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De l'image du président dans les trois derniers romans de Mongo Beti

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par Jean Baptiste NTUENDEM
Université de Dschang - Master II 2013
  

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RESUME

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La problématique de la déliquescence systématique de l'image de la classe dirigeante des Etats africains francophones de la post colonie et plus précisément celle du chef de l'Etat en personne est de plus en plus une grande préoccupation de la littérature africaine francophone qui la pose avec une nouvelle forme de liberté de ton et d'écriture.

Si d'habitude, du point de vue de la société mise en texte le Président de la République revêt les attributs d'un Dieu incarné, attributs forgés par l'appareil idéologique qui travaille son image à savoir : les orateurs attitrés, les intellectuels organiques, les écrivains, la presse gouvernementale et internationale, nous découvrons toutefois chez les auteurs africains francophones une écriture réaliste, teintée d'humour, d'ironie et de satire, qui déconstruit systématiquement cette pseudo-image divine et qui la projette sous des formes extrêmement dégradées. Mongo Béti fait partie de ces écrivains qui font du Président d'une République dite bananière, un véritable matériau littéraire qui structure ses trois derniers romans : L'Histoire du fou (1994), Trop de soleil tue l'amour (1999) et Branle-bas en noir et blanc (2000).

Mots clés : Président -Chef de l'Etat -Dictateur- Despote -Tyran-République bananière.

Abstract:

The issue of the systematic destruction of image of the ruling classe in postcolonial francophone African States and particularly that of the head of State is more preoccupying in freedom of tone and writing.

If the societal writings consider the president of the Republic as a god , consideration brought in the ideology in place ,which works out his image :good orators ,intellectuals,writers,the governmental and international Media ,we however discover realistic pieces of writings with francophone African Writers, made up with humour,irony and satire which systematically deconstruct the pseudogodly image thus excessively degrading . Mongo Beti is one of the writers who makes the president of the Republic considered as a «République bananière»,a genuine literary tool structuring his last three

novels : L'histoire du fou (1994), Trop de soleil tue l'amour (19991),and Branle bas en noir et blanc (2000)

Key words :

President -Head of State -Tyran -Dictator - Despote « République bananière ».

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INTRODUCTION

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Beaucoup de textes de Mongo Beti représentent le peuple africain en proie à une double force oppressive : celle des vieillards alliés des colons, .et celle des nouveaux dirigeants qui s'illustrent comme des dictateurs fourbes. Christian Monnin qui a perçu ces enjeux dans Ville cruelle révèle ceci : « Il faut encore se pencher sur les liens qui unissent les deux types d'oppression et qui font parfois des vieillards les alliés objectifs du pouvoir blanc. » ( Monnin 1999 :7) Autre enjeu très perceptible, c'est la subordination des chefs traditionnels aux colonisateurs : « ...il est logique que les chefs traditionnels soient aux ordres du colonisateur, comme le dit l'oncle maternel de Banda » (Monnin : 7). Avec les romans écrits après son retour d'exil, actualité oblige, Mongo Beti a une nouvelle perception de la réalité socio-politique de l'Afrique noire francophone postcoloniale. Sa fiction romanesque s'enrichit de nouvelles analyses de la manière dont les hommes politiques exercent leurs pouvoirs et gèrent la chose publique et les hommes. Au centre de ces préoccupations : la décolonisation manquée, la problématique de la gestion des nouveaux ordres politiques que sont : l'indépendance, la chute du mur de Berlin, le discours de la Baule et les transitions démocratiques. Qui sont ceux-là que l'ancienne métropole a choisis pour jouer ce délicat rôle et pour conduire à bon port le gouvernail des nouveaux Etats ?

L'objet de cette modeste réflexion est de noter chez l'écrivain Mongo Beti, un portraitiste qui amorce avec force humour et ironie le renouvellement de la perception du pouvoir dans la fiction romanesque africaine en cette aube de troisième millénaire.

I-HERITIERS DU POUVOIR COLONIAL ET DICTATEURS TYRANS

De prime à bord, lorsque nous lisons Mongo Beti dans ses trois derniers romans, l'image qui se dévoile des chefs d'Etat de l'Afrique noire francophone est celle des dignes héritiers du pouvoir colonial dans un contexte de décolonisation manquée. Ces derniers qui règnent en dictateurs aveugles sur leur peuple muselé et timoré sont malheureusement

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réduits eux- aussi par leurs maîtres tapis dans l'ombre à un rôle piteux de pantins au service du rayonnement exclusif de l'ancienne métropole.

1-1- Héritiers marionnettes

Chronologiquement, L'Histoire du fou, roman publié en 1994, remonte aux sources de l'indépendance du Cameroun, à en juger par la palette d'événements historiques et par l'emploi des datations chiffrées. Le narrateur montre ici, avec force emphase, le rôle historique de la France, championne des manoeuvres de basse besogne, dans la désintégration et dans l'installation au pouvoir d'un « dictateur complaisant » :

Ce fléau ( la délation) n'avait cessé de dévaster la jeune République depuis son indépendance proclamée le 1er Janvier 1960 dans le tumulte, la discorde et le sang, trois malédictions dont le mariage maléfique allait infliger tragédie sur tragédie à notre peuple (...) Trop heureuse de saisir enfin l'occasion d'une revanche facile sur ses déboires asiatiques, l'ancienne métropole jeta dans la balance son expérience de manoeuvrière à la fois politique et militaire : elle installa un dictateur complaisant et lui fit endosser une guerre civile larvée. ( Mongo Beti 1994 :13)

L'oeuvre s'ouvre sur l'ère Ahidjo au Cameroun, avec l'évocation de la date historique de l'indépendance du Cameroun, le 1er janvier 1960. Par ailleurs, la liberté de ton choisie par l'auteur se lit dans sa volonté de dénoncer par des périphrases à connotation péjorative les manoeuvres politiques et militaires de cette France qui n'est pas explicitement dénommée ici, et le nouveau chef d'Etat dont la première désignation revêt déjà un caractère dépréciatif : « un dictateur complaisant ».

En effet, le dictionnaire universel définit le dictateur en ces termes : « homme politique qui exerce un pouvoir absolu, sans contrôle.» (Dictionnaire universel 1995 : 359) C'est d'ailleurs sous cette appellation que le chef de l'Etat sera régulièrement mis en texte dans notre corpus.

Comme le montre le narrateur à l'aide de l'image mythologique « enfer », et la périphrase : « Pantin » de l'hyperbole : « les ruses les plus révoltantes », et du paradoxe « le langage de la haine et celui de la réconciliation » .le chef de l'Etat qu'il se refuse de dénommer ici « cet homme », n'est qu'un véritable pantin rusé et extrêmement violent :

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Chacun, et sans doute lui-même le premier, sentait que cet homme s'était condamné à l'enfer de la fuite en avant interrompue, pantin interchangeable, loufoque et pourtant tragique, parant toujours au plus pressé, il devait désormais accumuler ces ruses les plus révoltantes (...) tenir tour à tour mais dans un même élan le langage de la haine et celui de la réconciliation, invectiver un jour pour supplier le lendemain, prodiguer de la main gauche ce qu'il retirait de la main droite, ou vice-versa. (Mongo Beti : 185)

Pour les exilés de retour d'exil, ces dictateurs ne sont que des marionnettes :« la foule avait eu la révélation soudaine de ce que les intellectuels exilés, auparavant taxés d'extrémisme, répétaient depuis toujours : ses dirigeants étaient autant de marionnettes dont les ficelles étaient tirées par l'étranger. » (Mongo Beti : 95)

« L'étranger » ici renvoie à l'ancienne métropole, pour ne pas citer la France. D'ailleurs, cette France fait office de protectrice desdits pantins :

Lui-même excepté, sans doute aussi ses protecteurs de l'ancienne métropole, chacun présentait maintenant que le destin du dictateur, instrument d'un monde présomptueux, dont il incarnait si bien l'aveugle entêtement et la déshumanisation, était de se fracasser un jour contre le mur. (Mongo Beti : 186)

L'image de l'apprenant pantin resté sous l'emprise tutélaire d'un maître reste très visible dans le texte de Mongo Beti qui, puisant dans la réalité, fait dire à Moustapha, l'un des personnages de Branle-Bas :

Ecoute ceci : quand ce nullard de chef de l'Etat, tu sais, le meilleur élève de Français Mitterrand, pressé par le FM, a décidé de nous sucrer les trois quarts de nos salaires, des collègues nous ont proposé de former un syndicat et d'entreprendre un bas avec le régime, sous forme de grève illimitée. (Mongo Beti 2000 : 205-206)

Cet héritage colonial et cette extrême dépendance des Présidents marionnettes ont amené Ambroise Kom à se poser la question de savoir : « l'aliénation culturelle suffit-elle à expliquer la fidélité avec laquelle les héritiers successifs du pouvoir colonial continuent de servir les intérêts métropolitains ? » ( Kom 2000 : 8-9)

Jérémie Kroubo Dagnini, dans une étude des dictatures et du Protestantisme en Afrique noire depuis la décolonisation, atteste avec force détails ce pouvoir que les dictateurs ont hérité de l'ancienne métropole. « Mis au pouvoir par l'entreprise pétrolière ELF, de l'aveu même de son PDG (de 1989 à 1993),Loik Le Floch Prigent ,

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Paul Biya succéda au président Ahmadou Ahidjo, qui avait été lui-même mis en place par Jacques Foccart. » ( Kroubo Dagnini 2008 : 121)

Il ne fait aucun doute que les dictateurs africains d'une génération à une autre sont des purs produits de la France. C'est ailleurs ce que Monkam Yvonne-Marie perçoit très

bien de ses lectures de Mongo Beti lorsqu'elle affirme : « D'après Mongo Beti, la déconfiture multidimensionnelle de l'Afrique francophone est le fait d'une décolonisation avortée, la France ayant usé de ses astuces pour maintenir sa présence et son pouvoir sur le continent noirs. » ( Monkam 2009 : 67)

Il se dégage de ces analyses, l'image des héritiers du pouvoir colonial. Il apparaît que ce sont de véritables pantins à la solde du maître- manipulateur et manoeuvrier. S'il

est vrai que ces postiches tirent leur pouvoir non du peuple, mais du bienfaiteur colonial, il ressort que la confiscation ou l'exercice absolu de ce pouvoir fait d'eux de véritables

dictateurs sanguinaires et de tyrans fourbes et sournois.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld