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Borderline, symptôme du système individualiste


par Amélie Doste
Université de Rouen Normandie - Master 2 psychologie clinique et psychopathologie  2024
  

Disponible en mode multipage

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    Année universitaire 2023-2024 Master 2 PCPESPR

    MÉMOIRE DE RECHERCHE

    Master 2 Psychologie clinique et psychopathologie _ _

    BORDERLINE, SYMPTÔME DU SYSTÈME INDIVIDUfLISTE

    1k f~

    UFR Sciences de

    II'Homme et de la Societe

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    PUN IVERSITE

    DERRDUES

    Amélie Doste - 21807143

    Sous la direction de Serge Combaluzier

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    2

    Remerciements

    Je tiens à adresser mes sincères remerciements à toutes les personnes qui ont contribué et aidé à la rédaction de ce mémoire.

    En premier lieu, je remercie Serge Combaluzier d'avoir accepté d'être mon directeur de mémoire. Vous avez su me rassurer et m'aider grandement dans la construction de ce mémoire, merci pour votre bienveillance, vos conseils, et mention spéciale à la transmission de votre grande maîtrise des statistiques.

    Je désire remercier Jean-Michel Coq et Teresa Rebelo d'avoir accepté d'évaluer ce travail en participant au jury de soutenance et de prendre le temps pour ce travail universitaire.

    Un remerciement particulier à ma brillante amie Alice Lemarchand, pour son immense soutien et ces échanges autour du sujet de ce mémoire. Sans elle, beaucoup des réflexions présentes dans ce mémoire n'auraient pas émergé. Merci pour ces précieux partages de tes pertinentes connaissances de psychologie sociale et politique.

    Je souhaite remercier Pierre-Yves Carpentier, qui n'as jamais cessé de croire en moi et pour son soutien inestimable. Merci pour ton aide et ton partage de connaissance en psychologie sociale, mention spéciale à la notion de « pouvoir » ainsi que sur l'individualisme. Merci infiniment mon ami.

    Merci à toi Marie-Hélène, pour m'avoir offert un espace de travail paisible, pour ton optimisme sans faille et ton admirable tranquillité générale sur la vie. Merci pour cette sagesse qui a apporté beaucoup d'apaisement à cette période déterminante de ma vie.

    Je remercie ma mère et mon frère de m'avoir autant soutenu et toujours encouragé dans cette recherche, dans cette voie, de m'avoir redonné la motivation dans les moments de doute les plus difficiles, d'avoir toujours cru en moi et de m'avoir toujours poussé vers le haut. Merci de votre écoute active, même si parfois vous ne compreniez rien à ce que je racontais.

    Je remercie finalement mes ami.e.s ainsi que toute la promotion de PCP, pour leur soutien, leur écoute, et les échanges et conseils qu'ils m'ont apporté tout au long de ces intenses années universitaires.

    MERCI

    3

    Sommaire

    I. Revue de la littérature 6

    1. Le trouble de la personnalité borderline 6

    1.1 L'apport de la psychanalyse : les états limites 7

    1.1.1 Adolf Stern 7

    1.1.2 Otto Kernberg 8

    1.1.3 Jean Bergeret : Etat limite et Idéal du Moi 9

    1.2 Le concept de limite dans la psychanalyse contemporaine 10

    1.2.2 Les mécanismes de défenses de la personnalité limite 12

    1.3 Le modèle alternatif de la personnalité (MATP) 18

    1.3.1 Le trouble de la personnalité borderline selon le MATP 20

    1.3.2 Critères diagnostiques proposés avec le MATP 20

    2. Le système de valeurs 22

    2.1 Shalom Schwartz 23

    2.2 La définition des valeurs selon Schwartz et all 23

    2.2.1 Les dix valeurs universelles selon la théorie de Schwartz 24

    3. L'individualisme 28

    3.1 Un peu d'histoire... 28

    3.2 Le concept d'individualisme d'un point de vue sociologique : Réflexion et liens 31

    3.3 Lien entre la personnalité borderline et l'individualisme 33

    II. Problématique de recherche 34

    2.1 Objectif de la recherche 34

    2.2 Hypothèses 34

    III. Méthodologie 35

    3.1 Populations de l'étude 35

    3.2 Opérationnalisation des variables 35

    3.3 Protocole 41

    3.4 Aspects déontologiques 41

    3.5 Hypothèses opérationnelles 42

    3.6 Traitement statistique des données 42

    IV. Analyse des résultats 43

    Analyse factorielle confirmatoire 43

    4.1 Description des scores obtenus aux différents outils 44

    4.1.1 Description des scores du groupe significatif au BSL 45

    4.1.2 Test de Student 46

    4.2 Analyse des médiations 48

    4

    4.2.1 Rôle médiateur du trouble de la personnalité borderline (BSL) 48

    V. Discussion 51

    5.1 Les objectifs de la recherche 51

    5.2 Discussions des résultats 51

    5.3 Borderline et la valeur « Pouvoir » 53

    5.3.1 Pouvoir et Identité 53

    5.3.2 Pouvoir et Intimité 54

    5.3.3 Pouvoir et psychoticisme 54

    5.3.4 Le pouvoir : la quête idéalisée des borderlines ? 55

    5.3.5 Borderline et Individualisme 57

    5.4 Principales limites 58

    VI. Conclusion 59

    VII. Annexes 62

    5

    Introduction

    Le quotidien « Le monde » publiait déjà en 2012 un article intitulé « Les borderlines, ces écorchés vifs » et concluait son analyse ainsi : « Notre société moderne hyperconnectée, boulimique d'images, individualiste, favoriserait-elle l'émergence de ce type de personnalité ? »

    C'est un constat moderne, présent de plus en plus dans l'actualité psychologique. Sur les réseaux sociaux, cette étiquette psychopathologique du « Borderline » très répandue et utilisée, marque une prédominante quête identitaire de l'être humain et questionnant... les limites.

    Quel individu n'a pas été amené, à un moment donné de sa vie, à réfléchir à la question des

    limites subjectives et intersubjectives ? Dépassant la stricte définition psychopathologique des

    états limites, la problématique des limites ouvre un champ d'investigations passionnant tant sur

    le plan théorique que clinique.

    Cette étude part de ces constats sociaux, de réflexions, d'échanges, autour de l'impact de la société sur la santé mentale générale d'un individu, puis sur ce trouble de la personnalité limite. Assez présent dans le champ de la psychiatrie, débordant de différentes théorisations, difficile à étiqueter... Cette pathologie interroge,

    En effet, l'individu n'est pas dissociable de son environnement, et son tempérament, sa personnalité, résulte de ce dernier, sans compter les facteurs génétiques. Une vulgarisation et généralisation l'a emporté sur le versant psychopathologique, avec le trouble de la personnalité borderline. En étudiant cette pathologie, j'ai pu faire de nombreux liens entre notre société actuel, dîtes individualiste et ce trouble de la personnalité.

    Mais la tâche n'est pas aisée, l'individualisme étant un large paradigme, nous avons dû centrer sur les outils existants et pouvant être lié à la personnalité : le système de valeurs. Nous avons donc centré notre recherche à visée exploratoire, sur l'existence d'un lien par le biais d'un système de valeurs intériorisé d'un individu, de l'individualisme et du trouble de la personnalité borderline.

    6

    I. Revue de la littérature

    1. Le trouble de la personnalité borderline

    Le mot borderline signifie « limite » et plus littéralement « ligne frontière ». Métaphoriquement, il peut vouloir dire « à cheval » ou « entre deux » c'est à dire à l'intermédiaire de deux pathologies. Il évoque tout à la fois les notions de frontières entre le normal et le pathologique, entre la névrose et la psychose. Difficile de définir un trouble par un terme qui déjà, ne souhaite pas rentrer dans une catégorisation précise. C'est assez représentatif de ce qu'est l'organisation borderline : complexe à définir, parallèlement à la complexité à SE définir pour le sujet.

    « Qu'est-ce qu'une limite pour l'être humain ? » un bord, une frontière, un passage, une enceinte... L'origine étymologique du verbe « limiter » (limitare, -iter) désigne un sentier (limes, -itis) séparant deux étendues. Fin d'un territoire, début d'un autre, la limite permet la définition d'un écart, d'un intervalle, rendant possible l'organisation des éléments pour sortir du confus. (Estellon, V. (2023). Figures et formes des états limites. Le Carnet PSY, H-, 17-24.)

    Sur le plan géopolitique, l'image des "territoires occupés" illustre un espace aux frontières changeantes, divisé entre différentes forces et constamment exposé à des menaces, ce qui ne permet pas aux habitants de s'y sentir en sécurité de manière durable. L'histoire démontre également que lorsque les frontières deviennent perméables, poreuses les individus érigent des murs ; des murs défensifs, des murs de la peur.

    Mais pour l'être humain, où se situent les limites ?

    7

    1.1 L'apport de la psychanalyse : les états limites

    C'est vers la fin du XIX -ème siècle, que la notion d'état limite se développe dans la littérature psychanalytique. En effet, de nombreuses qualifications ont été donné à cette configuration pathologique par de nombreux auteurs, en voici quelques-unes : d'abord considéré comme des « prépsychoses » utilisé par Diatkine, qui renvoie à l'organisation psychique de ce trouble utilisant des mécanismes de défenses psychotiques comme le clivage et la projection sans être psychotique. Guex parlera de « syndrome d'abandon », faisant référence à la peur de l'abandon, l'un des principales critères diagnostique et moteur de cette pathologie. L'appellation la « personnalité as if » de Deutsch est intéressante, donnant la personnalité « faux self » en français, notion de Donald Winnicott. Elle résonne avec la perturbation de l'image de soi du borderline, de leur identité, ainsi que de leurs relations ainsi qu'à la soumission à son environnement. Puis vient les appellations « limites » comme « l'aménagement limite » de Bergeret, « l'organisation limite » de Kernberg ainsi que Widlöcher et « le fonctionnement limite » par Chabert.

    De manière paradoxale et débordante, cette pathologie refuse catégoriquement de se conformer aux modèles qui lui sont présentés, interrogeant ainsi les liens entre la norme et la folie, la vérité et le mensonge, l'amour et la haine, la vie et la mort.

    1.1.1 Adolf Stern

    La première référence importante, car considéré comme le père du trouble borderline, est l'auteur Adolf Stern. Il publie un article s'intitulant « Psychoanalytic Investigation of and Therapy in the Border Line Group of Neuroses » traduit en français sous le titre « Les mouvements transférentiels atypiques chez des névrosés. »

    Pour expliciter ces propos, nous nous appuierons sur cet article ainsi que sur l'ouvrage de Vincent Estellon « Des névroses aux états limites » qui nous parle de ces travaux.

    En effet, dès 1938, Stern étudie des sujets qui présentent des troubles narcissiques et identitaires. Stern s'aperçoit que certains sujets ne peuvent se réclamer franchement de la famille psychopathologique des névroses ni de celle des psychoses. (Estellon, V. (2015). Chapitre 2. Premières descriptions des états limites.)

    En effet, Stern exprime dans son article « qu'un certain flou est à présent inévitable, parce que le matériel que ce groupe offre à étudier débouche nettement dans deux directions précises :

    8

    vers le pôle psychotique et vers le pôle névrotique [...] » (Stern, Adolph. « Psychoanalytic Investigation of and Therapy in the Border Line Group of Neuroses ». The Psychoanalytic Quarterly)

    Pour ce qui est de la description symptomatologique de cette pathologie, Stern insistera sur l'impulsivité et l'anxiété importante chez ces sujets, présentant une insécurité intérieure quasi permanente. Selon lui, les personnalités borderlines se définissent par une idéalisation et une dévalorisation des proches ainsi que de l'analyste lors d'une psychothérapie.

    1.1.2 Otto Kernberg

    L'organisation de la personnalité borderline : la personnalité limite

    Pour l'auteur Kernberg (1967) la personnalité limite est une névrose à expression psychotique. Il considère que c'est une organisation stable et spécifique de la personnalité de type névrotique, mais qu'elle s'en distingue par une expression pulsionnelle archaïque, des mécanismes de défense organisés autour du clivage, de l'idéalisation primitive, de l'identification projective, de l'omnipotence, de la dévalorisation et du déni.

    Le modèle original de Kernberg combine les options catégorielles et dimensionnelles de la personnalité et comporte cinq axes. (Kernberg, O. F. (1989). Les Troubles limites de la per-sonnaliteì.)

    1 - Le degré d'intégration du Moi : le syndrome d'identité diffuse est la dimension fondamentale ; elle conditionne la gravité des distorsions du fonctionnement mental du patient.

    2 - Le degré de développement du Surmoi : il est une conséquence du recours à des modes de défense archaïques centrés sur le clivage. Il constitue l'élément pronostique majeur.

    3 - La gravité du traumatisme ou de l'agression : il s'agit des dysfonctionnements familiaux sévères ainsi que des sévices physiques et sexuels particulièrement graves chez les patients borderline.

    4 - L'axe dimensionnel extraversion/introversion : proche de la notion de tempérament, il serait de nature essentiellement génétique, influençant un mode général des conduites et l'établissement des relations objectales au début de la vie. Il permettrait de définir le seuil des réactions affectives.

    5 - La dysrégulation entre euphorie et dépression : elle serait également une disposition

    9

    d'origine génétique.

    Dans ce modèle, Kernberg a cherché à synthétiser l'ensemble des courants actuels de pensée en matière de trouble de la personnalité. Cela lui permet de classer les différents registres de personnalité sur un continuum dimensionnel allant des prépsychoses au fonctionnement névrotique et d'y intégrer les hypothèses étiopathogéniques classiquement retenues dans la littérature. (Kernberg, O. F. (1989). Les Troubles limites de la personnalité.)

    1.1.3 Jean Bergeret : Etat limite et Idéal du Moi

    Pour le psychanalyste français Jean Bergeret (1975), cette pathologie correspond au contraire à une absence de structuration psychique. Dans son ouvrage « La dépression et les états limites: Points de vue théorique, clinique et thérapeutique. », cet auteur met en lumière les repères de deux lignées :

    · La lignée génitale : OEdipe - Surmoi - conflit génital - culpabilité - angoisse de castration - symptômes névrotiques

    · La lignée narcissique : narcissisme - idéal du Moi - blessure narcissique - honte - angoisse de perte d'objet - dépression.

    Alors que le Surmoi s'exprime par menace de punitions et interdictions, l'Idéal du Moi exerce ses pressions par des promesses d'un avenir meilleur. Pour exemple l'auteur Zucker (2012) explique que cet Idéal du Moi pourrait être le discours parental introjecté du type : « Fais encore plus et peut-être mériteras-tu mon amour. »

    Le désir est continuellement stimulé mais l'accès au plaisir est interdit. Il agit pour se sentir aimé, sa plus grande terreur étant de ne plus être aimé. (Zucker, D. (2012). Faux self, borderline, personnalité narcissique, personnalité schizoïde)

    L'Idéal du Moi règne par son insatiabilité et le « Surmoi » n'est pas véritablement le sien mais celui de l'autre. L'idée de grandiosité est liée à l'Idéal du Moi, même si d'après Zucker (2012) J. Bergeret n'en fait pas mention explicitement. Cette oscillation entre la grandiosité et la nullité, il la rend admirablement dans cet exemple : « Comme l'avait déjà fait remarquer J. Mallet, le sujet sain, devant la non-réalisation des buts (élevés mais non messianiques) de son Idéal du Moi normal, manifeste un sentiment de modestie, alors que le genre de patients qui nous intéresse ici, devant la déception narcissique ressentie en n'arrivant pas à satisfaire un Idéal du Moi aussi naïf que prétentieux, entre, lui, dans la voie dépressive (...)

    (ibid., p. 100). (Zucker, D. (2012). Faux self, borderline, personnalité narcissique, personnalité schizoïde)

    Pour résumé...

    Toutefois, n'en déplaise à Mr Bergeret, nous avons une structuration psychique qui se dessine, avec des instances en conflit, ici entre le Moi et l'Idéal du Moi (archaïque) et un Surmoi insuffisamment intériorisé, carencé.

    1.2 Le concept de limite dans la psychanalyse contemporaine

    C'est avec le psychanalyste André Green que le concept de limite a pris toute son importance théorique. Pour lui : « Il nous faut donc considérer la limite comme une frontière mouvante et fluctuante dans la normalité comme dans la pathologie. La limite est peut-être le concept le plus fondamental de la psychanalyse moderne. » (Green A. (1999), « Genèse et situation des états limites », in Les états limites, Jacques André et all, Paris, P.U.F., Petite Bibliothèque de Psychanalyse, page 56.)

    Penser une configuration clinique à partir de la problématique de la limite autorise à considérer comment la porosité des limites du Moi se répercute dans la difficulté de ces sujets à distinguer le Moi de l'objet, le dedans du dehors, l'intériorité de l'extériorité. (Estellon, V. (2023). Figures et formes des états limites. Le Carnet PSY, H-, 17-24.)

    Si les frontières de son identité sont poreuses, l'état limite - tel un « écorché vif » - en vient à se construire des murs défensifs. (Estellon, V. (2023). Figures et formes des états limites. Le

    Carnet PSY, H-, 17-24.)

    La porosité des limites du Moi sous-tend les mécanismes de défenses utilisés ainsi que toute la symptomatologie psychopathologique secondaire polymorphe (autrement dit, une présentation clinique variée et complexe de symptômes psychopathologiques qui résultent de divers facteurs sous-jacent...).

    · Didier Anzieu explicite un « Moi passoire » (issu de son ouvrage « Le Moi-peau »

    publié en 1985) c'est-à-dire, de la porosité, perméabilité, des limites entre le dedans et

    10

    1.2.1 Porosité et précarités des limites du Moi

    11

    le dehors du Moi qui est à la source d'une désorganisation, de débordements divers, d'hémorragies émotionnelles qui caractérisent ces sujets.

    La porosité des limites de l'identité privilégie la construction d'un certain nombre de murs défensifs : l'angoisse d'empiétement ou celle d'être deviné conduisent souvent à élever des murs de mensonges, murs de la peur, murs d'images stéréotypées qui emprisonnent peu à peu ces sujets dans un fonctionnement radical, manichéen, répétitif. (Estellon, V. (2023). Figures et formes des états limites. Le Carnet PSY, H-, 17-24.)

    En flirtant régulièrement avec la mort à travers des comportements à risque tels que l'automutilation, les comportements destructeurs, et les tentatives de suicide, les individus souffrant de troubles de la personnalité limite tentent de fuir leur désespoir lié à un sentiment de manque, tant sur le plan de l'être que de la possession, deux dimensions qu'ils ont tendance à confondre. De nombreux contenus psychiques, habituellement maintenus dans l'inconscient par le mécanisme de refoulement chez les névrosés, peuvent surgir à la conscience chez ces

    individus, générant ainsi des angoisses insupportables. (Estellon, V. (2023). Figures et formes

    des états limites. Le Carnet PSY, H-, 17-24.)

    Les fonctions psychiques de contenance fixées à des modalités infantiles dominées par l'impuissance et l'immaturité n'aident en rien, et l'on retrouve souvent chez ces adultes des phénomènes rappelant parfois les caprices d'enfant marqués par la temporalité de l'urgence. Sur fond d'insécurité intérieure quasi permanente, une grande dépendance vis-à-vis des autres peut être observée tandis que la conscience de cette même dépendance se trouvera déniée sinon contre-investie par des attaques constantes du lien. (Estellon, V. (2023). Figures et formes des états limites. Le Carnet PSY, H-, 17-24.)

    Hantés par des angoisses relationnelles contradictoires - l'angoisse d'intrusion (pénétration) et l'angoisse d'abandon (castration) - obsédés par la menace d'effondrement consécutive à la perte, la problématique du lien devient complexe, douloureuse, sinon invivable. (Estellon, 2023)

    12

    Stern et la notion d'hémorragie psychique

    Stern a également abordé ce concept de porosité, permettant d'expliciter le fonctionnement borderline avec la notion d'hémorragie psychique.

    En effet, l'auteur insiste sur la sensibilité exacerbée que peuvent ressentir ce type de personnalité, qui se sentent très facilement blessé et donc vulnérable en permanence, comme si la peau psychique n'était pas suffisamment développée pour les protéger de la moindre blessure provenant de l'extérieur les amenant à se « vider ». (Estellon, V. (2014). « Origine et évolution de la notion d'état limite dans le champ psychopathologique »). Stern parlera donc d'hémorragie psychique. Cette enveloppe psychique ne pouvant fonctionner de manière contenante, les sujets ayant un trouble borderline peuvent avoir l'impression de se vider, de ne rien pouvoir garder pour eux, de ne pas être capable de tenir les secrets. Ces angoisses de vidage donnent un cercle vicieux, car ayant l'impression de se vider, leur demande augmente, rendant encore plus complexe et dépendante leur relation aux autres. (Estellon, V. (2014). Origine et évolution de la notion d'état limite dans le champ psychopathologique.)

    1.2.2 Les mécanismes de défenses de la personnalité limite

    « Les mécanismes de défense sont des stratégies inconscientes mises en place afin de protéger le Moi contre l'envahissement par l'angoisse et/ou la souffrance dépressive. » (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

    Si ces stratégies adaptatives ont pu être utiles à un moment donné, elles peuvent parfois persister même lorsque le contexte qui les a suscitées n'est plus présent. Cela peut conduire à une rigidification de la personnalité.

    En ce qui concerne les troubles limites, identifier ces mécanismes revêt une grande importance à la fois pour le thérapeute et pour le patient. Alors que cela fournit au thérapeute des informations diagnostiques précieuses, un travail dynamique visant à explorer consciemment ces modes de fonctionnement peut aider le patient à éviter les pièges posés par ces mécanismes rigides devenus incapacitants. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense.

    Dans : Vincent Estellon éd., Les états limites (pp. 55-63))

    Dans son ouvrage, l'auteur Estellon évoque plusieurs mécanismes de défense : 1. Le clivage

    Le clivage est l'opération défensive essentielle utilisée par les états limites. Son but principal est d'éviter la confrontation du sujet face à son ambivalence affective et à la souffrance dépressive. Heinz Kohut, dans ses travaux sur les pathologies narcissiques, distingue le clivage horizontal et le clivage vertical. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

    J'aimerais porter une attention particulière au clivage horizontale, qui expose la particularité de la pathologie limite. Ayant un narcissisme défaillant, lui aussi, poreux, ce dernier blessé, provoque une diminution de l'énergie narcissique qui a comme effets directs une faible estime de soi, une tendance à la honte, et aux inhibitions. Ce clivage de type qualitatif amènera cette propension pathologique aux pensées et affects manichéens. Ce clivage opère avec la même force sur le Moi qui va tantôt être idéalisé, tout-puissant, omnipotent, puis tout à coup assimilé au déchet, au rien, au vide, proche de l'idée de ruine mélancolique. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

    13

    2. Le Déni

    En complément du clivage et étayé par lui, le déni permet de retirer de la conscience et de maintenir isolés certaines pensées ou émotions qui ne correspondent pas à la position affective, thymique dans laquelle le sujet préfère se situer. Tout ce qui pourrait fragiliser l'équilibre psychique par son caractère contradictoire ou ambigu est écarté de la conscience. Le sujet refuse de reconnaître une dimension traumatisante de la réalité. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

     

    3. L'identification projective

    Cette défense est très utilisée par les pathologies limites, elle s'exprime par des fantasmes inconscients permettant au sujet d'introduire des parties de sa propre personne dans l'autre dans le but de le contrôler, le posséder ou le détruire. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

     

    14

    Il s'agirait de pouvoir faire de l'autre un double imaginaire garant de l'identité de soi.

    L'association de l'identification et de la projection peut sembler complexe car ces mécanismes impliquent généralement des mouvements opposés. En effet, l'identification permet au sujet d'adopter certaines qualités de personnalité de l'autre (comme le système de valeurs par exemple, au hasard...) tandis que la projection consiste à rejeter et à expulser certaines qualités personnelles sur autrui : tout ce que je considère comme négatif et dont je veux me débarrasser est projeté sur quelqu'un d'autre.

    · Ces deux mécanismes participent au développement psychique normal de l'individu : faire sien ce qui apparaît bon et attrayant et jeter à l'extérieur ce qui semble menaçant et dangereux. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

    15

    Melanie Klein met en évidence l'importance de la projection des aspects "bons" pour favoriser le développement de relations d'objets saines et l'intégration du Moi, facilitant ainsi l'empathie. (Klein, M. (1984). Love, guilt, and reparation, and other works)

    De même, W. R. Bion a mis en lumière que ces mécanismes sont fondamentaux pour la structuration de la psyché, car ils permettent à la pensée d'accéder à la symbolisation et de se détacher de l'objet. (Bion, W. R. (1989). Elements of psycho-analysis.)

    L'identification projective devient pathologique lorsqu'elle cesse d'être transitoire, lorsqu'elle devient un moyen de dénier la réalité. Le sujet, en s'identifiant aux parties de l'objet contenant ses propres parties clivées/projetées, se perd dans une perception confuse où l'autre c'est lui. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

    4. L'idéalisation primitive, l'omnipotence et la dévalorisation

    Le mécanisme d'idéalisation, fonctionne aussi de manière complémentaire avec le clivage. L'objet, est fortement idéalisé, idolâtré. Ne présentant aucune faille, ne pouvant décevoir, paré de toutes les qualités, cet objet est présenté comme « parfait ». Ce « bon objet » idéalisé est censé protéger le sujet contre les « mauvais objets ». (Estellon,2011) L'idéalisation peut s'envi-sager comme le pendant du rejet : tandis que celui-ci s'ap-plique à tout ce qui est exclu, celle-là aspire à la prise de puissance et à la jouissance. Kernberg la qualifie de « primitive » pour l'opposer aux formes plus tardives d'idéalisation telles qu'on les rencontre chez les dépressifs qui idéalisent les objets pour se protéger du sentiment de culpabilité

    Pierre Auguste Cot (French, 1837-1883) Spring étroitement lié à leur agissement envers l'objet.

    16

    Dans l'idéalisation primitive, bien que le bon objet soit sollicité pour protéger le Moi des objets mauvais dans le monde environnant, il n'y a pas de véritable considération pour l'objet idéal lui-même. Cet objet rêvé, protecteur, doit donc lui-même être préservé des lacunes et des fluctuations inhérentes à la condition humaine. L'identification omnipotente contribuera à maintenir cette magnificence de l'objet. (Estellon, 2011)

    Le clivage permettra, lorsque des déceptions ou des frustrations auront entaché la perfection de cet objet, de le dénigrer, de le mépriser et de le désinvestir « aussi facilement que les doigts de la main sont capables en un clin d'oeil de zapper à l'aide de la télécommande un programme ennuyeux à la télévision. » (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

    Vincent Estellon a connu une patiente qui changeait ainsi régulièrement d'amis et d'amants : dès qu'ils devenaient frustrants, ils étaient « gommés » selon son expression. C'est le phénomène de dévalorisation.

    = Résultat direct de l'omnipotence, le sentiment de toute puissance, cela offre la possibilité de se détacher de l'objet sans ressentir de souffrance lorsque celui-ci ne procure pas la satisfaction attendue.

    Le clivage garantit qu'une partie du Moi demeure idéalisée (le Soi grandiose), de sorte que les sentiments de souffrance, de frustration, de déception, de désir ou de haine, lorsqu'ils sont éprouvés, sont toujours attribués à l'action d'un autre malveillant. Ces réactions exagérées permettent au Moi, dont les frontières sont floues, de ne pas s'effondrer.

    17

    Tableau réalisé grâce aux données du chapitre IV « Les mécanismes de défenses » de Vincent Estellon (2019) Dans : Vincent Estellon éd., Les états limites (pp. 54-62). Paris cedex 14 : Presses Universitaires de France.

    L'histoire du trouble de la personnalité borderline est complexe et peut être considéré comme chaotique, inclassable, un fourre-tout inépuisable...

    Néanmoins, de grandes lignes se dessinent. En effet, il s'agit initialement d'une pathologie ou de symptômes n'entrant pas dans les cadres classiques de la typologie freudienne, répartissant les structures de la personnalité entre les structures psychotique, névrotique et perverse.

    A partir des travaux psychanalytiques vu plus haut, au-delà de sa simple définition en psychopathologie, la question des limites offre un domaine d'étude large mais riche en analyse.

    Pour terminer cette revue clinique intense autour de cette pathologie, nous allons exposer la définition qu'en donne l'organisation mondiale de la santé, dans sa version la plus récente, avec le DSM-V, selon son modèle alternatif des troubles de la personnalité.

    18

    1.3 Le modèle alternatif de la personnalité (MATP)

    Cette partie provient entièrement du Manuel de Diagnostique et statistique des troubles mentaux. (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th ed, American Psychiatric Association, 2013)

     
     

    L'approche actuelle des troubles de la personnalité figure dans la

    section II du DSM-5 et un modèle alternatif développé pour le DSM-5 est présenté ici dans la section III. L'inclusion de ces deux modèles dans le DSM-5 correspond à la décision du Conseil d'administration de l'Association américaine de psychiatrie (APA Board of Trustees) d'assurer la continuité avec la pratique clinique actuelle tout en introduisant une nouvelle approche destinée à pallier les nombreux défauts de l'approche traditionnelle des troubles de la personnalité. (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th ed, American Psychiatric Association, 2013)

    Dans le modèle alternatif du DSM-5 qui suit, les troubles de la personnalité sont caractérisés par des altérations du fonctionnement de la personnalité et par des traits de personnalité pathologique. Les diagnostics spécifiques de troubles de la personnalité qui peuvent ressortir de ce modèle sont les personnalités antisociale, évitante, borderline, narcissique, obsessionnelle-compulsive et schizotypique. (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th ed, American Psychiatric Association, 2013)

    Les altérations du fonctionnement de la personnalité et l'expression des traits de personnalité ne sont pas mieux comprises comme faisant partie d'un stade normal du développement ou d'un environnement socioculturel normal. Un diagnostic de trouble de la personnalité nécessite deux conditions :

    1) une évaluation de l'altération du niveau de fonctionnement de la personnalité, nécessaire pour le critère A

    19

    2) une évaluation des traits de personnalité pathologique, nécessaire pour le critère B

    · Critère A : niveau de fonctionnement de la personnalité Le noyau de la

    psychopathologie de la personnalité réside dans les perturbations du fonctionnement de la personnalité au niveau du soi (Bender et al., 2011) et de la sphère interpersonnelle évaluées dans ce modèle alternatif sur un continuum. Le fonctionnement du soi comprend l'identité et l'autodétermination ; le fonctionnement interpersonnel comprend l'empathie et l'intimité.

    L'altération du fonctionnement de la personnalité est un élément de prédiction de l'existence d'un trouble de la personnalité et la sévérité de l'altération prédit si l'individu a plus d'un trouble de la personnalité ou l'une des formes typiquement graves de troubles de la personnalité (Morey et al., 2011). Un niveau d'altération du fonctionnement de la personnalité d'intensité au minimum moyenne est requis pour le diagnostic de trouble de la personnalité. Ce seuil diagnostique repose sur des bases empiriques ; c'est en effet ce niveau qui correspond de façon optimale à la capacité du clinicien à identifier de façon adéquate et efficace une pathologie de la personnalité (Morey et al., submitted for publication). (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th ed, American Psychiatric Association, 2013)

    · Critère B : Les traits pathologiques de personnalité appartiennent à cinq grands domaines : l'affectivité négative, le détachement, l'antagonisme, la désinhibition et le psychoticisme. Vingt-cinq facettes de traits sont réparties dans ces cinq grands domaines. Ces facettes proviennent initialement d'une revue des modèles de traits de personnalité existants et des recherches répétées effectuées chez des patients faisant appel à des services de santé mentale (Krueger et al. 2011a ; Krueger et al. 2011b ; Krueger et al. 2012). Les critères B pour les différents troubles de la personnalité comprennent des sous-ensembles de ces 25 facettes de traits issus de revues avec méta-analyses (Samuel et Widiger 2008 ; Saulsman et Page 2004) et de données empiriques sur les relations entre les traits de personnalité et les diagnostics de troubles de la personnalité selon le DSM-IV.

    20

    1.3.1 Le trouble de la personnalité borderline selon le MATP

    Selon le DSM-V, les caractéristiques typiques de la personnalité borderline sont l'instabilité de l'image de soi, des objectifs personnels, des relations interpersonnelles et des affects, associée à l'impulsivité, à la prise de risque et/ou à l'hostilité. . (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th ed, American Psychiatric Association, 2013)

    Les difficultés caractéristiques sont apparentes au niveau de l'identité, de l'autodétermination, de l'empathie et/ou de l'intimité, comme cela est décrit ci-après, avec des traits mal adaptés spécifiques dans le domaine de l'affectivité négative, de l'antagonisme et/ou de la désinhibition.

    1.3.2 Critères diagnostiques proposés avec le MATP

    · Pour les critères A : Altération d'intensité au minimum moyenne du fonctionnement de la personnalité comme en témoignent des difficultés caractéristiques dans au moins deux des quatre domaines suivants :

    1. Identité : Image de soi appauvrie de façon marquée, peu développée ou instable, souvent associée à une autocritique excessive, à des sentiments chroniques de vide et à des états dissociatifs sous l'influence du stress.

    2. Autodétermination : Instabilité des objectifs, des aspirations, des valeurs ou des plans de carrière.

    3. Empathie : Incapacité de reconnaître les sentiments et les besoins d'autrui associée à une hypersensibilité personnelle (c.-à-d. prêt à se sentir blessé ou insulté), perception d'autrui sélectivement biaisée vers des caractéristiques négatives et des fragilités ou « points faibles ».

    4. Intimité : Relations proches intenses, instables et conflictuelles, avec manque de confiance, besoins affectifs excessifs et préoccupations anxieuses concernant un abandon réel ou

    imaginé ; relations proches souvent extrêmes, soit idéalisées, soit dévalorisées, alternant entre implication excessive et retrait.

    (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th ed, American Psychiatric Association, 2013)

    · Pour les critères B : Au moins quatre des sept traits pathologiques de personnalité suivants, au moins l'un d'entre eux devant être : impulsivité, prise de risque ou hostilité :

    1. Labilité émotionnelle (un aspect de l'affectivité négative) : Expériences émotionnelles instables ou changements d'humeur fréquents, émotions facilement réveillées, intenses et/ou hors de proportion avec les événements et les circonstances.

    2. Tendance anxieuse (un aspect de l'affectivité négative) : Sentiments intenses de nervosité, tension ou panique, souvent en réaction à des stress interpersonnels, préoccupations par les effets négatifs d'expériences passées et d'éventualités futures négatives ; se sent craintif, inquiet, menacé par l'incertitude ; peurs de s'effondrer ou de perdre le contrôle.

    3. Insécurité liée à la séparation (un aspect de l'affectivité négative) : Peur d'être rejeté par des gens qui comptent ou d'être séparé(e) d'eux, associée à des peurs d'une dépendance excessive et d'une perte complète d'autonomie.

    4. Dépressivité (un aspect de l'affectivité négative) : Sentiments fréquents d'être au plus bas, misérable, sans espoir, difficultés à se remettre de tels états d'âme, pessimisme à propos du futur, sentiments envahissants de honte, sentiments d'infériorité, idées de suicide et conduite suicidaire.

    5. Impulsivité (un aspect de la désinhibition) : Agit sur un coup de tête en réponse à des stimuli immédiats, dans l'instant, sans plan ou considération pour les conséquences, difficulté à élaborer ou à suivre des plans, vécu d'urgence et comportement d'auto-agressions dans les situations de détresse émotionnelle.

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    6. Prise de risque (un aspect de la désinhibition) : Engagement dans des activités

    dangereuses, risquées, potentiellement auto-dommageables et superflues, sans penser aux conséquences ; ne se soucie pas de ses propres limitations et dénie la réalité d'un danger personnel.

    7. Hostilité (un aspect de l'antagonisme) : Sentiments de colère persistants ou fréquents, colères ou irritabilité en réponse à des insultes et des affronts mineurs.

    (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th ed, American Psychiatric Association, 2013)

    · Spécifications : Des spécifications concernant les traits de personnalité et le niveau de fonctionnement de la personnalité peuvent être utilisées pour enregistrer des caractéristiques additionnelles de personnalité qui peuvent être présentes dans la personnalité borderline mais qui ne sont pas exigées pour le diagnostic. Par exemple, des traits de psychoticisme (p. ex. une dysrégulation cognitive et perceptuelle) ne sont pas des critères diagnostiques de la personnalité borderline (cf. critère B) mais peuvent être spécifiés lorsque cela paraît approprié. (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th ed, American Psychiatric Association, 2013)

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    2. Le système de valeurs

    Nous allons nous intéresser au système de valeur d'un individu pour permettre de faire le lien entre le trouble de la personnalité borderline et une société individualiste.

    En effet, les valeurs sont utilisées pour caractériser les individus ou les sociétés, pour suivre le changement au cours du temps, et pour expliquer les motivations de base qui sous-tendent attitudes et comportements. (Schwartz, S. (2006). Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications. Revue française de sociologie)

    23

    Pour Durkheim (1893,1897) comme pour Weber (1905/1958), les valeurs sont fondamentales pour expliquer l'organisation et le changement, au niveau de la société comme à celui des individus. C'est un concept central des sciences sociales depuis leur origine.

    Pour introduire la notion de valeur, nous nous orienterons vers les travaux de Shalom Schwartz qui a théorisé sur les valeurs universelles correspondant aux diverses cultures de notre civilisation. Cette théorie aborde des valeurs de base que les individus reconnaissent en tant que tel dans toutes les cultures.

    2.1 Shalom Schwartz

    Dans un premier temps, une brève présentation de cet auteur s'impose.

    Shalom Schwartz est professeur de Psychologie Sociale à l'Université Hébraïque de Jérusalem. En 2007, il obtient le prix d'Israël dans le domaine des sciences humaines et sociales. Pendant 40 ans, il a dirigé des recherches approfondies au sujet des valeurs personnelles et culturelles. Son approche en collaboration avec Wolfgang Bilsky, perçu dans Toward an Universal Structure of Human Values, in Journal of Personnality and Social Psychology (1987) est explicité en s'appuyant principalement sur les travaux de Rokeach (1918-1988), psychologue et professeur de psychologie sociale à l'université du Michigan, pionnier de cette approche.

    2.2 La définition des valeurs selon Schwartz et all

    La théorie des valeurs de Schwartz adopte une conception des valeurs qui leur attribue six caractéristiques principales, s'inspirant des apports de nombreux auteurs et que nous avons ci-dessous résumé (Allport (1961) ; Feather (1995) ; Inglehart (1997) ; Kohn (1969) ; Kluckhohn (1951) ; Mor ris (1956) ; Rokeach (1973) ; Schwartz et Bilsky (1987)) :

    1. Les valeurs sont des croyances liées aux affects. Les personnes attachées à la tradition réagissent fortement à sa préservation ou à sa menace.

    2. Les valeurs motivent l'action vers des objectifs souhaitables tels que l'ordre social ou la justice.

    3. Les valeurs expriment des motivations pour atteindre des buts comme l'autonomie ou la

    24

    bienveillance.

    4. Les valeurs orientent les choix et jugements, même si leur influence est souvent inconsciente. Les valeurs deviennent conscientes quand les actions que l'on envisage conduisent à des conflits entre différentes valeurs que l'on aime.

    5. Les valeurs sont hiérarchisées selon leur importance personnelle.

    6. Les valeurs guident l'action en fonction de leur pertinence et de leur importance dans le contexte.

    (Schwartz, S. (2006). Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications. Revue française de sociologie)

    Ces caractéristiques concernent toutes les valeurs. Ce qui distingue une valeur d'une autre est le type d'objectif ou de motivation que cette valeur exprime. La théorie des valeurs définit dix grands groupes de valeurs selon la motivation qui sous-tend chacune d'entre elles. On peut supposer que ces valeurs englobent le champ des différentes valeurs reconnues par toutes les cultures. Selon la théorie, il est probable que ces valeurs soient universelles parce qu'elles trouvent leur source dans au moins une des trois nécessités de l'existence humaine, auxquelles elles répondent. Ces nécessités sont : satisfaire les besoins biologiques des individus, permettre l'interaction sociale, et assurer le bon fonctionnement et la survie des groupes. (Schwartz, S. (2006). Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications. Revue française de sociologie)

    2.2.1 Les dix valeurs universelles selon la théorie de Schwartz

    1. Autonomie : Objectif : indépendance de la pensée et de l'action - choisir, créer, explorer. (Les items utilisés pour approcher cette valeur de base sont : créativité, liberté, choisissant ses propres buts, curieux, indépendant ainsi qu'amour propre, intelligent, droit à une vie privée).

    2. Stimulation. Objectif : enthousiasme, nouveauté et défis à relever dans la vie. Les valeurs de stimulation découlent du besoin vital de variété et de stimulation ; elles permettent de maintenir un niveau d'activité optimal et positif.

    3. Hédonisme. Objectif : plaisir ou gratification sensuelle personnelle. Les valeurs

    25

    d'hédonisme proviennent des besoins vitaux de l'être humain et du plaisir associé à leur satisfaction. (Items associés : plaisir, aimant la vie, se faire plaisir)

    4. Réussite. Objectif : le succès personnel obtenu grâce à la manifestation de compétences socialement reconnues. Telles qu'on les définit ici, ces valeurs de réussite concernent principalement le fait d'être performant au regard des normes culturelles dominantes, et d'obtenir ainsi l'approbation sociale. (Items associés : ambitieux, ayant du succès, capable, ayant de l'influence ainsi que [intelligent, amour-propre, reconnaissance sociale).

    5. Pouvoir. Objectif : statut social prestigieux, contrôle des ressources et domination des personnes. (Items associés : autorité, richesse, pouvoir social ainsi que [préservant mon image publique, reconnaissance sociale]).

    6. Sécurité. Objectif : sûreté, harmonie et stabilité de la société, des relations entre groupes et entre individus, et de soi-même. (Items associés : ordre social, sécurité familiale, sécurité nationale, propre, réciprocité des services rendus ainsi qu'en bonne santé, modéré, sentiment d'appartenance).

    7. Conformité. Objectif : modération des actions, des goûts, des préférences et des impulsions susceptibles de déstabiliser ou de blesser les autres, ou encore de transgresser les attentes ou les normes sociales. Les valeurs de conformité proviennent de la nécessité pour les individus d'inhiber ceux de leurs désirs qui pourraient contrarier ou entraver le bon fonctionnement des interactions et du groupe. De fait, tous les auteurs traitant des valeurs mentionnent la conformité (par exemple Freud, 1930 ; Kohn et Schooler, 1983 ; Morris, 1956 ; Parsons, 1951). (Items associés : obéissant, autodiscipliné, politesse, honorant ses parents et les anciens ainsi que [loyal, responsable]

    8. Tradition. Objectif : respect, engagement et acceptation des coutumes et des idées soutenues par la culture ou la religion auxquelles on se rattache. Partout, les groupes développent des pratiques, des symboles, des idées et des croyances qui représentent leur expérience et leur destin commun et deviennent ainsi les coutumes et les traditions du groupe, qui leur accorde beaucoup de valeur (Sumner, 1906). (Items associés : respect de la tradition, humble, religieux, acceptant ma part dans la vie ainsi que [modéré, vie spirituelle]).

    9. Bienveillance. Objectif : la préservation et l'amélioration du bien-être des

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    personnes avec lesquelles on se trouve fréquemment en contact (l'« endogroupe »). Les valeurs de bienveillance proviennent de la nécessité pour le groupe de fonctionner de manière harmonieuse (voir, par exemple, Kluckhohn, 1951 ; Williams, 1968) et du besoin d'affiliation de l'individu en tant qu'organisme biologique (voir, par exemple, Korman, 1974 ; Maslow, 1965). (Items associés : secourable, honnête, indulgent, responsable, loyal, amitié vraie, amour adulte ainsi que [sentiment d'appartenance, un sens dans la vie, une vie spirituelle]).

    10. Universalisme. Objectif : compréhension, estime, tolérance et protection du bien-être de tous et de la nature. Les valeurs d'universalisme proviennent du besoin de survie des individus et des groupes. Mais ce besoin n'est pas identifié tant que l'individu n'a pas été en contact avec d'autres groupes que celui de ses proches, et tant qu'il n'a pas pris conscience du caractère limité des ressources naturelles. (Items associés : large d'esprit, justice sociale, égalité, un monde en paix, un monde de beauté, unité avec la nature, sagesse, protégeant l'environnement ainsi que [harmonie intérieure, une vie spirituelle]).

    (Schwartz, S. (2006). Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications. Revue française de sociologie)

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    (Schwartz, S. (2006). Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications. Revue française de sociologie, 47, 929-968.)

    Avec cet apport de Schwartz et d'autres auteurs, nous voyons l'importance du système de valeurs chez l'individu. Elles permettent d'expliquer les comportements, les attitudes et motivations de chaque individu et donc, ont une influence sur la personnalité. En effet, Bilsky & Schwartz (1994) constatent que les valeurs et la personnalité peuvent s'influencer mutuellement. Pour exemple, les valeurs peuvent influencer les traits de personnalité car les individus cherchent généralement à se conduire de manière harmonieuse avec leurs valeurs, évitant une dissonance cognitive.

    A l'inverse, les traits de personnalité peuvent influencer les valeurs : les personnes qui adoptent un comportement de façon récurrente sont plus enclin d'augmenter leur accord avec la valeur concernée et donc, peuvent justifier leur comportement. (Roccas et al., 2002).

    Le travail de Schwartz et Bardi (1997) ont analysé la vie sous le régime communiste, et montre ainsi comment l'adaptation à des circonstances a influencé la priorité de la valeur « autonomie », qui est l'une des valeurs dites « individualistes ».

    Enfin pour terminer, l'auteur met en lumière les différentes dynamiques entres les valeurs et les

    relations.

    Les valeurs pouvoir, réussite, hédonisme, stimulation et autonomie traitent

    principalement de la façon dont on exprime les intérêts individuels.

    Ce sont ces valeurs, lors de notre recherche auquel nous porterons le plus notre attention.

    28

    3. L'individualisme

    « La société occidentale se fonde sur les principes de l'individualisme, conception structurante dans laquelle la liberté individuelle est considérée comme un droit que les institutions doivent protéger. » (Blaha Stephen, 2002 The rhythms of history: a universal theory of civilizations, Pingree-Hill Publishing)

    3.1 Un peu d'histoire...

    Après les guerres, la révolution, il y a eu un réel désir d'émancipation à l'égard de ce passé intolérable. Passant par la dénonciation des abus de pouvoir de l'Etat et de la religion, l'écriture des droits de l'homme et du citoyen... la liberté est plus qu'une valeur, elle devient l'essence même de l'Homme. (Rosanvallon P., Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Le Seuil, 2004.)

    En France, la révolution de 1789 a marqué l'avènement d'un « individualisme citoyen » (Ro-sanvallon P., Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Le Seuil, 2004) qui a refondé les relations traditionnelles entre l'autorité publique et ses administrés.

    Pierre Le Coz dirige notre attention sur la liberté qui est la première valeur citée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mieux qu'une valeur, la liberté devient l'essence même de l'homme : « Tous les hommes naissent libres (...) ».

    Avec l'octroi de ses nouveaux droits, le citoyen français devient le fondement de la légitimité politique, en choisissant ses dirigeants et en dictant les lois par le biais de ses représentants.

    Mais « la liberté à un prix » : en effet, à la suite de ces événements, de nouveaux droits émergent dont celui de ne pas participer aux affaires de la cité. Ce droit, aussi juste soit-il, encourage un désintérêt du bien commun, du collectif ainsi qu'une poursuite des intérêts privés, individuels.

    29

     

    · C'est cette "désertion des affaires publique" qui est désigné pour parler de l'individualisme.

    « Un nouvel idéal se fait jour qui réside dans l'affirmation « sur le plan moral et politique » de l'être humain particulier comme indépendant et se suffisant idéalement à lui-même. » (Dumont L., Essais sur l'individualisme, op. cit)

     

    · Si cet idéal d'indépendance et d'autosuffisance deviennent la norme sociale, alors il entre en conflit avec les difficultés rencontrés par les personnes souffrant de trouble de la personnalité borderline. En effet, leur fonctionnement étant centré sur un Idéal du moi fort ces sujets pourront avoir tendance à fortement intériorisé cette norme et donc être en quête d'indépendance et d'autosuffisance de manière extrême ou du moins déconnectés de la réalité. Cependant, leurs instabilités émotionnelles, relationnelles et identi-taires, ainsi que leur peur de l'abandon, rendent cet objectif difficile à atteindre. La tension entre le désir d'indépendance et la dépendance émotionnelle et psychique, caractéristique des personnes borderline, est perceptible en raison du besoin de combler tous ces manquements. Cette tension reflète les efforts constants des personnes borderline pour concilier leurs besoins d'autonomie avec leurs besoins affectifs et relationnels.

    Cette ère contemporaine abolie l'autorité du passé, les individus, avide de nouveauté, se donne le droit d'innover, d'inventer. Les valeurs telles que l'autonomie, la créativité, l'indépendance, le droit à l'intimité ainsi que le droit au pouvoir, ou du moins son accessibilité étaient promues.

    De plus, cette dynamique individualiste pris une tournure qualifiée d'hédoniste, c'est-à-dire dans la valorisation du plaisir, la promotion des loisirs et du divertissement.

    Les années 60 résonne avec cette période d'émancipation des corps, de la libération des moeurs, du sexe et des affects avec mai 68. C'est aussi à cette période où une extension du consumérisme s'opère, augmentant toujours plus le choix du matériel, on bascule dans le cycle de la production et des échanges marchands. Parallèlement au désir de vivre pour soi qui n'a cessé de s'affirmer et de se déculpabiliser. (Lipovetsky G., Les temps hypermodernes, Paris, Grasset, 2004.)

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    Pierre Le Coz attire notre attention un changement dans les stratégies de mobilisation pour le don de sang, passant d'un appel basé sur le devoir à un message mettant en avant le pouvoir de chacun et la reconnaissance personnelle. Il cite le cas de l'Etablissement français du sang qui fait appel à des professionnels de la communication et de la psychologie sociale.

    Le slogan incitatif tel que « Faites votre devoir, donnez votre sang ! » n'éveille plus d'écho. Il a fait place à un nouveau message plus gratifiant : « partagez votre pouvoir, donnez votre sang ! »

    (Le Coz, P. (2019). Le soin à l'épreuve de l'individualisme contemporain. Laennec, 67, 6-19.)

    Traditionnellement fondée sur le devoir désintéressé, la pratique du don de sang évolue pour répondre à une sensibilité dominante axée sur la gratification personnelle et la reconnaissance individuelle.

    Cela ne signifie pas la disparition de toute éthique, mais plutôt un déplacement vers une éthique plus axée sur les sentiments et la spontanéité, où les individus sont motivés par la compassion et le coup de coeur plutôt que par un sens du devoir. En résumé, la générosité persiste comme une valeur sociale, mais elle est désormais influencée par des motivations plus personnelles et émotionnelles, reflétant un changement vers un individualisme ambiant.

    « L'homme de l'hypermodernité individualiste est en quête de reconnaissance de ses mérites et de gratifications narcissiques. Il ne va plus de soi de donner de soi, de consacrer son énergie et son temps à une cause universelle, impersonnelle et collective. » (Le Coz, P. (2019). Le soin à l'épreuve de l'individualisme contemporain. Laennec, 67, 6-19.)

    Evidemment l'auteur souligne que l'évolution vers l'individualisme ne conduit pas nécessairement au nihilisme ou à la perte totale des normes éthiques. Il est erroné de penser que le cynisme prévaut et que les relations interpersonnelles deviennent de plus en plus déshumanisées. La générosité reste une valeur essentielle dans la société.

    L'éthique n'a pas disparu, mais elle est moins sacrificielle et plus affective.

    31

    3.2 Le concept d'individualisme d'un point de vue sociologique : Réflexion et liens

    L'individualisme est une conception philosophique, politique, morale et sociologique où l'individu occupe la place centrale. Il s'agit donc d'une primauté de l'identité personnelle par rapport à l'identité collective. Cette notion peut être étudié sous plusieurs perspectives distinctes, ici nous l'analyserons principalement en tant que phénomène sociologique.

    Norbert Elias, sociologue, analyse l'individualisme comme coexistant à une intensification des interdépendances sociales entre individus, qui pousserait l'individu à se construire un « refuge intérieur. » L'auteur dit que l'individu garde ses pulsions et ses émotions dans la sphère privée et évite de les dévoiler à autrui. Il les contient et les transforme, accentuant ainsi les différences de comportements, de sensations, de pensées, d'objectifs et d'apparence physique entre les individus. (Elias, N. (2018). La société des individus. Pocket)

    Dans une conférence de Xavier Coton, psychiatre, et Raphaël Gazon, psychologue et psychothérapeute, ces professionnels explicitent que dans notre société occidentale, le mouvement individualiste valorise plutôt le contrôle des émotions et la maîtrise comme critères de succès. Les comportements des personnes matures sont supposés être contrôlés par des forces internes. Si la personne se définit par ses relations aux autres, elle est considérée comme immature et donc se retrouve en marge de la norme, rejeté et jugé négativement (les valeurs sociales étant des jugements sur ce qui est juste et injuste dans les relations sociales). (Conférence : Mieux comprendre le trouble de la personnalité « borderline » (état limite) de mon proche. Quand les émotions perturbent la vie, 2012)

    Paradoxalement, le sociologue français Ehrenberg explique dans son article « La société du malaise : Une présentation pour un dialogue entre clinique et sociologie. » (2011) que tout ce qui concerne les émotions, les affects, les sentiments moraux, la subjectivité individuelle, est passé au coeur de la vie sociale des sociétés dites développées. Ce déplacement s'explique par la valeur grandissante accordée à la santé mentale et à la souffrance psychique.

    Ce changement a accompagné les transformations des manières de « faire société », que rassemble la notion d'autonomie. Celle-ci désigne de prime abord deux types de valeurs intriquées de l'individualisme : le choix personnel et l'initiative individuelle. Elles se donnent dans trois aspects de la compétition, de la coopération et de l'indépendance. Le point crucial est alors la place de la responsabilité personnelle dans la vie sociale. Selon cet auteur, ces trois éléments, choix, initiative et responsabilité, forment le tournant personnel de l'individualisme.

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    (Ehrenberg, A. (2011). La société du malaise : Une présentation pour un dialogue entre clinique et sociologie. Adolescence, 293, 553-570)

    · Nous pouvons remarquer que les valeurs qu'engagent le processus de l'individualisme pose une certaine ambivalence avec le fait de vivre en communauté : l'autonomie (quête d'indépendance), l'individu au centre d'intérêt plutôt que le collectif, les affects et émotions, pris en compte mais seulement individuellement et la coopération elle, pour arriver à des fins individuelles.

    Et c'est que souligne les auteurs Nisbet & Azuelos, qu'en effet, l'individualisme montre le processus de distanciation de l'individu par rapport à ses groupes d'appartenance, au sein d'une société où s'établit progressivement la primauté de l'individu sur le collectif ; c'est en ce sens que l'individualisme est souvent assimilé à un égoïsme croissant, dans un rapprochement péjoratif. (Nisbet, R. A., & Azuelos, M. (2011). La tradition sociologique (5e éd). Presses universitaires de France.)

    Ehrenberg va dans ce sens également que d'après lui, on ne peut pas avoir de société individualiste, c'est-à-dire de société qui donne la même valeur à tout être humain, si on ne brise pas les liens de dépendance entre les gens. (Ehrenberg, A. (2011). La société du malaise : Une présentation pour un dialogue entre clinique et sociologie. Adolescence, 293, 553-570.)

    Borderline, une dissonance de la personnalité ?

    · Finalement, ce qu'il ressort de l'individualisme dans la société occidentale, c'est que la dépendance aux autres, aux groupes n'est pas acceptée (acceptable ?...) Comme l'a dit le philosophe Aristote, repris par la suite dans le champ de la psychologie sociale, nous sommes des animaux sociaux vivant en société donc en collectif, un système de valeurs prônant des intérêts individuels et non collectifs, pourrait provoquer des dissonances dans les comportements et donc dans la personnalité, comme vu précédemment avec Bilsky & Schwartz, (1994) qui constatent que les valeurs et la personnalité peuvent s'influencer mutuellement.

    Or, les valeurs sont conçues comme consensuelles et éminemment prosociales : provenant d'un consensus, elles régulent les rapports sociaux (Moscovici et Doise, 1992).

    En effet, d'après Morchain, l'organisation du système de valeurs est en lien direct avec les groupes sociaux. L'auteur explique que les valeurs s'inscrivent dans un processus de comparaison sociale : les personnes comparent leurs perceptions, sensations, croyances, à celles

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    des autres personnes. Une des conséquences de la comparaison est un clivage net entre les groupes (« Ils n'ont pas les mêmes valeurs que nous ! »). Toutefois ce clivage n'est pas forcément le produit biaisé des évaluations : l'organisation des valeurs est bien sûr différente d'un groupe social à un autre. (Morchain, P. (2009). Chapitre 1. Que sont les valeurs ? Tentative de définition(s). Dans :, P. Morchain, Psychologie sociale des valeurs (pp. 7-27). Paris : Dunod.)

    · Un système de valeurs qui prônent des comportements individualistes pourrait donc être un non-sens entraînant des mouvements dissonants chez les individus par rapport aux groupes. Mais si les rapports sociaux régulent les comportements des individus afin de créer un corps social coordonné, ces valeurs peuvent être « antisociales » et tout de même partagées dans un groupe.

    3.3 Lien entre la personnalité borderline et l'individualisme

    Comme vu précédemment, les personnalités borderline sont des individus qui éprouve une forte dépendance à l'autre, et qui ont de grande difficulté à gérer leurs émotions. Le système de valeurs de l'individualisme, valeurs majoritairement présentent dans la société, prônant l'inverse de ces comportements, les rejetant donc, pourrait accentuer l'insécurité générale qu'éprouve un sujet autour de la question identitaire, de l'estime de soi, de la peur de l'abandon, du rejet ... principales critères diagnostiques de cette pathologie.

    Avec un Idéal du Moi au centre du conflit avec la réalité, maîtrisant avec force, ses comportements, en remplaçant le Surmoi, le sujet borderline va avoir tendance a fortement intériorisés les normes, et donc les valeurs de son environnement. Comme vu précédemment, quête vaine dû à sa forte dépendance à l'autre.

    Pour reprendre ce nous disions plus haut, nous pouvons voir cette ambivalence avec l'apport du sociologue Norbert Élias. La primauté de l'individuel donne à une personne un « refuge intérieur » amenant à contenir ses émotions et pulsions, ce qui est l'inverse du sujet borderline qui lui, ne peut contenir ses émotions, au contraire il les dévoile, il se « vide », comme vu précédemment avec la notion d'hémorragie psychique explicité par Adolph Stern.

    Nous nous demandons donc quels valeurs les personnalités borderlines intériorisent, et ce que nous pouvons en conclure avec l'individualisme.

    C'est ce nous allons explorer et découvrir...

    34

    II. Problématique de recherche

    2.1 Objectif de la recherche

    L'objectif premier de cette recherche à visé exploratoire est de voir si le trouble de la personnalité borderline est symptomatique du système individualiste valorisé dans notre société actuelle. Pour se faire, nous avons trouvé pertinent de mesurer le système de valeurs d'un échantillon de sujet, ainsi que leur seuil de souffrance du trouble de la personnalité borderline pour voir ce qui se rencontre et voir quelles valeurs les individus avec cette tendance intériorisent pouvant ainsi comparer avec l'individualisme, qui rassemble un ensemble de valeurs caractéristique. Autrement dit, nous essayons de voir dans un premier temps, si une mesure du système de valeurs rencontre la personnalité borderline pour ensuite comparer avec les valeurs de l'individualisme pour voir s'il y a des liens entre ces deux variables ou non. Nous avons trouvé pertinent d'inclure le modèle alternatif de la personnalité pour mesurer plus largement la personnalité, enrichissant cette recherche ainsi que son étude.

    2.2 Hypothèses

    Plusieurs hypothèses se sont dégagées à la suite de cette revue.

    · Certaines valeurs du système de valeurs sont associées significativement au trouble de la personnalité borderline. Selon les valeurs internalisées, positive ou négative, nous pourrons faire lien avec le système individualiste sociétal actuel ou non.

    · Les valeurs pouvoir, réussite, hédonisme, stimulation et autonomie peuvent être significatives avec les personnalités borderline.

    · Le modèle alternatif de la personnalité est associé positivement et significativement au trouble de la personnalité borderline.

    · Le trouble de la personnalité borderline joue un rôle médiateur entre le modèle alternatif de la personnalité et le système de valeurs, dans le sens où la pathologie borderline impacte, modifie, le système de valeur d'un individu.

    35

    III. Méthodologie

    3.1 Populations de l'étude

    Cette étude est réalisée auprès de la population générale majeurs, tout venant, qui consentiront librement à répondre à un questionnaire auto-administré. Nous avons un échantillon de 143 sujets composé de 40,6% d'hommes et 59,4% de femmes dont 21 sont significatif au BSL.

    3.2 Opérationnalisation des variables

    · Les valeurs auquel adhère le sujet seront ainsi mesuré par le questionnaire des valeurs de Schwartz sous le nom de « Schwartz Value Survey » (SVS) . (cf Annexe I).

    Ce modèle comporte 57 valeurs, regroupées en 10 « domaines motivationnels ». Il se présente sous la forme de deux listes de valeurs. La première comprend 30 items qui décrivent des buts potentiellement désirables sous forme de substantifs ; la seconde comprend 27 items qui décrivent des manières d'agir potentiellement désirables sous forme d'adjectifs. Chaque item exprime un aspect de la valeur de base auquel il appartient. Une phrase entre parenthèses, à la suite de chaque item, en précise la signification. Par exemple, l'item « égalité (chances égales pour tous) » est un item du type universalisme. L'item « plaisir (satisfaction des désirs) » est un item du type hédonisme. Les personnes questionnées notent l'importance de chaque item « en tant que principe qui guide MA vie » sur une échelle en 9 points : 7 (d'importance suprême), 6 (très important), 5,4 (sans précision), 3 (important), 2,1 (sans précision), 0 (sans importance), -1 (opposé à mes valeurs). (Shalom Schwartz, Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications, traduction Béatrice Hammer et Monique Wach, Revue française de sociologie, Ed Ophrys, 2006/4 - Volume 47, pages 929 à 968.)

    La plupart des valeurs sont perçues comme variant de « moyennement » à « très » importantes. Cette échelle non symétrique, dilatée vers le haut et condensée vers le bas, permet de rendre compte de la façon dont les gens conçoivent les valeurs. Cette échelle permet aussi aux personnes interrogées de rendre compte de leur opposition aux valeurs qu'elles essaient d'éviter de promouvoir ou d'exprimer. Ceci est particulièrement nécessaire pour les études transculturelles, parce que les personnes appartenant à une culture ou une subculture peuvent rejeter les valeurs d'autres cultures. Le SVS a été traduit en 47 langues. (Shalom Schwartz, Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications, traduction Béatrice Hammer et Monique Wach, Revue française de sociologie, Ed Ophrys, 2006/4 - Volume 47, pages 929 à

    36

    968.)

    Pour calculer l'importance accordée à une valeur de base, on fait la moyenne des notes mises aux différents items que l'on pense a priori constitutifs de cette valeur. Le nombre d'items permettant de mesurer chaque valeur varie de trois (hédonisme) à huit (universalisme), ce qui reflète la largeur du champ conceptuel associé à chaque valeur de base. Seuls les items dont on a pu démontrer la quasi-équivalence en termes de signification d'une culture à l'autre, grâce à des analyses utilisant l'échelonnement multidimensionnel (Smallest Space Analysis [SSA] ; Schwartz, 1992,1994,2005a) et l'analyse factorielle confirmatoire (Confirmatory Factoriel Analaysis [CFA] ; Schwartz et Boehnke, 2004) sont conservés pour le calcul de la moyenne. (Shalom Schwartz, Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications, traduction Béatrice Hammer et Monique Wach, Revue française de sociologie, Ed Ophrys, 2006/4 - Volume 47, pages 929 à 968.)

    La valeur de Cronbach

    Sur 212 échantillons (échantillons nationaux représentatifs, échantillons de professeurs, échantillons d'étudiants) la valeur moyenne des alphas de Cronbach pour les dix valeurs est de 0,68 (ils varient de 0,61 pour la tradition à 0,75 pour l'universalisme) (Schwartz, 2005).

    Validité de l'échelle

    La structure du modèle de Schwartz a été validée dans de nombreuses études utilisant aussi bien des analyses d'échelles multidimensionnelles et d'autres méthodes exploratoires sur des étudiants universitaires et des enseignants provenant de 68 nations [Bardi & Schwartz, 2003 ; Fontaine et al., 2008 ; Schwartz, 2006] ou sur des professionnels de l'administration provenant de 50 nations [Ralston et al., 2011]. Elle a aussi été validée par une analyse factorielle confirmatoire en utilisant des échantillons provenant de 27 pays [Schwartz & Boehnke, 2004]

    Les données obtenues ont été recueillies entre 1988 et 2002 dans 233 échantillons de 68 pays appartenant à tous les continents (au total 64 271 personnes)

    37

    La SSA donne des résultats graphiques qui confirment la validité de la théorie à travers différentes cultures. Ces données montrent donc que, dans la plupart des cultures, on peut distinguer les dix valeurs de base, et que les types de valeurs plus larges constitués par le regroupement de valeurs adjacentes peuvent, eux, être distingués de manière presque universelle.

    (Shalom Schwartz, Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications, traduction Béatrice Hammer et Monique Wach, Revue française de sociologie, Ed Ophrys, 2006/4 - Volume 47, pages 929 à 968.)

    ·

    38

    Le trouble de la personnalité borderline sera quant à lui mesurer par la BSL-23 (Borderline Symptom List 23) la liste des symptômes borderline, traduit par P. Prada & N. Perroud. (cf Annexe IV). La Borderline Symptom List 23 a été développée en 2009 pour fournir un moyen de quantifier les symptômes ressentis par les personnes diagnostiquées avec un trouble de la personnalité borderline d'une manière rapide et efficace (Bohus et al., 2009). Il a été créé à partir du BSL-95 original qui a été développé en 2007, sur la base d'un échantillon de 379 patients borderline (Bohus et al., 2007). Il s'agit d'un questionnaire d'auto-évaluation utilisant une échelle de Likert (0 = "pas du tout", 1 = "un peu", 2 = "plutôt", 3 = "beaucoup" et 4 = "très fort"). Il demande au patient d'évaluer ses symptômes pour la semaine écoulée dans une série de 23 questions. Bien que le BSL-95 original ait de très bonnes propriétés psychométriques, il a été estimé que le nombre de questions de la liste n'était pas pratique dans certains contextes. Afin d'accroître la volonté des cliniciens et des chercheurs d'utiliser l'outil, une forme brève a été créée (Bohus et al., 2009). C'est celle que nous utiliserons.

    Le BSL-23 est côté en additionnant les valeurs des items. Les patients doivent remplir au moins 90% du questionnaire pour que les scores soient évalués (Mannheim, 2007). Pour permettre la comparaison avec le BSL-95 original, le score doit comparer les valeurs moyennes des échelles. Le supplément Items for assessing Behaviour est évalué de la même manière, les scores étant ajoutés pour obtenir le score réel de comportement dysfonctionnel. Les deux scores sont utilisés pour surveiller la sévérité des symptômes du TPL et suivre l'évolution dans le temps du patient. Il ne permet pas de diagnostiquer le trouble de la personnalité borderline mais bien de calculer un seuil de souffrance et de sévérité.

    Propriétés psychométriques et alpha de Cronbach

    Les résultats des recherches menées par Bohus et al. (2009) ont révélé de bonnes propriétés psychométriques pour le BSL-23, comparables à celles du BSL-95. Il existe également une forte corrélation entre les scores du BSL-23 et du BSL-95 pour tous les échantillons testés (fourchette : 0,958-0,963). La cohérence interne est également élevée avec un coefficient á de Cronbach compris entre 0,935-0,969.

    L'outil a été écrit à l'origine en allemand et a été traduit dans plusieurs langues différentes, outre l'anglais, et les propriétés psychométriques des outils traduits sont valides et ont été publiées (Nicastro et al., 2016 ; Soler et al., 2013).

    39

    Ensuite, nous avons trouvé pertinent d'intégrer les outils de mesure du modèle alternatif pour les troubles de la personnalité afin d'apporter plus de poids au BSL, dans l'étude du trouble de la personnalité : le PID 5- BF ainsi que le LPFS-BF.

    · Nous utiliserons donc le PID 5-BF (Annexe II), qui est la forme brève du PID 5. C'est une échelle d'évaluation des traits de personnalité de 25 items auto-évalués pour les adultes âgés de 18 ans et plus.

    Il évalue 5 domaines de traits de personnalité : l'affect négatif, le détachement, l'antagonisme, la désinhibition, et le psychoticisme, chaque domaine de trait étant composé de 5 items. Pour chaque élément du PID-5-BF, il est demandé à la personne recevant les soins d'évaluer dans quelle mesure l'item la décrit de manière générale. (Krueger R. F., Derringer J., Markon K. E., Watson D., Skodol A. E. (2013a). The Personality Inventory for DSM-5-Brief Form (PID-5-BF)-Adult. American Psychiatric Association.)

    Notation et interprétation

    Chaque élément de la mesure est évalué sur une échelle de 4 points (0 = très faux ou souvent faux ; 1 = parfois ou assez faux ; 2=parfois ou un peu vrai ; 3=très vrai ou souvent vrai). L'échelle de mesure globale va de 0 à 75, les scores les plus élevés indiquant un dysfonctionnement global de la personnalité. Les scores dge chaque domaine de traits vont de 0 à 15, les scores les plus élevés indiquant un dysfonctionnement plus important de la personnalité.

    · Enfin, nous utiliserons le LPFS-BF 2.0. (cf Annexe III) Le « Level of Personality Functioning Scale-Brief Form 2.0 » est un inventaire d'auto-évaluation fréquemment utilisé pour dépister les dysfonctionnements personnels et interpersonnels selon le modèle alternatif des troubles de la personnalité (AMPD) du DSM-5 et la classification des troubles de la personnalité de la CIM-11. Le LPFS-BF et les mesures de déficience pertinentes ont été administrés à un échantillon stratifié socio-démographiquement de 2 002 adultes issus de la population générale danoise, dont 713 ont finalement fourni des données à inclure dans la présente étude. L'unidimensionnalité des scores du LPFS-BF a été établie à l'aide d'une analyse factorielle confirmatoire (AFC). L'analyse de la

    40

    théorie des réponses aux items (IRT) a indiqué un fonctionnement satisfaisant des 12 items et a suggéré des seuils de scores normatifs observés à différents niveaux de gravité latente. Des associations significatives ont été trouvées entre les seuils normatifs du LPFS-BF, la qualité de vie et le fonctionnement social et professionnel. (Weekers, L. C., Hutsebaut, J., & Kamphuis, J. H. (2019). The Level of Personality Functioning Scale-Brief Form 2.0: Update of a brief instrument for assessing level of personality functioning. Personality and Mental Health, 13(1), 3-14.)

    Ces 12 items évalue 4 niveaux de personnalité : l'identité (expérience de soi en tant qu'être unique, stabilité de l'estime de soi et capacité à s'engager dans la vie) l'autodétermination (poursuite d'objectifs cohérents et significatifs, normes internes de comportement constructives et prosociales et autoréflexion), l'empathie (compréhension et appréciation des expériences et motivations d'autrui, tolérance à l'égard des différences de comportement), et l'intimité (profondeur et durée des liens avec les autres, désir et capacité de proximité et de réciprocité des relations). (Weekers, L. C., Hutsebaut, J., & Kamphuis, J. H. (2019). The Level of Personality Functioning Scale-Brief Form 2.0: Update of a brief instrument for assessing level of personality functioning. Personality and Mental Health, 13(1), 3-14.)

    Pour améliorer le fonctionnement psychométrique, une échelle de réponse a été opté au lieu d'un format de réponse binaire oui/non. Cette modification est liée à un objectif d'élargir l'utilisation du LPFS-BF 2.0 en tant qu'outil de dépistage pour en faire un outil d'évaluation de la santé.

    Notation

    Ces 12 items, sont regroupés en deux domaines d'ordre supérieur : le fonctionnement personnel et le fonctionnement interpersonnel.

    Les participants sont invités à évaluer les 12 éléments sur une échelle de Likert en 4 points allant de 1 (complètement faux) à 4 (complètement vrai).Le tableau ci-dessous montre la distribution des réponses à tous les items dans l'échantillon actuel.

    41

    Weekers, L. C., Hutsebaut, J., & Kamphuis, J. H. (2019). The Level of Personality Functioning Scale-Brief Form 2.0: Update of a brief instrument for assessing level of personality functioning. Personality and Mental Health, 13(1), 3-14.

    · Enfin, les données sociodémographiques telles que la tranche d'âge et le sexe seront recueillies.

    3.3 Protocole

    Le protocole consiste en un questionnaire auto-évalué sur LimeSurvey. Ce dernier sera diffusé sur les réseaux sociaux. Le questionnaire sera publié sur diverses plateformes afin de limiter le biais de sélection et d'obtenir un échantillon le plus représentatif possible de la population réelle ciblée.

    3.4 Aspects déontologiques

    Le questionnaire sera réalisé en ligne sur LimeSurvey afin d'assurer l'anonymisation et la protection des données. De même aucune donnée ne permet d'identifier les participants puisqu'aucune information relative à l'identité de la personne ou relative à l'adresse IP n'a été demandée ou enregistrée. (Article 26 des conditions de l'exercice de la profession, Article 51 du Code de déontologie ; CNIL, 1978 ; RGPD, 2016). Réaliser cette étude en ligne et non en format papier parait plus adapté afin de rassurer la personne sur la confidentialité et l'anonymisation de l'étude. (Naus, 2009).

    42

    Avant la passation du questionnaire, une lettre d'information (Annexes) énoncera le contexte, le sujet et l'objectif de l'étude ainsi qu'une indication sur le temps nécessaire pour la réaliser (Article 54 du Code de déontologie). Dans cette lettre d'information seront également explicités les droits de la personne comme notamment celui de pouvoir interrompre la passation à tout moment, et ce, sans avoir à se justifier. (Déclaration d'Helsinki, 2013). Nous fournirons également une adresse électronique afin de pouvoir répondre aux éventuelles questions soulevées à l'issue de l'étude. Des numéros verts ont également été joints à la lettre d'information (SOS suicide) dans le but de guider les participantes vers une aide psychologique si cela est nécessaire (Article 53 du code de déontologie). De plus, il sera demandé à chaque participant d'attester du consentement libre et éclairé avant de pouvoir participer à l'étude (Chap II, art 9 conditions de l'exercice de la profession).

    3.5 Hypothèses opérationnelles

    · Certaines valeurs en tant que variable indépendante évalués par le SVS seront associées significativement aux scores significatifs obtenus au BSL-BF évaluant le seuil de souffrance et de sévérité du trouble de la personnalité borderline en tant que variable dépendante.

    · Le modèle alternatif de la personnalité évalué par le PID-5 et le LPFS-BF est associé positivement et significativement aux scores obtenus au BSL-BF.

    · Le BSL en tant que variable explicative, joue un rôle médiateur entre le SVS et le MATP (PID et LPFS).

    3.6 Traitement statistique des données

    Le traitement des données obtenues a été réalisé par le biais du logiciel Jamovi version 2.3 et SPSS version 28.0.1.1. Dans un premier temps, nous avons calculé les alphas de Cronbach pour nous assurer de la validité interne de chaque questionnaire puis réaliser une analyse factorielle confirmatoire.

    Pour cette étude, nous avons réussi à obtenir 143 participants dont 21 sujets significatifs au seuil de souffrance de la personnalité borderline. (BSL)

    IV. Analyse des résultats

    Analyse factorielle confirmatoire

    Nous avons commencé par une analyse factorielle confirmatoire (AFC) sur Jamovi pour confirmer la structure de nos différents facteurs. Elle permet de tester si un modèle théorique correspond bien aux données observées.

    · SVS : ?=0.894

    Le tableau ci-dessous nous montre que les facteurs du SVS sont significatifs. (p < 0,05)

    Contributions des facteurs

    Facteur

    Indicateur

    Estimation

    Erreur standard

    Z

    p

    Facteur 1

    AUTONOMIE

    1.606

    0.248

    6.48

    < .001

    Facteur 2

    STIMULATION

    1.822

    0.281

    6.48

    < .001

    Facteur 3

    HEDONISME

    1.708

    0.264

    6.48

    < .001

    Facteur 4

    ACCOMPLISSEMENT

    1.087

    0.168

    6.48

    < .001

    Facteur 5

    POUVOIR

    1.304

    0.201

    6.48

    < .001

    Facteur 6

    SECURITE

    1.394

    0.215

    6.48

    < .001

    Facteur 7

    CONFORMITE

    1.569

    0.242

    6.48

    < .001

    Facteur 8

    TRADITION

    0.913

    0.141

    6.48

    < .001

    Facteur 9

    BIENVEILLANCE

    1.345

    0.207

    6.48

    < .001

    Facteur 10

    UNIVERSALISME

    1.705

    0.263

    6.48

    < .001

     

    PID5 :?=0.806

    Le tableau ci-dessous nous montre que les facteurs du PID sont significatifs. (p < 0,05)

    Contributions des facteurs

    Facteur

    Indicateur

    Estimation

    Erreur standard

    Z

    p

    Facteur 1

    AFFECT NEGATIF

    0.484

    0.0748

    6.48

    < .001

    Facteur 2

    DETACHEMENT

    0.482

    0.0743

    6.48

    < .001

    Facteur 3

    ANTAGONISME

    0.514

    0.0794

    6.48

    < .001

    Facteur 4

    DESINHIBITION

    0.686

    0.1058

    6.48

    < .001

    Facteur 5

    PSYCHOTISME

    0.631

    0.0974

    6.48

    < .001

     

    43

    Contributions des facteurs

    Facteur Indicateur Estimation Erreur standard Z p

    · LPFS-BF-12 ?=0.842

    Le tableau ci-dessous nous montre que les facteurs du LPFS sont significatifs. (p < 0,05)

    Contributions des facteurs

    Facteur

    Indicateur

    Estimation

    Erreur standard

    Z

    p

    Facteur 1

    Identité

    0.484

    0.0747

    6.48

    < .001

    Facteur 2

    Auto-détermin

    0.760

    0.1173

    6.48

    < .001

    Facteur 3

    Empathie

    0.848

    0.1308

    6.48

    < .001

    Facteur 4

    Intimité

    0.670

    0.1035

    6.48

    < .001

     

    BSL : ?=0.943

    4.1 Description des scores obtenus aux différents outils

    Statistiques descriptives

    Intervalle de confiance à Shapiro-Wilk

    95%

     

    N

    Moyenne

    Borne inf

    Supérieur

    Mé-
    diane

    Ecart-
    type

    W

    p

    BSL

    143

    0.745

    0.636

    0.855

    0.484

    0.665

    0.848

    < .001

    Moyenne

     
     
     
     
     
     
     
     

    MOY SVS

    143

    3.653

    3.516

    3.790

    3.573

    0.826

    0.992

    0.566

    MOY LPSF

    143

    1.226

    1.125

    1.328

    1.214

    0.614

    0.982

    0.055

    MOY PID

    143

    1.085

    1.017

    1.154

    1.040

    0.415

    0.991

    0.515

     

    44

    Notre échantillon est composé de 40,6% d'hommes et 59,4% de femmes.

    45

    Moyennes globales de chaque échelle

    · Les participantes de notre étude ont obtenu les scores suivants à l'échelle BSL [m = 0,745 ; SD = 0,665] Le test de Shapiro-Wilk révèle que les données ne suivent pas une loi normale (W = 0.848 ; p < 0.05).

    · Concernant, le système de valeurs, les participants ont obtenu une moyenne de 3,65 (SD = 0.82). Le test Shapiro met en avant qu'il s'agit d'une loi normale (W = 0.99 ; p=0.566).

    · Le score moyen obtenu à l'échelle du PID est de 1,09 (SD = 0,415), Cela suit une loi normale (W=0.99 ; p=0.515).

    · Enfin, pour l'outil évaluant le différent niveau de fonctionnement de personnalité, les participantes ont obtenu une moyenne de 1,23 (SD = 0,614). Ces données suivent une loi normale (W=0.982 ; p = 0,055)

    4.1.1 Description des scores du groupe significatif au BSL Statistiques descriptives

    Intervalle de con-Shapiro-Wilk fiance à 95%

     
     

    GrBor-

    der/non N
    border

    Moyenne

    Borne
    inf

    Supé-
    rieur

    Mé-
    diane

    Ecart-
    type

    W

    p

    BSL

    0

    122

    0.522

    0.452

    0.592

    0.403

    0.390

    0.885

    < .001

    Moyenne

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

    1

    21

    2.045

    1.874

    2.215

    1.968

    0.375

    0.883

    0.017

    MOY SVS

    0

    122

    3.690

    3.543

    3.837

    3.606

    0.819

    0.981

    0.087

     

    1

    21

    3.437

    3.047

    3.827

    3.433

    0.857

    0.976

    0.851

    MOY LPSF

    0

    122

    1.117

    1.018

    1.216

    1.086

    0.554

    0.986

    0.241

     

    1

    21

    1.863

    1.607

    2.118

    1.829

    0.562

    0.940

    0.219

    MOY PID

    0

    122

    1.013

    0.944

    1.082

    1.000

    0.384

    0.990

    0.552

     

    1

    21

    1.505

    1.352

    1.658

    1.440

    0.336

    0.968

    0.697

     

    · Les participantes significatif au BSL (>ou= à 1,5) de notre étude ont obtenu les scores suivants à l'échelle BSL [m = 2,045 ; SD = 1,968 ] Le test de Shapiro-Wilk révèle que les données ne suivent pas une loi normale (W = 0.883 ; p < 0,05).


    ·

    46

    4.1.2 Test de Student

    Test t pour échantillons indépendants

    Test t pour échantillons indépendants

    Taille de

    Statistique ddl p l'effet

    Identité t de Student -10.432 ? 140 < .001 d de Cohen -1.9182

    Auto-détermi t de Student -5.262 140 < .001 d de Cohen -0.9676

    Empathie t de Student -3.659 140 < .001 d de Cohen -0.6729

    intimité t de Student -6.014 140 < .001 d de Cohen -1.1058

    Affect neg t de Student -4.580 140 < .001 d de Cohen -0.8421

    detachm t de Student -4.754 140 < .001 d de Cohen -0.8741

    antago t de Student -2.363 140 0.020 d de Cohen -0.4344

    deshinib t de Student -3.839 140 < .001 d de Cohen -0.7059

    psychotis t de Student -6.985 140 < .001 d de Cohen -1.2844

    Autonomie t de Student 0.639 140 0.524 d de Cohen 0.1174

    Stiumulation t de Student -0.286 140 0.775 d de Cohen -0.0526

    Hédonisme t de Student 1.406 140 0.162 d de Cohen 0.2585

    Accomplissement t de Student 1.085 140 0.280 d de Cohen 0.1995

    Pouvoir t de Student -2.177 140 0.031 d de Cohen -0.4004

    Sécurité t de Student 0.593 140 0.554 d de Cohen 0.1090

    Conformité t de Student 0.533 140 0.595 d de Cohen 0.0980

    Tradition t de Student 0.491 140 0.624 d de Cohen 0.0903

    "BIENVEILLANCE" t de Student 0.842 140 0.401 d de Cohen 0.1548

    UNIVERSALISME t de Student 0.413 140 0.680 d de Cohen 0.0760

    Note. Ha A 0 ? A 1

    ? Le test de Levene est significatif (p<0.05), suggérant une violation de la condition d'égalité des variances

    Dans ce tableau, nous pouvons observer les résultats du test t de Student pour comparer les moyennes des différents traits de personnalité et des différentes valeurs entre les individus avec un score élevé de personnalité borderline et ceux avec un score plus bas.

    Les résultats montrent que la différence de moyenne pour la variable "Pouvoir" est statistiquement significative (t = -2.177, p = 0.031), ce qui suggère qu'il existe une différence significative dans la perception du pouvoir entre les deux groupes. Cependant, la taille de l'effet (d de Cohen = -0.4004) est relativement petite, ce qui indique que bien que la différence soit statistiquement significative, elle peut ne pas être cliniquement significative.

    Ces résultats suggèrent que les individus présentant des traits de personnalité borderline ont une perception du pouvoir différente de ceux ayant des scores plus bas en personnalité borderline. Cependant, étant donné la taille relativement petite de l'effet pour la variable "Pouvoir", des

    analyses supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces résultats et en comprendre les implications cliniques.

    Dès lors, nous nous demandons si les sujets ayant un score significatif au BSL ont une incidence sur la valeur Pouvoir.

    · Ce tableau d'analyse de régression linéaire met en évidence que les sujets

    borderline est positive
    significative. (p < 0,05) C'est donc un bon indicateur pour la valeur pouvoir. Plus les scores au BSL sont élevés plus les scores obtenus à la valeur pouvoir est élevé.

    Coefficients du modèle - Pouvoir

    Prédicteur

    Estimation

    Erreur standard

    t

    p

    Ordonnée à l'origine

    1.8254

    0.26070

    7.002

    < .001

    Identité

    -0.0110

    0.05940

    -0.186

    0.853

    Auto-détermi

    0.0215

    0.06274

    0.343

    0.732

    Empathie

    0.0391

    0.05041

    0.776

    0.439

    intimité

    -0.0677

    0.06204

    -1.091

    0.277

    BSL

    0.0184

    0.00734

    2.512

    0.013

    Affect neg

    0.0405

    0.03572

    1.133

    0.259

    detachm

    -0.0605

    0.05236

    -1.155

    0.250

    antago

    0.0955

    0.03558

    2.684

    0.008

    deshinib

    -0.0121

    0.03762

    -0.322

    0.748

    psychotis

    -0.0602

    0.03600

    -1.673

    0.097

     

    47

    Mesures de l'ajustement du modèle

    Modèle R R2

    1 0.386 0.149

    · 14,9 % de la variance, c'est-à-dire du score obtenu à la valeur Pouvoir est expliqué par le BSL.

    · Comme le BSL est sous tendu par le modèle alternatif des troubles de la personnalité, le PID et le LPFS, nous pouvons étudier les effets de médiation.

    4.2 Analyse des médiations

    4.2.1 Rôle médiateur du trouble de la personnalité borderline (BSL)

    Pour ce modèle nous avons utilisé le modèle linéaire de médiation général (General Linear Model Mediation Analysis), il permet de tester si notre variable BSL, (si les sujets avec une personnalité borderline) explique ou transmet les effets du modèle alternatif de la personnalité sur la variable dépendante, la valeur pouvoir.

    Dans sa globalité, ce premier tableau ci-dessous révèle principalement des effets directs significatifs entre nos variables (voir les composants) : Le PID sur le BSL (3 = 0,24 ; p < 0,05), le BSL sur Pouvoir (3 = 0,25 ; p < 0,05), le LPFS sur BSL (3 = 0,49 ; p < 0,05).

    Néanmoins il existe une médiation indirect positive significative du BSL sur notre modèle, expliquant les effets du LPFS sur la valeur pouvoir. (3 = 0,12 ; p < 0,05).

    Indirect and Total Effects

    Type

    Effect

    Estimat

    e

     

    95% C.I. (a)

     

    â

    z

    p

     

    Lower Upper

     

    PID BSL

     
     

    -

     
     
     
     

    Indirect

    Pouvoir

    0.00656

    0.00401

    0.00131

    0.0144

    0.0596

    1.6341

    0.102

     

    LPFS BSL

    0.01852

    0.00915

    5.89e-4

    0.0364

    0.1248

    2.0244

    0.043

     

    Pouvoir

     
     
     
     
     
     
     

    Component

    PID BSL

    0.45526

    0.18725

    0.08826

    0.8223

    0.2366

    2.4313

    0.015

     

    BSL Pouvoir

    0.01441

    0.00653

    0.00161

    0.0272

    0.2521

    2.2068

    0.027

     

    LPFS BSL

    1.28533

    0.25275

    0.78995

    1.7807

    0.4949

    5.0854

    < .001

     

    · La présence significative d'une médiation indirecte impliquant la personnalité borderline suggère que cette variable joue un rôle important dans le lien entre les variables intimité, identité, psychoticisme et la valeur pouvoir.

    Nous allons donc tester en détails les facteurs influençant le BSL avec une régression linéaire.

    · Ce tableau d'analyse de régression linéaire met en évidence que les variables

    Identité, Intimité et

    Psychoticisme sont
    positives significatives. (p < 0,05) Ce sont donc de bons indicateurs pour le BSL. Plus leurs scores sont élevés plus les scores obtenus au BSL sont élevés.

    Coefficients du modèle - BSL

    Prédicteur

     

    Estimation

    Erreur
    standard

    t

    p

    Ordonnée à l'origine Identité

    Auto-détermi Empathie

    intimité Affect neg

    detachm

    antago deshinib

    psychotis 1.360

    0.410

    3.315

    -7.647

    3.716

    -1.213

    -0.753

    2.697

    0.605

    -1.258

    0.388

    0.701

    0.001

    3.019

    0.626

    0.736

    0.594

    0.697

    0.420

    0.611

    0.421

    0.442

    -

    2.533

    5.939

    -

    1.648

    -

    1.268

    3.869

    1.440

    -

    2.059

    0.923

    1.586

    0.012

    < .001

    0.102

    0.207

    < .001

    0.152

    0.051

    0.358

    0.115

     

    49

    Mesures de l'ajustement du modèle

    Modèle R R2

    1 0.779 0.606

    · 60,6% de la variance, c'est-à-dire du score obtenu au BSL est expliqué par les variables identité, intimité et psychoticisme.

    Un lien significatif est retrouvé entre le BSL et Identité, intimité et psychoticisme, nous pouvons donc réaliser le modèle de médiation suivant :

    50

    Ce dernier modèle révèle des interactions positives et significatives entre nos variables, confirmant les facteurs influençant notre modèle de médiation.

    Il existe une médiation indirecte positive significative du BSL sur notre modèle.

    En effet nous avons Identité -> BSL -> Pouvoir (3 = 0,17 ; p < 0,05), Intimité -> BSL -> Pouvoir (3 = 0,08 ; p < 0,05) et psychoticisme -> BSL -> Pouvoir (3 = 0,06 ; p < 0,05).

    · Ce modèle montre que ces 3 facteurs indépendants influencent la personnalité borderline, qui à son tour par sa médiation, peut influencer la perception de la valeur pouvoir.

    Indirect and Total Effects

    Type

    Effect

    Estimate

    SE

    95% C.I. (a)

    â

    z

    p

    Lower

    Upper

     

    Identité

     
     
     
     
     
     
     

    Indirect

    BSL

    0.0685

    0.02654

    0.01644

    0.12049

    0.1664

    2.579

    0.010

     

    Pouvoir psychotis

     
     
     
     
     
     
     
     

    BSL

    0.0198

    0.01008

    3.01e-5

    0.03954

    0.0662

    1.963

    0.050

     

    Pouvoir intimité

     
     
     
     
     
     
     
     

    BSL

    0.0425

    0.01988

    0.00349

    0.08142

    0.0770

    2.136

    0.033

     

    Pouvoir

     
     
     
     
     
     
     
     

    Identité

     
     
     
     
     
     
     

    Component

     

    3.4514

    0.51723

    2.43765

    4.46516

    0.4793

    6.673

    < .001

     

    BSL

     
     
     
     
     
     
     
     

    BSL

    0.0198

    0.00709

    0.00594

    0.03374

    0.3471

    2.797

    0.005

     

    Pouvoir

     
     
     
     
     
     
     
     

    psychotis

    BSL

    0.9973

    0.36192

    0.28799

    1.70670

    0.1907

    2.756

    0.006

     

    intimité

    2.1403

    0.64714

    0.87195

    3.40870

    0.2218

    3.307

    < .001

     

    BSL

     
     
     
     
     
     
     

    51

    V. Discussion

    5.1 Les objectifs de la recherche

    Cette étude a pour objectif de voir si la personnalité borderline était symptomatique d'un système sociétal individualiste par le biais d'un système de valeurs. L'étude a permis d'élaborer un modèle de médiation permettant une meilleure compréhension de la relation entre le système de valeurs, le modèle alternatif des troubles de la personnalité et du trouble borderline.

    5.2 Discussions des résultats

    Dans un premier temps, nos résultats de cette recherche montrent qu'il existe bien un lien significatif entre la personnalité borderline, le modèle alternatif de la personnalité, ainsi que le système de valeurs.

    En reprenant nos hypothèses, nous constatons que seule la valeur pouvoir est significative avec notre échantillon de sujet borderline. Ce qui valide partiellement nos hypothèses. Néanmoins, la valeur pouvoir se situe dans les valeurs dîtes à intérêt individuel. (Bilsky & Schwartz, 1994) Etant associé positivement, nos résultats montrent donc une intériorisation d'une valeur dite individualiste chez nos sujets borderline.

    Nous pouvons aussi confirmer le lien significatif entre le modèle de la personnalité et la personnalité borderline. De plus, les résultats ont révélé les facteurs les plus déterminant qui influencent le niveau de gravité du trouble de la personnalité borderline. Ce sont les facteurs Identité, Intimité et Psychoticisme.

    · Il n'y a pas de lien direct entre le modèle alternatif de la personnalité et le système de valeurs. Or, il existe un lien indirect, par le biais de la personnalité borderline.

    Ce qui nous a amené à modéliser nos résultats, avec un modèle à médiation. Le trouble de la personnalité borderline en tant que médiation, entre le modèle alternatif de la personnalité avec trois facteurs : Identité, intimité et psychoticisme et, la valeur pouvoir. Ce qui confirme notre dernière hypothèse.

    52

    5.2.1 Analyse de notre modèle

    La présence significative d'une médiation indirecte impliquant la personnalité borderline suggère que cette pathologie joue un rôle crucial dans le lien entre les traits de personnalité intimité, identité, psychoticisme et la valeur pouvoir. Elle explique l'effet de ces traits sur la valeur pouvoir.

    · En d'autres termes, les résultats de notre recherche révèlent que le trouble de la personnalité borderline modifie, influence la perception de la valeur pouvoir, en augmentant son intériorisation dû à d'importantes problématiques identitaires, relationnelles et de perception du réel.

    L'apparition du trait psychoticisme est intéressante dans ce modèle. D'après le DSM-V, il n'est pas un critère diagnostic fondamentale pour ce trouble de la personnalité. En revanche nous pouvons l'interpréter ainsi : le psychoticisme se manifeste par des croyances ou des pensées atypiques, ainsi que des difficultés à percevoir la réalité de manière stable. En reprenant les autres critères de notre modèle et les termes du DSM-V, ce qui influe sur la gravité de ce trouble c'est une faible estime de soi, peu développée ou instable, des sentiments chroniques de vide, des relations proches intenses, instables et conflictuelles, des besoins affectifs excessifs et préoccupations anxieuses concernant un abandon réel ou imaginé et des relations proches souvent extrêmes, soit idéalisées, soit dévalorisées, alternant entre implication excessive et retrait. (American Psychiatric Association et American Psychiatric Association, éditeurs. Diagnostic and statistical manual of mental disorders: DSM-5. 5th

    53

    ed, American Psychiatric Association, 2013.)

    Nous pouvons dire que le trait psychoticisme ici représente simplement les croyances ou les pensées traumatiques affective extrême de nos sujets impactant/altérant sa perception de la réalité. En effet selon Kernberg, les individus qui présentent ce type de structure percevraient adéquatement la réalité

    et préserveraient une pensée logique et cohérente. Cependant, ils pourraient présenter des distorsions

    dans la perception de soi et des autres lorsqu'ils sont confrontés à des facteurs de stress qui

    submergent leurs capacités adaptatives et ainsi avoir le sentiment que leur rapport à la réalité est

    variable (O. Kernberg, 2004).

    5.3 Borderline et la valeur « Pouvoir »

    Afin de comprendre le lien entre le trouble de la personnalité borderline et la valeur pouvoir, nous vous proposons un argumentaire clinique, psychanalytique et social sur la base des apports de notre revue de littérature ainsi que de cet article de psychologie sociale : Guinote, A. (2017). How power affects people : Activating, wanting, and goal seeking. Annual Review of Psychology, 68(1), 353-381.

    En psychologie, la recherche sur le pouvoir social s'est considérablement développée depuis l'étude de Keltner et al. (2003), selon laquelle le pouvoir active le système d'approche comportementale (BAS ; voir Gray 1990, Gray & McNaughton 2000). Cette activation peut entraîner de nombreuses répercussions sur les pensées, les émotions et les comportements des individus ayant du pouvoir, ce qui confère à cette théorie un fort pouvoir explicatif. Cet article examine les études publiées depuis Keltner et al. (2003) qui explorent l'impact du pouvoir sur les individus. (Guinote, 2017)

    5.3.1 Pouvoir et Identité

    D'après Guinote le pouvoir affecte la façon dont les individus perçoivent leurs attributs, la façon dont ils s'évaluent eux-mêmes et la façon dont ils se perçoivent indépendamment des autres. Ces effets du pouvoir sur le soi facilitent la prise de décision rapide et l'action, permettant aux individus de réagir de manière autonome. Le pouvoir augmente également l'estime de soi (Fast et al. 2009, Hofstede et al. 2002, Wojciszke & Struzynska-Kujalowicz 2007). Dans cet article, l'auteur énonce l'exemple d'une étude portant sur 1 814 participants occupant des postes d'encadrement dans 15 pays a révélé que les cadres s'évaluaient mieux en termes de caractéristiques managériales positives que la moyenne des cadres de leur pays (Hofstede et al. 2002). (Guinote, A, 2017, How power affects people: Activating, wanting, and goal seeking).

    ·

    54

    Comme vu dans la littérature, le trouble de la personnalité borderline est caractérisé par une estime de soi faible et instable, l'adhésion à la valeur du pouvoir peut donc servir de mécanisme compensatoire. En s'identifiant à des attributs associés au pouvoir, les individus borderline peuvent renforcer leur image de soi et leur sentiment de compétence. Par conséquent, cette adhésion à la valeur du pouvoir peut être perçue comme une tentative de renforcement de soi, visant à consolider un moi actif et positif face aux défis de la vie quotidienne.

    5.3.2 Pouvoir et Intimité

    Le pouvoir amène des relations de coopérations afin d'arriver à des fins individuelles. (Bilsky & Schwartz, 1993). Les individus borderline sont prédominés par des angoisses relationnelles, caractérisé par des préoccupations anxieuses concernant un abandon réel ou imaginé ainsi que des relations proches souvent extrêmes, soit idéalisées, soit dévalorisées, alternant entre implication excessive et retrait. (Estellon, 2017) Intérioriser cette valeur, permettrait une mise à distance suffisante de l'autre, en le contrôlant afin de pouvoir combler ses manques affectifs. En effet d'après Guinote, les détenteurs de pouvoir ont un sentiment de contrôle élevé, même dans des domaines qui ne sont pas liés à leur rôle (Scholl & Sassenberg 2014). Van Dijke & Poppe (2006) et Lammers et al. (2016) ont constaté que les gens recherchent le pouvoir principalement pour accroître le contrôle qu'ils exercent sur leur propre vie. (Guinote, A, 2017, How power affects people: Activating, wanting, and goal seeking).) Ce qui nous renvoie au mécanisme de défense principale des pathologies limites dans sa relation à l'autre : l'identification projective. En effet, nous rappelons que cette défense est très utilisée par

    les pathologies limites, et qu'elle s'exprime par des fantasmes inconscients permettant au sujet d'in-

    troduire des parties de sa propre personne dans l'autre dans le but de le contrôler, le posséder ou le

    détruire. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

    · Ici, le pouvoir renvoie un reflet miroir de ce mécanisme défensif.

    5.3.3 Pouvoir et psychoticisme

    D'après l'auteur, le pouvoir affecte également les croyances que les gens ont d'eux-mêmes. Il renforce la confiance ou la conviction dans leurs capacités et leurs opinions, ainsi que d'autres croyances valorisantes, qui sont des mécanismes de niveau intermédiaire facilitant la prise de décision rapide et l'exercice de l'influence. Des études sur le terrain et des études expérimentales ont révélé une

    55

    augmentation de la confiance chez les personnes puissantes (Brinol et al. 2007, Fast et al. 2012, Scholl & Sassenberg 2014). (Guinote, A, 2017, How power affects people: Activating, wanting, and goal seeking).

    ·

    Dans le modèle alternatif des troubles de la personnalité du DSM-V, il est décrit que le psy-choticisme regroupe une large gamme de cognitions et de comportements culturellement excentriques ou inhabituels à la fois en ce qui concerne les croyances, le mécanisme de perception du réel et la dissociation. Nous avons exploré que les individus présentant un trouble de la personnalité borderline ont des mécanismes défensifs provoquant une altération de la perception du réel, notamment en la déniant. Le sujet, en s'identifiant aux parties de l'objet contenant ses propres parties clivées/projetées, se perd dans une perception confuse où l'autre c'est lui. Intérioriser la valeur pouvoir, conforterait ces personnalités dans leur croyance leur apportant une valorisation de leurs comportements et pouvant garder l'autre comme étant un objet partiel. (Estellon, V. (2011). Les mécanismes de défense)

    · Cela nous renvoie au modèle d'Otto Kernberg (1989) vu précédemment notre revue. Ces résultats montrent une concordance avec les trois critères fondamentaux de ce modèle, soit le degré d'intégration de l'identité, les mécanismes de défense prédominants et la capacité de l'individu à maintenir la fonction d'épreuve de la réalité. (Kernberg, O. F. (1989). Les

    Troubles limites de la personnaliteì.)

    5.3.4 Le pouvoir : la quête idéalisée des borderlines ?

    ? Idéal du Moi, Soi grandiose : quête d'autosuffisance et d'autonomie

    Nous allons nous pencher sur le conflit dominant de cette structure psychique où prédomine l'idéal du Moi en conflit avec le Moi.

    Pour rappel dans notre revue de la littérature, nous avons vu avec l'auteur Jean Bergeret que l'Idéal du Moi chez les personnalités limites exerce ses pressions par des promesses d'un avenir meilleur. Cet idéal peut être perçu comme une croyance selon laquelle une personne doit être parfaite et ne peut pas se permettre d'échouer entraînant une anxiété et une insécurité extrême, car la personne se sent incapable de satisfaire ses propres attentes. Le désir est continuellement stimulé mais l'accès au plaisir est interdit. Il agit pour se sentir aimé, sa plus grande terreur étant de ne plus être aimé. (Zucker, D. (2012). Faux self, borderline, personnalité narcissique, personnalité schizoïde)

    Ainsi, le pouvoir apportera aux personnalités borderline la clarté de l'objectif et l'ardeur du désir, ainsi que la volonté de travailler à la réalisation des désirs et des objectifs (chercher à atteindre un but). (Guinote, 2017)

    56

    En effet, dans notre article sur la question du pouvoir, les auteurs Van Dijke & Poppe (2006) et Lammers et al. (2016) ont constaté que les gens recherchent le pouvoir principalement pour accroître le contrôle qu'ils exercent sur leur propre vie. Ce sentiment de contrôle accru joue un rôle causal dans l'optimisme et l'orientation vers l'action des détenteurs de pouvoir (Fast et al. 2009). En outre, avec une perception accrue du contrôle, les personnes puissantes se perçoivent comme une entité indépendante et autosuffisante (concept de soi indépendant). (Guinote, 2017)

    · L'Idéal du Moi règne par son insatiabilité, la valeur pouvoir pourrait alors nourrir perpétuellement ce pôle dominant chez cette structure.

    En reprenant notre théorisation lors de notre revue, la valeur pouvoir renvoie à l'intériorisation des normes sociétales et surtout, il est la principale dynamique de l'individualisme (concept de soi indépendant, d'après Guinote, 2017). Nous disions précédemment que si cet idéal d'indépendance et d'autosuffisance est la norme sociale, alors il entre en conflit avec les difficultés rencontrés par les personnes souffrant de trouble de la personnalité borderline. Leur

    fonctionnement étant centré sur un Idéal du moi fort ces sujets ont tendance à fortement intériorisé cette norme et donc sont en quête d'indépendance et d'autosuffisance. Cependant, leurs

    instabilités émotionnelles, relationnelles et identitaires, ainsi que leur peur de l'abandon, rendent cet objectif difficile à atteindre. La tension entre le désir d'indépendance et la dépendance émotionnelle et psychique, caractéristique des personnes borderline, est perceptible en raison du besoin de combler tous ces manquements.

    Or grâce à cette recherche nous voyons que l'intériorisation de la valeur Pouvoir pourrait être

    le compromis de ces individus pour avoir le contrôle sur leurs symptômes. Avoir le pouvoir serait un moyen défensif de maintenir leur système, à la limite.


    ·


    ·

    Finalement, nous voyons avec cette lecture psychanalytique, que l'adhésion à la valeur pouvoir chez

    les personnalités borderline permet un contrôle de ses angoisses relationnelles et identitaires et ainsi

    que le maintien d'une certaine stabilité psychique. Adhérer à la valeur Pouvoir, est une tentative de

    maîtrise de leurs symptômes.

    · La valeur pouvoir résonne avec la quête idéale : l'omnipotence sans failles, un contrôle absolu sur ses émotions, avec un garanti de réussite et d'épanouissement.

    57

    5.3.5 Borderline et Individualisme

    « Si le pouvoir facilite l'affirmation sociale et la recherche de priorités, il le fait souvent au risque de négliger des objectifs secondaires, en particulier les besoins et les perspectives d'autres personnes. » (Fiske & Berdahl 2007, Galinsky et al. 2006).

    En conclusion de cette analyse des résultats, nous pouvons dire qu'en partie, l'individualisme a un impact sur ce trouble de la personnalité. En effet, il semble que le trouble de la personnalité borderline est le reflet d'une dissonance entre émancipation individuel et dépendance à l'autre. Avec notre recherche, nous voyons que des individus ayant un seuil de souffrance élevé vers cette personnalité, intériorisaient de manière positive l'une des valeurs principales de ce système.

    Néanmoins, bien que nous ayons identifié des associations entre l'individualisme et la personnalité borderline, nous ne pouvons pas conclure que l'un cause directement l'autre. Les relations observées peuvent être influencées par d'autres variables non mesurées ou par des facteurs externes. Par conséquent, il est important de rester prudent dans l'interprétation des résultats et de reconnaître que nos analyses fournissent des indications sur les relations entre les variables, mais ne permettent pas d'établir des conclusions définitives sur les causes sous-jacentes de ces relations.

    58

    5.4 Principales limites

    · Notre recherche questionne autour de l'individualisme qui est un paradigme très large et plutôt flou, dans la mesure où il n'existe pas d'échelle spécifique permettant d'évaluer directement l'individualisme ou un système de valeurs individualiste. Nous avons dû nous appuyer sur la littérature existante pour tirer des conclusions hypothétiques sur la relation entre l'individualisme et la personnalité borderline. Cette approche indirecte peut présenter des limites en termes de précision et de validité des résultats.

    · De plus, notre échantillon d'individus présentant des scores significatifs au BSL (Borderline Symptom List) pourrait être considéré comme relativement restreint (21). Cette taille d'échantillon réduite peut limiter la généralisabilité de nos résultats et la robustesse de nos conclusions. Une étude avec un échantillon plus vaste pourrait permettre de mieux saisir la nature et l'ampleur des relations entre les variables étudiées.

    · Un autre point à considérer est que les sujets évalués au BSL présentent des caractéristiques qui suggèrent une souffrance et des traits associés à la pathologie borderline, mais ils ne bénéficient pas nécessairement d'un diagnostic formel de trouble de la personnalité borderline. Cette distinction pourrait avoir des implications importantes pour la validité externe de notre étude et pour la généralisation de nos résultats à une population présentant un diagnostic clinique confirmé.

    · En outre, malgré nos efforts pour prendre en compte différentes dimensions de la personnalité borderline et de l'individualisme, d'autres variables potentiellement pertinentes pourraient ne pas avoir été prises en compte dans notre étude. Par exemple, des facteurs environnementaux, sociaux ou culturels pourraient jouer un rôle dans la relation entre ces deux variables et mériteraient d'être explorés dans des recherches futures.

    · Enfin, nos conclusions sont basées sur des analyses statistiques qui ne permettent pas d'établir des relations causales entre les variables étudiées. Des études longitudinales ou expérimentales pourraient être nécessaires pour mieux comprendre la nature et la direction des liens entre l'individualisme et la personnalité borderline.

    59

    VI. Conclusion

    Cette recherche offre un aperçu significatif des relations complexes entre la personnalité borderline et l'individualisme. En explorant ces dimensions à travers une approche multidisciplinaire, pluri factorielle, nous avons pu identifier des liens significatifs entre les variables étudiées, offrant ainsi de nouvelles perspectives sur la compréhension de la personnalité borderline dans le contexte de notre société contemporaine.

    Nos résultats suggèrent que les individus présentant des traits de personnalité borderline ont une propension significative à adhérer à la valeur du pouvoir. Cette adhésion peut être interprétée à la lumière de l'idéal du Moi et de la quête d'indépendance dans un contexte social marqué par l'individualisme. En intégrant des perspectives psychanalytiques et sociologiques, nous avons pu mettre en évidence l'impact de ces dynamiques sur la symptomatologie et les comportements des individus présentant des traits de personnalité borderline.

    Cependant, il convient de reconnaître les limites de notre étude, notamment en ce qui concerne la nature corrélationnelle de nos analyses et la taille restreinte de notre échantillon. Ces limites soulignent l'importance de poursuivre les recherches dans ce domaine, en mettant l'accent sur des méthodologies longitudinales et des échantillons plus diversifiés.

    Malgré ces limites, notre étude offre des implications significatives pour la pratique clinique et la recherche future. En comprenant mieux les mécanismes sous-jacents à la relation entre la personnalité borderline, l'individualisme et la valeur du pouvoir, les cliniciens peuvent mieux adapter leurs approches thérapeutiques et leurs interventions pour répondre aux besoins spécifiques de cette population. Cela peut inclure des approches de traitement axées sur la régulation des émotions, la gestion des relations interpersonnelles et le renforcement de l'estime de soi.

    De plus, nos résultats soulignent l'importance de poursuivre les recherches sur les facteurs sociaux et culturels qui influencent le développement et la manifestation de la personnalité borderline.

    En conclusion, cette étude contribue à enrichir notre compréhension de la personnalité borderline dans le contexte de notre société contemporaine, en mettant en lumière les liens complexes entre les dimensions individuelles et sociales. En intégrant des perspectives multidisciplinaires, nous espérons ouvrir de nouvelles voies de recherche et de pratiques cliniques pour améliorer la prise en charge des individus touchés par ce trouble.

    60

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    VII. Annexes

    62

    I. Le SVS

    63

    64

    II. Le PID 5 BF

    65

    III. LPFS-BF 2.0

    66

    IV. BSL 23

    67

    V. Communication de la recherche sur les réseaux sociaux

    68

    69

    VI. Lettre d'information de la recherche

    Enquête concernant le système individualiste et la personnalité

    Bonjour à toutes et tous.

    Cette lettre d'information a pour but de vous aider à comprendre exactement ce qui
    implique votre éventuelle participation à la recherche de sorte que vous puissiez prendre une
    décision éclairée à ce sujet. Prenez donc le temps de la lire attentivement, et n'hésitez pas à
    poser toutes questions que vous jugerez utiles.

    Dans le cadre de mon mémoire de recherche en sciences humaines, nous menons une enquête visant à explorer le système de valeurs et la personnalité de chacun.

    Quel est l'objectif de cette étude ?

    Dans un premier temps, elle a pour but d'étudier l'influence du système de valeur
    d'un individu sur sa personnalité. Il s'agit plus précisément d'en apprendre plus
    sur la manière dont vous vous décrivez avec les valeurs qui guident
    votre vie quotidienne, ainsi que vos comportements.

    Dans un second temps, cette étude a pour objectif d'étudier le lien
    entre l'individualisme et la personnalité borderline.
    En effet, nous nous demandons si le trouble de la personnalité borderline
    est symptomatique de la doctrine individualiste, mise en avant dans notre société actuelle.

    4 La personnalité borderline se définit par une attitude générale d'instabilité, impactant le domaine émotionnel, les relations sociales et l'image de soi.

    4 L'individualisme est une conception philosophique, politique, morale et sociologique qui privilégie la valeur et les droits de l'individu par rapport à ceux de la société.

    Ce qui vous sera demandé :

    Dans cet objectif, il vous sera demandé de répondre à plusieurs affirmations questionnant vos valeurs, votre personnalité ainsi que les difficultés et/ou souffrances que vous pouvez éprouver, en cochant la réponse qui vous paraît correspondre le mieux à ce que vous pensez.

    ? TW ? : Certaines affirmations évoquent la question des automutilations, du suicide de la mort.

    ? La passation peut être compliqué pour vous si vous êtes sensible à ces questions.

    4 SOS Suicide : Si vous êtes en détresse et/ou avez des pensées suicidaires, ou si vous voulez

    aider une personne en souffrance, vous pouvez contacter le 3114, numéro vert d'aide psychologique et de soutien.

    /! \ Il n'y a pas de bonnes ou mauvaises réponses, il s'agit simplement de recueillir vos impressions.

    ??Durée :

    La durée du questionnaire est d'environ 15 minutes.

    Les réponses à ce questionnaire se font sur la base du volontariat.
    Aussi, vous êtes libre d'interrompre l'étude à tout moment.

    Les données recueillis sont anonymes et confidentielles.
    Par conséquent, il nous sera impossible de retrouver
    votre identité à partir de vos réponses.

    Qui peut répondre ?

    70

    Pour participer à cette étude, la seule condition est d'être majeur.

    71

    Responsable de la recherche

    Pour obtenir de plus amples renseignements ou pour toute(s) question(s), remarque(s)

    concernant ce projet de recherche, vous pouvez communiquer avec :

    L'étudiante : Doste Amélie, Master 2 Psychologie Clinique Psychopathologie, Université de Rouen Normandie : amelie.doste@.univ-rouen.fr

    Le directeur de recherche : Combaluzier Serge, Maitre de Conférences en Psychologie, Psychologue et docteur en Psychologie, Université de Rouen

    Normandie : serge.combaluzier@univ-rouen.fr

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