B- Devoirs et responsabilités du journaliste
dans la transmission de propos racistes
Dans son appréciation de la portée des devoirs
et responsabilités qui incombent au journaliste, la Cour
Européenne a mis l'accent sur deux éléments: l'attitude du
journaliste et la réaction prévisible du public visé.
La Cour souligne comme élément de grande
importance le fait que le journaliste ne profère pas lui-même les
déclarations incriminées mais, a uniquement aidé à
leur diffusion. Toutefois, du fait de l'impact potentiel que les médias
exercent sur la population, le journaliste doit prendre toutes les
précautions nécessaires au vu des effets que peuvent produire son
reportage. Ainsi, il ne doit pas poursuivre un but caché de propager des
idées ou opinions racistes mais, au contraire, il doit se limiter
à « exposer, analyser et expliquer » les origines de
celles-ci et non à les endosser. Ainsi, il semble suffisant pour la Cour
de s'en tenir à des faits sans ajouter de commentaires explicites qui
marquent la prise de distance du journaliste vis-à-vis des propos
exprimés. Elle considère comme acceptable l'absence d'un
avertissement qui rappel que l'incitation à la haine raciale est
immorale, dangereuse et illégale. Le devoir d'objectivité suffit
à lui seul à le dédouaner. Cette interprétation de
la cour a été critiquée par les opinions dissidentes: le
journaliste a le devoir de rappeler le caractère intolérable de
déclarations racistes dans une société démocratique
d'autant qu'en l'espèce, le journaliste a joué un rôle en
provoquant par l'entretien les déclarations racistes. En effet,
l'absence de réaction significative du journaliste constituerait une
«incitation au mépris» vis-à-vis des groupes
visés par les propos racistes.
Pour en juger ainsi, la Cour de Strasbourg souligne le fait
que le public visé soit bien informé et que, pris dans son
ensemble le reportage faisait passer le message que ces propos sont le fait
d'une attitude antisociale. Elle épouse ainsi la thèse du
requérant selon laquelle les propos injurieux avaient plutôt pour
effet de ridiculiser leurs auteurs que de promouvoir leurs thèses
racistes: dans cette perspective, le simple fait de diffuser ces propos sans
commentaires revient en réalité à les combattre par le
dégoût qu'il suscite au sein de la population. Mais là
encore, les opinions dissidentes ne se satisfont pas de ce jugement car, selon
elles, se fier aux saines réactions de rejet parmi les destinataires est
une preuve « d'optimisme (...) que l'expérience
dément» : du fait de son désespoir une grande partie de
la population accueille favorablement ce genre de propos dans leur recherche de
boucs émissaires.
Si en ce qui concerne les propos racistes, la cour
considère comme disproportionnée l'interdiction de toute
transmission objective, il est plus problématique d'adopter les
mêmes critères pour ce qui est des thèses
négationnistes: en effet, c'est sous le couvert de la recherche
historique et de l'objectivité que s'exprime ce type de racisme.
|