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Une approche socio-historique de la violence au XIXème siècle: le cas d'une conspiration à  Lyon en 1817

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par Nicolas Boisson
Université Pierre Mendès France Grenoble - Master recherche 2008
  

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II-4. Le plan des conjurés : quelle version croire ?

L'objectif de ce point sera de montrer la certaine confusion dominant les finalités et le plan d'action de la conspiration du 8 juin 1817. Pour ce faire, nous commencerons par illustrer la discordance des voix prévalant au sein des chefs de la conjuration et/ou apparaissant lors de la confrontation avec la justice. Nous observerons ensuite les querelles et les luttes d'influences suscitées par l'affaire au sein même des royalistes. Enfin, nous reviendrons brièvement sur la thèse de la provocation policière.

II-4.1 La discordance des voix

La discordance des voix des conjurés quant aux objectifs et aux moyens de leur entreprise secrète fut pour moi frappante à la lecture des comptes rendus de la Cour prévôtale. Cette confusion régnante était-elle dés l'origine liée aux divergences dans les motivations des chefs du complot ou résulta-elle de la confrontation avec la Cour prévôtale ? Nul ne peut y répondre. Il nous faudra alors garder à l'esprit qu'il existait bien plusieurs réalités différentes de cette affaire.

Dans ses formes prises lors des séditions, le complot du 8 juin 1817 apparaît comme un complot militaire bonaparto-républicain. Certains insurgés s'affublaient de titres d'officiers, comme Jacquit qui se déclarait lui-même du titre de colonel lorsqu'il partait dans les campagnes organiser le mouvement260(*). Madame Lavalette, en charge de coordonner le mouvement avec la capitale, recevait des généraux. Il existait un code de l'honneur, un peu comme dans l'armée, avec le serment du poignard. Une justice interne avec le fameux tribunal secret, l'armée aussi dispose de ses propres juridictions. Mais surtout le plan d'attaque était réellement de type militaire, avec ses différents postes d'assaut dans la ville, l'usage de canons pour sonner le départ des insurrections dans les campagnes, une stratégie de la surprise...

Mais malgré cette mécanique de fonctionnement apparemment réglée, face à la Cour prévôtale, les témoignages révèlent une certaine confusion dans les desseins des conspirateurs. Ainsi Barbier affirme lors de son interrogatoire par le juge à propos du nouveau dirigeant du pays qu'ils installeraient une fois le pouvoir pris : « Tantôt on parlait de la Belgique, du Prince royal des Pays-Bas qui devait régner sur la France. Tantôt on annonçait que les Allemands faisaient des préparatifs de guerre, et se disposaient à placer sur le trône le fils de Napoléon, l'Aiglon. »261(*). Ensuite, apparaissent aussi des divergences de vues au sein des chefs du complot sur la stratégie à adopter. On apprend ainsi que Jacquit était chargé de coordonner l'action dans les campagnes, mais que les autres conjurés étaient contre l'idée de mener le mouvement à partir des campagnes262(*). De même, Barbier qui était pourtant « haut placé » dans la hiérarchie de la conspiration, ne peut indiquer l'origine de l'argent distribué aux chefs de l'entreprise. Il en va de même pour le tribunal secret chargé de punir les traîtres. Personne au sein du complot ne savait si il s'agissait d'une rumeur ou d'une réalité. Certains conjurés selon Barbier pensaient que la répression venait des Autorités elles-mêmes, le bruit courant que des proches du roi lui-même étaient aussi mêlés au complot263(*)... Et Barbier le reconnaît lui-même : « un grand nombre de faux bruits » accompagnait les plans du complot264(*). Ensuite, se pose la question de l'intimidation des prévenus par la Cour prévôtale, impatiente d'aveux horribles. Le juge tente de faire avouer à Barbier de plus larges intentions criminelles des conjurés.

La Cour prévôtale : « N'était-il pas question de sacrifier les prêtres, les nobles, et un mot, tous ceux qui étaient dans le cas de s'opposer aux desseins des conjurés ? »

Barbier : « Ces horreurs ne sont jamais entrées dans nos projets. »265(*).

Enfin, Barbier n'avait aucune connaissance de l'origine des ordres supérieurs qu'ils recevaient. C'est d'ailleurs l'argument central de la défense des avocats des conjurés : la manipulation de la plupart des conjurés par quelques têtes pensantes du complot.

Ainsi, la manipulation s'opérait aussi au sein des conspirateurs. Pour exemple, lors de la séance du 28 octobre 1817 de la Cour prévôtale, le conjuré Richon soutient que c'est Meyer qui l'a instruit du complot, que Meyer, selon un autre conjuré, Granger, aurait assuré à Richon que le complot serait « d'une réussite infaillible...que le pain serait après à bas prix...que Napoléon monterait sur le trône. ». Mais Richon nie devant la Cour l'affirmation selon laquelle on lui aurait parlé de Napoléon. En bref, face à la justice, les prévenus se « chargent » entre eux266(*). De même, Gros-Jean affirme que jamais on ne lui parla de renverser le Gouvernement267(*)... Il en va de même lors de l'interrogatoire de madame Lavalette, qui nie l'envoie de lettres à des chefs du complot alors qu'on lui les tend lors de l'audience.

Nous observons donc un certain flou quant aux motivations réelles des conjurés. Mais surtout la mise en situation de tension opérée par le tribunal, les prévenus risquent la peine de mort, rend les témoignages hasardeux, toujours sujets à l'affabulation ou au mensonge.

Abordons donc cette fois les querelles et les luttes d'influences au sein des royalistes, et ce notamment suite aux révélations du colonel Fabvier et du lieutenant de police Sainneville.

* 260 Voir « Conspiration de Lyon en 1817 : Procédure... », op.cit, BM Lyon Part Dieu, fond ancien, côte 354164, p.5, 6.

* 261 Aveux de Barbier, « Conspiration de Lyon en 1817 : Procédure... », op.cit, BM Lyon Part Dieu, fond ancien, côte 354164, p.14, 15.

* 262 Voir toujours les aveux de Barbier, ibid., p.17. Barbier ajoutant même : « Jacquit veut nous perdre, si il commet cette imprudence. », ibid., p.17.

* 263 Voir toujours les aveux de Barbier, ibid., p.21, 22.

* 264 Barbier, ibid., p.21, 22.

* 265 Toujours les aveux de Barbier, ibid., p.22.

* 266 Voir la séance du 28 octobre 1817 in « Conspiration de Lyon en 1817 : Procédure... », op.cit, BM Lyon Part Dieu, fond ancien, côte 354164, p.32, 33.

* 267 Interrogatoire de Gros-Jean, séance du 28 octobre 1817, ibid., p.34.

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