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L'estime de soi dans la philosophie de Kant

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par Thomas Giraud
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 Recherche 2010
  

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2. Le rôle de l'estime de soi comme sentiment

2.1. L'estime de soi et le pathologique

2.1.1. Estime de soi et humilité

L'estime de soi peut-elle jouer un rôle comme sentiment dans la vie morale ? On peut d'abord s'attendre à ce que, dans la doctrine kantienne, ce ne soit pas l'estime de soi mais la notion chrétienne de l'humilité qui joue un rôle central. C'est que l'homme qui se compare lui-même en toute lucidité au modèle de perfection morale que lui présente la loi divine est nécessairement accablé par le jugement de sa conscience. Car un tel idéal est inaccessible pour l'homme, dont la volonté n'est pas sainte, mais seulement humaine, trop humaine : l'être humain est précisément cet être dont « la raison ne détermine pas suffisamment par elle seule la volonté »75, dont la volonté peut ne pas être déterminée par la loi morale et faillir à son devoir. Cet écart qui sépare à jamais l'homme de la perfection morale, Kant en trouve la meilleure expression dans les formules bibliques qu'il cite dans les Fondements de la métaphysique des moeurs : « Même le Saint de l'Evangile doit être d'abord comparé avec notre idéal de perfection morale » et, dans une telle comparaison, « nul n'est bon (...) que Dieu seul »76. Dans ces conditions, n'y aurait-il pas une certaine arrogance dans l'estime de soi qui la rendrait odieuse à toute conscience véritablement morale ?

C'est en effet ce sentiment d'humilité que Kant nous présente d'abord, dans la Critique de la raison pratique, comme l'effet de la loi morale sur l'esprit qui est influencé par celle-ci : « La loi morale humilie donc inévitablement tout homme qui compare à cette loi la tendance sensible de sa nature »77. En tant que

75 Fdts, p. 274

76 Fdts, p. 269

77 CrPr, p. 698

principe de détermination, la loi contrarie ou limite un certain nombre de nos inclinations, de nos désirs, en prescrivant une action qui leur est contraire. En termes kantiens, elle leur porte préjudice : « Le caractère essentiel de toute détermination de la volonté par la loi morale, c'est que la volonté soit déterminée uniquement par la loi morale (...) à l'exclusion des attraits sensibles, et au préjudice de toutes les inclinations qui pourraient être contraires à cette loi »78. Or, parmi ces inclinations ou tendances, on peut compter une disposition de l'homme à l'estime de soi : « la tendance à l'estime de soi-même fait partie des inclinations auxquelles la loi morale porte préjudice »79. Ce que Kant entend par présomption n'est pas la tendance à se satisfaire de ce que l'on est, des talents qu'on a acquis, des actions qu'on a accomplies hors de toute considération de sa véritable valeur morale. Mais c'est plutôt la « présomption » qui « prescrit comme des lois les conditions subjectives de l'amour de soi », c'est-à-dire la tendance à faire de nos désirs et de nos inclinations des règles absolues. Dans la mesure où elle « terrasse » cette tendance, au sens où elle la contrarie absolument, elle produit un sentiment d'humiliation » (voir notre section suivante) : « ce qui porte préjudice à notre présomption, dans notre propre jugement, humilie »80. C'est pour cela que nous éprouvons du respect pour cette loi, dans la mesure où, dans cette humiliation, ce qui se manifeste, c'est la supériorité de la loi sur la « tendance sensible de notre nature »81, c'est-à-dire sur les inclinations (sensibles) : « cette loi (...) affaiblit la présomption, et, en allant même (...) jusqu'à l'humilier, elle devient l'objet du plus grand respect »82. Ce que nous estimons d'abord, ce que

78 CrPr, p. 696

79 CrPr, p. 697

80 CrPr, p. 698

81 CrPr, p. 698

82 CrPr, p. 697

nous vénérons même, dans la détermination de notre volonté par la loi morale, ce

n'est pas notre cher moi, mais la loi dans sa supériorité.

On ne confondra pas cependant ce sentiment d'humilité, qu'on appellera l'humilité morale avec la fausse humilité, celle qui consiste à éprouver le sentiment de sa moindre valeur devant autrui. L'humilité devant la supériorité de la loi ne résulte que de la comparaison de sa propre valeur avec celle de la loi, tandis que la fausse humilité résulte de la comparaison de sa propre valeur avec celle d'autrui. L'humilité morale est une juste estime de son propre peu de valeur devant la supériorité de la loi morale. La fausse humilité se fonde sur un jugement erroné affirmant la supériorité d'autrui, alors que Kant, en bon philosophe des Lumières, attribue une valeur égale à tous les hommes. L'humilité morale a une valeur en tant qu'elle nous fait respecter la loi. La fausse humilité reçoit le nom

dévalorisant de bassesse : « La mauvaise opinion qu'on a de sa personne par
rapport aux autres n'est pas de l'humilité, mais trahit la petitesse d'âme »83.

L'humilité morale a une place dans la vie morale : elle nous révèle la majesté de la loi morale par rapport à nous-mêmes et, ce faisant, participe du respect qu'elle nous arrache. La fausse humilité est bien plutôt un vice puisqu'elle nous consiste à se considérer comme inférieur à tel autre et qu'elle nous dispose ainsi à ne pas traiter la dignité de l'humanité dans notre personne comme une fin en soi : il s'agit donc de l'extirper hors de notre caractère plutôt que de l'intégrer à notre existence.

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