WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Etude de la conséquence en français contemporain: Le cas de trois oeuvres d'Emile Zola

( Télécharger le fichier original )
par Lysette Nanda
Université de Yaoundé I - DEA de langue française 2006
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

3. La relation consécution et concession

Le terme concession exprime, d'une part, l'action d'accorder, de concéder quelque chose, et d'autre part, l'abandon, le désistement, le renoncement. Pour Popin (1993 : 120), la relation de concession développe un fait réel, fonctionnant comme une cause qui n'entraîne pas les conséquences qu'elle devrait avoir, il s'agit pour l'auteur d'une cause dévalorisée, d'où l'emploi du subjonctif. Quant à Descourbes et alii (1999 :204), la concession et l'opposition se confondent si bien qu'on les regroupe habituellement sous le terme d'opposition. Quelle que soit la nature du discours, nous convenons avec Dassi (2005 : 7) que la concession va s'apprécier comme une relation sémantique interpropositionnelle ou interséquentielle ; la séquence étant, de part son étendue, égale ou supérieure à la phrase achevée. Il existe cependant plusieurs types de relation concessive introduite par certains outils linguistiques plurifonctionnels comme, si....que, sans que, sans, si qui introduisent également la conséquence. Pour Oualid (2005 :74), ces connecteurs sont à l'origine de la concession négative, la concession hypothétique et la concession argumentative.

3.1. La concession négative

Dans la concessive négative, le connecteur exprime l'exclusion ou la négation du procès concomitant. Le terme concomitant ici n'a pas, à notre humble avis, le sens de simultané, c'est-à-dire d'un fait qui se produit en même temps que l'autre mais dans le sens de se suivre immédiatement. La nuance réside au niveau de l'écart ou du temps mis par P2 pour se réaliser. La concessive négative se construit avec les connecteurs sans que et sans qui marquent, comme nous l'avons déjà vu, l'absence de cause, de conséquence et maintenant de concession. Mais Riegel et alii (1996 :512), notent que si sans que exprime la négation d'une relation concomitante ou consécutive, c'est non que qui énonce une relation de cause niée ou manquée. L'essentiel est de savoir ce qui motive ou ce qui spécifie chaque emploi de ce connecteur. Les énoncés ci-après permettront de mieux analyser la concessive négative.

10a. [...], en six mois, elle eut chez son couturier une note de cent vingt mille francs. Sans qu'elle eût augmenté son train, [...].(Na, p387) ;

10b. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, sans que le roux ardent de ses cheveux frisés eût pali. (Lbh, p56) ;

10c. Debout, Maheu parlait, sans qu'on pût distinguer un seul mot.

(Ge, p240) ;

10d. Les parents étaient là, et il gardait en outre pour elle un sentiment d'amitié et de rancune, qui l'empêchait de la traiter en fille qu'on désire, au milieu des abandons de leur vie devenue commune, à la toilette, aux repas, pendant le travail, sans que rien d'eux ne leur restât secret, [...].(Ge, p158).

En [10a], en fait, la note du couturier qui s'élève devrait être la conséquence réelle de l'augmentation du train de vie de Nana ; l'emploi de sans que causale exprime plutôt une cause qui n'a pas eu lieu comme l'aurait exigé la logique. Dans le monde référentiel en fait, pour que la note soit élevée, il faut qu'il y ait eu plus de commandes de marchandises ou tout autre fait, générateur de dépenses. Or l'énoncé exprime que P1 n'est pas le motif qui détermine P2, ce que traduit le connecteur sans que P2. En toute logique, rien ne justifie plus P1, car la relation qui est censée l'induire est rejetée, ce qu'exprime bien la locution non que,

10a'. [...], en six mois, elle eut chez son couturier une note de cent vingt mille francs. Non qu'elle eût augmenté son train, [...]

On est dans l'expression de la logique contraire ou de la cause inverse ; la cause n'est pas valorisée parce qu'elle n'a pas abouti, il s'agit d'une fausse cause. Le subjonctif, ordinairement mode de la virtualité, vient renforcer ce trait négatif de la cause. Et les Le Bidois (1935 : 463) de dire

la causale amenée par non que ou ce n'est pas que est au subjonctif. Ces locutions supposent en effet une intervention de la sensibilité : le locuteur ne se contente pas de nier la causalité, plus ou moins énergiquement, il nie ou conteste la réalité même du fait, et ce nisus de la pensée s'exprime alors par le mode de l'énergie psychologique. Dès que reparaît la locution parce que, le mode de l'expression logique reparaît en même temps. Et l'indicatif s'impose même quand parce que est suivi de non. L'esprit ne proteste plus, il se borne à expliquer, tranquillement, que la cause énoncée n'est pas vraie.

Sur le plan argumentatif, le locuteur veut montrer que la justification au fait asserté se trouve ailleurs. Et ceci peut être implicite ou présenté dans le contexte et laisser à l'appréciation du lecteur. Dans le cas de [10a], en effet, la cause réelle de la note élevée (cent vingt mille francs) se trouve dans cet énoncé :

11. [...] Julien exigeait des remises chez les fournisseurs, les vitriers ne remettaient pas un carreau de trente sous, sans qu'il en fît ajouter vingt pour lui [...]. (Na, p.387).

On peut donc comprendre que c'est parce que Julien, le cuisinier, surfacturait les livraisons ou les réfections que la note était élevée. Dans ces conditions, [10a'] peut être complété tout naturellement par [11] : en six mois, elle eut chez son couturier une note de cent vingt mille francs. Non qu'elle eût augmenté son train, [...], mais parce que Julien exigeait des remises chez les fournisseurs, les vitriers ne remettaient pas un carreau de trente sous, sans qu'il en fît ajouter vingt pour lui. On constate tout simplement que sans que causal est moins contraignant, le locuteur s'en remet aux connaissances encyclopédiques et épistémiques du co-locuteur. En d'autres termes, avec sans que, la justification n'est pas nécessaire pour que le sens de l'énoncé soit complet ; l'explication est implicite. Le locuteur ne veut prendre aucun risque, en fournissant une explication qui peut être contestée. Il laisse au co-locuteur la charge de la chercher ou de la formuler.

En revanche, dans [10b], l'expérience montre que plus l'homme avance en âge, plus son aspect physique change. C'est ainsi que les rides peuvent apparaître, les cheveux grisonnent. Avec l'emploi de sans que concessif le sémantisme de la négation que contient la locution lui permet de nier le résultat logiquement attendue ; par là le locuteur dédit la relation argumentative. En outre, pour lever l'ambiguïté que provoque l'emploi de sans que, on peut le commuter, dans l'expression de la concession, par alors que ne pas, comme le signale Muller (1991 : 403), avec une modification au niveau du temps verbal de la subordonnée :

10b'. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, alors que le roux ardent de ses cheveux frisés n'avait pas pâli.

10b''. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, bien que / quoique le roux ardent de ses cheveux frisés n'eût (pas) pâli.

L'adverbe de négation permet d'établir que la conclusion attendue n'a pas été tirée. La commutation avec le marqueur bien que associé à l'adverbe de négation ne pas, montre que la concession négative fait partie de la concession logique qui est introduite par bien que. Relation logique que Morel (1996 : 6-7) perçoit comme une vision préétablie de la relation entre les éléments mis en présence, ou du moins un accord tacite entre les locuteurs sur cette relation. Ce qui se vérifie bien avec la relation décrite dans l'énoncé [10b]. En effet, entre A/B1 : la quarantaine approchait et B / non B : le roux ardent de ses cheveux frisés eût pali. Le connecteur vient nier la conséquence qui aurait dû normalement avoir lieu. La relation normale, sous-jacente, était de voir les cheveux porter le poids de l'âge. Le recours à la concession dit Morel (op cit) permet donc au locuteur d'imposer la relation implicite qui lie les deux énoncés en présence. En permutant sans que par non que dans [10b], l'énoncé n'est plus recevable comme on le constate :

10b*. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, non que le roux ardent de ses cheveux frisés eût pâli.

10b'''. Il ne veillait point, la quarantaine approchait, non parce que le roux ardent de ses cheveux frisés avait pâli, mais....

La cause manquée introduite par le connecteur non que est inadaptée dans cet emploi ; ce n'est en effet pas, parce que P2 : le roux ardent de ses cheveux frisés ne pâlissait pas que l'effet dans P1 : la quarantaine approchait a eu lieu. L'inacceptabilité de cet énoncé vient, nous le pensons, du fait que la cause qui devait même être suivie de l'effet n'est pas logique ; avec l'emploi de la locution conjonctive non que, l'on s'attend toujours à une justification qui vient pallier celle qui est récusée par non que, comme nous l'avons vu avec [10a et 11]. Nous pouvons déduire que sans que dans [10b] introduit une conséquence manquée.

La même analyse est valable pour [10c], il est en effet incompréhensible, dans le monde référentiel, que l'on puisse parler sans qu'aucun mot ne soit distingué. Sur le plan dialectique, on parle non seulement pour que les mots soient distingués, mais surtout pour se faire comprendre. Par le connecteur sans que, le locuteur admet qu'il existe un obstacle ou une opposition à la réalisation d'un fait, sans que cette opposition annule la réalité du fait exprimé. Cependant, en remplaçant sans que par un connecteur factuel de conséquence suivie de la négation, comme c'est le cas dans [10c' et c''] :

10c'. Debout, Maheu parlait de manière qu'on ne pût (pas) distinguer un

seul mot ;

10c''. Debout, Maheu parlait bien que/quoiqu'on ne pût (pas) distinguer

un seul mot.

on constate une altération du premier sens. La subordonnée exprime déjà le but ou la conséquence voulue dans [10c'], bien que le fait de départ soit le même. Il s'agit dans ce cas, non plus de montrer que le fait présenté n'a pas connu l'issue souhaitée, mais de montrer que la visée de départ, c'est-à-dire la façon de parler ou encore la qualité associé au parler de l'agent du fait décrit était d'empêcher la fin d'avoir lieu, donc cette intention était déjà conçue par l'agent du procès décrit dans P1. Pour ce faire, notent les Le Bidois ( 1935 : 463)

la conséquentielle, peut selon les cas, impliquer elle aussi une intension (ou une tension) vers un résultat recherché ou n'impliquer au contraire qu'une conséquence où la volonté n'a aucune part, et qui dépend seulement de la nature des faits. Aussi le mode de la conséquentielle est-il fonction de la pensée : le subjonctif, quant le résultat est voulu, intentionnel, l'indicatif, quand aucune idée de finalité ne se mêle à l'idée de conséquence.

Quelle que soit la désignation : conséquence voulue ou but, le problème ne se pose pas au niveau de la terminologie pour le moment, on constate tout simplement que la concession en sans que est plus proche de la conséquence que de la cause, c'est ce qui se dégage avec l'énoncé [10c'']. Le même énoncé exprime la concession pure, le subjonctif ici étant le mode de la concession, il ne s'agit nullement d'une quelconque visée. Cette commutation est possible parce que nous pensons que l'agent de l'évènement décrit dans P1 étant un humain, il peut manifester une volonté comme dans [9c'] alors que [9c''] apparaît comme une description objective des faits.

En revanche, la commutation de sans que par la locution conjonctive comme c'est le cas dans [10b'*]

Il ne veillait point, la quarantaine approchait, de sorte que le roux ardent de ses cheveux frisés ne pâlissait pas.

Rend l'énoncé inacceptable parce que, logiquement on ne voit pas le rapport direct entre le fait décrit en P1 : la quarantaine approchait et celui de P2 le roux ardent de ses cheveux ne palissait pas. Donc sans que dans cet usage n'exprime pas une conséquence nié, mais une concession pure comme le démontre la permutation avec les connecteurs, bien que /quoique dans [10b'']. Nous dégageons de cette analyse un constat réel : la locution conjonctive sans que est l'unique connecteur capable d'exprimer toutes ces trois notions : cause, conséquence et concession. Pour une interprétation cohérente du texte donc la cohésion est faite par le connecteur sans que, le co-énonciateur tout comme le lecteur s'approprie le texte et, grâce à sa culture générale et à ses connaissances scientifiques, il sait à quel moment interpréter les marqueurs sans que ou sans comme pour exprimer une nuance de la causalité. C'est pourquoi Rossari et Jayez (1997 :233) affirment que les emplois des connecteurs peuvent être déterminés soit à partir d'un noyau sémantique dont on essaie de les dériver, soit à partir d'un système de contraintes mutuellement indépendantes. Ces auteurs reconnaissent explicitement que l'étude des connecteurs de conséquence requiert la combinaison de plusieurs approches : syntaxique, sémantique et pragmatique. Le danger que nous pressentons réside justement au niveau de cette interprétation qui a une connotation subjective, Nølke (1993 : 36) Aussi la cohérence peut-elle être diversement appréciée selon qu'on est auteur, lecteur, ou analyste du discours. En d'autres termes, il appert que les connecteurs sans que et sans, connecteurs suspects comme nous venons de le constater, sont employés à dessein par le locuteur. Ils lui permettent, tout comme l'implicite de brouiller ses pensées et de prévenir des interprétations osées.

Par ailleurs, Oualid (2005 :74) relève que lorsque les sujets sont coréférentiels, sans que cède sa place au connecteur sans qui est suivi de l'infinitif. Pour Morel (1996 :87), il existe deux types de construction infinitive avec sans : avec le premier type, le groupe prépositionnel est antéposé au sujet de la proposition principale et est paraphrasable par une subordonnée introduite par bien que ou par même si ; le deuxième type présente un groupe prépositionnel postposé à la principale  où le sens de la relation concessive est variable. Dans ce cas, la paraphrase dépend de la nuance concessive qui se dégage de l'interprétation de l'énoncé. Si l'on est en face d'une concession logique, c'est la première proposition qui est paraphrasable par une subordonnée, ou le groupe prépositionnel lui-même dans le cas d'une concession rectificative. Cependant l'auteur souligne qu'il est parfois impossible de trancher.

Nous n'avons toutefois pas d'occurrence du premier type dans notre corpus ; par contre l'énoncé [12] nous permet d'illustrer notre propos pour ce qui est du deuxième type :  

[...], la Régie n'osant plus faire la sourde oreille, deux des régisseurs avaient daigné venir pour une enquête, mais d'un air de regret, sans paraître s'inquiéter du dénouement [...]. (Ge, p362).

L'énoncé présente l'attitude de la Régie, instance dirigeante des Compagnies minières. Depuis la grève des mineurs, elle ne s'était gênée ni pour trouver une solution à la grève ni pour mener les enquêtes  puisqu'elle avait la ferme conviction qu'elle aurait encore le dessus. Cependant, ce mouvement d'humeur perdure et la Régie se voit obligée de se remuer, ne serait-ce que pour la forme. En toute logique, les régisseurs devaient prendre cela au sérieux, et s'inquiéter de la tournure persistante que prend la grève. Ce qui transparaît donc lorsqu'on paraphrase la première proposition par la subordonnée comme suit :

12'. [...] bien que deux des régisseurs eurent daigné venir pour une

enquête, [...], ils ne paraissaient pas s'inquiéter du dénouement ;

12*. La Régie n'osant plus faire la sourde oreille, deux des régisseurs avaient daigné venir pour une enquête, mais d'un air de regret, de façon à ne pas paraître s'inquiéter du dénouement.

Selon la grille d'approche de l'auteur, cette concession est logique. La locution conjonctive unit deux propositions et cette association selon Morel (op cit : 24)

marque doublement le fait que l'énonciateur n'est pas à l'origine du jugement énoncé dans la subordonnée, mais qu'il y apporte malgré tout son assentiment, en tant qu'argument destiné à faire ressortir la thèse qu'il va soutenir dans la proposition principale qui suit.

Ainsi les deux propositions sont le fruit d'une seule énonciation. Mais la concessive est présentée comme ayant fait l'objet d'une assertion préalable par un autre énonciateur, assertion à laquelle l'énonciateur principal souscrit puisque la subordonnée garde le même support énonciatif que la principale. Sans toutefois revenir sur la valeur de l'infinitif qui a déjà fait l'objet d'une analyse au chapitre II, nous rappelons tout de même qu'il permet de ne présenter du procès qu'une image virtuelle sans l'actualiser. Combiner à la préposition négative sans, le groupe prépositionnel exprime une concession négative, tout comme sans que, et la concessive négative est celle qui démontre que la logique n'est pas respectée.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite