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Communication via les médias à  base de réseaux

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par Marie-Josèphe Couturas
Université Paris 1 Sorbonne - DEA Sciences Politiques 2000
  

Disponible en mode multipage

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      SOMMAIRE

      A/ Problématique de la Mise en Oeuvre de la communication sur les médias à base de réseaux : 5

      1.1. Des contradictions culturelles : 5

      1.2. Communication et société : 5

      1.3 La communication via les nouveaux médias à base de réseaux, entre idéologie technique et projet de société : 7

      B/ Tendances à l'oeuvre dans la communication sur les médias à base de réseaux : 7

      I. Culte des Réseaux : 7

      1. Pour ou contre Internet et la communication par le biais des réseaux, une fausse alternative : 8

      1.1 Les partisans du tout- en- Réseau : 8

      1.2 Les technophobes : 8

      1.3 Les partisans d'un usage raisonné : 9

      2. La promesse d'un monde meilleur : 9

      2.1 La promesse d'une nouvelle vie : 9

      2.2 Les fondements de la société de l'information : 10

      3. L'incarnation d'une vision : 11

      3.1 Un discours ancien : 11

      3.2 La mise en place des premiers réseaux : 12

      3.3 L'influence de la cybernétique : 13

      3.4 La micro-informatique et les débuts de l'Internet : 13

      4. Un univers de croyances : 13

      4.1 Un idéal de transparence : 14

      4.2 L'idéal d'ouverture, ou le refus de la distinction entre vie privée et vie publique : 15

      4.3 La libre circulation et le refus de la Loi : 15

      4.4 Une communication directe, ou le refus de la médiation : 16

      4.5 L'apologie de l'esprit, ou le refus de la parole incarnée : 17

      5. Les appuis d'une nouvelle religiosité : 18

      5.1 Des thématiques religieuses proches : 18

      5.2 La continuité avec la contre-culture des années soixante : 19

      5.3 La jonction avec le libéralisme : 19

      5.4 Une utopie technicienne ? 20

      6. Le tabou de la rencontre directe : 21

      6.1 La question de la violence : 21

      6.2 Une description de la "société mondiale de l'information" : 22

      6.3 La société solaire d'Asimov : 22

      7. Une menace pour le lien social : 23

      7.1 Deux modèles de développement d'Internet : 24

      7.2 Une information aux limites de la propagande : 24

      7.3 Quelques effets pervers du nouveau culte : 25

      7.4 Le fantasme de la mort de l'homme : 26

      8. Raisonnements assistés par ordinateur : 27

      8.1. Les agents : 27

      II. Contenus et communication via les Médias à base de Réseau(x) : 28

      1 Quels contenus pour Internet ? 28

      1.1 Communication, Récit(s) et Information : 28

      1.1.1 La mise en intrigue : 28

      1.1.2 Trois caractéristiques de l'information : 29

      1.2 La fiction interactive : 30

      1.3 Un nouveau paradigme : 31

      1.4 Un concept nouveau lié à la communication via les réseaux :"anycastworld" : 31

      III. Arts et images, communication sur les médias à base de réseaux : 31

      1. Cinéma, Télévision, communication sur les médias à base de réseaux : 31

      1.1 Cinéma : 31

      1.2. Télévision : 32

      1.2.1 Résultats financiers et télévision en réseau, des échecs cuisants : 32

      1.2. 2 L'idéal d'ouverture ou le refus de la distinction entre vie privée et vie publique : 33

      1.2.3 M6 et son émission qui reprend le concept de la chaîne de télévision Big Brother : 34

      2. Art(s), Communication et Médias à base de réseaux : 38

      2.1. Musées et galeries sur le Net : 38

      2.2. Art et Oeuvres virtuelles : 38

      2.3. Musique : 40

      3. Jeux, mondes virtuels et communication via les médias à base de réseau(x) : 40

      IV. Robotique, Organisation du Travail et communication sur les médias à base de réseaux : 42

      1. Robots, Robotique, Réseaux : 42

      1.1. Des origines ... à nos jours, réalité des robots : 42

      1.2. Le robot ou l'homme artificiel, les créatures virtuelles : 44

      1.3. Des Robots dans notre quotidien : 45

      1.4. Des Robots ou un peu de littérature : 45

      1.5. Des Robots depuis notre imaginaire à la réalité vraie : 47

      1.6. Des Robots ou "Comment nous travaillerons demain" : 47

      2. Travail : 48

      2.1. Sans frontières, l'entreprise vivra en réseau avec ses sous-traitants, ses salariés et ses clients : 48

      2.2. Le quaternaire : 49

      2.3. Demain : Les places de marché de n- ème génération : 50

      V. Communication, Médias à base de Réseaux, Secteur financier : 50

      1 Désormais, grâce aux réseaux modernes, les clients paient sur un mobile et consomment sur un portail : 50

      2 Loi sur la sécurisation des cartes bancaires : 52

      VI. Formation et communication via les médias à base de réseau(x) : 52

      1 La formation en ligne change les contenus et les méthodes d'enseignement : 52

      2 La formation à distance nécessite pédagogie et implication accrues : 53

      3 La communication des savoirs : 54

      VII. Communication, Médias à base de réseau(x) , Médecine et Recherche : 55

      1. Médecine : 55

      1.1. Techniques : les différents types de télé médecine : 55

      1.1.1 La télé consultation et le télédiagnostic : 55

      1.1.2 La télé- expertise : 55

      1.1.3 La télé- surveillance : 56

      1.1.4 Les réseaux "ville/hôpital" : 56

      1.1.5 La télé- formation : 56

      1.1.6 La télé- chirurgie : 56

      1.1.7 Des techniques et après ? : 56

      1.2. Quelle différence y a-t-il entre les sites médicaux et les autres e- enseignes ? 57

      1.3. Plus concrètement, voici ce que peut être le surf médical d'un patient éclairé : 57

      1.4 Internet et les réseaux peuvent-ils rendre malade ? 59

      1.4.1 L'avis des psychologues : 59

      1.4.2 Nouvelle maladie, vraie dépendance aux nouvelles technologies : 59

      2. Recherche et communication à base de réseaux via des médias : 60

      2.2.1. Par les réseaux, les chercheurs entrent dans l'ère du calcul partagé : 60

      2.2.2 Désormais, il est possible de travailler à temps perdu : 61

      2.2.3 C'est l'avènement des "Pétaoctets" : 61

      2.2.4. Il est essentiel de sécuriser l'accès : 61

      2.2.5 L'organisation de la recherche doit s'adapter au monde des réseaux : 62

      2.2.6 Concrètement, exemple du téléguidage opératoire d'instruments : 63

      VIII. Pays en retard de développement, communication, médias à base de réseau : 63

      1 Un exemple, l'Afrique tisse une toile disparate : 63

      IX. Régulation, éthique, législation, droits d'auteur, cyber criminalité : 65

      1. La difficile mise en route d'une législation pertinente : 65

      1.1. L'UNESCO lance un Observatoire international sur la société de l'information et sur l'info-éthique : 66

      1.2. La propriété, le droit d'auteur, le "capital symbolique" : 67

      1.3. Valider la qualité des informations, défendre les droits d'auteur, trouver un nouveau souffle avec le haut débit : 68

      1.4. Nouveaux géants de la communication : 68

      2. Législation concernant les droits d'utilisation, les droits d'auteur, les usages abusifs... 69

      3. Arrivée des nouvelles technologies de l'information : 71

      3.1 Séance de QUESTION à l'Assemblée du 29/03/2001, concernant les développements des technologies UMTS et les attributions et gestion des licences aux opérateurs de marché : 71

      3.2 Un autre acteur, Marc Tessier, pdg de France Télévision 29/03/2001 : 71

      3.3 En France, le gouvernement donne le coup d'envoi à la société de l'information : 71

      4. Directives et législation européenne : 72

      4. Engagement citoyen contre trivial lobbying : 74

      C/ Conclusion : communication, au-delà du réseau, le vivant : 75

      La communication, par le biais des réseaux, implique et induit un tri sur le vivant. 75

      1 Le nouvel ordre numérique : 75

      1.1 La révolution numérique : 76

      1.2 Hiérarchies et nouvelle donne : 76

      2 L'économie domine-t-elle le politique ? 77

      3 L'économie numérique, une nouvelle économie ? 79

      3.1 Il existe bien une dynamique nouvelle dans l'économie : 79

      3.2 Doutes concernant le passage vers le Nouvel Age : 81

      4 Risques et nouveaux médias, la régulation est un défi : 82

      4.1 Le risque dans la société contemporaine : 82

      4.2 Insécurité informatique : épouvantails et dangers réels de la révolution numérique : 82

      4.2.1 L'ordinateur de Satan* : 82

      4.2.1.1 Premiers types de problèmes : 82

      4.2.1.2 Autre type de problèmes : 83

      4.2.2 L'illusion cryptographique : 83

      4.3 Le grand massacre de la propriété intellectuelle : 84

      5 La Société en Réseaux : 84

      5.1 Nouvelle révolution technique et naissance de la société de l'information : 85

      5.2 Informationalisme, industrialisme, capitalisme, étatisme. Modes de développement et modes de production : 86

      5.3 Le sujet dans la société informationnelle : 86

      5.4 L'Economie Informationnelle et le Processus de Globalisation : 88

      5.5 Architecture et géométrie de l'économie informationnelle et globale : 90

      5.6 L'Entreprise en réseau - Culture, Institutions et Organisations de l'Economie Informationnelle : 90

      5.6.1 De la production de masse à la flexibilité de la production : 91

      5.6.2 La petite entreprise et la crise de la grande firme, mythe et réalité : 91

      5.6.3 La mise en réseau interentreprise : 92

      5.6.4 La firme horizontale et les réseaux d'affaires globaux : 93

      5.6.5 La crise du marché de la firme verticale et l'essor des réseaux d'affaires : 93

      5.6.6 La technologie de l'information et l'entreprise en réseau : 93

      5.7 La culture de la virtualité réelle prend de plus en plus d'importance : 100

      5.7.1 On passe de la galaxie Gutenberg à la galaxie MacLuhan par l'essor de la culture des mass médias : 100

      5.7.2 La société interactive : 102

      5.7.3 La culture de la virtualité réelle : 103

      5.7.4 Le temps flexible et l'entreprise en réseau : 103

      6 Piloter l'informatisation*, c'est choisir un modèle de société : 104

      7 Le projet en avenir aléatoire, socialiser l'information : 105

      8 Démocratique, la révolution des réseaux ? 106

      9 En conclusion : 107

      ANNEXES

      A/ Semaine Européenne des Ntic 2001, le point de vue des acteurs du marché : 110

      1. CONF 1 : Comment Internet et les nouvelles technologies modifient nos comportements, nos habitudes de consommation et notre vie citoyenne ? 110

      2. CONF 2 : Internet et les nouvelles technologies, facteurs clés d'une croissance économique durable ? 115

      3. CONF 3 : Les nouveaux eldorados : Internet mobile et web TV, mythes ou réalités de demain ? 119

      B/ Les cinq principaux chapitres du texte du projet de loi sur la société de l'information : 124

      C/ L'Hominescence par Michel SERRES : 124

      Articles de Presse, conférences et études : 128

      A propos du concept « anycastworld « , étude réalisée par SONY EUROPE et présentée à l'occasion du MILIA 2001 : 130

      "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme"

      A/ Problématique de la Mise en Oeuvre de la communication sur les médias à base de réseaux :

      1.1. Des contradictions culturelles :

      Robinson est un mythe, l'humain est un être social. La diversité des cultures est un bien précieux de l'humanité. Au travers de notre culture se fonde notre identité.

      Nous communiquons aussi pour nouer des relations, afin de partager des émotions et des sentiments, d'agir sur autrui, ou de conforter notre identité et celle des autres. Comme l'a identifié Pierre Bourdieu les enjeux influencent le processus d'expression et de communication au niveau des acteurs. Du côté du locuteur, le discours tenu peut apparaître comme une sorte de compromis entre un mouvement expressif

      ( intérêt, motivation, intention...) qui le pousse à communiquer, et une force de répression (inhibition, censure, précaution...) qui l'amène à contrôler ses messages et se traduit par des mécanismes de défense communicationnels.

      Le partage entre le dit et le non-dit, par exemple, résulte de ce conflit, et certaines modulations sémantiques et syntaxiques du discours.

      Côté récepteur s'opère un processus d'interprétation qui le conduit, en raison de sa position, à mettre en oeuvre des mécanismes de sélection et d'interférence qui sont autant de réactions à l'intention du locuteur qu'à la façon dont il perçoit celle-ci à travers le prisme de sa subjectivité.

      Chaque récepteur contribue ainsi à produire le message qu'il perçoit, et l'apprécie en y important tout ce qui fait son expérience singulière et collective.

      L'accroissement des échanges ne garantit nullement une meilleure communication. La vitesse de circulation des informations donne l'illusion de pouvoir contourner également la résistance de l'espace mais l'expérience personnelle constate l'impossibilité à s'affranchir de cette frontière. L'individu ne peut pas à distance éprouver des climats, des odeurs, connaître les habitudes et les modes de vie. Hier, le temps du déplacement permettait de se préparer à la rencontre de l'autre. Aujourd'hui, cet espace temps ayant disparu, l'autre est presque immédiatement présent, donc plus rapidement menaçant.

      Avec les réseaux, Internet (Réseau de réseaux), la cyberculture, pas de stock ou de pérennité, seuls des flux sont échangés à un moment donné du temps. Le volume des messages, la vitesse et l'interactivité ne suffisent pas à constituer une culture quand on sait que celle-ci se construit par accumulation de mémoire vive c'est-à-dire vivante, dans un rapport constant entre patrimoine et nouveauté, tradition et modernité.

      1.2. Communication et société :

      D'une part la communication peut être considérée comme une condition de la modernisation, hypothèse qui permet de mettre l'individu, la personne, le sujet, l'homme, au centre des systèmes, l'économique, le social et le politique.

      D'autre part, la communication est un enjeu de la société individualiste de masse. Elle est fonctionnelle, afin d'organiser les relations entre les grandes masses dans le cadre de l'économie mondiale, et normative dans le cadre d'un modèle politique de démocratie de masse.

      Deux idéologies ont de plus en plus de succès :

      - idéologie technique, celle décrite par Jacques Ellul dans La Technique ou l'Enjeu du siècle, source de points de vue dominants tantôt optimiste tantôt pessimiste,

      - idéologie économique, qui développe trois tendances majeures: laisser faire le marché, faciliter la mise en place d'une économie mondiale de la communication qui assurera plus de paix et de compréhension.

      L'idéal de la communication fonctionnelle est du côté de la circulation et de la performance, de la transmission et de l'interactivité, de la vitesse et de l'efficacité, alors que celui de la communication normative admet la nécessité de la lenteur de l'intercompréhension, ainsi que l'importance des différences culturelles, religieuses, symboliques, qui fondent la richesse d'une société. Pour l'une comme pour l'autre, le stockage à bon escient des informations peut être à l'infini à condition d'une disponibilité totale et immédiate.

      Les thèmes de la régulation- dérégulation dominent désormais complètement l'univers économique.

      1.2.2 Communication et médias :

      Lazarfeld nous dit que l'individu possède des outils de référence et des filtres, et utilise trois niveaux de sélectivité :

      1. l'exposition sélective, l'attention portée à tel ou tel message dépend de la relation personnelle que l'individu entretient avec cette information;

      2. la perception sélective;

      3. la mémorisation sélective, en fonction du cadre de pensée, des préférences culturelles et de la vision du monde de l'individu concerné, nous ne nous souvenons que de manière imparfaite de la partie des messages que nous ne avons perçue.

      L'effet de la communication médiatique n'est pas seulement limité, il est aussi indirect : en 1955, Katz et Lazarsfeld établissent l'hypothèse de la "communication à deux niveaux" (Two-step flow communication), puis à plusieurs niveaux*.

      Les groupes de référence (communauté de travail, associations, syndicats, relations familiales et amicales, etc.) dans lesquels sont insérés les individus, et l'existence de leaders d'opinions au sein de ces groupes, ont une importance décisive.

      La première diffusion du message des médias s'effectue de façon verticale en direction des leaders d'opinion. Elle se poursuit à l'intérieur du groupe de manière horizontale, par l'intermédiaire des leaders.

      Katz et Lazarsfeld introduisent un niveau de médiation supplémentaire. Les médias touchent les individus directement, mais lorsque ceux-ci rencontrent des difficultés à s'approprier ou interpréter le message, ils se tournent vers leurs groupes d'appartenance. Les messages que délivrent les médias sont donc soumis à la pression des groupements quels qu'ils soient et reflètent en grande partie les opinions et les idéologies préétablies de ces derniers. Les médias, la télévision en particulier, sont habituellement des outils de renforcement d'opinion et non de changement d'opinion. Cette particularité ne se retrouve pas s'il y a crise vis-à-vis des leaders ou désir de changement de la part des individus et des groupes.

      Lazarsfeld dit Katz, postulait que les médias indiquent aux gens ce qu'il faut penser, mais des figures illustres telles Adorno, Horkheimer, Marcuse, Benjamin ou Habermas, considèrent pour leur part que les médias prescrivent ce qu'il ne faut pas penser (la révolution, le changement, la modifications des situations collectives et individuelles). Pour d'autres, en particulier McCombs (agenda setting) ou Shaw, les médias disent aux individus ce à quoi ils doivent penser. Ils s'agit ici de déterminer quels sont les sujets importants, ceux auxquels les gens doivent s'intéresser. Les médias remplissent la fonction d'agenda c'est-à-dire de sélection, par les journalistes et les professionnels des médias, des faits majeurs parmi la masse des informations émises et qui circulent. Dans le paradigme technologique enfin, les médias sont conçus comme des opérateurs de la pensée et modifient la façon de voir le monde. La réception et la transmission par les individus des messages écrits diffèrent fondamentalement des messages audiovisuels, à tel point que l'on peut opposer une civilisation de l'écrit à une civilisation de l'image électronique.

      Un fossé culturel peut exister entre différents individus ou différents groupes sociaux, obstacle à la communication, à l'acquisition des savoirs et plus généralement à la capacité à décoder et à donner un sens à des informations.

      Nous sommes dans une période de refondation où certaines notions qui jusqu'ici faisaient figures de données telles l'opinion publique, l'information... sont remises en cause.

      Mc Luhan, notamment dans son livre Pour comprendre les médias, émet une théorie qui repose sur le caractère dominant à une époque donnée d'un médium. La définition des médias doit s'étendre dans un sens très large; elle inclut toute technique, quelle qu'elle soit, susceptible de créer des prolongements du corps humain ou des sens, depuis le vêtement jusqu'à l'ordinateur qui structure notre mode de vie.

      A ce titre trois observations importantes apparaissent :

      1. toute technologie est liée à l'extension d'un sens; les médias sont ainsi de véritables prothèses, des prolongements technologiques des individus;

      2. toute modification technique des mass médias (l'apparition de la presse, celle de la radio et de la télévision comme celle, ensuite, de la télématique) entraîne une transformation de l'environnement social mais aussi du mode de perception et du psychisme individuel et collectif;

      3. le mode de communication, le médium, importe davantage que le message.

      1.3 La communication via les nouveaux médias à base de réseaux, entre idéologie technique et projet de société :

      La communication reste bien au coeur du lien social qu'elle participe elle-même à tisser. L'idéologie technique qui réduit la communication à la technique construit une fausse hiérarchie entre les médias dits anciens et les nouveaux. L'enjeu de la communication n'est pas technique, mais dans la compréhension des relations entre les individus, modèle culturel, et entre les individus et la société, projet social. Libérer la communication du joug de la technique nécessite de développer et de dominer la connaissance. Médias généralistes et nouveaux médias nous renvoient au modèle de la société individualiste de masse. Si les premiers forment une offre de qualité, le progrès aura dépassé la logique de marché qui ne se préoccupe que de la demande et des nouvelles techniques.

      La communication à distance, fortement promue par les nouvelles techniques ne remplacera pas la communication humaine directe, ne serait-ce que parce que l'être humain domine les technologies ou les abandonne mais ne se laisse pas dominer par elles. Ce sont les machines qui se branchent, pas les hommes. L'humain, lui, se différencie en fonction des techniques qu'il découvre ou qu'il invente. Il se fabrique de nouveaux métiers, de nouvelles pratiques, un nouveau statut...

      L'humain est bien autre chose que le partenaire de l'interaction technique et il existe un grand décalage entre la performance des machines et la complexité de la communication humaine.

      La nouvelle écriture du monde que représente Internet et les réseaux donne des atouts essentiels : le patrimoine intellectuel et culturel et tout ce qui permet de promouvoir l'intelligence collective est donc à mettre en ligne, car la sagesse qu'est la capacité de valider une information dans un océan de données, devrait nous permettre de distinguer les uns des autres et de jouer avec succès des cartes voire des nations originales.

      Au-delà du gigantesque chantier de sa mise en route, la question se pose de reconnaître de quoi sera faite la société de demain; en quoi la société en réseaux constitue bien une étape de notre devenir. Car c'est bien d'un petit coup d'hominisation comme le dit l'académicien Michel Serres dont il s'agit ici.

      B/ Tendances à l'oeuvre dans la communication sur les médias à base de réseaux :

      Il serait bien difficile, à l'évidence, de retracer de façon suffisamment exhaustive tous les champs tous les domaines tous les usages où est mise en oeuvre la communication sur les médias à base de réseaux. Seuls quelques-uns, quelques pratiques, se retrouvent donc ci-après permettant d'illustrer de façon pratique le développement et la mise en oeuvre de la communication via les réseaux.

      I. Culte des Réseaux :

      L'expression culte peut s'entendre de deux manières. Au sens propre, le culte est associé à une démarche religieuse où il est à la fois l'hommage rendu à une divinité et l'ensemble des pratiques qui concrétisent cet hommage. Dans un sens métaphorique, le culte est la vénération, ou plus simplement le fort attachement que l'on peut porter à quelque chose ou à quelqu'un.

      L'engouement pour Internet par exemple se déploie dans un climat qui apparaît véritablement comme celui d'une nouvelle religiosité. Celle-ci est de plus en plus nette au fur et à mesure que l'on se rapproche des milieux qui s'en font les plus ardents prosélytes.

      L'idée qu'il y a derrière les discours les plus radicaux tenus sur Internet, un phénomène d'ordre religieux, au sens propre, avait déjà été entrevue par plusieurs auteurs. Pierre Musso s'en approche, lorsqu'il tisse une généalogie d'Internet qui le fait remonter à la "philosophie des réseaux de Saint-Simon", le célèbre ingénieur français du XIXème siècle, fondateur d'une "religion universelle de la communication", d'un "nouveau christianisme".

      Internet n'est pas né en un jour et il n'est, au bout du compte, que le vecteur d'un culte plus large, celui de l'information, né au sein des "visions" de la cybernétique des années quarante. Et cette religiosité, qui n'est pas une religion, n'est après tout qu'en permanence en formation, à l'état de nébuleuse hétérogène, diffuse.

      Internet est la véritable église de ceux qui vénèrent l'information. Les réseaux, les ordinateurs, toutes les machines à communiquer deviennent autant de lieux privilégiés, quasi exclusifs, où se pratique ce nouveau culte, qui implique un nouveau rapport au lien social. La nouvelle religiosité suppose possible une ivresse de la communication. Elle s'est dotée d'une vitrine publique avec le thème, très populaire dans certains milieux, de la "société mondiale de l'information".

      1. Pour ou contre Internet et la communication par le biais des réseaux, une fausse alternative :

      1.1 Les partisans du tout- en- Réseau :

      Ce sont les prosélytes parfois sans le savoir d'un nouveau culte, les militants d'une société mondiale de l'information, les prophètes du " tout- en- Réseau ", qu'ils tentent d'appliquer à tous les aspects de notre vie privée, publique et professionnelle. Ils n'ont qu'une vision de l'avenir, celle d'un monde dont les ntic seraient le nouveau centre envahissant puisqu'il serait partout, n'hésitant pas à parler d'un "nouveau monde", virtuel, celui des réseaux aussi nommé "cyberespace" en souvenir de son origine cybernétique, et qui se substitue progressivement à l'archaïque "monde réel".

      Parmi ces "fondamentalistes" : Pierre Lévy, aux accents mystiques et dont l'influence est importante, dont "World philosophie" constitue une bonne synthèse de certaines croyances du milieu ; Philippe Quéau, directeur de la division informatique et information à l'Unesco, convaincu qu'une "nouvelle révolution métaphysique" est en marche où le réel devient intégralement langage donc information, et où l'on va réussir à obtenir grâce au cyberespace, une "identité parfaite de la carte et du territoire".

      Beaucoup d'informaticiens soutiennent ce point de vue, convaincus que les techniques sont par nature porteuses de progrès. Nicholas Negroponte dans "l'homme numérique", défend même l'idée que l'informatique est un mode de vie. Désormais c'est le "Tout- Réseau" qui tend à devenir un mode de vie.

      Cette catégorie accueille les gourous de la "nouvelle économie" qui voient dans le développement tous azimuts des réseaux l'occasion de multiplier les profits ou même de bâtir des fortunes rapides.

      Les hommes politiques également, par exemple Al Gore aux Etats-Unis, souvent entourés d'ardents conseillers en la matière, car ils voient là l'occasion de remplir un programme politique en jouant sur une vague jugée populaire.

      Et tous ceux pour qui le réseau peut être un formidable accélérateur de carrière.

      Tous, prophètes, optimistes techniques ou tout simplement professionnels mus par l'intérêt, s'entendent et s'appuient mutuellement les uns sur les autres pour faire advenir une nouvelle "révolution", sans vraiment s'interroger sur les conséquences sociales et humaines qu'elle implique.

      1.2 Les technophobes :

      Ils sont hostiles à toute technique, et opposent par philosophie une sorte de résistance passive au développement des NTIC, à la vague technique et surtout aux valeurs dominantes qui l'accompagnent.

      Dès que le thème de la société technicienne de communication a été imaginé, notamment par Norbert Wiener, des philosophes tel le français Jacques Ellul qui est très connu dans le monde du protestantisme et bien au-delà, ont engagé une critique radicale de la technique, notamment dans son ouvrage "La technique ou l'enjeu du siècle", publié pour la première fois en 1947, et dont le succès a été immédiat notamment aux Etats-Unis. Jacques Ellul a depuis fait école et influencé de nombreux penseurs de la technique.

      Le village global qui se met en place à travers les circuits de l'information et de l'économie déstabiliserait les cadres pratiques de l'identité humaine.

      D'autres essayistes mettent en garde contre les risques de "Tchernobyls informatiques".

      Un autre courant technophobe existe, renvoyant souvent à l'inégalité des situations personnelles et professionnelles dans une société où l'éducation aux techniques est encore moins généralisée que l'éducation tout court. A l'illettrisme s'ajouterait désormais l'illectronisme.

      1.3 Les partisans d'un usage raisonné :

      Ceux-ci, s'appuyant sur des valeurs humanistes, souhaitent un usage raisonné et raisonnable des techniques, persuadés qu'il doit sous certaines conditions être facteur de progrès.

      Norbert Wiener lui-même a eu vers la fin de sa vie un sursaut humaniste. Certains des plus grands noms du monde de l'informatique, ont tenu à témoigner en faveur d'un usage raisonné et humaniste des ntic contre l'emballement et l'excès auxquels elles donnent lieu.

      Un certain nombre d'éminents spécialistes considèrent que les outils ne sont que des outils, et que tout empiétement sur d'autres domaines comme par exemple la prétention à en faire un levier de "révolution sociale" va à l'encontre des idéaux humanistes qui placent l'homme et non la technique au centre du monde.

      La critique de "l'idéologie de la communication", engagée par Lucien Sfez et l'analyse de l'"utopie de la communication" portaient déjà en germe chacune à sa manière les prolégomènes d'une réflexion sur un usage raisonné des techniques dans un contexte pourtant largement techniciste.

      Le courant "antimondialisation libérale" surgi en Europe et ailleurs à la fin des années quatre-vingt-dix contient potentiellement une critique raisonnée du réseau et d'Internet, ce dernier étant considéré comme un outil entièrement instrumentalisé par le libéralisme.

      Les partisans d'une régulation y compris juridique jouent également un grand rôle dans la défense d'un usage contrôlé des ntic.

      De nombreux enseignants tentent une réflexion pédagogique sur un usage raisonné au service de la pédagogie et de la nécessaire relation maître - élève.

      Les difficultés de cette troisième voie sont telles que malgré les renforts de certains intellectuels peu suspects d'hostilités aux techniques, toute position critique ou appel au débat sont immédiatement réduits, par les médias notamment, à un "pour ou contre" terriblement simplificateur. Car le culte de l'Internet est si répandu que l'on ne doit pas imaginer que l'on puisse s'en servir comme d'un outil, et la discussion est souvent réduite dans l'unique espace laissé "technophile ou technophobe ?".

      2. La promesse d'un monde meilleur :

      Au début on parla de l'" Etat mondial " puis, rapidement, de "village planétaire", de "révolution informatique" enfin, qui devait changer la société toute entière au cours de l'"ère numérique" aboutissant à un monde meilleur.

      2.1 La promesse d'une nouvelle vie :

      Tout ce que le public entend désormais à propos du réseau et d'une façon générale des ntic, par exemple dans le domaine de la téléphonie mobile, est associé systématiquement à un ensemble de valeurs positives, "plus de liberté, plus d'emploi, plus de richesse, plus de démocratie, plus de savoir".

      La publicité pour Internet et le téléphone mobile reprend l'archétype de tous les messages sur le sujet en nous présentant toujours les mêmes tableaux idylliques de personnages esseulés, vaguement extatiques, habitant désormais sans souci d'un monde transparent où règne cependant la promesse d'un collectif.

      L'appropriation par le politique :

      La publicité n'est que la phase la plus visible spectaculaire et quotidienne de cette promesse dont elle constitue l'habillage imaginaire. Le monde politique s'est rapidement emparé du thème, et la plupart des gens ont d'abord appris l'existence de la promesse associée aux ntic par l'intermédiaire du thème de la "société mondiale de l'information" tel qu'il était diffusé par différentes instances politiques.

      C'est Gérard Théry, en France, qui dans son rapport sur "Les autoroutes de l'information" rendu au Premier ministre a introduit ce dernier terme, très utilisé.

      Au Japon, la presse ira jusqu'à parler de la construction d'un "Etat télématique", d'"infotopie" ou d'"utopie informationnelle".

      Le thème de la société de l'information va traverser les clivages politiques et s'adapter très facilement aux changements de gouvernement, et les médias se font en principe largement l'écho des prises de positions et des décisions annoncées.

      Extrait du Discours de Hourtin tenu par le Premier ministre français : "L'essor des nouveaux réseaux d'information et de communication offre des promesses sociales, culturelles et, en définitive politiques. La transformation du rapport à l'espace et au temps qu'induisent les réseaux d'information permet des espoirs démocratiques multiples, qu'il s'agisse de l'accès au savoir et à la culture, de l'aménagement du territoire ou de la participation des citoyens à la vie locale".

      Un thème d'inspiration américaine :

      Il existe à l'échelle mondiale une grande convergence de tous les projets qui relèvent, d'après le chercheur Thierry Vedel, d'une "carte cognitive commune", dont l'information est le pivot de la nouvelle promesse, et dont le thème outre la dimension de religiosité qu'il contient fonctionne comme "un grand récit", une "structure cohérente de sens".

      Al Gore en est l'un des auteurs, car il a présenté ce projet avec des accents quasi religieux propres à séduire le public américain et qui sont au point de convergence de l'héritage de la contre-culture, du nouvel establishment libéral dans le domaine de l'informatique. C'est lui qui a fait émerger l'idée d'une société réorganisée autour d'un réseau d'information, en novembre 1991, dans le cadre d'une loi, la "High-Performance Computing Act". Elle sera suivie en 1993 du gigantesque projet NII National Information Infrastructure qui sera connu du grand public via le discours très popularisé des médias prononcé par le politicien devant l'Académie américaine des arts et des sciences de la télévision. Les thèmes de ce discours serviront de base et d'inspiration aux politiques de tous les pays qui, partout dans le monde, inscriront désormais à leur ordre du jour la nécessité de soumettre la société au nouveau culte de l'information. Il faudra réformer le langage : désormais il devra être informationnel, et les "modes de communication vont divertir et informer, mais surtout ils vont éduquer, promouvoir la démocratie et sauver des vies. Ils vont aussi créer de nouveaux emplois".

      2.2 Les fondements de la société de l'information :

      L'"Homme numérique" de Nicholas Negroponte, le directeur du Medialab du prestigieux MIT Massachusetts Institute of Technology, et "The Road Ahead" les mémoires de Bill Gates, autobiographie de l'homme qui, parti de rien, a réussi dans la vie, fondateur et principal actionnaire de la société Microsoft, vont contribuer à fixer le cadre de cette promesse.

      Le premier a rédigé un véritable plaidoyer pour que nous adoptions systématiquement l'informatique dans tous les aspects de notre vie :

      "L'autoroute de l'information (...) est en train de créer un tissu social mondial entièrement nouveau." "Telle une force de la nature, l'ère numérique (...) possède quatre qualités essentielles qui vont lui permettre de triompher : c'est une force décentralisatrice, mondialisatrice, harmonisatrice et productrice de pouvoir".

      Bill Gates lui, est au carrefour de deux mythologies américaines dont il fait admirablement la synthèse : la première est celle de la croyance dans les effets forcément positifs de la technologie, la seconde celle de l'homme parti de rien (jeune étudiant en technologie qui fait partie de la contre-culture dans les années soixante-dix), et qui gravit tous les échelons de la société.

      Selon la légende, il concevra, dans son garage, le premier logiciel permettant de faire tourner les machines de que Steve Jobs, alors récemment converti au bouddhisme zen, et Steve Wosniak venaient de mettre au point, et que la firme Apple se chargera de faire connaître. Son livre annonce le règne de l'interactivité totale et du marché ultime, un nouveau mode de vie dans un monde médiatisé. Les technologies permettent notamment de transformer la moindre de nos pensées et de nos actions en "information" et ce n'est qu'un début.

      "Nous autres citoyens de la société de l'information allons découvrir les moyens de mieux produire, mieux apprendre, mieux nous divertir."

      Pierre Lévy ira encore plus loin et répercutera pour l'occasion la vision anthropologique de Teilhard de Chardin où les hommes, d'abord unis dans une première étape de l'existence de l'humanité puis séparés par la dispersion de la planète entière, se retrouveraient enfin dans une vaste conscience collective qui serait la finalité profonde de l'espèce. Internet en citadelle de lumière.

      Pour tous, la thématique est la même et constitue la véritable finalité des ntic : une promesse unilatéralement optimiste à forte tonalité religieuse et couvrant un territoire très vaste. Côté violence, la communication via les réseaux aurait le pouvoir de "réduire les tensions", de construire un lien social plus harmonieux. Côté lien social, c'est le modèle du "pouvoir tout faire de chez soi, sans bouger de son fauteuil" qui est valorisé. "L'Internet représente simplement le stade de regroupement de l'humanité qui succède à la ville physique".

      "La vie à l'intérieur des flux informationnels se déroule exactement comme Thomas Jefferson l'aurait voulu (...) L'ouverture et la liberté sont les vraies promesses de cette technologie." L'idéal de vie que prépare le nouveau culte se présente d'emblée comme fondamentalement moral.

      3. L'incarnation d'une vision :

      Le thème de la société de l'information semble constant depuis les années cinquante, faisant l'objet d'une redécouverte cyclique. Presque dès les débuts, de nombreux textes de science-fiction mettent en scène une telle société et décrivent avec précision, comme le fait par exemple Isaac Asimov, Internet, le multimédia, les communications virtuelles.

      La tension entre les éléments charismatiques et les réalités de l'organisation à grande échelle configurera les réalités politiques de la science dans une société postindustrielle. La notion de noosphère, inventée par le jésuite Teilhard de Chardin, est reprise par McLuhan dans "La galaxie Gutenberg" car elle correspond pour l'intellect à ce que la biosphère est pour la vie et que l'auteur interprète comme "le cerveau technologique de l'univers".

      Aujourd'hui le discours est simplement sorti des cercles des spécialistes qui lui ont donné naissance et il touche un vaste public. Le culte de l'information s'est incarné et s'est vulgarisé via le culte de l'Internet.

      3.1 Un discours ancien :

      C'est au sein de la "cybernétique" inventée par le mathématicien Norbert Wiener dans les années quarante que le premier "culte de l'information" est né. Il défend en effet une "vision du monde" plus ample faisant de l'information le noyau dur d'une représentation globale du réel, provoquant progressivement le dégagement d'un véritable paradigme, et qui s'impose aujourd'hui. L'expansion du paradigme s'est faite progressivement depuis un demi-siècle à des domaines de plus en plus nombreux comme l'automatique, l'informatique et l'intelligence artificielle, le biologie et la génétique, les sciences humaines et sociales, la philosophie et la psychanalyse, les sciences de la communication et le monde des médias, le champ des idées politiques, se cristallisant actuellement autour d'Internet.

      Armand Mattelart a bien mis en évidence les liens entre l'idéologie contemporaine de la communication et le thème plus ancien de l'"utopie planétaire".

      Pierre Musso de son côté, a décrit avec précision l'influence plus ancienne de la pensée saint-simonienne des réseaux sur le discours d'accompagnement d'Internet.

      L'information selon Wiener :

      Le monde, et donc tous les êtres qui en relèvent, quels qu'ils soient, est composé de deux grands éléments : d'un côté les formes, les idées, les messages, les "informations", de l'autre le désordre, le hasard, l'entropie. c'est-à-dire d'un côté l'esprit, de l'autre la matière.

      L'information est le "nom pour désigner le contenu de ce qui est échangé avec le monde extérieur à mesure que nous nous y adaptons et que nous lui appliquons les résultats de notre adaptation". L'entropie est sa négation, et sa présence concrète dans l'Univers est assimilable à l'imperfection, au hasard, à la désorganisation, à la mort. Seule l'information permet de lutter contre elle et elles représentent les deux faces de la réalité. Tout est information, message, mouvement, sauf lorsqu'il y a délitement entropique. Pensée qui inaugure une "ontologie radicale du message" et s'établit dans une véritable mystique de la communication.

      Cette nouvelle vision du monde parait comme une approche "antimétaphysique", en ce qu'elle postule qu'il n'y a rien derrière le réel ramené à l'échange permanent et visible des informations qui le constituent. Le nouveau paradigme est une pensée de la relation qui enferme le réel dans le relationnel et le relationnel dans l'informationnel.

      Une nouvelle vision de l'homme et de la société :

      Wiener va explorer deux axes majeurs de réflexion, qui constitueront les branches centrales de la nouvelle vision informationnelle du monde : d'une part, une réflexion sur la nature de l'humain qui le conduira à prendre des positions théoriques anti-humanistes ; d'autre part, une réflexion de nature quasi sociologique sur la société idéale qui devrait se reconstruire autour de l'information.

      Voici donc le projet d'un homme nouveau, essentiellement constitué d'information. "Il n'existe pas de différence fondamentale absolue de démarcation entre les genres de transmission utilisable pour envoyer un télégramme d'un pays à un autre et les genres de transmission possibles théoriquement pour un organisme vivant tel que l'être humain".

      "Le fait que nous ne pouvons pas télégraphier d'un endroit à un autre le modèle d'un homme est dû probablement à des obstacles techniques, (...) il ne résulte pas d'une impossibilité quelconque de l'idée elle-même".

      Le modèle de société qu'il dessine à partir du point central qu'est l'information et sa circulation, est une société sans Etat, fondée à la fois sur des petites communautés de vie et sur un système de communication mondial, et dans laquelle la notion d'égalité s'étend bien au-delà du règne des humains en incluant les machines intelligentes.

      Pierre Lévy, cinquante ans plus tard explique : "En s'interconnectant (..) l'humanité se constitue peu à peu en noosphère, en monde des idées, en réceptacle actif des formes. Ce faisant, elle découvre que le monde réel est un monde des idées, un univers des formes".

      Norbert Wiener est à l'origine d'une vision qui fait voir le monde autrement si on accepte de la partager. La forme et l'information ne faisant qu'un, elle institue donc l'information comme valeur clé dont la reconnaissance donne la direction du progrès. Cette valorisation confine à la sacralité. C'est dans la direction de cette vision que certains s'attribueront la mission de faciliter la communication partout où cela est possible, ce qui signifie construire des dispositifs techniques dont la finalité principale sera de permettre la communication.

      3.2 La mise en place des premiers réseaux :

      Il est donc nécessaire de réorganiser la société autour de toutes les techniques qui servent à traiter, conserver, transporter l'information, et de mettre sous forme d'information tout ce qui peut l'être. Dès qu'un nouveau dispositif est inventé il est immédiatement salué comme une étape indispensable à la réalisation du nouveau monde. C'est John Von Neumann en 1945 qui signe les plans d'une nouvelle machine apte à imiter et à reproduire les caractéristiques du cerveau humain, inventant ainsi les principes de l'ordinateur moderne conçu sur la base d'une représentation du cerveau humain lui-même imaginé sous l'angle de la communication des éléments qui le composent.

      "Vers la machine à gouverner. Une nouvelle science : la cybernétique". Tel est le titre de l'article paru dans Le Monde fin décembre 1948, écrit par le père dominicain Dominique Dubarle. L'ordinateur y est décrit comme une machine appelée à être de plus en plus grande, qui fonctionnerait à l'échelle mondiale et tout à fait analogue au cerveau humain. "Les hommes politiques et, plus généralement, le système de la politique sont incapables de prendre en charge la gestion des sociétés au niveau mondial. Le grand intérêt des nouvelles machines est de laisser entrevoir la possibilité d'une machine à gouverner rationnelle, qui conduirait éventuellement à une unification au niveau planétaire, vers un gouvernement unique de la planète".

      3.3 L'influence de la cybernétique :

      A partir de la fin des années cinquante on assiste à un véritable flamboiement de la cybernétique, principal vecteur du paradigme informationnel. Atteignant toutes les sciences, fondamentales comme appliquées, elle faisait alors l'objet d'une vaste campagne de vulgarisation jusque dans le grand public.

      L'un de ses principaux supports sera le thème du cerveau artificiel, des animaux électroniques et plus tard de l'intelligence artificielle, ce thème servant à promouvoir une vision informationnelle de l'homme. Se développe également un discours prospectif qui met en scène la société de demain comme entièrement structurée par les nouveaux dispositifs techniques.

      En Union Soviétique la cybernétique devient le moyen idéal du paradis rêvé sur terre par bien des communistes.

      "L'abolition du chef, de l'autorité, du dogme et des partis (permettra l'avènement) des mécanismes auto-adaptatifs, auto-évolutifs".

      Mais sans doute en partie parce que trop de promesses ont été faites sans être jamais tenues, elle finit par tomber en clandestinité, accusée même de jouer un rôle central dans la transformation de la science et la technique comme idéologie (Jürgen Habermas).

      Réhabilitée dans les années soixante elle gagne les sciences humaines et sociales.

      Son influence avec le paradigme informationnel sur la biologie est également très forte. La notion d'information irrigue conceptuellement la découverte du code génétique au début des années cinquante. Tout un lexique conceptuel est ainsi importé jusqu'à la notion de programme, et la "double hélice" est bien un regard informationnel porté jusqu'au coeur du vivant. Le champ, immense, ouvert par les manipulations génétiques trouve son principal soubassement dans l'idée cybernétique d'un homme nouveau que l'on détacherait de sa nature initiale pour le remodeler à loisir.

      3.4 La micro-informatique et les débuts de l'Internet :

      Le début des décennies quatre-vingt voit les débuts d'Internet. "Cyber" redevient un préfixe largement utilisé.

      Le monde des réseaux est étroitement associé à cette promesse d'un univers où la communication aurait toute sa place, centrale.

      La grande différence avec les nouveaux réseaux est que ces derniers naissent spontanément dans les milieux informatiques américains, à la fois comme outil de travail interne et comme support d'un nouveau lien social, porteur de nombreuses promesses et dont on imagine tout de suite qu'il concernera le monde entier au-delà de l'univers informatique. Voici ce que pensaient alors les "arpanautes" : "Nous les membres de la communauté de l'ARPA, et sans doute beaucoup d'autres à l'extérieur, en sommes venus à réaliser que nous avions entre les mains une grande chose et peut-être même un dispositif très important. Il est maintenant évident pour nous que la messagerie sur réseau informatique peut changer profondément tous les modes de communication dans tous les secteurs de notre société, le domaine militaire, celui de l'administration civile, et celui de la vie privée".

      Les propos de Pierre Lévy quelques trente ans après ne les démentent pas : " En offrant l'Internet au monde, la communauté scientifique lui a fait cadeau de l'infrastructure technique d'une intelligence collective qui est sans doute sa plus belle découverte".

      1978 : "Quand de tels systèmes seront largement répandus, (...) nous deviendrons une nation - réseau, échangeant d'importants volumes d'informations, mais également de communications socio-émotionnelles avec des collègues, des amis ou des étrangers qui partagent les mêmes intérêts et sont dispersés dans toute la nation".

      "Les gens entraient chez Apple comme ils seraient entrés en religion, et ils devenaient à leur tour les adeptes de cette religion. Il y avait chez eux une ferveur évangélique, ils formaient une secte qui était partie de Cupertino et s'était diffusée dans tout le pays".

      Une fois que le développement de la micro-informatique et l'accroissement du nombre d'ordinateurs seront suffisants, les bases matérielles d'un vaste réseau permettant de les interconnecter seront jetées.

      4. Un univers de croyances :

      Certaines des croyances sur lesquelles s'appuie le culte sont malheureusement fortement réductrices.

      Voir l'information derrière l'apparence des choses et des êtres, ce serait en voir la réalité, valoriser l'information, ce serait en dégager la vérité. Réalité et vérité se mêlent : nous sommes bien dans l'univers de la croyance. L'information est à la fois ce que l'on met en oeuvre concrètement quand on communique et le but ultime à atteindre.

      4.1 Un idéal de transparence :

      Il constitue la vision cosmologique du nouveau culte, l'objet même de la promesse. Cette notion de transparence est consubstantielle au culte de la transparence, et renvoie à un idéal de lumière, d'harmonie et d'extase, tout en donnant l'impression de passer de l'autre côté du miroir.

      Les métaphores solaires :

      Pierre Lévy : "l'interconnexion et l'unification croissante de l'humanité accompagnent l'ouverture de toutes les dimensions".

      Philippe Quéau : "des Babylone non confuses, des jardins suspendus à nos lèvres à nos doigts, des labyrinthes nichés en tout point d'eux-mêmes, en une immense complexité cependant transparente, claire d'accès, cristalline, sans cesser d'être dense, développée, se révélant sans cesse".

      D'une façon générale, la rhétorique solaire du regard et de la transparence est présente dans toutes les grandes religions. Les descriptions de la "Jérusalem céleste" dans différents courants mystiques, juifs, chrétiens ou musulmans, font largement appel à ces métaphores de la lumière et de la transparence.

      A propos des métaphores, il est utile ici de consulter Lucien Sfez dans l'ouvrage Critique de la communication (page 38, coll. Points Essais, éd. Le seuil).

      La recherche de l'extase :

      L'influence de certaines pratiques du New Age, notamment les drogues hallucinogènes, n'est pas toujours étrangère à cette croyance dans la transparence. Parlant de Steve Jobs (inventeur du Macintosh) et de son équipe : "(...) Grâce au LSD, ils avaient vu comment l'écorce des choses pouvait être ôtée couche par couche, ils avaient atteint l'être d'une fleur dans son essence même, ils s'étaient introduits dans un morceau de bois (...) C'était comme si les portes de la perception leur étaient soudain ouvertes, ils passaient au-delà de la frontière interdite. Ils vivaient le test du LSD électronique".

      Voir le réel c'est voir le modèle du réel caché derrière la matérialité des choses.

      Le temps passé devant la machine, comme contracté, n'a plus grand chose à voir avec le temps ordinaire.

      L'autre côté du miroir :

      La pratique concrète du réseau passe par un univers de règles qui renvoient toutes à la recherche de la transparence du monde. Les procédures informatiques qu'il faut mettre en oeuvre révèlent un monde où l'on met de l'ordre dans les choses. Les nouveaux mystiques ont l'insigne privilège d'être ceux par qui l'ordre arrive.

      L'esprit logique, le sens de l'organisation, la recherche de la transparence sont aussi un mode d'être dans le monde en même temps qu'un moyen de la transformer. Le simple fait d'avoir accès à une petite partie de l'architecture de l'univers ordonné, sous la forme de l'ordinateur ou du réseau, peut permettre d'entrer en symbiose avec le cosmos tout entier.

      La naïveté apparente du voyage d'Alice "au pays des merveilles" est une manière pour son auteur, Lewis Caroll d'initier les enfants aux règles de l'univers logique. Le pays des merveilles est un monde d'ordre et de désordre, et les questions impertinentes d'Alice constituent une ligne de partage sûre entre ce qui relève d'un côté de l'information et de la logique, et de l'autre du Mal, incarné par le désordre.

      La quête de l'harmonie :

      L'utopie* de la cité de verre est souvent celle d'un monde harmonieux, sans secret ni mensonge, sans opposition ni conflit. La notion de transparence fait partie de la famille des thèmes utopistes. Elle permet à la société de communication illimitée de parvenir à réduire radicalement les motifs de conflit.

      Concernant les utopies l'ouvrage de Lucien SFEZ, La santé parfaite Critique d'une nouvelle utopie, est à cette endroit d'une grande utilité notamment dans ses pages 29 et suivantes; il est publié aux éditions du Seuil dans la collection l'Histoire immédiate.

      Une valeur d'exclusion :

      Les ordinateurs puis les réseaux sont censés rendre transparent tout ce qu'ils touchent. Même l'administration. Le réseau est l'outil permettant de lutter contre l'opacité "antivaleur clé" de l'univers des entreprises.

      Discours du Premier ministre français en 1998 : "l'entrée de notre pays dans la société de l'information" correspond à "plus d'accès au savoir et à la culture, plus d'emplois et de croissance, plus de service public et de transparence, plus de démocratie et de liberté". La transparence est au même niveau que des valeurs fondamentales. Ce qui est transparent est par nature plus évolué, plus avancé.

      A côté du pouvoir, les lois, et, d'une façon générale, la Loi, sont de plus en plus présentées comme un obstacle à la mise en place d'une société mondiale de l'information. Dans le cyberespace nul besoin de lois, surtout pas nationales ou internationales.

      Un bon système informatique doit être ouvert c'est-à-dire transparent. La nouvelle religiosité est profondément antagoniste avec les contraintes et les nécessités de ce que les professionnels appellent la "sécurité informatique", qui n'est qu'une variante de la sécurité des biens et des personnes.

      Tout ce qui est de l'ordre du secret, du caché, du privé, de l'intime, de la profondeur, du non-visible comme négatif doit être exclus dans le combat contre l'opacité, l'obscurité.

      Les uns seront plus concernés par l'abolition de l'insupportable frontière entre vie privée et vie publique, les autres plus motivés par le souhait de faire sauter toutes les barrières d'accès aux différentes parties du grand réseau informatique, d'autres enfin, particulièrement indignés du frein à la libre circulation des idées que constituent la "censure" des lois nationales, l'institution du droit d'auteur, ou, dans un autre domaine, la présence de nombreux médiateurs (enseignants, commerçants, journalistes) qui s'"interposent" entre producteurs et consommateurs.

      4.2 L'idéal d'ouverture, ou le refus de la distinction entre vie privée et vie publique :

      Un certain nombre d'internautes particulièrement militants et croyants paient de leur personne pour montrer les avantages de cet idéal, par exemple en montrant au monde entier via le Réseau leur modeste vie privée. Ici le web s'associe souvent à des chaînes de télévision.

      Une dimension morale :

      N'avoir rien à cacher c'est ne pas commettre de péché. Le seul fait qu'un acte, un geste, une parole soit visible suffit à le dédouaner moralement, le reste est répréhensible. La nouvelle religiosité déplace les valeurs.

      L'individu se retrouve muni du don- talent d'ubiquité qu'il peut se permettre d'exercer en permanence. La transparence est un postulat, un élément de foi.

      Le refus de la distinction entre être privé et être public correspond à la croyance dans les vertus d'une vie sociale entièrement collective où personne n'a rien à cacher. Les personnes y sont moins des individus dotés d'une intériorité propre que des "êtres informationnels" collectifs.

      4.3 La libre circulation et le refus de la Loi :

      L'idéal d'un monde transparent s'incarne dans le village global, sans frontière, sans Loi, sans contrainte.

      La Loi est à la fois l'instance qui régule les conflits et qui guide les comportements. Elle est en même temps droit et morale.

      Sentiment partagé dans les milieux informationnels : la Loi et la justice sont arbitraires, livrées au discutable des procédures judiciaires et à la rhétorique de la parole, là où une bonne discussion du problème en terme d'information permettrait d'apporter des solutions non arbitraires et incontestables. La règle remplace la Loi et l'autorégulation la norme, et l'idéal de résolution du problème reste l'algorithme.

      Le cyberespace devrait par nature échapper aux contraintes des lois nationales ou même internationales, ce qui suppose d'éliminer la violence.

      La loi s'applique-t-elle à Internet ?

      Les lois nationales sont jugées inadaptées à l'espace supranational que constitue Internet.

      Isabelle Falque-Pierrotin, maître des requêtes au Conseil d'Etat, en France, remarque que "deux conceptions semblent s'opposer : les tenants de l'interventionnisme des Etats et de la réglementation classique, et les apôtres de l'autorégulation". Cette dernière position, dominante, s'appuie sur la "sacralisation aux Etats-Unis de la liberté d'expression" par rapport au "système latin qui fait appel aux exigences de l'ordre public".

      Il s'agit d'une prise de position forte, dictée par la croyance en un idéal de libre circulation systématique de l'information.

      C'est ainsi que l'on peut avoir accès librement dans certains pays à des sites qui ailleurs sont prohibés et censurés (exemple des sites exprimant des thèses négationnistes). Ce qui prime ici c'est une haine quasi religieuse de la censure.

      Le refus de la censure :

      Grâce à la fin de la censure et des monopoles culturels, tout ce que la conscience peut explorer est rendu visible à tous. La loi du copyright est complètement dépassée, et il est tout simplement impossible de restreindre la liberté d'émettre (de l'information), pas plus que les Romains n'ont pu arrêter la progression du christianisme, même si quelques courageux diffuseurs d'information risquent de se faire dévorer par les lions de Washington dans le processus.

      La copie pirate et la diffusion la plus large possible de musiques ou de textes par ailleurs protégés par un droit d'auteur sont donc considérés comme une nécessité absolue et un véritable devoir moral par tous ceux qui défendent les vertus d'une ouverture très large des réseaux.

      Moins que jamais c'est le contenu qui compte au profit de la capacité de la forme à se déployer.

      Le recadrage des comportements de beaucoup d'internautes qui se mettent dans l'illégalité de fait en copiant ou en diffusant des livres ou des logiciels, évite de les voir comme des délinquants volontaires et profiteurs alors qu'ils se voient eux-mêmes dans une situation hautement morale.

      La culture de la libre circulation est telle que les vendeurs des rayons informatiques de certaines grandes surfaces peuvent donner l'adresse de sites où télécharger gratuitement certains logiciels qui sont par ailleurs disponibles dans leurs rayons.

      Le piratage : un culte secret :

      Il s'agit ici de l'activité de ceux qui se cachent pour rendre le monde, le réseau plus transparent.

      Chez ces fans, deux traits dominants :

      - un goût prononcé et précoce, souvent dés l'enfance, pour les choses et surtout les objets matériels, goût traduit par une volonté de démonter ces objets, de les rendre transparents au regard afin d'en comprendre le fonctionnement ;

      - les futurs ingénieurs ont généralement une personnalité socialement invertie, une tendance à ne pas chercher outre mesure le contact avec autrui.

      Les virus, eux sont des programmes ou des prototypes comme les autres, mais qui circulent le plus facilement possibles tout en étant précisément faits pour circuler c'est-à-dire se répandre. Du point de vue de la croyance c'est le meilleur logiciel qui soit.

      Les fondamentalistes d'Internet ne sont pas hostiles à la Loi, ils estiment qu'elle n'a pas cours chez eux, lui déniant toute pertinence afin de permettre le lien social et toute forme d'expression est bienvenue. A l'extrême, la liberté d'expression doit être absolue, pour tout ce qui est numérisable, y compris la musique.

      4.4 Une communication directe, ou le refus de la médiation :

      Toute forme de médiation est vécue comme insupportable dans cet univers du "point à point". Concrètement ceci peut aboutir au dénigrement de professions entières, accusées de résister au changement et de faire partie du vieux monde.

      Le commerce électronique :

      Le réseau peut être un excellent outil pour la vente par correspondance adaptée à certains goûts et à certaines situations.

      Culte de l'Internet oblige, la perspective ne peut être aussi simple, car la rencontre physique est inane et plus le commerce est direct plus son jeu est profitable.

      Dans la réalité, les conseils prodigués en magasin restent les préférés des consommateurs, et dans bien des domaines rien ne vaut de palper les produits, de les voir de ses yeux pour en ressentir le bien-fondé à la source.

      L'enseignement :

      Certains estiment que l'enseignement classique devrait disparaître, et le rôle de l'enseignant tend à passer d'un face- à- face pédagogique à un côte- à- côte devant l'écran. L'élève "se débrouille" aux côtés d'une sorte d'ingénieur du savoir, organisateur du processus d'acquisition des connaissances".

      Il est nécessaire alors de se départir du service public et d'admettre que la formation est un business. Les lieux tels que écoles, lycées et universités sont même des institutions de rencontre auxquelles il devient possible de renoncer.

      Le nouveau journalisme :

      "Ce qui intéresse les journalistes aujourd'hui ce n'est plus d'obtenir le Pulitzer, c'est d'accroître le nombre de connexions sur leurs sites Internet". L'objectif est de favoriser l'interactivité et d'entrer en contact avec le plus large auditoire possible. Dans l'e- journalisme, "si tout le monde montre son site, à terme la différence se jouera sur la capacité à créer une connivence avec une autre communauté d'internautes". Le public est assez grand pour faire la part des choses, et le journaliste comme médiateur est de toute façon appelé à disparaître.

      Le développement des techniques de surveillance de l'espace public permet à chacun de voir le réel directement, sans intermédiaire.

      La représentation politique :

      Conforme à un certain idéal de communication directe et sans entrave, la vision politique du nouveau monde en fait systématiquement une "démocratie directe". La démocratie représentative est non conforme à l'esprit de la nouvelle religiosité, et une sorte de webmania bouscule la politique, profilant plus radicalement une contestation de la politique dans ses formes actuelles.

      4.5 L'apologie de l'esprit, ou le refus de la parole incarnée :

      L'être humain est redéfini pour être reconstruit comme un être informationnel, ce qui dénote une influence forte des premiers cybernéticiens. La représentation valorise :

      - la comparabilité entre l'humain et la machine;

      - l'interactivité;

      - le privilège donné à l'esprit au détriment du corps et de l'intériorité.

      La comparabilité entre l'homme et la machine :

      La possibilité d'un pont entre l'homme naturel et la machine est un ancien projet, inauguré avec le mythe de Galatée et de Pygmalion, continuant sous les traits du Golem et des nombreux automates, robots, intelligences artificielles et autres cyborgs.

      L'homme n'est pas au centre de l'univers et d'autres sortes d'humanités sont possibles. Les ordinateurs, par exemple, peuvent aussi prétendre à la complexité, à la conscience et à l'esprit.

      "L'humanité va devoir statuer sur l'opportunité ou non de produire des machines massivement intelligentes, qui nous serons immensément supérieures".

      Le test de Turing, mis au point au tout début des années cinquante, est un dispositif qui inaugure déjà l'idée d'intelligence en réseau voire d'intelligence par le réseau. Turing était persuadé que rapidement l'ordinateur ne serait pas distinguable d'un être humain à ce jeu. L'idéal de vie que représente la machine montre que la pensée du réseau, de l'homme fait pour le réseau est bien antérieure à sa réalisation concrète. L'être idéal qui va permettre l'interconnexion généralisée, c'est l'androgyne informationnel.

      Le privilège donné à l'esprit et le refus du corps :

      Le corps est une cible privilégiée de la cyberculture : "Une religiosité de la machine s'impose sur le fond d'un dénigrement de l'homme et d'un mépris de la condition corporelle qui lui est inhérente".

      "La navigation sur le Net ou la réalité virtuelle donnent aux internautes le sentiment d'être rivés à un corps encombrant et inutile, qu'il faut nourrir, soigner, entretenir... "

      Dans Neuromancien, de William Gibson, par exemple, les héros déchus sont condamnés à réintégrer leur corps et à quitter le lieu où les esprits sont en réseau et en interconnexion permanente.

      En différence avec l'automate classique individualiste et anthropomorphe, le réseau intelligent incarne une figure plus en rapport avec le collectivisme du nouveau culte.

      "On est d'autant plus intelligent que les formes captées sont universelles, impersonnelles".

      Il peut bien y avoir, en apparence, un extérieur visible et un intérieur caché, mais dès lors que tout est connaissable, l'intérieur passe toujours potentiellement à l'extérieur.

      L'interactivité, ou le refus de la parole incarnée :

      Le mécanisme technique qui se loge derrière la notion abstraite d'interactivité est une notion bien connue des spécialistes de l'information : le feed-back, la rétroaction. La parole humaine, l'activité humaine en général sera ainsi redéfinie comme une "réaction à une réaction" (Gregory Bateson, cybernéticien).

      L'interactivité permet la "continuité communicationnelle" et situe chaque acte non plus en référence à une alternance de regard intérieur et de confrontation sociale, mais comme pris dans un entremêlement permanent où le collectif ne laisse plus aucun interstice à l'individu. La noosphère, machine à penser immense où la personnalité ne vivrait pas isolée, mais formerait un super- organisme...

      5. Les appuis d'une nouvelle religiosité :

      Internet s'inscrit dans le prolongement de l'invention de l'écriture et de celle de l'imprimerie. L'informatique et les réseaux sont des outils puissants appréciés par tous exceptés les technophobes les plus radicaux, et qui permettent aux nouvelles croyances de se diffuser.

      Le contexte de crise et de mutation des grandes valeurs de l'humanisme et du monothéisme, les secousses et les ruptures en profondeur que connaît le lien social constituent un arrière-plan favorable à l'acceptabilité de ces nouvelles croyances. Et la persuasion comme la propagande s'effectuent en direction de la jeunesse.

      5.1 Des thématiques religieuses proches :

      Le mouvement zen par exemple, a compté un très grand nombre d'adeptes dans les milieux des ntic.

      Les philosophes du cyberespace se convertissent à certaines formes de mysticisme, afin de mettre en harmonie leur vision du futur de la société mondiale de l'information avec un socle de valeurs plus anciennes.

      Un culte non déiste :

      La nouvelle religiosité est sinon athée du moins indifférente à l'idée de Dieu. Elle est hostile au sens habituel qui suppose une certaine institutionnalisation et un centralisme antagonistes avec l'idée de réseau éclaté. Mais l'idée du Mal et du Diable lui-même y est bien présente.

      L'ombre de Teilhard de Chardin :

      Teilhard de Chardin défend avec vigueur une vision cosmique du monde où la conscience cherche son chemin, à travers la matière, puis à travers la vie, en attendant mieux. Et s'inscrivant dans une tradition plus ancienne, incarnée dans des doctrines assez hétérogènes, avec en commun l'opposition d'un monde intelligible et d'un monde sensible, d'un monde des idées et des formes et d'un monde matériel, qui dépasse largement les frontières du gnosticisme.

      Gnosticisme, manichéisme, dualisme :

      Le gnosticisme, surtout actif dans les premiers temps de l'ère chrétienne est une doctrine, ou une pluralité de doctrines, du salut par la connaissance. L'Eglise chrétienne lui sera hostile, au nom du fait que la perfection et le salut s'y obtiennent sans véritable effort moral.

      Ce qui en rapproche la nouvelle religiosité, serait plutôt une communauté dans la manière de se sentir dans le monde, de vouloir se débarrasser de son corps pour libérer l'esprit, et de voir dans l'univers le conflit de deux forces : l'information et l'entropie.

      "Le gnostique éprouve fortement la différence entre son moi et le reste de son être, entre l'âme et le corps. Il se sent d'une essence différente". Il est proche sous certains aspects de la tradition dualiste et des conceptions manichéennes, qui supposent que l'âme est déchue dans le corps mais qu'elle peut être délivrée par le salut et la connaissance.

      On trouve là une communauté de sentiment subjectif avec ceux qui ne se sentent à l'aise qu'une fois relâchées les tensions du corps et activés les filaments de communication qui les relient aux autres pour une aventure où le contenu de ce qui est échangé compte moins que l'accès permanent au cyberespace.

      5.2 La continuité avec la contre-culture des années soixante :

      La "contre-culture" est un vaste courant qui englobe l'héritage de la "beat generation", le mouvement de contestation de la jeunesse, qui conduira notamment aux grandes révoltes étudiantes, le mouvement hippie, et toutes les nombreuses ramifications qui sont nées de cette nébuleuse, comme les mouvements alternatifs.

      Ce mouvement disparaît en tant que tel dans les années soixante-dix, mais ses valeurs ont essaimé et influencent les manières d'être - au - monde de nombreux adultes. San Francisco et la Côte Ouest des Etats-Unis ont constitué les lieux privilégiés de cette "révolution des moeurs" qui a pour célébrités Allen Ginsberg, Jack Kerouac (Sur la route) , Alan Watts, Ken Kesey, Timoty Leary, Gary Snyder, Neal Cassady, et le très populaire Bob Dylan, sans compter de nombreux groupes de musique et un certain nombre de revues.

      On y conteste le système établi, et une "culture parallèle" s'instaure accompagnée de modes de vie alternatifs. L'utopie d'un monde meilleur peut se construire ici et maintenant, tout de suite.

      La société doit être conçue comme une communauté pacifique, l'amour et l'altruisme occupent une place importante. De nombreux réseaux de vie produisant des musiques, des livres, des loisirs, une éducation, une alimentation et des médicaments spécifiques, formant un vaste univers "underground" qui concerne alors de centaines de milliers de personnes.

      Internet est l'underground actuel qui permet de mobiliser des centaines de milliers de jeunes à la recherche d'une société plus fraternelle, plus communicante et plus pacifique.

      L'héritage du New Age :

      Là où, dans les années cinquante, on "faisait la route" pour donner un autre sens à sa vie, dans une perspective spirituelle, on surfe maintenant sur les "autoroutes de la communication".

      Le mouvement du New Age, parallèlement à la contre-culture, est un mélange hétérogène d'animisme et de théories pseudo- scientifiques sur les "auras" et les "énergies", le "biomagnétisme", de "technologies intellectuelles" souvent à base de champignons hallucinogènes ou de drogues chimiques qui altèrent la conscience. L'électronique a très tôt eu une place importante dans ces pratiques magiques.

      Robert Pirsig, un des auteurs cultes des années soixante, écrit : "la divinité se trouve autant à son aise dans les circuits imprimés d'un ordinateur ou les engrenages d'un boîtier de vitesses qu'au sommet d'une montagne ou entre les pétales d'une fleur".

      La contre-culture, tout en étant hostile au grand capitalisme et à la société de consommation en même temps que marquée par une tradition libertaire, n'a jamais été en rupture complète avec le libéralisme; le culte d'Internet a ainsi intégré facilement ses valeurs.

      5.3 La jonction avec le libéralisme :

      La nouvelle religiosité s'est trouvée confrontée à trois grands courants de pensée :

      - le pôle contre- culturel dont l'influence est surtout prégnante à partir des années soixante sur la société américaine et sur l'ensemble des sociétés occidentales; certains traits entrent immédiatement en résonance avec la nouvelle pensée de l'information.

      - très loin de la nouvelle religiosité, le pôle des partisans d'un usage "régalien" des ntic dans le cadre de l'intérêt d'un pouvoir central incarné par l'Etat national, sans que la référence à l'intérêt public soit toujours privilégiée.

      Le Minitel, pris comme ancêtre d'Internet en tant que vaste réseau conçu pour le grand public, a été conçu initialement, par France Télécom, alors entreprise nationale, comme un système de communication correspondant à l'intérêt général. Dans cet esprit, les lois édictées par les Etats nationaux doivent s'appliquer aux informations qui circulent dans les réseaux et on ne doit pas considérer les ntic comme extraterritoriales.

      - le pôle libéral, voit dans les ntic le moyen de développer la machine économique en investissant des secteurs de l'activité humaine épargnés jusque-là par les rapports marchands. Là où l'éducation, la connaissance, la communication échappaient jusqu'à présent aux lois du marché, leur basculement dans un vaste réseau de communication universel va permettre de les transformer en "gisements de profits" pour les nouveaux entrepreneurs qui cherchent à s'imposer dans ce domaine. Exemple : Bille Gates.

      La vaste entreprise de dérégulation des télécommunications est évidemment un atout maître de la pensée libérale dans ce domaine.

      IBM reste un symbole fort de cette période. L'informatique, les réseaux, Internet ne se seraient probablement jamais développés sans les immenses investissements publics en recherche-développement. Bill Gates a construit un vaste empire capitaliste qui se voit maintenant contesté sur le terrain à la fois par les lois anti-trusts, d'inspiration libérale, et par les petites entreprises de la "netéconomie" qui cherchent d'autres voies de développement que la concentration monopolistique.

      L'alliance libérale- libertaire :

      La montée en puissance d'Internet et des projets de réseaux contemporains s'est effectuée à la faveur d'une poussée ultra-libérale. De multiples petites sociétés partant à l'assaut des grandes entreprises capitalistes du secteur et les concurrencer dans la "création de valeur". Deux esprits : l'un favorisant l'accumulation et le cloisonnement, l'autre la dépense et l'ouverture.

      D'après Pierre Lévy, "l'argent devient une unité de mesure épistémologique" et "l'économie remonte de plus en plus la chaîne ontologique vers le virtuel, en direction de ce qui crée l'existence".

      Et il existe un lien entre la mystique de l'information et la recherche du profit qui en constitue une "mesure". Cette mystique a clairement épousé le courant libéral- libertaire.

      Le jeunisme des nouvelles technologies :

      C'est la tendance à exalter la jeunesse, ses valeurs, et à en faire un modèle obligé de tout comportement. Si le culte des réseaux remonte aux saint-simoniens, il reste tout comme et surtout le culte actuel d'Internet, un culte jeune, de jeunes et pour les jeunes, conçu comme un processus de "révolution permanente" dans lequel ce sont les "jeunes" qui déterminent la direction du mouvement.

      Nicholas Negroponte dans l'Homme numérique écrit : "Qu'il s'agisse de la population d'Internet, de l'usage du Nintendo et de Sega, ou de la pénétration des micro-ordinateurs, l'important sera plus d'appartenir à telle ou telle catégorie sociale, raciale ou économique, mais à la bonne génération. Les riches sont à présent les jeunes et les démunis, les vieux". Le jeunisme ne va pas sans une certaine démagogie...

      La vitesse est devenue une nouvelle croyance, "la réalité de l'information est toute entière contenue dans sa vitesse de propagation".

      En dernier lieu, il est possible d'identifier un véritable discours d'exclusion des personnes âgées du domaine des ntic, alors que la proportion croissante dans la population de ces personnes liées entre autre à l'allongement de la durée de la vie et aux progrès médicaux en fait des acteurs majeurs de l'économie dans un horizon relativement proche.

      5.4 Une utopie technicienne ?

      Dans un article très complet sur le sujet, qui fait le bilan des utopies techniciennes depuis le XVIII ème siècle, Armand Mattelart lie la communication de la "promesse de rédemption". Déjà le saint-simonisme, comme pensée des réseaux, n'avait pas échappé à l'emprise de la religiosité. L'ingénieur avait été à l'origine d'une nouvelle Eglise à part entière". Il rappelle que l'utopie anarchiste de Piotr Kropotkin faisait de l'électricité le point de départ d'une nouvelle société.

      Lucien Sfez nous permet d'entrevoir que si l'utopie implique simplement une volonté de sortie du monde, une rupture radicale avec tous les aspects de l'ancien monde, alors la nouvelle religiosité qui se noue à partir d'Internet en relève partiellement. Mais il s'agirait plutôt d'une hétérotopie, dans un monde nouveau qui n'a plus de centre. Elle implique une nouvelle manière de vivre, un lien social nouveau doit être bâti qui s'impose à tous.

      6. Le tabou de la rencontre directe :

      Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, sous le coup de nouvelles croyances dans l'information, la transparence et la réunification de la conscience, nous avons construit un réseau de communication susceptible, s'il était poussé à son extrémité, de séparer les hommes et de les dispenser de toute rencontre directe.

      Pour accéder à ce "nouveau monde" dans lequel l'homme se réalisera et se dépassera, il faut accepter d'y transférer la plupart des activités que jusque-là nous réalisions autrement : le travail, les loisirs, la télévision, le cinéma, le commerce, les relations avec autrui, la prière, la pensée et, pour les plus extrémistes, la sexualité. Toute communication, toute relation, toute rencontre doivent désormais passer par le réseau, en empruntant les voies de la conscience collective.

      6.1 La question de la violence :

      Le cyberespace comme monde de lumière et de transparence, incarne l'utopie de la pacification. La violence y est rejetée du côté du corps, de l'animalité, de la matérialité. Le prix de la paix et une double séparation, d'une part entre le corps et l'esprit, d'autre part entre les corps eux-mêmes.

      Denis Duclos, sociologue français : "Le spectacle de la violence débouche rarement aux Etats-Unis sur un processus de civilisation, mais plutôt sur une hésitation, une oscillation entre sauvagerie et civilité, entre paix et agressivité". Dans cet esprit, un réseau comme Internet pourrait bien être une tentative désespérée de sortir de cette oscillation permanente.

      David Le Breton rappelle : "Le dénigrement du corps (...), dans le discours radical de certains scientifiques ou adeptes de la cyberculture, est aussi un fait vécu à leur niveau par les millions d'Occidentaux qui ont perdu leur relation d'évidence avec le corps qu'ils n'utilisent plus que partiellement". Le nouveau culte propose d'enfermer chaque individu dans sa bulle pour prix d'une communion universelle enfin pacifiée.

      L'alternative au chaos :

      Norbert Wiener concevait la violence comme le comble de l'entropie, de l'"imperfection organique de l'univers". Le diable. La cybernétique, pessimiste, voit le monde glisser irrésistiblement vers le chaos entropique.

      L'avancée de toutes les cybertechnologies correspond à l'espoir de faire reculer la violence grâce à l'information et à la communication.

      Le monde idéal, c'est la noosphère transparente qui nous préviendra des catastrophes, des dangers des injustices, des déséquilibres écologiques".

      Une stratégie prudente :

      Ceux qui ont un point de vue raisonnable, "laïque" sur les nouvelles technologies de l'information sont parfois sensibles aux sirènes des prophètes.

      Il ne faut pas se laisser prendre à la très ancienne stratégie de persuasion décrite ci- après. Dans les années soixante-dix, les partisans de la révolution informatique, ancêtres des militants actuels, l'avait mise au point afin de contourner les résistances au changement des usagers. Deux temps : première approche, affirmer que toutes ces machines n'étaient que des outils, qui ne changeraient en rien les finalités de leur usage. Ensuite, une fois les outils en place, faire miroiter, surtout aux yeux des plus ardents convertis, qu'ils étaient au coeur d'une véritable révolution, qu'ils allaient, grâce aux technologies, "changer le monde". Toute nouvelle avancée suscitant de nouvelles hésitations ou des réserves, on revenait au premier mouvement de la stratégie : "Ce n'est qu'un outil ... ".

      Pierre Lévy : affirme d'abord avec force que les hommes sont en train de se regrouper dans une immense ville virtuelle, là où l'on trouve le plus de choix, là où se trouvent les meilleurs marchés, y compris surtout les marchés de l'information, de la connaissance, de la relation et du divertissement, et que les sites Web sont comme des boutiques, des bureaux et des maisons ; les groupes de discussion et les communautés virtuelles ... des places, des cafés, des salons, des regroupements par affinités" (...) "les mondes virtuels interactifs, plus ou moins ludiques, seront les nouvelles oeuvres d'art, les cinémas, les théâtres et les opéras du XXIème siècle" (...) "Nous continuerons cependant à nous déplacer physiquement et à nous rencontrer en chair et en os, et probablement plus qu'aujourd'hui, puisque les phénomènes de relation et d'interconnexion de toutes sortes (virtuelles ou non) seront amplifiés et accélérés".

      De très nombreux projets liés aux réseaux ou à Internet sont en fait axés sur la possibilité de ne plus se déplacer, de ne plus sortir de chez soi.

      6.2 Une description de la "société mondiale de l'information" :

      La littérature d'aNTICipation joue un grand rôle dans le développement des nouvelles croyances, par l'imaginaire qu'elle implémente. La pertinence d'un récit ou d'une description tient pour le lecteur à son réalisme, capacité à aNTICiper la réalité vraie, guide pour l'action. Elle serait le genre le plus lu dans le monde de l'informatique. Les ouvrages d'Isaac Asimov, Philip K. Dick ou William Gibson, et bien d'autres, posent la question du lien social et évoquent de façon centrale la séparation sociale, pivot de ces nouveaux modes.

      C'est bien la question de la violence qui est au centre de la problématique de cette nouvelle société, qu'il s'agisse de craindre les épidémies ou de redouter la présence de l'autre, comme source de violence. Il faut mettre fin à la tension insupportable provoquée par les autres.

      La peur des épidémies :

      Elle aboutit, pour l'auteur Jean-Michel Truong, à un monde divisé en trois classes :

      - les "no- plugs" clandestins qui vivent en meutes, livrés à eux-mêmes dans une nature hostile,

      - ceux qui vivent séparés les uns des autres,

      - une petite classe de nantis qui eux ont le droit de se rencontrer et vivent dans un univers protégé de toute agression extérieure.

      La violence de l'autre :

      Les communications virtuelles ont l'immense avantage de gommer la dimension de violence irrépressible des rapports humains et donc de les pacifier.

      Bill Gates raconte à ses lecteurs : "J'ai eu une liaison avec une femme qui habitait une autre ville. Eh bien, nous avons échangé force messages sur le courrier électronique. Nous avons même imaginé un moyen d'aller au cinéma ensemble. Nous choisissions le film qui passait à la même heure dans nos deux villes. Pendant le trajet en voiture, nous bavardions avec nos téléphones cellulaires pour commenter le film. A l'avenir, ce genre de "rendez-vous virtuel" se passera encore mieux".

      La violence de la rencontre directe devient alors trop forte pour ceux qui se sont habitués à la communication virtuelle permanente.

      Le nouveau lien social se caractérise doublement et indissolublement par une séparation (des individus) et une communion (des esprits), comme condition de la paix sociale.

      6.3 La société solaire d'Asimov :

      Scientifique et vulgarisateur américain, Isaac Asimov, a proposé dès 1955 la première visualisation d'une société dans laquelle un réseau de communication complet (image et son) occupe une place déterminante dans la vie sociale et remplace toutes les régulations collectives traditionnelles. Dans ses livres le lecteur peut suivre comment les robots d'abord esclaves soumis des hommes deviennent leurs maîtres (retournement feuerbachien).

      Auteur notamment des "trois lois de la robotique" censées fixer des barrières éthiques au comportement des machines, il s'est attaché à accoutumer le lecteur aux "machines à communiquer", s'interrogeant en même temps sur les conséquences de la robotique, au sens industriel bien sûr, mais aussi au sens plus général de mise en oeuvre systématique des ordinateurs et des "intelligences artificielles".

      Le système de communication, pour lequel ce sont les robots qui servent d'intermédiaires, est au centre de la vie sociale qu'il nous décrit , aNTICipation assez précise d'Internet.

      De chaque point d'accès au réseau, il est possible d'accéder aux autres. Le réseau transporte de l'image et du son, et des dispositifs audiovisuels, véritables ancêtres du multimédia, permettent d'accéder au savoir. Un lien social particulier accompagne les techniques, avec un tabou central, celui de la rencontre directe.

      Les hommes et les femmes qui peuplent ce monde vivent seuls, de l'enfance à la mort, entourés d'immenses propriétés et de très nombreux robots, tout en communiquant en permanence, via le réseau, avec les autres habitants.

      Un monde sans rencontre :

      Les habitants de la planète Solaria ont la possibilité de communiquer en permanence et partout, en usant des machines anthropomorphes, seule différence avec les réseaux actuels. Solaria est entièrement maillée par ce réseau de communication qui reproduit le décor et fait apparaître en trois dimensions la personne avec qui on est en contact. Il s'agit de "visionner" ses interlocuteurs, et entre présence directe et présence indirecte persiste l'impossibilité de sentir son parfum ou de le toucher. Toute l'organisation du lien social va alors tourner autour de cette question. Pas de ville, pas d'Etat. Un habitant n'est jamais véritablement âgé, son corps et son mental ne se dégradant pas.

      La nécessité de la séparation physique :

      Tabou central, la rencontre physique est identifiée à l'animalité, à la brutalité et à la violence, ce qui va permettre aux membres de cette société de définir le caractère "civilisé" de leurs rapports.

      "Nous avons parlé pendant quelques minutes ; de se voir face à face est une telle torture". "Je pensais tolérer sans difficulté une présence effective, mais ce n'est qu'illusion de ma part. J'étais à bout de résistance nerveuse en très peu de temps".

      Sur Solaria, les enfants naissent grâce à la procréation artificielle.

      Il n'y a aucun dommage, ni aucune infraction au tabou à se montrer nu en image virtuelle devant les autres : "Après tout, cela n'a pas d'importance, puisqu'il ne s'agit que de vision stéréo, dit Gladïa (après s'être montrée nue devant son interlocuteur)".

      Sur Solaria, les médecins pratiquent la télé- médecine avant l'heure.

      Une nouvelle inaptitude à la communication directe ? :

      La pratique systématique de la communication par l'intermédiaire des ordinateurs et des réseaux est la réalité concrète du nouveau culte de l'Internet. Internautes, communiquez, tout le temps, toujours, à propos du plus de chose possible et quel qu'en soit le contenu ! Activer l'information est le véritable rite auquel il faut sacrifier à toute heure du jour et de la nuit.

      Dans l'univers du "tout- Internet", l'individu est conduit à disposer de son propre territoire géographique d'évolution, au sein duquel il n'a plus à négocier quoi que ce soit avec autrui. Chacun devient en quelque sorte souverain sur son propre territoire et ne trouve plus d'intérêt à se trouver sur celui d'autrui.

      Dans la réalité nous sommes en train de vouloir réaliser des "systèmes d'environnement virtuel portables", via les mobiles (et cela ne va d'ailleurs pas sans quelque flop comme le wap).

      Dans un certain sens, souligne Philippe Breton, une telle "société" devient une société mondiale, non pas parce que les échanges auraient lieu dans un même "village planétaire" mais parce que chacun deviendrait à lui-même son propre monde. C'est peut-être le sens le plus approprié qu'il faut donner aujourd'hui à la notion de "mondialisation".

      7. Une menace pour le lien social :

      Les thuriféraires du Réseau sont marqués voire déterminés par une religiosité qui instaure une véritable dynamique. Elle est non déiste, spiritualiste, dualiste et anti-humaniste. Elle prône l'unification des consciences en "conscience collective" dans un même continuum associant les humains et les "machines intelligentes", la communication permanente, séparation physique et fin de la rencontre directe, rapport de déni à la loi et à la médiation, confusion entre la représentation et le représenté, entre le virtuel et le réel.

      7.1 Deux modèles de développement d'Internet :

      Opposé à ces "fans", le pragmatisme de tous ceux qui voient dans Internet un outil réellement précieux, mais rien qu'un outil.

      Philippe Breton fait l'hypothèse que, à l'aube du XXI ème siècle, la stratégie des premiers est la plus attractive et exerce en tout cas une réelle fascination notamment sur la jeunesse. La nouvelle religiosité remplit d'une certaine façon le même rôle que les utopies révolutionnaires des années soixante et soixante-dix, en captant le désir de changement et en le sortant de l'espace du politique.

      Tant que l'option du "tout- Internet" correspondra sur le terrain avec l'ouverture de nouveaux marchés et la perspectives de nouvelles sources de profit dans le monde des actionnaires, le modèle de développement actuellement dominant, construit sur des promesses à la base de son argumentaire grand public et empreint des valeurs du libéralisme, perdurera.

      Nous avons affaire à un déploiement en deux temps, où les promesses d'un mieux-vivre et d'un mieux-être permettent d'attirer progressivement les gens vers une nouvelle vision du monde.

      7.2 Une information aux limites de la propagande :

      La discussion doit bien sûr sortir d'un faux débat "pour ou contre", et porter plutôt sur les différents modèles de développement de cette nouvelle possibilité technique.

      Les véritables ressorts du nouveau culte ne sont que très rarement explicités, et les ntic sont présentées sous un angle déterministe. Les réseaux informatiques vont automatiquement changer en profondeur et pour le meilleur nos modes de vie. Un constat : il n'y a pratiquement aucun débat de société sur ces questions.

      Une quasi-clandestinité :

      Le point de vue anti-humaniste explicite des nouvelles conceptions heurte en général l'opinion. L'idée selon laquelle l'homme est au centre du monde et devrait être la première source de nos préoccupations en tant qu'humains reste fortement implantée au coeur de nombreuses cultures.

      La résistance de l'humanisme qui nourrit notre culture est toujours très forte, et le milieu de la cybernétique des années quarante s'y sont cassé les théories au point d'avoir dû passer pratiquement dans la clandestinité.

      De nos jours seule la science-fiction permet à la rigueur de passer outre. L'ouvrage de Pierre Lévy, World Philosophie, a, de cette façon, été d'une réception difficile notamment en France.

      L'idée selon laquelle les machines pourraient devenir intelligentes, notamment à l'image de l'homme, est certes couramment reprise par les médias, mais elle dépasse rarement le stade de la curiosité scientifique ou de l'utopie exotique. La peur reste bien présente, même au coeur du "phénomène Internet", comme dans le cas du Golem, d'un retournement diabolique contre l'homme. Du coup, la publicité, par exemple, ne se contente jamais d'informer sur les fonctionnalités des produits qu'elle vante, mais tente quasi-systématiquement de leur construire une légitimité, faite le plus souvent d'universalité, de communauté, de liberté et de connaissance.

      Chaque transformation d'une activité sociale en une activité prise en charge par le réseau comme le commerce électronique par exemple, est en général évaluée isolément. Chaque étape de l'"internétisation" du monde est en soi fascinante et anodine. C'est l'ensemble qui pose problème.

      Une forme de prosélytisme :

      Le procédé : matraquage systématique de messages implicites répétés jusqu'à saturation et provoquant l'adhésion à des valeurs du seul fait de leur énonciation, tout en masquant les conséquences de cette adhésion.

      "Combien de temps encore, demande à ce sujet Lucien Sfez, allons-nous subir la propagande (le mot est trop faible) de la presse et du gouvernement en faveur d'Internet, huitième merveille du monde, hors de laquelle il n'est point de salut ?"

      Passé un certain seuil de diffusion, un objet technique devient indispensable, même s'il n'est pas souhaité et si son usage pose problème. Pour atteindre ce seuil, la publicité vise d'abord les couches sensibles à toutes les formes possiblement applicables de néo-propagande, notamment la jeunesse qui constitue bien sûr toujours une cible privilégiée pour tout ce qui porte la promesse d'un monde nouveau.

      L'engouement récent pour la "netéconomie" a montré la puissance de ce discours. De même qu'il faut se connecter au Réseau, il fallait participer à l'économie de ce secteur et rejoindre la Promesse, l'argent étant bien devenu ici une mesure du nouveau monde, argent spéculatif, bulle financière créée en faveur d'une économie frisant en permanence le krach boursier ce qui met en péril bien au-delà de ce petit monde.

      La révolution Internet va-t-elle se poursuivre ? :

      Le thème de l'"inéluctabilité" de la "révolution Internet" est partie intégrante du discours promotionnel qui a envahi les médias à la fin des années quatre-vingt-dix. Il annonce une révolution des modes de vie et de la société elle-même que rien ne pourra arrêter, en s'appuyant sur un raisonnement déterministe trop intéressé, une sorte de lieu commun.

      La numérisation des activités humaines semble une condition sine qua non du développement tous azimuts des médias en réseau, alors que les gisements d'information sont limités ce qui, en toute bonne logique, devrait provoquer un essoufflement.

      Robert Cailliau, co-inventeur du web n'hésite pas à déclarer : "Pour parler franchement, je suis un peu déçu. Je ne trouve pas que le web évolue si rapidement. (...) Au fond, c'est toute l'informatique qui souffre d'un non-changement de paradigme. Les ordinateurs vont toujours plus vite, mais il n'y a quasiment pas de nouvelles idées : l'architecture est toujours la même, le fonctionnement aussi."

      7.3 Quelques effets pervers du nouveau culte :

      Beaucoup craignent qu'une société transparente ne devienne en fait une société sécuritaire où l'individu ne dispose plus que de marges très étroites de liberté.

      Un recul des libertés :

      Nos sociétés libérales démocratiques ont un gant de velours pour ce qui concerne le respect des droits individuels formels. L'Internet systématique serait en revanche un redoutable outil entre les mains de fer d'un régime non voire anti-démocratique.

      On connaît mieux maintenant les ambitions du réseau Echelon, dénoncées dans un rapport du Parlement Européen. Malgré les dénégations du gouvernement américain la National Security Agency NSA est accusée de se livrer à une activité d'interception systématique des communications mondiales, notamment celles qui transitent via Internet.

      En France, la CNIL Commission nationale pour l'informatique et les libertés s'inquiète du développement des systèmes de "cybersurveillance" et des conditions du commerce électronique. Les promesses de "redonner le pouvoir" au consommateur paraissent bien abstraites face aux très nombreuses tentatives des régies publicitaires de violer la vie privée des internautes. Plus le publicitaire connaît la vie, les goûts, les habitudes de celui à qui il s'adresse, plus il pourra "adapter" son message et accroître les chances de séduire son interlocuteur donc de vendre. Les "cookies", petits logiciels qui viennent se greffer dans la mémoire des ordinateurs des connectés permettent de suivre les déplacements sur le réseau de leurs propriétaires et de connaître leur personnalité, et il parait probable que certaines régies recroisent ces renseignements avec des fichiers nominatifs. Il y a là, pernicieusement discret, un grave danger de manipulation du consommateur.

      La désynchronisation des activités sociales :

      L'un des projets du directeur du Medialab au MIT, Nicholas Negroponte, consiste à mettre au point des interfaces numériques qui soient des sortes d'assistants personnels permettant à l'individu de saisir toutes les informations dont il a besoin au moment où elles sont produites mais en les restituant au moment et sous la forme qu'il a choisis. Exemple "une autre façon de voir un journal est de le considérer comme une interface avec les informations (...) Imaginez qu'un jour votre agent d'interface puisse lire tous les télex, tous les journaux, capter toutes les émissions de TV et de radio de la planète, et vous faire un résumé personnalisé. Ce genre de journal n'existe qu'à un seul exemplaire. (...) Il mêlerait les grands titres de l'actualité à des faits moins importants concernant vos relations, les gens que vous verrez demain, et les endroits où vous vous apprêtez à aller ou d'où vous rentrez. Il vous informerait sur les entreprises que vous connaissez (...) Appelons-le "Mon Monde" ".

      Dans ce monde moyen, désormais sans surprise et bien sûr sans conflit, les interactions virtuelles se déroulent dans un espace où les uns sont toujours décalés par rapport aux autres. Bien loin de la "conscience collective".

      Un accroissement des inégalités :

      Il est à craindre que le nouveau monde, loin de réduire les inégalités dans l'accès au savoir, ne se développe sur un renforcement des strates d'inégalités déjà présentes telles la lecture ou l'argumentation. Rappelons qu'il existerait cinq millions d'illettrés et d'analphabètes en France, sans compter les exclus de l'accès et surtout de la compréhension des procédures algorithmiques nécessaires à la manipulation des nouveaux outils. Cette crainte est particulièrement accentuée concernant les pays du tiers-monde, et il est plus réaliste de parler d'un "nouvel âge des inégalités".

      La puissante entreprise Microsoft pèse à la Bourse plusieurs centaines de milliards de dollars et emploie seulement 24 000 salariés. Même si 90 % d'entre eux sont, paraît-il, millionnaires, ceci montre voire annonce un monde profondément inégalitaire, dans lequel l'écart des revenus peut s'accroître de façon vertigineuse en détruisant notamment une partie des classes moyennes.

      7.4 Le fantasme de la mort de l'homme :

      La nouvelle religiosité est, stricto sensu, une hérésie de l'humanisme. Son succès intervient sur un fond de crise, crise des valeurs et du lien social, problèmes récurrents posés par la permanence d'une violence destructrice.

      Le nouveau culte se présente le plus souvent comme une alternative de civilisation, face à des vieilles valeurs humanistes qui auraient fait faillite, et les difficultés réelles d'une société mondiale en pleine mutation servent ainsi de toile de fond au succès des nouvelles croyances.

      Un succès sur fond de crise des valeurs :

      L'homme n'est plus la pièce maîtresse de cette nouvelle religiosité sans centre et sans Dieu, la conscience individuelle est susceptible d'être "collectivisée" et transférée aux machines, la noosphère du cyberespace se substitue à l'organisation sociale politique des sociétés telles que nous les connaissons.

      Philippe Breton affirme que ce sont trois valeurs essentielles du monde moderne qui sont visées :

      - l'héritage monothéiste juif de la loi, importante pour régler les rapports humains ;

      - l'importance conférée depuis la révolution démocratique athénienne à la parole, placée au centre de la société des hommes ;

      - la représentation de l'homme comme individu libre intérieurement.

      Ces trois valeurs ont fait convergence : l'individu est destinataire de la loi et c'est lui seul qui se tient responsable devant elle. Elle le dépasse et en même temps c'est lui qui la fabrique, par le jeu de la parole collective et de l'assemblée des individus libres. L'individu n'existe qu'à travers sa parole, doublement issue de sa mémoire intérieure et de la rencontre avec la parole de l'autre.

      Cette société de la loi, de la parole et de l'individu a été construite en rupture avec l'ancienne société "holiste", et nourrit l'"humanisme". Tout le XX ème siècle aurait été une longue hésitation dans la croyance aux vertus de l'humanisme.

      Le nouveau culte semble se nourrir d'une opposition à ce triptyque fondateur de notre modernité. Son succès paraît directement proportionnel à la crise de confiance.

      Les effets concrets de l'attaque contre l'humanisme :

      Les effets d'un discours anti-humaniste se font sentir au présent et deux représentations fondamentales sont en train de vaciller : celle de l'être- ensemble comme relevant de la vie en société et celle de l'être humain comme doté d'une singularité indépassable.

      La socialité au sens de la mutualité, disparaît au profit de l'interactivité. Dans le nouveau mode de société proposé, l'autre doit être là quand je le veux, sous une forme que je contrôle et dans la partie de mon territoire que je lui assigne. L'expérience est remplacée par la virtualité. Les relations sont très réactionnelles, rapides, peu engageantes.

      "L'utilisation d'Internet diminue le cercle de relations sociales proches et lointaines, augmente la solitude, diminue légèrement la quantité de support social et augmente les sentiments dépressifs." Des solitaires d'un genre nouveau apparaissent partout, qui n'entretiennent plus qu'un rapport informationnel et instrumentalisé au monde qui les entoure.

      Le changement technique parait alors être devenu le seul moteur de l'évolution.

      La psychologue américaine Sherry Turkle montre en outre que depuis quelques années, on assiste à un affaiblissement de la métaphore de l'intériorité pour penser l'individu et à son remplacement par la métaphore du programme.

      Le souhait de détacher la conscience du corps et en même temps de la fondre ou de la transférer dans une transcendance collective fragilise la délicate construction de l'individu moderne.

      Le nouveau culte est-il immoral ? :

      Si l'on prend le parti de l'homme, il faut craindre que la réponse à cette question soit entièrement positive, et le débat ne devrait pas laisser indifférents tous ceux qui sont attachés aux valeurs humanistes.

      Car une des questions importantes que soulève en définitive le "nouveau monde", est celle de la mort de l'homme. En poussant les recherches dans la direction d'un transfert de la conscience de l'homme vers des robots plus intelligents ou des réseaux dotés de vie, on prend peut-être le risque de faire disparaître son espèce en tant que telle, parce qu'elle serait devenue inadaptée au regard de l'évolution.

      Le Progrès, une fois encore, aurait bien pour nous tous un caractère aigre-doux...

      1.4.2.4 De la science fiction à la science cognitive* :

      Reprenons ici un passage d'après L. Sfez, dans Critique de la communication afin d'en souligner le contenu : "Encore de nos jours bien des scientifiques comme bien des humains plus ordinaires comptent sur plutôt qu'espèrent en une progression irréversible de l'élémentaire au complexe, comme si elle allait de pair avec notre évolution. L'ordinateur "intelligent" nous fait rêver sur notre identité. Les métaphores de l'intelligence, de l'activité neuronale, de la société ou de la démocratie jouent un rôle très puissant de mobilisation technologique. Allant au-delà, la machine est faite comme nous et nous sommes nous-mêmes faits de mécanismes machiniques. Nous rêvons déjà d'êtres bioniques, surpuissants à la fois humains et machines, machines et humains indifféremment.

      Nous construisons Dieu à partir des qualités humaines et nous lui attribuons un pouvoir sur nous. Paradoxe de Feuerbach ou rappel du Golem, les risques sont grands que l'humain soit bientôt dépassé pour le pire et moins probablement pour le meilleur par ces créatures qu'il contribue à engendrer."

      En attendant l'avenir est aux agents* intelligents dans et par les réseaux. Ils peuvent être comparés par exemple aux cellules sanguines qui circulent dans les vaisseaux, mais la métaphore n'est pas assez puissante pour rendre compte de leurs caractéristiques.

      8. Raisonnements assistés par ordinateur :

      8.1. Les agents :

      L'évolution a finalement abouti à l'informatique distribuée d'aujourd'hui où tous les ordinateurs sont connectés, que ce soit à un réseau local, à l'intérieur de l'entreprise, ou à un réseau plus large comme Internet.

      Désormais et par les vertus de la technologie objet, ce sont des "agents" "intelligents" qui permettent de réaliser les différentes fonctions nécessaires aux communications. Voici quelques unes de leurs caractéristiques ; ils sont :

      - autonomes, indépendants, ils contrôlent leur action sur laquelle on ne peut interférer ;

      - sociables, ils interagissent directement avec d'autres logiciels ;

      - réactifs, ils perçoivent l'environnement et réagissent au changement ; par exemple un agent qui, pour ou sur un réseau donné comme Internet par exemple, surveille les cours de la Bourse peut lire en permanence les cours et envoyer automatiquement un message lorsqu'un titre change ou atteint une certaine valeur ;

      - proactifs, ils prennent l'initiative avec un but précis ; dans le cas du commerce électronique, ils peuvent négocier le prix d'un produit sous certaines conditions.

      Plus l'évolution se produit, plus le degré d'intelligence des agents augmente, plus ils ressemblent à des micro-organismes qui circuleraient dans des artères ou des veines par exemple.

      Peu à peu naît un nouvel imaginaire qui se complète dans l'infiniment grand comme dans l'infiniment petit,

      peuplé de créatures de toutes sortes, agents, robots, androïdes, êtres bioniques etc. qui viennent au fur et à mesure alimenter notre besoin de toute puissance, enchanter un nouveau quotidien, ou peupler notre univers des pires craintes et cauchemar.

      II. Contenus et communication via les Médias à base de Réseau(x) :

      1 Quels contenus pour Internet ?

      1.1 Communication, Récit(s) et Information :

      1.1.1 La mise en intrigue :

      Il faut comprendre la production communicationnelle comme une production de récits visant à structurer et à configurer un groupe et une action collective. La notion de récit permet de comprendre les productions symboliques et langagières visant l'unification, la structuration et le fonctionnement de groupes constitués autour d'un objectif de production de biens et de services.

      L'essor des communications d'entreprises participe du déplacement de l'entreprise qui s'inscrit dans l'espace public considéré comme espace d'apparition et de visibilité, opérant un soigneux travail de construction de soi auprès de l'opinion, de présentation et d'exposition de soi orchestré, afin d'asseoir sa présence auprès des médias, auprès de l'opinion publique et de tous les publics essentiels (pouvoirs publics, consommateurs, milieux financiers, élus etc.). Ici, la côte de l'expérience a baissé au profit du règne de l'information, règne du plausible, du vérifiable et de son cortège de connexions logiques.

      La construction de récits par les organisations économiques engage un rapport au temps et un rapport au groupe social, configure une expérience individuelle et collective, et propose un sens.

      Ricoeur parle de la "mise en intrigue" se rapportant à l'univers de l'intrigue et la relation créée entre émetteur et récepteur.

      Il se produit une imbrication étroite et nécessaire du dire et du faire. Il faut comprendre le soubassement de l'activité économique.

      "Le temps devient temps humain dans la mesure où il est articulé sur un mode narratif".

      La reconstruction du passé a une dimension politique, économique et sociale.

      Parmi les formes de mémoire, l'approche muséale se développe depuis quelques années et conjugue l'approche patrimoniale et l'approche communicationnelle, la perspective de conservation et de notoriété. Les entreprises des économies occidentales s'ouvrent au public.

      L'appel au passé s'inscrit dans une stratégie de communication. L'Art, lui, s'inscrit dans une perspective de recherche et de construction du futur ou plutôt des futurs comme le suggérait déjà l'usage de la notion de vies.

      Les récits interviennent toujours après coup, ils s'inscrivent dans une perspective de continuité, de reconstitution, de mémoire, alors que l'action et les choix opérés sont toujours nouveaux, surprenants et

      discontinus. Ils sont un artefact visant à retrouver et à construire un continuum dans la nécessaire discontinuité. L'entreprendre comme action sur le présent, comme création permanente et comme initiative toujours surprenante est fondamentalement en tension avec l'activité narrative qui

      reconstruit la continuité des choix et l'inscrit dans la durée. Le temps long de la mémoire et la reconstitution historique fait de constance s'oppose au temps court de la décision présente toujours surprenante.

      Consignation et transmission des connaissances constituent désormais l'enjeu essentiel de cette discipline nommée "knowledge management". La notion de projet fait rebondir la problématique du temps sur trois points : elle engage une même logique de l'actualisation, le présent du futur correspondant à un travail de formalisation. Elle suppose une démarche volontariste visant à maîtriser le destin au lieu de le subir.

      L'enjeu : elle repose enfin sur une même valeur supposée de l'information qui est le ressort de l'imbrication du futur et du présent. La disparition de grands projets politiques et sociaux dans les

      sociétés occidentales, postmodernes selon les termes de JF Lyotard, s'accompagne de l'émergence et de la prolifération de projets de nature économique.

      Ricoeur : "l'utopie désespère l'action, elle est incapable de formuler un chemin praticable".

      Les pratiques de veille reposent implicitement sur une théorie de la valeur de l'information qui conçoit l'information et la capacité à repérer les grandes lignes du présent et les contours d'un avenir proche sont devenues une fonction vitale pour la survie et le développement des entreprises.

      L'information peut être vue comme un élément essentiel de la stratégie économique, comme facteur de prévision et de maîtrise des marchés.

      Cette théorie de l'information repose en partie sur une approche mathématique et probabiliste de l'information, il est donc essentiel de réduire le degré d'incertitude, de collecter ou de construire un système d'informations mis au service de la prise de décision.

      Trop d'information est aussi nuisible que peu d'informations.

      La sophistication des systèmes fait souvent perdre de vue leur finalité et finit par occulter la valeur d'usage des informations.

      La valeur de l'information est aussi un problème dont il faut tenir compte. L'information ne s'oppose pas à la communication comme l'objectif au subjectif, comme l'individuel au collectif, comme la connaissance à

      l'action.

      Le "Dictionnaire des termes officiels" : définit l'information comme "élément connaissance, susceptible d'être représenté à l'aide de conventions, pour être conservé, traité, communiqué".

      L'information n'est une ressource que dans la mesure où elle est l'objet d'une gestion et d'une interprétation appropriées. Il faut de l'intelligence, c'est essentiel.

      Dans l'approche de Shannon et Weaver, l'information est corrélée aux notions d'entropie et de désordre : l'information annule ou réduit l'entropie et constitue la mesure de la réduction de l'incertitude ou du désordre. Un message créé de l'ordre dans le désordre. Adhésion donc ici au point de vue de Philippe Breton.

      La formule que donne Shannon pour calculer la quantité d'informations est fondée sur le rapport entre les possibles avant l'information et ce même nombre après l'information.

      La surprise, l'effet de surprise est l'un des constituants de la valeur d'une information; une information surprenante est une information qui a une valeur élevée.

      L'information s'inscrit ici encore dans une perspective probabiliste, elle renvoie au différentiel de gain généré par une décision sans information préalable et une décision prise après information, elle est une valeur ajoutée. Ceci rejoint la théorie de la rationalité limitée.

      1.1.2 Trois caractéristiques de l'information :

      1. L'information est relative au double sens où elle s'inscrit dans une relation et possède

      un degré variable selon les individus.

      2. L'information est sélective : construire et produire une information suppose en amont un

      travail de jugement et de sélection de l'existant. L'information n'a pas de sens en dehors

      d'une opération de jugement qui est une opération de tri et de mise en visibilité.

      3. L'information est périssable : du coup l'information utile est l'information donnée et utilisée au bon moment.

      " par rapport aux circonstances du moment, culturel (conforme à des règles ou normes),

      expressif selon l'émetteur et ses intentions..."

      L'appel aux référents collectifs est nécessaire pour comprendre; les interactions les plus simples de la vie courante présupposent toute une série de données partagées : connaissances linguistiques telles que

      les définitions du dictionnaire par exemple, représentations sociales, normes relationnelles ...

      La structuration des relations se produit par les échanges entre les acteurs qui s'établissent en fonction de la position des acteurs dans la relation. Cette dernière peut être intime ou distante, égalitaire ou hiérarchique, consensuelle ou conflictuelle, influencée ou influençante.

      L'expression des identités des acteurs se traduit par "qui est celui qui communique". Expressions et discours portent la marque de l'être propre, des valeurs, des attitudes. Ces logiques d'acteurs participent de l'organisation de la communication.

      L'analyse de contenu permet de révéler à partir du discours l'identité profonde des individus.

      L'émergence de l'information se fait alors; elle naît à la rencontre d'une donnée avec l'intentionnalité

      d'un acteur. L'information brute prend son sens dans le système des intentions prioritaires de l'acteur auquel elle est destinée. L'influence est cet autre mécanisme fondamental de la communication qui est consubstantiel aux autres processus. Dans un échange mettant en présence plusieurs acteurs, l'influence s'exerce en manipulant, implicitement, des ressources interactionnelles telles que le positionnement relationnel, l'appel à des normes sociales implicites connues, l'expression des identités personnelles, des menaces sur les enjeux de la situation. Ces ressources sont utilisées par chaque acteur pour faire partager aux autres interlocuteurs une définition avantageuse pour lui de la situation.

      Il faut considérer, en outre, qu'à une époque où l'information est devenue une valeur- clef au sein du tissu social, il existe une véritable souffrance cognitive. Les gens cherchent à mettre du sens sur ce qu'ils entendent par exemple, sur ce qu'ils font et pas seulement en terme de pratiques. Tout ce qu'il est possible devient de l'information. Ce besoin d'information et cette souffrance qui lui est associée sont à rapprocher d'un changement en profondeur de la connaissance et de sa distribution.

      1.2 La fiction interactive :

      The show must go on ! Sans le respect de cette maxime, il n'est pas de cinéma, pas de télévision. Dans les médias de flux, l'interactivité sera une valeur ajoutée ; mais il faut d'abord que le spectacle soit. En partant de ce principe, puis en nous fondant sur une analyse structurale du récit, nous avons élaboré plusieurs concepts fondamentaux, en rupture avec ceux du jeu vidéo.

      Ce sont les personnages qui sont les moteurs d'une histoire. Celle-ci naît de l'opposition et de la confrontation de leurs objectifs, de l'énergie qu'ils investissent dans leurs quêtes respectives, des actions qu'ils entreprennent pour la conquête de leur but, etc. La fiction interactive sera rendue possible par l'existence d'acteurs virtuels autonomes.

      La fiction fonctionne selon un principe d'empathie : on s'identifie à un personnage parce qu'on se reconnaît en lui. L'immersion dans un monde virtuel par le truchement d'un simple avatar qu'on pilote physiquement comme un pseudo véhicule rend impossible la création d'une véritable fiction.

      Il existe des structures cachées (arcs dramatiques, arcs de transformations des personnages ...), qui sont à l'oeuvre derrière l'écran des scènes, qui donnent rythme et qualité au récit, et qui peuvent être contrôlées en temps réel par un logiciel. C'est à leur niveau qu'il faut travailler, et non à celui de la continuité scénique.

      La scène peut être décrite comme la résultante d'un traitement (sur les personnages, le lieu et l'état de l'action), donc l'histoire peut être écrite et jouée dynamiquement à partir de ses structures et composants élémentaires.

      Ces réflexions ont été à l'origine d'un important travail de recherche visant à créer une génération d'acteurs virtuels autonomes, capables de se comporter de manière crédible dans leur environnement, de jouer comme des comédiens, et de décider des actions dramatiques qu'ils entreprennent en fonction de leur rôle. Le cinéma véritablement interactif est à ce prix ; et c'est ainsi qu'a été élaborée et construite la notion d'environnement narratif.

      1.3 Un nouveau paradigme :

      Un environnement narratif pour la fiction interactive est une forme particulière de monde virtuel, dans les décors duquel se déroule l'action d'un film en 3D dont le scénario est flexible, les personnages interactifs et le metteur en scène capable de filmer et de monter comme un réalisateur de direct. Il s'agit, de façon plus technique, d'une structure d'espace et de temps qui réunit les conditions nécessaires pour faire naître un bouquet d'histoires, c'est-à-dire :

      - des acteurs autonomes, doués d'une intelligence comportementale recouvrant notamment leur psychologie, leur système de valeurs, leurs compétences, mais également leurs objectifs et le rôle (ou fonction dramatique) qu'ils ont la charge de jouer dans l'histoire ; s'ils ne parviennent pas à satisfaire leurs objectifs, ils sont frustrés, des émotions négatives modifient leur comportement, ils sont susceptibles de transgressions formalisées selon un modèle psychologique dérivé de théories récentes ;

      - les moyens d'actions (ou actions dramatiques) fournis à ces personnages pour jouer leur rôle ;

      - des objets physiques qui proposent eux-mêmes des actions aux personnages, et des situations types qui procurent aux acteurs un champ de jeu ;

      - un déséquilibre initial qui jette les personnages dans l'aventure et les met en action ;

      - un ou plusieurs personnages semi-autonomes qui réagissent aux sollicitations des interacteurs, mais sont également doués de sentiments, de désirs, de volonté, d'une idée du bien et du mal, d'un projet de vie, de forces et de faiblesses... bref, d'une étoffe humaine. Le héros devient l'interface entre un joueur et les valeurs du monde virtuel : il a un objectif personnel, il est capable d'apprendre, de progresser, de ressentir, de tomber amoureux...

      Depuis toujours, la fiction nous a parlé par métaphore de nous-mêmes, de notre destin, des expériences clés de la vie humaine. En devenant interactive, en faisant de nous les anges gardiens de héros virtuels, elle nous permettra bientôt d'y prendre une part active, en projetant sur sa toile en mouvement nos connaissances, nos visions, nos valeurs et nos intelligences.

      1.4 Un concept nouveau lié à la communication via les réseaux :"anycastworld" :

      L' "anycastworld" signifie "accéder à n'importe quel contenu, à n'importe quel moment et de n'importe quel endroit grâce à n'importe quel élément de technologie."

      Les technologies ne sont pas conçues dans un but défini d'amélioration de notre société mais semblent exister "en soi", pour elles-mêmes. Aux autres par la suite, de les apprivoiser ou de s'y plier.

      III. Arts et images, communication sur les médias à base de réseaux :

      1. Cinéma, Télévision, communication sur les médias à base de réseaux :

      1.1 Cinéma :

      Du jour où les frères Lumière ont inventé la cinématographie à la fin du XIX ème siècle, le cinéma n'a plus cessé de faire des avancées remarquées dans la technologie comme dans le contenu. Aujourd'hui les films ont le pouvoir d'attirer les spectateurs dans un monde virtuel où ils peuvent réellement vivre l'évolution d'une intrigue. L'utilisation de l'interactivité permet à l'auditoire de devenir un des personnages du film, d'en apprécier des expériences originales en choisissant jusqu'à l'évolution de l'histoire, en interférant à son gré sur les actes des personnages (environnement narratif). La magie du numérique envahit le cinéma et les effets spéciaux paraissent sans limite au risque d'aller trop loin. Entre ces milieux et l'humain le gré à gré peut être envisagé.

      Elle devrait également sonner le glas de la pellicule. Le spectateur, entrant dans l'image, se met en réseau le temps d'une projection... Mais il est clair que l'émotion reste une dimension fondamentale du film et des personnages, la perfection technique en étant une autre.

      Internet est un outil formidable pour analyser le cinéma, mais il n'est pas sûr qu'il le soit concernant la diffusion. Là où vont se poser les vrais problèmes, c'est le jour où enfin la diffusion des films sera possible intégralement sur Internet. Les problèmes, concernant le droit notamment, et pas seulement les droits d'auteur, seront très compliqués voire inextricables.

      Un projecteur numérique coûtait en l'an 2000 autour de 150 000 Euros ne permettant d'équiper qu'une seule salle de cinéma. Un seul existe en France dans une salle publique, il a servi à projeter récemment le premier film numérique 3D "Toy Story" qui n'a pu être vu que par un public de privilégiés.

      Les propriétaires de salle ne voient pas pour le moment pourquoi ils financeraient un équipement qui réduirait leurs profits et ne servirait que les producteurs. Aussi le cinéma numérique est-il quelque peu "en panne". Et ne ressemble pas encore à du réseau, sauf dans l'esprit de ses rares pygmalions. Bien sûr avec l'Adsl (hauts débits) et le Gprs (technologie mobile), on peut penser qu'un jour, un simple téléphone permettra de visionner un bon film quelle que soit la localisation géographique terrestre ou non. Mais le chemin à parcourir est encore très très très long...

      1.2. Télévision :

      Les cérémonies télévisées par exemple concernent trois grands types d'évènements, les célébrations traditionnelles qui renvoient au passé, les confrontations démocratiques qui concernent le présent, et l'histoire en train de se faire qui projette l'avenir. Le téléspectateur n'est alors aucunement un récepteur passif, mais un acteur lucide.

      Le public est intelligent. Ce sont les mêmes individus qui votent, qui écoutent la radio et qui regardent la télévision.

      Il s'agit de penser les rapports entre l'intelligence des citoyens au point d'en faire la source de la légitimité démocratique à travers le suffrage universel, et le public des médias perçu comme influençable et idiot.

      Cette dernière hypothèse a trois conséquences :

      - résonance entre évolutions qualitatives de la société et explosion des techniques de communication;

      - la dimension universelle de la communication ne s'épuise pas dans les logiques actuelles de globalisation et de mondialisation; Internet réseau mondial et global, est simplement un réseau technique qui s'inscrit dans une économie globale indifférente aux frontières;

      - le caractère mondial des techniques ne suffit pas à créer une communication mondiale.

      Dans la réalité, la technique dominante ne crée pas un modèle dominant de société.

      Le plus grand rendez-vous de télévision alternative BigBrother repose sur le voyeurisme, la possibilité de s'immiscer dans la vie des autres. La société de production en-dehors du concept se vante d'avoir réussi l'association du Web et de la Télévision.

      ZDNet : "Lorsque l'héroïne s'est déshabillée pour la première fois, c'était sur le net avant la diffusion de l'émission à la télévision. Ce jour-là, presque tous les gens étaient dans leur bureau rivés à l'écran de leur ordinateur".

      1.2.1 Résultats financiers et télévision en réseau, des échecs cuisants :

      Les pionniers de la télévision sur Internet sont en quête de programmes originaux.

      Des nouvelles technologies comme le multicast et actuellement, amélioreraient la qualité de l'image sur la Toile sans toutefois atteindre la perfection. La diffusion d'un match du championnat de basket américain illustre les perspectives de ce média en direction de publics ciblés.

      Récemment outre Canalweb, la télévision sur Internet a fait une nouvelle victime : Nouvo.com a cessé d'émettre, le lundi 9 avril 2001 moins de un mois après avoir été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris. Aucun repreneur n'est venu sauver cette société, lancée en mai 2000, dont les contenus étaient destinés en priorité aux 25-35 ans.

      Nouvo.com était financée en partie par un très grand groupe de presse. Aux Etats-Unis la faillite la plus retentissante du secteur remonte au mois de septembre 2000. Prétendant rivaliser un jour avec des chaînes traditionnelles comme CBS, Pseudo.com avait placé la barre très haut. Plus dure fut la chute pour cette start- up qui engloutit plus de 33 millions d'euros en deux ans. "Trop en avance sur son temps", avait plaidé son Pdg... Domaine de l'argent-roi, ici on ne parle que chiffres, et mesure de profit.

      1.2. 2 L'idéal d'ouverture ou le refus de la distinction entre vie privée et vie publique :

      Comme nous l'avons déjà inscrit un peu plus haut, un certain nombre d'internautes particulièrement militants et croyants paient de leur personne pour montrer les avantages de cet idéal, par exemple en montrant au monde entier via le Réseau leur modeste vie privée.

      Le journal Le Monde a consacré sous la plume de Yves Eudes, deux pleines pages à une expérience de ce type conduite dans l'Ohio.

      Le reporter décrit ainsi le dispositif : "La grande maison bleue n'est pas un lieu ordinaire (...). Tout ce qui s'y passe peut être vu et entendu par la Terre entière. Erik, l'initiateur du projet Here & Now et ses cinq amis vivent en direct sur Internet vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Neuf caméras fonctionnent en permanence dans le salon et dans la cuisine, la salle de jeux et chacune des chambres à coucher du premier étage. (...) Elles peuvent être déplacées à volonté, pour filmer dans le moindre recoin. Des lampadaires et projecteurs disposés un peu partout fournissent une lumière diffuse, garantissant une image nette, de jour comme de nuit. La prise de son est traitée avec le même soin".

      Nous sommes là dans la maison de verre à laquelle chacun peut avoir accès et même y dialoguer en direct, via un canal direct, avec ses occupants. Ces derniers se prêtent au jeu avec célérité. Ainsi Sharon s'arrange-t-elle toujours pour montrer son visage en gros plan lorsqu'elle dormira et elle fait toujours ça quand elle se couche, c'est important, ses visiteurs ont besoin de savoir qui sont ces "acteurs" et il faut que Here & Now soit une émission intime. (...) Elle considère tous les gens qui se connectent comme ses invités, leur parle et prend soin d'eux comme s'ils étaient physiquement parmi eux dans l'émission.

      Découvrant encore plus avant qu'il n'est guère possible d'avoir de conversations privées dans un tel contexte, le journaliste demande à Sharon ce qu'elle pense de tout cela : le droit à la vie privée ne serait-il en réalité que le droit à l'opacité ? Here & Now peut nous placer sous la surveillance oppressante de notre entourage, ou au contraire nous aider à nous libérer de nos cachotteries.

      La réponse des habitants de la maison de verre est étonnante et nous plonge d'emblée dans un univers de justifications profondes, nous éclairant sur la nature de la croyance en la transparence que permet le réseau. Sharon répond : Je fais partie de ces gens qui peuvent avoir une conversation intime devant n'importe qui. Je n'ai rien à cacher à mes amis, ni à mes parents. Jamais je ne commettrai un acte qui leur ferait honte, avec ou sans caméra." Joe, un autre occupant de la maison, qui a, comme le dit Yves Eudes, "opté pour la transparence", renchérit : "Ma vie est simple, je n'aime pas mentir. (...) Ce qui est sûr, c'est que nous sommes les pionniers d'un mouvement qui va s'étendre. (...) Bientôt, beaucoup de gens vivront comme nous, surtout des jeunes."

      La transparence c'est aussi l'ubiquité. En attendant l'interconnexion généralisée, le responsable du projet Erik, imagine dans un premier temps que si une demi-douzaine de maisons équipées comme celles-ci étaient interconnectées (dans le monde entier), nous pourrions créer un espace à la fois réel et virtuel, complètement inédit. (...) Nous nous verrions et nous entendrions en permanence, comme si nous étions dans une seule et même habitation. La vraie promesse de l'Internet, c'est de pouvoir être en plusieurs endroits simultanément, de vivre plusieurs vies en parallèle".

      Cette expérience n'est pas unique. Avant qu'elle existe, les internautes se communiquaient déjà des adresses de sites où, avec des moyens techniques ridiculement faibles (les petites caméras qui se branchent sur le Web, ou webcams, et qui permettent d'être vus du monde entier et coûtent à peine quelques centaines de francs), certaines personnes avaient décidé désormais de "vivre en public". On voit bien que l'expression même de "public" est obsolète dans un tel contexte : elle renvoie à une distinction privé / public qui n'a plus cours dans le monde de la transparence.

      Ce type d'expérience est en voie de se développer un peu partout dans le monde et peut-être atteindra-t-il même un jour certaines de nos chaînes de télévision publiques, malgré les critiques de tous horizons et le plus souvent négatives concernant la place qui est ainsi représentée de la personne humaine, dans une entreprise dont le propos principal et premier semble bien à tous être l'argent. Ce qui, d'ailleurs, implique que le public soit massivement au rendez-vous... Voici un exemple issu de l'actualité, et qui a ému jusqu'au consortium des évêques de France, puisque après une semaine de diffusion, fait rare, leur porte-parole représentant est intervenu dans les médias pour mettre en garde et poser la question de la considération qui devrait être celle accordée à l'homme et à ses droits en tant que personne, dénonçant notamment le fait que ce genre d'émission n'aide surtout pas les jeunes, qui sont très nombreux dans son auditoire, à "grandir humainement et spirituellement" .

      Notons au passage que le positionnement médiatique prend une importance croissante, est désormais une valeur existentielle; c'est une façon d'exister, qui devient même de plus en plus une condition pour exister et se rattache à un droit correspondant.

      Presque toujours critiqué et condamné, Loft Story a déjà fait coulé beaucoup d'encre et tous les journaux y sont allés de leurs commentaires. Peut-être son concept est-il très en rapport avec cette notion de Lebenswelt défendue par Habermas. Phénomène médiatique un peu factice suivant certains sociologues, et où, par principe, pour ne pas être en reste face à un évènement télévisuel qui, monté en épingle, finit par passer pour un "phénomène de société", chacun en rajoute un peu...

      1.2.3 M6 et son émission qui reprend le concept de la chaîne de télévision Big Brother :

      Loft story, où 11 personnes vivent ensemble en direct dans un appartement.

      La communication par les nouveaux médias à base de réseaux, entre public et voyeurisme ?

      MAR 1/4/01 + MER 2/4/01 : intervention de Dominique Baudis, président du CSA, sous la forme d'une interview accordée à France Info : Le CSA, veille et est déjà intervenu par des recommandations à propos de l'usage de l'alcool et du tabac qui était fait au travers de l'émission, et de l'utilisation qui était celle également de l'émission par la chaîne M6 comme d'un "produit d'appel" destiné à envoyer le spectateur se connecter sur une chaîne satellite payante et sur le site Internet payant ce qui contrevient à la Loi. Il attend une réponse de la part des producteurs et qu'ils suivent les recommandations qui ont été faites, c'est-à-dire qu'ils déprogramment tout ce qui pourrait être litigieux ou d'un goût douteux en la matière, et choisissent les séquences à venir en conséquence. Quant au déroulement de l'histoire, il estime qu'il n'y a pas lieu d'intervenir pour l'instant même si l'émission semble être engagée sur une pente très glissante, il n'y a pas eu pour l'instant "atteinte à la dignité de la personne humaine", ce qui nécessiterait de faire appel au pouvoir de régulation du CSA car c'est là l'essence- même de ce pouvoir. Le CSA, averti qu'un des candidats avait dû quitter l'émission en étant pris en charge par un psychologue, et après s'être réuni, recommande par la voix de son président à la chaîne de se montrer vigilante.

      Exemple de commentaire radiophonique : "pour ou contre la télé- poubelle ?" (France Info, 5 mai). "Pour une fois nous avons béni la coupure publicitaire !" (RTL).

      Revenons aux faits et aux commentaires, au travers notamment des articles parus dans le journal Le Monde, en date du 4 mai 2001 (Enquête sur la folie "Loft Story").

      L'émission de "télévision- réalité" de M6 attire massivement les jeunes, et remporte depuis ses débuts et jusqu'à présent un succès considérable. D'une diffusion prévue pour dix semaines chaque jour à 18h20, elle met en scène la vie intime d'un groupe de garçons et de filles qui, coupés du monde, subissent de leur plein gré de fortes contraintes. Entre exhibitionnisme, voyeurisme et manipulation, le débat fait rage.

      La chaîne M6 bat tous ses records d'audience et fait flamber ses tarifs publicitaires avec "Loft Story". Première en France, cette émission de "télévision- réalité", six garçons (cinq depuis l'abandon survenu rapidement de l'un d'entre eux) et cinq filles enfermés et filmés en permanence dans un appartement, attire massivement les français, notamment les jeunes. Le "spectacle" a été prévu pour durer soixante-dix jours. Les protagonistes, outre les conditions financières vraiment médiocres (malgré les recettes engrangées par la chaîne) qui leur ont été faites, sont soumis, avec leur accord à de fortes contraintes : pas de contacts extérieurs, ni journaux ni radio ni télévision donc ils ne sont pas mis au courant des évènements de l'actualité par exemple et n'ont théoriquement aucun contact avec leurs familles pendant toute la durée, une séance quotidienne de "confessionnal" et un journal intime obligatoire régulièrement mis à jour. Bref : à bas l'intimité, jusqu'à celle du Moi, et les risques d'effondrement de la personnalité sont bien réels...

      Fans ou contestataires les sites consacrés à "Loft- Story" fleurissent.

      www.bifstory.fr.st ou loftstory.t2u.com proposent de suivre les images des candidats qui ne sont pas diffusées par M6 ou par la chaîne satellite qui reprend l'émission. Les forums de discussion se multiplient où les internautes échangent leurs commentaires sur la vie et les caractères des candidats. Une dizaine de sites humoristiques français tournent en ridicule le principe de "real TV" et à l'adresse poulaga.cotcot.com "la première fiction réelle de volailles", les onze candidats sont remplacés par six poules et cinq coqs.

      Ailleurs on peut lire des analyses, plus sérieuses celles-là, des dangers identifiés de l'émission. Sur Loftscary, la possibilité d'une idylle homosexuelle est au coeur du problème.

      Après jeboycotteDanone.com nous recensons également boycottyes.com qui appelle son public à participer à l'opération "sacs- poubelle"; elle consiste à déverser des ordures devant le siège de la chaîne M6 qui semble à tous être l'instigatrice du phénomène, et explique que toutes ces émissions issues de la "real TV" méritent une nouvelle signalétique à la télévision : "à côté des ronds et des triangles, il y aurait un trou de serrure."...

      Les psychiatres eux-mêmes s'interrogent et sont partagés quant à la collaboration accordée par un de leurs confrères, présent en coulisse, à une telle émission, dénonçant la "caution scientifique" et soulignant la perversité du dispositif voire la "faute d'éthique" commise. Nous avons vu plus haut que le CSA était déjà intervenu par un avis très mitigé.

      Parmi les psychiatres et les médecins que Le Monde a interrogés, il ne s'en trouve pas pour défendre l'émission elle-même bien au contraire.

      Le Pr Bernard Hoerni s'exprime au nom du Conseil de l'Ordre : "Où va-t-on dans une société où un spectacle livre en pâture à nos contemporains des individus qui, pour des raisons intéressées, sont prêts à se soumettre à n'importe quoi ?"

      Sollicité pour être le psychiatre de l'émission, le docteur Serge Hefez a décliné la proposition pourtant fort bien rémunérée : "Je suis absolument contre cette émission, son principe et la perversité qu'elle véhicule."

      Egalement approché par les producteurs de l'émission, un autre s'inquiète de la situation de compétition créée pour les participants : "Dans le sport, les règles de la compétition sont bien établies. Dans cette émission, les participants jouent leur personne toute entière." Il souligne en outre la violence psychologique du rejet lorsque le groupe est votre seul univers.

      Dans de telles conditions, la présence d'un psychiatre pour la sélection des candidats est-elle

      défendable ? Non, répond le président de l'Association française de psychiatrie. "Il s'agit d'un dévoiement inacceptable. Le psychiatre donne ainsi une caution scientifique à une exhibition perverse. Il n'est qu'un alibi agissant".

      Psychiatre et présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers, le docteur Rachel Bocher juge contraire à la déontologie et déloyale la participation d'un psychiatre : "Il est là pour soigner les gens qui souffrent. Il peut accomplir un travail de prévention, mais pas à des fins médiatiques et commerciales." Soupçonnant son confrère de "faire sa clientèle", elle dénonce une "pratique pernicieuse" : " Dans cette émission, le médecin ne sert qu'à donner bonne conscience aux organisateurs. Prétendre pouvoir affirmer que telle personne ne présente pas de risque de décompenser sur le plan psychique, c'est outrepasser ses compétences".

      Abondant dans le même sens la psychiatre et psychanalyste Christine Lamothe n'hésite pas à qualifier de "faute éthique" la collaboration d'un psychiatre à cette "situation expérimentale de décompensation (lorsque les capacités d'adaptation du sujet sont éprouvées jusqu'à ce qu'il craque) " : "Comment apporter sa caution lorsque l'on sait en conscience que les gens vont s'effondrer tôt ou tard ? Le psychiatre ou le psychanalyste est là pour apaiser les tensions. Face à ces jeunes gens, à l'évidence pas très mûrs sur le plan affectif, il donne son feu vert à une excitation exagérée : c'est le pompier pyromane!"

      Quitte à surprendre B. Hoerni est moins sévère. Prenant acte de l'existence de "Loft Story", il pose une question des plus concrètes : " Franchement, envisageriez-vous que l'émission se déroule sans médecin psychiatre ? " Le responsable ordinal va plus loin : "Personne ne s'insurge de la présence d'un médecin auprès d'un ring où des boxeurs s'affrontent et de le voir examiner l'un d'entre eux pour savoir s'il peut encore continuer à prendre des coups".

      "Un psychiatre ou des psychologues entraînés possèdent l'expertise qui permet de prédire qui saura s'adapter et qui présente des risques de rechute après des échecs passés".

      Serge Hefez se montre plus pragmatique : "S'il y a des blessés, on ne peut pas reprocher à un médecin de s'en occuper. Tout dépend de la distance critique que le psychiatre peut conserver". Le psychiatre peut "éviter certains dérapages" de la part des producteurs, par exemple lorsqu'il s'est opposé à la sélection de candidats ayant des enfants, susceptibles de voir leur parent dans une telle situation. "Mais, je plains mon confrère qui est dans une situation où il doit faire respecter des règles éthiques tout en se soumettant aux règles des producteurs".

      Le psychiatre peut sembler ici être utilisé comme une sorte de médecin du travail chargé de la visite d'embauche puis du suivi des participants, mais le psychique est plus complexe que le médical. S'il ressort bien de l'ordre de la souffrance et de la maladie, il est également de l'ordre de la morale. A l'unanimité des critiques c'est précisément la morale qui pêche dans cette forme télévisuelle... Alors, bonne idée les poubelles ?

      Plongeons un peu plus loin dans cette "réalité"...

      "Le vrai problème, politique, et que me semble montrer ce genre d'émissions en dehors du voyeurisme, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui s'ennuient, et c'est grave" (un député, à la sortie de l'Assemblée nationale).

      "Comprendre un peu ce qui se passe au niveau de la relation, pour beaucoup de jeunes est peut-être devenu difficile de nos jours, et c'est un moyen de voir des exemples pour se construire." ....???

      "Existe-t-il là des émotions vraies ?"

      Dans les groupes thérapeutiques, des sentiments émergent, mais l'intimité est mieux préservée. Il y a un cadre pour cela ce qui n'est vraiment pas le cas ici, où il n'y pas de garantie de secret comme ce qui est garanti déontologiquement quand on consulte un médecin.

      En définitive on pense quand même bel et bien et plutôt à des rats de laboratoire. Alors, les sentiments vrais!?...

      Il y aurait donc des bons côtés ?!!!

      Critiqué, dénoncé, le phénomène télévisuel de l'année 2001 n'en fascine pas moins alors le pays. Depuis son lancement et pour ses débuts, plus de cinq à six millions de téléspectateurs se passionnent pour la vie quotidienne des onze "cobayes" reclus volontaires dans un appartement spécialement construit. Ce "jeu" de "télé- réalité", la chaîne préfère parler de "fiction réelle", est un avatar français de l'émission d'origine hollandaise "Big Brother". Son but est de former un couple, derniers "survivants" après l'élimination progressive des participants par un vote conjoint des candidats et des téléspectateurs. Le jeune homme et la jeune femme qui resteront en lice remporteront une maison "d'une valeur de trois millions de francs", à la condition d'y vivre ensemble six mois et toujours sous les regards des caméras.

      Les candidats ont préalablement cédé "irrévocablement, inconditionnellement et en totalité" à la société de production, leurs droits d'auteurs, sans percevoir la moindre rémunération. Par ailleurs, cette société pourra exploiter leur image pendant et après le jeu. Après leur départ du loft, les participants seront tenus de se rendre disponibles pendant deux semaines et devront se consacrer à la promotion de l'émission jusqu'au 31 janvier 2002. La production s'exonère de toute responsabilité liée à "un quelconque dommage moral, physique ou matériel" que pourraient subir les participants.

      Le casting qui a présidé au choix des candidats a joué un rôle déterminant dans la création des situations qui ne doivent pas manquer d'avoir lieu dans l'appartement. Parmi les critères retenus, la chaîne a demandé à ce qu'ils soient "télé- géniques". Les épreuves de sélection ont clairement privilégié des jeunes gens qui ne craignent pas l'exhibitionnisme, chacun représentant un type "sociétal" bien particulier, du beur sportif à la petite bourgeoise en passant par l'intello. Tout de même il n'y a que onze protagonistes, onze types, onze catégories en somme. (...) Les inondations dans la Somme... sont catastrophiques ... CATA-strophiques!

      Tout dans le loft est calculé pour pousser les candidats à une promiscuité permanente, comme la salle de bain avec douche unique caméra au-dessus du pommeau et eau chaude une seule heure par jour. Les corvées ménagères sont de rigueur, ne manquant pas de provoquer des crises, bienvenues pour le public.

      La production transmet aux cobayes des défis à relever comme l'organisation d'une chorégraphie sur le modèle d'une scène du film Grease. S'ils échouent, le budget quotidien alloué pour commander vivres, nécessaires de toilette etc... est amputé.

      Au demeurant, les candidats donnent souvent l'impression d'être manipulés comme des marionnettes vulgaires et contraints de se prêter à des jeux humiliants.

      Extrait de l'article de Michel Field, lui-même animateur et producteur de télévision :

      "Dans notre tradition de philosophie politique, les auteurs (de Hobbes à Spinoza, de Locke à Rousseau) ont tous rencontré la même difficulté : comment faire pour comprendre le lien social ou la nécessité de la loi, sans en retracer la genèse ? D'où, chez chacun, la construction d'un modèle théorique, d'une fiction fonctionnant comme le négatif, au sens photographique, de l'état social. C'est, par exemple, le fameux "état de nature" chez Hobbes, ou "l'homme est un loup pour l'homme", où toute activité commune, politique ou économique est rendue impossible par la guerre de chacun contre chacun. Jusqu'à ce que tous admettent de renoncer à leurs droits au profit d'un tiers - qu'on appellera la Loi, le Prince ou le Symbolique, peu importe - qui régulera les relations, puisque chacun n'aura plus affaire à l'autre que par la médiation de tiers, présent- absent. Naissance du social et, indissociablement, du politique. On touche là l'essentiel.

      C'est exactement cette fiction que "Loft Story" remet à l'ordre du jour, avec les moyens du moment, et en en pervertissant radicalement le sens, nous proposant d'assister en temps réel à la naissance d'une socialité : comment, dans un système de contraintes formelles (espace clos, où l'on retrouve l'île, indispensable à toutes les utopies ; temps limité et qualifié), des individus vont-ils construire leurs relations ? D'où et comment vont émerger les lois, les règles de vie commune, les relations de pouvoir, de séduction, de désir... ?

      Mais cette socialité est ici l'inverse du "bien- vivre" ensemble puisque, d'emblée, il va s'agir d'éliminer les autres pour ne rester que deux. Comment cette mise en scène ne serait-elle pas proprement hypnotisante, comme une "scène primitive" enfin visible, et accessible à tous ?

      "Loft Story" ne constitue en rien une rupture, tout au plus la radicalisation de ce qu'est devenue la représentation dominante de l'humain et du social à la télévision : une collection d'individus dont on cherche le témoignage dans ce qu'il a de plus singulier et de plus "identifiant", pour reprendre le jargon du milieu.

      C'est à une vaste et systématique psychologisation des rapports sociaux que se livre l'idéologie dominante de la télévision - d'autant plus invincible qu'elle sculpte et reflète à la fois l'air du temps : la désaffection du politique, la crise des idéologies, les doutes sur le lien social. (...)"

      Par la mainmise de l'audiovisuel, cette idéologie dominante se transporte sous la forme de ses modèles sur la communication via les réseaux.

      "Dans cette émission, c'est le sexe sans le sexe..." On dirait plutôt une sorte de gangrène de la communication en réseau : portée par l'occasion des nouvelles techniques (de masse) telles que les webcams grâce auxquelles il est désormais admis sans limite que chacun peut se montrer et provoquer au pire depuis sa chambre à coucher à destination de tout l'univers. Transportée sur nos télévisions, où s'arrêtera l'ambition ?

      Et quelles perspectives, quels "résultats" !... Après les "tournantes" que les adolescents se permettent d'ores et déjà à peine sortis de l'enfance (?) que se passera-t-il de vraiment perfectionné ? "Si l'homme n'est qu'un moucheron, qu'est-ce qui nous retient de l'écraser ?".

      Décidément bonne idée les poubelles. C'est déjà çà ...

      5 mai 2001

      Quelques mois plus tard... après les attentats du 11 septembre. Il n'y a plus qu'un seul Onze Septembre (11 septembre) dans toute l'Histoire, et c'est bien normal...

      Vue. Loana à la télévision. "Ex- lofteuse". Jolie, vraiment. Très blonde. Très avenante, plutôt star. Un rien de vulgarité. Juste assez. Médiatique et en bonne voie de professionnalisation. Bonne chance ...

      La télévision généraliste renvoie encore à l'objectif de continuer à partager quelque chose en commun dans une société fortement hiérarchisée et individualisée, voire permet à quelques uns de franchir depuis la base les échelons sociaux, alors que les médias thématiques ne font que reprendre voire accentuer les plis des inégalités sociales et culturelles qui se fixent ainsi de plus en plus.

      "Le public n'est pas composé de "récepteurs" passifs, comme on le croit encore trop souvent. Ces récepteurs peuvent se révéler lucides. Les grands évènements offrent certains rôles.

      (...) les évènements qui manifestent des ambitions cérémonielles ne deviennent des cérémonies effectives que s'il se trouve un public pour valider leurs prétentions symboliques, pour les prendre au sérieux". Ces propos sont ceux de Daniel Dayan recueillis par Jacques Lecomte pour Sciences Humaines et relatés dans le hors série n° 16 de mars / avril 1997.

      Bientôt peut-être, le public lui-même demandera aux professionnels de faire tel ou tel type d'émission sur tel ou un autre sujet de son propre choix.

      2. Art(s), Communication et Médias à base de réseaux :

      2.1. Musées et galeries sur le Net :

      Préparer un voyage est devenu un plaisir avec l'Internet et la communication électronique : villes, musées, régions s'ingénient à publier l'équivalent d'excellents guides, tout en offrant de merveilleux échantillons de leurs trésors. Musées et galeries d'art rappellent subtilement que la vue d'une reproduction excite toujours le désir d'admirer l'original.

      Et si le voyage se révèle impossible, on pourra malgré tout se délecter d'une générosité calculée et rêver. Bienvenue au cybermusée, où de nombreuses "galeries virtuelles", personnelles ou professionnelles, proposent reproductions de tableaux, sculptures, photographies, poèmes et même romans. Les grands musées comme Le Louvre et le Musée d'Orsay disposent de sites où l'on peut découvrir des expositions virtuelles, et de jeunes talents peuvent se faire connaître à de moindres frais via les réseaux constitués. Même si la question de l'attribution des droits d'auteur et de leur recouvrement reste toujours délicate, l'art se "démocratise", le public se diversifie. Le danger cependant persiste de confondre la reproduction de l'oeuvre avec l'oeuvre elle-même.

      D'autre part musées et galeries peuvent également communiquer entre eux; le réseau suscite des échanges entre expertises, contribue largement à l'organisation de manifestations expositions virtuelles ou réelles ou bien colloques et séminaires etc. ou plus simplement contribue à les enrichir.

      Autre type d'application intéressant : celle du type de la transposition de la célèbre Grotte de Lascaux. La grotte est interdite au public depuis 1963 afin de préserver les oeuvres rupestres. Se pose ici avec acuité la question du rapport du virtuel avec l'original. "N'y aurait-il pas comme une agression à capter Lascaux dans l'univers des technologies du virtuel ?" s'interroge J-L Weissberg, maître de conférence en sciences de l'information et de la communication (Paris VIII). Cette sensibilité teintée d'angoisse vis-à-vis d'un raccourci technologique vertigineux entre un art magdalénien vieux de 15 000 ans et un savoir-faire high-tech tourné vers le futur ne doit pas occulter la véritable question, qui est celle de l'original et de sa représentation. Lascaux virtuel ne sera jamais Lascaux. Il permet, en minimisant le danger de destruction des oeuvres de se faire une idée des merveilleuses peintures réelles du Lascaux réel.

      2.2. Art et Oeuvres virtuelles :

      A peine révélée par un article enflammé paru aux Etats-unis dans le magazine Rolling Stone la réalité virtuelle fut annexée par un courant de pensée apparenté aux mouvements contestataires des années soixante, profondément influencé par un pseudo- spiritualisme new age et fasciné par l'alternative techno à la pharmacopée traditionnelle des paradis artificiels...

      "010101 : l'art à l'ère technologique", est une exposition du musée d'art moderne de San Francisco (MoMa) qui s'est déroulée jusqu'au 8 juillet 2001. Elle a permis à 35 artistes d'exposer leurs toutes dernières oeuvres au grand public, qui a pu découvrir comment l'art moderne s'adapte au monde numérique, et au-delà du constat de la place prépondérante qu'y tient la machine, jouer quelque peu en se démontrant à lui-même "le potentiel de l'ordinateur à créer de la beauté".

      Exemple le "Scumack". Cette machine mise au point par Roxy Paine fait des sculptures automatiques... à la chaîne. Un petit ordinateur gère de façon aléatoire le flux d'un liquide rouge qui se solidifie en couches comme de la lave au contact de l'air. Toutes les huit heures la machine fait une pause, le temps qu'un tapis roulant emporte la "sculpture". "C'est une machine faite à la main et conçue pour une production de masse d'une sculpture unique et originale", précise la notice explicative qui ajoute : "C'est cette contradiction qui s'avère intéressante."

      L'oeuvre de Brian Eno lui-même fondateur du groupe Roxy Music, participe d'une logique analogue. Le musicien a découpé l'une de ses compositions en neuf parties, chacune d'elles étant enregistrées sur un lecteur de disque compact différent qui se déclenche au hasard et à tour de rôle, élaborant en permanence une composition "aléatoire" et originale. Selon l'auteur, "l'auditeur a l'impression d'une musique perpétuellement nouvelle".

      La machine aurait-elle réussi à s'affranchir de l'artiste pour produire des oeuvres par elle-même ?

      A deux pas des laboratoires futuristes de la Silicon Valley, tout paraît possible, même si les artistes techno refusent l'épithète d'"art cyborg", car derrière le robot, bien sûr, l'humain continue à tirer des câbles...

      En art, l'humain a accepté de prendre le risque la communication Frankenstein, et il compte bien en tirer les bénéfices.

      La technologie offre une infinie liberté, bien plus que le crayon ou le pinceau déjà infiniment exploités, et l'association avec la machine est pour l'artiste un moyen de repousser ses limites. Les oeuvres se déclinent à ce jour en une très grande variété d'expériences s'appuyant sur installations de vidéos, sculptures sonores, plongées dans le monde virtuel. Il n'existe pas une école ou un mouvement unique, car la technologie numérique ouvre un champ de possibilité très vaste que les artistes explorent avec des regards différents. Chacune de ces expérimentations est destinée à provoquer des émotions chez le visiteur dont l'intérêt valide alors le potentiel artistique de l'ouvrage. Notre futur passera-t-il par l'éducation des émotions ?

      Karin Sander a réalisé des figurines reproduisant à un dixième de leur taille des personnages réels : les sujets ont été numérisés par des caméras puis les données transmises à une machine industrielle qui a composé une réplique plastique de l'image. Le résultat est saisissant de réalisme, bien que l'artiste n'ait pas participé à la photographie de ses personnages ni à la phase industrielle de création. "Ce qui compte, explique-t-elle, c'est d'utiliser les technologies existantes pour faire passer son message." La main de l'artiste a disparu de la production, l'enjeu de la création est davantage dans la volonté d'être le reflet de notre société.

      Joachim Hendrichs s'intéresse quant à lui au regard porté sur l'information de masse, et sa machine numérise les mouvements microscopiques de la rétine pendant la lecture des textes. Les données sont ensuite converties et imprimées sur papier produisant un résultat qui ressemble à un encéphalogramme devenu fou. La retranscription des mouvements de la rétine du créateur ayant lu cinquante-deux pages du supplément loisirs de la Silicon Valley est vendue cinq dollars à la sortie du musée.

      L'une des attaques les plus farouches de la société de consommation vient du photographe Andréas Gursky qui s'est intéressé au rayon d'un supermarché avec ses centaines de produits aux couleurs criardes puis a trafiqué les lumières et les perspectives. Le résultat est obscène. Odieuse société de consommation. Bénéfique société de l'information...

      A San Francisco, le numérique ouvre surtout la voie à la création d'oeuvres virtuelles qui bouleversent la façon dont on consomme l'art. Les organisateurs de l'exposition ont demandé à cinq artistes de créer des oeuvres 100 % Réseau uniquement accessibles sur le site 001.sfmoma.org. Cela permet d'établir une relation plus intime entre un spectateur et une oeuvre. Le lien est établi par l'écran d'ordinateur qui permet une personnalisation de l'information envoyée. Les créations se font encore essentiellement à base d'images, de sons, de vidéos et même d'animations en langage informatique Java.

      Erik Adigard, un français diplômé des Beaux-Arts de Montpellier, expose une oeuvre "Timelocator" qui illustre les évolutions d'une page Web et de tous ses travers dans le temps. Un peu plus loin, une simple page Internet sert à brouiller les notions d'outils et d'espace : à la place des lettres apparaissent des couleurs et des points qui composent des tableaux chamarrés.

      Dans tous les cas l'artiste se contente de fournir des paramètres et c'est au "spectanaute" de créer l'oeuvre finale qui, elle, par définition, sera éphémère. En se numérisant et en se formatant aux règles de l'Internet et des réseaux, en se pliant à leurs contraintes, l'art se donne la chance d'évoluer à la vitesse de ces mêmes réseaux, ce dont il faudra encore probablement au moins quelques années pour mesurer toutes les conséquences...avant que peut-être enfin s'établisse ici un réel dialogue entre l'art et la technique.

      2.3. Musique :

      Le nouveau rapport à la musique que les nouvelles technologies permettent : "Nous sollicitons les musiciens, dit Graham Browne - Martin, en leur demandant d'aller vers une communication élargie. La nouvelle génération n'a plus la même approche des médias, elle a grandi avec la vidéo, avec les jeux interactifs, avec les chaînes multiples et le zapping. Elle ne veut pas rester captive, elle veut participer, engager son esprit. La musique est une expérience passive, il faut donner du pouvoir à l'auditeur, lui permettre de contrôler son environnement". L'ambition c'est ici l'interaction.

      3. Jeux, mondes virtuels et communication via les médias à base de réseau(x) :

      C'est en l'année deux mille de notre ère que le secteur mondial des jeux vidéos a pour la première fois dépassé en chiffre d'affaire celui du cinéma. Ceci montre bien l'importance de la mécanique d'agrément qui peut être un moteur à la fois pour l'économie et la science. Les jeux sont associés à l'idée de plaisir, de loisirs. Avec l'éducation du plaisir, des sentiments naissent de nouvelles possibilités d'intégration. Le public est large, cultivé, pas forcément spécialiste. Les jeux sont à l'origine d'un espace de liberté qui gagne en intérêt. Petit à petit l'humain s'intègre lui-même aux oeuvres virtuelles avec lesquelles tantôt il se confond voire disparaît une première fois, tantôt il se ressemble, tantôt il se différencie voire s'oppose, tantôt il n'existe plus du tout et disparaît une deuxième fois.

      Issus du monde des cédéroms, les jeux interactifs numérisés tendent à migrer vers les réseaux notamment Internet au fur et à mesure que la bande passante disponible permet de reproduire en ligne au moins une partie des caractéristiques rencontrées sur ordinateur local. Les jeunes disposant de liaisons rapides tarifées sur une base forfaitaire en profitent pour organiser des compétitions dans le contexte spatio-temporel offert par certains jeux. De nouvelles communautés naissent de ces duels virtuels, version planétarisée des gendarmes et voleurs d'antan. Ces jeux, tels "Tomb Raider", se présentent aussi sous forme de séries ou de feuilletons interactifs, de plus en plus associés à des montages en réseaux (réseau de joueurs dans une même salle ou bien éloignés, par grappes ou un à un, fixes ou non dans le temps).

      Une même héroïne, par exemple Lara Croft qui a même donné récemment un film, maintient la continuité narrative d'une série de feuilletons interactifs. Son succès auprès des adolescents ne dépend certainement pas seulement de ses qualités combatives, mais également de son apparence passablement "sexy" qui a d'ailleurs engendré des sites web parodiques où elle apparaît un peu moins vêtue. Commercial, le système se décline et s'étend aisément au cinéma, aux jouets, aux vêtements etc... Le style Lara Croft est aussi une marque débordant sur un way of life.

      Les créatures virtuelles ou artificielles peuplent une zone particulière de notre imaginaire, nourrie de vieilles légendes, d'espoirs et de peurs ancestrales comme de mythes futuristes. Elles sont largement présentes dans notre environnement quotidien. Les inforoutes de demain ne nous promettent-elles pas des "créatures virtuelles" qui matérialiseraient nos fantasmes, et jusqu'au "cybersexe" ?

      Malgré l'allure de modernité dont se parent ces promesses, les créatures artificielles constituent une réalité ancienne qu'ont porté successivement la mythologie, la religion ou la magie, puis la littérature et le cinéma, en particulier dans la science-fiction. Entre la statue animée dont Pygmalion tombe amoureux, le Golem, figure de glaise qui traverse le Moyen Age et la Renaissance, le monstre du Docteur Frankenstein, les robots et autres ordinateurs intelligents des vingtième et vingt-et-unième siècles, le lien qui existe joue un rôle peut-être capital dans l'histoire des cultures humaines.

      Les petites caméras ou "webcam" ancrent de nouvelles pratiques culturelles, souvent plus amusantes que sinistres, en dépit de certaines critiques. Un nostalgique de Paris peut ainsi s'amuser à vérifier l'état des Champs Elysées à tout moment. L'exercice parait frivole, l'est certainement, et pourtant attire de nombreux internautes. Judicieuse volonté de dominer l'espace ou bien jeux infantiles ? Le phénomène mérite certainement une interprétation.

      Parmi les formes de communication inventées dans le réseau, l'Internet Relay Chat (IRC) offre à ses adeptes la possibilité de communiquer en se regroupant dans des "canaux" parfois fugaces, à l'accès plus ou moins ouvert. Le chat ou "bavardage", "causerie" électronique, véritable phénomène social, apparaît comme le haut lieu de toutes les clandestinités, undergrounds et trocs divers. Outil incontournable pour l'échange de photos, de logiciels ou d'airs à la mode, il est désormais colonisé par des centaines de milliers d'adolescents. Il est désormais doté de cams ou caméras numériques, ouvrant ainsi la possibilité d'usages qui vont de la télé- conférence sérieuse à l'exhibitionnisme en temps réel. On peut ainsi surveiller la météo à Séoul ou la chambre à coucher d'une jeune américaine. En parallèle, les MUDs (Multi- User Dungeons ou Domains) et des MOO (Multi- User Object- Oriented Environnements) offrent la possibilité de mener des jeux de rôle dans des espaces décrits en mots (pièces, grottes, châteaux, etc..), mais déjà leur importance s'estompe au profit d'espaces virtuels multimédias qui se multiplient, accompagnés de leurs "avatars" et transmettant souvent la voix.

      Du "Palace" à "Interspace", on voit se construire des ensembles plus ou moins actifs, souvent parasités par des considérations commerciales aux stratégies vacillantes mais fortement expansives sinon 'expensive'. Pour autant les outils distribués librement, peuvent donner lieu à des utilisations intéressantes.

      Les communications interpersonnelles sont animées par une quête de reconnaissance dont dépend dans une large mesure la perception de soi. Besoin d'existence et de considération (être visible aux yeux d'autrui, être connu par son nom, être pris en compte, être respecté...), besoin d'intégration (être inclus dans un groupe ou dans une communauté, y avoir une place reconnue, être considéré comme semblable ou égal aux autres...), besoin de valorisation ( être jugé positivement, donner une bonne image de soi, être apprécié...), besoin de contrôle ( pouvoir maîtriser l'expression et l'image que l'on donne de soi, l'accès d'autrui à sa sphère d'intimité), besoin d'individuation (être distingué des autres, affirmer sa personnalité propre, pouvoir être soi-même et accepté comme tel), tels sont les besoins identitaires dont la demande de reconnaissance dans son expression suit les lignes de force. La quête de reconnaissance est à la fois l'un des moteurs inconscients de la communication et l'un des processus fondamentaux à travers lesquels se construit l'identité personnelle, qui reste très largement dépendante du rapport aux autres et du regard d'autrui. Ce regard, réel ou imaginaire, perçu ou anticipé, est un miroir dans lequel l'individu recherche constamment sa propre image. Sartre : "Il suffit qu'autrui me regarde pour que je sois ce que je suis." On touche là à l'intimité de l'être, du moins celle qui lui était couramment attribuée jusqu'à présent.

      En réseau, notamment à travers des "chats", c'est à la fois l'un des moteurs inconscients de la communication et l'un des processus fondamentaux à travers lesquels se construit encore l'identité personnelle, mais si l'on considère certains ébats diffusés par la visioconférence de masse, force est de considérer que la notion d'intimité a changé.

      "Toute identité requiert l'existence d'un autre : de quelqu'un d'autre, dans une relation grâce à laquelle s'actualise l'identité de soi" et le moi intime.

      Ces identités situationnelles ou circonstancielles, ces jeux particuliers des acteurs, qui se forgent dans les communications interpersonnelles sont un peu plus de simples rôles qu'on endosserait comme un vêtement et qu'on abandonnerait ensuite au vestiaire. Pour retourner, dans la plupart des cas à sa "vraie vie" qui elle ne peut être confondue avec un jeu passager dans lequel le virtuel garantit de toutes les douleurs et de tous les accidents non dominés.

      Un peu plus avant dans le domaine de l'illusion, c'est en intégrant la réalité virtuelle que sont nés les jeux de la deuxième génération. Chaque joueur doit s'équiper de lunettes stéréoscopiques, de gants tactiles, de capteurs, afin de se plonger dans l'univers créé par ordinateur, univers de synthèse; il peut, ainsi armé, y livrer bataille contre des monstres en tout genre. Ces nouvelles technologies sont actuellement plutôt réservées aux parcs d'attraction qu'aux foyers des particuliers, ne serait-ce qu'en raison de leur coût. L'audiovisuel a de son côté beaucoup apporté, et la puissance des consoles et des processeurs a rendu possible le passage à une hyper- réalité ludique.

      Les mondes virtuels sont devenus les nouveaux labyrinthes, et confrontent à de nouvelles expériences de l'espace et du corps, à des paradoxes d'un nouveau genre. Mais surtout, ils obligent à un effort d'intelligibilité, à une meilleure intelligence des liens et des noeuds entrelaçant les réalités et les apparences, les illusions et les symptômes, les images et les modèles.

      Le développement des techniques du virtuel et du synthétique oblige à apprendre à mieux lire les images pour mieux les comprendre, mais aussi à saisir les modèles sous-jacents aux apparences pour voir vraiment. Jusqu'alors enfermés dans les limites de la coupure métaphysique entre les modèles et les images, l'humain découvre grâce aux mondes virtuels les tissages neufs et subtils entre le domaine du conceptuel et celui du perceptuel. Une voie large de recherche s'ouvre ainsi, à travers une phénoménologie du virtuel.

      Par ailleurs les titres à caractère "ludo- éducatif" connaissent un succès prometteur d'un décloisonnement possible entre les jeux et le secteur éducatif.

      IV. Robotique, Organisation du Travail et communication sur les médias à base de réseaux :

      1. Robots, Robotique, Réseaux :

      Les robots prennent ici une place particulière; petit à petit ils ont commencé à envahir notre quotidien, robots ménagers, robotichiens, robots dans nos usines ou pour explorer la Lune et Mars... Leur raccordement au(x) réseau(x) est de plus en plus souvent une condition fondamentale de leur bon génie.

      1.1. Des origines ... à nos jours, réalité des robots :

      Le mot "robot" a été inventé par l'écrivain tchèque Karel Capek à partir du mot arbaiths qui signifiait tout à la fois "travail, peine, chagrin, détresse", ce qui traduit l'idée du travail forcé.

      Introduit pour désigner des hommes- machines dans l'oeuvre de fiction qu'il écrivit en 1920, le mot robot s'impose dans le monde entier avec toute sa charge de réalités socio-économiques et de mythes.

      Ce dernier aspect trouve dans le très grand talent de fiction scientifique Isaac Asimov un amplificateur exceptionnel qui marque la naissance d'un domaine littéraire et surtout, fonde effectivement le mythe du robot- homme, de l'androïde. Asimov définit en 1942 "Les trois lois de la robotique" qui deviendront célèbres lorsqu'en 1950 il les met en exergue dans son livre réunissant neuf histoires de robots, publié en France en 1967 sous le titre Les Robots.

      Un jeune ingénieur américain, J. Engelberger, va ouvrir le champ des applications industrielles en créant, à partir d'un brevet de F.C. Devol datant de 1954, le robot Unimate, en 1961. Le nom donné, contraction de Uni(versal) mate, "compagnon universel", portait en lui-même le double concept d'assistant mécanique et de compagnon.

      Unimate, premier robot manipulateur, était en fait un descendant direct des télémanipulateurs développés pour les besoins du nucléaire, dont la commande numérique des déplacements angulaires des six articulations de la structure mécanique en faisait une machine automatique de saisie et de manipulation d'objets, d'outils de peinture, soudure, polissage etc, dans les chaînes de production. L'exécution de mouvements définis par rapport à une base fixe, le bâti, était faite à l'aveugle, par simple action et contrôle des moteurs articulaires.

      C'est ce fonctionnement purement mécanique, sans retour d'information sur la tâche en cours, qui définit la robotique de première génération.

      Durant cette période, la robotique fut fortement caractérisée par des études sur la conception mécanique, la cinématique des mécanismes, et leur commande. Venait-on de créer une réplique mécanique du bras et, de manière extrêmement rudimentaire, de la main, réduite à une pince à deux mors. Mais qu'en était-il de la seconde fonction générale de mouvement, le déplacement dans le monde physique ' Des études sur la locomotion à mécanismes articulés, plus souvent quadrupèdes ou hexapodes que bipèdes, ont été conduites par des équipes universitaires. Cependant, ces recherches se sont avérées techniquement prématurées et, sans applications effectives, sont demeurées marginales et sans intérêt réel à deux ou trois exceptions notables près.

      Voici la définition du robot donnée par le Robot Institute of America : "Un robot est un manipulateur multifonctionnel reprogrammable, conçu pour déplacer par des mouvements variables programmés, des pièces, des outils ou des instruments spécialisés, de manière à exécuter des tâches diverses."

      Dés la fin des années soixante, deux questions centrales se posent. L'intérêt théorique et pratique d'avoir des machines qui ne travailleraient plus en aveugle, c'est-à-dire des robots que l'on munirait d'instruments émulant des organes de perception appelés capteurs, de façon à localiser la pièce à saisir, à la reconnaître parmi un ensemble défini de pièces, à suivre un joint de soudure, à exercer lors de l'insertion d'une pièce, dans un assemblage, une force déterminée dans la bonne direction, etc.

      C'est l'intégration de cette fonction mouvement qui définit les robots de deuxième génération.

      Un pas de plus doit être franchi pour faire du robot un automate hautement adaptatif capable de raisonner sur la tâche à réaliser, et l'exécution en fonction de l'état réel de celle-ci.

      L'intégration de cette nouvelle fonction aux deux précédentes, qui caractérise les robots de troisième génération, permet de développer des machines intelligentes, c'est-à-dire dotées d'attributs, d'intelligence artificielle, qui leur donnent des capacités d'autonomie décisionnelle et opérationnelle.

      A la fin des années soixante, Nils J. Nilson et le groupe du Stanford Research Institute en Californie, qui travaillent sur l'IA et la vision par ordinateur, entreprennent un projet d'avant-garde : un robot mobile autonome, petit véhicule sur quatre roues, bourré d'électronique et de capteurs qui doit pouvoir se déplacer sans lien matériel dans un environnement intérieur, en partie inconnu. Les robots mobiles autonomes d'aujourd'hui sont les descendants directs de ce robot. Shakey était déjà un outil de recherche pour l'intelligence des machines au sens d'une intelligence perceptuelle et des capacités de raisonnement sur l'action. Le développement de l'informatique embarquée, c'est-à-dire fortement intégrée et à faible consommation d'énergie, et des capteurs demeurait faible, les connaissances théoriques étaient insuffisantes.

      C'est en référence directe à Shakey que le groupe robotique du Laboratoire d'automatique et d'analyse des systèmes entreprit en 1977 de reprendre le flambeau éteint depuis 1972 et de lancer le projet Hilare (heuristiques intégrées aux logiciels et aux automatismes dans un robot évolutif).

      La démarche générale de ce projet différait considérablement de celle de Shakey, car elle mettait l'accent sur la réalité de l'interaction de la machine avec son environnement. Cela conduisit à prendre en considération au centre de la problématique, les écarts entre les représentations du monde que la machine utilise pour déduire les actions et l'environnement effectif, ainsi que l'écart entre l'action décidée et celle exécutée par un robot physique dans un environnement naturel. Cette interaction constante avec l'environnement imposait aussi des contraintes normales et cruciales de temps de réaction, que l'on appelle aujourd'hui réactivité.

      Cette problématique a permis à Hilare, actuellement doyen des projets de recherche sur les robots mobiles, de se développer d'abord en tant que sujet de recherche scientifique puis, à partir de la seconde moitié des années quatre-vingt, de servir de support à des travaux applicatifs extrêmement démonstratifs. Citons trois de ces applications par ordre chronologique : robots de sécurité civile, exploration des planètes telles Mars et la Lune, système multimachine de transbordements de charges dans les ports, les aéroports etc.

      Hilare et la très grande majorité des projets qui se sont développés partout dans le monde à partir des années quatre-vingt, portés par les progrès spectaculaires de la micro- électronique et de la micro-informatique, ont contribué et contribuent toujours à rendre concrète, certes à un niveau encore bien modeste, la définition usuelle dans les milieux scientifiques des robots de troisième génération :

      "Machines dotées de la capacité de raisonner sur la tâche à accomplir et de mettre en oeuvre pour son exécution des relations intelligentes entre perception et action."

      A l'occasion du malencontreux naufrage de l'Erika voilà des mois, le public a pu apprécier au travers des médias l'importance et les performances dont sont capables les robots de notre temps, mais aussi leur délicatesse, leur coût et combien ils sont imparfaits. Désormais, téléguidés ou non, ils ont envahi la publicité, à la télévision, au cinéma, sur les réseaux, les affiches, attractifs, séduisant, remplis de pulsions à l'image de cet individu quelque peu infantilisé, enfantin, caricature jusqu'au ridicule, qu'ils décalquent.

      1.2. Le robot ou l'homme artificiel, les créatures virtuelles :

      Le thème des créatures artificielles construites par l'homme à son image est porté par un ensemble de récits, empruntant aussi bien au langage de la littérature, de la religion ou de l'art, qu'à celui des sciences et des techniques.

      Sur douze mille ans, une douzaine de grands textes, Pygmalion, le Golem, les automates de Jacques Vaucanson, la créature du Dr Frankenstein, les robots de science-fiction ou l'ordinateur incarne la modernité à partir de la magie, la mécanique, l'automatique, l'informatique, la biologie. La deuxième moitié du XX ème siècle est littéralement peuplée de créatures artificielles issues des sciences de l'informatique et de l'intelligence artificielle. Au centre du dispositif, le cerveau électronique.

      Passons brièvement en revue :

      - Les créatures virtuelles : le mathématicien John Von Neumann décrit en juin 1945 l'architecture logique d'une nouvelle machine, l'Edvac, base de l'ordinateur moderne, tandis que l'américain Norbert Wiener (1894-1964) invente "la cybernétique", matrice de l'intelligence artificielle, et l'anglais Alan Turing (1912-1954) recherche le mécanisme de la pensée et les ressorts de la vie ;

      - L'ordinateur et le cerveau artificiel ;

      - Les animaux synthétiques ;

      - Les robots de science-fiction ;

      - L'inscription dans une tradition ancienne : la cybernétique créée par Norbert Wiener entre 1942 et 1948 unit l'ordinateur, les animaux artificiels et les robots de science-fiction.

      Von Neumann montre que l'ordinateur moderne est le produit d'un système de représentation du monde et des valeurs qui en découlent. Il dénote l'obsession de comprendre le fonctionnement du cerveau humain, d'en faire une cartographie, au travers de la description/création de l'architecture logique de la nouvelle machine. Les trois parties essentielles de la machine comparées aux neurones associatifs du cerveau humain, sont l'unité de calcul, l'unité de contrôle logique et la mémoire (véritable siège du raisonnement). Cette dernière est vaste et conçue comme un organe englobant les données calculées ainsi que les programmes servant au calcul et à l'organisation interne de la machine.

      L'ordinateur va penser, il s'agit d'une question de temps. Le corps dans sa dimension biologique est évacué. L'humanité peut se déplacer dans un autre support, et l'électronique, dont les composants sont un peu l'argile des temps modernes, est la candidate idéale au XX ème siècle pour la recevoir...

      Et petit à petit, avec les développements des réseaux avec ou sans fil et le culte qui leur est voué, les robots deviennent, au moins dans notre imaginaire et donc dans notre futur et notre culture, non seulement les personnages indispensables que l'on peut commander à distance et qui seront les plus fidèles des serviteurs, mais également des créatures réellement douées des possibilités humaines qui leur ont été transférées, et dont nous croyons qu'elles finiront par penser, même si elles n'atteignent pas forcément les mêmes modes de raisonnement que l'humain.

      1.3. Des Robots dans notre quotidien :

      Chien fidèle ou chat fidèle ou humanoïde, les robots débarquent : sympas et bien élevés, on dirait qu'ils visent à nous faire oublier nos amis de chair et d'os.

      D2R2 le gentil robot de la guerre des étoiles a traversé l'écran. Dans le secret des laboratoires, les scientifiques japonais s'en sont inspirés pour créer un toute nouvelle génération de robots, qui passent pour de véritables monstres de la technologie.

      Aïbo 2 par exemple, dont nous avons découvert son aîné Aibo 1 avec surprise et surtout beaucoup de plaisir dans un magasin de jouets de la Principauté d'Andorre. Le chien animat de Sony, et Asimo l'humanoïde imaginé par la firme Honda, promettent de devenir les plus fidèles des compagnons. Iront-ils pourtant jusqu'à combler des solitudes voire se substituer à des animaux domestiques ou à certains amis ?

      Gilles Duhaut est professeur de robotique à l'université de Bretagne-Sud et donne ainsi son avis.

      "Par leur seul rôle de tenir compagnie aux hommes, Aibo et Asimov ne demeurent que des gadgets coûteux, sans intérêt suffisant pour être adoptés en masse. En revanche, leur arrivée dans la sphère familiale ouvre la voie à d'autres applications beaucoup plus porteuses et utiles. Ils pourront, par exemple, surveiller la maison, déclencher le lave-linge ou encore faire office de baby sitter ou de garde-malade grâce à la transmission d'images sur nos portables. C'est en devenant des assistants fiables qu'ils gagneront véritablement leur place dans les foyers".

      Quoi qu'il en soit, 45 000 Aibo de première génération ont été "adoptés" l'an dernier, et la Fédération internationale de robotique prévoit une augmentation du nombre de robots domestiques de 10 % d'ici 2003.

      Asimov :

      Originaire du Japon, il mesure à peine 120 cm, pèse 43 kilos, et est de type humanoïde. C'est le premier robot capable de se déplacer sur ses deux jambes. Il a fallu 14 ans pour qu'il "grandisse" dans l'un des plus grands centres de recherche mécatronique (mécanique et électronique) du monde. Destiné à être l'invité idéal, Asimo monte tout seul les escaliers et ouvre les portes pour laisser passer les hôtes, serre les mains de ses amis et même applaudit. Si on le lui demande, il débarrasse la table. Il assure aussi le spectacle quand il se met à danser, mais avec seulement 15 minutes d'autonomie, Asimo n'est pas vraiment un bout- en- train... Encore très cher à l'achat (environ 650 000 F au minimum), il doit être considéré comme un prototype prometteur, peu dépendant des réseaux.

      Aïbo :

      Originaire du Japon, il mesure 27,4 cm sur 26,6 et pèse 5 kilos. De type "canidé électronique" en métal argenté, noir ou doré, il dispose d'une truffe- caméra, d'une queue- antenne et d'un système de reconnaissance vocale. Il a des qualités appréciables puisque, fidèle à la voix de son maître dont il peut reproduire l'intonation, il obéït à une cinquantaine d'ordres. Aïbo 2 va chercher la balle, joue aux cartes et peut répondre à la question "Qu'est- ce- que c'est ?". C'est certes un cabot, mais il est tout de même capable d'exprimer de la tristesse si on refuse de jouer avec lui. L'autonomie reste pour lui également encore un défaut ; passé 90 minutes de fonctionnement, il n'a plus comme seul instinct que de recharger ses batteries. Destiné à la vente notamment aux particuliers, Aïbo 2 devrait coûter environ 12 000 F. Son prédécesseur coûtait 5 000 F de plus et était distribué presque uniquement via Internet.

      Chacun de ces personnages trouvent généralement des emplois en publicité : pour vanter les mérites d'un modèle de voiture dont la technique est évidemment au top, surtout quand Aibo "lève la patte" sur l'une des roues, ou promettant avec France Télécom réseaux mobiles les développements les plus futuristes à la portée de monsieur- madame ToutleMonde dans notre société, si facile, si aisée (?). Ce sont les technologies du futur, c'est déjà demain...tout à fait aujourd'hui.

      Désormais, l'arrivée d'un nouveau compagnon est un évènement annoncé fièrement par les médias et le journal télévisé : "voici un chat presque aussi vrai que nature; au poil très soyeux, il ronronne sous les caresses; commercialisé cette fois en grand nombre au Japon, à un prix un peu supérieur à dix mille francs français, connaîtra-t-il un succès mondial ?" (JT 16 oct 2001).

      1.4. Des Robots ou un peu de littérature :

      Les Robots c'est un recueil où furent rassemblées en 1950 huit des plus anciennes histoires de robots que Asimov ait composées. La toute première est Robbie. Un modèle de robot assez primitif non-doué de parole, connu pour jouer le rôle de bonne d'enfant et le remplir admirablement. Il n'est pas une menace pour les humains et ne veut pas détruire son créateur ou s'emparer du monde, seulement remplir le rôle pour lequel il a été créé.

      Gregory Powell et Mike Donovan, passent leur temps à essayer sur le terrain des robots expérimentaux qui ne manquent pas de présenter une défectuosité quelconque. Il subsiste en effet juste assez d'ambiguïté dans les Trois Lois de la Robotique pour susciter les conflits et les incertitudes nécessaires à l'élaboration de nouvelles trames de récits. Asimov essaie de nous faire sourire aux dépens de ses robots. Ses robots sont, comme il le dit, raisonnables, anti- méphistophéliens, mais ce n'est pas nouveau. Remontons jusqu'à l'Iliade. Au livre XVIII de cette épopée, Thétis rend visite au dieu- forgeron Héphaïstos, afin d'obtenir pour son fils Achille une armure forgée par une main divine. Héphaïstos est boiteux et marche difficilement.

      Passage : ' Alors... il sortit en clopinant, appuyé sur un bâton épais et soutenu par deux jeunes filles. Ces dernières étaient faites en or à l'exacte ressemblance de filles vivantes; elles étaient douées de raison, elles pouvaient parler et faire usage de leurs muscles, filer et accomplir les besognes de leur état...'

      C'était bien des robots.

      Les robots de Asimov ont des cerveaux faits d'une texture spongieuse en alliage de platine- iridium et les 'empreintes cérébrales' sont déterminées par la production et la destruction de positrons. Ils connurent ainsi la notoriété sous le nom de robots positroniques.

      L'établissement des cerveaux positroniques nécessitait une immense et complexe branche nouvelle de la technologie à laquelle Asimov donne le nom de 'robotique' (néologisme), mot qui lui semble aussi naturel que 'physique' ou 'mécanique'. Il utilise ce qu'il appelle 'les Trois Lois de la Robotique' qui ont pour but de formuler là la conception fondamentale qui préside à la construction des robots, conception à laquelle tout le reste est subordonné. Apparemment ce sont ces lois, formulées explicitement dans une histoire intitulée Cycle fermé, qui ont fait le plus changer la nature des histoires de robots dans la science-fiction moderne. Nombre d'écrivains par la suite tiennent ces lois implicitement pour acquises.

      La robopsychologue le Dr Susan Calvin, n'est pas un robot, mais un psychologue doublé de roboticien, dont Isaac Asimov avoue être amoureux. C'est une créature à la séduction nulle, plus conforme à l'idée que l'on se fait généralement d'un robot, mais elle est très attirante. Elle sert de lien aux différentes histoires composants les robots, jouant un rôle de premier plan dans quatre d'entre elles. Un bref épilogue relate sa mort à un âge avancé, puis elle ressuscite dans quatre nouvelles histoires. La dernière, Le Correcteur, parut dans le numéro de décembre 1957 du magazine Galaxy.

      Les trois lois de la robotique :

      Première loi :

      "Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger."

      Deuxième loi :

      "Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la première loi."

      Troisième loi :

      "Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'est pas en contradiction avec la première ou la deuxième loi."

      Manuel de la robotique, 53ème édition, 12052 ap. J.-C.

      (ISAAC ASIMOV, Les Robots, 1967)

      Asimov : '"si la robotique parvenait jamais aux sommets de perfection décrits dans mes histoires, il se peut qu'un concept se rapprochant plus ou moins de mes Trois Lois connaisse réellement le jour, et dans ce cas, je connaîtrais un triomphe assez rare (bien que, hélas, posthume...)'."

      Dans "Un défilé de robots" le Dr Susan Calvin, robopsychologue à l'United States Robots Inc., se retrouve dans une nouvelle série de récits consacrés aux robots positroniques, garantis inoffensifs et dévoués à l'homme. Elle se trouve confrontée à une série de problèmes nouveaux : un robot prévu pour l'environnement lunaire peut-il être dangereux sur Terre en raison de sa programmation, un autre peut-il nuire aux humains en croyant les protéger, peut-on risquer la vie d'un homme pour sauver l'existence d'un robot prototype d'un fabuleux prix de revient " La terreur innée que suscite les robots chez l'homme de la rue, car il voit toujours en eux la monstrueuse création de Dr Frankenstein, voilà le vrai problème que pose en fait les robots.

      "On m'a mis entre les mains un robot dont le cerveau était presque totalement stupide. Je me suis efforcée de l'éduquer,..., Lenny ne dépassera jamais le niveau intellectuel d'un enfant de cinq ans. Alors, quelle est l'utilité de ces efforts sur le plan général " Très grande, si vous les considérez sous l'angle de l'étude du problème abstrait que constitue l'art et la manière d'éduquer les robots. " "Les robots pourraient apprendre !'

      Quatrième loi :

      "Un robot doit se raccrocher au Réseau chaque fois que c'est nécessaire et notamment afin de rendre compte de toute information nouvelle venue à son contact ou portée à sa connaissance."

      Manuel de la robotique, 10053ème édition, 112052 ap. J.-C.

      (OSIIC ISOMAV, Les Robots et cætera, 2017)

      1.5. Des Robots depuis notre imaginaire à la réalité vraie :

      Rappel des 4 hypothèses de la communication imaginaire :

      1. Les machines sont les vecteurs de l'imaginaire

      2. Les machines produisent de l'imaginaire

      3. Le roman (populaire) a été l'un des lieux de transmission d'une nouvelle idéologie qui est celle de la communication

      4. Le roman populaire est sur- idéologique : interrogation, curiosité soulevée.

      La représentation de l'humain que porte l'intelligence artificielle s'est-elle diffusée dans la culture, bien au-delà de la communauté scientifique à l'intérieur de laquelle elle a été formulée.

      Lucien Sfez, 'La santé parfaite' nous raconte :

      Quelque part au cours du XX ème siècle, le récit scientifique a pris sa place et recompose l'Histoire. Ainsi est née la fiction- science. La nouvelle réalité se constitue désormais comme un entre-deux nature/artifice. Auparavant, la science et la technique étaient des condiments ou des éléments de fabrication pour le récit, point de départ ou point d'arrivée entre lesquels la narration tissait sa toile avec personnages et actions. Le conditionnel et la métaphore étaient de rigueur pour décrire ce qui se passait ou pourrait bien se passer dans un temps proche ou lointain. L'idée existait d'un moment où l'étincelle de la création venait d'un extérieur inconnaissable. Les auteurs étaient aussi bien ingénieurs mathématiciens, physiciens ou chimistes, que littéraires. Seule la narration faisait tenir l'ensemble, portant la vraisemblance et entraînant l'adhésion du lecteur. D'autres mondes étaient possibles... D'autres créatures aussi, empruntant souvent à l'image de l'homme et bien plus encore à tous ses mythes.

      Aujourd'hui le récit scientifique ayant pris la place, les créatures sont bien réelles . Si elles n'envahissent pas notre quotidien, c'est qu'elles sont en cours de construction ou à l'état plus virtuel de projet à réaliser. Fruit du travail des savants, elles font tout simplement partie de l'Histoire du monde. Et la notion de savant elle-même se "vulgarise". Les ingénieurs d'aujourd'hui sont les ouvriers de demain.

      1.6. Des Robots ou "Comment nous travaillerons demain" :

      D'après Michel de Virville, "dans vingt-cinq ans la fabrication des biens sera bien sûr encore un peu plus automatisée et il y aura davantage de robots dans les usines. Mais la vraie révolution viendra de l'amont. Nous quittons un système dans lequel le producteur travaille dans le monde réel, l'homme ou le robot tapent sur une tôle pour lui donner la forme voulue, pour entrer dans un mode de production où l'essentiel se passera dans le virtuel. Nous commençons en effet à disposer de représentations du réel suffisamment complexes pour pouvoir multiplier les essais, les "erreurs" sans conséquences, au bénéfice de la production et du consommateur. A l'avenir, la machine va prendre en charge non seulement la fabrication mais aussi une part croissante de la conception."

      C'est bientôt toute la chaîne de production qui est affectée. Les hommes qui surveillent les robots ont une qualification très supérieure aux anciens ouvriers même les plus spécialisés. Assisté par les robots l'ouvrier de production actuel doit gérer la qualité, les stocks, les approvisionnements, les coûts. La mutation qui s'opère nécessitera plus d'ingénieurs et de commerciaux. Il s'agit de devenir des concepteurs assembleurs. Dès aujourd'hui, les fournisseurs extérieurs participent de plus en plus, en amont, à la conception- même du produit. Les robots sont capables d'assurer les différents montages. Commandés à distance, via les réseaux, peut-être bientôt peupleront-ils à eux seuls les usines. Les effets de cette évolution sont multiples. Tous les processus de production vont s'accélérer. Managers et salariés devront apprendre à réagir plus vite. A ce jour, chez Renault par exemple, entre le moment où l'on décide de fabriquer une nouvelle voiture répondant à tel cahier des charges et la livraison du premier modèle, il s'écoule environ vingt-quatre mois. Il y a dix ans ce délai était de six ou sept ans. Le mouvement va s'accélérer. De même entre le moment où le client commande et celui où il reçoit sa voiture. D'autant que, demain, lorsqu'il aura pris l'habitude de commander via les réseaux, le consommateur sera plus exigeant et imposera des délais très raccourcis.

      On voit bien ici la propagation du phénomène des réseaux d'entreprise, associée au développement de la robotisation...

      2. Travail :

      L'entreprise passe d'un modèle mécaniste et hiérarchisé à un modèle systémiste "biologique" dans lequel l'intelligence de chacun, qui était souvent sous-utilisée dans une structure hiérarchique, devrait être pleinement mobilisée. Les robots viennent à l'appui se mêlant voire se confondant à l'humain.

      2.1. Sans frontières, l'entreprise vivra en réseau avec ses sous-traitants, ses salariés et ses clients :

      Dans une interview Louise Guerre, déclare :

      "Totalement ouverte sur l'extérieur et en interaction avec son environnement... dans vingt-cinq ans, l'entreprise aura définitivement renoncé à ses frontières. Tant dans son organisation interne que vis-à-vis de ses fournisseurs, clients et... concurrents. Elle fonctionnera en réseau, à partir de pôles de compétences mouvants, sur un périmètre sectoriel à géométrie variable. La prédiction prendra alors une très grande importance, même si en économie c'est un exercice toujours risqué. Pourtant, même si ce scénario a de fortes chances d'être amendé par le futur, la tendance de fond ne fait aucun doute. l'entreprise conçue comme un tout homogène tourné sur lui-même vit ses dernières heures.

      Le virus qui aura raison de ce modèle est déjà à l'oeuvre. Il se nomme flexibilité.

      Tout est parti de la nécessité pour l'entreprise de se réorganiser à partir des besoins personnalisés des clients. Une véritable révolution culturelle. Hier les salariés devaient se conformer à un système de production interne fonctionnant selon ses propres lois, fait pour durer et s'imposant aux clients. Demain, chaque client revendiquera d'être unique et dictera jusqu'au prix. Il pénètrera toujours plus loin dans les rouages de l'entreprise. Bientôt, la transparence (mythique) sera totale sur l'origine des matières premières, les circuits d'approvisionnement, les systèmes de fabrication et de contrôle qualité (ex : actuellement se met en place la traçabilité) . Résultat de cette traçabilité, le service commercial ne sera plus, loin s'en faut, le seul point de contact avec l'extérieur. Tous les services de l'entreprise seront "branchés'. Chaque salarié en relation avec le client sera donc beaucoup plus autonome et responsable. Il fera son propre planning, négociant en interne les intérêts de son client. Corollaire, le manager est voué à changer de rôle. Il ne sera plus celui qui programme et ordonne le travail, mais un animateur qui impulse, coordonne et assiste. A l'extrême, il fera pour l'essentiel du coaching, passant de l'homme de pouvoir au leader. L'entreprise, pour relever ce défi qui lui est imposé par son client va devoir accepter de décloisonner son organisation. Exit la plupart des niveaux hiérarchiques intermédiaires. Plus floue en apparence, elle sera en fait plus réactive.

      Ce contexte fera bien sûr la part belle à toutes les formules de flexibilité interne et externe. Les contrats par projet ne peuvent que se développer. Mais parallèlement, le client exigera un suivi personnalisé, sur mesure et dans la durée. On peut également s'attendre à voir se développer les groupements et des réseaux d'employeurs. En particulier dans l'univers des PME, profitant par exemple des possibilités offertes par le télétravail, des groupements de salariés pourraient aussi émerger. Quelles que soient les formules, l'entreprise aura à faire face au même enjeu : gérer une plus grande diversité des formes de contrat de travail. Plus question de faire rentrer tout le monde dans le même moule. Il lui faudra donc apprendre à mobiliser sur des missions ponctuelles des femmes et des hommes employés avec des statuts et des horaires différents. D'où la nécessité de bâtir un véritable "projet collectif". Plus les frontières de l'entreprise deviennent floues plus celle-ci aura besoin de fédérer ses troupes autour d'une vision partagée. Cohésion d'autant plus nécessaire qu'il faudra recruter des personnels plus exigeants qu'avant. Déjà, les jeunes générations de cadres affichent de nouvelles attentes vis-à-vis de leurs futurs employeurs. Beaucoup moins carriéristes que ne l'étaient leurs aînés, ils cherchent avant tout à se réaliser en donnant du sens à leur travail. Cette tendance ne peut que s'amplifier. Au point que, demain, les plus qualifiés pourront jouer avec une sorte de "marché de l'entreprise", symétrique du marché du travail d'aujourd'hui. Dans cet univers, les entreprises les plus recherchées seront celles qui sauront faire cohabiter les projets individuels de chacun avec leur projet collectif. A l'arrivée, on peut tout de même s'attendre à voir coexister différentes familles de salariés. Certains verront l'entreprise comme un moyen de développer leurs compétences. Ils passeront sans scrupules de l'une à l'autre en fonction des opportunités offertes. Les autres, plus fidèles, négocieront leur engagement avec un statut de co-entrepreneur.

      Toutefois le projet collectif n'est pas le seul moyen dont disposeront les entreprises pour raffermir la motivation des personnes. Les directions intégreront également la révolution électronique dans leur stratégie d'entreprise quel que soit leur secteur d'activité, et utiliseront intelligemment les réseaux comme un outil fédérateur des compétences et des hommes. Certes, un mouvement d'externalisation semble inexorable. Informatique, télécoms, achats, logistique, ressources humaines... Certaines entreprises ne devraient garder que l'essentiel : le marketing et la relation avec les clients. On assisterait alors à l'émergence de sous-traitants de services spécialisés un peu à la manière des districts industriels italiens. C'est également pour elle la meilleure manière de cultiver leur réactivité. Faire face aux soubresauts d'activité, partager des coûts de développement, tester des diversifications voire changer de cap... En bref, l'entreprise perçue comme une entité patrimoniale figée, délimitée par un outil de production, n'a plus de sens. L'entreprise n'a d'autre choix que d'apprendre à inscrire son projet dans le court terme, l'éphémère, le changement. Elle devra ré interroger en permanence ses pratiques, sa stratégie et jusqu'à son métier même. En étant portée, c'est la conviction des membres du Centre des jeunes dirigeants d'entreprise, par le souci d'offrir une aventure humaine."

      2.2. Le quaternaire :

      Roger Sue, docteur en sciences politiques, s'intéresse depuis vingt ans à l'émergence d'une nouvelle économie plurielle.

      "Dans vingt-cinq ans les entreprises seront complètement immergées dans le monde associatif. Beaucoup iront jusqu'à en adopter l'esprit voire les contours. On reproche souvent aux bénéficiaires de la loi de 1901 d'empiéter sur le territoire des entreprises et sur leurs marchés. Or c'est l'inverse qui est en train de se produire. Lentement mais sûrement, le champ de l'économie se déplace sur le terrain des associations. Education, santé, formation, loisir, environnement, action sociale... Tous les secteurs en croissance sont précisément ceux investis depuis toujours par les chantres du volontariat. Là sont les dévouements, mais aussi les emplois et même les profits."

      Il assure que bientôt ces activités éparses formeront un tout cohérent : le "quaternaire". Ce nouveau pan de l'activité économique comprendra tout ce qui participe à la "production de soi" (temps libre, loisirs, culture personnelle, militantisme et volontariat). Libéré du travail contraint, le salarié pourra consacrer plus de temps et d'argent à faire fructifier son capital humain à commencer par sa santé.

      "Le centre de gravité de l'économie se déplace donc inexorablement vers la production de compétences immatérielles. Bien plus que les compétences sanctionnées par des diplômes, le sens des rapports humains est une valeur en hausse."

      "Les entreprises commencent à réaliser le parti qu'elles peuvent tirer d'une collaboration avec les associations. Les plus audacieuses accordent déjà des crédits d'heures à leurs salariés qui veulent pratiquer le soutien scolaire, l'aide à l'insertion ou le nettoyage de rivières. En particulier grâce à l'appui de 'clubs d'entreprises', tel l'Institut du mécénat de solidarité. A l'origine ces sociétés cherchaient surtout à se donner une image citoyenne. Les résultats ont dépassé leurs attentes."

      "Les salariés qui bénéficient de telles opportunités se disent plus sûrs d'eux, plus autonomes. Ils évoquent un meilleur climat dans leur entreprise. Le tout à peu de frais. De nouvelles formes d'alliances naîtront, dans lesquelles des entreprises via des fondations, financeront des associations. Celles-ci réduiront ainsi leur dépendance vis-à-vis des pouvoirs publics qui les contrôlent par le biais des subventions. Aujourd'hui, leur poids n'est pas reconnu à sa juste valeur puisqu'on le mesure avec des critères impropres qui sont ceux de l'économie monétaire."

      Or les épigones de la loi de 1901 sont surtout actifs dans le domaine de la prévention et de la formation. Et ce n'est qu'un début. L'émergence des SEL ou systèmes d'échanges local a montré que d'autres formes de monnaies, plus sociales, pouvaient fonctionner. C'est entre autre ce type de monnaies que promettait le Rapport Nora - Minc.

      2.3. Demain : Les places de marché de n- ème génération :

      Après les places de marché de première génération qui mettent en relation acheteurs et vendeurs, la nouvelle génération associera non seulement les fournisseurs et les clients mais aussi les sous-traitants et divers partenaires. Ces places de marché ne se limiteront pas à mettre des catalogues à la disposition des clients ou à leur offrir des possibilités d'enchères. Bien en amont de la transaction commerciale, elles comprendront la co-définition du produit par l'industriel et le client, le co-développement, la gestion de configuration en ligne, la synchronisation des plannings ; elles permettront l'échange opportun d'informations et offriront des possibilités de transactions longues et complexes. Il faut savoir que par exemple dans un pays comme l'Afrique du sud, il existe déjà plus d'une vingtaine de places de marché en fonctionnement durable, d'après une étude menée et très récemment publiée par le cabinet Pricewaterhouse Coopers.

      Les rapports de force dans l'entreprise elle-même et sur le marché changent. L'employé reprend quelque peu de pouvoir pour peut qu'il ait accès à l'information distribuée par les médias et les réseaux. L'emploi voit son marché impacté. Par exemple de nombreuses et gigantesques bases de cv interconnectées se constituent. Le "cv électronique", déposé sur un site, est consultable de partout, permet d'établir des liens avec d'autres sites (site personnel, site d'employeur cité, etc..) et il peut contenir une vidéo. Dans la réalité, ce sont bien des plates-formes d'intermédiation qui se sont créées un peu partout. Associées au mode confidentiel ou non, elles touchent d'abord toutes les catégories qui ont un accès au bureau mais les accès à la maison sont de plus en plus nombreux.

      V. Communication, Médias à base de Réseaux, Secteur financier :

      1 Désormais, grâce aux réseaux modernes, les clients paient sur un mobile et consomment sur un portail :

      Le vent de la nouvelle économie ayant soufflé d' ouest en est, chacun s'est tourné une fois encore vers les Etats-Unis pour imaginer le futur. "La combinaison du progrès technologique et de la dérégulation modifie profondément les services financiers, spécialement la relation avec le consommateur final".

      Il ne s'agit pas d'une simple prédiction d'expert. Juin 2000: d'ores et déjà, le plus populaire des sites financiers américains affiche cent millions de clients et un peu plus de visiteurs occasionnels. Yahoo!, car c'est de lui dont il est question, n'a pourtant pas le statut de banque, c'est un portail. Il n'en offre pas moins au consommateur américain notamment, tous les services d'une agence bancaire virtuelle. Une sorte de supermarché électronique où l'argent circule tantôt comme une marchandise, produits d'épargne, emprunts hypothécaires, etc..., tantôt comme moyen de paiement totalement dématérialisé.

      Concrètement, aux Etats-Unis, 300 millions de dollars de transactions ont été commandés et réglés en ligne via Yahoo! pour le seul mois de décembre 1999. Sur le Nasdaq, le marché valorise ce succès quelque 60 milliards de dollars, un chiffre proche de la capitalisation de la Chase Manhattan, troisième banque américaine avec plus de 400 milliards de dollars en total de bilan.

      Le réseau Internet permet au consommateur de services financiers de réaliser, à partir de son ordinateur, chez lui ou sur son lieu de travail, de nombreuses opérations courantes, virements ou ordres de Bourse. Pour ce type de services, plus besoin de guichetier ni d'agence... Une banque ou un broker en ligne économise jusqu'à 80 % de ses coûts de structure traditionnels. Deuxième atout, le réseau Internet est une formidable machine à comparer les prix. Un ou deux clics suffisent pour passer d'un site à l'autre, et le multi- fenêtrage permet de superposer les résultats obtenus. L'hypertexte, technique de base du web, permet à un intermédiaire, banquier ou non, d'offrir en temps réel un banc d'essai sur n'importe quel produit. C'est encore plus vrai pour les produits financiers qui ne demandent aucune livraison physique.

      L'internaute est a priori un client moderne, à pouvoir d'achat élevé et rentable. Son profil, ses goûts, ses habitudes peuvent être répertoriés et déclinés à l'infini...

      e- banking :

      Fin 1999, 500 000 français étaient abonnés à un service de home banking sur Internet. Selon le cabinet IDC, plus de la moitié des internautes en âge d'être bancarisés, soit 8,3 millions de personnes, utiliseront ce type de services en 2004. A la même date, le nombre de clients des courtiers en ligne devrait atteindre 1,5 million, contre 120 000 actuellement, soit un taux de croissance annuel moyen de prés de 70 %.

      Le courtage :

      les banques généralistes proposent des services en ligne de gestion de portefeuille, mais le courtage en ligne n'a jamais été leur point fort. Son développement sur le Net par exemple, ne s'effectue pas à leur détriment. D'autant que l'irruption des courtiers on-line n'est pas liée à Internet : ils sont plutôt les héritiers des agents de change, disparus en 1988, qui, comme Selftrade, ConSors ou Bourse Direct, effectuaient des opérations en temps réel, après avoir pris les ordres par téléphone.

      La clientèle concernée est marginale, même si la cible d'élargit en période d'euphorie boursière. Pour le courtage en ligne, il n'y a aucun rapport entre les deux côtés de l'Atlantique : selon les dernières estimations quatre fois plus au moins d'américains que d'européens détient des titres boursiers, et ce sont la moitié des américains qui en auraient. De plus parmi les détenteurs de portefeuilles, 20 % aux Etats-Unis disposeraient d'un compte- titre contre seulement 4 % en Europe.

      Là où chaque banque généraliste défend sa propre gamme, de nouveaux intermédiaires apparaissent qui se lancent dans les gammes par spécialité, sans s'arrêter à telle ou telle marque. Désormais les quelques 6 500 sicav et fonds communs de placement disponibles en France, par exemple, constituent en elles-mêmes un marché. Les offres de crédit logement ou les prêts à la consommation en sont un autre. Désormais aussi, à chaque fois, les nouveaux entrants se battent sur la valeur ajoutée. Peuvent être en discussion d'une part, la comparaison des conditions ou des performances en temps réel, d'autre part, la sélection des meilleures offres du moment.

      Chez BNP-Paribas, marché par marché, des armes "anti-désintermédiation" ont dues être mises en oeuvre. Sur le créneau des PME, par exemple, cette banque a constitué des plates-formes d'achats groupés, "e-procurement", et des centrales de facturation et de paiement, "e-billing". Un "business village", sorte d'incubateur d'entreprises a été annoncé. Le réseau est tellement ancré dans les mentalités que désormais tous pensent au cyberavenir du groupe.

      Les analystes considèrent que parmi les principales banques françaises, ce groupe a présenté la stratégie réseaux la plus intégrée : au lieu de lancer de multiples sites, il se concentre autour de trois segments distincts. Nul ne sait encore quel modèle prévaudra, banque multi- canal ou banque directe, avec des services intégrés ou des services éclatés entre plusieurs fournisseurs spécialistes.

      Le guichet autant que le PC :

      Les particuliers restent plus sensibilisés à une approche banque traditionnelle, et les réseaux bancaires tout comme les banques en réseaux sont convaincus que leurs habitudes varieront peu. Malgré tout ils veulent semble-t-il en majorité pouvoir utiliser plusieurs canaux selon les nécessités : agence, guichet automatique de banque, accès distant en réseau sur ordinateurs et mobile.

      En définitive les banques en ligne (téléphone, minitel, internet, réseaux), réduisent leurs ambitions car des centaines de millions de francs ont été dépensés sans résultats probant. Les clients restent trop attachés aux services classiques délivrés aux guichets physiques et dans les agences. Zebank par exemple n'a réussi à attirer que 45 000 clients et les budgets publicitaires ont déséquilibré les comptes car ils sont d'autant plus élevés que la clientèle est jeune et donc difficile à fidéliser.

      2 Loi sur la sécurisation des cartes bancaires :

      C'est l'Etat qui a dû prendre en main le problème de la fraude.

      Le ministre de l'Economie a présenté une série de mesures pour lutter contre la fraude sur les cartes bancaires, avec pour objectif de restreindre l'utilisation illégale des numéros de ces cartes lors des transactions en ligne à distance. Le gouvernement a proposé au Parlement de renforcer le rôle de la Banque de France qui veillera désormais après le GIE cartes bancaires, à la sécurité des cartes de paiement. A partir de juin 2001 ont été modifiés quelques 7 000 distributeurs automatiques de billets sur un parc de 35 000 machines, parce qu'ils ne lisent que la piste magnétique des cartes, ceci de manière à ce qu'ils lisent enfin systématiquement la puce.

      Le numéro de la carte sera partiellement occulté sur toutes les facturettes, ce qui est déjà la cas sur les tickets de certains terminaux de paiement. Un code de sécurité supplémentaire figurera au dos de toutes les cartes, à transmettre lors de toute transaction à distance. Enfin, le rechargement des cartes prépayées, par exemple celles des téléphones mobiles, sera limité à une seule carte bancaire par utilisateur.

      Par ailleurs un accord est intervenu concernant la sécurisation des transactions de paiement via réseau, grâce à la décision d'affecter par transaction un numéro codé complexe, unique et volatile.

      VI. Formation et communication via les médias à base de réseau(x) :

      La formation a pris de plus en plus d'importance dans nos sociétés dites développées, à tel point qu'elle se déroule désormais tout le long de la vie humaine et même pendant les loisirs qui ont eux-mêmes besoins d'elle pour exister. Elle atteint donc une très grande variété et recouvre de nombreuses formes.

      Il arrive qu'elle soit regardée, par exemple en matière d'emploi, comme le remède à bien des maux, réels ou prétextés.

      1 La formation en ligne change les contenus et les méthodes d'enseignement :

      La création des cours doit être entièrement repensée, car pour certains élèves, si la moindre question ne trouve pas sa réponse sur la plate-forme en réseau, c'est l'abandon. La rédaction est à revoir, la modularité est essentielle. Il faut fractionner, limiter les textes et savoir où insérer de l'interactivité. A la pédagogie s'ajoute, en vrac, des compétences de scénarisation, de graphisme, d'administration de plate-forme, d'ergonomie, et d'animation de chat et de forum.

      La formation en ligne donne un élan nouveau : plus ciblée, plus pertinente elle est susceptible de relancer l'intérêt des salariés. Le travail en réseau donne l'occasion de recourir à des experts difficilement accessibles autrement. Quant aux formateurs eux-mêmes ils renforcent leur implication dans l'entreprise et son organisation, en devenant bien plus les acteurs centraux d'une gestion des connaissances, dont la formation en ligne est souvent la première étape.

      Le marché de l'e- learning est né de la transformation par les réseaux des métiers de l'enseignement et de la formation et se structure à toute allure. Ici, nous sommes bien loin des technologies de l'esprit et très raccrochés à la technique. Exemple fort : studi.com est venu du monde de la formation continue et de l'édition sur cd-rom, et bénéficie dés le début d'une plate-forme technologique performante ainsi que d'une précieuse expérience du tutorat. La start- up, désormais européenne, s'est alliée à un éditeur de programmes culturels et éducatifs très reconnu sur son terrain, et a passé des accords avec plusieurs grandes universités ou écoles de commerce et d'ingénieurs. Déjà circule les mots cyberétudiants, cyberenseignants...

      L'Union Européenne et le Conseil de l'Europe ont créé un maillage institutionnel de notre continent destiné à enchâsser les institutions scolaires et universitaires. Les opérations sont assurées par :

      - des associations internationales spécialisées dans les médiations éducatives innovantes recourant aux ntic;

      - des diffuseurs d'émissions par satellite (exemple du Cned en France);

      - des gestionnaires de réseaux télématiques qui agissent au niveau international, national ou bien même régional.

      2 La formation à distance nécessite pédagogie et implication accrues :

      Enseignement et apprentissage à distance nécessitent de nouveaux modèles.

      Françoise Thibault, chargée de mission à la Sous-Direction de la technologie du ministère de la Recherche français, estime que l'intérêt de la formation à distance est de répondre à une demande sociale et de transformer l'université en termes d'ingénierie éducative. On assiste de fait au changement de perspective où le vocabulaire de l'ingénieur remplace celui du pédagogue et où le lexique libéral remplace celui du service public. Le "marché de l'éducation" est estimé à 90 milliards de dollars en 2005 et le premier "World Education Market WEM" qui s'est tenu à Vancouver du 24 au 27 mai 2000 a réuni trois mille professionnels".

      Comme le dit crûment le responsable de formation de l'Université de technologie Compiègne UTC, Claude Moreau, en parlant de l'enseignement à distance : "Nous sommes actifs, mais nous restons marqués par notre culture de service public. Nous n'avons pas admis que la formation est un business".

      L'archaïsme des lieux de formation doit céder la place à la promesse qu'offrent les réseaux, plus de savoir, à la condition de nous séparer et de renoncer à ces institutions de la rencontre.

      Cette révolution ne concernera pas uniquement les lieux d'où est dispensé le savoir, mais les savoirs eux-mêmes, transformés du fait d'être en ligne, à moins que cette mise sur le réseau ne soit le prétexte à des changements plus profonds. Les représentations du savoir, ainsi conditionné et formaté au sein d'une unique dimension informationnelle, le rapprochent d'un idéal encyclopédique, où des unités séparées sont combinables et recomposables à l'infini.

      Exprimant et théorisant à merveille le point de vue des "nouveaux marchés de l'éducation" qui prônent le développement tous azimuts du "savoir en ligne", Pierre Lévy annonce pour bientôt "de plus en plus de concurrence entre les universités en ligne et les locales, puis entre les universités en ligne quand beaucoup d'universités locales auront été obligées de fermer (...). Il est également possible que les universités planétaires, après une série de rachats et de fusions, ne se retrouvent plus que quatre ou cinq dans le monde, comme les groupes de communication, d'automobiles ou d'assurance (...). Elles automatiseront leurs systèmes de passage d'examen".

      Entre le producteur de savoir de plus en plus multiple et éclaté, obéissant aux règles de la "conscience collective" et le consommateur nul besoin d'intermédiaire. L'école en ligne dispense de la nécessité de la rencontre avec un médiateur désormais inutile et également avec d'autres apprenants. Le côte- à- côte devant l'ordinateur, après le face-à-face traditionnel cède la place au seul- à- seul avec l'écran.

      L'Union Européenne et le Conseil de l'Europe ont déclaré 2001 "année européenne des langues" dans le but d'encourager le plurilinguisme, notamment au travers d'un apprentissage diversifié des langues tout au long de la vie.

      Avec le multimédia cependant, le plus souvent encore aucun professeur n'est disponible pour répondre aux questions, et on est loin de l'échange spontané et riche d'un véritable dialogue en tête- à- tête.

      Cependant Internet a le défaut de ses qualités. A ce jour la principale méthode de communication est le courrier électronique qui peut paraître trop lent lorsque l'on bute sur une question. La visioconférence avec le professeur présente en revanche des problèmes techniques liés au débit de la connexion, et à la nécessité de posséder une webcam. De plus, elle réintroduit des problèmes de disponibilité puisqu'il faut comme pour un cours traditionnel fixer un rendez-vous et s'y tenir...

      "Le principal intérêt d'Internet est de pouvoir parler avec des gens d'autres cultures. Notre projet, par exemple, est une façon de fédérer l'Europe. Pour le reste Internet est un outil nouveau comme l'étaient en leur temps le magnétophone ou la vidéo. Il faut encore des résultats." estime B. Cord spécialisée dans la formation permanente à la cellule Ingénierie et Multimédia de l'université de Paris 6.

      M. Pothier, maître de conférence à l'université Blaise-Pascal de Clermont-2 fait écho aux propos de sa collègue : " Le côté ludique est très motivant. Communiquer avec les tuteurs et ses pairs replace l'apprentissage d'une langue dans son véritable contexte. Cela doit partir des gens". Cependant, surfer dans tous les sens ce n'est pas apprendre une langue. Il ne suffit même pas d'avoir un projet, comme la constitution d'un dossier thématique, pour donner du sens à cette utilisation. Car qu'en reste-t-il finalement ?

      Les deux enseignantes ne peuvent dissocier l'apprentissage d'une langue du rôle du professeur, qu'il soit physiquement présent ou qu'il exerce sa tutelle à distance : sur un réseau comme Internet, le professeur est encore plus central car la demande devient individuelle et elle est encore plus forte.

      La motivation est ici encore la clé du succès puisque l'assiduité relève d'un choix personnel.

      En la matière de nombreux problèmes peuvent intéresser les sciences humaines.

      D'une part, l'acclimatation des nouvelles technologies de communication dans une culture donnée, par exemple la culture européenne pose la question, sous-jacente, de l'assimilation effective de ces nouveaux dispositifs.

      Ensuite, l'industrialisation qui s'impose des formations. On parle là déjà de "knowledge industry" ou industrie de la connaissance. Non seulement il existe des impératifs quantitatifs car certaines formations s'adressent à des dizaines de milliers d'étudiants, mais encore il y a bien des impératifs qualitatifs. D'où la nécessité de processus industriels de fabrication et de distribution particulièrement bien réfléchis, réflexion complexifiée par l'usage des technologies de mise en oeuvre au travers des réseaux de télécommunications.

      Enfin, la question se pose du devenir de l'espace public et du service public dans un contexte d'interactivité généralisée, et également de savoir comment on apprend avec les médias, comment on apprend à apprendre etc.

      "J'aime la possibilité de pratiquer en rencontrant des gens du monde entier. Ce sentiment d'appartenir à une communauté est unique au réseau".

      En général, les étudiants apprécient d'avoir un professeur à portée de clic de souris, c'est plutôt la valeur de ce professeur et son résultat qui peut-être sont discutables.

      3 La communication des savoirs :

      La communication des savoirs ne se réduit donc pas à une simple transmission. L'enseignant doit aussi prendre en compte les relations affectives, les représentations, les décalages linguistiques et socioculturels qui peuvent brouiller le message pédagogique.

      La relation pédagogique est une relation de communication médiatisée par des savoirs et des contenus culturels. Méthodes et contenus sont interdépendants. Il s'agit pour l'enseignant de "se faire apprenant de son propre savoir"*.

      Ce sont les représentations des élèves qui sont en jeu. Le souci doit être permanent d'articuler ce qu'on apprend aux élèves qui apprennent.

      De nos jours existe dans les classes un écart sociologique de plus en plus grand entre monde des enseignants et monde des élèves. Il est non seulement lié aux différences de couches sociales mais encore aux différences culturelles, et pas seulement dans la communication verbale. Les ntic peuvent réellement aggraver le phénomène et engendrer une sorte de hiatus socio- culturel. Il est en effet difficile d'élaborer puis de partager une culture commune, sociale, par les réseaux, celle qui peut exister plus facilement au travers d'activités communes à l'échelle des établissements scolaires par exemple (pièces de théâtre, match de foot...).

      D'après Ph. Meirieu, c'est grâce à une certaine opacité et non pas par la transparence, qu'il devient nécessaire de communiquer. "Le malentendu, la difficulté, l'opacité, qui inquiètent terriblement les enseignants (...) sont en fait une chance qui permet de parler, qui fonde la communication".

      On sait depuis l'Ecole de Palo alto, actuellement très reconnue, que toute conduite est une communication.

      L'utilisation des ntic dans l'éducation fait naître bien des idées plus ou moins utopiques qui sont autant d'espoirs que ce mette en place un monde plus juste, plus égalitaire, d'abord pour les enfants. Il s'agit par exemple de permettre, par la formation à distance, aux enfants ruraux d'avoir les mêmes chances éducatives ou culturelles que les citadins et à ces derniers comme aux premiers de profiter du développement de la télé- formation.

      Problème : le télé-enseignement peut également favoriser la diminution du nombre de postes d'enseignants, le rôle de l'enseignant- formateur se transforme, perd de son prestige.

      D'autres soucis surgissent concernant la formation des enseignants, leur intéressement à ce qui doit absolument dépasser le stade de l'expérience. Il faut gérer l'équipement qui doit être suffisamment complet, il faut gérer les incidents et les problèmes techniques. Il faut mobiliser les différents acteurs, collectivités locales, conseils généraux, départements, associations de parents etc...

      A ce jour, les interlocuteurs ne savent pas toujours se servir d'un ordinateur et en ce moment "on a déjà tellement à faire avec (... l'euro...)".

      Cependant, l'intérêt des médias plus traditionnels manifesté par la présence d'articles dans la presse régionale et nationale, accompagnées d'émissions télévisées est stimulant, bien que ces informations de valorisation ne soient faites qu'à destination du grand public.

      La mise en place "au fond" nécessite une réorganisation en profondeur afin de mettre ce qui est encore souvent une expérience au centre de la discipline d'enseignement et de lui donner des chances organisationnelles et pédagogiques de fonctionner. Il ne faut plus qu'elle vienne par exemple se surajouter à la marche habituelle des établissements.

      Actuellement la "résistance au changement" reste importante. Les acteurs alignent leur communication sur leur niveau supérieur de hiérarchie, depuis la base et jusqu'au niveau élevé de la pyramide dans un jeu d'évitement des affrontements au sein de l'institution comme au sein du système social français.

      Un nouvel espace de savoir est en création, le savoir devient un continuum multidimensionnel de représentations dynamiques et interactives, toute approche analytique doit être complétée par une approche systémique. Et l'éducation aux médias devraient être renforcée. Parce que sinon n'importe qui peut diffuser n'importe quoi tandis que la télévision elle-même ne nous met pas à l'abri d'images falsifiées.

      VII. Communication, Médias à base de réseau(x) , Médecine et Recherche :

      1. Médecine :

      C'est un des domaines ou certaines des avancées sont les plus rapides et les plus spectaculaires.

      En chirurgie, des gestes deviennent plus sûrs, dans le cas par exemple de certaines opérations du dos: sur 10 000, 2000 opérations doivent être recommencées ou reprises sans ces technologies. Grâce à l'image 3D, à l'ordinateur et aux capteurs, il est possible de pratiquer des opérations très délicates, sur les vertèbres cervicales notamment, en diminuant très fortement les risques. Les scolioses sont désormais opérées avec une grande précision.

      1.1. Techniques : les différents types de télé médecine :

      1.1.1 La télé consultation et le télédiagnostic :

      La transmission numérique d'informations (radio, scanner, tests...) à un hôpital, qui se prononce sur les suites à donner, accélère le diagnostic et évite les transferts inutiles de patient.

      1.1.2 La télé- expertise :

      Permet à un médecin d'interroger un confrère plus spécialisé, en lui transmettant des résultats d'analyse des données sur le patient. Cette forme d'échange est très utilisée dans le traitement du cancer.

      1.1.3 La télé- surveillance :

      Permet à un patient équipé d'appareils de relevé de demeurer à domicile tout en restant suivi. On l'utilise par exemple pour les grossesse à risque, les maladies cardiaques, le diabète, les insuffisances respiratoires ou l'hypertension.

      1.1.4 Les réseaux "ville/hôpital" :

      Permettent au médecin généraliste, avec l'accord du patient, d'accéder aux données enregistrées sur le patient à l'hôpital.

      1.1.5 La télé- formation :

      Consiste, pour un professionnel de santé à accéder à distance à des bases de données, des services d'information et des cours.

      1.1.6 La télé- chirurgie :

      Permet à un chirurgien d'effectuer une simulation de chirurgie sur ordinateur, à l'aide de messages à trois dimensions, puis d'opérer à distance en étant assisté par des ordinateurs.

      1.1.7 Des techniques et après ? :

      L'association de ces différentes techniques devrait faire évoluer le rapport dans la relation médecin- malade. Aux Etats-Unis où elles sont déjà très en vogue, il semble bien que le patient "prenne le pouvoir" ? Quels sont ou peuvent être les dérives malheureuses d'un tel système, hors les problèmes de financement ? Le côté anonyme, détaché de contact humain, de reconnaissance prolongée du patient (historique personnalisé, antécédents familiaux) dans un style de société dont c'est précisément un des défauts les plus pertinents. Dans son livre "La Santé Parfaite", Lucien Sfez nous dit : "Il s'agit de restaurer la moralité en la rebranchant sur le corps. Le contrôle sur le corps n'est pas une affaire de technique, mais politique et morale. Elle est là l'utopie mobilisatrice de l'an 2000." Il est évident que les développements de la bioéthique, la formation des médecins et la sagesse de leur popularité devront contribuer à l'intégration et à la maîtrise de techniques par ailleurs très performantes et utiles mais dont la domination des risques de dérives mérite une attention toute particulière et réellement soutenue.

      Lorsque, à l'échelle de la planète, des patients cherchent à s'entraider, de nouvelles formes de solidarité surgissent, susceptibles d'interpeller d'anciennes formes de pouvoir. Ainsi, un cancéreux anglais, en comparant son traitement à celui d'un compagnon d'infortune en Australie, en France ou aux Etats-Unis, trouve non seulement du soutien, mais aussi une autonomie accrue face à la structure médicale locale. Les notions d'expertise et d'autorité subissent de ce fait des déplacements susceptibles de faire pression sur les structures professionnelles. Le télédiagnostic transfrontière, l'achat à l'étranger de médicaments non homologués localement, que le cas du Viagra a mis en évidence, soulèvent des questions analogues en remettant en cause l'assise légale et territoriale des structures professionnelles. Ces transformations des pouvoirs menacent beaucoup d'acquis mais aussi de privilèges, et expliquent en partie certaines réactions négatives à l'égard des réseaux.

      Colloques internationaux et congrès divers peuvent utiliser les réseaux pour faciliter leur préparation et ainsi accroître la portée de l'évènement. Signe des temps, un colloque italien sur la santé mentale par exemple, est présenté aussi en anglais, dans le but évident d'attirer des participants internationaux. Loin de se substituer aux communications face à face, les réseaux contribuent à intensifier les besoins pour mieux prolonger des discussions amorcées par le courrier électronique ou les forums.

      Par l'articulation étroite et rapide qu'ils assurent entre la publication et la communication, les réseaux permettent à toutes sortes de groupes de rassembler, concentrer et organiser en quelque sorte, de l'information essentielle dans divers sites puis de les faire vivre et évoluer au fil de débats et discussions entretenus par des informations et des forums. Poser la question grave et douloureuse du sida donne la possibilité à des individus profondément menacés dans leur être et leur existence- même de chercher la meilleure information possible, de trouver les meilleures manières de traiter tel cas particulier de cette terrible maladie, voire d'exercer un regard critique sur le comportement de leurs médecins. Dans cette voie, le réseau au dire de certains malades eux-mêmes (exemple de l'automutilation ou cutting) , est devenu cet environnement merveilleux où ils peuvent s'entraider, échanger leurs histoires personnelles, trouver des conseils etc... sans condition de catégorie sociale. Communautés des malades. Collaboratoires des chercheurs. Encore une fois, concernant la médecine, on ne peut que souhaiter déboucher sur une plus grande humanité des soins et des traitements. Elle passe par la domination de techniques parfois surpuissantes, simples outils.

      1.2. Quelle différence y a-t-il entre les sites médicaux et les autres e- enseignes ?

      On constate une explosion des créations de start- up Internet en France dans le secteur médical.

      Beaucoup de dossiers circulent dans le capital-risque. Mais il faut bien comprendre que ce secteur avec ses nombreuses particularités, ne peut fonctionner comme un secteur marchand classique. D'abord sur le créneau strictement professionnel, Business to Business (B2B), le médecin n'est pas réellement habitué à payer. Information, congrès... les labos pharmaceutiques financent presque tout. En ce sens on se rapproche du Business to Consumer (B2C). Tous les sites professionnels ou grand public dont le modèle se fonde sur le contenu, doivent vivre essentiellement avec la publicité ou le sponsoring sur un marché somme toute limité.

      Avec le e- commerce il faut compter avec d'autres spécificités. Le médicament n'est pas un produit banal. Sa prescription, son commerce et son transport sont réglementés. Il est interdit d'expédier un médicament par la poste. Par ailleurs les pharmacies sont tenues de fournir les médicaments dans les six heures. Le e- commerce ne peut donc guère jouer sur une livraison rapide. Le portage à domicile ne peut concerner que quelques populations ciblées comme les personnes à mobilité réduite. La commande on line, à condition d'aller chercher ses produits à la pharmacie pourrait satisfaire certaines populations comme les personnes atteintes de maladies chroniques. Les lois visant à limiter le déficit de la Sécurité sociale ou freiner le développement de l'automédication encadrent encore un peu plus le marché. Tout ceci peut changer mais dans ce secteur les évolutions ne sont jamais rapides. En attendant, les nouveaux entrants doivent avoir les moyens financiers de tenir.

      Espérer vivre sur la vente de parapharmacie n'est pas non plus évident. Le marché est bien plus réduit que celui du médicament de prescription. Et dans ce cas la concurrence s'élargit aux sites de e- commerce classiques par exemple ceux de la grande distribution. Enfin le "client", là plus qu'ailleurs, doit être en confiance, ce qui suppose établie la légitimité des marques, par exemple celle du Vidal pour l'information et des équipes. Pour ces raisons, les créneaux pour les start- up sont assez étroits et les créateurs ne peuvent espérer s'abstraire totalement de l'implication d'acteurs plus traditionnels comme les assurances par exemple.

      1.3. Plus concrètement, voici ce que peut être le surf médical d'un patient éclairé :

      Muni d'une connexion Internet, d'une bonne connaissance de l'anglais et d'un solide bon sens, tout patient atteint d'une grave maladie voire chronique a désormais la possibilité de dépasser son angoisse en surfant, et peut entrer en relations d'autres malades, leurs familles, des praticiens et des soignants parfois très éloignés etc.

      Par exemple un bilan de santé ayant révélé des anomalies biologiques, le patient ressort de chez son généraliste avec une ordonnance d'échographie du foie et de sérologie HVA, HVB, HVC, HIV et cytomégalovirus. Le résultat d'analyse est sibyllin : "Anticorps anti-hépatite C (réactif ortho 3ème génération et réactif murex) : recherche positive (la recherche de l'ARN viral par biologie moléculaire peut-être indiquée). Son médecin lui dit alors : "Vous allez appeler le professeur Thierry Poynard, à la Pitié. Il ne vous donnera un rendez-vous que dans quelques mois. Il n'y a pas de risque à court terme, mais il vaut mieux être soigné par une équipe de pointe. On va sans doute vous faire une biopsie du foie et vous proposer un traitement par interféron. "L'information essentielle reste à délivrer : "L'hépatite C est une maladie qui évolue sur le long terme, elle se termine dans 25 % des cas par un carcinome hépatique suivi d'un coma d'environ trois mois et la mort".

      Le patient prend immédiatement rendez-vous à la Pitié et, en attendant les trois mois requis, décide d'utiliser sa connexion Internet pour essayer d'en savoir plus. En interrogeant votre moteur de recherche favori, il arrive sur le site "Euroliver" où il apprend que ce virus est à simple brin, de polarité positive, d'environ 9 400 nucléotides, qu'il mesure de 50 à 60 nm de diamètre et que son poids moléculaire est de 4 106 daltons. Lorsqu'il lit que le virus code pour un grand polypeptide de 3 010 ou 3 011 acides aminés, et qu'il comporte au moins six génotypes, il regrette probablement de ne pas avoir suivi d'unité de valeurs de biologie à l'université. Un autre site, du département de l'énergie américain, explique tout ce qu'il faut savoir sur l'ADN, le génome humain, la manière dont un virus agit. Certes, la lecture est ardue, mais elle vaut la peine. Le patient commence à entrevoir les techniques liées à l'ADN recombinant, et il découvre une sorte de bibliothèque en ligne contenant un très grand nombre d'articles de revues médicales professionnelles. Cela lui donne l'idée de taper le mot clé "Poynard" : le professeur avec lequel il a rendez-vous publie beaucoup sur cette maladie et dans les plus grandes revues. En quelques jours le patient a découvert ce qu'était cette maladie et quel était le protocole de consensus pour la soigner. Il décide alors d'avoir le point de vue de ses collègues, les malades. Premier point qui inquiète : la biopsie du foie. En fouinant un peu sur un site de Geocities, il apprend que cet examen "de routine" provoque un décès sur 10 000 actes pratiqués et que dans 1 à 5 % des cas, on souffre d'une douleur dans le bras gauche comparable à celle provoquée par un infarctus du myocarde. Il découvre ensuite un excellent site canadien, tourné vers le grand public, puis le site dédié à l'hépatite C du centre des maladies infectieuses d'Atlanta, qui le tient au courant des dernières évolutions, en complément du site de l'American Liver Foundation. Il trouve enfin une liste de discussion sur cette maladie, ce qui lui permet de dialoguer avec ses collègues d'infortune, d'apprendre les trucs qu'ont les uns ou les autres pour diminuer les effets secondaires du traitement, de se soutenir le moral. Il peut alors convaincre son généraliste de lui prescrire un génotypage du virus et une PCR quantitative. Fort de sa toute nouvelle érudition, il se permet de lui dire qu'il s'agit d'une reverse PCR qui utilise comme amorce la région 5' non codante du génome.

      Lors de son rendez-vous à l'hôpital, le médecin lui explique ce qu'il sait déjà. Et il peut lui glisser : "Ne pensez-vous pas que, dans le cas d'un génotype 1B, l'interféron d'Amgen donne de meilleurs résultats que l'alpha-2b ?", montrant ainsi qu'il a longuement étudié le sujet, qu'il veut s'en sortir, et qu'il ne croira pas n'importe quoi. Il peut alors discuter, d'égal à égal serait très prétentieux, de la meilleure approche thérapeutique pour son cas. Il en profite pour demander la morphine avant la biopsie et pas après.

      Actuellement encore, le malade ne parlant pas ou insuffisamment l'anglais n'aura malheureusement pas accès à toutes ces informations. Et, sans doute plus grave, l'utilisateur d'Internet qui n'a pas le réflexe du journaliste de vérifier ses sources va tomber sur des sites décrivant des traitements qui, au mieux, s'affirment plus efficaces que le protocole de consensus, au pire promettent une guérison à 100 % avec un traitement inconnu.

      L'Internet et les réseaux sont en passe de révolutionner la médecine, obligeant les médecins à se recycler pour ceux qui ne le feraient pas, sous la pression des malades, qui peuvent désormais suivre en direct une conférence de consensus, qu'elle ait lieu à Paris, Montréal, Washington ou Tokyo. Restera un grand effort d'éducation à entreprendre, pour, afin de distinguer le plus efficacement possible le vrai du faux, expliquer à nos enfants que ce n'est surtout pas parce qu'ils l'ont vu sur Internet que c'est vrai.

      Il faut constater tout d'abord la diversité des sources et la croissance exponentielle de la quantité d'informations médicales disponibles en ligne, qu'elles proviennent de sociétés privées, des patients eux-mêmes ou des associations de malades, des professionnels de santé, d'organisations non gouvernementales, d'universités ou de centres de recherche, d'organismes gouvernementaux etc.

      "Internet et les réseaux redéfinissent les rapports entre les acteurs de la santé. En réaction aux excès du système américain du "managed care" qui limite l'accès aux soins, il se produit un changement de rapport de force au profit du consommateur, et l'hégémonie de la connaissance médicale s'estompe". Internet par exemple permet en effet d'accéder à des renseignements sur des maladies précises, des conseils de prévention et d'hygiène de vie dans des domaines tels que la diététique ou la nutrition, des informations sur les traitements et les médicaments, sur les médecines alternatives, et les recherches de services du type "à quel spécialiste s'adresser ?". Les patients mieux informés, poussent leurs médecins à accroître la qualité de leurs prestations. La plupart des sites de santé sont gratuits et offrent un accès à l'actualité médicale, aux journaux et aux bases de données, même si de plus en plus de nouveaux services payants se développent.

      Les Etats-Unis ont également pris quelques longueurs d'avance dans ce qu'il est convenu d'appeler la télé médecine. L'un des objectifs des hôpitaux américains est d'atteindre via Internet des patients américains isolés, et certains testent des procédés de prise en charge dans les zones rurales des pays en voie de développement. Plus d'une douzaine d'hôpitaux américains sont engagés dans des projets internationaux de télé médecine pour vendre des interventions à distance (télé diagnostic, télé formation, télé chirurgie), une façon d'exporter leur savoir-faire et de rentabiliser leurs ressources humaines et technologiques. Les limites de cette technologie sont celles de la bande passante et de la qualité de service. En France, la télé médecine repose encore à ce jour sur l'échange restreint, limité à un nombre de participants bien définis, de données cliniques confidentielles qui passent par des réseaux fermés. Le problème de la confidentialité des données fait figure d'épouvantail. Néanmoins les protocoles Internet sont en train de s'imposer jusque sur ces réseaux très fermés, et de toute évidence la télé médecine est appelée à se généraliser.

      1.4 Internet et les réseaux peuvent-ils rendre malade ?

      1.4.1 L'avis des psychologues :

      Selon une enquête présentée par l'Association américaine des psychologues, menée auprès de 18 000 internautes, 6% d'entre eux seraient dépendants au point de mettre leur santé et leur vie sociale en péril... Un chiffre à prendre avec mesure selon des spécialistes français qui estiment à un ou deux pourcent le nombre de cyberdépendants. Ce qui signifierait que 50 000 à 100 000 personnes en France seraient des "drogués" du Net.

      Pour le docteur Kimberly S. Young, la connexion abusive peut être considérée comme une drogue, à l'instar des jeux d'argent ou de hasard pour les joueurs pathologiques, et une personne qui passe plus de quatre heures par jour à surfer ou à discuter sur la Toile devrait consulter son médecin... ce devrait donc être le cas de bien des apprentis hackers...

      Mais passer de nombreuses heures sur le réseau n'est pas forcément signe de dépendance. Ce qui est grave c'est de ne pas savoir se déconnecter et de continuer à surfer au détriment de sa vie sociale, des repas, du sommeil ...explique Dan Véléda qui a travaillé sur le sujet avec le Docteur M. Hautefeuille, directeur du service Enseignement Recherche en toxicomanie à l'Hôpital Marmottan à Paris.

      Il y a pathologie lorsque l'on est continuellement préoccupé par le réseau, que la durée de connexion a tendance à augmenter et que la personne est incapable de résister ou de mettre un terme à sa conduite.

      Il devient possible de parler de dépendance, sans drogue, dès qu'une personne ressent un manque quand elle se trouve dans l'impossibilité de pianoter sur son clavier. Une toxicomanie qui se signalerait chez l'accro par une perte de la notion de temps et d'espace, un état dépressif avec des crises d'angoisse ou encore une grosse nervosité.

      Les personnes susceptibles de se faire piéger ont généralement des problèmes socio-affectifs, relationnels et se présentent en marge de la vie réelle. Elles trouvent un moyen de fuir le monde tout en se créant des relations via les groupes de discussion qui permettent de communiquer anonymement ou non, d'effacer ses complexes et de se forger, pourquoi pas une nouvelle identité.

      Face aux millions d'informations qui sont offertes, le réseau a la particularité de provoquer un sentiment de fascination et de perte de contrôle voire d'impuissance chez l'utilisateur. Ainsi celui qui surfe sans but précis pour fuir la réalité ou simplement par curiosité aura tendance à naviguer d'un site à l'autre de longues heures. Certaines études montrent que la dépendance est souvent accompagnée de plusieurs conduites dépendantes : les joueurs pathologiques ont tendance à se retrouver dans des casinos virtuels, tandis que les acheteurs compulsifs dépensent leur argent sans compter en se procurant tout ce qu'ils voient d'intéressant. La vente en ligne dans ce cas, par son aspect virtuel pousse à la consommation car elle donne l'impression qu'il suffit de laisser son numéro de carte de crédit.

      Les dépendants du sexe ("sexoliques") quant à eux disposent d'un nombre incalculable de sites pornographiques, dont les menaces policières et les avertissements médiatiques ne suffisent pas à enrayer les développements.

      1.4.2 Nouvelle maladie, vraie dépendance aux nouvelles technologies :

      Comme les drogues, les nouvelles technologies de l'information et de la communication (ntic) renvoient des stimuli visuels et auditifs. Quand on dépasse les limites d'une utilisation normale, il s'agit d'une conduite addictive. La dépendance ne s'évalue pas au nombre d'heures passées à utiliser les ntic. Les utilisateurs sont dépendants quand ils n'arrivent plus à résister à leurs impulsions. Ils passent de plus en plus de temps face à leur écran ou au bout du fil jusqu'à se couper du monde réel. Le monde virtuel s'y substitue alors parce qu'il apparaît plus facile à vivre et à supporter que la réalité. Bien sûr, ils ne s'en rendent pas compte et n'estiment pas être dépendants. Cela cache une autre souffrance, solitude, vide affectif, dépression, frustrations, troubles du comportement etc. ces personnes ne parviennent pas à construire leur identité psychosociale et sont à la recherche d'un échappatoire à la réalité. Le remplacement du réel par le virtuel est, pour elles, la seule manière de vivre. Dès qu'elles se sentent mal ou seul, elles se plongent dans leur cadre virtuel, univers poli, protecteur, rassurant.

      A l'utilisation, ces outils peuvent donner un sentiment de toute-puissance; Internet donne l'illusion de pouvoir connaître le monde entier, d'être entendu par tous, d'être partout à la fois; les jeux vidéo nous mettent aux commandes d'aventures incroyables où l'on ne risque rien; le portable, avec certains forfaits, permet de s'appeler des nuits et des week-ends entiers pour ne rien dire. Cela rassure d'avoir le téléphone en main, de "communiquer". On a l'impression d'être occupé, de contrôler son univers, qu'il est immense et sa vie. La perte de contact avec le réel est alors le risque le plus important. Aux Etats-Unis et au Canada, certains dépendants, qui ont laissé de côté leurs responsabilités pour s'adonner à leur drogue, ont perdu leur travail et leur famille. Pour régler le problème, il faut que l'individu devienne un patient et qu'il prenne conscience de sa souffrance afin de la traiter avec l'aide de professionnels."

      2. Recherche et communication à base de réseaux via des médias :

      2.2.1. Par les réseaux, les chercheurs entrent dans l'ère du calcul partagé :

      La question des "collaboratoires" se développe depuis plusieurs années, autre manifestation de la montée de l'intelligence distribuée. Parallèlement, un ensemble d'universités américaines et canadiennes ont créé entre elles un réseau à très haut débit, dénommé Internet II.

      Par ailleurs, les nouveaux méga- projets scientifiques, du télescope Hubble, en orbite autour de la terre, il émet une quantité impressionnante de données que tout astronome peut ensuite consulter grâce au réseau, au génome humain, en passant par la télé- détection, reposent sur la transmission de quantités énormes de données.

      Technologies de l'esprit, les réseaux permettent de rêver de nouveaux besoins engendrant de nouveaux services, puis technologies techniques ils ne font que se hausser au niveau de ces nouveaux besoins. Le maillage toujours plus dense entre chercheurs transforme aussi mode et signification des communications scientifiques.

      L'édition électronique de recherche croît rapidement. Des revues comme Surfaces (de l'Université de Montréal), paraît depuis 1991 sous forme exclusivement électronique mise à disposition via les réseaux. Les revues numérisées, par leur évolution, peuvent aussi bien libérer l'information savante que la limiter à de petites élites scientifiques très riches, très select. Côté technique pure, les besoins de traitement et de stockage de données scientifiques connaissent une croissance exponentielle dans de nombreuses disciplines comme la physique des particules, la biologie ou les sciences de la Terre. Le CERN de Genève qui prépare la mise en service en 2005 de Large Hadron Collider LHC est à l'initiative du projet européen de grille de calcul DataGrid. Il vise à mettre en synergie tous les ordinateurs de laboratoire afin d'utiliser leur potentiel inexploité. Cet "Internet du calcul" pourrait être étendu aux entreprises et aux particuliers. Les réseaux de transmissions à très hauts débits existent déjà. Il reste à concevoir des outils logiciels pour coordonner toutes les ressources disponibles. Le partage des tâches entre une myriade de postes de supercalculateurs constituent pour les chercheurs deux voies complémentaires et doit faire naître des modes et des styles de collaborations, de cybercollaborations. Ici naissent les "collaboratoires". Les physiciens, les biologistes et les spécialistes des sciences de la Terre, dont les besoins de traitement de données explosent, misent sur l'interconnexion de milliers d'ordinateurs professionnels ou personnels.

      Mot d'ordre : "Processeurs de tous les pays, unissez-vous ! "

      C'est le mot d'ordre que viennent de lancer des chercheurs de l'université d'Oxford. Ils espèrent constituer une chaîne d'un million d'ordinateurs dont chacun aura pour tâche d'analyser la structure en trois dimensions d'une centaine de molécules susceptibles d'agir contre le cancer. Ce sont ainsi 250 millions de molécules par an qui pourraient être passées au crible. Pour participer à cette première en matière de recherche médicale, il suffit de télécharger un programme sur un site (www.ud.com).

      Cette forme d'internationalisation rejoint celle qui unit dans une toute autre quête les trois millions de volontaires engagés dans le programme SETI@home, avec l'espoir de décrypter sur leur personal computer un signal extraterrestre (Le Monde 7 février 2001). Deux exemples qui illustrent la montée en puissance du concept de calcul partagé dont le CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) de Genève est l'un des plus fervents promoteurs. Cet organisme où est déjà né, au début des années quatre-vingt-dix, la Toile, pour les besoins de communication des chercheurs, est aujourd'hui au coeur d'un nouvel et non moins ambitieux projet de réseau : la Grille. Il s'agit cette fois de mettre en commun les moyens de traitement et de stockage des données par le truchement d'une grille de calcul ou DataGrid.

      2.2.2 Désormais, il est possible de travailler à temps perdu :

      Comme toute bonne idée, celle-ci est d'une simplicité biblique. Elle repose sur le fait que le web, s'il permet d'échanger des messages et des fichiers à la vitesse de la lumière, d'ordinateur à ordinateur, n'utilise qu'une très faible partie des capacités de ces derniers. Pourquoi, alors, ne pas tirer parti de leur mémoire et de leur potentiel de calcul, en les faisant travailler à temps perdu pour la science ?

      Rien d'étonnant à ce que le temple de la physique des hautes énergies qu'est le CERN soit à la pointe du projet. "Pour les physiciens l'enjeu est vital, assure le responsable du programme DataGrid. D'ici quelques années nous aurons à traiter des volumes de données d'une telle complexité qu'un centre de calcul traditionnel n'y suffirait pas. Il en va ni plus ni moins de la possibilité de continuer à faire de la physique des particules, par exemple.

      Les chercheurs genevois ont en ligne de mire la mise en service en 2005 si tout se déroule comme prévu, du Large Hadron Collider LHC : un anneau géant qui prendra le relais du Large Electron- Positon Collider en cours de fermeture, et qui constituera alors le plus puissant accélérateur de particules du monde. Ils espèrent y mettre en évidence l'existence de l'énigmatique boson de Higgs, à l'origine de la masse des autres particules de l'Univers, et percer le secret des particules antisymétriques.

      Les quantités phénoménales de résultats expérimentaux qu'ils auront à gérer donnent le vertige : "Au LHC des paquets de protons entreront en collision 40 millions de fois par seconde au coeur d'énormes détecteurs engendrant le déluge de données équivalent à celui de vingt conversations téléphoniques simultanées de chaque habitant de la planète", compare le CERN.

      On entre grâce au réseau dans un autre univers, ici, celui de l'infiniment petit. Le réseau- technologie de l'esprit nous sert à tâter l'inconnu, à l'organiser à notre connaissance, comme outil à bâtir le futur. De cet infiniment petit comme de celui de son infiniment grand, variation- oscillation des échelles, zooming minutieux dirigé par la science.

      2.2.3 C'est l'avènement des "Pétaoctets" :

      Chaque année la moisson de données nouvelles se chiffrera ainsi en "pétaoctets", millions de milliards d'octets, un octet étant un ensemble de huit informations élémentaires, dont le traitement exigera la puissance cumulée de calcul de 100 000 ordinateurs personnels et dont le stockage nécessiterait s'il était centralisé une montagne de cd-rom haute comme 40 Tours Eiffel.

      D'où le souhait des physiciens européens de répartir l'exploitation et la conservation de ces données entre une multiplicité de centres de recherche interconnectés.

      "La Grille offrira une puissance de calcul et des capacités de stockage quasiment illimitées puisque toutes ses disponibilités pourront être mobilisées en cas de besoin", décrivent les concepteurs du projet.

      "De plus l'utilisateur accèdera à ces ressources aussi facilement qu'il se branche sur le réseau électrique". Le chercheur qui lancera un calcul depuis Genève, Cambridge, Karlsruhe ou Orsay n'aura même pas à savoir où est localisé l'ordinateur qui l'exécute (a- territorialité du réseau).

      L'idée d'une telle distribution des tâches n'est en réalité pas tout à fait nouvelle. Si elle prend corps aujourd'hui, c'est parce que les besoins scientifiques explosent, mais aussi parce que le support technique existe ou est en bonne voie (hauts débits). En outre, la recherche semble s'être mise à l'abri d'une commercialisation à outrance telle que celle qui est reconnue à Internet après ses développements dans le grand public.

      2.2.4. Il est essentiel de sécuriser l'accès :

      Il faut ensuite des moyens de calcul et de stockage : les "noeuds" de la Grille. Or ceux-ci sont légion puisque tous les calculateurs des centres de recherche, tous les ordinateurs de laboratoires et toutes les bases de données ont vocation à être interconnectés. Le maillage pourrait même s'étendre, imagine un responsable du projet, à des entreprises, à des banques ou à des services publics. Ainsi l'imagerie médicale, à commencer par les banales radiographies, va-t-elle produire une pléthore de documents numérisés, qui doivent être archivés tout en restant immédiatement accessibles aux médecins.

      Pourquoi ne pas aller plus loin en élargissant la Grille aux ordinateurs domestiques ? Il reste à développer des outils logiciels qui assureront la synergie de ces multiples noeuds. Il s'agit à la fois de contrôler et de sécuriser l'accès au réseau, sous peine que sa formidable puissance de calcul ne soit par exemple exploitée par des hackers pour casser des clés de décryptage, et de mobiliser au mieux ses ressources. Ce qui demande des protocoles de communication, des systèmes d'analyse des requêtes et de répartition des tâches, des dispositifs de redistribution en cas de panne locale...

      Les Européens ne sont bien sûr pas seuls à travailler à la mise en place d'une grille de calcul. Plusieurs projets similaires existent aux Etats-Unis, à l'initiative de la NASA notamment, et au Japon. A terme, toutes ces grilles sont appelées à être connectées entre elles, ou du moins connectables. Ne serait-ce que parce que les grands instruments scientifiques sont de plus en plus internationaux, comme il en va pour le futur accélérateur du CERN dont les américains sont partie prenante. En attendant de pouvoir y observer les premières collisions de protons, les physiciens ont d'ailleurs prévu de tester le principe de la grille en commençant par les centres de calcul de Lyon et de Stanford (Californie).

      C'est un premier pas vers l'ubiquité de la Grille.

      Les physiciens ne sont pas les seuls à s'intéresser au calcul distribué. D'autres disciplines très gourmandes en ressources informatiques sont elles aussi directement concernées. C'est le cas de la biologie et en particulier de la gênomique. Chaque nouvelle séquence de gène vient en effet grossir des bases de données dont la taille double tous les six mois, au niveau mondial, tandis que la modélisation en trois dimensions des protéines fait une consommation pantagruélique de temps de calcul. C'est également le cas des sciences de la Terre qui amassent une quantité astronomique de mesures réalisées aussi bien par des satellites d'observation que par des capteurs terrestres ou des balises océanographiques et qui font appel à des modèles de simulation numérique d'une complexité extrême. Un nouvel idéal est né un peu partout pour les chercheurs : celui porté par la possibilité de traiter de gigantesques, plus que titanesques volumes de données.

      2.2.5 L'organisation de la recherche doit s'adapter au monde des réseaux :

      Par exemple dans le milieu Internet, le prototype doit sortir rapidement et faire l'objet d'un suivi allant jusqu'aux produits, alors que le milieu de la recherche française vénère plutôt la seule publication comme résultat de la recherche. En France, on préfère partir dans une recherche sur des modèles théoriques bien formalisés, pour lesquels les chercheurs français sont très forts, plutôt que sur des applications. On respecte aussi le découpage du Comité national des universités plutôt que la pluridisciplinarité. On n'apprécie guère le business, et on a un faible pour les sciences dures plutôt que pour les sciences de la société. Notre culture de recherche académique et les organisations qui l'accompagnent ont encore besoin d'être adaptées afin de mieux répondre aux besoins créés par les déferlements des réseaux de communication, car dans la réalité, il ne suffit pas d'augmenter le financement d'un projet comme celui de l'Internet nouvelle génération, d'y ajouter du capital-risque et de favoriser la création d'entreprises par les chercheurs pour s'améliorer.

      Philippe Jorand, directeur de recherche au CNRS, et rattaché au laboratoire Leibniz de l'Institut d'informatique et mathématiques appliquées de Grenoble (IMAG), écrit :

      "On a bien sûr imaginé des remèdes pour prévenir le risque d'enfermement académique et disciplinaire. L'un d'eux consiste à rendre plus immédiatement palpables les retours de la recherche vers la société. C'est ainsi que nos chercheurs sont invités à s'engager dans des travaux dont la pertinence est évaluée en termes de débouchés sociaux et industriels, nécessairement appréciés sur le court terme. Etant donné l'évolution des ntic et leur pénétration dans les actes de tous les jours, dans les services, dans la production et sur le marché, ce point de vue utilitariste sur le recherche publique n'est pas sans justification, surtout s'il s'agit d'y faire participer la recherche en informatique. Mais le poids de ce critère ne doit pas faire oublier sa nécessaire compatibilité avec la primauté d'une visée scientifique à long terme".

      Il souligne également avec raison qu'une sorte d'autisme est créé, entretenu entre autre par le fait que nos élites politiques et administratives, celles qui décident de retenir tel type de recherche plutôt que tel autre, sont généralement ignorantes des réalités scientifiques. C'est ce qui conduit par exemple à ballotter périodiquement l'informatique à chaque changement de gouvernement, entre science et technologie. Premier pas vers le tautisme des chercheurs obligés de trouver refuge sur des îlots du savoir.

      Lors des rencontres d'Autrans en janvier 2000, a été lancé le Cyber-Institut, qui a pour but le développement du savoir sur le fonctionnement et les usages du cyberespace.

      Bien plus qu'une territorialité ou une a-territorialité, c'est une véritable géographie des réseaux qui se met en place et dont les plans complexes et précis devront être maintenus, attestant de la vie du système, où l'on voit se constituer des réseaux de réseaux et les interconnexions entre eux.

      2.2.6 Concrètement, exemple du téléguidage opératoire d'instruments :

      Vers le milieu de l'année 1999, des chercheurs du Centre national de microscopie et de recherche en imagerie, à San Diego en Californie, sont parvenus à faire fonctionner à distance le puissant microscope électronique de Centre de recherche pour la microscopie électronique à ultra haut voltage d'Osaka au Japon? Le pouvoir pénétrant de cet appareil permet d'étudier des structures tridimensionnelles qui seraient impossibles à déceler par d'autres moyens.

      Ce microscope constitue un parfait exemple d'instrument que l'on peut partager grâce aux réseaux à haute performance. Pourquoi les équipes d'Osaka et de San Diego ont-elles pu collaborer ? Parce que le réseau de la recherche japonaise IMNET a été connecté au réseau à haute performance américain, grâce également à une liaison entre Tokyo le noeud d'interconnexion américain Star Tap (Science, Technology and Research Transit Access Point). L'application a notamment utilisé un flux vidéo numérique.

      Le principal lien du Japon vers les Etats-Unis a été fourni par le consortium Transpac, dans le cadre d'un projet conduit par l'université de l'Indiana et les réseaux avancés Asie- Pacifique APAN, avec le support de la NSF aux Etats-Unis et de l'agence pour la science et la technologie japonaise.

      Comme toute expérience innovante, il va s'en dire que celle-ci n'a pas fonctionné dès les premières tentatives. Pour surmonter les difficultés de l'exercice et ajuster les paramètres au cours de l'opération, il a fallu rassembler les compétences des spécialistes de la microscopie, à San Diego et Osaka, et de la technologie des réseaux. Coopération et coordination au-delà des différentes cultures, soutenues par un but commun.

      VIII. Pays en retard de développement, communication, médias à base de réseau :

      1 Un exemple, l'Afrique tisse une toile disparate :

      Rappelons tout d'abord que prés du tiers de l'humanité vit avec moins de 1 dollar par jour (source association ATD Quart Monde), et que en France la couverture maladie universelle concernerait actuellement environ 5 millions de personnes (journée mondiale du refus de la misère oct 2001).

      La vague d'expansion des réseaux a atteint l'Afrique. Là-bas, certains pays tentent de prendre ce train en marche, mais la disparité entre les différents Etats s'aggrave. On reste loin de l'utilisation individuelle et les enjeux actuels sont plutôt l'accès au forum international et l'accélération des communications pour dynamiser les économies.

      La situation se retrouve très diversifiée. Certains pays comme l'Afrique de Sud, le Maroc ou le Sénégal ont pris une réelle conscience des enjeux. D'autres pays sont beaucoup plus en retard, et si tous les pays africains sont aujourd'hui connectés, il s'agit encore parfois d'une seule liaison à faible débit pour l'ensemble du pays, et, dans la plupart des cas, le débit des liaisons internationales par satellite est relativement très faible.

      En proportion, pour dix mille postes connectés dans les pays industrialisés, il en existe un seul dans les pays en voie de développement. De plus, jusqu'à présent les initiatives venaient des pays du nord, et si elles ont eu des effets positifs, elles ont eu aussi les inconvénients des modèles importés : l'intégration locale, le transfert des technologies associées n'ont qu'insuffisamment été pris en compte.

      A ce jour encore et faute de noeuds d'échanges régionaux, les communications entre les pays africains transitent souvent par les réseaux des opérateurs du Nord. Un message envoyé du Sénégal vers la Mauritanie passe ainsi par la France ou même par les Etats-Unis. Cependant, une phase nouvelle d'appropriation des technologies avec une floraison de fournisseurs d'accès dans la plupart des pays du sud semble avoir pris son essor.

      Les infrastructures terrestres et le coût de certains matériels restent sans doute des handicaps majeurs. Il faut se rappeler qu'en moyenne, en Afrique, on compte moins de une ligne téléphonique pour cent habitants, alors que dans les pays développés on en dispose généralement de trente-deux.

      Certains analystes affirment que ce retard peut au contraire s'avérer être un atout. En effet, les technologies sans fil permettent de déployer un réseau moderne et bien adapté à l'Afrique et à ses différents pays, ceci à un coût bien moindre que celui des infrastructures précédentes, ce qui serait vraiment une chance pour se placer dans l'espace des échanges internationaux. Malheureusement bien peu des pays de ce continent s'en saisiraient jusqu'à présent.

      Les problèmes rencontrés sont multiples.

      Tout d'abord, dans la plupart des Etats les produits importés sont fortement taxés. Toute proportion gardée, l'équipement d'un malien est probablement vingt fois plus onéreux que celui d'un français et combien de fois moins performant.

      Deuxièmement, les législations sont parfois complètement inadaptées, voire inexistantes, et un monopole strict est occupé par l'opérateur historique ; cette situation s'avère le plus souvent particulièrement bloquante, d'autant que, sans concurrent, il n'innove pas.

      Troisièmement, on note partout, sauf exception notoire, l'absence de formations supérieures en technologies de l'information, ce qui, entre autres, semble être à la source d'une fuite des cerveaux vers les pays du Nord, aussi parce que les perspectives financières y paraissent plus faciles et meilleures.

      L'Afrique souffre donc d'un réel déficit d'expertise pourtant nécessaire à l'intégration des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les contextes économiques locaux, et à la création d'applications adaptées.

      Quatrièmement, les régimes politiques sont plus ou moins enclins à la libre circulation des informations. Des pays comme le Maroc, le Kenya et le Sénégal s'ouvrent ; d'autres tels l'Algérie, la Lybie ou le Niger reste particulièrement fermés voire autoritaires dans leur régime. Le Sénégal, par exemple, a supprimé les taxes sur les matériels informatiques importés et développe son infrastructure de télécommunications tout en offrant des formations de bon niveau à ses étudiants. A Dakar a même été envisagée une structure d'assemblage d'ordinateur personnel.

      Actuellement encore les enjeux sont d'adapter les interfaces et les services au contexte africain, afin de favoriser l'accès au particulier qui reste jusqu'ici plutôt rare. Il est nécessaire de développer l'usage des messageries électroniques utilisant plutôt l'oral que l'écrit, parce qu'un fort taux d'usagers potentiels est peu alphabétisé. Il faut également multiplier les télé centres qui sont des structures communautaires de proximité qui ont fait leurs preuves dans l'usage du téléphone et du fax, en leur permettant d'offrir services Internet et compétences.

      A plus court terme c'est le fonctionnement de chaque pays qui pourrait changer, l'objectif étant de gagner du temps dans les communications, car la lenteur actuelle des échanges, elle-même due au manque d'infrastructures telles que routes et postes, paralyse en partie le système tout en le rendant peu compétitif. Réduire les délais est crucial pour certains secteurs de l'économie. Par exemple, pour la Compagnie Malienne du textile. C'est la première entreprise de son pays, et elle déploie Internet dans ses divers centres afin d'optimiser sa gestion et le suivi des récoltes.

      C'est un secteur où la demande est très forte, et pour lequel l'Afrique représente un marché pour des services Internet adaptés.

      Il est nécessaire également de créer, un organisme africain, comme il en existe ailleurs dans le monde, capable de fédérer les activités Internet au niveau du continent ainsi que d'informer et de former les acteurs locaux.

      Il est hélas évident qu'Internet n'est pas l'entité la mieux distribuée du monde et sur le plan mondial, et que les Etats-Unis continuent de dominer le scène mondiale avec la moitié environ des utilisateurs et surtout un mainmise importante sur la recherche et les développements.

      Le ralentissement de la croissance suivi d'un début de récession dans ce pays reflète probablement l'approche du point d'inflexion que rencontre tout processus naturel de croissance, là où les contraintes dues à la croissance deviennent significatives par rapport aux facteurs la favorisant.

      Dans le cas des Etats-Unis, la croissance doit maintenant si possible s'effectuer dans des couches moins favorisées de la population américaine, une situation aidée en partie, mais pas complètement, par la baisse du prix des ordinateurs et de la bande passante.

      L'étude quantitative de la Toile révèle par ailleurs un phénomène assez extraordinaire : après plus de six ans, elle demeure largement ouverte à tous et même largement gratuite.

      Le monde francophone n'y constitue qu'un petit îlot et il faudrait peut-être se poser bien des questions à cet égard. En effet, la France se compare plus à l'Europe du Sud qu'à celle du Nord, et le Québec ne doit sa place forte en francophonie qu'à sa localisation nord-américaine. En revanche, il ne se compare pas favorablement, tant s'en faut, au reste du Canada et aux Etats-Unis. Faut-il y voir le signe de quelque tension entre les civilisations francophones et le Réseau ?

      Dans certains pays, l'accès dit "universel" renvoie en fait à une accessibilité partout sur le terrain, à condition de répondre aux conditions du marché. Dans les pays riches, les politiques d'accès se fraient un chemin ambigu entre les tyrannies du marché et le service public. D'où ces stratégies empruntées au modèle du transport en commun. Celui-ci est censé corriger les inégalités engendrées par une possession inégale des voitures. Des bornes gratuites d'accès sont ainsi placées à la disposition du public, souvent dans les bibliothèques, parfois plutôt dans des écoles. Par ailleurs, l'inégalité devant la technologie n'est pas née avec l'Internet ou les réseaux : la moitié de l'humanité au moins n'a jamais eu l'occasion de donner un seul coup de téléphone, encore moins de prendre l'avion. Il faut observer également que les causes majeures de la mauvaise santé de la population échappent presque totalement au pouvoir des scientifiques, plutôt liées qu'elles sont aux conditions de vie, à la pauvreté, aux inégalités devant les soins, à l'archaïsme des moeurs.

      Concernant les nouvelles technologies dans ces zones du monde, il faut une approche plus pragmatique qui mettent en évidence le manque de personnel qualifié et de financement, les carences des infrastructures et l'absence d'un environnement législatif cohérent, et qui cherche des solutions dans chacun des cas. L`impact des ntic, qui restent le chaînon principal du processus de la mondialisation, se mesure aussi par la création de milliers de petits emplois techniques souvent précaires, aux formations improvisées, certes, mais au fort potentiel. Il se peut même que se trouve ainsi la possibilité d `engendrer un retournement profond des économies concernées.

      IX. Régulation, éthique, législation, droits d'auteur, cyber criminalité :

      1. La difficile mise en route d'une législation pertinente :

      Les millions d'informations et de connaissances mises sur les réseaux presque sans aucun contrôle encore actuellement, ne sont pas naturellement justes, objectives et honnêtes, dépourvues d'erreurs, de rumeurs, de désir volontaire ou non de nuire ou de mentir. La protection de l'information, dans le respect des libertés d'expression reste un enjeu fondamental de la communication via les réseaux. Il ne suffit pas par exemple que des informations circulent vite pour que les sciences avancent plus vite et plus sagement. Et l'équilibre à obtenir entre le libre arbitre et ce que la loi régente est difficile à trouver.

      L'idée d'une croissance sans limite de l'information est utopique, et la question de la saturation de l'information fait aussi partie des problèmes de la croissance des réseaux. Pour une utilisation habituelle sur mots- clés d'un moteur de recherche, il devient par exemple très dérangeant d'obtenir une grande quantité de réponses dont la plupart sont iniques au besoin. Trop d'information(s) tue l'information. Il y a une limite stricte au rapport entre information et action.

      La régulation est indispensable et passe par l'éducation citoyenne comme par la mise en place de structures et de processus adaptés aux nouvelles possibilités de comportement. Il faut une extension de la notion de citoyen et de citoyenneté comme il existe désormais une extension de l'espace public.

      En Droit, par ailleurs, le contrat traduit la ou les égalités entre les parties (personnes physique ou morales, entreprises...), et de façon générale, les procédures de médiation sont en train de se développer. Ces dernières permettent de ne pas aller en justice et de résoudre les conflits. Le médiateur est là pour assurer la relation, tandis que judiciarisation et victimisation apparaissent souvent comme des manifestations de la forme perverse de l'individualisme de notre société dans laquelle la norme est devenue de gagner, de performer, de réussir. Cette idéologie moderne fait en sorte que tout ce qui vient écorner pose en situation de victime et qu'il devient alors impératif de demander réparation. Pourtant, il ne faut pas se le cacher, dans le malheur il y a toujours une part d'irréparable et de l'inexplicable. La justice, c'est son rôle, reste mobilisée face à l'injustice, et en ultime recours le procès est là pour comprendre ce qui s'est passé. La médiation devrait, peut permettre petit à petit d'apprendre à se tromper, à identifier, prévoir, mesurer et gérer les risques.

      D'autre part, si l'on considère par exemple le "droit à l'image", on s'aperçoit que les gens ont de plus en plus compris que ce peut être un moyen de se faire de l'argent. En cette matière il existe cependant un réflexe d'autolimitation, et c'est également un développement, un usage tout naturel du citoyen.

      Le réflexe d'autolimitation, relève plutôt de la foi, d'avoir une éthique personnelle afin de prévenir les débordements, mais aussi de la déontologie d'un corps de métier par exemple comme celui des journalistes.

      Dans une société à la fois conformiste et pour laquelle la transparence est une règle d'or, le "politiquement correct" impose également quelques notions difficilement contournables et qui dicte encore souvent les conduites, pas de risque, propreté c'est impératif, pas de problème insoluble ou non résolu... La communication c'est l'information donnée, tandis que l'information elle-même c'est l'information cherchée.

      1.1. L'UNESCO lance un Observatoire international sur la société de l'information et sur l'info-éthique :

      L'Observatoire couvre les législations, plans de travail, stratégies et politiques approuvés officiellement qui gouvernent les activités institutionnelles, nationales et internationales sur le Web dans les domaines suivants :

      La mondialisation de la société de l'information grâce à une transformation de l'éducation et du comportement, visant à promouvoir une société plus ouverte quant au partage des ressources et des informations, de nouvelles pratiques de collaboration et de travail en groupe, de nouveaux outils cognitifs et la multiculturalité ;

      La protection trans-frontière des données privées, en particulier concernant les mineurs, protection contre toute atteinte à leur vie privée, contre les comportements agressifs et contre un usage incontrôlé des données personnelles ou du retraitement des données transactionnelles. Ceci comprend la vie privée à travers les frontières, le commerce électronique et la cryptographie.

      La qualité, la sécurité, l'authenticité des contenus de l'information circulant sur Internet et les réseaux,

      ce qui nécessite l'élaboration d'instruments juridiques (lois, accords internationaux, etc...) et d'instruments autorégulateurs (codes de conduite, règlements professionnels, etc...) relatifs aux contenus de l'information et de leur harmonisation aux niveaux nationaux et internationaux ; y sont inclus les questions relatives au droit de propriété intellectuelle, aux droits des auteurs et à la violence sur les réseaux.

      L'accès à l'information comme droit fondamental de l'homme (incluant la promotion de l'accès au domaine public mondial de l'information, la promotion du multilinguisme, la mise à disposition des informations gouvernementales pour de nouvelles formes de gouvernance, l'étude des politiques nationales de l'information et des politiques tarifaires des opérateurs internationaux, la diffusion des informations à des fins éducatives, scientifiques et culturelles).

      Innovant radicalement dans le sens de la démocratie, la gouvernance d'Internet désigne les acteurs impliqués dans l'administration des deux ensembles constitués d'un réseau d'une part et du Web d'autre part. Elle inclut deux organisations qui rassemble le gotha de l'industrie mondiale et une partie du monde académique. Produit d'une histoire compliquée et controversée, elle est appelée à se transformer pour apparaître plus clairement comme une autre émanation de la communauté du Net. Cette notion marque l'apparition d'une nouvelle forme symbolique, et appliquée au cas des réseaux est à rapprocher de nouvelles formes administratives débouchant sur la mise en place possible de gouvernements d'entreprises. En outre, l'observatoire est conçu comme un milieu interactif dans lequel les utilisateurs sont encouragés à contribuer par leur information.

      Par ailleurs, Interpol (organisation internationale de la police criminelle) est un organisme international chargé de surveiller les réseaux. Quelques exemples de biens sombres types, réseaux de voleurs de voitures, réseaux de la drogue, toile d'araignée de la mafia, réseaux terroristes de tous horizons, réseaux pédophiles.

      1.2. La propriété, le droit d'auteur, le "capital symbolique" :

      Droit d'auteur : Défini internationalement par la convention de Berne en 1886, le droit d'auteur repose sur le principe de la propriété inaliénable, par le biais de la protection du droit moral, les droits patrimoniaux étant cessibles. Une création, qu'elle soit musicale, picturale, littéraire, cinématographique, journalistique, n'appartient théoriquement qu'à son auteur. Les montants et les modalités de sa rémunération sont ensuite fixés par les différents partenaires, créateurs, diffuseurs, sociétés gestionnaires de droit, Etats, etc. Au copyright anglo-saxon, où un créateur peut céder par contrat la jouissance de son oeuvre à un tiers, les pays latins, dont la France, préfèrent la stricte application du droit moral.

      L'imprimé a beaucoup facilité l'expression de l'individualisme moderne. L'auteur, par exemple, en dépend, comme en dépend aussi le sujet juridique. Le dépassement de la tradition orale en droit dépendait de l'écriture, mais l'établissement d'une véritable jurisprudence autre que locale n'était guère praticable avant l'imprimé. Or, la numérisation couplée à un réseau de portée planétaire bouleverse ce contexte.

      Un oiseau numérisé ne connaît pas de cage pourrait-on dire, et ce simple aphorisme inquiète beaucoup. En effet, comment contrôler la circulation économique d'un document numérique ? Modifié sans difficulté, aisément copié et reproduit, il est accessible partout (ou plus exactement il semble accessible partout et est accessible de partout). Comment retraduire le droit d'auteur dans le monde numérisé, là où tout document semble destiné à participer à une immense dérive constituée de recyclages successifs.

      Et que faire dès lors de l'auteur ?

      En fait, les réseaux, tels Internet, jettent un défi d'envergure aux figures classiques de l'individualisme en multipliant les situations où l'opposition entre individu et collectif apparaît en porte-à-faux. Le nouvel individualisme qui semble se développer dans le cyberespace paraît plus fondé sur la capacité de construire et entretenir un système de distinctions à l'égard d'autres individus que sur la possession de propriétés (dans tous les sens du terme). Les phénomènes associés aux logiciels dits "libres" constituent un exemple frappant d'une production gérée de façon distribuée par ces nouvelles formes d'individualités recherchant la distinction symbolique plutôt que la propriété directe et, au plan économique, l'insertion dans des flux de services plutôt que la production d'objets définis. En contribuant librement à des éléments de programmes, le nouvel individu choisit de privilégier le "capital symbolique", principe distinctif emprunté à Pierre Bourdieu. Par là, ce nouvel individu peut espérer atteindre le capital tout court. Nobles et bourgeois fondaient leur distinction sur leur richesse ; dans le cyberespace, il semble que l'équation s'inverse : on ne peut prétendre devenir riche que si l'on se distingue et la distinction s'évalue par un processus d'évaluation par les pairs, comme c'est le cas en science.

      Diderot appelait le talent "la noblesse de l'esprit" et Beaumarchais créateur en 1777 de la première société de protection des droits d'auteurs, cherchait à lui accorder des privilèges analogues à ceux de la noblesse proprement dite. Le droit d'auteur visait à créer un domaine mental aussi inaliénable au regard de la loi qu'un domaine constitué de bosquets et de prairies. Le copyright, dans la tradition littérale anglaise fondée en grande partie sur le common law (la "jurisprudence"), vise à accorder les mêmes possibilités à l'individu de talent. Droits d'auteur et copyright ont été longuement peaufinés, au terme de longues et savantes tractations, débats et combats, pour établir un équilibre judicieux entre les intérêts de l'individu créateur et ceux du public. Cet équilibre ne repose pas que sur des termes légaux, il dépend également d'un contexte technique qui pèse sur l'ensemble du dispositif légal, par exemple en avantageant la protection. Or l'inverse se produit avec la numérisation et les réseaux, fragilisant ainsi tout l'édifice du droit d'auteur.

      Fruit d'une longue lutte contre l'ordre féodal, la notion moderne de propriété, d'abord attachée surtout à la terre, s'est progressivement étendue à divers domaines jusqu'à atteindre ce que l'on appelle la propriété intellectuelle.

      L'Organisation mondiale de la "propriété intellectuelle" incarne la pointe extrême de ce mouvement. Issue à l'origine de la notion d'individu souverain opposée à celle de sujet, la propriété intellectuelle reflète souvent de nos jours les intérêts d'immenses ensembles financiers.

      Un standard numérique comme MP3 facilite la circulation de pièces musicales dans les réseaux et, à ce titre, menace les formes classiques de la propriété intellectuelle dans le domaine musical.

      Les droits d'auteur survivront-ils à Internet ? Les auteurs survivront-ils à Internet ? Même en Europe les états sont divisés sur la nécessaire défense de ces droits et la France qui en est partisane reste finalement très isolée. Pourtant Viviane Reding, commissaire européen chargée du dossier admet que si on ne fait rien, on peut aller à la catastrophe. C'est ce qui s'est passé avec la musique sur Internet par la multiplication des copies pirates. Il faut, d'après elle, absolument éviter de refaire la même chose avec le livre ou le film.

      Le refus du droit d'auteur implique un jugement de valeur plus vaste sur la nature de l'oeuvre elle-même. La valeur d'une oeuvre devient liée à son potentiel de communication et d'ouverture. Moins que jamais, c'est le contenu qui compte au profit de la capacité de la forme à se déployer.

      Les textes qui circulent sur Internet, censés être porteurs du "savoir mondial", sont de plus en plus fragmentés, pour répondre aux exigences de l'interactivité, et de moins en moins référencés, tendance qui semble se reporter également sur les auteurs issus du milieu des ntic qui n'hésitent plus à écrire un livre tout entier dans lequel l'influence directe de nombreux auteurs est bien visible, sans pratiquement aucune citation, référence ou note.

      1.3. Valider la qualité des informations, défendre les droits d'auteur, trouver un nouveau souffle avec le haut débit :

      Le rappel des vertus fondatrices de la presse et du journalisme occupe les débats des éditeurs de quotidiens et de magazines qui veulent montrer leur différence face à la concurrence effrénée depuis l'arrivée et le développement des ntic en réseaux notamment, et la constitution de géants mondiaux de la communication.

      Il a même été proposé une charte de déontologie pour les sites de presse, une sorte de label de qualité garantissant "l'existence permanente de la véracité des faits, d'une information honnête (...) et d'un engagement d'indépendance à l'égard des pouvoirs". Les éditeurs ont dressé la liste des risques qu'encourent leurs entreprises dans ce nouvel environnement.

      La plupart d'entre eux ont surmonté la crainte d'une "autocannibalisation" qui verrait la diffusion des journaux s'effondrer au fur et à mesure que croît l'audience. Certains sont désormais persuadés du contraire : parfois les quotidiens n'ont jamais atteint un tel niveau de ventes alors que les sites associés attirent plusieurs millions de visiteurs par mois. En outre le poids des marques reste fondamental pour valider la qualité de l'information.

      1.4. Nouveaux géants de la communication :

      Quand il n'est pas frontalement attaqué au nom du profit maximum, le droit d'auteur l'est insidieusement. Ses détracteurs y voient une barrière bureaucratique à la liberté des réseaux.

      Ils souhaitent sans aucun doute la mise en place d'une vaste manne à valeur intellectuelle ajoutée, où pourraient puiser, gracieusement ou à moindre frais, les nouveaux géants de la communication, qui sont désormais tout à la fois producteurs, concepteurs et diffuseurs, en France, le CSA et le ministère de la culture se sont émus des dangers potentiels de certaines grandes alliances.

      L'idée que la révolution.com sert à mettre à bas les archaïsmes de l'ancienne économie pousse à une vision désolante de l'auteur : écrivain, compositeur, parolier, cinéaste, vidéaste, peintre, photographe, etc..., sont considérés comme des pourvoyeurs de contenus pour 'tuyaux' gourmands.

      2. Législation concernant les droits d'utilisation, les droits d'auteur, les usages abusifs...

      Face à l'entrée massive de nouvelles techniques dans le grand public, de nouvelles formes de criminalité apparaissent comme c'est déjà le cas avec le réseau Internet. Des hackers par exemple ont attaqué quelques uns des sites les plus célèbres et les plus performants tels Yahoo ou e-bay (site d'enchères), en les bombardant de milliers voire de millions de messages ce qui a rendu momentanément impossible les communications. A chaque fois le FBI malgré la grande compétence de ses enquêteurs, a beaucoup de mal à localiser l'origine de ces offensives de grande ampleur.

      En France, le Service d'Enquêtes sur les Fraudes aux Technologies de l'Information (SEFTI), tient désormais lieu de dispositif de surveillance et de cyberpolice à l'encontre des "technobandits".

      En matière de criminalité, il est bon de se rappeler également les problèmes liés à l'exploitation illicite du cybersexe, ou de toute prétendue médecine. En France par exemple, contrairement aux Etats-Unis, la vente en ligne de médicaments reste illicite et prohibée par le Conseil de l'Ordre.

      D'un pays à l'autre, les lois contrôlant le droit d'expression varient énormément. Les Etats-Unis, en vertu du premier amendement de la Constitution et de la Liberté d'expression, tolèrent, par exemple, le négationnisme, illégal ailleurs. En revanche, les casinos virtuels inquiètent beaucoup les autorités américaines, parfois plus que celles des autres pays. Or la censure se révèle difficile à appliquer sur les réseaux, quel que soit leur type, sauf à utiliser des moyens draconiens incompatibles avec la vie en démocratie. La transmission de paquets par radio se joue des frontières. La capacité de crypter et de communiquer se généralise.

      C'est par le réseau Internet que la compagnie soviétique Relcom a pu contourner le KGB lors de la tentative de coup d'Etat contre Mikhaël Gorbatchev en août 1991. C'est par le même réseau également que le sous-commandant Marcos a pu faire passer des messages sur la révolte des Chiapas en dépit de l'étau gouvernemental mexicain. Les réseaux du grand banditisme international utilisent ponctuellement d'autres réseaux comme le web pour communiquer plus discrètement en incluant par exemple du texte dans les images d'un ensemble de sites obtenus par recherche sur mot-clé. Un micro-ordinateur doté d'un modem semble désormais aussi dangereux pour un Etat qu'une division blindée, plus peut-être, mais Napoléon disait des choses analogues des quotidiens.

      A la suite des attentats qui ont eu lieu aux Etats-Unis, en France par exemple, où le grand public reconnaît désormais le mot "hacker" et l'associe au pire de l'Histoire, le Sénat vient de confirmer des mesures exceptionnelles telles que la surveillance possible du courrier électronique afin de permettre une sécurité accrue du territoire par un arrêt des agissements suspects.

      Reste, pour le lecteur, à valider ces messages. Cette question, certes difficile, renvoie plus à la conception d'une éducation adaptée aux réalités du cyberespace qu'à la constitution d'un corps de médiateurs patentés.

      Problématique voire impossible, la volonté de réglementer a néanmoins permis d'identifier un élément vulnérable : le fournisseur de service. Dans plusieurs pays dont la France, des jugements ont commencé à assimiler ce dernier à un éditeur plutôt qu'à un simple transporteur ; il se retrouve ainsi responsable au moins en partie, des contenus que ses clients décident de placer dans leur site.

      Attaquer le fournisseur de service ne suffit pourtant pas à faire disparaître les documents litigieux : ainsi les photos d'Estelle Halliday nue, placées dans un site d'Alterne, ont conduit à une condamnation de ce fournisseur par une cour française (se reporter Conf 1 en annexe dans laquelle intervient un des juges de l'affaire citée), mais les photos demeurent disponibles ailleurs dans le monde et, par simple effet de publicité, se sont multipliées. Une législation limitant trop efficacement les fournisseurs de service d'un pays conduira simplement à un transfert des sites litigieux vers des contrées plus laxistes, entraînant ainsi une perte totale de contrôle et une perte partielle de revenus.

      "Un fournisseur de services télématiques bloque l'accès à des sujets désignés comme pornographiques" :

      ce titre du New York Times relate la tentative de censure des documents pornographiques qui circulaient sur CompuServe, un des plus importants fournisseurs de connexions en Allemagne. Ce geste parait dérisoire pour plusieurs raisons. D'abord, si l'accès direct à un site où se trouvent placés des documents jugés indésirables est interdit, un accès indirect est toujours possible. Ensuite, ces documents sont placés dans des forums bien identifiés, qui jouent le rôle d'"abcès de fixation". Une répression mal conçue pourrait donner lieu à l'irruption soudaine de ces documents dans les forums les plus innocents. Enfin, aucun système de surveillance ne peut prétendre contrôler des documents faciles à déguiser et cryptés. Et puis, tous les travers restent possibles voire usités. J'ai moi-même reçu sur un site personnel hébergé aux Etats-Unis, des photos extraites d'une bande dessinée pédophile qui à l'évidence (mais il faudrait une expertise judiciaire et engager une procédure qui le prouve) ne pouvaient que refléter des modèles réels. Que faire alors ?

      Produire de la musique sous forme numérique ne change rien à la nature juridique de ces documents. Mais le droit d'auteur dépend du contexte institutionnel, technique et éthique dans lequel il tente de fonctionner, et aussi des conditions de son applicabilité. Quand la multiplication des copies et leur circulation s'effectuent pour un coût minime, discrètement, loin de la surveillance et de la répression, on peut se poser quelques questions sur la pertinence du droit d'auteur. L'ordre numérique vise à déplacer radicalement l'imprimé et ses extensions, parmi lesquelles se retrouve le droit d'auteur ; ce qui signifie qu'il va subir des transformations radicales dans les décennies qui viennent.

      Sur fond de révolution technologique, c'est en fait une véritable révolution économique et juridique qui est en train de voir le jour, notamment au travers de la montée en puissance du format d'enregistrement de sons MP3. Un format qui s'est imposé en quelques mois comme le standard de la transmission de musique sur les réseaux. A l'origine, il s'agit d'un simple procédé de compression qui, en réduisant douze fois la taille des fichiers, économise de l'espace sur le disque dur des ordinateurs et réduit les temps de téléchargement. Les fichiers MP3 garantissent en outre une excellente qualité de son à la différence des procédés comme Real Audio destinés à la diffusion de sons en continu.

      Résultat, il est possible de trouver, sans se déplacer, des milliers de titres musicaux et de télécharger sa chanson préférée en quelques minutes. Sur réseaux le choix des morceaux devient très rapidement phénoménal, et l'engouement ne cesse de se développer.

      D'après les responsables du moteur de recherche Lycos, MP3 est le second terme le plus demandé après "sex". Par ailleurs Lycos met à disposition un service destiné uniquement à la recherche de fichiers MP3, qui compte plus de 500 000 titres indexés dans ses pages. On voit même apparaître particulièrement en Asie des disques composés uniquement de tels fichiers.

      Formidable opportunité pour les consommateurs de musique, ce système est aussi une catastrophe pour les producteurs. A commencer par les éditeurs de musique, les producteurs de disques et les musiciens eux-mêmes, car habituellement la diffusion de musique répond à des règles. Seuls les détenteurs de droits d'une musique peuvent décider de la distribuer ou non. Devenu de plus en plus populaire, le MP3 est aussi utilisé de manière illégale pour mettre en ligne les oeuvres d'artistes sans demander leur autorisation ni acquitter les droits qui s'y rattachent.

      En France où le régime du droit d'auteur prévaut, le problème est d'autant plus crucial. Le salaire du musicien et de l'auteur provient en majorité de la diffusion de son travail. Or la plupart des chansons disponibles sur les réseaux sont des enregistrements pirates. Certains sites n'hésitent même pas à vendre en ligne des oeuvres qui ne leur appartiennent pas.

      Une véritable escroquerie qui enrichit les pirates et prive de leurs revenus les auteurs, les producteurs, les techniciens et tous ceux qui ont participé à la création et à la réalisation de ces chansons.

      En 1999, les spécialistes estimaient que 10 à 15 millions de CD enregistrables vendus en France étaient en fait utilisés à des fins de recopie de musique pour diffusion et revente illégales, ce qui représenterait prés de 10 % du marché français évalué à 140 millions de disques vendus pour un chiffre d'affaires de 7,6 milliards de francs.

      Dépassés par ce raz de marée parti d'Internet, les producteurs de disques, les sociétés d'auteurs ainsi que les associations d'artistes sont de plus en plus préoccupés par la copie illégale et la diffusion de musique sur le Net, qui se traduit à la fois par le manque à gagner et par une entorse aux droits de propriété intellectuelle.

      3. Arrivée des nouvelles technologies de l'information :

      La question semble se résoudre à un problème de financement de ces technologies et de mise en place d'une régulation (ce qui ici empiète quelque peu sur le § suivant), plus personne ne mettant en doute semble-t-il que tout problème technique qui se pose sera de toute façon résolu en y mettant les moyens.

      3.1 Séance de QUESTION à l'Assemblée du 29/03/2001, concernant les développements des technologies UMTS et les attributions et gestion des licences aux opérateurs de marché :

      "Les problèmes des télécommunications ne sont pas seulement des problèmes de services à mettre au point et de réaction des consommateurs, des problèmes de la seule technologie dure elle-même. Ce sont aussi par exemple pour l'affectation des fréquences, la gestion des autorisations / régulations qui viennent des organismes internationaux à l'égard desquels le gouvernement de chaque pays impliqué ne peut avoir qu'un rôle de relais et de coordination."

      3.2 Un autre acteur, Marc Tessier, pdg de France Télévision 29/03/2001 :

      "Fin 2002 verra le début officiel, en association aux chaînes publiques, de la technologie numérique; ce sera gratuit. Trois nouvelles chaînes publiques seront mises en service, dont une chaîne d'information, une de rediffusion et une dédiée au sport. Pour les voir, il faudra un téléviseur numérique comme ceux qui sont vendus actuellement en Angleterre, en Espagne, en Suède etc.. en bien sûr en France dans quelques mois."

      3.3 En France, le gouvernement donne le coup d'envoi à la société de l'information :

      Très attendu, le texte du projet de loi sur la société de l'information (LSI), souvent évoqué sous le nom de "loi Internet" , doit servir de cadre à l'ensemble de l'activité sur la Toile en France, notamment en matière de commerce électronique. après les ultimes arbitrages menés entre Matignon, Bercy, la Place Beauveau, la Chancellerie, ainsi que le ministère de la culture et de la communication, une version quasi-définitive a été signée le vendredi 30 mars 2001 par le secrétaire d'Etat à l'industrie chargé de piloter le projet.

      L' objectif est, aux yeux des concepteurs du texte, avant tout d'instaurer la "confiance" entre les utilisateurs de la Toile et ses différents acteurs. "Nous pensons que le droit peut être un facteur de confiance pour les utilisateurs actuels et futurs d'Internet", précise-t-on dans l'entourage du secrétaire d'Etat. Mais, pour mieux protéger les internautes, le gouvernement n'a pas voulu créer une construction juridique entièrement nouvelle. "Nous avons préféré prendre le droit tel qu'il est et l'appliquer à Internet", explique-t-on à Bercy. "La LSI n'est pas un nouveau code, nous faisons tout simplement entrer Internet dans le droit". Une large partie du texte, au demeurant, est constituée par la transposition de directives européennes, notamment celles du 4 mai 2000 sur le commerce électronique.

      Plusieurs institutions ont été saisies de ce texte, sur lequel elles doivent donner leur avis, consultatif : Autorité de régulation des télécommunications (ART), Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA), Conseil supérieur du service public des postes et télécommunications (CSPTT), Commission Informatique et Libertés (CNIL), Commission consultative des Droits de l'Homme (CCDH). Le Conseil d'Etat a de son côté mis en chantier l'étude de ce projet. Le texte a finalement pu être adopté avant la fin de la législature.

      Le projet LSI comporte, concernant le commerce électronique, des dispositions très concrètes qui devraient réduire les risques des transactions sur la Toile. La procédure de validation d'un contrat électronique prévoit ainsi un "accusé de réception" sous la forme d'un "double-clic", afin de protéger l'utilisateur des mauvaises manipulations.

      Deuxième innovation quant au "spamming", activité qui consiste à inonder les internautes de publicités non-sollicitées : les usagers pourront à leur gré s'inscrire sur une liste rouge ou liste d'opposition, qui sera gérée collectivement par les opérateurs.

      Par ailleurs, les collectivités locales, municipalités et conseils généraux, pourront investir dans les réseaux à haut débit, capables de transporter des données. La loi leur imposait jusqu'à présent d'apporter la preuve de la carence de France Télécom avant de pouvoir prendre une telle initiative.

      Après avoir un vif débat entre les différents ministères intéressés par le projet, le principe, fondamental pour le développement du commerce électronique, de la liberté d'usage des moyens de cryptologie, qui permet d'assurer la confidentialité des transactions sur Internet, a été adopté. La peur qu'éprouve le consommateur à l'idée de confier son numéro de Carte Bleue à la Toile est l'une des raisons pour lesquelles le secteur se développe lentement.

      Le texte intéresse également d'autres activités non marchandes, sur Internet. Il prévoit par exemple une adaptation à la Toile de la procédure du dépôt légal, qui devrait être confiée aux organismes qui en ont actuellement la charge, à savoir l'Institut National de l'Audiovisuel (INA) et la Bibliothèque Nationale de France (BNF). Par ailleurs, il détermine le rôle des autorités de régulation, tout en précisant qu'il n'y a pas à réguler a priori les communications en ligne. Comme prévu en règle générale, c'est l'ART qui est compétente pour traiter les problèmes liés à l'utilisation d'Internet. Le CSA a cependant obtenu le droit de regard demandé par son président, Dominique Baudis. Le gendarme de l'audiovisuel est par exemple désigné compétent concernant les services associés à un contenu audiovisuel fourni en ligne. Cette disposition concerne entre autres les sites Internet des chaînes de télévision.

      4. Directives et législation européenne :

      Il est devenu nécessaire et urgent de trouver des solutions aux problèmes qui se posent concernant les auteurs. C'était déjà le sens du message qui avait été communiqué par les chanteurs pendant la cérémonie des Victoires de la musique en 1999, et la démarche d'une délégation d'artistes, conduite par Nana Mouskouri et Jean-Michel Jarre, qui a remis une pétition au Parlement Européen pour demander une loi qui leur garantirait le droit exclusif d'autoriser ou d'interdire l'utilisation de leurs oeuvres sur le Net notamment. Le Parlement Européen a finalement adopté, le 10 février, un projet de directive protégeant les droits des artistes dont les oeuvres sont diffusés sur les réseaux comme Internet. Le principe : étendre la législation existante sur les droits d'auteur et des droits voisins aux nouvelles technologies de la communication, et notamment, là encore, à Internet. Ce texte a normalement été ratifié dans les semaines suivantes par le Conseil des ministres de l'Europe.

      Mais surtout, les professionnels de la musique appellent de leurs voeux des solutions techniques qui empêcheraient les copies sauvages. En attendant le Ministère de la Culture a proposé une solution transitoire prévoyant une rémunération sur la copie numérique. Les producteurs qui considèrent que cette compensation sera minime demandent que la période de transition soit la plus brève possible.

      "Dès que nous avons repéré un serveur qui propose des fichiers de musique, indique un membre du Directoire de la Sacem, nous envoyons à son créateur un message électronique lui demandant de cesser sa diffusion. S'il n'obtempère pas nous lui envoyons un nouveau message plus menaçant puis nous nous adressons au service qui l'héberge. Ce système marche plutôt bien jusqu'à présent. Mais il y a aussi le cas des services en ligne et des sites qui souhaitent utiliser légalement des morceaux de musique pour enrichir leur contenu. Dans ce cas, nous leur proposerons des tarifs au forfait ou en fonction des recettes."

      Les sociétés d'auteurs travaillent aussi sur une sorte de plaque d'immatriculation des oeuvres, l'"International Standard Work Code", qui permettrait d'identifier un morceau et de suivre sa trace sur n'importe quel type de support. Comme un filigrane, ce code sera incorporé aux oeuvres numériques sans qu'il soit possible de le retirer. Les copies ne pourront être réalisées qu'après versement des droits qui s'y rattachent.

      Reste à résoudre le problème de l'internationalisation de ce procédé. Face à la menace MP3, l'industrie du disque cherche aussi une alternative placée sous son contrôle. Avec différents acteurs de l'informatique et de la communication, les éditeurs et les producteurs de musique ont ainsi lancé l'initiative SDMI ou Secure Digital Music Initiative, initiative de protection de la musique numérique, qui doit notamment développer un standard d'enregistrement impossible à pirater.

      La responsabilités des contenus créés sur Internet crée un vrai casse-tête juridique. Entre juin 1998 et février 1999, le nombre de sites créés sur Internet en France a été multiplié par dix. Sur 2,2 millions de français abonnés à un fournisseur d'accès, nombreux sont ceux qui utilisent les services de ce dernier pour créer leurs propres pages web. Ils deviennent ainsi de véritables éditeurs de contenus, sans être conscients des responsabilités que cela engage. Cette nouvelle liberté d'expression entraîne la multiplication des plaintes. L'AFA par exemple, Association des Fournisseurs d'Accès et de services Internet reconnaît, par la voix de son président également dirige du fournisseur d'accès Infonie, que son association sert quotidiennement de médiateur pour régler des problèmes à l'amiable.

      "Quand une personne morale ou physique estime subir un préjudice, elle s'adresse à l'AFA, qui prend contact avec le fauteur de troubles".

      Autre exemple, le responsable d'Altern, un hébergeur de sites Internet, confirme qu'il reçoit pratiquement une plainte par semaine. Il en étudie la pertinence et fait retirer le contenu litigieux si la plainte est justifiée. Mais, dans de nombreux cas, il ne peut se prononcer et attend donc une enquête de police pour révéler les informations techniques qui permettent de lever l'anonymat de l'auteur.

      Lorsque les avocats veulent obtenir des dommages et intérêts pour leurs clients, ils assignent les prestataires techniques (hébergeurs de sites ou fournisseurs d'accès). Ces derniers font figure de cible idéale puisqu'ils forment la partie la plus facilement localisable de la Toile. Tout le problème est de savoir si ces prestataires techniques peuvent être tenus pour responsables des contenus qu'ils hébergent.

      Le 10 février 1999, la décision de la Cour d'appel de Paris condamnant Altern à 405 000 francs de dommages et provisions pour avoir laissé diffuser des photos d'Estelle Halliday nue, a semé la confusion. "Pour cette affaire, les magistrats n'ont été saisis qu'en référé d'une procédure rapide qui ne leur permet pas juridiquement de trancher le fond de l'affaire", font remarquer Maîtres Francois Bloch et Martin Guichardon, spécialistes de la question au sein du cabinet Clifford Chance. Est-il souhaitable que les fournisseurs d'accès et autres professionnels d'Internet soient sanctionnés à la place des véritables auteurs afin de les forcer à contrôler ce qui se passe sur le Réseau ? s'interrogent les deux avocats.

      Cette décision n'a pas manqué d'encourager d'autres plaignants. "Au lendemain de la décision, la RATP et la Confédération Nationale du Travail CNT ont assigné Altern en référé auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris". S'estimant victime d'un site satirique hébergé par Altern, la RATP attaquait à la fois l'hébergeur et l'auteur. Toutefois le 22 mars 1999, elle s'est désistée de la procédure. Cependant, le 15 avril suivant, le tribunal de grande instance de Paris a dû juger en référé la plainte de la CNT contre un message diffamatoire diffusé sur un forum de discussion hébergé, là encore, par Altern.

      L'AFA a édité un code de conduite interne, texte rédigé à l'attention de ses membres et instituant les pratiques et usages en matière de réseaux, public notamment. Ce document prône l'autorégulation par les professionnels. Les condamnations contre les prestataires techniques pourraient conduire ces derniers à décider de ne plus offrir à leurs abonnés des pages personnalisées. En cas d'interdiction, les clients se tourneraient vers des fournisseurs d'accès étrangers, très difficiles à traduire en justice, et les professionnels français risqueraient d'être rapidement étouffés.

      Le gouvernement adopte en la matière une position attentiste :

      "La lutte contre l'illégalité sur les réseaux de communication ne peut se résumer à une action répressive : ce mode est trop décentralisé, trop international, pour que la réponse législative ou réglementaire de sanction a posteriori soit la seule ; il convient de la combiner avec l'autorégulation des acteurs, c'est-à-dire la participation active et préventive de ceux-ci au respect de l'Etat de droit sur les réseaux".

      La difficulté pour un professionnel d'Internet est d'avoir une connaissance précise de ses responsabilités au niveau juridique du fait de la multiplicité de lois susceptibles de s'appliquer", remarque Maître Guichardon. Plusieurs textes peuvent s'appliquer, suivant que l'on s'adonne au commerce électronique ou à la diffusion de contenus sur Internet.

      En matière d'édition de contenus, il y aurait deux régimes susceptibles de s'appliquer : la responsabilité en cascade et la responsabilité de droit commun.

      La loi de septembre 1986 sur la communication audiovisuelle a retenu le premier des deux, directement adapté du droit de la presse de 1881, qui prévoit une responsabilité automatique du directeur de la publication à défaut de poursuivre l'auteur du texte. Un tel régime est difficilement transposable dans le monde des réseaux car l'hétérogénéité des acteurs ne correspond pas au monde éditorial classique.

      Si la responsabilité en cascade est inappropriée, il reste celui de la responsabilité de droit commun. Il prévoit que nul n'est responsable que de son propre fait, et qu'il n'y a pas de crime ou de délit sans intention de le commettre. La recherche de la responsabilité doit donc se faire au cas par cas. Le juge doit remonter jusqu'à l'auteur de l'infraction. Dans l'affaire Altern, l'hébergeur a été considéré comme l'auteur, car il avait permis au véritable auteur de rester anonyme.

      Les professionnels veulent bien moraliser les pratiques sur Internet, mais ne souhaitent pas endosser toutes les responsabilités des multiples acteurs de la Toile, et aucune des catégories habituelles de la criminologie ne s'applique pour comprendre le comportement des pirates.

      Considérons les raids assez efficaces qui ont pris pour cibles début 2000* de grands sites comme Amazon.com et Yahoo!. Ces attaques n'ont pas pour objet de s'introduire dans les systèmes informatiques afin de capter des données confidentielles ou de les endommager. Aucun numéro de carte de paiement n'a été détourné ni aucun fichier confidentiel violé.

      Laure Belot et Enguérand Renault écrivent dans "Les attaques sur le Net ébranlent la nouvelle économie" Le Monde, 11 février 2000 :"Seul le culte actif de la transparence, de l'ouverture, de la suppression du secret explique de tels comportements (même si, bien sûr, de véritables délinquants, indifférents à cette mystique-là, opèrent sur le réseau et utilisent Internet comme un outil, de la même façon que les monte-en-l'air du début du siècle apprenaient la serrurerie)." Le piratage est bien la dimension secrète du culte de l'Internet et des réseaux, de cette culture de la transparence à l'infini. Mythique transparence.

      Les réseaux internationaux apparaissent comme des lieux privilégiés d'expression et de développement de la propagande raciste ou néo-nazie et des idéologies d'extrême gauche.

      Un site Internet peut être consulté partout dans le monde et c'est justement cette a- territorialité qui pose problème concernant la juridiction européenne par exemple.

      Même si le projet de convention sur la cybercriminalité est soumis rapidement à l'instance parlementaire, il reste ensuite à convaincre les différentes instances des différents pays concernés, car il n'existe pas de consensus ni d'accord à ce jour en ce domaine et chaque décision doit être répercutée au cas par cas.

      4. Engagement citoyen contre trivial lobbying :

      C'est bien cette cascade administrative, juridictionnelle, voire diplomatique qui à elle seule pose problème. Ne serait-ce que parce que, en matière de cybercriminalité, chaque iota de temps qui s'écoule peut être si précieux pour les victimes. Et la législature en elle-même est insuffisante sans un engagement citoyen et une discipline de base des usagers des réseaux. Les résultats passent en effet par leur éducation, par une pédagogie et une information constante pratiquée à bon escient ce qui rejoint le point de vue de Joël de Rosnay ( CONF 1 en annexe : Comment Internet et les nouvelles technologies modifient nos comportements, nos habitudes de consommation et notre vie citoyenne ? §B/ /Semaine Européenne des Ntic 2001, le point de vue des acteurs du marché.)

      Le Forum des droits de l'Internet en France a déjà fait couler beaucoup d'encre : rapports, pré rapports, articles de presse, contributions. Un haut fonctionnaire dissimulé sous le pseudonyme de Clisthène, s'est fendu d'une lettre pour dénoncer sous le titre "commerce et ordre", l'état d'esprit qui régnait sur la Toile autant que celui qui présidait aux destinées de la future loi sur la société de l'information.

      Alors, qu'en était-il de ce "cybermachin" à quelques mois de son envol officiel, auquel préside Isabelle Falque-Pierrotin, conseillère d'état ? L'intérêt général sera-t-il l'otage de la raison d'état ou de la logique marchande ? Telle était alors la question qui semblait se poser.

      "Ce ne sera pas plus un organisme de corégulation qu'une caisse de résonance d'intérêts catégoriels, précise la conseillère d'Etat. Pas une corégulation administrée, mais un lieu de réflexion citoyenne". Avec au programme, l'adaptation des règles et des usages aux spécificités de l'Internet et des réseaux. Les pouvoirs seront consultatifs et son statut associatif. Ses membres élus, une quinzaine probablement, seront issus de deux principaux collèges, "acteurs économiques et utilisateurs civils, sans aucun représentant de l'Etat". Les membres du Forum participeront à la création de la règle de droit, comme dans l'antichambre du législateur. "Ce qui requiert un engagement citoyen de la part des entreprises, et pas un trivial lobbying", à l'heure où la société française fait son e-révolution. En fait, il faut dissiper le malentendu, la corégulation est une méthode à ses yeux, une sorte de partenariat. "Un partenariat entre les acteurs publics tenants de la réglementation et les acteurs privés tenants de l'autorégulation." Il s'agira de réfléchir à ce que doit être le droit dans cet espace complexe qu'est le Net : privé et public, national et international.

      "C'est conformément au mandat confié par le Premier ministre que la présidence sera assumée. Et si ce forum est comme une petite entreprise, ce doit être en partenariat tous azimuts, autant avec l'Icann, l'ART, le CSA et la Cnil, qu'avec l'Afnic." La concertation doit obligatoirement avoir lieu afin de dissiper la crainte toute légitime que s'élabore, sans débat, un nouvel ordre public de l'Internet et des réseaux.

      Autre instance internationale d'importance, la Conférence du G8 qui le 15 mai 2000 a pris pour sujet la cybercriminalité, traitant des principaux thèmes suivants :

      1. Le 4 mai 2000, le virus dénommé 'I love you' a envahi le Réseau planétaire, polluant des centaines de milliers d'ordinateurs dans le monde.

      2. Les arnaques à la carte bancaire sont en hausse considérables, et montrent qu'il est devenu impératif d'améliorer la sécurisation de ce système.

      3. Désormais, les pirates s'introduisent couramment et presque sans difficulté apparente dans des systèmes économiques d'entreprises.

      Dans l'année 1999, par exemple ont été constatés 4000 cyberdélits graves ceci sans compter les manifestations de pédophilie, qui sans doute également parce que l'information "passe mieux" semblent beaucoup plus nombreuses que ce qu'il était jusqu'alors supposé.

      Parmi les objectifs du G8 :

      1. constater les phénomènes liés à la mondialisation, recenser les problèmes qui se sont déjà produits et en évaluer l'ampleur.

      Exemple : les dernières attaques telles celles à l'encontre de Yahoo! par les hackers.

      2. faire coopérer les cyberpolices; c'est un des chantiers internationaux prioritaires.

      3. protéger les sites essentiels et/ou stratégiques afin de conserver intacts leurs potentiels d'information et de communications.

      C'est bien sûr devenu une affaire de défense au sens où on l'entend par exemple en terme de Défense Nationale et de sécurité.

      C/ Conclusion : communication, au-delà du réseau, le vivant :

      La communication, par le biais des réseaux, implique et induit un tri sur le vivant.

      1 Le nouvel ordre numérique :

      La révolution induite par les technologies associées aux réseaux qui se mettent en place, appelle souvent les idées de liberté, de décentralisation, déstabilisation, bousculement des hiérarchies et la dite "société de l'information" apparaît comme de plus en plus porteuse de risques, de menaces pour nos libertés et nos droits, pour notre sécurité.

      Au regard et pour cet environnement, la notion d'ordre illustre :

      - le caractère structurant des ntic fondatrices d'un nouveau paradigme économique, mais aussi de nouveaux usages sociaux, culturels et politiques;

      - le caractère hiérarchisé de l'univers numérique dans ses dimensions économique, sociale et géopolitique, caractère auquel s'oppose la fluidité et la contestabilité de l'environnement numérique;

      - le caractère régulé, ou régulable, et la spécificité de cette régulation, qui par ailleurs constitue un véritable défi.

      1.1 La révolution numérique :

      Les grandes étapes technologiques de la révolution numérique sont connues :

      - Croissance continue de la puissance de traitement des ordinateurs, de la capacité de stockage et de la vitesse de transmission des données, accompagnée de la réduction tout aussi continue du coût et de la taille des équipements et de leur standardisation : ce sont la micro-informatique professionnelle puis grand public au cours de la décennie 1980.

      - Interconnexion des ordinateurs et développement des réseaux numériques, à la faveur de la généralisation du codage numérique et des progrès de la fonction de transmission des données : ici prend place le produit Internet et le Web au cours de la décennie 1990.

      A la généralisation du codage numérique s'attachent trois bénéfices majeurs :

      - L'information numérisée peut être stockée et transmise par des supports physiques très divers donc sur différents types de réseaux de communication : lignes téléphoniques, câble, satellite, réseaux à connectivité optique...

      - En outre, les données numériques peuvent être transmises et copiées quasi-indéfiniment sans perte d'information, grâce à la faculté de reconstituer facilement le message numérique;

      - L'information numérisée peut être traitée automatiquement, avec un degré de finesse quasi absolu, très rapidement, et sur une grande échelle quantitative.

      La révolution numérique est également la résultante de développements réglementaires et d'initiatives commerciales.

      Cette révolution est indissociable du mouvement de déréglementation et de libéralisation du secteur des télécommunications à l'échelle mondiale, engendrant une baisse significative des coûts, une concurrence croissante et de nouvelles offres de services. Côté développements commerciaux, la télévision payante et la téléphonie mobile.

      Manifestation la plus immédiate et la plus spectaculaire des ntic, la nouvelle économie recouvre trois significations :

      - en désignant, côté macro- économie, le caractère exceptionnel de la situation économique aux Etats-Unis depuis les débuts 1990, où une croissante forte et durable est associée à une inflation faible et un quasi-plein emploi ;

      - plus récemment, elle désigne pour les uns, le secteur formé par les industries de l'information et de la communication, et pour les autres elle renvoie à la transformation opérée dans l'ensemble du système économique, dans les modes de production et d'échange, par la diffusion des ntic notamment le phénomène Internet.

      Le chiffre d'affaire de ces industries représenterait aujourd'hui plus de cinq à six pourcent du produit intérieur brut mondial, pour l'essentiel entre les Etats-Unis, l'Europe et le Japon. Elles auraient contribué pour quinze pourcent environ à la croissance en France en 1998 (plus que l'automobile et l'énergie réunies).

      Principal moteur de la nouvelle économie, Internet est capable de dupliquer des pans entiers de l'économie réelle, en abolissant de surcroît la distance géographique, le temps et une partie des contraintes logistiques. Il permet aux entreprises aussi modestes soient-elles, d'avoir un accès immédiat et instantané à une clientèle planétaire tout en réduisant leurs coûts d'intermédiation et de gestion. Ceci rejaillit sur le réseau lui-même en en faisant un gigantesque marché virtuel et ininterrompu de dimension mondiale.

      Mots- clés : décentralisation, désintermédiation, déhiérarchisation, communication, participation, flexibilité, transparence ...

      1.2 Hiérarchies et nouvelle donne :

      Révolutionnaire, perturbateur, le numérique renforce les hiérarchies existantes mais porte en germe la capacité de les éroder. La problématique de la convergence numérique a engendré une restructuration profonde des industries de la communication, par voie de concentration horizontale, d'intégration verticale et d'alliances capitalistiques. La mondialisation de la demande nécessite l'obtention d'une taille critique et l'organisation d'une mondialisation équivalente de l'offre, qui renforce à son tour celle de la demande.

      D'importants investissements sont requis par le processus de numérisation et de mise à niveau des infrastructures en vue de véhiculer des services multimédias. Stratégies d'intégration verticale et/ou de concentration horizontale sur tout ou partie de la filière sont effectuées au nom de synergies réelles ou supposées.

      Une forte incertitude demeure sur les technologies et les applications commerciales susceptibles de s'imposer sur le marché. Est impérative la nécessité pour les opérateurs du marché les plus anciens de rattraper leur retard en s'emparant des start- up les plus innovantes, ce qui n'a rien d'évident.

      Les ntic sont des facteurs puissants de concurrence voire de déstabilisation des hiérarchies les mieux établies. Les économistes considèrent que le critère ultime du niveau de concurrence prévalant sur un marché est moins son taux de concentration en termes de parts de marché que son degré de "contestabilité" c'est-à-dire la mesure dans laquelle les nouveaux entrants peuvent concurrencer les acteurs déjà installés ou même remettre en cause leurs positions. Quatre facteurs puissants se conjuguent afin de maintenir l'économie numérique en état de contestabilité : la rapidité et la permanence de l'innovation, la substituabilité des réseaux et des supports résultant de la numérisation et de la normalisation, le démantèlement des barrières réglementaires à la concurrence, et la mondialisation des marchés et des acteurs.

      Assurant une avance confortable de cinq à dix ans sur le reste du monde, jusqu'à présent le leadership américain s'observe dans presque tous les domaines : domination de l'industrie informatique mondiale comme de celle des images, contrôle de l'infrastructure Internet et de son organisation, taux de pénétration des ordinateurs personnels et de connexion à Internet doubles de ceux de l'Europe, investissement massif des entreprises américaines dans les ntic depuis dix ans...

      Les technologies mobiles sont censées devenir le premier mode d'accès à Internet comme aux différents réseaux.

      En la matière, les Etats-Unis considèrent avec intérêt l'avance du Japon et de l'Europe, cette dernière étant également en avance dans la télévision numérique et interactive, ses opérateurs étant de plus en plus présents dans la compétition mondiale.

      2 L'économie domine-t-elle le politique ?

      Saint-Simon lui-même, comme le souligne Pierre Musso, le penseur- fondateur de la théorie du réseau- transition, emploie le même mot pour désigner indifféremment un objet et sa connaissance.

      Par exemple, dans son emploi, le mot "chose" peut signifier aussi bien les "principes fondamentaux d'un système" que "le réel et la nature". L'assimilation de "choses" à "principe" fait référence à la connaissance d'un système (choses versus signes), alors que le mot "choses" est assimilé à "nature" lorsqu'il s'agit de l'action (choses versus hommes).

      Pour critiquer au fond la représentation politique, il renvoie à la production et à l'économie politique.

      De plus, pour lui, l'économie politique complète la physiologie. Il semble y avoir là reconnu un lien possible de continuité de notre infiniment petit à notre infiniment grand.

      Pourquoi ce déplacement du champ de la représentation politique à celui de l'économie politique ?

      Première réponse fournie par Saint-Simon :"on a longtemps confondu (...) cependant les richesses sont indépendantes de l'organisation politique". Seconde réponse (...) Saint-Simon était contraint au "rêve" pour esquisser le futur. De nos jours, ce sont les mythes qui viennent en aide pour conduire l'imaginaire.

      "Tout est politique", ce slogan fut dominant à une époque pas si lointaine, au point qu'un mathématicien avait même écrit un article pour expliquer qu'il existait une manière marxiste de faire des mathématiques. Cette prétention, évidemment excessive, est plus rarement exprimée de nos jours, même si elle imprègne souvent réflexions et réflexes.

      A ce "tout politique" des uns répond de plus en plus non pas sans doute dans un pays, tel la France, qui veille à son "exception culturelle", "l'exception française", mais dans bien des grands pays, le "rien n'est politique" des autres.

      L'évolution des idées constitue certainement un facteur explicatif de ce changement, mais aussi les formidables mutations de monde qu'illustre ce qu'on appelle la "nouvelle économie". Celle-ci résulte à son tour d'une double série de phénomènes, les uns institutionnels et les autres techniques. Les premiers sont constitués en particulier par le vaste mouvement de libéralisation des échanges entre pays et de déréglementation à l'intérieur de beaucoup de ces pays. Les facteurs techniques du changement sont pour leur part particulièrement et symboliquement représentés par l'explosion des technologies de la communication. Mais les facteurs techniques et institutionnels ne sont pas indépendants les uns des autres. Ainsi, la déréglementation a-t-elle incité de nouveaux producteurs à entrer sur les marchés et à rechercher des techniques nouvelles pour y prendre pied plus facilement. On s'achemine donc vers un monde plus diversifié et plus flexible, un monde d'innovation et d'initiatives créatrices.

      Du fait de ces mutations, plus que jamais le réseau des échanges est devenu mondial, ce qui donne à juste titre le sentiment que les frontières s'estompent et que le marché international fait reculer les Etats. En un mot, que "l'économie domine de plus en plus la politique", jusqu'à ce que, peut-être, la politique disparaisse. Bien sûr, ceux qui croit au tout- Etat s'en désolent, préfèreraient l'effacement de la politique au profit de la liberté contractuelle, fondée sur la propriété de l'Etat de droit, s'en féliciteraient, si le phénomène était avéré. Mais il n'est pas question ici d'affirmer ses préférences, mais plutôt de rechercher les éléments qui permettent d'évaluer l'évolution complexe des rapports entre l'économie et le "politique", tout en se gardant bien de jouer le rôle impossible d'un devin qui se croirait capable de lire l'avenir.

      Il faut se garder de la tentation qui consisterait à faire de l'économie une sorte de raison collective capable d'agir et donc de dominer.

      Il faut se garder de la tentation qui consisterait à faire de l'économie une sorte de raison collective capable d'agir donc de dominer. Ce qu'on appelle l'économie n'est rien d'autre qu'un ensemble de phénomènes résultant des interactions entre des milliards de volontés individuelles qui seules pensent et agissent. En tant qu'êtres libres, les hommes déterminent eux-mêmes leurs propres objectifs, choisissent et agissent. Parce qu'ils sont des êtres sociaux, beaucoup de leurs actes sont interdépendants. Parmi les résultats innombrables de ces actes humains, on peut en isoler certains qui sont des faits économiques. Ils sont la partie le plus visible des actions humaines, cependant ils n'en constituent pas nécessairement la partie le plus importante et ils ne sont dotés d'aucune autonomie par rapport aux autres.

      Il existe de ce point de vue une asymétrie fondamentale entre "l'économie" et la "politique", dans la mesure où la première n'est que le résultat du processus de décision librement mis en oeuvre par les êtres humains, alors que la seconde traduit l'émergence de la contrainte et du volontarisme dans la vie des sociétés. La politique constitue plutôt un effort constant pour dominer l'économie. Ceci résulte évidemment du fait que les hommes ont toujours le choix entre deux modes d'action différents pour atteindre leurs objectifs : l'échange libre ou l'exercice de la contrainte. Antony de Jasay a pu montrer dans son livre, l'Etat, qu'il existait une sorte de logique interne qui conduisait de manière presque inéluctable un Etat minimum et simple protecteur des droits de propriété vers un Etat envahissant et même tyrannique.

      Il existe également toutes sortes de légitimations du phénomène politique. Ainsi une théorie économique, la théorie des biens publics, se propose d'expliquer que certains biens et services dont la production est désirée ne peuvent être produits qu'en ayant recours à des processus de décision publics.

      Quoi qu'il en soit, si "l'économie" ne peut pas dominer la politique, elle peut certainement en limiter le champ et particulièrement à notre époque de grandes mutations technologiques et institutionnelles. La monnaie par exemple s'est développée pour répondre aux besoins de l'économie, mais elle a constamment été l'objet de l'attention du pouvoir politique qui a vu dans la monopolisation de sa production une source importante de revenus et a légitimé cette prise de possession par la nécessité de contrôler l'émission de monnaie dans l'intérêt général. Ainsi est-on arrivé au XX ème siècle au triptyque "un pays- un Etat- une monnaie". Elle est devenue un symbole de souveraineté nationale, au point que les artisans de la construction d'un super - Etat européen ont considéré comme une priorité la création d'une monnaie européenne. Parallèlement et devant les excès d'une production publique de monnaie, on a vu apparaître le besoin de réduire le lien entre la production de monnaie et la politique : c'est tout simplement l'idée de plus en plus souvent mise en pratique qu'il convient de rendre la banque centrale indépendante, ce qui signifie indépendante du pouvoir politique.

      Le monde futur peut être très différent de ce modèle traditionnel. Dans un avenir peut-être pas très éloigné, le développement des échanges sur réseau peuvent faire apparaître des monnaies privées ni nationales ni publiques. Ce phénomène pourra concerner bien d'autres activités. Les frontières sont mouvantes entre économie et politique et les changements dépendent des conceptions dominantes du moment et des évolutions technologiques et institutionnelles. Il paraît évident que les mutations d'aujourd'hui apporteront des changements profonds car l'incompatibilité est grande entre le fonctionnement en réseau des activités économiques sur un espace qui est mondial et l'exercice d'un pouvoir centralisé sur des espaces territoriaux bien précis. L'activité économique se diversifie, se mondialise, elle est de plus en plus flexible et elle ne peut pas se contenter du cadre rigide dans lequel s'inscrivent la plupart des processus politiques.

      Actuellement les préoccupations politiques se déplacent. Les déréglementations, les privatisations, la mondialisation ayant fait perdre une grande partie de leurs territoires traditionnels à la politique, celle-ci investit de nouveaux champs. De nouvelles revendications pour une conduite politique des affaires du monde émergent : de nouvelles régulations apparaissent plus indépendantes du seul jeu des marchés, résultant de réglementations mondiales, d'une gestion globale raisonnée de l'environnement ou encore de la prétention des organisations internationales à constituer des instances de décision suprêmes dans le domaine de la santé, des flux financiers ou de la gestion des ressources. Ces évolutions sont l'expression actuelle de la tension éternelle entre la politique et l'économie.

      3 L'économie numérique, une nouvelle économie ?

      3.1 Il existe bien une dynamique nouvelle dans l'économie :

      Deux points essentiels à remarquer et ne pas oublier : tout d'abord la destruction créatrice est l'essence même du capitalisme, ensuite une notion méconnue, le coût de sortie.

      Partout les technologies de l'information apportent dans l'industrie et les services des gains de productivité considérables. Pour certains économistes et consultants, la mise en commun des connaissances dans l'entreprise à travers le développement des réseaux, l'identification, la collecte, le traitement des informations sur les clients et pour les clients, sont désormais au coeur du processus de création de richesse et signerait la naissance d'une "nouvelle économie", dite encore électronique (e-business, e-firms, e-communities) ou numérique (digital economy).

      Cette économie existe-t-elle ? Le débat prend naissance aux Etats-Unis qui connaissent depuis 1992 une période de prospérité exceptionnelle. Supérieure à celle des années 1950-1970, la croissance coïncide avec une quasi-disparition du chômage et de l'inflation puis à l'apparition d'un excédent budgétaire. La dynamique a traversé sans coup férir deux crises financières régionales majeures en Amérique latine et en Asie. Les américains se sont interrogés sur les fondements du phénomène et sur ses conditions de durabilité. Alan Greenspan lui-même, chairman de la Réserve fédérale FED a dès 1996 perçu l'originalité de la dynamique. Il ne doute pas que les technologies de l'information sont à l'origine des gains de productivité exceptionnels enregistrés par l'économie américaine pendant plus de sept ans. Grâce à la baisse des prix accompagnant l'amélioration continue des performances des produits, ils ont permis des substitutions capital- travail massives sans contrepartie inflationniste, accroissant la rentabilité du capital, favorisant l'investissement et l'emploi, et valorisant l'épargne placée en Bourse, encourageant ainsi la consommation. Il y avait urgence à étendre rapidement aux autres zones économiques le modèle de croissance et les marchés des nouvelles firmes.

      Cette analyse place les gains de productivité dans l'industrie au centre de l'explication de la nouvelle croissance, et produit alors une dynamique quasi homogène d'économies d'échelle dans l'ensemble de l'industrie, et la question de savoir si nous assistons à une "nouvelle économie" se pose sur le plan local.

      Toujours selon Greenspan, il ne fait aucun doute que "les innovations les plus neuves que nous appelons technologies de l'information, commencent à changer notre manière de faire des affaires et de créer de la valeur", Internet en étant à la fois le vecteur et le symbole. Le phénomène est un véritable défi à la réflexion économique, aggravé par le fait que les analystes vivent de la volatilité des cours et du rythme des introductions en Bourse. La nouvelle économie ou mieux, l'économie numérique, ouvre alors un forum dans lequel politiques, économistes et financiers, consultants, chercheurs et journalistes élaborent des discours plus ou moins neutres sur un mécanisme de croissance dont le point de consensus est qu'il résulte de la diffusion dans l'industrie de gains de productivité majeurs associés aux technologies de l'information.

      Dans le cas d'une banque de réseau, c'est l'historique de la relation entre client et banquier qui sous-tend l'efficacité de la prestation bancaire. Pour optimiser sa marge et minimiser son risque, sur la vente d'un crédit par exemple, le banquier doit connaître le mieux possible les antécédents de son client.

      On en déduit que la transmission de ces informations à une autre banque a, pour le client, un coût (coût de transmission, perte d'efficacité bancaire), d'où l'effet de réseau.

      On peut parler de verrouillage informationnel, processus dynamique qui s'enrichit de toutes les relations entre le client et le fournisseur de services, dès lors que le fournisseur est capable de valoriser les informations en ventes additionnelles et rétrocessions d'avantages au client, avec exemptions de frais (exemple, de découverts, rabais personnalisés, vols en avion gratuits, primes de club) élevant le coût de sortie du client fidélisé.

      Les réseaux s'appuient sur des infostructures physiques, qui peuvent être des guichets, employant du personnel en charge de la relation client. Ce dispositif entraîne une organisation industrielle spécifique, des chaînes de commandement et de contrôle, des conventions collectives. Cette base est désormais menacée par les technologies de l'information, qui proposent d'autres formes d'interface client, centres d'appel et site d'achat en ligne, aux coûts d'exploitation inférieurs et aux méthodes de traitement de l'information plus systématiques. Le verrouillage peut être rompu par les gains de productivité affectant le réseau. La concurrence ouverte par le commerce électronique repose sur des structures allégées de coûts de construction et d'exploitation de réseaux permettant bien souvent, plus efficacement que par l'interface physique traditionnelle, d'établir un verrouillage informationnel. Les réseaux ont intérêt à s'étendre, à s'interconnecter, s'échanger du trafic, dégrouper des actifs, croiser du capital. En développant des centres d'appels et des services en ligne, les fournisseurs deviennent multicanal et valorisent dans plusieurs directions leurs actifs informationnels. On retrouve là des dynamiques analogues à celles des opérateurs de télécommunications.

      Les marques comme les médias à travers lesquels elles communiquent, sont des flux d'information univoques. En ajoutant de l'information au produit, éventuellement du symbole, de l'image, le consentement à payer du client augmente. Une rente de marque est partagée entre celle-ci et le distributeur. La maîtrise par le distributeur de l'accès au client et du feed-back informationnel créé le risque que la publicité dépensée pour la marque profite avant tout au distributeur. Le réseau actuellement amplifie ce risque en ouvrant des alliances entre les médias et distributeurs autorisant la vente en ligne des produits vendus par la publicité mais permet aussi de le circonscrire. Les marques deviennent interactives : elles peuvent utiliser leur communication pour se constituer en réseau donc élever le coût de sortie du client. La distribution cesse d'être l'aval d'une filière : c'est un élément interconnecté d'un réseau. Toute marque génératrice de trafic a vocation à devenir un portail, noeud organisationnel qui va permettre la délivrance (délivraison) de l'information dans les conditions définies : ISP, médias, banques, distributeurs, marques de luxe, centres de recherche etc. C'est par la personnalisation et le développement des services que les portails verrouillent leurs systèmes. Une relation de confiance intime s'établit, ce qui suppose aussi le respect de la confidentialité des informations, la sortie d'un portail peut devenir très pénible.

      Certaines firmes ont des réseaux spécialisés leur permettant de capter des différentiels de prix dans l'espace et dans le temps. L'abaissement des coûts de réseau permet désormais aux particuliers d'enchérir en ligne pour un spectre de produits sensiblement élargi. Ce processus ne concurrence pas les traders historiques dont il accroît plutôt le volume d'affaires et améliore la liquidité des marchés.

      L'essence de l'économie numérique est d'établir une concurrence entre firmes fondée sur de forts différentiels de productivité dans la gestion des réseaux. La compétition entre firmes vise alors à capter le plus grand nombre de clients possibles au sein des réseaux concurrents mais aussi complémentaires. Les clients, l'information commerciale qu'ils véhiculent et les nouveaux réseaux (communication, gestion de données, logistique) capables de les capter deviennent l'actif principal des entreprises, du moins celui dont la valeur augmente le plus rapidement. Les technologies de l'information forment le réservoir de gains de productivité qui alimente ce processus et permet l'émergence de nouvelles firmes. Les pratiques d'interconnexion, de fusion de réseaux issues de l'industrie des télécommunications, s'étendent désormais à l'ensemble des secteurs.

      Ce processus n'échappe pas aux outils d'analyse forgés dans l'économie prénumérique. L'efficacité avec laquelle le codage binaire de l'information et sa circulation accélérée dans les réseaux à haut débit valorisent le verrouillage informationnel des clients est nouvelle. Si, dans l'économie mondialisée, les firmes de réseaux deviennent la règle et le client verrouillé leur actif majeur, il est probable qu'un certain nombre de représentations de l'économie sont appelées à évoluer rapidement.

      3.2 Doutes concernant le passage vers le Nouvel Age :

      Depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, les gains de productivité du travail ont connu une accélération notable; encore faut-il, pour en tirer un argument en faveur du New Age, montrer qu'elle est bien due à une croissance plus rapide de l'efficacité avec laquelle l'économie américaine utilise ses ressources productives. C'est loin d'être évident. A côté des effets purement cycliques, l'accélération observée tient à des facteurs "traditionnels".

      L'effort d'investissement engagé depuis le début de la décennie a conduit à une croissance relativement rapide du stock de capital utilisé par chaque travailleur américain. Cette croissance de l'intensité capitalistique, qui contraste avec la stagnation observée jusque-là, est, tout naturellement, source de gains de productivité. Il est donc difficile de voir dans ces gains une "preuve" de la réalité du New Age.

      Une nuance doit toutefois être introduite ici. Pour une part, la hausse du volume de l'investissement des entreprises est due non seulement à l'augmentation de leurs dépenses d'équipement mais aussi à la baisse, selon des rythmes jamais observés jusqu'ici, du prix de ces équipements. Cette diminution rapide s'explique par la part de plus en plus grande dans ces dépenses d'investissement des matériels de traitement de l'information, dont les prix diminuent chaque année à un taux à deux chiffres.

      Les nouvelles technologies contribuent donc bien, par ce biais, à une accélération des gains de productivité. Mais le mécanisme n'est pas celui mis en avant par les tenants du New Age : on n'a pas observé, jusqu'à présent au moins, l'accélération annoncée des progrès de l'efficacité avec laquelle le travail et les équipements sont utilisés.

      Le constat est moins étonnant qu'il n'y paraît. Que l'économie américaine, déjà formidablement efficace, puisse continuer, année après année, de progresser encore, alors même qu'elle satisfait à une demande toujours accrue de services, est en soi remarquable.

      Qui pense que cela aurait été possible sans la révolution technologique qui se déroule sous nos yeux ? Rien de vraiment nouveau alors dans cette "nouvelle économie" américaine ? A ceux qu'une telle conclusion déçoit, signalons au moins une innovation majeure : la manière de conduire la politique monétaire a radicalement changé.

      Sans la très grande humilité dont la Réserve fédérale a fait preuve lorsqu'il s'est agi de définir le potentiel de croissance non inflationniste de l'économie, sans l'habileté aussi avec laquelle elle a utilisé les marchés pour assurer le réglage fin de la conjoncture, la croissance rapide et régulière observée depuis maintenant de longues années aux Etats-Unis n'aurait pas été possible.

      Dans la pratique, les réseaux notamment Internet ne dopent pas toujours la croissance :

      Dans une étude récente publiée dans L'Economie française, l'Insee se montre très prudent dans son évaluation de l'impact de la production des nouvelles technologies de l'information et de la communication sur la croissance française. L'institut estime ainsi que la valeur ajoutée liée à ces productions serait comprise entre 4,4 % et 4,8 % de la richesse nationale. Leur effet sur la croissance de l'économie française approcherait donc à peine 0,4 point de PIB. Une autre étude de deux économistes de la Réserve fédérale américaine, Stephen Oliner et Daniel Sichel , a fortement impressionné de nombreux membres du CAE, car elle suggère que les nouvelles technologies de l'information ont contribué à hauteur des deux tiers aux gains de productivité réalisés aux Etats-Unis dans la seconde moitié des années quatre-vingt-dix. Les deux économistes prennent soin de préciser que l'impact est sans doute sensiblement différent selon que le pays concerné est "producteur" ou seulement "importateur" de ces nouvelles technologies.

      De nombreux experts sont par ailleurs enclins à penser que le fameux paradoxe du Prix Nobel d'économie Robert Solow "Les ordinateurs, on les voit partout, mais pas dans les statistiques" est en passe d'être dépassé. L'effondrement en bourse des valeurs technologiques, les nombreuses faillites de dotcom, nombres de symptômes dans l'économie montrent bien la faiblesse et la partialité des avis exprimés.

      Quatre vagues de croissance auraient eu lieu dans la Silicon Valley, celle de la défense puis du développement des circuits intégrés puis du micro-ordinateur puis enfin d'Internet et des réseaux numériques. A quatre reprises également la Silicon Valley a traversé une crise économique profonde, suivie d'une nouvelle croissance, portée par une innovation technologique. L'association JoinVenture, regroupement des chefs d'entreprise et des chercheurs, a quelques idées sur la question. Elle voit se profiler l'ère de la convergence des biotechnologies et des technologies de l'information. Une rencontre qui devrait ouvrir les marchés des biopuces et de la bioinformatique. Place ensuite aux nanotechnologies, le monde de l'infiniment petit.

      4 Risques et nouveaux médias, la régulation est un défi :

      4.1 Le risque dans la société contemporaine :

      Le risque occupe dans les sociétés contemporaines une place remarquable. Il est partout : dans le monde économique, où il qualifie la figure de l'entrepreneur, dans le monde financier où on l'identifie à la grande menace du krach, dans le monde social, où les institutions d'assurances privées ou sociales sont occupées à sa couverture, dans le monde juridique, où il sert à traquer les responsabilités, dans le monde moral, où l'on se plaint d'une société d'assistés, dans le monde médical, sous la forme de l'insaisissable aléas thérapeutique, dans le monde militaire qui a imaginé la stratégie du "risque zéro". Il est aussi dans la nature sous la forme des grandes menaces écologiques; il est encore dans la recherche scientifique, où on cherche à le maîtriser sous la forme de l'éthique, comme dans le développement technologique et ses applications industrielles dont on redoute de plus en plus la volonté de puissance.

      Concernant les risques liés aux nouvelles technologies qui emploient des réseaux par exemple, il va s'agir de créer un équilibre subtil entre dépendance et confiance.

      4.2 Insécurité informatique : épouvantails et dangers réels de la révolution numérique :

      La révolution industrielle a attendu le développement des réseaux de chemins de fer pour exploser, seule le réseau de distribution rendait rentable la fabrication de masse. La révolution numérique n'affecte profondément nos vies que depuis la naissance d'un réseau mondial d'échange de données entre les ordinateurs. Internet a été conçu pour survivre à la destruction de certains de ses noeuds; aucun centre ni point vital; les itinéraires empruntés pour transmettre des données sont imprévisibles, l'acheminement ne devant dépendre d'aucun point vital.

      Ces deux caractéristiques convenaient tout particulièrement aux habitudes des milieux des communautés universitaires :

      - pas de centre, donc pas d'autorité capable de censurer certains travaux, et pas d'évaluation du travail publié que celle de ses pairs connectés au réseau;

      - diffusion imprévisible et donc incontrôlable car les idées doivent circuler librement pour porter fruit : de même, on peut seulement revendiquer la paternité d'une idée sans aucun moyen de restreindre les applications ou l'usage qui en sont faits.

      Le réseau a ainsi pu se développer sans centre administratif, ni centre politique, ni centre technique, jusqu'à atteindre une taille critique qui tue dans l'oeuf tout projet concurrent. Mais les "valeurs morales" des pionniers sont restées : le réseau est libre et ouvert, décentralisé, non commercial, sans gouvernement ni censure. Prêt à faire exploser deux siècles de droit et de constructions politiques...

      Cependant commerce à outrance, délires marketing et esprits boutique se sont d'ores et déjà tellement développés que les scientifiques, dérangés jusque dans leurs travaux, ont déjà entamé un nouvel ouvrage "Internet II"* afin de passer outre les désagréments engendrés.

      4.2.1 L'ordinateur de Satan* :

      La science Frankenstein a ici sa partie.

      4.2.1.1 Premiers types de problèmes :

      L'objet doit, pour la plupart de ceux conçus, avoir une certaine fonctionnalité, rendre un certain service, permettre d'accomplir quelque chose. Il a été créé, testé, corrigé en recommençant jusqu'à ce que le résultat obtenu paraisse satisfaisant. C'est l'"approche fonctionnelle".

      L'"approche anti- accident" sert dans le cas de produits potentiellement dangereux.

      Whatever can go wrong, will ! Tout ce qui peut arriver de nocif arrivera, c'est contre la loi de Murphy que se bat l'ingénieur chargé d'éviter les accidents. L'objectif est bien sûr d'éviter une catastrophe face à des conditions exceptionnelles.

      L'"approche de sécurité" est elle complètement distincte, car elle n'est utilisée que pour protéger contre la malveillance. Il s'agit ici de contrer un adversaire intelligent et déterminé susceptible de provoquer des dysfonctionnements au pire moment et de la pire façon. Le produit n'est pas utile pour ce qu'il permet mais pour ce qu'il interdit. Un test de sécurité ne prouve rien. On peut tout au plus analyser la sécurité d'un produit en profondeur et vérifier que des attaques classiques ne marchent pas. De tels audits doivent s'exercer sur un périmètre très large et inclure la totalité du système utilisé, car il est inutile, par exemple, de blinder sa porte et de renforcer la serrure si les murs ne sont pas solides...

      De plus il vaut mieux créer simple, car les systèmes complexes sont peu sûrs, parce que d'une part plus il y a d'éléments et de tâches à accomplir plus il y a de chances qu'une faille existe, et d'autre part, plus le système est modulaire afin de résister au premier problème et plus les failles potentielles dues aux interactions entre les interfaces sont multipliées. En outre, l'analyste d'un système trop complexe ne peut plus avoir en tête une image complète et correcte du système et la probabilité qu'une faille passe inaperçue augmente.

      La sécurité de l'ensemble est égale à la sécurité du maillon le plus faible du système.

      Cependant le marché pousse inlassablement à la complexité. Plus de choix, plus d'options, plus de capacités, plus de fonctionnalités, plus de choses possibles !

      Ici comme ailleurs c'est le client qui fixe le niveau de sécurité des produits du marché ; presque tout le monde a une idée du niveau de sécurité acceptable pour une serrure, un antivol de vélo ou une porte blindée, alors que presque personne ne dispose des compétences nécessaires pour évaluer le niveau de sécurité d'un ordinateur par exemple.

      4.2.1.2 Autre type de problèmes :

      Alice envoie à Bob un document représenté par une suite de chiffres. Ces derniers circulent sur le réseau entre l'ordinateur d'Alice et celui de Bob ; il se trouve qu'ils passent sous les yeux de Charlie. S'il copie la suite de chiffres, il obtient une copie de la lettre d'Alice absolument identique à celle reçue par Bob. Cette copie est si parfaite que la notion d'original disparaît : les deux copies sont originales. Pire encore, ni Alice ni Bob n'ont aucun moyen de détecter à partir de leurs exemplaires qu'une copie a eu lieu, existe encore ou non, ni de la localiser. Si Charlie sous son propre nom, après avoir intercepté les chiffres destiné à Bob, renvoie le message à ce même Bob, ce dernier n'a aucun moyen de savoir que le document provenait initialement d'Alice et non de Charlie. Si Charlie intercepte le flux de chiffres et le modifie avant de le renvoyer à Bob sous le nom d'Alice, Bob n'a aucun moyen de détecter que le document a été modifié entre Alice et lui. La copie est donc parfaite et indétectable, la modification est indécelable, l'attribution impossible. Les ordinateurs eux-mêmes suivent le concept de la machine de Von Newmann, et ont ces mêmes propriétés : copie parfaite et attribution impossible mais surtout modification indécelable...

      Donc :

      - L'ingénierie de la sécurité est extrêmement difficile.

      - Le marché de l'informatique génère des systèmes de plus en plus complexes, et donc de moins en moins sûrs.

      - Ce même marché n'a aucune tendance à améliorer la sécurité de ses produits.

      - Les données numériques sont intrinsèquement difficiles à sécuriser.

      - Les programmes des ordinateurs sont eux-mêmes numériques et difficiles à sécuriser.

      Le professeur britannique Ross Anderson a donc pu dire à juste titre que la sécurité informatique était un défi similaire à la programmation contre son gré de l'ordinateur de Satan. Retournement feuerbachien...

      4.2.2 L'illusion cryptographique :

      Cet exemple montre combien il reste délicat de faire appliquer des technologies en matière de sécurisation de l'information et des systèmes, et combien la perfection de ces techniques ne s'est avérée jusqu'ici que très relative.

      Malgré les grands espoirs qu'avait fait naître la cryptographie, au fil des années est apparu que :

      - Une politique de sécurité trop stricte sera contournée par ses utilisateurs ;

      - Les spécialistes de la sécurité d'une banque préfèreront se taire plutôt que d'attirer l'attention sur les conséquences néfastes d'une décision prise très haut dans leur échelle hiérarchique ;

      - Il est facile de manipuler au téléphone un employé bancaire pour obtenir la communication d'informations sensibles disponibles dans le système sécurisé de la banque.

      Le facteur humain devient alors central dans la mise en place de systèmes sécurisés, dans leur cycle de vie et leur utilisation.

      Les recherches ont conduits à énoncer le principe de Whitten, qui stipule que l'on ne peut pas augmenter la sécurité d'un système sans diminuer sa facilité d'utilisation, soit encore, qu'un système facile à utiliser ne peut pas être sûr et un système sûr est difficile à utiliser. La sécurité d'un système installé peut être anéantie par une seule décision de gestion inepte ; le facteur humain garantit une instabilité importante ; les systèmes sûrs sont quasi inutilisables par le grand public.

      Et pourtant chacun d'entre nous utilise chaque jour des systèmes numériques prétendus sécurisés : cartes bancaires, téléphones portables, distributeurs de billets, etc.

      Pour les citoyens il est impossible sauf à une minorité d'avoir un avis objectif sur le niveau de sécurité d'un système. Tout se joue sur l'image perçue et sur la confiance placée, souvent aveuglément dans le système.

      Les enjeux financiers autour de ces systèmes sont énormes et conduisent souvent les industriels à employer tous les moyens à leur disposition pour contrôler l'image perçue par le public et par là- même préserver leurs bénéfices, parfois au détriment de quelques individus, de plus en plus aux dépens de la société toute entière. Nulle part ceci n'est plus visible actuellement que dans le domaine de la propriété intellectuelle.

      4.3 Le grand massacre de la propriété intellectuelle :

      A partir du moment où un texte, un enregistrement, une photo ou un film sont numérisés, la quasi-totalité des droits de propriété intellectuelle qui leur sont rattachés meurent. La copie et la diffusion des données numériques sont incontrôlables et anonymes. Seule le droit d'être reconnu comme l'auteur persiste, la qualité d'auteur se prouvant toujours par l'antériorité matérialisée par une copie physique déposée chez un notaire ou auprès d'une société d'auteurs. C'est la possibilité pour des détenteurs de droits de gagner de l'argent en tant qu'intermédiaires obligés qui est bouleversée.

      Numérique et réseaux permettent une telle recopie- diffusion de masse que les lois sont devenues obsolètes et la rémunération des artistes parait possiblement impossible à assurer.

      Le financement de la création artistique se fera toujours mais par des méthodes nouvelles ou oubliées, comme le sponsorat et le mécénat.

      Aux Etats-Unis, où la pratique du lobbying est courante, les "empereurs du contenu" constituent déjà un lobby très puissant et réellement influent ; des lois pénales ont même été adoptées qui renforcent la propriété intellectuelle. Des solutions restent à trouver et à mettre en application dans tous les autres pays, en accord avec les artistes qui en sont, de leur côté, à se regrouper afin d'attirer l'attention des pouvoirs politiques et de négocier avec eux sur ces sujets qui sont pour eux fondamentaux. Fondamentaux, parce qu'ils posent une vraie question : comment sera-t-on reconnu comme artiste demain ?

      5 La Société en Réseaux :

      Dans le réseau des réseaux, beaucoup voient l'accomplissement du fameux "village global" de Marshall MacLuhan ou de la communication- monde décrite par Armand Mattelart. Paul Mathias montre que la métaphore, bien que galvaudée, n'est pas si infondée que cela.

      Variant selon les milieux et les époques, la politesse dite encore le savoir-vivre, les usages ou la bienséance, et qui tend à systématiser sous forme d'injonctions et de préceptes, les valeurs essentielles de la culture en matière d'éthique, d'esthétique ou d'hygiène, s'avère un fondement indispensable des relations humaines. Ses règles apparaissent en quelque sorte comme une grammaire. La politesse, code stratégique, est également un système protecteur. Les codes de conduite permettent d'aborder plus facilement les évènements qui ont de lourds enjeux symboliques tel la vie, la mort, le sexe ou le pouvoir etc.. en s'éloignant du quotidien. Ils sont un des moyens symboliques de canaliser les émotions et de réguler les comportements.

      Les internautes qui fréquentent les forums de discussions et les communautés virtuelles se comportent pour la plupart selon un code de conduite, le "netiquette" dite encore "net- étiquette"** qui, par certains aspects évoque les règles qui régissent les relations dans les sociétés villageoises. Toute la question est de savoir si d'un tel village peut émerger une véritable cité où l'internaute se comporterait en netizen (de net, le réseau, et citizen, le citoyen). A cet égard, deux visions s'affrontent : celle des libertaires qui défendent l'idée de démocratie directe et, avec elle, le respect de la liberté d'expression; celle, plus réglementariste et interventionniste, qui, face aux atteintes présumées de la vie privée et l'existence de serveurs pornographiques ou révisionnistes, prône le recours à la censure. Qu'en est-il réellement de la société en réseaux ?

      4 thèmes principaux utiles à la description et à la compréhension de la société en réseaux peuvent être dégagés :

      1) la nouvelle révolution technique / naissance de la société de l'information;

      2) la mondialisation de l'économie;

      3) leurs effets conjoints sur les conditions de travail et sur la vie sociale;

      4) les transformations d'une culture dominée par les médias et où sont modifiées profondément nos représentations du temps et de l'espace.

      La naissance de la société en réseaux ne va pas sans discours utopiques sur les bouleversements sociaux dont la mise en oeuvre de nouveaux médias, à base de réseaux, est porteuse. Participant à la mobilisation des acteurs, les mythes contribuent également à l'élaboration des concepts, à la construction et à la diffusion des techniques elles-mêmes.

      "Les utopies, écrivait Lamartine, ne sont souvent que des vérités prématurées".

      Les utopies communicationnelles font partie des processus de développement des nouveaux médias.

      Techniques et sociales, elles accompagnent le projet technique pendant sa conception et sa diffusion.

      Les discours utopiques qui accompagnent alors le projet sont des ressources disponibles aux acteurs et peuvent même les guider, tout comme les phénomènes physiques connus ou les pratiques sociales existantes.

      La communication* est un véritable système d'idées et de valeurs qui prend son origine première aux Etats-Unis dès 1942 et au-delà avec Norbert Wiener et les inventeurs de la cybernétique. Le nouveau paradigme qui s'élabore décrit alors l'homme comme fondamentalement définissable par la somme des relations qu'il entretient, des informations qu'il échange. Théorie scientifique mais surtout utopie au sens fort du terme. La "société de communication" et l'Homo communicans que décrit Wiener bien avant McLuhan constituent une réaction contre les idées de nature sur lesquelles ont fleuri aux XIX ème et

      XX ème siècles toutes les idéologies de l'exclusion.

      La nouvelle utopie prend appui sur l'imaginaire de l'ordinateur, l'idéologie de la technique et l'imaginaire des réseaux tel qu'il est décrit par Pierre Musso, qui analyse sa mise en place depuis la matrice des utopies modernes imaginée par Saint-Simon. Elle a aussi des effets pervers, par exemple la programmation neurolinguistique qui n'a guère de fondement scientifique.

      "L'imagination sociale passe par des périodes chaudes qui se caractérisent par un échange particulièrement intense entre le réel et les phantasmes, par une pression plus grande de l'imaginaire sur la manière de vivre le quotidien, par des explosions de passions et de désirs", Bronislaw Baczko.

      5.1 Nouvelle révolution technique et naissance de la société de l'information :

      Cette société en réseau a été construite à partir de deux ressources principales, la connaissance et l'adaptabilité des entreprises qui a permis aux innovations d'imprégner rapidement le tissu de l'économie.

      La technologie joue un rôle central. Les inventeurs y sont au travail, avec leur esprit pionnier, leur passion créatrice, les appuis qu'ils ont reçus des grandes universités, de l'Etat et du capital-risque.

      La société de l'information est la première où la technologie n'est plus étroitement associée à des valeurs culturelles et à des conceptions idéologiques du pouvoir et de la société; en elle triomphe la raison instrumentale. A la productivité est associée l'appareil technique de production, à la profitabilité les entreprises, à la compétitivité l'Etat.

      La société de l'information qui se forme autour des technologies de production et de la communication ne se réduit pas aux effets induits par celle-ci. Tout d'abord, le travail et l'entreprise sont transformés par l'emploi massif des technologies de l'information, ensuite notre culture et en premier lieu notre expérience du temps et de l'espace, en particulier la nature de nos villes, sont également bouleversées par cette nouvelle évolution technologique.

      Nos sociétés se structurent de plus en plus autour d'une opposition bipolaire entre le réseau et le soi.

      Simultanément, les activités criminelles et les organisations mafieuses deviennent partout planétaires et informationnelles elles aussi. Un univers de flux planétaires de richesses, de pouvoir et d'images, la quête d'une identité, collective ou individuelle, attribuée ou construite, devient la source première de signification sociale.

      Il faut croire activement au rationnel et à la possibilité de s'en remettre à la raison, sans pour autant la diviniser.

      Pour comprendre la relation entre technique et société, il faut retenir que l'Etat (qu'il bloque, déclenche ou conduise l'innovation technique) joue un rôle décisif dans le mécanisme général, en ce qu'il exprime et organise les forces sociales et culturelles qui prévalent à un moment et en un lieu donnés.

      5.2 Informationalisme, industrialisme, capitalisme, étatisme. Modes de développement et modes de production :

      Il existent désormais des réseaux économiques mondiaux.

      La communication symbolique entre les humains, la relation entre ceux-ci et la nature, sur la base de la production (avec son complément, la consommation), l'expérience et le pouvoir se cristallisent en histoire sur des territoires particuliers, engendrant ainsi cultures et identités collectives.

      Le fruit du processus de production est utilisé socialement sous deux formes, la consommation et le surplus.

      C'est l'interaction des structures sociales avec les processus de production qui détermine les règles définissant l'appropriation, la distribution et les utilisations de l'excédent. Ces règles établissent les modes de production, lesquels définissent les relations sociales de production, qui régissent à leur tour l'existence de classes sociales, constituées en tant que telles par leur pratique histoire.

      Le traitement de l'information comme source de productivité dans le cercle vertueux d'interaction entre les connaissances qui se trouvent à la base de la technologie et l'application de celle-ci afin d'améliorer la génération du savoir et le traitement de l'information. On attribue l'appellation "informationnel" en référence à ce nouveau mode de développement né de l'émergence d'un paradigme technologique neuf, fondé sur la technologie de l'information.

      Chaque mode de développement dispose en outre d'un principe d'efficacité structurellement déterminé autour duquel s'organisent les processus techniques :

      à l'industralisme correspond la croissance économique, à l'informationnalisme est associé le développement technologique (accumulation du savoir, complexité croissante du traitement de l'information).

      Les modes de développement influencent l'ensemble du comportement social y compris la communication symbolique. De nouvelles formes d'interaction, de contrôle et de changement sociaux apparaissent.

      Il existe désormais un "Nouveau système techno- économique qui peut être légitimement qualifié de Capitalisme informationnel".

      L'innovation technique et le changement organisationnel, privilégiant la flexibilité et l'adaptabilité, contribuent de façon essentielle à la rapidité et à l'efficacité de la restructuration.

      5.3 Le sujet dans la société informationnelle :

      Les nouvelles technologies de l'information intègrent le monde de réseaux fonctionnels planétaires, et la communication informatisée fait naître un vaste ensemble de communautés virtuelles. Les sociétés informationnelles semblent d'abord poser l'identité en principe organisateur.

      L'identité c'est le processus selon lequel un acteur social se reconnaît et donne un sens au réel, principalement sur la base d'un symbole ou d'une série de symboles, à l'exclusion d'une référence plus large à d'autres structures sociales.

      On constate un décalage croissant entre mondialisation et identité, réseau et sujet.

      Nous devrions être entrés dans un monde véritablement multiculturel et interdépendant, qui ne peut être compris et transformé qu'à partir d'une perspective plurielle unissant l'identité culturelle, la mise en réseau globale et des politiques multidimensionnelles.

      Quelle révolution représente celle des technologies de l'information ?

      Les technologies de l'information sont un ensemble convergent des technologies de la microélectronique, de l'informatique (machines et logiciels), des télécommunications et de diffusion, et de l'opto-électronique, ainsi que l'ingénierie génétique.

      Comme le souligne Nicholas Negroponte "le monde où nous vivons est devenu numérique".

      3 stades distincts peuvent être distingués dans l'utilisation de ces technologies :

      1. l'automatisation des tâches

      2. la projection des applications

      3. la réorganisation des applications.

      Au cours des deux premières étapes, l'innovation technologique a progressé au travers d'un apprentissage par l'utilisation (Rosenberg). Dans la troisième, les utilisateurs ont appris la technologie par l'action, aboutissant ainsi à restructurer les réseaux et à découvrir de nouvelles applications.

      Utilisateurs et acteurs peuvent désormais se confondre. Il s'ensuit une étroite relation entre les processus sociaux de création et de manipulation des symboles (la culture et la société) et la capacité de produire et ed distribuer biens et services (les forces de production). Pour la première fois dans l'histoire, l'esprit humain est une force de production directe et pas simplement un élément décisif du système de production.

      Ce que nous pensons et comment nous pensons s'exprime en marchandises etc... en affichant une logique qui semble spécifique de cette révolution technologique, l'application immédiate à son propre développement des technologies qu'elle génère reliant ainsi le monde par la technologie de l'information.

      Les leçons de la révolution industrielle doivent être tirées et reconnues.

      Les historiens ont soigneusement disséqué les conditions sociales et le déplacement géographique des innovations techniques en s'attachant volontiers aux caractéristiques des systèmes d'éducation et de recherche scientifique et à l'institutionnalisation des droits de propriétés.

      La coexistence active d'une multitude de petites unités implique l'importance des foyers locaux d'innovation et la nécessité de qualités accrues des milieux d'innovation.

      "L'innovation technologique n'est jamais un phénomène isolé".

      Les élites apprennent en agissant, modifiant ainsi les applications de la technologie tandis que la plupart des gens apprennent à l'usage maintenus de la sorte hors du coeur de la technologie...

      L'interactivité des systèmes et la nécessité dans laquelle ils se trouvent de se ménager des "milieux" où échanger idées, problèmes et solutions restent primordiaux.

      "Si les conditions sociales particulières stimulent l'innovation technique, qui, à son tour nourrit le développement économique et de nouvelles innovations, la reproduction de ces conditions est culturelle et institutionnelle autant qu'économique et technique."

      L'essor de la société de l'information ne peut se comprendre en-dehors de l'interaction entre ces deux tendances relativement autonomes ; le développement de nouvelles technologies de l'information et l'effort de la société pour se réorganiser en mettant le pouvoir de la technologie au service de la technologie du pouvoir.

      L'avènement du multimédia dans les années 1990 a créé un réseau de relations technologiques et financières.

      La concentration du savoir scientifique et technique, d'institutions, d'entreprises et de main-d'oeuvre très qualifiée forme le creuset de l'innovation à l'ère de l'information.

      La technologie de l'information forme un nouveau paradigme car d'une part les technologies agissent sur l'information, leurs effets sont omniprésents, et la logique en réseau domine.

      C'est d'ailleurs parce qu'ils partagent la même logique de production de l'information que les différents domaines technologiques convergent actuellement au sein du paradigme de l'information. Cette logique, particulièrement manifeste dans le fonctionnement de l'ADN et l'évolution naturelle, est de plus en plus reproduite dans les systèmes d'information les plus avancés à mesure que puces, ordinateurs et logiciels accroissent leur vitesse, leur capacité de stockage et le traitement souple de l'information à partir de sources multiples.

      "La technique n'est ni bonne ni mauvaise pas plus qu'elle n'est neutre." (première loi de Krantzberg).

      5.4 L'Economie Informationnelle et le Processus de Globalisation :

      Les nouvelles technologies de l'information, en transformant les processus de traitement de l'information, sont à l'origine de modifications en profondeur des processus de production, améliorent la productivité et la compétitivité ainsi que la réactivité.

      Productivité, compétitivité et économie informationnelle :

      L'énigme de la productivité : la productivité mène au progrès économique (notion d'intrant).

      La productivité fondée sur le savoir est-elle spécifique à l'économie informationnelle ?

      Un ralentissement de la hausse de la productivité se produit à peu prés au moment où s'amorce la révolution des technologies de l'information au début des années 1970.

      Informationnalisme et capitalisme, productivité et rentabilité :

      Les entreprises ne sont pas mues par la productivité mais par le rentabilité. La compétitivité a des significations différentes pour l'entreprise et l'économie nationale. L'important ici est la position relative des économies nationales par rapport aux autres pays.

      Pilotage, coopération et concurrence sont des maîtres- mots du développement.

      La compétitivité est devenue l'une des préoccupations premières des milieux d'affaires, des gouvernements, des médias, des politologues et des économistes.

      Le repolitisation du capitalisme informationnel :

      La justification se fait par le biais de l'Etat qui mène une politique de la déréglementation de l'économie.

      La spécificité historique de l'informationnalisme, c'est l'utilisation comme force productive directe de ce qui fait la singularité biologique de notre espèce, son aptitude supérieure à manier les symboles.

      L'économie informationnelle est globale, et différente de l'économie mondiale.

      La mondialisation des marchés n'est devenue possible à la fin du XX ème siècle pour l'information, les hommes, les marchandises et les services que grâce aux changements spectaculaires intervenus dans les technologies des transports et des communications.

      Le processus de production utilise désormais la toile des réseaux de production transnationaux.

      Cependant, la globalisation a ses limites. Bien que l'économie informationnelle nouvelle se déploie sur une échelle globale, l'économie internationale n'est pas encore globale. Tout indique que les réglementations et les politiques des gouvernements affectent les limites et la structure internationale de l'économie globale.

      La différenciation régionale de l'économie globale, la segmentation de l'économie globale, la compétitivité dans l'économie globale forme les concepts à la base de l'offre d'une telle économie.

      Elle permet d'avoir accès à un vaste marché intégré et riche (exemple : l'Union Européenne), qui nécessite l'optimisation entre les coûts de production sur le lieu de production et les prix sur le marché de destination.é politique des institutions nationales et supranationales à orienter la stratégie de croissance des pays ou régions qu'elles administrent.

      La toute nouvelle division internationale du travail :

      L'économie globale issue de la production et de la concurrence informationnelles se caractérise par son interdépendance, son asymétrie, sa régionalisation, la diversification croissante au sein de chaque région, son intégration sélective, sa segmentation exclusive et, résultat de toutes ses caractéristiques, une géométrie historique et économique.

      L'examen des structures en mouvement de la division internationale du travail dans l'économie informationnelle et globale montre la puissance de la triade, l'essor du Pacifique et la fin du Tiers Monde :

      réseau prépondérant "Etats-Unis / Japon / Europe occidentale".

      L'émergence du capitalisme à croissance rapide en Extrême-Orient est l'un des changements structurels les plus importants, il s'accompagne d'une polarisation de plus en plus importante des revenus; elle se produit au niveau mondial.

      Les causes de la croissance et de la stagnation dans la division internationale du travail restent encore difficiles à cerner. Les fortunes de l'Amérique Latine, par exemple, sont changeantes.

      L'explication de la crise est plutôt recherchée au niveau de l'économie globale.

      Quelles sont les mesures prises et pourquoi ?

      D'une part :

      1. maîtrise de l'inflation

      2. réduction des dépenses publiques

      3. austérité fiscale

      4. resserrement du crédit et de la passe monétaire

      5. diminution des salaires réels;

      D'autre part :

      1. privatisation de la plus grande partie possible du secteur public (et surtout de ses entreprises les plus profitables) proposé aux enchères au capital étranger.

      Ceci débouche sur une notion importante, celle de valeur ajoutée.

      Au Chili par exemple, la classe moyenne a une importance relativement plus grande.

      En Amérique Latine, au-delà des singularités qui caractérisent un continent aussi divers, est dans les années 1990 en cours d'intégration dans la nouvelle économie globale bien que de nouveau dans une position de subordination.

      Chaque pays ayant ses segments dynamiques propres, le prix de cette intégration est très élevé. Une partie de la population est exclue de façon très grave. Certaines gens, villes et régions se reconnectent toutefois par le biais de l'économie criminelle travaillant pour l'étranger.

      La dynamique de l'exclusion de la nouvelle économie globale : quel destin pour l'Afrique ?

      La nouvelle économie globale touche la planète entière par inclusion ou par exclusion dans les processus de production, d'échange et de consommation, lesquels sont devenus simultanément globalisés et informationnels.

      Dans les économies de continents tels que l'Afrique, la logique de la nouvelle économie globale marginalise la majorité de la population notamment dans l'actuelle division du travail. L'inadéquation structurelle du point de vue des systèmes est plus dangereuse que l'indépendance.

      La dernière frontière de l'économie globale : quelques mots à propos de l'intégration segmentée de la Russie et des républiques ex-soviétiques :

      "Les pays de l'Europe de l'Est sont en train d'être absorbés, par morceaux, dans l'aire d'influence de l'Union Européenne, essentiellement par le biais des investissements et du commerce allemands".

      Les craintes et les espoirs occidentaux relatifs à l'impact économique de la chute du communisme dans l'ex-Urss ne se sont pas confirmés.

      Un prédiction toutefois s'est réalisée, c'est la rapide internationalisation de l'économie.

      L'explication de cet apparent paradoxe (rapide internationalisation de l'économie en dépit de la baisse des échanges extérieurs et de la faiblesse des investissements étrangers) n'est pas encore entièrement connue.

      Comprendre la dynamique de la tradition russe vers l'économie de marché y compris son rattachement à l'économie globale permet d'en mesurer l'enjeu fondamental : l'accumulation primitive de capital sur une échelle gigantesque.

      Une fraction non-négligeable des nouveaux milieux d'affaires a partie liée avec divers réseaux de l'économie criminelle, probablement le secteur le plus internationalisé de l'économie russe. Pour la plupart des russes le quotidien n'est que combines de survie et menus bricolages. L'économie de kiosque quasiment au noir, à laquelle se réduit largement le commerce et la culture d'autosubsistance autour des datchas, tels sont les véritables moteurs de la transition de la Russie vers l'économie de marché. Or "une économie de marché ne fonctionne pas en dehors d'un certain contexte institutionnel".

      5.5 Architecture et géométrie de l'économie informationnelle et globale :

      Elle naît de l'interaction entre l'essor de l'informationnalisme et la restructuration capitaliste.

      La structure de cette économie se caractérise par la combinaison d'une architecture durable et d'une géométrie variable. Elle tient compte du positionnement global des différents pays par zone dans l'économie globale. Pourtant malgré toute la complexité de cette structure il existe bel et bien une architecture fondamentale, héritée de l'Histoire, qui encadre le développement de l'économie globale.

      Arrêtons-nous un instant sur les processus dynamiques de concurrence et de changement qui modifient sans cesse cette architecture. L'évolution décrit l'émergence d'un nouveau modèle de division internationale du travail comme une caractéristique de l'économie globale.

      La toute nouvelle division internationale du travail est construite autour de quatre positions différentes dans l'économie informationnelle et globale : les producteurs de biens à haute valeur ajoutée, qui s'appuient sur le travail informationnel; les producteurs de biens moins sophistiqués qui recouvrent à la fois la main d'oeuvre bon marché; les producteurs de matières premières, qui dépendent des richesses naturelles; et les producteurs superflus, réduits au travail dévalué. Ces positions ne coïncident pas avec les pays, elles s'organisent en réseaux et en flux, en utilisant l'infrastructure technologique de l'économie informationnelle.

      Tous les réseaux sont globaux dans leur réalité et leurs objectifs. Même les économies marginalisées ont un petit segment de leurs fonctions directoriales reliés au réseau des producteurs de biens de haute valeur ne serait-ce que pour transférer le peu de capital ou d'information encore accumulé dans le pays.

      Les gouvernants et les acteurs sociaux ont une responsabilité essentielle à cet égard. La toute nouvelle division internationale du travail repose en effet sur la main-d'oeuvre et la technologie, mais elle est mise en place et modifiée par les gouvernements et les entrepreneurs. L'incessante mobilité qui résulte de ces processus d'innovation et de concurrence se heurte à l'architecture historique de l'ordre économique mondial, provoquant le chaos créateur qui caractérise l'économie nouvelle.

      5.6 L'Entreprise en réseau - Culture, Institutions et Organisations de l'Economie Informationnelle :

      Le cadre de référence est multiculturel, avec matrice commune de formes organisationnelles dans les processus de production, de consommation et de distribution.

      Par "logiques organisationnelles" est entendu un principe de légitimation qui s'élabore dans une profusion de pratiques sociales dérivées. Autrement dit, les logiques organisationnelles sont les bases de l'idéation pour les relations d'autorité institutionnalisées.

      La thèse de Manuel Castells est que l'essor de l'économie organisationnelle se caractérise par le développement d'une nouvelle logique de l'organisation qui est liée au processus de changement technologique en cours.

      Il examine en outre la genèse de cette nouvelle forme d'organisation ainsi que les conditions de son interaction avec le nouveau paradigme technologique.

      Les trajectoires organisationnelles dans la restructuration du capitalisme et dans la transition de l'industrialisme vers l'informationnalisme sont mises en évidence par les analyses qui coïncident sur quatre points fondamentaux :

      1. rupture majeure

      2. indépendance

      3. répondre à l'incertitude

      4. modèle de la production "dégraissée".

      Il s'agit d'étudier le développement de trajectoires organisationnelles différentes, c'est-à-dire les arrangements spécifiques de systèmes moyens visant à accroître la productivité et la compétitivité dans le nouveau paradigme technologique et la nouvelle économie globale. Plusieurs tendances organisationnelles se sont développées à partir des processus de la restructuration capitaliste et de la transition industrielle.

      5.6.1 De la production de masse à la flexibilité de la production :

      La transition de la production de masse vers la flexibilité de la production, ou du "fordisme" vers le "postfordisme", passe par la réalisation d'économies d'échelle dans un processus mécanisé, la grande firme structurée selon les principes de l'intégration verticale et d'une division sociale et technique institutionnalisée du travail avec une organisation scientifique du travail, lorsque la demande est devenue imprévisible en quantité et en qualité ... la production s'adapte au changement incessant sans prétendre le contrôler à travers la spécialisation industrielle ou la production sur mesure. Des pratiques semblables s'observent également dans les services avancés comme la banque.

      Les nouvelles technologies permettent la transformation des chaînes de montage propres aux grandes firmes en unités de production faciles à programmer, qui peuvent s'adapter aux variations du marché (flexibilité du produit) et aux changements d'intrants technologiques (flexibilité du procédé).

      Cette notion d'intrant est nouvelle et particulièrement importante. Elle permet notamment de donner des représentations de la mécanique des flux (par exemple d'information) qui s'installe, de figurer l'économie informationnelle en terme de représentations.

      5.6.2 La petite entreprise et la crise de la grande firme, mythe et réalité :

      La crise de la grande firme est opposée à la vivacité des petites et moyennes entreprises comme agents d'innovation et sources de création d'emplois.

      Est en déclin la grande entreprise intégrée verticalement en tant que modèle organisationnel, et il y a survivance du "keynésianisme multinational". Il est vrai que les PME sont bien adaptées au système de production souple de l'économie informationnelle, et il est tout aussi vrai que leur dynamisme passe sous le contrôle de grandes firmes qui demeurent au coeur de la structure du pouvoir économique dans la nouvelle économie globale. Ce n'est donc pas à la disparition de la grande entreprise que nous assistons, mais à la crise de son modèle d'organisation traditionnelle fondé sur l'intégration verticale et la gestion hiérarchique et fonctionnelle : le système staff and line de stricte division technique et sociale au sein de l'entreprise.

      Le "toyotisme" se caractérise par la coopération des cadres et des travailleurs, le travail multifonctionnel, le contrôle total de qualité et la réduction de l'incertitude.

      Cette transformation de l'entreprise se présente sous un troisième aspect, les nouvelles méthodes de gestion, nées pour la plupart dans les firmes japonaises.

      On oppose au "fordisme" le "toyotisme" présenté comme la nouvelle formule gagnante adaptée à l'économie globale et au système de production flexible. Le modèle japonais sur lequel est calquée la transformation est basé sur le juste à temps, le contrôle total de qualité et le zéro défaut.

      Sans doute la culture japonaise est-elle largement à l'origine du "toyotisme", en particulier le modèle consensuel, coopératif, du travail d'équipe, mais elle n'est en aucun cas responsable de sa diffusion.

      Il y a toujours coopération entre la direction et les ouvriers.

      La stabilité et la complémentarité des relations entre l'entrepreneur principal et le réseau des fournisseurs sont extrêmement importantes pour la mise en oeuvre de ce modèle : Toyota dispose au Japon d'un réseau à trois niveaux de fournisseurs qui regroupe des milliers de sociétés de toutes tailles. La plupart des débouchés de la majorité de ces sociétés sont des marchés captifs de Toyota et il en va de même pour les autres grandes firmes.

      Quelles différences pour ce modèle par rapport à la plupart des fournisseurs- clés qui sont en fait placés sous contrôle ou l'influence de groupes financiers, commerciaux ou technologiques apparaissant soit à la société- mère soit au groupe qui la chapeaute. Il se produit une désintégration verticale de la production le long d'un réseau d'entreprises, processus qui remplace l'intégration verticale des départements au sein- même de la société. Le réseau permet une plus grande différenciation du travail et du capital composant l'unité de production et favorise probablement les motivations et la responsabilité, sans nécessairement modifier le mode de concentration de la puissance industrielle et de l'innovation technologique.

      L'efficacité du modèle dépend aussi de l'absence de perturbations majeures dans le processus général de production et de distribution : zéro défaut des pièces détachées, zéro panne des machines, zéro stock, zéro retard, zéro paperasserie. Le toyotisme est un système de gestion qui tend à diminuer l'incertitude plutôt qu'à encourager l'adaptabilité. La souplesse réside dans le processus et non dans le produit.

      Il faut rendre compte de la création du savoir dans l'entreprise. La compagnie génératrice de connaissance repose sur l'interaction organisationnelle entre le savoir explicite et le savoir tacite à l'origine de l'innovation. Des problèmes apparaissent liés au système de gestion formalisé à l'excès. Le bagage formel de savoir dans l'entreprise augmente, et les connaissances du monde extérieur peuvent également être intégrées aux habitudes tacites, l'ensemble visant par ailleurs à améliorer les procédures standard.

      Dans un système économique où l'innovation est essentielle, la capacité organisationnelle à en multiplier les sources à partir de toutes les formes de savoir devient le pivot- même de l'entreprise innovante. Ce mode d'organisation exige l'entière participation des travailleurs au processus d'innovation, et vise une stabilité de l'emploi.

      La communication en ligne et la capacité de stockage informatisée sont devenus de puissants outils pour développer la complexité des liens organisationnels entre savoir tacite et explicite.

      5.6.3 La mise en réseau interentreprise :

      Deux autres formes de flexibilité organisationnelles existent, apparentes dans les rapports qui lient les entreprises entre elles.

      Il s'agit du modèle de réseau multidirectionnel mis en oeuvre par des PME et du modèle de production sous licence ou en sous-traitance sous l'égide d'une grande entreprise.

      Enjeu, la domination financière et/ou technologique. Néanmoins s'établissent souvent des relations en réseau avec plusieurs grandes sociétés et/ou d'autres PME, sur certains créneaux commerciaux et des projets de coopération particuliers. Ce sont notamment les réseaux de sous-traitance.

      La flexibilité de ce système a permis de bénéficier des coûts locaux les plus favorables (Taïwan), de diffuser de la technologie dans l'ensemble du réseau, de profiter de multiples soutiens des gouvernements par exemple, et d'utiliser plusieurs pays comme tremplins d'exportation.

      Ceci est typique de réseaux horizontaux d'entreprises.

      Il existe un réseau de production de nature différente, le "modèle Benetton". Ce système de réseau est tout aussi efficace au niveau de la production.

      Il s'agit d'un réseau horizontal qui repose sur un ensemble de relation entre le centre et la périphérie des deux côtés, offre et demande, du processus. Ce type de réseaux d'affaires horizontaux, intégrés verticalement par un contrôle financier caractérise les systèmes de ventes directes en Amérique ou informe la structure décentralisée de nombre de consultants d'affaires en France, organisés autour d'un centre de contrôle de la qualité.

      Les alliances stratégiques de grandes firmes forment le sixième modèle d'organisation possible; il y a entrecroisement de grandes firmes, alliances stratégiques différentes de cartels et différentes autres ententes oligopolistiques, en vue de l'accès aux marchés et aux capitaux en échanges de savoirs- faire technologiques et industriels. Les industries de hautes technologies forment un réseau mondial de plus en plus complexe d'alliances, d'accords et de projets communs dans lequel la plupart des grandes firmes sont liées les unes aux autres, ce qui n'empêche pas la concurrence.

      5.6.4 La firme horizontale et les réseaux d'affaires globaux :

      Le passage de la bureaucratie verticale à la firme horizontale s'est effectué avec changement économique et technologique. Pour manoeuvrer dans l'économie globale les stratégies de mise en réseau ont rendu le système plus souple mais n'ont pas réglé le problème de l'adaptabilité, dans la limite d'une stratégie générale commune.

      Puisque l'information émanant d'un lieu à un moment précis est un élément essentiel de la politique d'entreprise, la technologie de l'information n'a pas de prix, car elle autorise simultanément la collecte de l'information et son intégration dans un système souple d'élaboration stratégique. L'unité opérationnelle véritable devient le projet particulier mis en oeuvre par un réseau plutôt que l'entreprise individuelle ou le groupement formel d'entreprises. Les projets sont réalisés dans des champs d'activité qui peuvent être des lignes de produits, des tâches organisationnelles ou des zones territoriales. L'information appropriée est essentielle à la réussite de l'entreprise. Et l'information la plus importante, dans de nouvelles conditions économiques est celle qui est traitée entre sociétés à partir des données reçues de chaque unité.

      L'information circule le long des réseaux : réseaux entre compagnies, réseaux internes aux entreprises, réseaux personnels et réseaux informatiques. Seules les nouvelles technologies de l'information permettront un tel modèle, souple et adaptable, de fonctionner véritablement.

      Cela implique que l'entreprise sache se restructurer tout en réintégrant la logique coordinatrice du système entrepreneurial dans un centre de décision fonctionnant en ligne avec les unités en réseau qui agissent en temps réel.

      La firme horizontale est un réseau dynamique et stratégiquement conçu d'unités autoprogrammées et autodirigées, fondées sur la décentralisation, la participation et la coordination.

      5.6.5 La crise du marché de la firme verticale et l'essor des réseaux d'affaires :

      La formation de réseaux de sous-traitance autour de grandes entreprises est un phénomène distinct de la constitution de réseaux horizontaux de PME. La structure en toile d'araignée des alliances stratégiques entre grandes firmes diffère du droit de passage à la société horizontale. La participation des travailleurs au processus de production ne se réduit pas nécessairement au modèle japonais. Le toyotisme est un modèle de transition entre la production standardisée de masse et une organisation du travail plus efficace, caractérisée par l'introduction de pratiques artisanales couplée à une participation des travailleurs et des fournisseurs au sein d'un modèle industriel fondé sur la chaîne de montage.

      Quelle que soit leur diversité ou leur mode d'expression culturelle, toutes les dispositions organisationnelles sont fondées sur des réseaux. Les réseaux forment la trame essentielle dont les organisations nouvelles sont et seront constituées, manifestant la puissance d'information offerte par le nouveau paradigme technologique.

      5.6.6 La technologie de l'information et l'entreprise en réseau :

      Le changement organisationnel, indépendamment des transformations technologiques, a besoin de faire face à un environnement opérationnel en constante évolution.

      Dans l'Amérique des années 1980, la nouvelle technologie a le plus souvent été perçue comme un moyen d'économiser et de contrôler le travail, non comme un instrument de changement organisationnel.

      La capacité des grandes sociétés américaines à se réorganiser pour ressembler à des petites entreprises et pour agir comme elles peut du moins en partie, être attribuée au développement de nouvelles technologies qui rendent inutiles des couches entières de cadres ainsi que leurs collaborateurs.

      La capacité des PME à se relier en réseaux étendus à l'échelle planétaire est devenue un facteur fondamental de leur développement voire de leur survie sur le marché. Elle passe par une extension de leur communication qui prend pour support stratégique ces réseaux en s'appuyant sur la création et la vie de nouveaux médias, à destination internes ou externes.

      Dans les grandes entreprises la complexité de la toile formée par les alliances stratégiques, les accords de sous-traitance et les décisions décentralisées aurait été impossible à gérer sans le développement des réseaux d'ordinateurs, et, plus précisément, sans les puissants microprocesseurs installés dans les ordinateurs de bureau, eux-mêmes reliés par les réseaux de télécommunications à commande numérique. Dans ce cas, le changement organisationnel a, dans une certaine mesure, déterminé la vigueur technologique. C'est parce que les nouvelles organisations, petites ou grandes, ont eu besoin de se mettre en réseau que les micro-ordinateurs et les mises en réseau des ordinateurs ont connu une diffusion explosive. C'est aussi parce que ces technologies étaient disponibles, que la mise en réseau est devenue la clef de la flexibilité organisationnelle et de l'efficacité économique, et elle a produit de nouveaux médias.

      La technologie de mise en réseau de l'information a fait un saut quantique au début des années 1990 du fait de la convergence de trois tendances :

      1. la numérisation du réseau de télécommunications;

      2. le développement de la transmission sur bande large;

      3. l'amélioration spectaculaire du fonctionnement des ordinateurs reliés en réseau.

      Le paradigme informatique est passé du simple lien entre ordinateurs à la "synergie informatique", où que se trouvent les interlocuteurs sur la planète. C'est ce modèle de la synergie qui a permis à des concepts tels que Internet ou La Grille de voir le jour.

      Les progrès qualitatifs de la technologie de l'information, disponibles à partir des années 1990 ont permis l'émergence de procédés de gestion, de production et de distribution informatiques souples et interactifs, impliquant une coopération simultanée entre les firmes et leurs unités.

      La convergence entre les exigences organisationnelles et le changement technologique érige la mise en réseau en forme de concurrence majeure dans la nouvelle économie globale. La coopération et la mise en réseau représentent donc la seule possibilité de partager les coûts et les risques, et de maintenir le contact avec une information constamment renouvelée.

      En outre les réseaux font office de portiers...Autrement dit, au travers de l'interaction entre la crise et les changements organisationnels, d'une part, et les nouvelles technologies de l'information d'autre part, apparaît une nouvelle forme d'organisation caractéristique de l'économie informationnelle et globale : l'entreprise en réseau. C'est la forme spécifique d'une entreprise dont l'intersection de segments de systèmes autonomes d'objectifs constitue le système de moyens. Les éléments du réseau sont à la fois autonomes et dépendants du réseau, performance, connexité, cohérence, degré de communauté d'intérêts entre les objectifs du réseau et ceux de ses composants.

      L'entreprise en réseau est la forme organisationnelle de l'économie informationnelle et globale.

      Culture, organisations et institutions : un exemple, les réseaux d'affaires chinois et l'Etat développeur :

      Les similarités et les différences entre réseaux d'affaires s'expliquent par rapport aux caractéristiques culturelles et institutionnelles en liaison avec la notion d'Etat développeur.

      Les affinités culturelles entre les investisseurs d'outre-mer et leurs agents locaux, fonctionnaires et travailleurs y compris, permettent d'établir plus uniment et plus rapidement des réseaux transnationaux de production.

      Entreprises multinationales, firmes transnationales et réseaux internationaux :

      On peut observer ici différents types de réseaux :

      1. Les réseaux de fournisseurs,

      2. Les réseaux de producteurs,

      3. Les réseaux de consommateurs,

      4. Les coalitions normatives,

      5. Les réseaux de coopération technologique.

      Entrer dans les réseaux stratégiques exige soit de posséder des ressources considérables (financières, technologiques, commerciales) soit de s'allier à un participant majeur du réseau. Selon Manuel Castells, à mesure que le processus de globalisation s'étend, les formes organisationnelles évoluent des entreprises multinationales aux réseaux internationaux, laissant de côté les prétendus "transnationales".

      Le réseau interorganisationnel est comme un réseau enchâssé dans un réseau externe, qui modèle la structure et la dynamique du réseau interne de la firme. La logique du réseau est plus puissante que les puissances au sein- même du réseau. La gestion de l'incertitude devient essentielle dans une situation d'interdépendance asymétrique, et recoupe par exemple la question de la validité des informations.

      Les réseaux jouent un rôle majeur dans la nouvelle concurrence économique. Grâce à la globalisation des marchés et des intrants, et de l'extraordinaire changement technologique qui menace sans cesse d'obsolescence et oblige les entreprises à se tenir régulièrement informées des procédés et de ses produits nouveaux. Les effets organisationnels sont exactement inverses de ceux que la théorie économique classique prévoit. La globalisation de la concurrence la dissout en un tissu de réseaux multidirectionnels qui deviennent l'unité opérationnelle réelle. L'augmentation du coût des opérations est pris en charge par l'ensemble du réseau ce qui augmente assurément l'incertitude mais en permet le partage. La globalisation et l'informationalisation paraissent structurellement liées à la mise en réseau et à la flexibilité. L'architecture et la composition des réseaux d'affaires dans le monde sont influencés par les caractéristiques de sociétés où ces réseaux sont implantés.

      L'esprit de l'informationalisme, (Weber), reprend :

      1. les réseaux d'affaires

      2. les outils technologiques

      3. l'idée d'une concurrence globale

      4. le rôle de l'Etat

      5. la possibilité d'émergence et la consolidation de l'entreprise en réseau.

      Quel est le fondement éthique de l'informationalisme ? Et a-t-il seulement besoin d'un quelconque fondement éthique ?

      Pour la première fois dans l'histoire, l'unité est le réseau, le réseau est une unité.

      Il ne s'agit pas d'une culture nouvelle au sens de valeurs, dans la mesure où la multiplicité des sujets dans le réseau et la diversité des réseaux récusent une "culture de réseau" de ce genre.

      C'est une culture virtuelle à multiples facettes, à l'image des expériences visuelles que créent les ordinateurs dans le cybermonde en réarrangeant la réalité. L'entreprise en réseau apprend à vivre avec cette culture virtuelle. L'esprit de l'informationnalisme est la culture de la destruction créatrice, opérant à la vitesse des circuits optoélectroniques qui traitent des signaux. Shumpeter rencontre ainsi Weber dans le cybermonde de l'entreprise en réseau.

      La transformation du travail et de l'emploi :

      Quels rapports peut-il exister entre travail en réseau, chômage et travail flexible ou flexibilité du travail ?

      Le travail est au coeur de la structure sociale. La transformation de sa technologie et de sa gestion, ainsi que celle de ses relations de production, au sein et autour de l'entreprise en réseau naissante, sont le principal vecteur par lequel le paradigme informationnel et le processus de globalisation agissent sur la société dans un ensemble. Une analyse de l'impact spécifiques des nouvelles technologies de l'information sur le travail lui-même et sur le niveau de chômage en essayant d'évaluer le bien-fondé de la crainte très répandue d'une société sans travail a été conduite. Elle montre que les effets potentiels de la transformation du travail et de l'emploi sur la structure sociale, en insistant sur les processus de polarisation sociale qu'on associe à l'émergence du paradigme informationnel débouchent sur l'individualisation du travail et la fragmentation des sociétés. L'évolution historique de l'emploi et de la structure professionnelle dans les pays capitalistes avancés est jalonnée par le G-7, sur la période 1920-2005 :

      Dans tout processus de transition historique, l'une des expressions les plus directes du changement est la transformation de l'emploi et de la structure professionnelle.

      Le nouveau paradigme informationnel interagit avec l'histoire, les institutions, les niveaux de développement différents et la position dans le système global d'interaction selon le fonctionnement des différents réseaux.

      Le post- industrialisme, l'économie de services et la société informationnelle :

      1. La productivité et la croissance naissent de la création de savoir étendue à tous les domaines de l'activité économique par le traitement de l'information.

      2. L'activité économique se déplace de la production des biens à la prestation de services. Un glissement se produit vers les emplois de services, marque d'une économie avancée.

      3. La nouvelle économie augmente l'importance des professions à fort contenu d'information et de savoir. Les professions gestionnaires, libérales et techniques se multiplient plus vite que les autres pour constituer le noyau de la nouvelle structure sociale.

      La révolution des NTIC partage le XX ème siècle en deux. Elle s'est ajoutée le "mythe" de l'économie postindustrielle.

      La notion de services est quant à elle ambiguë voire trompeuse. Le software informatique interdit souvent de distinguer "biens" et "services".

      Les professions riches en information sont en expansion, constituant le coeur de la dite nouvelle économie du travail. La quantité d'emplois non-qualifiés augmente également. La structure sociale est de plus en plus polarisée, son sommet et sa base existent au détriment de son milieu.

      Savoir, science et expertise occupent une place prééminente dans la plupart des professions gestionnaires et libérales.

      Dans les sociétés qui détruisent massivement les emplois industriels en une courte période (ex : dans les pays du G-7) on assiste au fondement du nouveau système de classes de la société informationnelle.

      La nouvelle structure professionnelle met au jour une grande diversité des profils professionnels selon les sociétés. Le Japon et les Etats-Unis occupent deux pôles de comparaison dont le contraste souligne l'urgence qu'il y a à refondre la théorie du postindustrialisme et de l'informationnalisme.

      Le modèle américain progresse, accompagné d'une hausse du poids relatif des professions les plus nettement informationnelles; il n'y a pas polarisation professionnelle par rapport aux données, mais il se produit une polarisation des revenus aux Etats-Unis par exemple et dans d'autres pays depuis une vingtaine d'années.

      La maturation de la société informationnelle est difficilement démontrée par les projections de l'emploi dans le XX ème siècle.

      Dans ce domaine les données sont douteuses et les projections incertaines. C'est la "division des services", services de santé, services d'affaires, qui assurera l'essentiel de la croissance de l'emploi.

      Au cours de la période 1975-1990 l'activité qui s'est développée le plus rapidement a été la fourniture de personnel, les firmes recourant de plus en plus au travail temporaire et à la sous-traitance.

      Les services juridiques et para-juridiques, l'ingénierie, l'architecture et l'éducation (écoles privées) devraient croître fortement aussi.

      La projection aux Etats-Unis suivant le modèle originel de la société informationnelle met en évidence que les emplois agricoles disparaissent; l'emploi industriel continue de diminuer; les services aux entreprises accroissent leur importance et le commerce de détail et les services deviennent très liés.

      L'évolution de la structure professionnelle et ses implications pour une analyse comparative de la société informationnelle montre que la tendance séculaire est à l'accroissement de la productivité du travail humain. Il faut produire plus et mieux avec moins de ressources et d'efforts, et ceci s'accompagne d'un glissement de l'emploi et de la main-d'oeuvre (production directe - production indirecte).

      Le passage se fait d'un système essentiellement centré sur l'agriculture à un système basé sur l'industrie puis sur les services dans lequel l'information et les médias prennent un nouvel essor.

      Plusieurs traits communs fondamentaux caractérisent les sociétés informationnelles et deux modèles informationnels différents peuvent être identifiés : le modèle de l'économie de services avec expansion de la catégorie des managers et modèle de production industrielle.

      La France semble pencher vers le modèle de l'économie de services tout en conservant une forte base industrielle et en développant à la fois les services aux entreprises et les services sociaux. Les réseaux d'entreprises de type PME se multiplient.

      L'unité d'analyse permettant de comprendre la société nouvelle doit nécessairement changer.

      La question que l'on peut se poser est celle de l'existence d'une main d'oeuvre globale.

      S'il y a économie globale, cela implique qu'il y ait un marché du travail global et une main-d'oeuvre globale. Pour autant on ne peut pas dire que le marché des nouvelles technologies est devenu global. Il existe cependant un marché global pour une fraction infime de la population active : les spécialistes hyperqualifiés de la recherche et développement innovatrice, de l'ingénierie de pointe, de la gestion financière, des services avancés d'affaires et du spectacle, qui vont et viennent entre les noeuds de réseaux dominants de la planète. L'intégration des meilleurs talents dans les réseaux globaux se fait essentiellement aux sommets dirigeants de l'économie informationnelle.

      Hormi le plus haut niveau des créateurs du savoir et des manipulateurs de symboles (les connecteurs, les capitaines et les innovateurs), il n'existe pas et il n'existera pas dans un avenir proche de marché global et unifié du travail.

      Chaque fois c'est la technologie de l'information qui permet de lier entre eux les différents segments de main d'oeuvre au travers des frontières nationales :

      1. l'emploi global dans les firmes multinationales et leurs réseaux transfrontières associés,

      2. les effets du commerce international sur les conditions d'emploi et de travail,

      3. les conséquences de la concurrence globale et du nouveau mode de gestion flexible sur la population de chaque pays.

      Il faut désormais communiquer à des distances très importantes avec une très grande vitesse, et certaines informations sont stables sur une période plus longue tandis que d'autres, beaucoup plus instantanées, doivent être échangées "au moment" avec le bon interlocuteur. Des nouveaux médias naissent et s'imposent, et cette catégorisation de l'information implique leur structure et hiérarchise leur importance. La main humaine reste toujours là pour apporter du bon sens lorsque c'est nécessaire.

      En fait, plus la globalisation économique s'approfondit plus l'interpénétration des réseaux de production et de gestion s'accentue par-delà les frontières, et plus étroits se font les liens entre les conditions de la main d'oeuvre dans les différents pays : celle-ci dispose de niveaux de salaires et de protection sociale différents, tout en gommant de plus en plus les écarts de qualification et de technologie.

      Tout un ensemble de stratégies concernant la main d'oeuvre, qualifiée ou non, est donc offert aux entreprises des pays capitalistes avancés qui en ont la possibilité.

      Le travail dans le paradigme informationnel change lui aussi quelque peu d'orientation.

      L'épanouissement de la révolution des technologies de l'information pendant les années 1990 transforme le travail et introduit de nouvelles formes dans sa division sociale et technique; au milieu des années 1990, le nouveau paradigme informationnel couplé avec l'émergence de l'entreprise en réseau est bien installé et prêt à opérer.

      La relation est plus étroite entre technologie et travail.

      La technologie n'est pas en soi la cause de l'organisation du travail sur place, et n'est qu'une des opportunités de l'installation de nouveaux médias.

      Dans cette ère où le service et la communication par son efficacité sont devenus primordiaux, la technique en elle-même n'est plus un problème qui prime. Tout peut être résolu, il suffit d'en avoir les moyens. Le processus de restructuration capitaliste a marqué de façon décisive les modalités de l'introduction des technologies informationnelles dans le processus du travail, mais cette restructuration elle-même a été modelée par les capacités technologiques, la culture politique et les traditions professionnelles des différents pays. Le nouveau paradigme informationnel du travail ne se présente donc pas comme un patchwork désordonné, tissé par l'interaction entre le changement technologique, la politique de relations industrielles et l'action sociale. Pour déceler des structures permanentes dans cet ensemble confus, il est nécessaire de déconstruire d'abord, puis de reconstruire, la structure naissante de l'organisation de la main d'oeuvre et du travail qui caractérise la nouvelle société informationnelle.

      Toute technologie de l'information passe par une mécanisation puis une automation. Le débat est alors celui de l'aliénation par la productivité, de l'autonomie du travail au regard du contrôle de la direction.

      Si les machines automatisées, puis les ordinateurs, servent effectivement à transformer les travailleurs en robots de deuxième ordre, ce n'est pas là le corollaire de la technologie mais celui d'une organisation sociale du travail qui a bloqué et bloque encore la pleine utilisation de la capacité de production générée par les technologies nouvelles.

      Le travailleur en réseau est en quelque sorte l'agent nécessaire de l'entreprise en réseau, fondée grâce aux nouvelles technologies de l'information, et dont la communication s'appuie sur de nouveaux médias qui en découlent.

      Dans les années 1990, plusieurs facteurs ont accéléré la transformation du travail : la technologie informatique et ses applications, progressant par bonds sont devenus plus performantes, meilleur marché, et exploitables à grande échelle ; la concurrence globale a provoqué une course technologique / gestionnaire entre les entreprises du monde entier ; les organisations ont évolué et adopté des formes nouvelles, généralement fondées sur la flexibilité et la mise en réseau ; les managers et leurs conseillers ont enfin compris le potentiel des technologies nouvelles et appris à en user, même s'ils leur assignent volontiers les limites du vieux système d'objectifs organisationnels. Les médias donnent la possibilité désormais d'une meilleure concertation décisionnelle depuis la base.

      Pour la diffusion massive, ce qui a tendance à disparaître dans l'automation intégrale, ce sont les tâches routinières et répétitives qui, codables et programmables, peuvent être assurées par des machines.

      Le travail informationnel est déterminé par les caractéristiques du processus informationnel de production. La valeur ajoutée est essentiellement le fruit de l'innovation, tant dans les procédés que dans les produits. Les nouvelles puces et les nouveaux logiciels conditionnent largement le destin de l'industrie électronique. L'invention de produits financiers nouveaux (par exemple : le "marché dérivé" à la Bourse à la fin des années 1980) sont à la base de l'essor, si hasardeux soit-il des services financiers et de la prospérité ou de l'effondrement des firmes financières et de leurs clients.

      L'innovation dépend de deux conditions : le potentiel de recherche et la capacité de spécification. Autrement dit, le nouveau savoir doit être mis au jour, puis appliqué à des objectifs spécifiques dans un contexte organisationnel et institutionnel donné. La conception personnalisée est essentielle pour la micro- électronique des années 1990 et la réaction instantanée aux changements macro-économiques fondamentale pour gérer des produits financiers volatils créés sur le marché global.

      Les tâches d'exécution sont plus efficaces lorsqu'elles sont capables d'adapter des instructions plus larges que leur application spécifique, et lorsqu'elles peuvent rétroagir sur le système. La combinaison optimale entre le travailleur et la machine dans les tâches d'exécution permet d'automatiser toutes les procédures standard pour réserver au potentiel humain l'adaptation et les effets rétroactifs.

      La plus grande partie de l'activité de production se déroule au sein d'organisations. Les deux principaux traits de la forme organisationnelle prédominante, c'est-à-dire l'entreprise en réseau, étant l'adaptabilité interne et la flexibilité externe, les deux éléments clés du travail sont dès lors la capacité à générer des décisions stratégiques souples et la capacité à assouplir l'intégration organisationnelle entre tous les éléments du processus de production.

      La technologie de l'information devient l'ingrédient principal du travail décrit dans la mesure où elle détermine largement la capacité d'innovation ;elle permet la correction d'erreurs et la création de rétroactions au niveau de l'exécution ; elle apporte à l'infrastructure flexibilité et adaptabilité dans la gestion du processus de production. Et rappelons-le, elle est le support des nouveaux médias de communication qui se mettent en place, investissant autant qu'il est possible tous les niveaux de la distribution.

      Une nouvelle distribution du travail est produite, tout d'abord concernant les tâches effectivement accomplies dans un travail donné (création de valeur) , ensuite, la relation entre une organisation donnée et son environnement y compris d'autres organisations (création de relation) , et en troisième, la relation entre gestionnaires et employés dans une organisation ou un réseau donnés (prise de décision) .

      Elle s'applique par différents champs :

      a. Prise de décision et planification stratégiques par les capitaines ;

      b. Innovation dans les produits et les procédés par les chercheurs ;

      c. Adaptation, présentation et ciblage de l'innovation par les concepteurs ;

      d. Gestion des relations entre la décision, l'innovation, la conception et l'exécution en tenant compte des moyens dont dispose l'organisation pour réaliser les objectifs par les intégrateurs ;

      e. Exécution des tâches fondées sur l'initiative et la compréhension personnelles par les opérateurs ;

      d. Exécution des tâches subsidiaires préprogrammées qui n'ont pas été ou ne peuvent être automatisées, par ceux que M Castells nomme "les manoeuvrés" ou "robots humains".

      Cette typologie doit être combinée avec une autre qui prend en considération le besoin et la capacité de chaque tâche, et de celui qui l'accomplit, à être reliée avec d'autres fonctions en temps réel, que ce soit au sein de la même organisation ou dans un système général de l'entreprise en réseau ...

      Trois cas de figure prévalent :

      1. les connecteurs, ce sont eux qui connectent les autres et décident;

      2. les connectés, qui travaillent en ligne mais ne décident pas quand, comment, pourquoi et avec qui ;

      3. les déconnectés, rivés à leurs tâches spécifiques, définies par des institutions non-interactives à sens unique.

      Seules les deux premières catégories "touchent" aux nouveaux médias.

      Enfin du point de vue de la capacité à intervenir dans la prise de décision, on différencie : les décideurs, les participants, les exécutants.

      Néanmoins le travail informationnel invite par nature à la coopération, au travail en équipe, à l'autonomie et à la responsabilité des travailleurs, sans quoi les nouvelles technologies ne peuvent fournir tout leur potentiel ni la communication atteindre une qualité suffisante. Le caractère "en réseau" de la production informationnelle imprègne la firme toute entière et exige en permanence une interaction et un traitement de l'information des employés, entre employés et direction, et entre les hommes et les machines.

      L'émergence du paradigme informationnel dans l'organisation du travail n'explique pas complètement la situation de l'emploi et de la main-d'oeuvre dans nos sociétés. Le contexte social, et singulièrement la relation entre le capital et le travail en fonction des décisions spécifiques par la direction des firmes, modèle fortement la réalité du travail et les conséquences du changement pour les employés.

      Là, même si l'information via les nouveaux médias est à même de remonter mieux, cela ne signifie pas qu'elle est utilisée systématiquement dans la prise de décision. Cependant les tableaux de bord d'entreprise automatisés existent ou se mettent en place tout le long de la hiérarchie de l'entreprise entreprise- réseau d'abord puis du ou des réseaux d'entreprises.

      La bifurcation des structures professionnelles et la polarisation du travail qui en résulte ne sont pas le fruit du progrès technologique ou de tendances évolutives inexorables. Elles sont socialement déterminées et décidées par les managers au cours de la restructuration capitaliste qui affecte la production dans le cadre et avec l'aide du changement technologique. Dans de telles conditions, le travail, l'emploi et les professions se transforment, comme peut-être l'idée même de travail et de temps de travail.

      Les effets de la technologie de l'information sur l'emploi pourraient même impliquer que nous allons vers une société sans travail. La diffusion de la technologie de l'information ranime la crainte séculaire des travailleurs de se voir remplacés par des machines et de perdre ainsi toute raison d'être d'autant que l'élément caractéristique du nouveau marché du travail des deux dernières décennies est l'introduction massive des femmes dans la population active salariée signifie une très grande hausse de nombre.

      Dans l'ensemble, les statistiques internationales démentent les prédictions ; généralement, plus le niveau technologique est élevé et plus le taux de chômage est faible. La technologie de l'information ne produit pas en soi le chômage bien qu'elle réduise à l'évidence le temps de travail par unité produite et la ligne de partage informationnelle du travail désigne la notion de travail flexible.

      La restructuration des entreprises et des organisations qu'autorise la technologie de l'information et que stimule la concurrence globale introduit une transformation fondamentale de l'emploi : celle de l'individualisation des tâches dans les processus de travail. Et nous assistons ainsi à un renversement de la tendance historique à la généralisation du salariat, personnalisation des produits, travail à temps partiel. Dans certains pays cela représente une part importante de la population active.

      La mobilité du travail concerne aussi les emplois qualifiés. Si la plupart des firmes conservent encore un noyau de main-d'oeuvre fixe, elles font de plus en plus appel à la sous-traitance et au conseil des tâches spécialisées. L'entreprise n'est pas la seule à profiter de la flexibilité. Nombre de spécialistes ajoutent à leur emploi principal à temps plein ou partiel des missions de conseil qui augmentent à la fois leurs revenus et leur pouvoir de négociation. La logique de ce système professionnel très dynamique interagit avec les institutions du travail de chaque pays. Dans l'ensemble la forme traditionnelle du travail fondée sur l'emploi à temps plein, des tâches professionnelles précises et un plan de carrière à vie, se délite lentement mais sûrement.

      Le modèle dominant du travail dans la nouvelle économie informationnelle conjugue en effet une main-d'oeuvre permanente, comparée de gestionnaires informés et de ceux que Reich appelle "analystes symboliques", et une main-d'oeuvre jetable qui peut être automatisée et/ou embauchée / licenciée / délocalisée selon la demande du marché et les coûts du travail. D'autant que l'entreprise en réseau peut s'adapter facilement aux conditions du marché en externalisant ses activités par l'approvisionnement à l'étranger et la sous-traitance, sa communication étant normalement réellement facilitée et bien plus puissante par la mise en réseau et les médias.

      Les analystes distinguent diverses formes de flexibilité : par les salaires, la mobilité géographique, le statut professionnel, la sécurité contractuelle, le travail à la tâche qui redéfinissent les conditions de travail.

      La technologie de l'information et la restructuration des relations capital- travail peut conduire vers la polarisation sociale ou la mise en place de sociétés fragmentées. La diffusion de la technologie de l'information dans l'économie ne produit pas automatiquement du chômage, elle est même capable de créer des emplois à long terme. La logique de ce modèle dynamique de marché du travail interagit avec les institutions du travail propres à chaque pays. La société se divise comme c'est le cas depuis toujours dans l'histoire, entre les gagnants et les perdants du processus sans fin de négociation individualisée et inégale.

      5.7 La culture de la virtualité réelle prend de plus en plus d'importance :

      Elle commence avec l'intégration de la communication électronique, la fin du public de masse et l'essor des réseaux interactifs.

      La tension entre communication alphabétique réputée noble et communication sensorielle non réfléchie nourrit l'hostilité des intellectuels envers la télévision laquelle domine la critique sociale des mass médias.

      De nos jours se fait l'intégration des différents modes de communication au sein même d'un réseau interactif.

      Pour la première fois, un supertexte et un métalangage intègrent dans un même système les modes écrit, oral et audiovisuel de la communication humaine.

      Une nouvelle culture s'impose, la culture de la virtualité réelle.

      5.7.1 On passe de la galaxie Gutenberg à la galaxie MacLuhan par l'essor de la culture des mass médias :

      Dans les deux cas, le public était considéré comme largement homogène ou susceptible d'être rendu homogène. La notion de culture de masse émanant de la société de masse, a été l'expression directe du système de médias résultant de la mainmise des gouvernements et des oligopoles privés sur la nouvelle technologie des communications électroniques.

      "La médiocre définition de la télévision oblige le spectateur à combler les interstices de l'image, et donc à s'engager avec davantage d'émotion que ce qu'il voit." (MacLuhan)

      Une présence aussi forte qu'omniprésente de sons et d'images aux messages subliminaux devrait avoir des effets considérables sur le comportement social. Cependant, les recherches les plus récentes indiquent le contraire :

      "les conclusions répétées de cinquante années aboutissent à mettre en perspective le cycle historique de panique morale que suscitent les nouveaux médias".

      Le déferlement de messages publicitaires par le biais des médias semble également avoir une influence limitée. Umberto Eco propose une perspective éclairante pour interpréter les effets des médias : "ils existent (...) selon leurs codes culturels particuliers."

      La conséquence de cette analyse est que ce dont nous sommes certains est surtout transmis par l'éducation. Or si les gens disposent d'une quelconque autonomie pour déterminer leur comportement, les messages envoyés par le biais des médias doivent interagir avec leurs récepteurs ; par conséquent, la notion de mass média renvoie à un système technologique bien spécifique et non à une forme de culture, la culture de masse. La télévision structure le langage de la communication sociale, par exemple dans le cas des hommes politiques, de la communication politique et du soutien populaire qu'elle peut leur apporter. Les nouveaux médias permettent un échange plus direct et plus intense entre les acteurs (ex : courrier électronique, homme politique, électeur). Leur limite première semble être le temps que chacun peut y passer, mais les facultés de stockage et de tri de l'information deviennent prépondérante voire conditionnent au passage la formalisation d'une opinion.

      En outre si, comme nous le décrit Jean-Marie Cotteret, jusqu'à présent pour se faire élire, il faut avoir accès aux médias, être les plus visibles, les plus apparents, il faut désormais également montrer que l'on domine la technologie c'est-à-dire les nouveaux médias, et grâce à elle se rendre encore plus apparent et surtout disponible, au moins en apparence et cela oblige à quelques résultats pour être réellement crédibles. L'impact social de la télévision opère sur un mode binaire : être ou ne pas être. Dès qu'un message passe à la télévision, il peut être modifié, transformé, voire subverti, mais dans une société organisée autour des communications de masse, les messages extérieurs aux médias ne sont échangés que dans les réseaux interpersonnels, disparaissant ainsi de l'univers collectif.

      Le prix à payer pour qu'un message passe à la télévision n'est pas simple affaire d'argent ou de pouvoir : il faut aussi accepter par avance qu'il soit délivré à travers un texte multisémantique à la syntaxe fort relâchée. C'est ainsi que l'information et le spectacle, l'éducation et la propagande, la détente et l'hypnose s'interpénètrent dans le langage télévisuel. Comme le récepteur regarde la télévision dans un contexte familier qu'il maîtrise, tous les messages se fondent dans le cadre rassurant du foyer ou du quasi-foyer (tels les bars où se retrouvent les amateurs de sports, l'un des rares prolongements de la famille qui subsistent encore ...). Cette normalisation des messages qui fait que telles images atroces d'une guerre peuvent à la limite être consommées comme n'importe quelle scène d'un film d'action, a un effet fondamental : le nivellement de tout contenu. Dans la mesure où ils forment le tissu symbolique de notre vie, les médias tendent en effet à agir sur notre conscience et notre comportement à la manière dont l'expérience réelle agit sur les rêves, en fournissant sa matière première à notre cerveau. C'est comme si l'univers des rêves visuels ( l'information - spectacle offert par la télévision) restituait à notre conscience le pouvoir choisir, recombiner et interpréter les images et les sons que nous produisons au travers de nos pratiques collectives ou par nos préférences personnelles. Les médias sont l'expression de notre culture et notre culture fonctionne d'abord avec les matériaux proposés par les médias.

      Autre phénomène important, les nouveaux médias et la diversification du public de masse.

      Les gens ont également la possibilité d'enregistrer les événements de leur propre vie, depuis les grandes vacances jusqu'aux fêtes familiales, produisant leurs images personnelles par-delà l'album de photos traditionnel. Quelles que soient ses limites cette autoproduction est une expérience qui contredit le flux unilatéral d'images pour valoriser l'expérience vécue et l'écran.

      Par exemple, CNN s'est imposée comme le principal producteur d'informations dans le monde entier, au point qu'en temps de crise, dans n'importe quel pays du monde, journalistes et hommes politiques regardent cette chaîne 24 heures sur 24. Ce qui signifie ici une structuration de l'information presque en forme de monopole divergent. Notons cependant l'émergence d'une chaîne arabe (Al-Jazira) à l'occasion des attentats du onze septembre et de la lutte contre le terrorisme.

      Les nouveaux médias mettent en jeu un public segmenté et différencié qui, bien que massif par le nombre, n'est plus un public de masse caractérisé par la simultanéité et l'uniformité du message reçu. Les nouveaux médias ne sont plus des mass média, ces appareils spécialisés dans la diffusion d'un nombre limité de messages à un public de masse homogène. La multiplicité des messages et des sources rend le public lui-même plus sélectif. Le public ciblé tend à choisir ses messages, accroissant ainsi sa segmentation et la relation personnelle entre l'émetteur et le récepteur.

      En raison de la diversité des médias et de la possibilité de cibler le public, on peut dire que dans le nouveau système ce sont les caractéristiques du message qui façonnent les caractéristiques du média (MacLuhan). Le message du média modèle les différents médias pour des messages différents. Cependant, la diversification des messages et des expressions médiatiques n'implique pas que les grandes entreprises et les gouvernements renoncent à contrôler la télévision ou les nouveaux médias.

      Le fait que tout le monde ne regarde pas la même chose en même temps et que le système des médias représente une différence fondamentale avec l'ancien système de mass médias standardisés. La pratique généralisée du "surf" signifie que le public crée ses propres mosaïques visuelles. Si, de fait, les médias sont aujourd'hui globalement interconnectés, nous ne vivons pas dans un village planétaire mais plutôt dans des pavillons construits sur plans, produits à l'échelle mondiale et distribués localement, quitte à sacrifier la solidité qui permettrait de plus résister au temps, il nous faut tout le confort et les services.

      En France, communications informatisées, contrôle institutionnel, réseaux sociaux et communautés virtuels, le Minitel et Internet annoncent les "autoroutes de l'information". Côté Internet : la topologie aléatoire des réseaux locaux de fanatiques d'ordinateurs eux-mêmes en aléatoire. Côté Minitel : l'ordonnancement de l'annuaire téléphonique. Ici une tarification anarchique de services incontrôlables, là un système de kiosque qui permet une tarification homogène et une répartition des revenus dans la transparence. D'une part le déracinement et le fantasme des connexions généralisées par-dessus les frontières et les cultures, de l'autre la version électronique de l'enracinement communautaire.

      La constellation Internet décrit comme l'épine dorsale de la communication informatisée globale.

      L'universalité du langage numérique et la pure logique de mise en réseau du système de communications ont ainsi créé les conditions technologiques d'une communication horizontale globale.

      La mise en réseau s'est généralisée lorsque les réseaux locaux et régionaux se sont interconnectés et ont commencé à essaimer partout où il y avait des lignes téléphoniques et des ordinateurs équipés de modems, matériels devenus fort peu coûteux et particulièrement bien vus par les consommateurs.

      Le concept du BBS "Bulletin Board Systems" est à l'origine de la formation dans les pratiques de communautés virtuelles dont la culture s'est ainsi très tôt rattaché à l'esprit pionnier.

      Il existe aujourd'hui des milliers et des milliers de microréseaux de ce genre qui couvrent toute la palette de la communication humaine depuis la politique et la religion jusqu'au sexe en passant par la recherche.

      Le cybermonde du commerce ressemblera ainsi davantage à l'expérience historique des rues marchandes propres à une culture urbaine vivante qu'aux centres commerciaux étalés dans les banlieues anonymes.Depuis la constitution et la diffusion d'Internet et des réseaux de communication toutes sortes de vitrines se sont créées dont certaines n'ont depuis longtemps plus raison d'exister mais qui peuplent encore le réseau par milliers. Malgré un effort constant, dans ces myriades de réseaux et d'interconnexions, il est très difficile d'assurer le secret. Et il est probable que depuis l'usage des cartes de crédit jusqu'à la correction des déviances psychologiques, il reste un très long chemin à parcourir avant d'atteindre un degré de régulation et de sécurité satisfaisant. La culture des usagers de la première génération à l'esprit communautaire et libertaire a façonné le Net en deux directions opposées. De la tentation d'en réduire l'accès à une minorité de passionnés de l'ordinateur, vivant littéralement au sein du cybermonde, demeure la méfiance à l'égard des préoccupations commerciales et la crainte que l'extension illimitée du réseau ait pour contrepartie son envahissement par la misère humaine.

      Malgré tous les efforts, la culture des réseaux dominée par la communication aboutit à une société d'individualisation bien au-delà de la geste des premières tribus informatiques.

      5.7.2 La société interactive :

      La communication informatisée n'est pas susceptible de généralisation dans un avenir proche. Même si son utilisation se développe à une vitesse phénoménale, elle exclura longtemps la grande majorité de l'humanité, contrairement à la télévision et aux autres mass médias. La communication informatisée reste le média du segment le plus instruit et le plus aisé de la population des pays les plus riches et les plus instruits, qui vit le plus souvent dans les régions urbaines les plus étendues et les plus cosmopolites.

      L'hypothèse de Manuel Castells est que la communication par ordinateur va se développer dans un avenir proche partout et même en direction des pays pauvres.

      Passant des utilisateurs aux utilisations, la communication informatisée s'effectue dans des proportions écrasantes au travail ou dans des situations en rapport avec le travail.

      Si les gens travaillant chez eux sur ordinateur apprécient jusqu'à la personnalité et la fonction de ceux avec qui ils sont en relation et communiquent, il est possible de décrire des codes de comportement rattachés à ces pratiques nouvelles. Outre l'interaction sociale occasionnelle et diverses utilisations spécifiques, la communication par ordinateur est à l'origine de la constitution de communautés virtuelles, par exemple prenant pour cadre un réseau électronique autodéfini de communication interactive organisé autour d'un intérêt ou d'un objectif commun mais qui peut être éphémère. Le mode de communication électronique est le mode favori pour le cosmopolitisme et l'internationalisation. Il se peut que la communication informatisée soit un puissant moyen de renforcer la cohésion sociale de l'élite cosmopolite, en offrant un support matériel au contenu d'une culture globale à même de sécréter ainsi toute sorte de messages branchés. En apparence s'opère une grande fusion qui aboutit à considérer le multimédia comme un environnement symbolique. Dans la seconde moitié des années 1990, un nouveau système de communication électronique est né de la fusion de la communication informatisée et des mass médias. Ce sont les entreprises et non les Etats qui modèlent le nouveau système multimédia. Les prévisions d'une demande illimitée de divertissement paraissent exagérées et largement dictées par l'idéologie de la "société des loisirs". Et bien que la réduction de la consommation de médias semble s'expliquer par le surmenage plus que par le manque d'intérêt, les firmes du multimédia misent sur une autre interprétation : le contenu des programmes ne serait pas assez attrayant. Le nouveau système en raison de la diversité virtuelle des contenus, le message est le message : c'est la capacité de différencier un produit qui offre le plus grand avantage en matière de concurrence. Au demeurant, il n'est pas sûr que les gens aspirent à plus de produits et services, domine plutôt l'envie de distractions supplémentaires, alimentant une structure socioculturelle propre.

      5.7.3 La culture de la virtualité réelle :

      Les cultures sont faites de processus de communication qui prennent largement appui sur la réalité virtuelle pour donner des expressions culturelles nouvelles. Interacteurs et interagis :l'interaction de la plupart des expressions culturelles dans le système de communication intégralement fondé sur la production fait naître l'espace des flux et le temps intemporel. La culture de la virtualité réelle est une culture dans laquelle le simulacre est la réalité en gestation. L'écueil à éviter est d'aboutir à une société du simulacre généralisé.

      L'Espace des flux : l'espace et le temps sont les dimensions matérielles fondamentales de l'expérience humaine. Pour les services avancés, par les flux d'informations et dans la cité globale, il se produit une domination croissante de certains noeuds et la prédominance de certains circuits nationaux et internationaux de connexion. Le nouvel espace industriel fait une large part à la recherche et développement, à l'innovation qui passe par le développement et la fabrication de prototypes. La vie quotidienne dans le pavillon électronique signifierait peut-être la fin des grandes villes et la transformation de la forme urbaine ferait naître la cité informationnelle.

      5.7.4 Le temps flexible et l'entreprise en réseau :

      Le temps comme source de valeur, cette valeur deviendrait primordiale pour le casino global comme le monde financier. Le temps comme source de valeur devient présent jusque sur les places de marché non-financières, celles qui servent par exemple à distribuer les biens de consommation. Le temps de chacun ramené à une valeur vitale plus précieuse que l'argent donnera-t-il le moyen de faire circuler les biens de consommation courante de façon à assurer enfin à tout un chacun le bien-être minimum et l'existence légitime ...

      "Le temps créé de l'argent".

      L'annihilation et la manipulation du temps par les marchés financiers globaux électroniquement gérés sont à l'origine de nouvelles formes de crises économiques dévastatrices, qui font planer une terrible menace sur le XXI ème siècle. On assisterait à un rétrécissement et à la distorsion de la vie active car dans les sociétés modernes le temps de travail rémunéré structure le temps social.Le cycle de vie semble pouvoir se dissoudre allant vers une sorte d'arythmie sociale.

      Manuel Castells, pour son raisonnement, pose comme hypothèse que "la société en réseaux est caractérisée par la rupture de toute rythmicité, qu'elle soit biologique ou sociale, associée à l'idée de cycle d'existence."

      Le concept de temps change avec la notion de temps virtuel; la simultanéité et l'intemporalité aboutissent au règne d'une nouvelle catégorie dominante, les "maîtres de l'information".Le mélange des temps dans le média permet en définitive à l'information de circuler, d'être échangée dans une intemporalité indifférenciée, source de la spiritualité économique.

      Le temps intemporel, lui, appartient à l'espace des flux qui est celui de nos sociétés segmentées.

      Un réseau est un ensemble de noeuds interconnectés, chaque portion de réseau appelle une implication spécifique de leur part.

      Concernant le travail, quels sont désormais les propriétaires, qui sont les producteurs, qui sont les dirigeants et les dirigés ? Si le processus de travail est unifié d'un bout à l'autre des réseaux globaux, on assiste en même temps à la différenciation du travail, à la segmentation des employés et à la dégradation de la main-d'oeuvre à l'échelle globale. Le statut des dirigeants est également en mutation.

      En définitive, la société en réseau parait bien devoir s'installer, arriver sans que nous, simple mortel, ayons un droit de regard ou tout simplement de ne pas y prendre une part active. La mondialisation serait bien un phénomène inévitable, entraînant à sa suite une globalisation de tous les concepts traditionnels qui peuvent l'être. Les réseaux sont là comme des outils, des technologies de l'esprit et des techniques support de ces passages. Les nouveaux médias ne sont que des manifestations et des supports de la communication. Anne Cauquelin écrit le réseau comme le "lien invisible des lieux du corps visible", lien à la fois interne et externe quand il s'agit du corps humain. "Indiquant le passage, le réseau est effectivement un 'passe'", ce qui le réduit à une technologie de l'esprit. Nous en resterons là : "le réseau est un concept de passage". Actuellement, s'il est aussi visible, c'est que nous procédons à son installation technique.

      6 Piloter l'informatisation*, c'est choisir un modèle de société :

      Informatisation doit être compris ici au sens de la mise en réseaux, qui est liée à l'informatique.

      L'informatisation, la technique, s'inscrit dans un mouvement de rationalisation dont elle est la condition et l'expression la plus achevée. L'informatisation est seulement une étape de développement et elle semble associée à un palier de société, nouveau modèle de société qui ne va pas sans la mise en place de médias nouveaux s'ajoutant aux médias traditionnels, s'appuyant par exemple sur les réseaux (inter, intra, extra -net). D'où la nécessité avérée d'un "plan Banques de données" : recenser les institutions à créer, définir les responsables chargés de les mettre en oeuvre. Les télécommunications sont devenues un point de passage obligé chaque fois qu'il s'agit de faire communiquer. Initiateur d'une stratégie concertée de "l'internationale des télécommunications", le pôle français doit devenir l'instrument d'un dialogue moins déséquilibré avec les grands constructeurs sur les problèmes de souveraineté.

      La situation alors : une absence de stratégie unifiée avec des intervenants multiples aux positions contradictoires et des tutelles dispersées, des pouvoirs réglementaires et une fonction d'exécution confondus.

      Il s'agit également de profiter de la capillarité du réseau téléphonique et des infrastructures existantes mais aussi de dynamiser l'action des organismes de télécommunications, de définir une politique du futur sans se tromper sur les produits, les usages, les peuples etc.

      Dans une société à haute productivité, les conflits s'élargiront progressivement à tous les éléments, à tous les composants du "modèle culturel" par exemple le langage et le savoir. Question alors : Comment se traduiront ces conflits ? Imaginer un scénario....Face à cet avenir aléatoire, l'essentiel n'est pas de prévoir les effets de l'usage accentué et généralisé des réseaux, mais de socialiser l'information. Sur ces thèmes il ne s'agit pas d'apporter des conclusions générales mais de proposer un canevas d'interrogations. La société informatisée, celle du tout- en- réseau, deviendrait une société de conflits culturels, car une société à haute productivité est une société conflictuelle. L'accroissement des services est important, et surtout la multiplication des activités où l'information est la matière première. Elle s'accompagne d'un changement dans la structure des organisations et d'un basculement des attitudes à l'égard du travail. Il existe désormais beaucoup plus de petites voire de très petites unités que de grands groupes.

      La scène sociale traditionnelle tendra à se désarticuler au fur et à mesure du passage de la société industrielle, organique, à la société d'information polymorphe. Les rapports de production ne demeureront pas la matrice unique de la vie sociale. Les rivalités n'opposent plus deux classes structurées par leur insertion dans les processus industriels mais des groupes mobiles et innombrables, conditionnés par la diversité de leur appartenance et de leurs objets. La source et l'enjeu de ces conflits s'élargiront à la société entière. Dans les rapports entre télématique et conflits culturels, le langage et le savoir sont en jeu dans les conflits qui se développent. La domination s'exerce par l'intermédiaire du savoir qui aboutit au pouvoir auquel il est étroitement lié.

      L'informatisation en tant que produit fini risque d'être à l'origine de l'une de ces discontinuités autour desquelles pivotent le savoir. La frontière des disciplines sera plus fluide, plus mobile, nécessitant une plus grande tolérance mais aussi plus de fermeté afin de corriger au plus vite et au mieux les dérives ... Et le savoir y perdra le réconfort d'une transition et d'une sociologie. Bouleverser une culture individuelle ici, proposerait moins de stockage des savoirs remplacé par plus dans l'habileté à chercher et à utiliser. Les concepts l'emportent sur les faits, les itérations sur les récitations. Assumer cette transformation serait une révolution copernicienne pour la pédagogie. Comment parvenir à ce degré; ensuite quels types de découvertes sont-ils possibles ?

      7 Le projet en avenir aléatoire, socialiser l'information :

      Si l'hypothèse précédente est correcte, l'avenir devient imprévisible, aléatoire. C'est d'ailleurs ce qu'avait défini le Rapport Nora Minc sur la société de l'information. Dans l'approche libérale, la vision du futur débouche sur une société post-industrielle apaisée. Elle suppose que l'abondance et l'égalisation croissante des niveaux de vie permettraient de construire la nation autour d'une immense classe moyenne culturellement homogène, et de dépasser les tensions. La société de l'information échappe à ces analyses, à ces prévisions.. Débordant le monde de la production, elle façonne les besoins nouveaux en fonction de son projet, de ses modes de régulation, de son modèle culturel. Elle prend appui sur de nouveaux médias notamment à base de réseau qui prennent pour vecteur de leurs développements les technologies nouvelles et si possible au fur et à mesure de leurs apparitions respectives. Elle est le lieu d'une infinité de conflits décentrés, non-articulés, ne relevant pas d'une analyse unificatrice. Certes la méthode systémique, plus biologique, rend mieux compte d'une société multipolaire, mais celle-ci ne peut avoir de stratégie a priori. Ses valeurs- mêmes seront l'objet de rivalités multiples ) l'issue incertaine : ce sera une société aléatoire. Cette notion de société aléatoire peut paraître paradoxale si on commet l'erreur de se représenter les nouveaux médias à l'image des médias traditionnels, mais un certain sens de l'information est passé déjà par la culture de la société individualiste de masse en tant que valeur qu'il est d'usage de s'approprier et de faire vivre pour son propre compte. Plus va l'histoire, plus les gens la font, et moins ils savent quelle histoire ils façonnent. Dès lors le futur ne relève plus de la prospective mais de la qualité du projet collectif et de la nature de régulations sur lesquelles il s'appuie.

      Jusqu'il y a peu de temps: une régulation sans projet, un projet sans régulation. Dans l'univers libéral, la concurrence et son expression, le système de prix, remplissent à la fois la fonction d'information, et celle d'arbitrage : ils assurent, tant bien que mal, l'ajustement des projets individuels solvables. La société entière passe sous la toise de leur valeur marchande : le marché devient le seul facteur "totalisant" de la société, et le carcan totalitaire des valeurs.Or dans la société à haute productivité, une information riche et répartie doit pouvoir rendre compatible la spontanéité des groupes sociaux et le poids inévitable des contraintes. Dans un monde idéal de "sages" totalement informés, l'ordinateur ou son substitut coïnciderait avec la spontanéité : une société à marché parfait où la culture et les informations rendraient chacun conscient des contraintes collectives et une société intégralement planifiée où le centre recevrait de chaque cellule de base des messages corrects sur son échelle de préférence, auraient la même structure et la même orientation.

      Un fonctionnement souple de la société exige que les groupes sociaux puissent exprimer leurs aspirations et leurs répugnances mais que dans le même temps l'information sur les contraintes soit reçue et acceptée. Il n'y a pas de spontanéité sans régulation, pas de régulation sans hiérarchisation. L'autogestion si elle se veut autosuffisance restera une contre-société marginale. Pour contribuer à transformer la société globale, elle doit accepter une stratégie de l'insertion. Socialiser l'information c'est donc mettre en place les mécanismes par lesquels se gèrent et s'harmonisent les contraintes et les libertés, le projet régalien et les aspirations des groupes autonomes. C'est favoriser la mise en forme des données à partir desquelles la stratégie du centre et les désirs de la périphérie peuvent trouver un accord : celui par lequel la société et l'Etat non seulement se supportent, mais se fabriquent réciproquement, germe le fruit d'une plus grande ouverture et d'une meilleure coopération.

      Comment ? Germe ici l'idée d'un système centré avec en association le problème de la centralisation / non-décentralisation. L'imagination ne va-t-elle pas au-delà de ce type de structure ? De plus en plus apparaîtront comme des pseudo- informations celles qui n'enseignent que des recettes techniques, qui alignent des faits sans les mettre en perspectives, les structurer dans un projet cohérent, et celles qui, au contraire, proclament des idéaux sans les insérer dans le développement de la société. Rendre l'information utile, c'est donc trouver un minimum d'accord sur la structuration qui la transforme en pensée cohérente et acceptée. Encore faut-il que le projet qui en résulte s'insère dans un système de communications et de concertations. Aujourd'hui l'information va essentiellement du sommet vers la base. Seul le marché constitue le réseau pauvre de la communication horizontale. La société de l'information appelle la remontée vers le centre des désirs des groupes autonomes, la multiplication à l'infini des communications latérales. La palabre orale avec ses rituels équilibrait le village. La palabre informatisée, et ses codes, doit recréer une "agora informationnelle" élargie aux dimensions de la nation moderne. Ainsi se dégageront progressivement des accords, des compromis. Ils exprimeront un consensus engageant des collectivités de plus en plus larges, des perspectives de plus en plus lointaines.

      L'équilibre de la société informatisée est difficile. Schématiquement la vie nationale s'organisera sur trois étages correspondant à une fonction, à trois systèmes de régulation et donc d'information. C'est à l'étage proprement régalien que se déterminera le projet collectif : les pouvoirs publics hiérarchiseront les contraintes subies par la société. Ils pourront se servir du marché mais ils ne devront pas reculer devant l'ordre et la régie directe. Ici la régulation relève essentiellement de mécanismes politiques. Au fur et à mesure que seront mieux formalisées les contraintes d'intérêt collectif et les aspirations culturelles, elles auront tendance à peser sur le marché. Celui-ci pourra cesser d'être une métaphysique pour devenir un outil. Il traduira des valeurs d'échanges de plus en plus dominées par des motivations qui les débordent. Ce sera un quasi-marché qui récupèrera un horizon de temps et des désirs qui jusqu'alors lui échappaient.

      Cette dynamique où chaque système de régulation s'enrichit des informations émanant des deux autres est une voie royale : celle que pourrait parcourir une nation ayant généralisé la communication et de ce fait élargi la participation? La société à laquelle elle conduit est fragile : construite pour favoriser l'élaboration d'un consensus, elle suppose l'existence et se bloque si elle ne parvient pas à l'obtenir. Des contraintes excessives ou mal adaptées ne permettraient pas de retrouver l'équilibre, que par un accroissement du commandement. Pour que la société d'information reste possible, il faut savoir, mais aussi pouvoir compter avec le temps. La pédagogie réciproque des disciplines et des aspirations s'exerce lentement : elle s'opère au fil des générations, pour la transformation des matrices culturelles : familles, universités, médias ...

      8 Démocratique, la révolution des réseaux ?

      La réalité, c'est que le cyberespace, comme tout espace social, est un mélange de valeurs qui s'affrontent et de paramètres contradictoires. Nous sommes juste au milieu non d'une révolution de la communication ou de l'information comme l'appelle les experts, mais d'une révolution du pouvoir.

      En utilisant les réseaux qui leur sont accessibles, les individus découvrent une nouvelle voie pour prendre le pouvoir détenu jusqu'alors par ces grandes institutions que sont les gouvernements, les entreprises et les médias. Des courants tels que la personnalisation, la décentralisation et la "désintermédiation", le contournement des intermédiaires, permettent déjà d'avoir plus de contrôle sur la vie quotidienne, les hiérarchies s'aplanissent et le pouvoir descend vers l'utilisateur final. Les processus de prise de décision sont en pleine mutation.

      Les communications sont désormais facilitées avec la famille, les amis et même les étrangers à l'autre bout de la planète, mais le système n'est pas parfait (ex : les interruptions en cas de catastrophe naturelle existent). Nous disposons de plus en plus quand et comme nous le voulons d'informations diverses et variées. Les transactions commerciales via les réseaux sont rendues moins coûteuses car les courtiers et les intermédiaires sont contournés. De nouvelles formes d'engagement et d'organisation politiques sont possibles; elles sont sources d'une mobilisation qui a fait ses preuves par exemple dans le cas des activistes, de Belgrade au Chiapas en passant par le Tibet avec l'usage de sites web globaux et de listes de diffusion de messages. Aterritorialité qui permet de défendre son territoire et sa liberté.

      Les réseaux interconnectés permettent de transcender les limites de la géographie et des contextes locaux pour faire de nouveaux bonds sociaux. Les vies humaines sont également enrichies par la possibilité d'apprendre et d'explorer avec un niveau de profondeur jamais atteint auparavant. Moyennant l'obtention d'un accès pour tous, et si tout le monde optimise correctement l'usage du réseau, la révolution du pouvoir pourrait bien réussir à renforcer les individus et la démocratie, comme les "cyberutopistes" le prédisent. Le changement de pouvoir qui s'opèrent peut générer de vrais dangers pour l'individu et pour la société. Il est possible d'imaginer quelques uns des scénarios possibles :

      - Griserie: amenée par la prise du pouvoir détenu par les politiciens accusés d'être trop souvent corrompus, les intermédiaires trop coûteux et les géants de la presse à sensation, aller trop loin au risque de perdre de vue les bons côtés des régimes démocratiques républicains, la qualité que les intermédiaires apportent aux produits et services, la valeur que les journalistes transmettent en vérifiant l'intégralité de leurs informations.

      - Hébétude: séduits par le confort de la vie en ligne, le risque est grand d'oublier que rien ne remplace le contact en face à face, avec des amis, des voisins, des professeurs, des collègues de travail, des citoyens, et le plaisir subtil dû au hasard des rencontres, rétrécissant les horizons individuels et privant d'opportunités intéressantes de vie, d'échanges humains.

      -Prise au piége de l'interactivité: enthousiasmés par la sensation d'une liberté sans limites avec cette nouvelle vie de branché, ne pas voir de quelle façon les grandes institutions, surtout les entreprises, influencent toujours et même réduisent nos choix. Cliquant naïvement dans l'univers virtuel l'être humain pourrait croire qu'il est maître de sa destinée, alors qu'en fait, ce qui lui est offert en ligne est principalement sous-tendu par des objectifs de profit. Pis encore s'il ne remarque pas que des droits aussi fondamentaux que la liberté d'expression et la protection de la vie privée se retrouvent plus ou moins subtilement limités.

      -Motivé par le désir légitime de simplifier son existence et d'entretenir des relations avec des personnes du même milieu, risquer sans le vouloir d'augmenter la fracture sociale et le déclin de l'Etat- nation. En ligne, probablement utiliser des technologies de filtrage élaborées pour éliminer les messages et informations non désirés, y compris ceux qui sont pourtant les clés pour une culture politique ouverte. Hors ligne, l'écart entre ceux qui possèdent les informations et les autres risque d'augmenter. Avec moins d'expériences et de sources d'information partagées, les citoyens ressentiront moins de points communs et d'obligations envers leurs semblables.

      Le nouveau contrôle individuel offert par la technologie peut être aussi bien l'élément le plus prometteur de notre nouveau monde en ligne que le plus décevant.

      Les réseaux ne sont pas par essence démocratiques. En fait, l'impact social et politique du Net par exemple dépend entièrement de la façon dont les usagers s'en servent.

      La liberté sans contrainte n'est plus une liberté démocratique. Les gouvernements ont un rôle à jouer pour contrôler les frontières électroniques, résoudre les conflits, promouvoir la concurrence et la croissance et en particulier garantir que les bénéfices de la révolution du pouvoir soient aussi larges que possible.

      Protéger les droits de chacune des parties impliquées dans ces nouvelles formes de communication doit permettre de préserver la liberté d'expression en ligne, la vie privée et la défense des consommateurs. Les réseaux peuvent être utilisés pour renforcer la société civile et la sphère publique, en créant des espaces pour les communications sans entraves et non commerciales, en fortifiant les coopérations et en préservant les cultures minoritaires.

      Les communautés virtuelles et l'exploration en ligne peuvent être très satisfaisantes et sources d'un fort enrichissement culturel, en particulier pour ceux que les interactions sociales du monde réel effraient d'autant plus s'ils vivent dans un environnement répressif, mais les réseaux doivent être utilisés pour renforcer les communautés d'intérêt et non pour les laisser à l'écart.

      Face à cette révolution des circuits de décision, les individus doivent rééquilibrer leur nouveau pouvoir avec leurs responsabilités envers la société dans son ensemble. La préservation de la liberté d'expression dans le cyberespace, par exemple, dépendra non seulement de l'abrogation de certaines lois qui peuvent s'avérer inadaptées, ou de l'interruption de poursuites judiciaires inadéquates contre les fournisseurs d'accès, mais aussi de la conduite des individus et des entreprises. Il est nécessaire de garder à l'esprit que le cyberespace, la société en réseau, n'est qu'une brique en construction et que d'autres concepts fondamentaux dont nous avons pas encore l'idée viendront naturellement à sa suite.

      La liberté d'expression et la démocratie en général, peuvent s'épanouir à l'ère des ntic mais seulement si chacun fait les sacrifices requis, c'est-à-dire travaille à préserver une sphère publique dédiée à l'interaction entre les citoyens, sans succomber aux illusions du cyberespace ni à la séduction du contrôle individuel total, et si chacun s'engage à utiliser la technologie pour favoriser la diversité et l'interdépendance, en évitant l'exclusion et l'intolérance. Les réseaux ne seront démocratiques que parce qu'ils auront été construits ainsi.

      9 En conclusion :

      Les technologies de l'information sont productrices d'utopies, de mythes qui sont des déformations de la réalité mais qui en même temps concourent par leur existence dans l'imaginaire des individus à sa construction, en agissant sur la mobilisation des acteurs, sur leurs usages et in fine sur la diffusion de la technique. Dans le cas d'Internet, par exemple : les circonstances et le milieu, gratuité, universitaires, dans lequel le 'réseau des réseaux' a vu le jour, sont constitutifs de l'idéologie des premiers utilisateurs fondée sur les principes d'échanges égalitaires et de la libre circulation des informations. L'extension au secteur industriel privé puis au grand public, bien que marquée par cette utopie fondatrice, aboutit à un cadre sociotechnique nouveau issu des usages et des attentes de ces nouveaux usagers. De nouvelles pratiques sont nées ou naissent, impactant réellement et concrètement les anciennes, favorisant l'émergence d'une "intelligence collective" (Pierre Lévy).

      La mondialisation des techniques ne crée pas la communication mondiale, ni même l'avènement d'un seul monde, application de la notion de village global, non plus que l'avènement d'une société nouvelle débarrassée des pouvoirs, des idéologies et des inégalités. Le fonction de communication à travers l'informatisation et la mise en réseaux de toutes natures oblige les entreprises à repenser de fond en comble la structuration de leur système d'information et de leur organisation, et pousse à créer des systèmes de collaboration qui mettent en place à tous les niveaux une efficacité- force.

      Par ailleurs, imaginer la dimension mondiale des supports du caractère contingent des contenus est devenu une nécessité, et il faut rappeler qu'il n'y a pas de culture sans acculturation et donc sans reconnaissance de l'égalité des différents partenaires. Le défi essentiel reste celui du être ensemble et de la cohésion sociale. Il ne réside pas dans l'affirmation des droits individuels en dépit du fait que les nouveaux médias peuvent assez facilement créer l'illusion d'un isolement de personne à personne renforçant au passage le sentiment de l'importance de l'ego tout en suscitant des comportements tautistiques.

      Une réglementation pertinente est nécessaire et doit s'attacher à préserver la légitimité des différents points de vue et la référence à l'existence d'une norme- repère minimum, commune suffisamment solide et souple, tout comme l'habitude citoyenne d'en pratiquer l'usage.

      En outre, si le mécénat environnemental qui connaît un fort succès depuis ces dernières années, est

      la figure hypertrophiée d'une responsabilité illimitée envers la vie, et si à travers lui, les acteurs, entreprises par exemple, se donnent une mission quasi divine de protection et de développement de la vie, l'idéal de vie qu'il semble vouloir défendre est encore bien loin de transparaître au niveau des réseaux et de leur régulation.

      La communication n'est plus définie comme une simple affaire à deux, mais comme un système circulaire, un orchestre dont chacun fait partie et où tout le monde joue en suivant une partition invisible. On ne communique pas, on participe à la communication. Pour le psychiatre Eric Berne (analyse transactionnelle), le jeu est un schéma de conduite, une sorte de scénario, que la personne suit de manière répétitive dans ses relations à autrui. Par exemple, elle se situe toujours en victime et place autrui dans la position de persécuteur ou de sauveur. De plus, l'individu en situation de communication, tente de produire, de faire reconnaître et de défendre une certaine image de soi; en ce sens, il est possible de parler de stratégies identitaires, en parties inconscientes et qui sous-tendent une part importante des communications.

      Et l'on peut émettre l'hypothèse que se créent des noeuds d'information porteurs instinctifs ou désignés de la connaissance et du savoir pleins de vie, agissant comme les supports de réactions au sein du tissu social par exemple mais pas seulement. Sont nés les agents puis les avatars, interfaces individualisés des humains à l'imaginaire de la technique, destinés à l'accompagner partout, anges gardiens virtuels de son voyage, son périple à travers le (les) cyberespace(s).

      "L'égalité étant au fondement- même de l'échange marchand et cet espace étant une mise en scène de marché, les acteurs présents sur cette scène mettent en place un espace de communication socialement défini par la situation. Si à Carpentras, la situation sociale du marché contribue à la mise en scène d'un espace public où tous peu ou prou se voient devenir des enfants du pays, à Barbès en revanche, où tous les gens en présence sont d'origines très diverses et où on est "tous l'étranger de quelqu'un", la communication à l'oeuvre semble se jouer plutôt sur la mise en scène d'une certaine idée dans une société "multiculturelle". En fait, on joue à être dans une société de la multiculturalité où, de façon fictive, tout le monde serait pareil, tout le monde serait différent, où tous différents parce que tous semblables et où l'on serait tous équivalents parce que tous différents". Cette idée d'une communication orchestrée ...nous ramène à une interprétation possible ou probable. Il s'agit en communiquant de produire du sens, circuler par le sens, en donnant du sens, en résonnant du sens, véritable polyphonie du sens.

      L'analogie de l'orchestre a pour but de faire comprendre comment on peut dire que chaque individu participe à la communication plutôt qu'il n'en est l'origine ou l'aboutissement. L'image de la partition invisible rappelle plus particulièrement le postulat fondamental d'une grammaire du comportement que chacun utilise dans ses échanges les plus divers avec l'autre. C'est en ce sens que l'on pourrait parler de modèle orchestral de la communication. Et la représentation de feedback positif mais surtout négatif permet une conceptualisation à la fois plus simple et plus générale : par autocorrections successives, le système ou le sous-système est capable de retourner à la stabilité, d'exprimer un état stable du sens.

      Pour Norbert Wiener et la cybernétique (1948) comme pour Ruesch ou Watzlawick et bien d'autres, "la communication est une matrice dans laquelle sont enchâssées toutes les activités humaines". A notre époque des réseaux nouveaux s'intègrent au vivant et deviennent un composant fondamental de son développement. Les réseaux agissent donc comme autant de portées tant pour la composition suivant les règles que pour l'improvisation de l'infiniment la musique du monde des humains et de leurs semblables.

      Si comme l'a si bien dit Anne Cauquelin, "le réseau est un concept de passage", la communication par les nouveaux médias à base de réseau(x) opère d'ores et déjà un tri sur le vivant qu'elle exprime, un petit coup d'hominisation, participant au phénomène que Michel Serres a dénommé et décrit "HOMINESCENCE".

      "Le récit du passé, c'est la mémoire,

      le présent du présent, c'est la vision,

      le présent du futur, c'est l'attente."

      Saint - Augustin, Confessions, XI, 20-26

      23 octobre 2001. Minutes d'éternité, attente.

      Une petite fille de trois ans et demi salue et parle, quelque part dans la Russie contemporaine dans le monde contemporain; depuis un gigantesque laboratoire aéronautique terrestre elle salue sa maman qui, spationaute en direct derrière un hublot de la première Station Spatiale Internationale, laisse flotter en apesanteur devant elle un de ses compagnons favoris, son nounours.

      ANNEXES

      A/ Semaine Européenne des Ntic 2001, le point de vue des acteurs du marché :

      Début an 2001 a eu lieu à Paris une semaine européenne consacrée aux Ntic, qui a permis au cours de conférences plénières à quelques uns des acteurs de marché de se retrouver voire de se rencontrer pour une première fois, et de dialoguer avec un public pour la plupart très averti.

      1. CONF 1 : Comment Internet et les nouvelles technologies modifient nos comportements, nos habitudes de consommation et notre vie citoyenne ?

      Quelles sont les innovations qui auront le plus d'impact sur nos modes de vie ? Faut-il repenser l'école et l'enseignement ? Quelles politiques pour favoriser l'accès à tous dans les écoles, les collèges, les universités, les associations ... Existe- t'il des risques politiques et sociologiques liés à l'utilisation inappropriée des NTIC ?

      animée par Jean-Baptiste GIRAUD, BFM; (JBG)

      avec :

      Pascal CAGNI, Vice Président Apple Europe; (PC)

      Jean-Jacques GOMEZ, Premier Vice Président au Tribunal de Paris; (JJG)

      Francois-Henri PINAULT, Président EBG, Groupe PPR; (FHP)

      Joël de ROSNAY, Directeur de la prospective, Cité des Sciences et de l'Industrie; (JdeR).

      Cela dépend de notre consommation et de notre mode de vie. Sur ce chapitre nous ne pouvons nous en tenir qu'à des lieux communs...

      JdeR: le phénomène sera fini dans dix ans ou même dans moins de dix ans. Ce sera comme pour l'électricité, on n'en parlera plus... L'habitude sera prise de la même façon que pour la lumière.

      Ce qui restera important et intéressant ce sont les services à haute valeur ajoutée et ils n'auront pas grand chose à voir avec ce qui existe actuellement, car on s'est planté avec les dot.com telles Amazon.com. etc...

      Ce qui est bon (OK) et va rester :

      1. e-learning et réseaux intranet d'entreprise,

      2. accès mobile, réseaux mobiles tels que "internet mobile" (musique, repérage, sécurité),

      3. les jeux.

      FHP : EBG (Executive Business Club), qu'est-ce que c'est ? Réponse : un club ntic auquel adhèrent 300 entreprises, certaines traditionnelles telles que des banques ou des sociétés de services etc. d'autres, des start-up.

      JJG : affirme tout d'abord qu'il n'est pas technicien. Il a eu a juger notamment l'affaire "Estelle Halliday", et actuellement l'affaire "Yahoo!".

      Auparavant, on disait que le droit n'est pas applicable à Internet. On a supprimé les frontières, on accède d'un coup de clic à n'importe quelle partie du monde, de la planète. Tout est permis. Très vite de nombreux problèmes, parfois extrêmement graves, se sont produits tels la mise en vente d'objets nazis, les sites à caractère pornographique etc.

      Nous sommes au tout début du développement du droit sur Internet. JJG est seulement un juge de première instance, il peut être corrigé par la Cour d'appel puis la Cour de cassation. Il est a priori impossible de visiter tous les sites, toutes les pages, afin de vérifier qu'il n'y a pas diffamation quelque part.

      JCK (Jean-Claude Kahn?) : Fournisseur d'accès pour les entreprises pendant deux ans puis après que Skyworld ait été vendu à Cegetel, création de ?Rightvision? constructeur de serveurs Internet, ayant pour concurrents principaux Cisco et IBM.

      Pour être fournisseur d'accès, il faut être très bon en informatique et très bon en télécommunications. Dans l'ensemble du personnel, environ 95 à 99 % de ses collègues étaient des gens de bonne foi, les autres ayant des problèmes, et personne ne peut garantir le résultat. Il existe toujours un risque que des dérives se produisent malgré la bonne foi de l'entreprise.

      PC, Vice Président Apple Europe :

      Des dizaines de milliers de gens tous les jours demandent des matériels numériques qui ne sont pas encore sur le marché; ils ont déjà des caméras digitales, des appareils photos digitaux, du MP3 etc.

      Apple propose la solution Airport qui permet de se connecter sans fil partout dans la maison. C'est un simple "UB sans fil" qui permet un accès à Internet dans un rayon d'une quarantaine de mètres. ---> Etat de l'art.

      Fin de l'Introduction.

      Il faut se représenter une Photo de notre société sans Internet puis cinq à six ans plus tard. Puis une photo actualisée : nous avons à peu prés tous une adresse Internet (e-mail), et trente milliards de foyers sont équipés.

      Mais une "bombe atomique" électronique est envisageable ou bien une tempête suffit à mettre notre système par terre. Pouvons-nous envisager un retour en arrière par exemple au télex ou au papier ?

      ----> Il faut dire qu'il y a encore beaucoup d'inconvénients et pas assez d'avantages.

      Environ 5 % seulement des personnes sont équipées. C'est encore très peu.

      Le visiophone a été prédit et largement décrit par Jules Vernes (Le Château des Carpathes) et son visiophone n'a pas encore entièrement pu être développé ni mis en place malgré tout l'intérêt qu'il représente.

      JdeR: La prochaine étape : passer de l'ordinateur personnel (personal computer) au réseau personnel (PN, personal network). L'ordinateur va devenir ubiquitaire. Tous les objets, les trousseaux de clés, les parapluies, les vêtements etc... auront un e-tag et ces objets communiqueront entre eux. Ils pourront être repérés, auront un site web dédié à eux. D'où les besoins très augmentés d'abord en sites web, ensuite en débit très élevé.

      Ceci plaide en faveur de l'UMTS.

      Application très importante : le visiophone notamment pour l'éducation.

      Webcam est la technologie la plus répandue, celle de Logitech.

      FHP : Bien sûr, les nouvelles technologies influent sur les comportements mais ce sont les comportements qui vont choisir les nouvelles technologies qui vont rester, celles du futur.

      exemple simpliste : le Concorde est la plus belle technologie qui soit pour un avion, elle n'a jamais émergé car il n'est pas possible pour un usage de masse. Les services de masse qui vont rester, qui utilisent les hauts débits seront relativement restreints, peu nombreux.

      JCK : Les serveurs Internet ont un très grand avenir. Et il y en aura de plus en plus.

      JdeR : Un très grand couturier travaille à mettre dans les fils des tissus des vestes de ses collections un/des "petits capteurs/microcapteurs". Les serveurs vont être partout. Tout objet va devenir repérable. Mais il faut faire la comparaison avec le Home serveur; la domotique dont on a beaucoup parlé il y a quelques années n'a finalement pas marché. Notamment parce qu'elle a été ressentie comme trop dépendante du constructeur.

      Il y a là encore un réel danger pour le PN (personal Network) bien que cette technologie, aux premiers abords, semble particulièrement performante.

      Ce qui se développe le plus actuellement c'est le "pear to pear" ou "personne à personne".

      Il nous ramène à la question du copyright.

      Prenons l'exemple de NAPSTER : il s'est fait coincer parce qu'il a besoin d'un site physique pour son fonctionnement; s'il était basé sur un free.net .. il aurait été impossible à repérer.

      Il est clair désormais que chacun peut communiquer avec un autre sans passer par un PC, personal computer.

      Analogie : Qu'est-ce qui va donner l'heure aujourd'hui ? Voiture, montre, appareil ménager, pendule de rue... Cela n'a pas toujours été le cas. Auparavant il y avait l'heure au village, cadran solaire ou horloge, ou ... dans des lieux précis, le bureau de poste, l'école, la mairie. C'est la même chose pour Internet et les droits d'auteur doivent être envisagés suivant cette configuration du problème. Petit à petit, il y aura Internet et les réseaux partout, avec une grande diversité de modes d'accès possibles.

      Il est nécessaire de réinventer un 'business model' qui permette de rendre gratuit dans certains cas, payant dans d'autres.

      Aller surfer sur le site de JdeR ---> c'est gratuit actuellement.

      JJG : "Parfois la machine ne peut plus être maîtrisée" ---> A une telle réflexion, il faut répondre NON et

      il faut être très pragmatique. JJG dit "je ne veut pas savoir. Donnez-vous les moyens de la contrôler."

      Il faut pousser à penser autrement les relations sociales, les relations interindividuelles.

      Car par exemple, on ne pourra pas poursuivre tous les contrefacteurs (en comparaison, c'est déjà le cas pour les péages des autoroutes).

      JJG est favorable à une participation de chacun qui soit "pédagogique" ---> Par exemple une taxe fonction de la participation à l'idée de respect "le droit des valeurs est essentiel dans notre société".

      Il considère que la pédagogie est le plus grand régulateur, elle débute à l'école et s'apprend et s'applique jusque dans les grandes écoles et dans les universités.

      JJG n'est ni partisan de ni favorable à la punition à outrance. Il souhaite une Régulation réelle par la Pédagogie. Il faut donc poser des contraintes souples et qui soient bien interprétées.

      JBG de BFM mène le débat. Souvent, on a l'impression de n'avoir rien fait de mal, il faut donc encore beaucoup informer. En fait, les producteurs sont aussi responsables. On nous pousse au piratage.

      Les majors, les propriétaires de droit (de reproduction notamment) doivent protéger les supports physiques, ce qui coûtent très cher et est difficile.

      exemple des "CD protégés" de la Fnac, qui sont faussement dits "protégés".

      Une solution (en est-ce une ?) pourrait être de faire migrer de CD audio à DVD audio, mais il reste entre autre le problème du parc de lecteurs installé.

      De plus, le DVD n'est pas protégé, il est seulement géographiquement zoné. Le vrai problème, c'est la protection d'origine. Aujourd'hui, le DVD vidéo n'est pas protégé contre la copie et il existe de plus en plus de graveurs de DVD qui peuvent générer des copies de façon incontrôlable (ex au Japon), donc le piratage existe.

      JdeR : 1. Régulation par la pédagogie : les gens sont égoïsme et JdeR n'y croit pas.

      2. Co-régulation citoyenne par les associations, forums, 4ème ou 5ème pouvoir .... Il faut faire émerger des comportements et des pouvoirs.

      3. Qu'est-ce qui est très utile pour dépister les pirates ou les créateurs de virus ?

      Les ordinateurs sont tatoués, la puce Intel a un numéro windows et il peut s'afficher à certains moments.

      Autre danger évidemment : l'usage qui peut être fait de ce marquage par des dissidents politiques qui s'en servent pour détecter afin d'emprisonner par exemple des opposants.

      JdeR y tient afin de responsabiliser. La loi de Pareto ici ne s'applique pas, c'est 50% > et 50% >.

      Il y a beaucoup de gens qui travaillent à décrypter DES, le rôle DES des cartes de crédit.

      PC, Apple Europe : vrai souci : offrir des outils qui soient créatifs, recadrer ce qu'est la vraie informatique "domestique, d'entreprise, créative telle le e-learning". Qui est responsable de quoi ?

      Est-ce Apple qui met des graveurs de CD dans les machines?

      JJG : il faut écrire des "avertissements" à l'exemple des copyrights ou des paquets de tabac. xxx est bad yyyy est worst etc....

      Aujourd'hui ce sont les fanas, les accros, les jeunes etc... qui utilisent les réseaux et les technologies.

      JJG souhaite que l'on ne nous apporte pas maintenant des matériels trop sophistiqués pour être utiles (exemple du magnétoscope il y a quelques années), mais au contraire du matériel qui soit pour le plus grand nombre.

      Aujourd'hui : tout est possible à condition de respecter l'autre.

      Hier : tout est possible, tout est Ok, tout est permis.

      Il faut attirer l'attention sur les risques financiers qui seraient trop importants.

      Evocation du cas des sites pro-nazis etc...dont le problème et malgré tous les efforts qui ont été faits est encore loin d'être réglé.

      JCK : exemple des Newsgroups : on nous a fait remarquer le problème de la pédophilie.

      Il y avait 18 000 newsgroups sur le serveur.

      Alors, Interdire suivant un/des "mot-clé" ?

      Il ne faut pas sous-estimer la créativité exceptionnelle de tous ceux qui passent leur temps sur le web.

      exemple : le symbole --> est mis pour 'transmission'

      photo --> (sous-forme de) fichiers textes --> (passent le crible) XXfichiers texte toujours --> (se reconstituent en photos) photos

      La copie est inscrite dans le vivant et sans elle il n'y aurait pas de diversité.

      Donc nous devons réinventer pour protéger la propriété. La propriété c'est le Code civil, le Code rural etc...

      Nous savons aujourd'hui que la propriété est en train de muter.

      Par exemple, il vaut de plus en plus souvent mieux louer qu'acheter (un téléphone, une voiture etc...)

      Il y aura prestation et prestataire-usager.

      Cas où Télia-Ericsson-Volvo en s'associant donne la voiture 'wireless car system' mais on paie en fonction des services, notamment Internet réseau de réseaux, qui seront utilisés.

      On passe de la notion de propriété physique à celle de propriété intellectuelle.

      Synergie des petites niches, c'est cela le secret d'Internet. Il faut se mettre à penser en terme de synergie.

      20 minutes sur le Krach des Dot.com :

      Les triades personnes / fonds propres / investissements en très très grandes quantités ont provoqué une trop grande fluidité de l'argent disponible; les investisseurs s'étant retirés à toute vitesse, il y a eu désamorçage de la pompe...

      Beaucoup de petites start-up sont allées en bourse pour se vendre en tant qu'entreprise ce qui est un phénomène relativement nouveau.

      Le marché va repartir notamment pour les produits qui sont des "valeurs sûres" telles puces, ASP ou application service program etc.

      La fibre optique à très haut débit avec commutation optique, qui est la voie royale de l'avenir, va décoller. Il faut prévoir l'abandon du magnéto-optique par la révolution du wireless (sans fil) et du Haut Débit, il va falloir mettre des outils digitaux autour.

      En Europe chaque année des millions de foyers s'équipent.

      Aujourd'hui postes d'ordinateurs personnels fixes --> c'est la très grande majorité.

      Si le téléphone mobile a très bien marché, c'est que les usagers l'ont trouvé utile.

      Nous allons vers l'univers du mobile, le mobile pour tous, en toutes circonstances, sous toutes les formes possibles.

      exemple : le e-mode : téléphone portable avec l'image, en permanence connecté avec Internet (accès à 31 000 sites minimum), paiement au nombre de données transférées. Chaque fois que l'usager consomme un service lui est posé la question "voulez-vous bien etc... " puis la note lui est renvoyée tout de suite sur le portable. CNN a créé un tel système de services et l'exploite.

      Même si le Wap est un échec, le e-mode va converger avec et permettre la convergence des technologies.

      Les jeux vidéos et les consoles :

      SEGA --> Sa dernière console est un échec.

      Les jeux vidéos représentent depuis cette année un plus grand chiffre d'affaire à l'échelle mondiale que le cinéma.

      MP3 sur le téléphone c'est bien mais quand on téléphone on ne MP3 pas et quand on écoute de la musique on ne téléphone pas.

      JdeR : à propos du e-commerce :

      La logistique de la livraison coûte beaucoup plus cher.

      Aller au supermarché c'est aussi rencontrer des gens, faire la fête. JdeR est contre l'hypothèse "le virtuel va remplacer le réel". Exemple : notre conférence est mieux qu'une téléconférence.

      Idée mauvaise : tous les enfants en stabulation libre dans les salles de classe avec les PC à disposition; mais c'est vrai que le e-learning sur certains points va concurrencer petit- à- petit pour certains besoins et sur certains thèmes.

      En Europe on a une vision plus contextuelle qu'aux Etats-Unis, même pour le e-learning.

      Aux Etats-Unis, un cours de physique est un cours de physique tout seul.

      En Europe, c'est plus pédagogique : un cours de physique est "entouré" par le cours de philosophie, de science naturelle etc...

      PC, Apple : "On essaie de développer une activité éducation forte".

      Pour un simple citoyen, on peut s'interroger sur les vertus de la taxe et de l'impôt. C'est un Blanc-seing qui autorise à la copie et au piratage.

      Développement notamment de forums de la démocratie directe ? Peut-être utiles au niveau local minimum. Pour pouvoir peser sur la décision, ceci impliquerait que tout le monde puisse participer et

      que tout le monde participe suffisamment.

      Pour le reste presque tout le monde dit NON à l'utilisation de Internet et des réseaux par exemple pour voter. Le maire de Issy-Les-Moulineaux va beaucoup trop loin dans le cybervote.

      JdeR : Les autres systèmes sociétaux ont des temps d'assimilation beaucoup plus longs que les nôtres, des temps avant de pouvoir utiliser ?

      Il faut également penser effets de saccade, effets de mode etc... qui sont des problèmes très importants, très dangereux (cas Ross Perrot aux Etats-Unis) de très graves manipulations sont possibles mais la cyberdémocratie reste possible et profitable pour des actions citoyennes locales.

      Evoluer vers un nouveau modèle économique qui permette de vendre des services payés par carte de crédit ....

      JdeR pense que nous aurons plusieurs strates :

      - 10-15 % royalties

      - secteur médian : sponsors, fondations, mécénat qui ont intérêt à ce que ce soit utilisé

      - micro-entreprise : exemple: permettant de se faire livrer à domicile un livre fabriqué en un exemplaire juste pour soi.

      Il se met en place une chaîne économique beaucoup plus directe entre l'auteur et le consommateur.

      Que dire en évoquant les ntic comme facteur de développement des pays "émergents" et/ou "sous-développés" ?

      La particularité de ces pays c'est qu'ils peuvent adopter certaines de ces technologies en omettant un certain nombre d'étapes ce qui rend le processus de mise en place plus rapide et moins coûteux. Cela reste un espoir.

      Conclusion :

      JCK dit qu'il y a à ce jour plus d'inconvénients que d'avantages.

      PC, Apple : les technologies informatiques et internet sont invasives, pénètrent dans notre vie quotidienne au jour le jour.

      Le vrai débat est de faire que l'ensemble de ces technologies se complémentent.

      JJG est résolument optimiste et convaincu que le droit va se développer ainsi que la citoyenneté. Il faut une vigilance de tous les acteurs notamment de la part des intermédiaires techniques.

      FHP : ce sont eux qui induisent les nouveaux comportements. L'adoption de ces nouveaux comportements sera lié à la valeur d'usage des technologies et services.

      exemple : la musique : on pense que c'est à même d'élargir le marché, mais qui peut prédire. Il faut être extrêmement souples et attentifs.

      JdeR est inquiet. Il faut être vigilant quant à l'usage des ntic pour ou contre l'homme, dont il croit qu'il sera fondu dans un nouveau système, le Nouvel Espace Economique Mondial, voir à ce propos son livre "Le cerveau planétaire", avec une traçabilité des personnes jamais atteinte auparavant, et différente de "Big Brother".

      2. CONF 2 : Internet et les nouvelles technologies, facteurs clés d'une croissance économique durable ?

      La réorganisation des systèmes de production sous l'influence du développement de l'informatique et des réseaux a engendré depuis dix ans la baisse des coûts de production.

      Comment la désintermédiation promise par le développement de l'Internet va-t-elle poursuivre cette réduction des coûts et des prix ? Quelles politiques d'investissement et de formation la France mène-t-elle pour soutenir l'innovation technologique ? De quels atouts le vieux continent dispose-t-il pour surfer sur la vague technologique et en particulier sur celle des services ?

      animée par Florence PUYBAREAU, La Tribune; (FP)

      avec :

      Guy BERRUYER, Président Sage France, Directeur Général Sage Continental; (GB)

      Pierre DANON, CEO, British Telecom Retail; (PD)

      Cathy KOPP, Directeur Général, IBM France; (CK)

      Cyrille du PELOUX, Directeur Général, Groupe Bull et Président, Integris; (CduP)

      Jacques MAILLOT, Président-directeur Général, Nouvelles Frontières; (JM)

      Henri de MAUBLANC, Aquarelle.com; (HdeM)

      GB : éditeur de logiciels de gestion très réputés. L'arrivée d'un réseau comme Internet facilite le commerce en ligne. Internet doit être intégré comme de l'informatique, avec le "back-office", et ce jusqu'à la comptabilité-gestion, en passant par le système de livraison. Tout au long de la chaîne les enjeux influent sur la productivité.

      CK : la productivité de l'entreprise n'est pas uniquement due au commerce en ligne; on peut faire du commerce en ligne, mais aussi du travail en ligne (employé), et du e-learning. Tout doit être intégré pour accroître le plus possible les gains de productivité.

      Il existe une relation étroite entre les gains de productivité et l'investissement informatique (gains de production). Ces gains se sont faits beaucoup au travers des ERP, et actuellement au travers de la "relation-client".

      Internet intervient mais seulement par rapport au tout.

      HdeM : aujourd'hui l'informatique qu'on met en place augmente la compétitivité et crée des emplois. On ne justifie plus la mise en place de l'informatique par une baisse des coûts. On utilise les NTIC pour vendre plus et mieux.

      GB : dans le cas d'une entreprise de cinq à dix salariés comment faire plus efficace avec le même nombre d'employés ?

      Le recrutement supplémentaire (gain d'emplois) se fait essentiellement dans les sociétés de services. Des gains de productivité nouveaux sont développés à business équivalent. Exemple: sans augmenter les effectifs, il devient possible de gérer et mieux quinze à vingt pourcent de business en plus.

      PD : exemple d'une PME en Cornouailles qui vend des steaks d'autruche, Internet leur donne un accès sur un territoire plus vaste de marché. Il y a création d'emplois au travers de l'accès à l'entreprise.

      CK : Grâce à cela, l'entreprise va 'faire de la croissance'. Internet est alors un outil de croissance et l'entreprise va devoir créer d'autres outils de productivité. 4 % du PIB aux Etats-Unis va comme investissement à Internet, développement de services. 1,7 à 2 % du PIB en Europe où il y a donc un peu de retard.

      CduP : il existe un ou deux domaines dans lesquels Internet a fait ses preuves comme la vente de billets en ligne. Le reste, 95 % c'est l'ensemble des transformations dans le monde High Tech.

      HdeM : Internet montre l'intérêt du "mixage" entre les grands et les petits.

      exemple : Interflora travaille avec et dans le monde entier. Tout le monde est habitué à acheter quelquechose sans le voir et à payer en plus à la livraison. Or il n'y a pas de contrôle sur un réseau de 200 000 ou 300 000 fleuristes dans le monde. Aquarel.com n'a pour sa part qu'un seul point de fabrication, en France. L'envoi est effectué par la poste. Il y a possibilité de contrôler la qualité du produit final, d'envoyer par e-mail une photo, de tracer le cheminement du produit jusqu'à sa livraison.

      Cependant revient sans cesse le problème de l'avenir. Depuis les années quatre-vingt et pendant vingt ans, chaque année est problème d'avenir.

      Depuis cinq ans la mentalité est devenue différente par remise en cause de l'existant, ce qui implique la création pour avoir un avenir.

      Il est devenu nécessaire de repenser un peu l'entreprise. Le réseau a un peu "redoré" l'entreprise, qui par ailleurs est perçue en France différemment de ce qu'elle l'est dans les pays anglo-saxons.

      Dans ces derniers elle est plus respectée, vue comme positive, ce qui n'est pas le cas en France.

      Les français sont en retard car ils ont moins l'esprit et ils ont moins le sens du partage et de la diffusion de l'information.

      CK : Grâce à Internet, désormais les petites entreprises peuvent défier les grandes entreprises. Ces dernières, concurrencées sur leurs marchés par les plus petites et/ou par des réseaux d'entreprises toutes structures très réactives, qui doivent se remettre en cause, mais cela ne se fait pas du jour au lendemain. Ce point est très important

      Le client va vouloir se connecter 24 heures sur 24, avec une fenêtre technologique qui est ouverte sur l'entreprise et sa capacité à répondre.

      Le "front-end" doit fonctionner mais aussi le "back-office", donc l'entreprise doit faire une réétude complète de sa capacité d'écoute, sa capacité à répondre. C'est un vrai travail, il faut analyser les processus, le processus de gestion, ...

      exemple : une PME peut mettre six mois pour repenser son modèle.

      Sinon il se passe la même chose que pour les start-up, on ouvre une fenêtre technologique et l'entreprise coule parce que la logistique ... ne suivent pas.

      PD : La réalité des entreprises est telle qu'il est impossible de tout faire en même temps, process comptable, ressources humaines... etc.

      Les PME sont à la recherche de systèmes qui savent se parler entre eux, échanger des données, mais qui ne sont pas forcément à mettre en place d'un seul coup, tout en même temps (modularité).

      L'Eldorado, c'est plutôt la mise en place un par un de petits morceaux, avec l'adoption des standards qui se développent dans l'industrie tels XML ...

      PD : Le concept BO-FO n'est pas bon, n'est pas à stabiliser.

      CK : c'est pourquoi nous nous plaçons suivant la problématique de la refonte des processus donc on procède processus par processus puis on opère l'intégration de ces processus*.

      *cette décomposition très 'mécanique' des activités de l'entreprise peut être rapproché de ce qui se passe avec l'intelligence artificielle et on peut imaginer qu'elle produit une certaine dose de surcode.

      Les grands groupes ont les moyens financiers de développer des choses compliquées, éventuellement de les rater... Ce n'est pas le cas des PME.

      Aquarel.com : l'investissement sur le net est de plusieurs dizaines de millions de francs.

      CduP : Au niveau des PME il est impossible de maintenir à jour les compétences d'autant qu'elles se les font "piquer", surtout les informaticiens.

      Quelque part Internet c'est le paradis des sociétés de services, notamment car Internet va pousser à la délocalisation...

      GB : Il y a quelques années, on a créé le package puis on a connu l'industrie du package.

      Besoins des grandes entreprises --> (arrivent des) SSII --> (qui créent des solutions) grandes entreprises et moyennes --> (SSII créent alors des plus "petites solos") --> pour les PME -----> PACKAGE(S) en fin de compte

      C'est important.

      CK : On va de plus en plus vers l'"informatique à la demande" comme pour l'électricité.

      Fournir des applications, de l'informatique (ordinateurs, disques, logiciels etc.), à la demande des grandes entreprises et des PME voire des particuliers.

      C'est le modèle de l'ASP.

      C'est aux entreprises fabricants de matériels et de logiciels, de services etc... de savoir comment répondre et de mettre en place ce système.

      PD : il faut aider à l'infrastructure des entreprises.

      La Suède, la Finlande, Israël (aussi pour des raisons sécuritaires) sont très avancés en ce domaine.

      En Angleterre il y a un ministre du e-business avec des moyens donc c'est très important, notamment pour Tony Blair.

      En France, il y a plus de sénateurs qui sont impliqués dans cette révolution depuis cinq ans.

      HdeM : Et il y a eu le discours du Premier ministre à Hourtin en 1999.

      D'où, à l'étranger le développement du Backbone et du réseau.

      En France, c'est cher. L'Europe devrait aider plus. La bataille de l'UMTS, avec ses prix faramineux, semble aller dans un très mauvais sens.

      CduP : P. Hewitt est ministre de l'information, gère beaucoup, accélère la création des portails d'accès citoyens; il y a service rendu aux citoyens et dématérialisation des procédures.

      Exemple : la TVA, passeport et carte d'identité, etc...

      PD : aujourd'hui les américains sont très très en avance par rapport à nous.

      CK : l'Europe est en avance pour tout ce qui est "mobile" (avec même l'image associée).

      Point complémentaire : l'Education. Des choix de gestion notamment doivent être faits pour accroître le développement et l'usage des ntic.

      IBM distribue des ordinateurs-prototypes dans les écoles, mais il existe encore un travail à faire en quantité extrêmement importante jusque dans les universités, les grandes écoles etc...

      Journaliste : IBM ne va pas équiper toutes les écoles maternelles ???!!!...

      CK : on pourrait. C'est une décision de gestion. On voit de plus en plus de présidents d'université qui "se débrouillent" pour s'équiper. Si on laisse les maîtres faire, cela ne va pas. CK ne peut envisager une généralisation rapide de ce genre d'investissement.

      Aquarel.com : 1968, après le rapport Nora-Minc, le projet politique a été voté par le gouvernement de Valéry Giscard d'Estaing puis Paul Quilès a fait que 30 à 40 milliards ont été investis avec un pouvoir socioculturel très fort.

      En Europe autour de Bruxelles les gouvernements n'osent pas prendre des décisions d'investissements massifs. Au-delà des mots, il faut accepter de mettre des sous...

      Il faut bien que quelque part il y ait quelqu'un qui fasse cet investissement.

      Exemple :le Premier ministre dit qu'il faut que tout le monde ait un accès à haut débit pour 100 francs maximum par mois MAIS ce n'est pas France Télécom qui peut réaliser cet investissement.

      GB : ce qui compte c'est qu'il y aura des solutions qui seront économiquement viables et rentables pour tous.

      Le Minitel : monopole, très rentable pour le fournisseur de services (France Télécom).

      En définitive, le minitel a coulé; il n'est plus intéressant, mais a appris à avoir une vision "services" et non plus une vision technologique.

      Minitel --> capacité à être redistribué massivement.

      La question la plus pertinente et que tout le monde se pose : Quel business-modèle est le bon ?

      PD : le bon modèle c'est déjà d'en avoir un, c'est-à-dire par exemple pour 'business' tel aquarel.com, qu'il faut savoir faire le travail de fleuriste, faire tourner une boutique etc... tous métiers indispensables et nécessaires.

      CduP : sauf quand il y a une très grande audience style émission en prime-time où la publicité peut financer (financement direct).

      CK (IBM) : Une mauvaise idée, c'est aussi une mauvaise idée sur le Net.

      Un ballon carré, c'est mauvais.

      balloncarré.com c'est très "c..n".

      donc : il faut revenir aux processus de gestion des fournisseurs afin de pouvoir répondre aux clients, il faut des employés pour garder les clients, des fournisseurs pour les satisfaire etc...

      Il faut que les médias arrêtent de penser qu'ils sont le centre de tout, car ils ne représentent finalement que peu.

      Aquarel.com : L'Internet a rendu possible dans la tête de nos clients qu'on peut immédiatement répondre à leur demande spécifique.

      C'est très coûteux pour répondre et c'est indispensable.

      Au bout du compte l'important et l'intérêt c'est d'avoir des clients.

      Les "anciens du Minitel" sont OK car ils ont l'expérience du service client.

      En France et en Europe, on est en train d'apprendre que c'est le service client qui compte.

      L'image de l'entreprise se fabrique avec les clients, mais aussi avec d'autres audiences telles les journalistes, les analystes financiers, les employés de l'entreprise etc...

      donc,

      avoir Internet ou Intranet d'information qui va faire des cercles d'informations assez larges à ces audiences-là.

      C'est ici de la communication, c'est de l'information qui va très très loin.

      GB : vous pouvez publier un catalogue produit, l'extraire, rajouter les tarifs, puis l'exposer (production tenue à jour automatiquement avec un lien back-office) sur un autre site par exemple.

      Alors question: gratuit (style Napster où l'on peut télécharger du MP3) ou pas ?

      Commentaire : il existe des produits digitaux pour lesquels on crée un média physique pour le distribuer (c'est le cas Napster). Maintenant on n'en a plus besoin. C'est cela la désintermédiation.

      D'autres produits tels que les contrats d'assurances par exemple, peuvent être intéressés afin d'obtenir des gains de productivité importants.

      A chacun de ces fournisseurs d'être créatif, de trouver des façons de facturer différemment ... il faut revoir le business modèle global pour le bénéfice économique.

      GB : Dans le B to B on peut faire des enquêtes de marché auprès des entreprises (clientes de Sage), afin de vendre la même chose plus efficacement; par exemple, sur 7000 références et des ventes à 1000 détaillants en France. Pour cet ensemble de transactions on constate : pas de fax, pas de ressaisie de la commande.

      Le Business to Consumer doit faire vendre plus efficacement aux clients que l'entreprise a et éventuellement vendre plus à ces clients.

      CK : Préoccupation depuis 2 à 3 ans : les PME "traditionnelles", qui existent déjà, souhaitent aller vers le national voire l'international.

      GB : Le thème de la conférence est là et il est réellement utile : les réseaux et notamment Internet sont-ils les facteurs-clés d'une croissance économique durable.

      Il se trouve que dans le monde du B to B on peut passer commande avec un nombre de clients finis.

      Dans le B to B on peut fédérer différents services et travaux.

      - un très très grand nombre de clients en ligne peuvent passer leurs commandes en même temps sans se tromper

      ---> Le traitement se fait alors en Back-Office.

      CK : Les ambitions par rapport à Internet sont corrélées à la pénétration dans les foyers; en France elle est de 12-14 % ce qui est très faible. En Angleterre elle est d'environ 30 %.

      Question anonyme : Pour les petites entreprises, le e-commerce ne convient pas. Existe-t'il des systèmes de réseaux d'entreprises ?

      Réponse : si une entreprise a très peu de clients, normalement ce n'est pas intéressant. Ce n'est a priori rentable que s'il y a beaucoup de clients.

      CK : Quel que soit son marché, il faut que l'entreprise au moins se pose la question.

      Il existe probablement des solutions qui peuvent lui donner accès au e-commerce,

      et

      il est nécessaire de rechercher/repenser en amont.

      Il faut investir sur la partie achats, c'est très important,

      voire employés

      et

      il est possible de s'associer avec d'autres entreprises pour faire des "Places de marché". Il faut donc de la réflexion : il y a un modèle d'organisation à avoir, il n'y en a pas d'idéal à ce jour.

      3. CONF 3 : Les nouveaux eldorados : Internet mobile et web TV, mythes ou réalités de demain ?

      ADSL, GPRS, BLR, UMTS, autant de termes barbares qui recouvrent la réalité de demain : le Haut Débit arrive avec son cortège d'applications encore virtuelles et de marchés prometteurs (?).

      Mais les vraies questions demeurent : quels sont les nouveaux services à créer, quels contenus, quels financements et quelles rentabilités ? Opérateurs, start-up et diffuseurs en débattent.

      animée par Bénédicte de LINARES, 01net.com; (BdeL)

      avec :

      Jean-Louis AMBLARD, Président-directeur Général, Cyperus; (JLA)

      Dominique BAUDIS, Président, CSA; (DB)

      Michèle COTTA, Directeur Général, France 2; (MC)

      Robert MADGE, CEO, Madge Web; (RM)

      Thierry MOLEO, Directeur Général, Firstmark Communication France; (TM)

      Dominique ROUX, Membre du Collège, ART; (DR)

      Marie-Eve SCHAUBER, Président-directeur Général, Mangoosta; (MES)

      Agnès TOURAINE, Vice Chairman & CEO, Vivendi Universal Publishing; (AT).

      Emile ZUCCHIARELLI, France Télévision Interactive; (EZ).

      B de L : Le Web aujourd'hui c'est de plus en plus de contenus multimédias et les internautes en raffolent.

      D'un autre côté se trouvent les opérateurs de télécommunications face à la mise en place des réseaux à hauts débits.

      Sujet du débat : mythes ou réalités ?

      DB : Auparavant Hervé Bourges présidait le CSA. DB manifeste l'intérêt du CSA par sa présence à la manifestation.

      Les rapports Web et télévision sont désormais au coeur des nouvelles stratégies.

      Ne pas oublier, c'est virtuel. Conquistadors, ... Ils représentent un mythe qui a donné naissance à un véritable empire, mais brutalité, injustice, ravage de la conquête.

      Dans l'idéal il vaut mieux se les épargner. Un élément de régulation est nécessaire, un espace de liberté ne doit pas devenir un espace de non-droit. Le succès dépend de :

      1. Accès à large bande ----> opérateurs de télécommunications

      2. Développement démographique : le nombre des internautes est en forte augmentation, le domicile tend à devenir le lieu de communication majeur de connexion.

      3. Coût ---> Economie. + Arrivée du haut débit; ceci va achever de provoquer l'arrivée d'un espace à moindre coût.

      - abonnement, paiement à la séance, publicité ? Quel seront les modes de financement ? Une chose est sûre, l'audiovisuel sera demain d'une grande importance sur le Net.

      Qu'est-ce qui concerne le CSA ?

      Le commerce ---> NON

      Le banditisme ---> NON

      En revanche les contenus (audiovisuel) ---> OUI+++

      Il faut être respectueux à l'égard de la liberté de communication, veiller à ce que les règles soient PARTOUT respectées, sur les supports traditionnels comme sur le Net etc..

      Il y a d'ailleurs aujourd'hui convergence entre ces différents supports voire association dans bien des cas.

      Les uns s'étendent, voire passent aux autres. Le CSA doit se placer à la croisée des chemins numériques et réguler les contenus sur le Net, qui ne sont plus soumis aux règles de rareté --> Le CSA a créé des groupes de travail sur les Nouvelles Technologies et UN sur l'Economie de l'audiovisuel.

      C'est un monde qui va très vite et qui exige une grande réactivité ---> des réponses plus rapides et plus souples.

      C'est pourquoi un peu partout en Europe se sont créés des autorités de régulation. Par exemple, Viviane Reding est devenue commissaire rattachée à la Communauté Européenne.

      Il faut favoriser l'innovation, la création et tout ce qui jour après jour participe de cette liberté fondamentale qui est celle de communiquer.

      DB : D'abord, les créateurs de contenus, il faut faire émerger de nouvelles formes de contenus afin de faire profiter de l'interactivité.

      4 ou 5 familles d'écrans :

      -très très large format --> Home Cinéma

      -TV

      - personal computer

      - personal digital assistant PDA

      - téléphones portables

      1ère donnée : la plupart sont capables d'être interactifs

      2ème donnée : la taille du tuyau qui permet de pousser le contenu vers l'écran, est assez restreinte

      ADSL : Les hauts débits vont faire arriver de nouveaux acteurs qui vont entre autre faire changer Internet. Ce sera compliqué de définir les valeurs d'usage de ces différents types d'écrans et comme préalable, il faut définir les types de contenus.

      Qui dit Internet dit également Interactivité.

      Cette dernière se retrouve surtout au niveau des nouvelles possibilités de communications plus que des écrans. L'écriture Internet est à inventer tout ce qu'on voit c'est seulement de la transposition. Aujourd'hui l'interactivité est relativement faible. Il y en a très peu, elle concerne surtout la voix, l'image etc...Il est nécessaire d'attendre des hauts débits ?

      Il est possible de suivre des informations sur un téléphone portable, ce qui existe déjà au Japon.

      Au sein d'Alcatel, pour les conférences de presse --> plusieurs conférences peuvent ainsi avoir lieu en même temps ayant trait à ces marchés (S. Tchuruk.)

      Les débits actuels ne permettent pas l'interactivité-voix.

      AT : Groupe de publishing : veut que les technologies soient au service des clients; leur ambition c'est d'être les leaders mondiaux dans ce domaine / métiers qui peuvent se globaliser.

      Les Métiers qui les occupent :

      Deux métiers principaux :

      1. les jeux tels Flipside (site); ils sont en train d'acquérir le n° 1 mondial du jeu (? Acore?); 9ème site en terme de temps passé, 15 ème en terme de connexions.

      Le "en ligne" est de plus en plus utilisé pour jouer. Il existe un segment très puissant : le multiplayer, pour lequel les hauts débits sont très importants, et les frontières vont s'effacer.

      Les business-models vont changer.

      Handcore Gamers à fidéliser.

      Les jeux aujourd'hui disparaissent quand on éteint l'ordinateur.

      Now --> l'avatar, votre avatar continue d'évoluer; vous vous réveillez le lendemain, il a "zigouillé" ou "été zigouillé" etc...

      2. Mise à disposition d'informations, dans les secteurs de la santé--> Le but c'est bien sûr leur utilisation.

      Le développement se fait via des portails tels que @medica.

      Ceci intéresse le cabinet médical et les professionnels de la santé, quand il y aura les hauts débits.

      Accès sur PDA (assistant personnel digital) ou appareils mobiles à des dossiers patients par exemple pour les urgentistes.

      3. e-learning : le haut débit permettra de franchir la frontière entre l'information et l'interaction. Possibilité de patient virtuel.

      Nous avons affaire à un créateur de contenu qui se veut totalement agnostique en matière de hautes technologies.

      MES : avec l'ADSL : la technologie DSL permet de séparer la voix (basses fréquences) et les données (hautes fréquences) sinon c'est le fil de cuivre du téléphone.

      (ASP ---> application en ligne telle que la comptabilité ...)

      Quel coût pour l'Internaute ? --> 300 Francs/mois, c'est très faible au regard de l'investissement que cela représente pour l'opérateur.

      Ceci explique qu'actuellement il y a assez peu d'opérateurs qui le font.

      DR (Collège ART) : Pas de réglementation pour Internet en revanche de la régulation. L'année de 1996 est celle qui a organisé les communications sur le Net.

      En 1997 :

      1. Organisation / opérateur

      2. Mise en place de la réglementation

      3. Ouverture à la concurrence; les prix ont baissé (tarifs divisés par dix sur les longues distances)

      Il y a eu ouverture à la concurrence sur la boucle locale. Mais il existe encore beaucoup de câble.

      L'actualité c'est la mise en place de la technologie 'boucle locale radio' qui est également du haut débit.

      et le dégroupage c'est-à-dire permettre à d'autres opérateurs que France Télécom d'utiliser les infrastructures sans spolier l'opérateur traditionnel.

      Si cette concurrence sur le local existe cela permettra d'augmenter considérablement les services sur Internet.

      Les hausses de trafic constatées par trimestre sont importantes.

      C'est encore un secteur qui se développe très vite en dépit de ce que l'on peut voir sur les marchés financiers.

      ..H (Cegetel) : les hauts débits en association avec la connexion illimitée permettent l'interactivité et la transmission des sons et des images. Au niveau système :

      Internet et le haut débit signifie nouveau vecteur de distribution qui signifie que l'entreprise - moyen de distribuer leurs services donc dépend de l'économie, vivre, travailler etc...

      Qu'est-ce qui fera la différence ? C'est essentiellement une problématique de coût.

      Après deux e-Krachs, aujourd'hui ce qui compte c'est pour tous les acteurs du marché : quand vais-je trouver des applications rentables ?

      Aujourd'hui dans ce contexte : côté boucle locale radio --> a priori pas de rentabilité.

      La technologie du DSL --> probablement pas de rentabilité non plus car notamment taxé à un niveau d'impôt très et trop élevé. Evaluation : il faudrait au moins deux milliards de francs pour couvrir la France; Or l'accès n'est permis que pour trois ans seulement par France Télécom... Est-ce normal que des mêmes services ou des services voisins soient plus chers suivant les circonstances etc... Il apparaît nécessaire de revoir en profondeur et de façon ferme les tarifs / France Télécom notamment.

      MES : est en phase.

      Les conditions et le contexte ont changé depuis une année ; il y a un an il fallait avoir le plus grand nombre de clients. On recherche la rentabilité donc c'est plus normal. Le bon sens veut qu'on s'intéresse plus aux professionnels plutôt qu'au résidentiel où la rentabilité n'est pas certaine. Il existe beaucoup de coûts fixes.

      Exemple : les répartiteurs : il y en a 10 000 en France; le coût moyen est de 1 Million par répartiteur; donc malgré tout il faut un nombre de clients donnés pour que ce soit rentable, et surtout comme les clients qui sont des entreprises paient plus et sont beaucoup plus concernés c'est ce type de clients qui peut assumer or il est difficile de n'avoir que des clients entreprises.

      DR (Collège ART) : Régulation : mettre à l'équilibre des ensembles complexes (définition du dictionnaire). France Télécom doit rester l'opérateur historique et il n'est pas question qu'un autre le remplace.

      : DSL --> branche moyenne et basse des hauts débits

      Boucle locale radio --> branche haute des hauts débits

      caractéristique technique : c'est une capacité réservée en tout point dans le réseau. Avec Firstmark, elle est opérationnelle dans quatre villes de France et bientôt dans deux autres.

      Elle permet 1. le choix, 2. une diminution des coûts, 3. un accès illimité à la société d'information par Internet, et bientôt e-commerce, visioconférence etc...

      + service offert par exemple à ARTE à Strasbourg : diffusion de l'émission THEMA sur le Web.

      RM de Madge Web, est anglais. Il appartient à une entreprise d'experts dans la distribution mondiale de contenus. Il nous dit :

      Deux catégories de problèmes doivent être résolus :

      1. problèmes technologiques : les plus faciles; en fait, nous oublions ce qui est disponible pour l'accès à Internet.

      2. problèmes économiques : c'est plus difficile; il faut changer la culture, la façon de considérer etc... Mettre en place la technologie pour gérer les utilisateurs, + la sécurité / sécurisation etc...

      RM pense que tout le monde est focalisé sur les problèmes de connexions et d'accès alors qu'il existe des problèmes aussi grands que la dorsale / Internet.

      Il n'existe pas de modèle économique --> opérateurs internationaux; il est indispensable de trouver le moyen d'avoir un réseau de plus haut niveau.

      EZ (Emile Zucchiarelli, France Télévision Interactive) : Editeur s'intéresse en terme de coûts et en terme de qualité du service final à l'utilisateur. Qu'est-ce qui se passe ?

      B

      (Fce Tél Inter) A ----------------------- C (utilisateur)

      A partir du moment où en B nous avons l'assurance que tout se passe bien .... tout va bien.

      Il y a ceux qui se battent pour mettre en place la logistique des flux et ceux qui attendent pour travailler sur les contenus et les services.

      TM (Firstmark) : ces intervenants correspondent à des modèles économiques différents et qui dépendent les uns des autres.

      Dans le jeu concurrentiel bien qu'il y ait des entrées sur les marchés, on en est au tout tout début.

      On ne pourra pas avant encore un an proposer des modèles économiques viables. Il ne faut en aucun cas "piquer des services ou des pseudo-services" mais réfléchir actuellement sur ce qui pourra exister.

      RM : jusqu'à présent les contenus n'étaient pas prévus pour la connexion personnalisée d'un très grand nombre d'utilisateurs en même temps.

      RM rappelle la double concurrence technologies-services qui commence juste et qui va générer des modes de tarifications différents.

      B de L : Pour continuer notre conférence, nous devons soit nous intéresser à la téléphonie et Internet, soit aborder le mobile et UMTS.

      UMTS c'est 1. hauts débits, 2. interactivité, 3. mobilité ; UMTS offre ces trois caractéristiques.

      La question c'est quand ?

      1er argument : si on force un peu on va reprendre le pas sur le retard pris dans les nouvelles technologies.

      2ème argument : il suffit d'alimenter les usines et en produits.

      L'Union Européenne a probablement donné un calendrier qui est un peu tôt.

      Allemagne : les licences coûtent environ 600 Euros/habitant.

      France : 337 Euros / habitant., Portugal --> Zéro.

      Sans compter les coûts des infrastructures, nouveaux matériels, etc... néanmoins (ART) les autorités vont intervenir dans les prochaines semaines pour que les Ntic retrouvent les perspectives qu'on leur attribuait il y a encore quelques mois.

      Donc, de toute façon les opérateurs vont se lancer dans l'UMTS.

      MES : dit qu'il y a danger : le Wap c'est BOF, cette technologie n'a pas marché, et le concept est même pratiquement mort-né. Donc attendons de voir la ou les technologies avant de penser à et de mettre en place des services.

      TM : les technologies mettent parfois de nombreuses années à se mettre en place. Exemple : la boucle locale radio : elle est née il y a environ dix ans aux Etats-Unis et est seulement en train de se mettre en place en France alors qu'elle est opérationnelle aux Etats-Unis.

      Le DSL né il y a 5-6 ans aux Etats-Unis etc...

      Des interfaces hommes-machines, des services ne pourront pas être déclinés avant que les technologies ne soient là, installées.

      En CONCLUSION de cette conférence :

      AT (Vivendi) : On est capable d'innover en ayant toujours à l'esprit la satisfaction du client (...)

      TM (Firstmark) : les systèmes à base de Boucle locale radio arrivent bientôt dans nos villes de France.

      RM (Madge Web), se dit comme TM, agnostique :

      Quant aux consommateurs, il existe des exemples qui montrent qu'ils sont intéressés.

      .. : SFR croit bien entendu à l'UMTS, croit à la mobilité, dit qu'il faut viser à dix ans et attend fin mai une réponse à sa demande de licence UMTS, réponse du régulateur et du ministre.*

      *une réponse positive est arrivée depuis et les prix des licences ont été fortement revus à la baisse pour tous les opérateurs

      TM (Collège ART) : il faut en permanence avoir un mode éducation auprès des gens.

      Ici, c'est la première fois qu'un membre du Collège ART rencontre un membre du CSA (Dominique Baudis) et cela inaugure un processus très important.

      EZ (France Télévision Interactive) : Les Mythes ... Les mythes sont indispensables à l'être humain. Si l'on

      revient sur la ruée vers l'or aux Etats-Unis. Les premiers qui ont gagné de l'argent sont ceux qui vendaient les pelles, les pioches, et tous les ustensiles etc. juste après viennent ceux qui ont faits des journaux pour aider (c'est-à-dire les modes d'emploi).: En fait, quel pourcentage représente la valeur de l'or trouvé au fil du temps par rapport à la valeur créée à cette occasion ?

      Dans la réalité, c'est très peu et cela diminue rapidement dans le temps car il s'est créé une économie très variée.

      Il y a danger : tout le monde ne peut pas devenir très riche tout de suite.

      C'est aussi le sens de l'aventure collective : au début il n'y avait rien, puis quelquechose arrive et tout s'installe, existe. -----> La conclusion de ces journées se fait ici, sur une parabole.

      B/ Les cinq principaux chapitres du texte du projet de loi sur la société de l'information :

      1. Accès à l'information

      le projet de loi évoque la mise à disposition de tous les utilisateurs des données liées aux missions de service public, et la mise à disposition des données à caractère personnel dans le respect de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il étend également le principe de dépôt légal à toutes les personnes qui éditent, produisent et stockent des écrits, images, sons ou messages de toute nature.

      2. Liberté de communication

      le projet considère que les contenus diffusés sur Internet ne sont pas soumis au contrôle du CSA, sauf dans le cas très particulier d'une extension en ligne d'un programme audiovisuel. Elle traite également la responsabilité des hébergeurs et des opérateurs de télécommunications sur les contenus. Ils ne sont plus responsables pénalement mais civilement et sont tenus de retirer ou de rendre l'accès impossible à tout contenu dont ils ont pris connaissance du caractère illicite.

      3. Commerce électronique

      le prestataire est soumis à une obligation d'identification et de délivrance d'une adresse de courrier électronique et aux lois de l'Etat où il est établi. Le consommateur qui ne souhaite pas recevoir des publicités non sollicitées (spamming) doit au préalable le déclarer. Enfin, l'utilisation de la cryptologie est libérée. La clé n'est plus limitée à 128 bits. Mais les prestataires de services ont l'obligation de faire une déclaration au service du Premier Ministre et tenir à leur disposition une description des caractéristiques techniques des moyens de cryptage utilisés. Lorsque la cryptologie ne porte pas uniquement sur l'authentification une demande d'autorisation préalable est nécessaire.

      4. Accès au réseau

      ce volet fait la part belle aux demandes des collectivités locales. Elles ne peuvent pas exercer le métier d'opérateur mais elles peuvent créer des infrastructures de télécommunications. De plus, pour étendre la couverture des réseaux de téléphonie mobile, le ministre peut imposer à un opérateur d'accueillir sur son réseau des clients d'un autre opérateur.

      5. Sécurité

      ce chapitre s'intéresse à ce qu'il est convenu d'appeler le "cybercrime". Les opérateurs sont tenus d'effacer les données relatives au trafic des abonnés, mais cet effacement peut être différé d'un an à la demande des autorités judiciaires. L'opérateur peut également conserver les données pour des besoins de facturation. La loi fixe la cadre des saisies de données informatiques et de leur copie judiciaire. Enfin, elle sanctionne plus lourdement le piratage informatique.

      C/ L'Hominescence par Michel SERRES :

      Conférence sur "La société de la connaissance, Mutation de l'Homme ou adolescence de l'Homme : l'Hominescence"

      Michel Serres est Professeur à l'Université de Stanford, et Membre de l'Académie Française. Il a publié récemment "Hominescence", aux éditions Le Pommier, août 2001.

      Le présentateur est lui-même un enfant de Alvin Toffler et de Michel Serres, dont il nous introduit la conférence.

      Michel Serres affirme que depuis cinq à six décennies une vraie révolution avec des évolutions a saisi du moins l'Occident dans sa partie la plus modernisée (GB, Allemagne, France, Italie du Nord, Etats-Unis). Il existe des variations des conduites symboliques qui accompagnent ces évolutions :

      1. Notre conception de la mort a changé, notamment à la suite de la dernière guerre mondiale.

      2. Notre corps a changé, la conception que nous avons de notre corps par rapport à celui de nos arrière-grands-parents et de nos grands-parents ; les modifications sont intervenues par la médecine (antibiotique, pénicilline), par rapport à la douleur qui nous paraît aujourd'hui un scandale, alors qu'il y a deux à trois décennies elle était le quotidien de l'Homme. Désormais nous ne comprenons plus le lien ni le but des religions qui y sont associées.

      Comme illustration il sied de se rendre à l'Académie Française afin de visiter la collection des costumes : si l'on considère ceux datant de 1815-1820, pas une fillette de onze ans d'aujourd'hui ne pourrait y rentrer car sa taille ne le permettrait pas ; cependant, ce sont ces hommes que Napoléon appelait des géants.

      Ceci induit un rapport au monde différent.
      Michel Serres pense que l'événement le plus important qui se soit produit peut se résumer brièvement ainsi : en l'année 1900, dans les pays analogues aux nôtres, le nombre des agriculteurs représente 72 à 79 % soit l'immense majorité de la population c'est-à-dire du peuple. Vers la fin des années 1900 il n'en reste que 2 à 7 % de la population et communément on considère que c'est encore trop.

      C'est en Amérique du Sud qu'apparaît la domestication de certaines espèces de la flore et de la faune. L'agriculture devient la règle. C'est en fait la deuxième « Mondialisation » qui s'est produite, la première étant celle de l'Homme. Autrefois, donc, presque tout le monde avait une expérience directe de l'agriculture.
      De nos jours, par contre, lire « la chèvre de Mr Seguin » dans une classe d'école devient impossible. Le problème pour les élèves comme de plus en plus souvent pour leurs maîtres est de se représenter une chèvre qui plus est attachée à un piquet. Ce rapport à l'agriculture change radicalement une conception qui remonte à 15000 à 20000 ans avant Jésus-Christ.

      Ce processus de transformation a été désigné par Michel Serres grâce au terme Hominescence (mot inchoatif en linguistique), hominisation étant déjà pris et avec un sens différent, un peu trop lourd.

      Comme évolution à la mode de Darwin, il y a eu un petit coup d'hominisation qui nous a frappé, mais hélas seulement cinq à six pourcent de la planète c'est-à-dire en gros , l'Occident, les occidentaux et encore, dans ce cas, seulement une partie assez faible de la population.

      Michel Serres croit maintenant pour ce qui nous concerne que les changements liés aux NTIC sont du même ordre de portée et doivent être pensés en-dehors des cadres établis (c'est-à-dire de ce que l'on nous a appris).

      A l'origine de l'écriture ce qui se produit est vraiment un événement du même ordre.
      C'est une technologie qui arrive et qui permet de stocker et de transmettre l'information.
      Dans le Croissant Fertile apparaissent de grands Etats, apparaissent de grandes Villes (Grèce), le commerce en tant que tel, et non plus le troc, se développe.

      Et l'écrit permet de transmettre de génération en génération, plus seulement par l'oral.

      Les grecs inventent la païdeïa (Manuscrits) ou pédagogie, ce qui permet de transmettre, aussitôt avec l'apparition de l'Ecriture, la géométrie.
      Cette « révolution » touche toutes les activités : politiques, scientifiques etc.. toutes donc tout comme aujourd'hui.

      Et pour finir nous arrive la pédagogie d'Erasme avec Rabelais, Montaigne etc.

      L'Ecriture permet l'ouverture des écoles pour la première fois.

      C'est la Société de la Connaissance qui s'installe.

      A un même problème, existe des variations de réponses de l'Histoire en fonction des techniques et/ou technologies que l'on a inventées à ce moment-là.
       »Quand Montaigne dit `je préfère une tête bien faite à une tête bien pleine', sujet de dissertation fréquent, c'est justement parce que l'on vient d'inventer l'imprimerie » dit Michel Serres, qui a mis du temps à le comprendre.

      Conclusion : nous ne savions pas que nous pouvions inventer des technologies qui nous permettent un prolongement de nos facultés. C'est la gestion de cette faculté dont nous avons pris conscience et c'est son développement qui est en cause, en notre pouvoir actuellement.

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      Dossiers de l'audiovisuel n° 92 (juil-août 2000) par Jean-Noël Portugal, éd° La Documentation Française.

      La Recherche, Spécial Internet, l'avenir du Web, Mensuel n°328, février 2000.

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      Magazine Sciences Humaines, hors série n°16, mars / avril 1997, propos de Philippe Meirieu.

      Extraits du magazine "Enjeux, les Echos" :

      Des Robots ou "Comment nous travaillerons demain", La production, par Michel de Virville, docteur en statistiques et titulaire d'un DES de mathématiques, secrétaire général et DRH du groupe Renault, conseiller maître à la cour des Comptes, il a fait partie du cabinet de L. Fabius premier ministre puis a dirigé celui de JP Soisson ministre du Travail.

      Interview de Louise Guerre, 41 ans, titulaire d'un DEA de géographie urbaine et d'une licence de sociologie, elle a été élue en mai 2000 présidente du Centre des jeunes dirigeants CJD. C'est la première femme à accéder à ce poste. Issue d'une famille de gens du voyage, elle dirige une PME spécialisée dans les techniques documentaires et d'archivage parue dans le magazine Enjeux les Echos n°164 , décembre 2000.

      Mensuel La recherche n°328, février 2000 :

      Propos de Jacques Guidon, professeur à l'université de Nantes et conseiller scientifique à l'INRIA,

      coordinateur des ateliers francophones de formation réseau de l'Internet Society, et l'article de Hélène Le Meur.

      Le Monde, Jeudi 5 avril 2001, Le gouvernement donne le coup d'envoi à la société de l'information, article écrit par Laurence Girard et Anne-Marie Rocco.

      2000-en-France, parties des conférences consacrées aux technologies :

      .Conférence sur "Le nouvel ordre numérique" par Laurent COHEN-TANUGI,.

      Conférence sur "Insécurité informatique, épouvantails et dangers réels de la révolution numérique" de Thomas-Xavier MARTIN.

      Conférences de la Semaine européenne des technologies de l'information 2002:

      Mardi 26 avril 2002 "e-transformation de la société : la société de l'information", par Manuel Castells, sociologue, Professeur à Berkeley, et auteur de « La galaxie Internet ».

      Le nouvel ordre mondial, économique, technologique et sociétal se met en place ; le monde, les institutions, les entreprises se transforment et changent : comment répondre aux multiples enjeux, quelles sont les perspectives, les menaces, les risques mais aussi les nouvelles opportunités ? Internet et les technologies sont à la fois des forces de progrès et des facteurs d'inégalités.

      Mardi 26 avril 2002 "e-transformation de l'entreprise"

      Jeudi 28 avril 2002 Mutation de l'Homme ou adolescence de l'homme : l'hominescence, par Michel Serres, Professeur à Stanford, membre de l'Académie Française.

      Etude publiée par l'Insee L'Economie française, édition 2000-2001, collection Le livre de Poche

      Sites concernant la société de l'information :

      SENAT :

      http://www.senat.fr

      René Trégouët, Sénateur Des pyramides du pouvoir aux réseaux de savoirs - Tome 1 et Tome 2

      Rapport d'information 331 - 1997 / 1998 - Commission des Finances.

      UIT :

      http://www.itu.int/wsis/basic/basic02.htm

      UNESCO :

      http://www.unesco.org/webworld/fr/index.shtml

      http://www.unesco.org/webworld/observatory/index.html

      Sommet Mondial sur la Société de l'information :

      http://www.geneva2003.org/home/index02.htm

      Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique en faveur de l'accélération du développement :

      http://www.uneca.org

      A propos du concept « anycastworld « , étude réalisée par SONY EUROPE et présentée à l'occasion du MILIA 2001 :

      www.anycastworld.com

      Sur le réseau ECHELON :

      Development of Surveillance Technology and Risk of Abuse of Economic Information, STOA, Luxembourg, 1999. Ce rapport est composé de cinq documents différents, dont celui rédigé par Ducan Campbell, le journaliste écossais qui a révélé l'existence du système Echelon dès 1988. Le texte de son rapport se trouve dans Interceptions Capabilities 2000, à l'adresse http://www.cyberrights.org/interception.capabilities 2000.htm.

      Mensuel La recherche :

      www.larecherche.fr

      Cyber-Institut :

      www.cyber-institut.org






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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle