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Une approche socio-historique de la violence au XIXème siècle: le cas d'une conspiration à  Lyon en 1817

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par Nicolas Boisson
Université Pierre Mendès France Grenoble - Master recherche 2008
  

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CONCLUSION

Au terme de cette étude, retenons tout d'abord que cet événement local, assez peu connu de l'historiographie consacrée à la Restauration française, révéla incontestablement la grande crainte et la fragilité du régime de Louis XVIII. En effet, comme nous l'avons précédemment traité, la dimension exagérée prise par les répressions militaro-policières et judicaires de ces troubles du 8 juin 1817 confirme ce constat. Ce nouvel épisode de violences collectives lyonnaises fut l'occasion pour les élites ultraroyalistes de la ville d'imposer leur domination face aux critiques des camps des constitutionnels et des libéraux, en déployant leur influence politique par le biais d'une police militaire à leur solde et d'une justice complaisante. Cependant, les ultras lyonnais ne parvinrent pas éviter le scandale de leurs manipulations politico-administratives, grâce au courage du lieutenant de police Charrier-Sainneville et à sa conscience professionnelle, aux investigations alors facilitées du colonel Fabvier, et aussi à la défense des accusés par la figure politique montante du camp constitutionnel lyonnais : Camille Jordan. Cette étude a montré la complexité des lectures possibles de ces troubles politiques. Ceci nous a donc amené à parler de plusieurs réalités possibles de la conspiration du 8 juin 1817, en montrant comment celle-ci prit place dans un contexte d'incertitudes et de tensions politiques propre aux premières années de la seconde Restauration, mais aussi de crise économique et sociale aigue dans la région Rhône-Alpes.

Nous sommes parvenus ainsi à révéler les multiples réalités de ces troubles en analysant la multiplicité de leurs facteurs causaux. Nous avons pu ainsi rappeler le poids important, qui s'avéra certainement être le facteur déclencheur, de la crise des subsistances des années 1816-1817. Ce premier facteur explique certainement la forte mobilisation populaire des campagnes entourant la ville de Lyon aux séditions orientées contre les maires ultras et les curés. Le contexte d'affrontements électoraux entre ultras et modérés, constamment attisés par les échéances électorales du renouvellement annuel d'une partie de la Chambre, le souvenir encore récent et douloureux de la sévère répression par le parti et les bandes ultras à l'égard des populations affilées au jacobinisme et au bonapartisme, ont donné une autre réalité plus politique à ces troubles. De là, nous nous sommes interrogés sur la pertinence de leur affiliation à une entreprise politique secrète, une conspiration ou complot. Ce questionnement a pu trouver des éléments de réponses à partir de la consultation des archives relatives à ces événements dans le département du Rhône. Nous avons pu ainsi rappelé l'existence d'un projet de conspiration visant à renverser le gouvernement royal. Cependant, l'étude de ces traces historiques mit aussi en évidence la déformation, la provocation, bref la manipulation de ces desseins clandestins, par les autorités ultras locales selon une stratégie classique de diabolisation du complot politique, phénomène très « médiatisé » par la propagande ultra en ces années. Ces multiples réalités de la conspiration du 8 juin 1817 une fois présentées, nous avons choisi de nous focaliser sur le traitement policier et judicaire de cette affaire, qui indéniablement participa à la définition même de ces troubles sous le registre diabolisé du complot politique. En somme, nous nous sommes livrés à une fine analyse des usages politiques de la violence au sein des conjurés et des forces de la répression (police et justice). Cette analyse a révélé l'existence et l'usage de technique de cohésion et de préservation du secret au sein de la conspiration. Nous avons présenté à cette occasion la sacralisation de l'entreprise avec notamment ses aspects rituels. Ensuite, nous avons retracé les irrégularités peu surprenantes du traitement policier et judicaire. Cela nous a amené entre autres à présenter l'arsenal policier du régime avec notamment la surveillance et les interventions d'une police politique. De même, nous avons pu illustrer les dérives d'une justice partiale, déjà soumise à l'analyse critique d'un Camille Jordan ou d'un François Guizot, dont nous avons présenté ses positions les plus pertinentes sur le sujet. Cela nous a amené enfin à démontrer comment le renouement des forces politiques progressistes avec l'action politique clandestine allait légitimement se développer sous des régimes de réaction politique sévère, dés lors que les accès à l'espace publique et l'arène politique demeuraient restreints par le parti ultra.

Il nous faut donc retenir que cette conspiration provoquée et donc manquée du 8 juin 1817 prit place après d'autres aventures politiques de ce type, comme la conspiration déjouée de Grenoble menée par Paul Didier en 1816, et préfigura d'autres complots politiques plus élaborés, comme la conspiration du 19 août 1820 de l'Union, et surtout les luttes clandestines de la Charbonnerie française, milice secrète libérale.

Nous avons pu ainsi montrer que, bien plus que de simples « coups de force » politiques, ces complots sous la Restauration française se multiplièrent précisément comme des manifestations légitimes d'une opposition politique difficile au sein d'une France « verrouillée » par les Bourbons.

Le cadre spatial de cette étude nous a rappelé aussi la singularité politique de l'événement. Ces troubles s'inscrivant dans l'histoire mouvementée des violences collectives lyonnaises depuis la Révolution. Au cours de cet épisode, il faut donc aussi retenir le rappel des configurations politiques singulières des Lyonnais. La réaffirmation de l'attachement de la ville à son identité « modérantiste », en bref de rejet d'extrémismes politiques imposés de l'extérieur, s'est manifestée par les convergences politiques surprenantes de forces politiques émancipatrices que furent des bonapartistes, des révolutionnaires et des libéraux.

On vit ainsi se manifester la nostalgie bonapartiste de séditieux, rappelant le lien émotionnel historique particulier entre Lyon et l'Empereur. Mais en cette journée du 8 juin 1817, éclata aussi au grand jour la force des symboles d'une Révolution de 1789, dont certains ne désespéraient pas de voir enfin la concrétisation politique.

Enfin, cette conspiration devint aussi un des chevaux de bataille du camp modéré, avec Camille Jordan prenant pour le camp des constitutionnels la défense des conjurés. Ainsi, dans une réponse à un discours sur les troubles de Lyon prononcé à la Chambre dans la séance du 22 avril 1818, Camille Jordan, député de l'Ain, rappelle que ces complots bonaparto-républicains ne peuvent être que compréhensibles face au fiasco permanent des débats sur la Charte et de l'instabilité politique qu'ils génèrent : « Mais à qui fut la faute première et sans excuse ? Ne fut-elle pas à ceux qui l'entretinrent dans l'ignorance sur l'état d'un tel pays, qui l'encouragèrent dans cette conduite incertaine, qui eussent poussé de si vives clameurs si on leur avait appliqué ce système d'épuration dont ils avaient donné l'exemple ? »369(*).

Dés lors, cette conspiration illustra de même les résonances entre luttes politiques et luttes sociales au XIXème siècle. La crise des subsistances de 1817 termina de pousser des populations fragilisées de Lyon et ses campagnes à l'insurrection. En 1831, les conditions de travail déplorables des canuts les amèneront aussi à prendre les armes.

* 369 « Réponse de M. Camille Jordan à un discours sur les troubles de Lyon », Paris, 1818, 32 pages, in Conspiration de Grenoble et de Lyon 1816-1817, BM Lyon Part Dieu, fond ancien, tome 2, cote IF 436/T2, p.11.

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