WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Appréhender l'interculturel dans un établissement secondaire au Portugal

( Télécharger le fichier original )
par Lénia ANDRADE
UJM de Saint Etienne - Master 1 Pro FLE 2009
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Sommaire

Partie 1 : Fiches pédagogiques

Introduction 2

Fiche n°1 : « A la découverte d'une chanson française... » 5

Fiche n°2 : « Regards sur la France » 11

Fiche n°3 : « Vive la Chandeleur! » 15

Partie 2 : Problématique de la recherche

Introduction 19

1. L'interculturel : définition et concepts liés à ce thème 20

1.1 Observation et analyse du terme interculturel ..............................................20

1.2 Distinction entre l' « interculturel » et le « multiculturel » 23

1.3 Relation entre l'interculturel et la problématique des langues-cultures..25

2. Expérience d'enseignement d'une langue étrangère

en contexte européen 28

2.1 Rappel du type d'institution d'enseignement .................................................28

2.2 Vers une approche de la culture cible : activités réalisées......................29

2.3 Bilan de cette expérience d'enseignement du point de vue de l'interculturel ...............................................................................................................37

3. L'interculturel : visée éducative et enjeu 38

3.1 L'interculturel en tant que valeur universelle.................................................38

3.2 Un outil pour appréhender la langue-culture cible.......................................40

3.3 Limites de l'interculturel ........................................................................43

Conclusion 44

Bibliographie 45

Sitographie 46

Annexes 1 à 8

Introduction

Dans le cadre du Master professionnel Français Langue Etrangère, il nous a été demandé de réaliser un stage d'intervention de 50 heures. J'ai choisi de faire mon stage au Portugal, en tant qu'assistante de français, dans la ville de Povoa de Varzim, au sein de l'établissement secondaire Eça de Queiros avec un public dit « captif », selon les termes de Janine Courtillon.1(*)

Ø L'institution :

L'établissement Eça de Queiros accueille des élèves de la 8e à la 12e, l'équivalent en France de la 4e à la Terminale. Celui-ci regroupe 126 professeurs et plus de 1200 élèves. Parmi eux, seuls 40 élèves apprennent le français contre presque 600 en anglais et tout en autant en espagnol.

Ceci s'explique par un choix restreint de langues étrangères tout au long de leur parcours scolaire. Dans le système éducatif portugais, une première langue est obligatoire en 5e - l'équivalent du CM2 en France - avec, officiellement, le choix entre l'anglais et le français. En réalité, plus de 99 % des élèves optent pour l'anglais; langue présentée comme un outil de communication indispensable, dans un contexte de mondialisation et de forte mobilité des personnes. Ensuite, les élèves de 7e - l'équivalent de la 5e en France - doivent choisir une deuxième langue, le français ou l'espagnol et là c'est l'espagnol qui est choisi en masse. En effet, la prendre et l'apprendre ouvre les portes de l'enseignement supérieur en Espagne (Facultés de Droit et de Médecine essentiellement), le Portugal étant très limité en offres de qualité à ce niveau là. Enfin, arrivés en 10e - l'équivalent de la Seconde en France - ils ont le choix entre continuer leur deuxième langue pendant encore deux ans, jusqu'en Terminale, ou alors prendre une langue en initiation (français ou espagnol) et bien souvent c'est encore l'espagnol qui est choisi pour les raisons déjà énoncées et parce que c'est plus facile pour un élève portugais à cause de la proximité des deux langues, du moins en début d'apprentissage.

Le choix des langues présentées aux élèves n'est pas anodin et est bien évidemment orienté par des enjeux économiques et politiques et malheureusement c'est le côté utilitaire des langues qui prévaut.

Dans ce contexte général et dans cet établissement en particulier, la langue française est en bien mauvaise posture et travailler en tant qu'assistante de français n'est pas une tâche facile : avec seulement trois classes de français que se partagent deux professeurs bi-disciplinaires (portugais et français) il est difficile d'intervenir dans les classes et de se retrouver en situation de face à face pédagogique.

Ø Le public :

Le public avec lequel j'ai pu travailler se résume essentiellement aux trois classes de français des 8e, 10e et 11e années, un public d'adolescents entre 13 et 17 ans. Le français est leur deuxième langue obligatoire et ils ont un volume horaire de deux blocs de quatre-vingt-dix minutes par semaine en 10e et 11e années et quarante-cinq minutes de moins en 8e.2(*)

C'est un « public captif », selon l'expression de Janine Courtillon, prisonnier d'une institution dans laquelle il doit subir toute une série d'apprentissages. En ce qui concerne les langues, les élèves ont un choix somme toute assez restreint parmi deux ou trois langues imposées, on parle d'ailleurs de première et de deuxième langue « obligatoires ». Aussi ce public-là est-il, en général, peu motivé et peu actif dans le processus d'apprentissage, trop habitué à être conduit dans une certaine forme de passivité.

En ce qui concerne leur niveau en langue française, il m'a été très difficile de le définir selon le Cadre européen commun de référence pour les langues, la conception de l'enseignement - apprentissage d'une langue étrangère dans le système scolaire portugais ne suivant pas les applications de ce dernier. En effet, c'est un apprentissage centré sur la correction de la langue, avec un programme qui suit les leçons d'un manuel, avec parfois quelques situations pour s'exprimer à l'oral. Cependant celles-ci restent assez artificielles et loin des principes de l'approche communicative. Aussi peut-il y avoir de très grands écarts entre les compétences à l'écrit et les compétences à l'oral pour un niveau requis du CECR. Par ailleurs, les élèves d'une même classe peuvent avoir un niveau très hétérogène, souvent dû à la présence de quelques éléments francophones, anciens immigrés venant de la Suisse, du Luxembourg et de la France.

Ø Mes activités au sein de l'établissement :

Ma mission en tant qu'assistante de français a consisté essentiellement à la diffusion de la langue et de la culture française, selon un projet d'intervention (Annexe 1) élaboré avec mon professeur tuteur avec lequel j'avais des réunions hebdomadaires pour un faire un bilan des activités réalisées et pour réajuster le projet au contexte de l'établissement.

Dans les pages qui vont suivre, j'exposerai et commenterai trois des fiches pédagogiques utilisées pendant le stage :

1. Fiche 1 : « A la découverte d'une chanson française »

2. Fiche 2 : « Regards sur la France »

3. Fiche 3 : « Vive la Chandeleur! »

Fiche pédagogique n°1

A la découverte d'une chanson française...

Public : groupe de 16 élèves de la classe de 10e, 4e année de français.

Niveau : selon le CECR entre A2+ et B1 sauf en production orale (plutôt A2)

Support : enregistrement audio  de la chanson « Une éclaircie » de Da Silva (2'39) et activité didactisée sur trois pages, intitulée « A la découverte d'une chanson française » composée de deux images et des paroles de la chanson sous forme de texte lacunaire (Annexe 2).

Objectif général : susciter l'intérêt que les jeunes ont généralement pour la musique, développer leur capacité d'écoute et d'attention et leur permettre d'appréhender un aspect de la culture française contemporaine.

Compétences à travailler : compréhension orale, production orale.

Pré-requis :

L'apprenant est capable :

-- d'utiliser correctement le présent de l'indicatif et le passé composé ;

-- d'exprimer une opinion ;

-- de dire si il aime ou pas ;

-- de justifier une réponse ;

Objectifs spécifiques :

-- discrimination auditive du vocabulaire usuel : « couleurs », « bonheur », « fête», « journées », « nouvelles », dorés » et plus spécifiquement du champ lexical du temps : « temps », « éclaircie », « rayons », « foudre », « éclairs », « glaces », « au chaud », « menace », « ciel », ainsi que des déterminants définis et des verbes du premier groupe tels que « danser » et « aimer ».

Connaissances délivrées :

-- points culturels

activité autour d'une chanson de la « nouvelle scène » française, avec la découverte d'un titre de Da Silva, un chanteur à texte ;

expressions françaises et explications d'ordre linguistique à partir des paroles de la chanson.

Tâches à réaliser : interagir en langue cible, exprimer un point de vue, compléter les paroles d'une chanson (discrimination auditive)

Durée de la séance : 45 minutes

Matériel : lecteur CD, CD (piste 06), photocopies de l'activité en 17 exemplaires.

Ø Déroulement prévu :

La séance est prévue pour un cours de 45 minutes et se divise en quatre phases :

v une phase de pré-écoute prévue pour une durée de 10 minutes,

v une phase de compréhension globale prévue pour une durée de 5 minutes,

v une phase de compréhension sélective prévue pour une durée de 25 minutes,

v une phase de post-écoute prévue pour une durée de 5 minutes.

L'enseignant commence par clarifier le déroulement de la séance puis il présente la chanson en notant titre, nom du chanteur et date de sortie de l'album au tableau pour montrer aux élèves que c'est un travail à partir d'une chanson récente.

Lors de la première phase, l'enseignant distribue la première page de l'activité (Annexe 2) et propose un remue-méninge autour de la chanson, à partir de l'observation des images de l'album et du chanteur. Durant cette phase de pré-écoute l'enseignant pose des questions aux apprenants et note les réponses au tableau.

Questions de l'enseignant :

v Sur ces deux images vous pouvez voir le chanteur Da Silva, est-ce que vous connaissez ce chanteur ? Que pouvez-vous dire de ce nom ?

--- Da Silva est un enfant d'immigrés portugais.3(*)

v Le chanteur est né en 1977, quel âge a-t-il ?

--- Da Silva a 32 ans.

v Que représente la première image ?

--- La première image représente le nom de l'album duquel est extraite la chanson

« Une éclaircie ».

v Que signifie pour vous le titre de l'album ? le titre de la chanson ? Est-ce que c'est normal cette expression « Décembre en été » ? A votre avis de quoi va parler la chanson ?

--- Le titre de l'album est une métaphore, il suggère une période de froid en

plein été, quand il devrait faire chaud.

--- Le titre de la chanson, « Une éclaircie », laisse entrevoir une amélioration,

de l'espoir.

Une fois le remue-méninge effectué, l'enseignant passe à la phase de compréhension globale et verbalise la consigne : « Je viens de vous distribuer les paroles de la chanson avec des parties à compléter mais avant cela je vais vous faire écouter la chanson une fois en entier. »

Après cette première écoute, l'enseignant demande aux apprenants de donner leurs impressions sur cette chanson : l'ambiance, le rythme, la voix du chanteur, si elle leur plaît ou pas. Le but est que l'enseignant soit le plus possible en interaction avec ses apprenants, dans une démarche de compréhension orale et de production orale alternée, d'écoute active, participative afin que les apprenants puissent le plus possible s'exprimer en langue étrangère.

A l'issue de ce petit temps d'échanges, l'enseignant fait la remarque suivante et la note au tableau :

A propos de l'album j'ai pu lire la chose suivante : « On peut notamment retrouver les sons mélancoliques et les couleurs vives du fado qui rythment les histoires de coeur et d'âme, parfois nostalgiques, inquiètes et souvent révoltées, chantées sur le fil par Da Silva. »

--- Vous êtes d'accord avec ça ?

--- Da Silva est un chanteur à texte, les paroles ont un sens et sont souvent pleines de poésie.

Après la phase de compréhension globale, l'enseignant passe à la phase de compréhension sélective. Pour cela, il distribue les deux autres feuilles de l'activité avec les paroles de la chanson et demande aux apprenants d'écouter encore une fois la chanson et de compléter les trous4(*) (deux écoutes par paragraphe, plus si les apprenants en expriment le besoin). Les mots trouvés sont notés au tableau et des explications d'ordre linguistique données au fur et à mesure. L'enseignant veille à ce que les apprenants aient bien le temps de noter ce qu'ils ont entendu.

La séance se termine par une phase de post-écoute : c'est le moment de donner la parole aux apprenants pour faire le bilan de l'activité et formuler des critiques positives ou négatives. En prolongement, l'enseignant fait remarquer qu'il a inscrit des liens sur leur feuille pour visionner le clip sur Internet et surfer sur le site officiel du chanteur. La découverte amorcée en classe dépassera ainsi les murs de l'école pour continuer à la maison.

Ø Narration du réel :

La séance s'est bien déroulée en quatre temps.

Les apprenants ont souvent été sollicités par l'enseignant afin qu'ils puissent s'exprimer le plus possible en langue étrangère. Cependant, il a été très difficile de les faire parler : public très inhibé (adolescents de 15-16 ans), pour certains pas du tout intéressés, pédagogie qui ne les incite pas à prendre des risques à l'oral car fortement centrée sur l'écrit et la correction grammaticale. Seul un petit groupe de trois ou quatre élèves prenaient la parole de manière spontanée.

Par exemple, à la question « Que représente la première image? », un long silence a rempli la salle de cours. Ce n'est qu'après de nombreuses reformulations et sollicitations (« A votre avis, que peut bien représenter cette image? Regardez ce qu'il y a écrit en-dessous : « Décembre en été », à votre avis c'est le titre de quoi? ») qu'un élève a lancé un timide « un CD ».

De même pour la question « Est-ce que c'est normal cette expression « Décembre en été »? », ils ont tous montrés des yeux écarquillés quand ils n'étaient pas indifférents. J'ai laissé tomber la partie qui consistait à leur faire exprimer une opinion et je me suis adaptée à leur contexte et à leur niveau. J'ai alors décortiqué l'expression en leur demandant ce que représentait le mot « été ». Comme ils ne répondaient pas j'ai énoncé le mot « une saison » et ai écrit le mot « été » au tableau. Je leur ai ensuite demandé quelles étaient les autres saisons et ils m'ont répondu en langue source, en l'occurrence le portugais. Je leur ai dit que c'était très bien mais qu'ils devaient me le dire en français. Ils ont alors fini par me les énumérer et j'ai pu les noter au tableau. J'ai procédé de la même manière pour le mot « décembre ». A défaut d'avoir pu exprimer une opinion, ils auront révisé les saisons et les mois de l'année.

Je me suis rendue compte que pour les inciter à parler, il me fallait déployer une grande énergie et faire preuve d'une grande créativité. C'est ainsi, que tour à tour, j'ai utilisé la reformulation, la simplification, les relances, la langue maternelle des apprenants, la bonne humeur (j'ai toujours montré un grand sourire et jamais mon impatience), l'humour (« c'est l'heure de la sieste ? la chaleur peut-être ? Vous avez le cerveau bien endormi... »), ce qui aura valu de faire rire les élèves et le professeur et de détendre l'atmosphère. Je leur ai même fourni des outils linguistiques pour une expression minimum en insistant sur le fait que l'objectif n'était pas tant le contenu de leurs énoncés que la communication en langue cible.

Si vous ne savez pas répondre à une question :

« Je ne sais pas ! », « Je n'en ai aucune idée ! », « Je ne sais pas le dire en français ! », « Comment dit-on....en français ? »

Toutes ces digressions auront eu une influence sur le timing de la séance et le temps d'échanges prévu dans la phase de compréhension globale n'aura pu être réalisé. A l'issue de la première écoute, les apprenants ont juste donné leur opinion sur le degré de difficulté de la chanson et je leur ai donné quelques informations supplémentaires, jugées importantes, sur le genre de la chanson.

La phase suivante, où il s'agissait pour les apprenants de compléter les paroles de la chanson, a été très positive. La plupart des apprenants a bien participé et j'ai pu lire de l'enthousiasme dans leurs yeux. Ils ont été eux-mêmes agréablement surpris d'avoir aussi bien réussi ce travail de discrimination auditive. Je sais que je pourrai compliquer la tâche lors de la prochaine séance de découverte

Au fur et à mesure que l'on avançait dans le texte, je m'arrêtais pour donner des explications d'ordre linguistique.

Exemples :

4. «  J « j' » = marque d'oralité qui vient substituer le « je » dans « j'voudrais »

5. « fi « fichu » = mot appartenant au registre familier. En France, on utilise également beaucoup le mo mot « foutu », encore plus familier.

6. « j « juré-craché » = promettre. Cela m'a fait penser à l'expression suivante : « Croix de bois, crocroix de fer, si je mens je vais en Enfer »

7. « é « émeutes » = insurrections, révoltes

8. « g « grandisse » = quel est l'infinitif et le temps de ce verbe?

9. « m« menace » = traduction en portugais

10. « h « hélas » = « c'est dommage ».

Je me suis rendue compte que lorsque je voulais gagner du temps ou que je ne savais pas expliquer un mot par une périphrase ou un synonyme, je choisissais la solution de facilité en prenant le raccourci de la langue maternelle, étant moi-même bilingue français/portugais. De même, lorsque je donnais des synonymes en français, je les choisissais proches de l'équivalent portugais pour assurer une compréhension immédiate.

La séance s'est terminée comme prévue à la seule différence que j'ai imposé un tour de parole pour que tout le monde me donne son opinion sur la chanson et sur l'activité effectuée. Certains élèves ont fait un réel blocage et n'ont pas réussi à ouvrir la bouche, d'autres ont fait l'effort de faire une petite phrase en français sans réellement exprimer leur pensée, d'autres plus malins se sont contenté de répéter celle du voisin et un ou deux seulement ont été plus originaux et ont réellement exprimé leur opinion.

Fiche pédagogique n°2

Regards sur la France...

Public : groupe de 17 élèves de la classe de 8e, 2e année de français.

Niveau : A1 selon le CECR

Support : feuilles cartonnées noires en format A3, magazines, images représentant la France, livret avec des paysages de la France par région.5(*)

Objectif général : travailler sur les représentations que les élèves ont de la France et leur permettre d'élargir leur horizon culturel.

Compétences à travailler : compréhension orale, production orale.

Pré-requis :

L'apprenant est capable :

-- d'utiliser le présentatif « c'est » ;

-- de dire qu'il n'a pas compris ;

-- de demander de l'aide en utilisant la formule de politesse « Madame, s'il vous plaît! ».

Objectif spécifique :

-- être capable de comprendre une consigne orale et d'agir en conséquence

Connaissances délivrées :

-- points culturels

-- la France peut-être représentée par un hexagone

-- la découverte de paysages français

Tâches à réaliser : réaliser deux types d'affiches ayant pour titre « Si la France était une image... » et « Si la France était un mot... » (Annexe 3)

Modalités : trois groupes de 4 et un groupe de 5 (deux groupes par type d'affiche)

Durée de la séance : 45 minutes 6(*)

Matériel : feuilles cartonnées noires en format A3, feuilles de couleur, magazines, colle, ciseaux.

Ø Déroulement prévu :

Auparavant, l'enseignant sera passé dans la classe pour demander à chacun des 17 élèves d'apporter une ou deux images qui selon eux représentent le mieux la France.

Avant le début du cours, l'enseignant veillera à ce que tout soit prêt dans la salle pour réaliser l'activité, ceci afin de gagner du temps : disposition des tables en fonction du nombre de groupes et distribution du matériel par table (une affiche cartonnée, deux paires de ciseaux et deux tubes de colle, un ou deux magazines ou des feuilles de couleur en fonction du type d'affiche à réaliser).

En début de séance, l'enseignant prend quelques minutes pour clarifier l'objectif de l'activité. «Il s'agit de réaliser des affiches sur vos représentations de la France, à travers des images et des mots, affiches qui seront ensuite exposées dans les couloirs de l'établissement à l'occasion de la semaine de la langue française. »

Ensuite, il demande aux apprenants de présenter une par une les images apportées afin qu'ils puissent s'exprimer en langue cible (5 minutes). C'est l'occasion pour l'enseignant de commenter le choix de ces images et de mettre en évidence les clichés qui pourraient apparaître (5 minutes). Pour montrer aux élèves que la France ne se résume pas qu'à la capitale, il fera circuler un livret montrant la diversité des paysages français.

A la fin de ce travail, l'enseignant note le titre des deux affiches au tableau et procède à la répartition des tâches en donnant les consignes de travail en fonction des modalités énoncées ci-dessus et du type d'affiche à réaliser. Il passe ensuite auprès de chaque groupe pour s'assurer que tout le monde a bien compris les consignes et que personne ne se retrouve sans rien faire.

Le mode de fonctionnement des deux groupes qui sont chargés de réaliser le premier type d'affiche est le suivant : pendant qu'un élève se charge de dessiner un hexagone qui servira ensuite à coller les images, deux autres élèves découpent les lettres qui constituent le titre de l'affiche (« Si la France était une image ») et un autre colle les images et les lettres.

En ce qui concerne les deux autres groupes chargés de réaliser le deuxième type d'affiche (« Si la France était un mot »), ils doivent écrire au brouillon des mots qui leur viennent spontanément à l'esprit lorsqu' ils pensent à la France. Après vérification de l'enseignant, ils recopient les mots sur des petits papiers de couleur et les collent sur l'affiche. Les titres auront déjà été collés au préalable par l'enseignant pour gagner du temps.

Durant cette activité, l'enseignant adopte une position de retrait mais ne reste pas inactif pour autant. Son rôle est de dynamiser les groupes en passant auprès de chacun d'eux et de répondre aux sollicitations des apprenants en les guidant dans leur travail et en les aidant à réaliser au mieux leurs affiches.

Ø Narration du réel :

Le seul écart important par rapport au déroulement prévu concerne le temps imparti à l'activité. Le temps que les élèves se mettent réellement au travail il ne restait plus qu'une trentaine de minutes et à la fin de la séance ils étaient loin d'avoir terminé les affiches. Cette activité devra donc être prolongée par une autre séance de 45 minutes.

Un autre élément qui n'apparaît que dans le réel est, pour l'enseignant, le fait de se montrer réactif et de savoir gérer l'imprévu. N'ayant pas anticipé la difficulté de compréhension du mot « hexagone », j'ai lancé le jeu du portrait chinois en commençant ainsi « Si le Portugal était une forme, ce serait un rectangle » (dessin au tableau avec le nom du pays en-dessous) , puis « Si l'Italie était une forme, ce serait une botte », pour arriver enfin à la France « Si la France était une forme, ce serait un hexagone », accompagné de la question « A votre avis combien de côtés a un hexagone? ». Après un « six! » collectif, un élève est allé en dessiner un au tableau pour les deux groupes concernés.

La phase de présentation des images a permis de fixer une structure linguistique, celle-là même qui avait été notée en pré-requis. A chaque fois que je posais la question « C'est quoi cette image? », « Qu'est-ce que c'est? » en pointant l'image du doigt, la plupart d'entre eux ne me répondaient que par un mot « Tour Eiffel », « fromage ». Je les reprenais alors en leur faisant répéter avec la structure « C'est la Tour Eiffel », « C'est du fromage », mettant en évidence le présentatif « c'est ». Ces quelques minutes ont été très riches car ils ont tous participé activement. Contrairement à leurs aînés, ils ne sont pas du tout inhibés et osent prendre des risques à l'oral, même en ayant très peu de moyens linguistiques à leur disposition : « Comment dit-on en français? », « je pas compris ». C'est un public très expressif qui n'hésite pas à utiliser le langage non-verbal pour se faire comprendre (stratégie compensatoire). Ainsi lorsque l'on est arrivé à l'image du croissant, un apprenant a lancé «hum, très très bon, ah oui! » tout en se frottant le ventre et un autre « moi j'aime beaucoup lui », à la vue du chanteur M.Pokora. De même, lors du travail en groupes, ils n'hésitaient pas à mimer les consignes données pour voir s'ils avaient bien compris en les accompagnant souvent de quelques mots français. Quand ce n'était pas le cas, je reformulais la consigne tout en la mimant par des gestes.

Le passage auprès de chaque groupe était à chaque fois l'occasion d'échanger quelques paroles en français, de reprendre les apprenants au niveau linguistique et pour eux d'apprendre la langue en contexte. Je me suis rendue compte qu'ils mémorisaient très vite ce que je leur apprenais et qu'ils prenaient beaucoup de plaisir à répéter et à réemployer certaines formules ainsi apprises.

Fiche pédagogique n°3

Vive la Chandeleur!

Public : quatre élèves de la classe de « Area de projecto » de 12e 7(*)

Niveau : hétérogène (de A0 à A2) car deux élèves n'ont aucune connaissance du français

Support : recette des crêpes8(*) (Annexe 4)

Objectif général : sensibiliser le groupe à la culture et à la langue française avec la confection de crêpes à l'occasion de la Chandeleur.

Compétences à travailler : compréhension orale

Objectifs :

-- être capable de comprendre des instructions pour agir en conséquence

Connaissances délivrées :

-- point linguistique : le nom des ingrédients et des accessoires nécessaires à la confection des crêpes

-- point culturel : les origines de la Chandeleur et les traditions françaises (Annexe 4bis)

Tâches à réaliser : faire des crêpes à partir d'une recette en français

Durée de la séance : 90 minutes

Matériel : ingrédients et accessoires nécessaires à la confection des crêpes, photocopies de la recette en six exemplaires dont deux en grand format (support de travail des élèves).

Ø Déroulement prévu :

Cette activité est prévue dans les locaux de la cantine scolaire avec la mise à disposition du matériel nécessaire à la confection des crêpes.

Au préalable le groupe et l'enseignant se seraient réunis pour clarifier les objectifs et le déroulement de la séance avec les conditions de réalisation des crêpes. Il est prévu de vendre une bonne centaine de crêpes durant toute la matinée du jour de la Chandeleur.

Avant de commencer, l'enseignant rappelle la consigne à respecter : seul le français doit être utilisé lors de cette activité. Pour les niveaux A0 principalement, on aura recours au langage non-verbal avant de demander à un pair de traduire en portugais. Il rappelle également que la séance est divisée en deux temps : vingt minutes pour préparer la pâte et soixante-dix minutes pour les faire à la poêle. Ces deux derniers points auront été expliqués en langue maternelle pour assurer la bonne compréhension du groupe.

Dans un premier temps, l'enseignant nomme les ingrédients et les accessoires nécessaires en les pointant du doigt puis il demande aux quatre élèves de réaliser une première fois la recette en lisant chaque étape en français avant de les traduire en action afin qu'ils puissent ensuite travailler en autonomie par groupes de deux. Normalement, ils ne devraient pas avoir de problèmes de compréhension car la recette mime le texte par des dessins, celle-ci ayant été choisie en pensant aux différents niveaux du groupe. L'enseignant rappelle que si la première fois ils ont respecté les proportions de la recette pour faire un essai, lors du travail en autonomie ils ne doivent pas oublier de multiplier toutes les proportions par quatre.

Pour ce qui est de la deuxième phase, l'enseignant commence par faire les deux premières crêpes pour montrer aux élèves comment procéder. Il peut faire sauter la deuxième crêpe en expliquant la tradition française.9(*) Puis c'est au tour des élèves : pendant que l'une met la louchée de pâte sur la poêle l'autre la tourne et la décolle. Pendant ce temps, les deux autres élèves procèdent au rangement de la cuisine et l'enseignant en profite pour échanger un peu avec eux sur le thème de la Chandeleur. Les rôles sont ensuite intervertis pour la dernière demi-heure restante.

Durant ces deux phases l'enseignant assure le bon déroulement de l'activité en intervenant le moins possible et en veillant au temps.

A la fin de l'activité, les élèves repartent avec une recette chacun et un feuillet sur les origines et les traditions de la Chandeleur en bilingue.

Ø Narration du réel :

Le seul écart important par rapport au déroulement prévu a été, une fois encore, de savoir gérer l'imprévu. En effet, dans ce genre d'activité, l'anticipation n'est jamais de trop : n'ayant pas vérifié le matériel en cuisine, il se trouve que les poêles n'étaient pas du tout adaptées pour les crêpes et j'ai dû faire appel au responsable de gestion du matériel pour qu'il aille acheter une poêle adaptée en urgence. Mis à part ce petit contretemps, c'est une activité qui a très bien marché grâce à la coopération du personnel de cuisine et à la motivation des élèves. Ces derniers étaient fiers et heureux de pouvoir participer activement à un événement destiné à l'ensemble de la communauté scolaire, pour eux c'était très valorisant.

En ce qui concerne l'activité en elle-même, à savoir comprendre un écrit social de type prescriptif pour pouvoir agir, es deux élèves de niveau A2 ont joué le jeu de ne pas me parler en langue maternelle mais il leur a été plus difficile de ne pas traduire systématiquement en portugais pour leurs pairs de niveau A0 et/ou de répondre aux demandes de traduction de ces deux derniers. Aussi pour essayer d'éviter cela, je les reprenais en leur donnant quelques structures type à réemployer comme : « Je ne comprends pas! », « Comment dit-on en français....? » en leur faisant répéter plusieurs fois, le but étant d'être au contact de la langue française et d'essayer de comprendre et de formuler quelques demandes simples. Ces quelques échanges en langue cible étaient toujours accompagnés de langage non verbal, comme le fait de pointer du doigt, pour aider à la compréhension.

Quant au petit temps d'échanges prévu autour du thème de la Chandeleur, il a permis de faire ressortir un noyau culturel commun entre la France et le Portugal. En effet, si la tradition de faire des crêpes est bien française, la fête de la Chandeleur est aussi célébrée à travers « Nossa Senhora das Candeias », littéralement « Notre Dame des Chandelles ». Contrairement à la France, le Portugal a perpétué et maintenu le sens religieux de cette fête. Il a également été intéressant de voir qu'il existait une sagesse populaire commune, avec deux proverbes qui se faisaient écho. Ainsi le proverbe français «Si la chandelle est belle et claire, nous avons l'hiver derrière (dans le sens, « qui vient juste après »), si le ciel n'est ni clair ni beau, nous aurons plus de vin que d'eau. » rejoint-il le proverbe portugais : « Se a Senhora das Candeias se està a rir, o Inverno està para vir, mas se a Senhora das Candeias està a chorar, o Inverno està a passar. »; ce qui donne une fois traduit « Si Notre Dame des Chandelles est en train de rire, l'Hiver va encore venir, mais si Notre Dames des Chandelles pleure, l'hiver en est à sa dernière heure. »

De manière générale, le fait d'être avec un petit groupe d'élèves, très responsables et dynamiques, a réellement favorisé les échanges.

APPREHENDER L'INTERCULTUREL DANS UN ETABLISSEMENT SECONDAIRE AU PORTUGAL

INTRODUCTION

La partie pratique de la présente recherche a permis de dégager une problématique transversale aux trois activités, celle de l'intérêt d'intégrer une approche interculturelle dans l'enseignement-apprentissage d'une langue étrangère. Il s'agit par ce biais de permettre aux apprenants d'élargir leurs horizons culturels et de mieux appréhender et comprendre ce monde qui les entoure et avec lequel ils devront interagir. A l'heure où l'on assiste à un phénomène d'intensification des échanges avec des personnes de différents horizons culturels, qui tous les jours sont amenées à se côtoyer, à échanger, à travailler ensemble, l'enjeu est d'arriver à vivre ensemble dans la diversité. C'est pourquoi il semble primordial d'intégrer la problématique de l'interculturel dans les institutions scolaires.

Comment tout cela se traduit-il dans le domaine de la didactique des langues- cultures? Quels moyens sont mis à disposition des apprenants pour permettre ce processus d'ouverture aux cultures étrangères?

Nous nous interrogerons ici sur les possibilités d'appréhender l'interculturel dans le contexte particulier d'un établissement secondaire à l'étranger, en l'occurrence le Portugal. Dans une première partie, nous nous attacherons à définir l'interculturel ainsi que les concepts qui lui sont rattachés afin de clarifier le sujet de notre problématique. Après avoir mis en place ces définitions, nous consacrerons une deuxième partie à mon expérience d'enseignement d'une langue étrangère au sein d'une institution scolaire en contexte européen. Il sera question de faire état des activités qui ont pu être réalisées pour appréhender l'interculturel et créer du lien entre la culture cible et la culture source. Enfin, il s'agira dans la troisième partie de mettre en évidence la visée éducative de l'interculturel et de montrer l'importance d'associer cette composante à la didactique des langues-cultures à travers l'acquisition d'une compétence interculturelle.

1. L'interculturel : définitions et concepts liés à ce thème

1.1 Observation et analyse du terme « interculturel »

Partant de l'observation du terme « interculturel », nous pouvons d'ores et déjà constater que ce dernier est constitué du préfixe « inter », emprunté au latin et signifiant « entre », et du dérivé adjectival du nom « culture ». Avant d'aller plus loin dans l'étude de ce terme, il me semble important de préciser ce qu'est la culture. Comme il existe une multitude de définitions et que cela reste une notion très complexe à définir, nous nous limiterons à quelques éléments susceptibles de venir appuyer notre étude. Si l'on reprend les termes de Clanet, la culture regroupe un ensemble de systèmes de significations propre à un groupe ou à un sous-groupe que celui-ci s'efforce de transmettre et par lesquels il se particularise et se différencie des groupes voisins10(*); autrement dit, c'est tout ce qui fait l'identité d'un peuple, ce qui existe comme ayant du sens dans une communauté particulière, par différenciation à une autre communauté.

Cette diversité humaine sans limites, représentée par un faisceau d'identités culturelles propres à chaque groupe communautaire, traduit un large éventail de différences dans la manière d'appréhender le monde. Ce sont tout autant de grilles de lectures, de représentations, de traductions du monde différentes. En effet, chacun voit le monde à travers les yeux de sa propre culture, conditionné par l'environnement immédiat dans lequel son propre groupe d'appartenance évolue. La prise de conscience d'une telle diversité, venant par là-même créer un réseau d'intersubjectivités, devrait conduire au relativisme culturel. Or, la tendance humaine est plutôt de juger les autres cultures selon son propre modèle de référence et d'établir des jugements de valeur. C'est ce que l'on appelle l'ethnocentrisme.

« L'ethnocentrisme du grec "ethnos", peuple, et du latin centrum", centre, désigne dans le langage courant la "tendance à privilégier le groupe social auquel on appartient et à en faire le seul modèle de référence". Cette attitude amène tout groupe humain (social, culturel ou ethnique) à considérer les normes et les valeurs de sa propre culture (ou société, ou groupe) comme universellement valables, et à établir une hiérarchie des autres groupes humains en fonction de leur degré d'adhésion à ces normes et à ces valeurs. »11(*)

Les dérives d'une telle attitude peuvent se manifester à travers le repli communautaire, les discriminations raciales ou encore, la xénophobie qui est la peur et l'aversion à l'égard des étrangers et de ceux qui appartiennent à d'autres cultures.

« Le contact avec la diversité constitue, en effet, depuis toujours, une source de crainte et d'angoisse : « de l'ancienne racine al on fait dériver les mots allos (grec) et allius (latin), devenu ensuite alter, ancêtre du mot « autre » mais aussi des mots comme « allergie », « aliénation », « altercation », « adultère », « altération 12(*)». »

En effet, la confrontation avec l'Autre, avec l'étranger, ou sa simple présence peut être générateur de sentiments négatifs. Ce peut être la peur car l'Autre, avec la part de mystère et d'inconnu dont il est porteur, peut constituer une menace et venir ébranler notre monde, le remettre en question. Ce peut être également toute une palette de sentiments manifestant la non reconnaissance de l'Autre dans sa différence tels que le rejet ou l'indifférence et, à l'extrême, l'aversion et la haine à l'égard de l'étranger parce qu'un groupe humain aura jugé sa culture supérieure à celle des autres. Or, ce n'est jamais qu'un autre Moi que l'on a en face de soi, qui vient projeter, comme en un miroir, une vision tout juste différente de ce même monde que l'on a en commun. Pour éviter de telles dérives, plutôt que d'appréhender l'Autre dans ses différences, il s'agirait d'appréhender l'Autre à travers la découverte de facteurs communs, de ce qui unit plutôt que de ce qui désunit. C'est précisément ce vers quoi tend l'interculturel.

En effet, si l'on revient sur la définition de l'interculturel et sur le sens du préfixe « inter » - lier ensemble des objets distincts - alors on en déduit que inter culturel consiste à lier des cultures différentes, à créer du lien et concerne donc les relations entre les cultures. L'inter culturel implique toujours un processus dynamique puisque les parties en présence - des individus ayant leur propre identité culturelle - vont entrer en contact et interagir dans un rapport d'échanges et de réciprocité.

« L'emploi du mot « interculturel » implique nécessairement, si on attribue au préfixe « inter » sa pleine signification, interaction, échange, élimination des barrières, réciprocité et véritable solidarité. Si au terme « culture », on reconnaît toute sa valeur, cela implique reconnaissance des valeurs, des modes de vie et des représentations symboliques auxquels les êtres humains, tant les individus que les sociétés se réfèrent dans les relations avec les autres et dans la conception du monde.13(*) »

L'interculturel c'est le chemin qui conduit au relativisme culturel. Nos vérités, inhérentes à notre culture, n'ont rien d'universel : nous n'avons pas tous les mêmes valeurs, seulement une façon particulière de lire le monde qui nous entoure.

A noter que dans le sens du préfixe « inter » on retrouve également l'idée de séparation, de disjonction comme dans « interdit », « interposition », « interruption ». La rencontre avec l'autre se traduit toujours en termes de confrontation identitaire car si nous sommes tous semblables (de la même grande lignée des êtres humains) nous sommes aussi tous uniques et donc tous différents. Il arrive parfois que cette confrontation identitaire constitue un obstacle tel qu'il est impossible de surmonter la différence, de s'ouvrir à l'Autre.

1.2 Distinction entre l' «  interculturel » et le « multiculturel »

En prenant appui sur les travaux d'Olivier Meunier14(*), il s'agit de montrer ce qui distingue l'« interculturel » du « multiculturel » afin de préciser la notion de l'interculturel et mieux comprendre ce que recouvre ce terme.

Selon Olivier Meunier, les termes « multiculturel » ou « pluriculturel » sont principalement utilisés dans le monde anglo-saxon. Ils correspondent à la reconnaissance de différences ethniques ou autres, avec pour objectif d'éviter l'éclatement de l'unité collective, mais chaque individu est considéré comme un élément de son groupe d'appartenance, à la marge de la communauté majoritaire. Ici, c'est le terme « différence » plutôt que le terme « diversité » qui est employé. Or, comme le souligne Martine Abdallah-Pretceille « la différence suppose un jugement de valeur, une norme, elle est ethnocentrique et souffre de la marque de l'énonciateur. 15(*)» Aussi le terme « multiculturel » revêt-il une connotation plutôt négative. En effet, lorsque l'on parle de sociétés mutliculturelles, dont les Etats-unis sont le meilleur exemple, cela renvoie à une simple juxtaposition de cultures sur une portion de territoire donné. Tous ces individus d'horizons culturels différents peuvent certes, être en contact sans pour autant interagir, vivre à côté sans pour autant réussir à vivre ensemble. Ceci s'explique par le fait que cette vision de gestion de la diversité culturelle a tendance à figer les cultures, à spatialiser, à stigmatiser les différences et à organiser une société mosaïque. Elle ne favorise pas la mixité interethnique, la mixité inter culturelle et par conséquent, ne suscite pas réellement la rencontre avec l'Autre mais des relations plutôt conflictuelles, pouvant conduire à toutes sortes de manifestations de repli identitaire. La simple reconnaissance de la différence par les autorités d'un pays ne suffit pas à amener la paix dans les relations interethniques.

Par opposition aux sociétés multiculturelles, les sociétés interculturelles engloberaient

« différentes cultures et groupes nationaux, ethniques et religieux vivant sur le même territoire, entretenant des relations ouvertes d'interaction, avec des échanges et la reconnaissance mutuelle de leurs modes de vie et valeurs respectives. Il [s'agirait] dans ce cas d'un processus de tolérance active et de maintien de relations équitables au sein desquelles chacun [aurait] la même importance.16(*) »

Avec cette définition, on constate que l'interculturel revêt d'emblée une connotation positive car, dans ce cas, la gestion de la diversité culturelle permet une réelle ouverture à l'Autre, dans le respect de ses différences et dans un rapport d'échanges, d'interactions constructives. L'interculturel envisage les relations culturelles en termes de rencontres, de personne à personne, et est ainsi un processus qui s'inscrit dans une « perspective dynamique et intersubjective »17(*). A travers la rencontre interculturelle, les parties en présence vont pouvoir s'enrichir les unes des autres et faire évoluer leur culture personnelle, ce qui met en évidence le fait que la culture d'un individu n'est pas figée mais en construction permanente, sujette à des modifications. Le contact continu et direct entre différents groupes de cultures différentes donne toujours lieu à un métissage culturel : c'est ce que l'on appelle le phénomène d'acculturation. Cependant, dans une perspective interculturelle, cette interpénétration de cultures n'aboutit jamais à une déculturation (la perte de traits culturels) car dans ce rapport à l'Autre, il ne s'agit pas de chercher à imposer sa culture ou son propre modèle de pensée mais bien de préserver la singularité de son identité culturelle.

Si le « multiculturel » met en valeur le terme « différence », l' « interculturel » préfère le terme de « diversité ». L'interculturel c'est la reconnaissance d'une diversité humaine sans limites. De même que la biodiversité fait la richesse de notre planète avec une faune et une flore caractéristiques de chaque écosystème, de même la diversité humaine devrait faire la richesse des relations interhumaines, à travers le spectre des différentes identités culturelles. Cette reconnaissance de la diversité et cette démarche d'aller vers l'Autre évite de sombrer dans des visions réductrices - telles que la catégorisation, la stigmatisation ou encore les stéréotypes - qui limiteraient un individu aux seuls traits culturels de son groupe d'appartenance. Ici, l'individu est pris dans sa singularité plutôt que comme élément d'une unité collective qui formerait un tout homogène et qui déterminerait d'emblée ce qu'il est. Avant d'appartenir à un groupe ethnique, culturel, l'individu est un, unique et l'identité culturelle n'est jamais qu'une des nombreuses facettes constitutives de son identité.

Pour résumer, si le « multiculturel » constitue un objectif en soi et renvoie à un projet de société lié à des intérêts économiques, politiques et sociaux, l' « interculturel » est plus « une manière d'analyser la diversité culturelle et de s'interroger sur les interactions culturelles 18(*)». L'interculturel, comme processus d'ouverture aux cultures des autres, a également toute sa place dans un projet de société, en tant que valeur et outil pour appréhender l'Autre. La visée éducative qui lui est sous-jacente, sera plus développée dans la troisième partie, « L'interculturel : visée éducative et enjeux».

Après avoir cherché à caractériser, de manière générale, la notion de l'interculturel, il s'agit désormais de resserrer notre analyse au domaine de la didactique du FLE/S, en s'intéressant plus particulièrement à la relation étroite qui unit l'interculturel à la problématique des langues-cultures.

1.3 Relation entre l'« interculturel » et la problématique des langues-cultures

L'apprentissage d'une langue étrangère, en plus de permettre la maîtrise de contenus linguistiques permet aussi d'entrer en contact avec d'autres cultures. Actuellement, tout le monde s'accorde à dire que langue et culture constituent deux entités indissociables et depuis une vingtaine d'années, l'élément culturel est de plus en plus présent dans l'apprentissage-enseignement d'une langue étrangère, révélant ainsi le lien d'interdépendance de ces deux aspects linguistique et culturel.

En effet, la langue - cette faculté propre à l'homme d'exprimer et de communiquer sa pensée au moyen d'un système de signes vocaux et graphiques - dans sa dimension symbolique, va permettre de véhiculer la culture d'un peuple.

« La langue est le premier moyen par lequel une culture transmet ses croyances, ses valeurs et ses normes. Elle donne aux gens un moyen pour entrer en interaction avec d'autres membres de leur culture et un moyen pour penser.19(*) » (L. Samovar)

Dès lors, apprendre une langue étrangère c'est entrer dans cette dimension culturelle dont elle est le vecteur, élargir ses horizons culturels à travers la perception d'autres valeurs, d'autres modes de vie. Pour reprendre les termes de Marie-Christine Fougerouse, « toute langue est le reflet de la culture dans laquelle elle s'inscrit »20(*). Si apprendre une langue étrangère permet d'ouvrir une fenêtre sur d'autres cultures, de s'ouvrir à l'altérité culturelle, la dimension interculturelle des langues apparaît alors comme évidente. En classe de langue, les trois pôles vont fonctionner comme un tout indissociable et s'inscrire dans un rapport d'interdépendance, la langue comme vecteur de la culture cible enseignée et l'interculturel comme valeur, comme démarche sous-jacente à tout enseignement-apprentissage d'une langue étrangère. A condition que ceci s'inscrive dans une perspective communicationnelle, la dimension interculturelle d'une langue se justifie alors pleinement à travers les composantes sociolinguistique et socioculturelle de la compétence de communication, définies par Claes comme étant « l'habileté à interpréter et à utiliser différents types de discours en fonction des variables de la situation de communication » et « la connaissance de la culture de l'interlocuteur. »21(*) Toujours selon Claes, cette capacité à respecter les règles régissant l'usage de la langue dans la situation de communication où l'on se trouve, constitue précisément la « dimension interculturelle de la compétence de communication » et se révèle indispensable dans le cadre d'une rencontre interculturelle, d'une ouverture à l'Autre. En effet, pour communiquer et interagir avec les membres de la culture cible, la seule compétence linguistique ne suffit pas, il faut aussi mobiliser une « compétence culturelle ». Christian Puren la définit comme un ensemble de capacités relevant à la fois

« des connaissances, des représentations (prise en compte de l'image que l'on se fait de cette culture, et de l'image que ses membres se font de leur propre culture), des comportements (prise en compte des normes régissant les manières d'agir avec les autres dans cette culture), des conceptions (objectifs et normes régissant les manières d'agir avec les autres dans cette culture), des valeurs (prise en compte des grands principes philosophiques, religieux, éthiques, esthétiques...des membres de la culture étrangère). »22(*)

S'il est plus facile d'intégrer la problématique de l'interculturel à l'enseignement-apprentissage d'une langue en contexte FLE, avec un public présentant une plus grande diversité culturelle, des attentes spécifiques et des objectifs de communication clairement définis, c'est beaucoup moins évident dans le cadre d'une institution scolaire, avec un public dit « captif »23(*). C'est ce que nous allons voir dans la deuxième partie à travers l'analyse de pratique de mon stage d'intervention.

2. Expérience d'enseignement d'une langue étrangère en contexte européen

2.1 Rappel du type d'institution d'enseignement 24(*)

Cette expérience se déroule en la qualité d'assistante de français au Portugal, dans un établissement secondaire où le français est très mal représenté puisque sur un total de plus de mille deux cents élèves, seuls quarante élèves apprennent le français. Au sein de cette institution, l'enseignement - apprentissage des langues vivantes est abordé selon les programmes établis pas le Ministère de l'Education Nationale, et suivant la progression des leçons d'un manuel. Centré sur la correction de la langue celui-ci est loin de suivre les applications du Cadre européen commun de référence pour les langues et de s'inscrire dans une approche communicative même si les manuels récemment édités suivent tous ces orientations. En effet, la pratique de l'oral reste encore très limitée et il n'existe pas réellement de situations de prise de risques. Le manque de situations de communication authentique rejoint une conception de la langue qui consiste à devoir maîtriser la forme avant de pouvoir communiquer, l'objectif étant de montrer la connaissance et la maîtrise de la langue écrite lors des évaluations ou des examens nationaux. Dans ce contexte institutionnel, la problématique de l'interculturel en tant que démarche d'ouverture à la culture de l'Autre est quasiment inexistante et reste limitée à l'aspect civilisationnel avec quelques éléments culturels véhiculés par les manuels. Ces derniers s'inscrivent dans le domaine des connaissances déclaratives et sont utilisés comme support d'apprentissage pour servir la connaissance de la langue plus qu'une compétence culturelle à proprement parler. Pour ce public dit « captif », apprendre une langue étrangère n'est jamais qu'une discipline de plus dans un emploi du temps surchargé. On parle à juste raison de langue « obligatoire » car cela fait partie des apprentissages qui leur sont imposés. Dans ce contexte, ils peuvent difficilement appréhender l'aspect pratique de la langue qui sert avant tout à communiquer et, dans une perspective interculturelle, à entrer en contact avec d'autres cultures, d'autres modèles de pensée. Or, c'est précisément ce que sous-entend l'apprentissage d'une langue dite « vivante ».

Dans ce contexte et en prenant en compte les difficultés inhérentes à cet établissement, quel type d'activités ont pu être réalisées pour appréhender l'interculturel et créer du lien entre la culture source et la culture cible?

2.2 Vers une approche de la culture cible : activités réalisées

Ces activités ont toutes été pensées en termes de découverte, présentées dans une démarche d'ouverture à la culture cible. L'espace-classe et l'espace-établissement ont été mes deux pôles d'intervention. En ce qui concerne le premier pôle d'intervention, le public ciblé est constitué des trois classes de français de l'établissement : les 8e, 10e et 11e années (l'équivalent en France de la 4e, 2nde et 1ère). L'espace-classe représente le lieu idéal pour appréhender l'interculturel, pour s'ouvrir à la culture cible et élargir son horizon culturel.

« Le cours de langue constitue un moment privilégié qui permet à l'apprenant de découvrir d'autres perceptions et classifications de la réalité, d'autres valeurs, d'autres modes de vie...Bref, apprendre une langue étrangère cela signifie entrer en contact avec une nouvelle culture. »25(*)

J'ai alors centré mon intervention sur trois types d'activités: les représentations des élèves sur la France, un projet interscolaire d'échanges à distance et la chanson comme outil de diffusion de la culture française.

1. Les représentations des élèves sur la France

Cette activité renvoie au pôle des connaissances et des représentations de la « compétence culturelle » précédemment énoncée. Il s'agit de mettre en évidence l'image que les élèves se font de la France avec la création d'affiches ayant pour titre « Si la France était une image » et « Si la France était un mot » (cf. Fiche pédagogique n°2 : « Regards sur la France »). Ici, l'objectif principal est de faire apparaître des stéréotypes, de les relativiser, de les déconstruire afin de faire évoluer ses propres représentations et d'élargir son horizon culturel.

Par exemple, cette activité a fait ressortir une représentation des élèves qui consiste à limiter la France à la capitale et à ses symboles (la Tour Eiffel et autres monuments, Disney Land) comme elle a aussi permis de faire ressortir des clichés tels que le croissant, la baguette, le fromage, les parfums, la mode.

Pour faire évoluer la première représentation et élargir leur vision de la France, j'ai proposé une activité intitulée « A la découverte d'un paysage français » (Annexe 5). Tout en leur permettant de développer des compétences linguistiques - la description d'une image - celle-ci avait pour but de leur montrer la diversité et la richesse des paysages français. A la demande du professeur, un power-point a été réalisé afin de présenter les différents paysages français par région, et une copie a été déposée dans les rayons de la bibliothèque comme ressource et matériel à utiliser en classe.

Pour résumer, il me semble essentiel de partir des représentations et des connaissances des élèves pour ensuite pouvoir les faire évoluer et éviter ainsi de rester dans une vision figée de la culture cible. En prolongement, il aurait été intéressant de réaliser le même travail à partir des représentations que les élèves se font de leur propre culture et de les comparer avec celles que les étrangers pourraient avoir sur eux, l'objectif étant de relativiser ces représentations. Enfin, dans une démarche interculturelle, il aurait été peut-être plus pertinent de les faire travailler sur leurs représentations des français afin de leur faire prendre conscience que les images que nous pouvons avoir des personnes d'autres cultures conditionnent nos attentes vis-à-vis de ces personnes et que lorsque nous rencontrons l'Autre, nous allons automatiquement le figer dans nos représentations. A ce sujet, des activités intéressantes à exploiter sont présentées dans le kit pédagogique « Tous différents, tous égaux » édité par le Conseil de l'Europe.26(*)

2. Un projet interscolaire d'échanges à distance

Celui-ci a été mené entre la classe de français de 8e année (l'équivalent de la 4e en France) et deux classes de portugais de 4e et de 3e d'un établissement de Clermont-Ferrand, en collaboration avec l'assistante de portugais.

L'objectif principal de ce projet a été de créer un lien direct entre la culture source et la culture cible avec la rencontre de locuteurs natifs dans un processus d'interaction.

Ce type de projet présente un triple intérêt : pédagogique, linguistique et culturel :

ü pédagogique car il s'inscrit dans une situation de communication authentique, avec la rédaction d'un écrit social et qu'il va dynamiser les apprentissages en suscitant la motivation des élèves ;

ü linguistique car il permet de mobiliser des savoirs et savoir-faire acquis (être capable de rédiger une lettre selon les critères de présentation; être capable de se présenter) et de développer de nouvelles compétences de communication en langue française - ce qu'illustre l'Annexe 6 - (parler de soi, de ses goûts et de ses centres d'intérêt, s'intéresser à l'autre en lui posant des questions, interagir). En plus des compétences à l'écrit, les élèves ont pu développer des compétences à l'oral à travers toutes les demandes qu'ils ont pu formuler pour connaître telle ou telle structure de phrase, la traduction d'un mot, ou encore des explications sur les phrases de leurs correspondants. Les séances dédiées à ce projet ont permis une meilleure fixation de la langue car celle-ci était acquise en contexte, avec un objectif immédiat de communication, donnant ainsi du sens à leur apprentissage. Les élèves ont également pu développer des compétences de communication à travers des échanges informels. A chaque fois qu'ils me croisaient dans les couloirs, ils faisaient des efforts en français pour me demander si j'avais reçu les lettres, combien de temps les lettres mettaient pour arriver en France, etc. C'est aussi cela l'interculturel, un processus dynamique qui ne reste pas confiné aux murs de la classe de langue mais qui déborde de cet espace pour une pratique vivante de la langue et ce, afin de satisfaire des objectifs de communication concrets, immédiats ;

ü culturel car il permet de mettre en contact des locuteurs natifs de deux cultures différentes et d'engager un processus d'interaction. Au terme de ce trimestre d'échanges, des photos ont été envoyées, des courriels et des numéros de portable échangés, permettant ainsi au projet de continuer à vivre au-delà des murs de l'école. Cependant, il est à regretter que cet échange n'ait pu se réaliser que durant le dernier trimestre. Pour un réel intérêt, il aurait été souhaitable de le faire sur toute l'année afin de dépasser des échanges somme toute assez artificiels et pouvoir imaginer réaliser un travail commun qui se résumerait dans les principes de la « pédagogie de projet »27(*). Celui-ci s'inscrirait dans le projet éducatif de l'établissement avec des objectifs d'apprentissage clairement définis et prendrait forme à travers des ateliers d'écriture, des concours avec des questionnaires sur la culture des deux pays en relation, ou encore la création d'un blog. Le projet d'échanges à distance précédemment énoncé, réalisé par courrier postal, aurait également pu être mené avec les TIC (Technologies de l'information et des communications), dans le cadre d'un projet interdisciplinaire. Par exemple, on aurait pu imaginer bloquer une heure, commune aux deux établissements, afin que les élèves échangent en simultané, à travers un système de webcams ou par visioconférence. L'intérêt des TIC dans l'enseignement est qu'il permet d'engager un véritable processus d'interaction, à travers des situations de communication authentiques, et par conséquent, de donner pleinement à la langue son statut de langue vivante. Enfin, toujours dans une démarche interculturelle, il aurait été intéressant de faire correspondre les élèves de 8ème avec des élèves de pays francophones d'autres continents afin de montrer le rayonnement de la langue française et leur faire prendre conscience que la pratique du français dépasse les frontières de l'hexagone. De plus, c'est un échange qui aurait réellement contribué à développer une conscience interculturelle car les élèves auraient côtoyé des univers culturels éloignés de la culture source et élargi leur représentation de la culture cible.

3. La chanson comme outil pour véhiculer la culture française

Les activités élaborées à partir de ce support sont toutes centrées sur la découverte d'artistes de la « Nouvelle Scène française », permettant ainsi d'appréhender un aspect de la culture française contemporaine (cf. fiche pédagogique n°1 : « A la découverte d'une chanson française »).

L'utilisation de la chanson en classe de langue a pour objectif pédagogique de susciter la motivation des élèves, de leur donner l'envie d'apprendre à travers une approche plus ludique. L'intérêt de son utilisation est multiple car elle permet de développer de nombreuses compétences chez les élèves, parmi lesquelles

ü des capacités d'écoute et d'attention avec la découverte d'un document sonore authentique, bien souvent à travers la présentation des paroles sous forme de texte lacunaire (exercice de discrimination auditive). C'est l'occasion pour les élèves d'être en contact avec des locuteurs natifs et ainsi, de s'habituer à la mélodie de la langue cible avec son rythme, son intonation, sa prononciation ;

ü des compétences linguistiques et culturelles, les deux étant intrinsèquement liées. En effet, les textes des chansons sélectionnées ont toutes été l'occasion d'approfondir leurs connaissances en langue et par là même d'élargir leur horizon culturel. Par exemple, l'introduction du slam avec la découverte d'un titre de Grand Corps Malade, « Voyage en train », a permis d'appréhender une culture proche de leurs centres d'intérêt  avec un registre de langue familier, une langue jeune, orale, telle qu'elle est parlée en France aujourd'hui. En plus d'être un mouvement culturel d'expression populaire, le slam est considéré comme une des formes les plus vivantes de la poésie contemporaine. Le contact avec un tel support, emprunt de poésie, permet aux élèves de mieux fixer la langue cible à travers un rythme phrastique particulier, une mélodie, des rimes mais aussi des expressions idiomatiques. Ainsi, les textes de slam constituent un parfait exemple de support pouvant servir à l'apprentissage de la langue-culture cible (Annexe 7), permettant cette ouverture culturelle, notamment en mettant en valeur les composantes sociolinguistique et socioculturelle de la compétence de communication. En plus de pouvoir travailler ces composantes, toutes les chansons présentées ont permis de faire découvrir aux élèves une région ou une ville française à travers une courte biographie de l'artiste. Pour finir, toute activité présentée proposait toujours un lien en prolongement pour visionner le clip sur Internet et naviguer sur le site officiel du chanteur. Ainsi, la découverte amorcée en classe de langue peut continuer à la maison.

Toujours dans une démarche interculturelle, il aurait été intéressant d'élargir ce type d'activité aux artistes francophones pour que l'utilisation de la chanson devienne réellement un « lieu de fréquentation de la langue cible et de la découverte de la culture de l'autre dans sa diversité »28(*) et ainsi montrer l'étendue de la langue française dans le monde et la diversité culturelle qu'elle véhicule.

Pour conclure, l'utilisation de la chanson en classe de langue permet de rendre pleinement à la langue son statut de langue vivante en proposant aux élèves un contact direct avec la langue-culture cible, dans une démarche associant plaisir et apprentissage.

En ce qui concerne le deuxième pôle d'intervention - l'espace-établissement - le public ciblé est l'ensemble de la communauté scolaire (apprenants, enseignants, fonctionnaires et agents de service). L'objectif est de créer un espace d'enrichissement culturel en faisant vivre la culture et la langue française au sein de l'établissement.

Les activités réalisées s'inscrivent dans le cadre d'interventions ponctuelles en fonction des évènements du calendrier français (fêtes ou manifestations culturelles). D'une situation d'enseignement en face à face pédagogique, c'est ici le rôle de coordinatrice d'évènements culturels que j'ai dû mettre en scène avec la création d'affiches et/ou de dépliants et de panneaux informatifs ou encore la formulation d'invitations.

Voici une liste des interventions réalisées ou des évènements culturels auxquels j'ai pu participer.

ü Les fêtes de Noël et de la Chandeleur : sessions de dégustation culinaire

ü Le goûter de Noël : « Sons, sabores e tradições »29(*)

Celui-ci a pour objectif culturel de mettre en valeur les différentes nationalités présentes au sein de l'établissement en réunissant toute la communauté scolaire autour d'une session de dégustation de desserts divers et variés, avec pour fond musical des chansons de Noël en différentes langues et pour fond visuel des DVD sur les traditions de Noël dans différents pays du monde. Ces moments de partage et de convivialité promeuvent la diversité et l'ouverture culturelle.

Ma participation a consisté à faire découvrir la galette des rois et à décorer un sapin de Noël avec des petits papiers multicolores sur lesquels deux classes de français avaient inscrit un mot (sentiment, objet), ou une phrase (un voeu, un dicton) sur le thème de Noël.

ü La fête de la Chandeleur 

Cette intervention a pour objectif de sensibiliser l'ensemble de la communauté scolaire à la culture et à la langue française à travers l'exposition d'affiches (origines, traditions de la Chandeleur et recette des crêpes) et à travers la confection et la vente de crêpes au sein du foyer de l'école.

L'intérêt pédagogique de ce projet est d'avoir permis la participation active de quatre élèves de 12ème année (l'équivalent de la Terminale en France) et une sensibilisation à la langue française sous une forme active à travers la réalisation d'une recette de crêpes en français (cf. Fiche pédagogique n°3 : « Vive la Chandeleur ! »).

Au-delà de la motivation et de l'enthousiasme suscité par cette activité, c'est un événement qui a impulsé la rencontre interculturelle, donnant lieu à des échanges enrichissants, notamment celui de faire ressortir un noyau culturel commun entre les deux cultures en relation.

ü La Semaine de la langue française et de la francophonie

Mon intervention s'est limitée à la réalisation de dépliants et de panneaux informatifs au sein de tout l'établissement. Cela a permis quelques échanges informels en français, notamment avec les professeurs et les agents de service. Une boîte à paroles a également été mise à la disposition de l'ensemble de la communauté scolaire afin que chacun puisse s'exprimer en portugais et/ou en français sur le thème en question ou tout simplement laisser un écrit en français (paroles de chansons, poèmes, écrits inventés). Cependant, pour toute une série de facteurs liés au contexte de réalisation de cet événement, cette intervention n'a pas eu l'effet escompté.

ü Le non fonctionnement du club de français

La dynamisation d'un club de français au sein de l'établissement avait pour objectif de susciter l'intérêt pour la langue et les cultures française et francophone à travers des activités ludiques (jeu du pendu, du petit bac, du portrait chinois, etc.), la découverte de poèmes ou de chansons, ou encore le partage d'informations culturelles. Il avait également pour objectif d'améliorer les compétences des élèves en langue française, aussi bien à l'oral comme à l'écrit, à travers des séances de soutien scolaire, tout cela dans une démarche d'apprentissage de la langue cible active et interactive. Véritable lieu de vie, celui-ci se voulait être l'espace d'une véritable rencontre interculturelle.

Le club de français n'a pas fonctionné pour plusieurs raisons : l'incompatibilité des horaires de fonctionnement du club avec les emplois du temps des élèves, déjà surchargés, un établissement déjà très dynamique, présentant un large éventail de clubs et d'activités extrascolaires, le fait que le français soit aussi peu représenté au sein de l'établissement avec seulement deux professeurs de français-portugais, très peu disponibles pour collaborer de manière active à cette initiative.

Pour autant, l'idée du club de français n'a pas été abandonnée et l'espace prévu à cet effet a été investi comme lieu de découverte et d'ouverture à la culture cible, notamment à travers l'alimentation régulière d'un panneau intitulé « Culture France » avec plusieurs rubriques. C'est ainsi que les personnes ayant circulé dans cet espace ont pu prendre connaissance du « Poème de la semaine », se tenir informées des fêtes religieuses ou laïques tout comme des manifestations culturelles pour chaque mois (Festival de la bande dessinée en février ou Festival de Cannes au mois de mai) à travers la rubrique « Evénements culturels » ou encore découvrir le tableau d'un peintre français et du mouvement de peinture correspondant (par exemple, Monet et l'impressionnisme, Signac et le pointillisme) à travers la rubrique « Art ». Enfin, des sessions de cinéma français ont été réalisées à destination des classes de français et ont toujours été l'occasion pour les élèves de pratiquer la langue cible à travers une activité de remue-méninges en amont de la projection du film et le recueil de leurs impressions en fin de session. C'est dans cette optique pédagogique qu'ont été projetés les quatre films suivants : « L'Enfant » des frères Dardenne, « Michou d'Aubert » de Thomas Gilou, « Tais-toi » de Francis Veber et « Les Choristes » de Christophe Barratier.

2.3 Bilan de cette expérience d'enseignement du point de vue de l'interculturel

En tant qu'assistante de français, j'ai essayé de donner pleinement à la langue son statut de langue vivante en créant du lien entre la culture source et la culture cible, entre la langue maternelle et la langue apprise, selon un processus dynamique et interactionnel, avec pour objectif principal de développer une démarche interculturelle dans les apprentissages afin que les élèves adoptent un comportement d'ouverture d'esprit et de tolérance à l'égard des langues et cultures étrangères. Ma présence dans l'établissement en tant que représentant de la France a permis une ouverture culturelle et une plus value pour les élèves et les professeurs de français qui ont pu pratiquer la langue et améliorer leurs compétences en présence d'un locuteur natif. C'est une expérience qui a permis d'établir des points de rencontre entre la culture source et la culture cible, la langue maternelle et la langue apprise. Cependant, même si les deux cultures en relation sont assez proches puisqu'elles font toutes deux partie de la famille des cultures occidentales méditerranéennes et des langues latines, des points de séparation sont également ressortis. C'est précisément cette diversité culturelle qui est en jeu dans une approche interculturelle. Pour terminer, mon champ d'action se sera limité à sensibiliser les élèves à un univers linguistique et culturel différent du leur plus que d'être arrivée à développer une réelle compétence culturelle ou interculturelle.

Après avoir réfléchi sur la définition de l'interculturel et essayé d'apporter quelques réponses à la problématique énoncée, il s'agit, dans cette dernière partie, de mettre en évidence la valeur éducative de l'interculturel et de l'importance d'associer cette composante à la didactique des langues-cultures, en contexte d'enseignement - apprentissage d'une langue étrangère.

3. L'interculturel : visée éducative et enjeux

3.1 L'interculturel en tant que valeur universelle

De nos jours, le contact avec les cultures étrangères est permanent et facilité par les nouvelles technologies, capables de relier des milliards d'êtres humains des quatre coins de la planète et de donner à voir et à comprendre d'autres modèles de vie et de pensée. De manière plus concrète, ce contact permanent et direct avec l'étranger est dû à l''intensification des échanges, à la forte mobilité des personnes générant ainsi le brassage des populations, l'interpénétration de différentes cultures. Cependant, ce flux d'échanges et de relations ne signifie pas pour autant que la rencontre ait lieu dans un rapport d'ouverture d'esprit et de réciprocité et à l'heure où l'on assiste à une recrudescence de mouvements nationalistes et à différentes formes de rejet de l'étranger, l'interculturel doit alors se poser comme un garde-fou contre toutes ces dérives identitaires et s'inscrire dans un véritable projet de société. Le terme « interculturel » a d'ailleurs été employé pour la première fois en 1976, lors de la Conférence de l'Unesco à Nairobi, prônant la reconnaissance de la diversité culturelle et la résolution positive des conflits avec des valeurs de respect et de tolérance30(*).

Le défi qui se pose alors dans nos sociétés est d'arriver à faire de cette diversité culturelle une source d'enrichissement et non un champ de bataille et c'est là le défi qu'il incombe aux institutions scolaires de relever, à travers la promotion d'une éducation interculturelle. C'est en France que l'interculturel, en tant que valeur éducative, trouve son origine :

« C'est (...) dans le contexte des migrations dans les années 1970, que face aux difficultés scolaires des enfants de travailleurs migrants, la pédagogie interculturelle va développer l'idée selon laquelle les différences ne sont pas des obstacles à contourner, mais une source d'enrichissement mutuel quand elles sont mobilisées. »31(*)

L'éducation interculturelle vise à développer des valeurs telles que l'empathie à l'égard des cultures étrangères, le respect de l'Autre dans sa différence, à établir des normes communes pour pouvoir vivre ensemble et ainsi promouvoir la paix. Dans ce domaine, le Conseil de l'Europe s'est fortement impliqué en impulsant une dynamique interculturelle, à travers le lancement de différents programmes de réflexion et en proposant des outils pédagogiques pour sensibiliser les jeunes à cette problématique. Il semble important qu'au sein de chaque institution scolaire européenne, des moyens soient mis en oeuvre pour sensibiliser les élèves à une approche interculturelle avec des outils qui favorisent l'ouverture d'esprit et la reconnaissance de la diversité culturelle. En tant que valeur éducative, l'approche interculturelle abordée en cours de langue, et dans le cas présent en milieu « exolingue »32(*), pourrait déborder de cet espace-classe et s'inscrire dans le cadre de projets pluridisciplinaires et/ou transdisciplinaires, conjointement avec l'histoire-

géographie, l'éducation civique, l'éducation à l'environnement ou encore la philosophie et les cours de langue source. Cela répondrait à un projet global d'éducation à la citoyenneté, avec l'interculturel comme notion transversale à tous les apprentissages. De plus, tout en faisant ressortir la richesse de chacune des cultures prises dans leur singularité, cela permettrait de mettre en évidence une culture commune, ce qui est important pour un jeune public « en milieu exolingue» , à un âge où la quête d'identité est permanente et où il est rassurant de se sentir appartenir à un groupe.

En tant que valeur universelle, l'interculturel a toute sa place au sein d'une institution scolaire, lieu où l'on va non seulement instruire des élèves en leur délivrant des savoirs et savoir-faire mais aussi éduquer des sujets responsables, des acteurs sociaux capables d'agir et d'interagir avec le monde qui les entoure. L'interculturel revêt ainsi une dimension éthique et s'envisage en termes de rencontres, de relations, d'interactions et le cadre institutionnel n'est là que pour impulser un processus qui se vit en actes et au-delà de la salle de cours.

3.2 Un outil pour appréhender la langue-culture cible

L'interculturel en tant que processus d'ouverture à la culture de l'Autre, est indissociable de la didactique des langues-cultures. Dans une démarche interculturelle, parler une langue étrangère c'est parler la culture de cette langue et de toutes ces générations d'êtres humains qui, au fil des siècles, l'ont tissée, se différenciant par là-même de toute autre culture.

La conscience interculturelle fait partie des compétences générales mentionnées par le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR), à acquérir par tout apprenant de langue étrangère. Dans le cadre de l'enseignement-apprentissage d'une langue étrangère, l'interculturel doit être pensé en tant qu'outil pour appréhender la langue-culture cible et pour être capable d'interagir avec des locuteurs natifs. Dans cette perspective, la seule compétence linguistique ne suffit plus : l'apprenant doit mobiliser des compétences spécifiques. Celles-ci sont mentionnées dans le CECR sous l'intitulé « Aptitudes et savoir-faire interculturels » (5.1.1.3) et comprennent :

v la capacité d'établir une relation entre la culture d'origine et la culture étrangère ;

v la sensibilisation à la notion de culture et la capacité de reconnaître et d'utiliser des stratégies variées pour établir le contact avec des gens d'autres cultures ;

v la capacité de jouer le rôle d'intermédiaire culturel entre sa propre culture et la culture étrangère et de gérer efficacement des situations de malentendus et de conflits culturels ;

v la capacité à aller au-delà de relations superficielles stéréotypées.

Il s'agit donc pour les apprenants d'acquérir une compétence interculturelle, définie par Martine Abdallah-Pretceille, comme étant « la capacité des interlocuteurs à repérer le culturel dans les situations d'échanges langagiers »33(*) et le fait d' « être capable de communiquer avec des individus dont une des caractéristiques est d'être de nationalité étrangère »34(*). Dans cette définition, on retrouve la dimension interculturelle de la compétence de communication à travers les composantes sociolinguistique et socioculturelle. En effet, dans le cadre de l'enseignement-apprentissage du FLE/S, la compétence interculturelle s'inscrit dans les courants actuels de l'approche communicative et de la perspective actionnelle, où les apprenants deviennent de véritables acteurs sociaux, capables de communiquer en situation réelle, en fonction de la situation de communication afin de pouvoir interagir et surtout agir avec des locuteurs natifs. Cependant, pour amener les apprenants à développer et à acquérir une véritable compétence interculturelle, l'apprentissage de la langue doit suivre les orientations d'une pédagogie interculturelle. Selon Costanzo et Vignac35(*), cette dernière doit aider à déconstruire les idées que l'on peut avoir sur sa propre culture ou culture étrangère et faciliter le passage de l'ethnocentrisme à l'ethnorelativisme. Il s'agit de se décentrer selon un

« modèle de construction du savoir qui prendrait la forme d'un mouvement en spirale - qui partant de soi, se projette vers l'autre pour revenir à un soi modifié (...) du connu, de l'évident, du « naturel », de l'universel, pour entrer en contact avec l'inconnu, l'étonnant, l'étrange, le relatif qui devient, à son tour, le point de départ d'une réinterprétation de soi. »36(*)

Acquérir une compétence interculturelle permet d'amorcer une réflexion sur soi-même et de mieux comprendre sa propre culture à travers une démarche d'ouverture à la culture de l'Autre.

« (...) elles [les rencontres interculturelles] procurent le plus grand avantage de permettre une prise de conscience des structures de son propre système, qui ne peut s'accomplir que par la fréquentation de ceux qui ne font pas partie du même système. »37(*)

Acquérir une compétence interculturelle permet de se construire par rapport à l'Autre, de se familiariser avec d'autres perceptions de la réalité et de dépasser des sentiments de rejet de l'étranger qui viendraient tout simplement de la peur de l'inconnu et de la méconnaissance de mécanismes culturels en jeu dans toute situation de communication impliquant des personnes d'horizons culturels différents.

Dans la pratique de classe, l'enseignant pourra se servir d'un outil de référence, le kit pédagogique édité par le Conseil de l'Europe, qui propose une riche palette d'activités pour travailler de manière concrète la compétence interculturelle.

Enfin, en termes d'évaluation de cette même compétence, l'enseignant pourra prendre appui sur une grille publiée par le Conseil de l'Europe (Annexe 8). Celle-ci a été élaborée selon les quatre niveaux du CECR et comprend quatre items : les savoirs, les savoir-faire/savoir-apprendre, les savoirs-être et les savoir s'engager. Pour conclure, l'espace-classe en contexte FLE/S et plus particulièrement dans les centres de langues, semble être le lieu idéal pour acquérir une compétence interculturelle et instaurer un discours interculturel. En effet, la présence d'un public présentant une plus grande mixité culturelle peut être le point de départ pour s'ouvrir aux cultures des uns et des autres et créer des interactions enrichissantes entre la langue-culture cible et les langues-cultures source en présence. Dans ce contexte, l'interculturel se vit au quotidien à travers le contact de différentes cultures, et l'enjeu éducatif est d'arriver à dépasser les chocs culturels que cela peut engendrer et gérer les conflits de manière positive, d'arriver à vivre ensemble dans la diversité. Là réside toute la dimension éthique de l'interculturel dans l'enseignement des langues-cultures, à la fois comme valeur transversale et comme outil de formation de l'être humain afin de grandir en identité et en humanité.

3.3 Limites de l'interculturel en tant que valeur et outil de formation éducative

Le premier piège serait d'adopter une vision utopique et idéaliste de l'interculturel selon laquelle il représenterait l'espoir de réunir tous les peuples, dans un monde de paix, de justice et de fraternité où les uns et les autres sauraient vivre dans la diversité. S'il est vrai que les institutions scolaires peuvent impulser une dynamique positive et cheminer vers cet idéal, Martine Abdallah-Pretceille rappelle à juste titre que « la relation prise de conscience/changement de comportement n'est pas démontrée »38(*). Il existera toujours des situations de conflits insolubles, des barrières culturelles infranchissables. Comme le souligne Pierre Schaeffer, « la communication c'est la guerre (...) c'est s'envoyer (...) des coups, d'un côté à l'autre d'une barrière infranchissable39(*), c'est dans l'étymologie même de ce terme. Cette idée d'inévitable « incommunication » entre les cultures se retrouve également dans le sens du préfixe « inter »40(*), montrant ainsi que la rencontre interculturelle ne peut pas toujours avoir lieu.

Ensuite, dans l'optique d'une pédagogie interculturelle, le deuxième piège à éviter est de tomber dans l'excès de relativisme. L'objectif est de préserver son identité culturelle tout en s'enrichissant de celle des autres, de relativiser des données culturelles en étant conscient que sa façon de percevoir le monde n'est jamais qu'une réponse parmi tant d'autres et qu'elle n'a rien d'universel. Pour terminer, s'il existe de nombreux apports théoriques en matière de compétence et de pédagogie interculturelles, il existe encore peu d'outils de formation pour les enseignants de langue étrangère tout comme il existe peu de ressources pédagogiques pour une réelle application en classe de langue.

CONCLUSION

Le stage que j'ai effectué en institution scolaire, au sein de l'établissement secondaire Eça de Queirós au Portugal m'a permis de vivre une première expérience enrichissante en tant qu'enseignante de FLE. Les seules difficultés qui se sont posées à moi étaient liées au type d'institution d'enseignement qui m'a accueillie et à cet établissement en particulier. En tant qu'assistante de français, il m'a été difficile de trouver ma place et de faire mon travail de diffusion de la langue et de la culture française. Et si le programme d'assistanat m'a particulièrement déçue, les situations en face à face pédagogique m'ont toujours procuré un énorme plaisir, venant par là même confirmer mon désir d'être enseignante de FLE et ainsi concrétiser mon projet professionnel.

Quant à la recherche menée ici, questionnant les possibilités d'intégrer l'interculturel dans l'enseignement-apprentissage d'une langue étrangère en milieu scolaire, elle m'aura permis d'approfondir un sujet qui me tenait à coeur, étant moi-même porteuse d'une double-culture, franco-portugaise, partagée entre deux langues, deux cultures, deux terres d'affects mais aussi riche de tout cela. Cette part d'interculturel en moi s'est toujours manifestée par une sorte d'empathie et de curiosité naturelles à l'égard des cultures étrangères, fascinée par cette diversité infinie de perception d'un monde qui est pourtant commun à tous les êtres humains. Aussi, lorsque Mlle Emilie Perrichon nous a présenté un cours sur l'interculturel dans le cadre du Master 1 FLE, cela a éveillé en moi un vif intérêt et l'envie d'approfondir ce sujet. La possibilité d'être assistante de français au Portugal offrait donc le cadre idéal pour exploiter cette problématique. Ma démarche a donc été déductive puisque l'objet de mon mémoire était déjà tout trouvé. Ce n'est qu'à partir de mes observations et de ma pratique sur le terrain que j'ai pu resserrer l'objet de mon analyse et l'adapter à ce contexte en particulier.

Enfin, l'expérience de ce stage et la rédaction de ce mémoire auront permis de mettre en évidence l'importance d'intégrer une approche interculturelle à l'enseignement-apprentissage d'une langue étrangère. A la fois valeur et outil pour appréhender la langue-culture cible, une telle approche permet non seulement d'élargir les horizons culturels des apprenants comme il permet d'élargir leur compétence de communication, si tant est que la conception d'enseignement-apprentissage d'une langue étrangère est de pouvoir communiquer en situation réelle et interagir avec des locuteurs natifs. Dans un établissement secondaire où l'enseignement-apprentissage d'une langue étrangère ne s'inscrit pas dans une perspective communicationnelle, plus que de faire acquérir une véritable compétence interculturelle aux élèves, c'est une démarche d'ouverture à la culture cible qui aura été privilégiée à travers des activités de découverte visant toutes à créer du lien entre la langue-culture source et la langue-culture cible. Ensuite, les èlèves auront pu être sensibilisés à une approche interculturelle de la langue source à travers le contact avec une langue autenthique - notamment avec ma présence et les activités présentant des chansons de la nouvelle scène française - et à travers des activités visant une pratique vivante de la langue, les plaçant tour à tour dans l'action (être capable de comprendre des instructions en français pour réaliser des crêpes lors de la Chandeleur) ou dans l'interaction (projet interscolaire d'échanges à distance) avec des objectifs de communication immédiats.

Pour finir, si les textes du CECR mentionnent la compétence interculturelle comme faisant partie des compétences générales que tout apprenant de langue doit acquérir, il reste encore beaucoup à faire en matière de formation des enseignants et d'élaboration de matériel pédagogique, pour passer des nombreux apports théoriques à une véritable pratique

Bibliographie

ABDALLAH-PRETCEILLE. 1999. L'éducation interculturelle, Paris : PUF, Collection « Que Sais-je? ».

CESARI Vittoria. 1994. L'educazione interculturale, « La dimensione interculturale nell'educazione : riflessioni e riferimenti per l'azione pedagogica ». Florence : La Nuova Italia.

in DE CARLO Maddalena. 1998. L'interculturel. Paris : Clé International, collection « Didactique des langues étrangères » dirigée par Robert GALISSON.

CLANET Claude. 1990. L'interculturel, Presses Universitaires du Mirail, in « Problématique des langues-cultures en didactique des langues-cultures », cours d'Emilie PERRICHON dans le cadre de la première année de Master FLE professionnel, année 2007-2008.

COURTILLON Janine. 2003. Elaborer un cours de FLE. Paris : Hachette, collection « Français langue étrangère ».

DE CARLO Maddalena. 1999. L'interculturel, Paris : Clé International, collection « Didactique des langues étrangères » dirigée par GALISSON Robert.

DEMORGON Jacques. 1989. L'exploration interculturelle : pour une pédagogie internationale, Paris : Armand Colin.

FOUGEROUSE Marie-Christine. 2001. « De la compréhension à l'expression en classe de langue », L'enseignement des langues aux adultes aujourd'hui : Une pratique de la pédagogie pour une pédagogie de la pratique, Actes du colloque « Quelles pédagogies pour l'enseignement des langues aux adultes aujourd'hui? », 29-30 septembre 2001.

GALISSON Robert. 1997. « Problématique de l'éducation et de la communication interculturelles en milieu scolaire européen », Etudes de Linguistique Appliquée, n°106.

PUREN Christian, Chapitres 1 et 2 de GALISSON Robert, PUREN Christian. 1999. La formation en questions, Paris : Clé International.

RAMOS Natalia. 2003. Interculturalité, communication et éducation, Milena Press.

T. HALL Edward. 1979. Au-delà de la culture, Paris : Seuil.

CONSEIL DE l'EUROPE. 2005. Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer, Ed. Didier.

CONSEIL DE L'EUROPE. 1986. L'interculturalisme : de l'idée à la pratique didactique et de la pratique à la théorie, Strasbourg.

CONSEIL DE L'EUROPE. 1995. Kit pédagogique - Tous différents, tous égaux - Idées, ressources, méthodes et activités pour l'éducation interculturelle informelle avec des adultes et des jeunes, Centre Européen de la Jeunesse.

Sitographie

http://casnav.ac-dijon.fr, date de dernière consultation : avril 2009.

http://www.leplaisirdapprendre.com,dernière consultation : mai 2009.

BOIRON Michel. «Approches pédagogiques de la chanson.», CAVILAM de Vichy, document en PDF.

http://fle.u-strasbg.fr/ressources/documents/module3/interculturel.php, date de dernière consultation : avril 2009

http://www.francparler.org, date de dernière consultation : mai 2009.

v http://www.franc.parler.org/parcours/fos.htm

CLAES Marie-Thérèse. 2003. « La dimension interculturelle dans l'enseignement du français langue de spécialité », dans Dialogues et cultures, n°47.

v http://www.francparler.org/dossiers/interculturel_former.htm

v http://www.francparler.org/articles/baraona2006b.htm

http://www.inrp.fr/vst/Dossiers/Interculturel/sommaire.htm, date de dernière consultation : avril 2009.

MEUNIER Olivier. 2007. Approches interculturelles en éducation : étude comparative internationale, Service de veille scientifique et technologique de l'INRP.

v http://jonyep.chez.com/pedagogie/definition.htm, date de dernière consultation : mai 2009.

PEREIRA Jony. 1999. « L'enseignement de la culture en langue étrangère », travail réalisé pour le séminaire de monographie le 3 juin 1999 à Faro.

* 1 Selon les termes de Janine Courtillon, un public dit « captif » est un public peu conscient de ses motifs d'apprentissage, avec des apprenants « prisonniers d'une institution dans laquelle ils sont placés obligatoirement pour apprendre ».

* 2 Au Portugal, la durée d'un cours est soit de 45 minutes soit de 90 minutes sans temps de pause.

* 3 Ce qui apparaît en italique représente l'ensemble des informations que l'enseignant souhaite transmettre aux apprenants.

* 4 Le texte à trous est à construire en fonction du niveau réel des apprenants et les parties manquantes pourront alors être des mots, des groupes de mots, un couplet entier et la sélection de ces parties manquantes en fonction d'un champ lexical en particulier, de certaines catégories grammaticales, d'un thème, etc.

* 5 GRENIER Alexandre. 2006. En survolant la France. Les Editions Atlas.

* 6 Au Portugal la durée d'un cours est soit de 45 minutes, soit de 90 minutes sans temps de pause.

* 7 En Terminale, les élèves doivent réaliser un projet qu'ils devront présenter en public au mois de mai et face à un jury. Les quatre élèves en question faisaient partie du projet « Gastronomie » et le fait de m'aider à l'occasion de la Chandeleur avec la confection et la vente de crêpes au sein de l'établissement était un bon point pour leur rapport.

* 8 La recette est extraite du site http://www.teteamodeler.com/vip2/nouveaux/expression/fiche69a.htm

* 9 La tradition consiste à faire sauter la première crêpe avec une pièce de monnaie dans la main gauche afin d'assurer fortune au foyer durant toute une année.

* 10 CLANET Claude. 1990. L'interculturel, Presses Universitaires du Mirail, in « Problématique des langues-cultures en didactique des langues-cultures », cours d'Emilie PERRICHON dans le cadre de la première année de Master FLE professionnel, année 2007-2008.

* 11 Définition de BROHMI Hamid, extraite d'un article au format PDF sur le site du rectorat de Dijon http://casnav.ac-dijon.fr (dernière mise à jour le 19 janvier 2007)

* 12 CESARI Vittoria. 1994. L'educazione interculturale, « La dimensione interculturale nell' educazione : riflessioni e riferimenti per l'azione pedagogica ». Florence : La Nuova Italia, p. 105 in DE CARLO Maddalena. 1998. L'interculturel. Paris : Clé International, collection « Didactique des langues étrangères » dirigée par Robert GALISSON, p. 89

* 13 CONSEIL DE L'EUROPE. 1986. L'interculturalisme : de l'idée à la pratique didactique et de la pratique à la théorie, Strasbourg.

* 14 MEUNIER Olivier. 2007. Approches interculturelles en éducation : étude comparative internationale, Service de veille scientifique et technologique de l'INRP, p. 7

Document PDF téléchargé à partir du site http://www.inrp.fr/vst/Dossiers/Interculturel/sommaire.htm

* 15 ABDALLAH-PRETCEILLE. 1999. L'éducation interculturelle, Paris : PUF, Collection « Que Sais-je? », p. 60

* 16 CONSEIL DE L'EUROPE, 1995. Kit pédagogique - Tous différents, tous égaux - Idées, ressources, méthodes et activités pour l'éducation interculturelle informelle avec des adultes et des jeunes, Centre Européen de la Jeunesse, 1ère Edition, p. 27

* 17 Ibid.

* 18 MEUNIER Olivier., op.cit., p. 7

* 19 RAMOS Natalia. 2003. Interculturalité, communication et éducation, Milena Press, p. 43

* 20 FOUGEROUSE Marie-Christine. 2001. « De la compréhension à l'expression en classe de langue », L'enseignement des langues aux adultes aujourd'hui : Une pratique de la pédagogie pour une pédagogie de la pratique, Actes du colloque « Quelles pédagogies pour l'enseignement des langues aux adultes aujourd'hui? », 29-30 septembre 2001, pp. 125-140

* 21 CLAES Marie-Thérèse. 2003. « La dimension interculturelle dans l'enseignement du français langue de spécialité, dans Dialogues et cultures, n°47, document tiré du site http://www.franc.parler.org/parcours/fos.htm

* 22 PUREN Christian, Chapitres 1 et 2 de GALISSON Robert, PUREN Christian. 1999. La formation en questions, Paris : Clé International, p. 128

* 23 COURTILLON Janine. 2003. Elaborer un cours de FLE. Paris : Hachette, collection « Français langue étrangère », p. 13

* 24 Cf. « Introduction » de la première partie du présent mémoire, intitulée « Fiches pédagogiques ».

* 25 DENIS Myriam. 2000. Dialogues et cultur en° 44, « Formerlesélèves à l'interculturel », p. 62, extrait du site http://www.francparler.org/dossiers/interculturel_former.htm

* 26 « Antonio et Ali » pp. 69-70 et « Chaque photo raconte une histoire » pp 77-78 in Kit pédagogique « Tous différents, tous égaux » - Idées, ressources, méthodes et activités pour l'éducation interculturelle informelle avec des adultes et des jeunes », Conseil de l'Europe. 1995.

* 27 Définition et caractéristiques sur le site http://www.francparler.org/fiches/projets_sommaire.htm

* 28 BOIRON Michel. «Approches pédagogiques de la chanson.», CAVILAM de Vichy, document PDF tiré du site http://www.leplaisirdapprendre.com/

* 29 En français «Sons, saveurs et traditions».

* 30 Cf. Cours de Mlle Emilie PERRICHON dans le cadre du Master 1 FLE professionnel, intitulé « Problématique de la culture en didactique des langues-cultures », dans la partie traitant de l'interculturalité. Année scolaire 2007-2008.

* 31 DE CARLO Maddalena. 1999. L'interculturel, Paris : Clé International, collection « Didactique des langues étrangères » dirigée par GALISSON Robert, p. 40

* 32 Selon GALISSON, cela renvoie à une « situation d'interculturalité virtuelle, la culture étrangère [étant] absente, comme (...) ceux qui en sont les dépositaires naturels. ».

* 33 ABDALLAH-PRETCEILLE, op. cit., p. 95

* 34 Ibid.

* 35 Cf. Cours de Mlle Emilie PERRICHON dans le cadre du Master 1 FLE professionnel, intitulé « Problématique de la culture en didactique des langues-cultures », dans la partie traitant de la pédagogie interculturelle. Année scolaire 2007-2008.

* 36 DE CARLO Maddalena, op. cit., p. 8 et p. 97

* 37 T.HALL Edward. 1979. Au-delà de la culture, Paris : Le Seuil, p. 97

* 38 ABDALLAH- PRETECEILLE Martine, op. cit., p. 108

* 39 Extrait de « Communiquer, c'est la guerre », dans « La mort de Pierre Schaeffer, inventeur de la musique concrète », Le Monde, 22 août 1995, in GALISSON Robert. 1997. « Problématique de l'éducation et de la communication interculturelles en milieu scolaire européen », Etudes de Linguistique Appliquée, n°106.

* 40 Cf. «Observation et analyse du terme « interculturel » dans la première partie du présent mémoire.






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein