succès. Mais celle-ci a un coût et se paie à travers les irruptions spontanées de certaines populations dans le siège du parti ou à domicile chez le responsable politique. Ces populations viennent le plus souvent avec soit une ordonnance en main, soit pour exposer un problème social et elles espèrent repartir déchargées de leurs fardeaux ». Hormis cet aspect dont il est fait cas dans cette analyse, il faut noter les demandes qui sont souvent déposées par les différentes associations du secteur ou du quartier dans les sièges des partis et souvent en famille chez les hommes politiques. Comme le relève Z.R. de la CFD/B, « les populations peuvent toujours te critiquer, ils viendront réclamer de toi une contribution pour telle ou telle activité dans le quartier. Si tu refuses alors, elles t'écartent pour un autre parti. On peut dire que les campagnes ne sont jamais terminées à Ouagadougou».

Les campagnes électorales continueraient donc au-delà des dates officielles non plus pour remporter un quelconque siège dans l'immédiat mais surtout pour préparer les scrutins à venir. Les partis politiques doivent à ce titre toujours disposer d'un minimum qui leur permette de créer un capital social propre, lequel semble indispensable pour leur positionnement stratégique. Le rôle des élus, des hommes politiques ou des acteurs à la conquête du pouvoir se transformerait dans les périodes post électorales à une redistribution constante des ressources en vue de préserver leur chance d'être réélus.

Les partis peuvent-ils compter sur les cotisations de leurs membres ou sur les bénéfices des quelques rares activités qui, du reste, sont insignifiantes pour atteindre cet objectif ? La sagesse ne voudrait-elle pas qu'ils cherchent des voies de sortie ? La seule porte rentable et moins contraignante semble le recours aux contributions, aux appuis ou aux aides privés que nous retrouvons dans la notion de don.

Les dons s'imposent non seulement pour assurer la représentativité du parti ou sa présence sur la scène politique même durant les périodes hors campagnes mais ils se présentent en outre comme un moyen de mobilisation sans lequel nombre de partis se verraient rejetés. En effet, ancrées dans les allégeances identitaires, les populations pourraient choisir de ne s'intéresser qu'aux partis dans lesquels ils ont des proches parents, des membres du cercle ethnique, régional ou religieux. Les dons confèrent dès lors l'avantage à tous les partis d'être sur la scène et d'obtenir une bonne audience auprès des électeurs. Certains électeurs attirés par les gains qu'ils peuvent avoir avec les partis, transcenderaient les liens de parenté et d'alliance au profit des intérêts immédiats. Du reste, la marchandisation des relations sociales, les exigences des électeurs et les nécessités de mobilisation face à la faiblesse de financement public, rendent les dons privés ou occultes indispensables pour la majorité des partis sur la scène politique.

* 149 Le changement social se définit comme « toute transformation observable dans le temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas provisoire ou éphémère la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire ».Cf. Rocher Guy, Introduction à la sociologie générale, Tome 3, le changement social, éditions HMH, 1968, p22.

* 150 Voir « Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », R. Banégas, in politique africaine, n0 69, Paris, Karthala, 1998, p 75.

* 151 A. Socpa, op cit. p10.

* 152 S.T est un député de la dernière législature, habitant du secteur 29.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote