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Etude des déterminants de la corruption passive

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par Boubacar KABORE
ENSP - Administrateur des hôpitaux et des services de santé 2007
  

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Introduction.

S

elon le groupe multidisciplinaire de la corruption du conseil de l'Europe, la corruption consiste en une rétribution illicite ou tout autre comportement à l'égard de personnes investies de responsabilités dans le secteur public ou privé qui contreviennent aux devoirs qu'elles ont en vertu de leur statut d'agent de l'Etat, d'employé du secteur privé, d'agent indépendant ou d'un autre rapport de cette nature et qui vise à procurer des avantages indus de quelque nature qu'ils soient, pour eux-mêmes ou pour des tiers.

Le phénomène gangrène et vérole tous les secteurs d'activités y compris la santé.

La corruption passive en milieu hospitalier se définit comme celle qui consiste pour un agent de santé, de prendre l'initiative unilatéralement pour exiger ou de réclamer un avantage de quelque nature qu'il soit en contrepartie de sa prestation de soins. Activité tournée vers l'allègement des souffrances, la guérison et la restauration de la dignité humaine, le secteur sanitaire est par essence celui dans lequel la corruption devrait être absente dans la mesure où elle est incompatible avec le rôle social que doivent jouer les structures de soins. Malheureusement la corruption tend à y devenir une norme de conduite souvent sur l'initiative même des professionnels de santé. Les hôpitaux sont particulièrement vulnérables. La lutte contre ce fléau requière au préalable la connaissance des facteurs qui l'explique. C'est dans cette optique que s'inscrit la présente étude dont le thème est : « Etude des déterminants de la corruption passive». Elle aura pour cadre le Centre Hospitalier Régional de Dedougou (CHR-DDG). Dans son contenu, elle se construit autour des six (06) chapitres suivants :

- Chapitre I- Problématique.

- Chapitre II- Revue de littérature et cadre de référence.

- Chapitre III- Méthodologie de l'étude.

- Chapitre IV- Présentation des résultats de l'étude.

- Chapitre V- Discussion et synthèse des résultats.

- Chapitre VI- recommandations.

Chapitre I - Problématique

1.1. Enoncé du problème.

L

a pratique de la corruption représente une menace très sérieuse qui pèse sur les établissements hospitaliers, entravant de ce fait l'accès aux soins de référence par les populations. Le phénomène de la corruption sévit et tue à travers le monde.

En effet, le rapport mondial 2006 de Transparency International révèle qu'une très grande fraction des trois milliards de dollars us dépensés annuellement en services de santé, est détournée par les pratiques de la fraude et de la corruption. Aux Etats Unis, le coût des abus dans les hôpitaux et les services de soins est estimé entre 11,9 et 23,2 milliards de dollars us par an1(*). En Europe, les représentants des organisations de soins de santé ont estimé une perte d'environ 30 milliards d'Euro induite par la fraude et la corruption2(*).

En Afrique, le problème se pose avec acuité. Il touche aussi bien les prestations des services de santé, la chaîne pharmaceutique ainsi que l'administration sanitaire. Selon Doya Akunyili3(*), la mortalité imputable à la corruption et à la contrefaçon des produits pharmaceutiques est élevée au Nigeria. Mas (2005) et MEDARD (2002) ont relevé les effets dévastateurs de la corruption dans les hôpitaux en République Démocratique du Congo et au Cameroun où des femmes incapables de payer 3000FCFA ou 5000FCFA meurent lors de l'accouchement. Enfin au Sénégal, une enquête menée par Fall et Guèye en 2004, atteste que les pratiques de corruption dans les hôpitaux finissent par se généraliser et se banaliser4(*).

Le Burkina Faso, selon l'indice de perception de la corruption 2005, se classe 70è sur133 pays concernés. Plus spécifiquement, le rapport 2004 du Réseau National de Lutte anti- Corruption (REN-LAC) constate que les services de santé sont des foyers de transactions diverses. Ils seraient devenus des lieux où se développent des idées mercantiles.

La corruption dans la région sanitaire de la boucle du Mouhoun est en nette progression. Selon les investigations du REN- LAC, seulement 2% des personnes enquêtées trouvent qu'elle est en régression dans la région et seulement 1% pense qu'elle est inexistante. La santé dans cette région occupe la 5ème place parmi les dix secteurs classés en 2005.

Le centre hospitalier régional de Dedougou (CHR-DDG ), est sans doute atteint par le fléau nonobstant l'inexistence de données. Il n'est pas exagéré d'affirmer qu'il n'y a pas de service de santé qui soit épargné des pratiques corruptrices5(*) . En outre, notre stage ( 1er avril au 31 mai 2006) au CHR-DDG nous a permis, grâce à l'observation et au témoignage des agents, de constater l'existence de consultations directes, vente illicite de médicaments, détournement de kits, délivrance de fausses exonérations et d'attestations...

Les conséquences de telles attitudes dans le CHR sont très préjudiciables. Ce sont entre autres, l'inégalité d'accès aux soins, la déshumanisation de la prestation des soins de santé, la dérégulation du fonctionnement de l'hôpital, la détérioration de la qualité des soins, la dégradation de la capacité opérationnelle des services et des plateaux techniques, la réduction de la mobilisation des ressources propres, l'aggravation de l'impunité etc.

Tout ceci peut avoir une répercussion négative sur la mortalité au sein des populations.

Pour juguler le phénomène, le CHR-DDG, en plus des actions menées au plan national et au sein des ONG, a adopté une politique de lutte anti-corruption. Elle consiste à la sensibilisation du personnel, à la mise en place d'un nouveau circuit du malade pour éviter que les prestataires aient un contact direct avec le système de paiement et de l'institution d'un tableau de bord de suivi mensuel des recouvrements par service.

En dépit de ces actions, la corruption connaît toujours une persistante progression dans les services cliniques. Les causes pourraient être : le délitement des valeurs morales, l'impunité, l'ignorance, l'inefficacité du système de contrôle, le dysfonctionnement de l'administration, la faible motivation du personnel.

Les enjeux d'une éradication de ce fléau pourraient être énormes. Les hôpitaux débarrassés de toute forme de corruption deviendraient plus performants et joueraient réellement leur fonction sociale en offrant des prestations de qualité. En plus les gains financiers pourraient être efficacement affectés dans les investissements hospitaliers, la motivation et l'amélioration des conditions de travail du personnel.

Est-on en mesure de mener efficacement la lutte anti-corruption si on ne cerne pas les tenants et les aboutissants  de la corruption ? C'est dans cette optique que s'inscrit la présente étude. Mais avant, qu'est ce qui a justifié cette recherche ?

1.2. Justification de l'étude.

La corruption est une des grandes entraves à l'accès aux soins par les populations. Mais paradoxalement elle est en passe de devenir une pratique « normale » dans nos centres de santé sans que des actions vigoureuses ne soient entreprises pour l'éradiquer. Même s'il est difficile de le constater, on pourrait imaginer aisément combien sont ceux là qui ont perdu la vie faute de n'avoir pas eu un billet pour « motiver » un personnel de santé ou faute de ne pas connaître une personne influente. En outre la rareté des études en la matière traduit sans doute le refus ou la peur de se lancer sur un terrain aussi sensible. Cela est bien compréhensible à tout égard dans le contexte actuel des choses. Mais faut-il se rendre complice de cette inaction et de ce silence ? En décidant de mener cette étude pionnière à l'ENSP, nous attendons donner le « coup d'envoie » et ainsi participer à la lutte anti-corruption. Cette lutte passe nécessairement par la connaissance des facteurs ou déterminants de la corruption passive qui, selon les conclusions du séminaire international sur la corruption, représente 90% de la corruption publique. Nous restons pleinement persuadés que si cette lutte aboutissait, elle produirait inéluctablement des effets positifs colossaux en terme d'amélioration de l'accessibilité et de la qualité des soins et aussi de la mobilisation des ressources propres des services de santé en général et des hôpitaux en particulier au sein desquels nous serons appelés à exercer.

1.3. Question de recherche.

Quels sont les déterminants de la corruption passive au CHR de Dedougou ?

1.4. Hypothèses de recherche.

H1- Le faible niveau des salaires explique la corruption passive au CHR-DDG.

H2- L'impunité influence significativement la corruption passive au CHR-DDG.

H3- L'asymétrie d'informations est un facteur explicatif de la corruption passive au CHR-DDG.

1.5. But de l'étude.

Contribuer à la lutte contre la corruption au CHR-DDG.

1.6. Objectifs de l'étude.

1.6.1. Objectif général.

Etudier les déterminants de la corruption passive et de son incidence sur la qualité des soins.

1.6.2. Objectifs spécifiques.

- Analyser l'indice de perception de la corruption passive dans le cadre du CHR-DDG en s'inspirant de celui de TI ;

- Classer les services cliniques du CHR-DDG selon le niveau de corruption passive.

- Analyser les facteurs déterminant la corruption passive dans le CHR- DDG,

- Déterminer les incidences de la corruption passive sur la qualité des prestations des soins de santé,

- Faire des recommandations pour lutter contre la corruption dans le CHR DDG particulièrement et dans le système de santé de façon général.

Chapitre II- Revue de la littérature

et

Cadre de référence.

2.1 Revue de la littérature.

L

a revue de la littérature vise à faire l'état des connaissances dans notre domaine d'étude. Elle se structure autour de sept (07) points :

2.1.1 Définition de la corruption.

Les contours de la corruption restent flous. Ce qui rend difficile la définition de celle-ci. Historiquement, le concept de corruption a été appliqué à la fois aux comportements politiques et aux attitudes sexuelles ( kassoum KAMBOU,1997). A l'instar du terme latin « corruptus », le mot corruption évoque toute une série d'images du mal. Il renvoie aux facteurs de destructions de ce qui est sain. Le mot a une résonance morale. Parmi les écrits que nous avons visités, nous avons retenu les définitions suivantes.

- La première définition est celle proposée par J.J. Senturia (1931) et qui définit la corruption comme «  le mésusage de la puissance publique à son profit personnel ».

- Pour TI, est corruption tout abus de pouvoirs publics à des fins personnelles.

- Le groupe multidisciplinaire de la corruption du conseil de l'Europe, en juin 1994 a donné une définition plus large : «  la corruption consiste en une rétribution illicite ou tout autre comportement à l'égard de personnes investies de responsabilités dans le secteur public ou privé qui contreviennent aux devoirs qu'elles ont en vertu de leur statut d'agent de l'Etat, d'employé du secteur privé, d'agent indépendant ou d'un autre rapport de cette nature et qui vise à procurer des avantages indus de quelque nature qu'ils soient, pour eux mêmes ou pour des tiers ».

- Selon Jean yado TOE7(*), la définition de la corruption requière la prise en compte de trois (03) éléments : Les personnes ( le corrompu et le corrupteur), les choses reçues, demandées ou offertes et le but recherché (accomplissement d'actes déterminés ou abstention d'accomplir un acte).

- Aux termes de son article 156, le code pénal définit la corruption comme : «  le fait pour tout fonctionnaire de l'ordre administratif ou judiciaire, tout militaire ou assimilé, tout agent ou préposé de l'administration, toute personne investie d'un mandat électif qui agrée des offres ou des promesses, qui reçoit des dons ou présents, pour faire un acte de ses fonctions ou de son emploi, même juste, mais non sujet à salaire...ou s'abstient de faire un acte qui entre dans l'ordre de ses devoirs ». A ces personnes s'ajoutent les arbitres ou experts dans les affaires judiciaires, les médecins, les chirurgiens dentistes, les sages-femmes, les maïeuticiens et tout autre agent de santé.

Cette définition à l'instar de celle donnée par TI, à notre avis, souffre d'insuffisances dans la mesure où elle occulte la corruption dans le secteur privé. En outre elle ne prend pas en compte certaines pratiques illicites telles que les extorsions, fraudes, malversations....

Après avoir exploré les définitions de la littérature relative à la corruption dans sa pluralité, il sied d'établir sa typologie.

2.1.2 Typologie de la corruption dans les hôpitaux.

La typologie de la corruption hospitalière peut s'établir principalement au regard de trois critères : l'initiateur, l'importance de l'avantage et le secteur de l'activité.

- Selon l'initiateur.

On distinguera ici la corruption passive de la corruption dite active. La corruption passive est le fait d'exiger ou de demander un avantage. Elle se traduit à l'hôpital par le fait qu'un praticien exige de la part de son patient un avantage indu contre sa prestation. L'initiateur est donc le soignant. Par contre, la corruption active est une situation où le patient lui-même prend l'initiative d'offrir ou de donner un bien, de l'argent ou des promesses dans le but de bénéficier d'une prestation sans que le soignant n'en lui réclame. Il peut en outre s'agir d'un pourvoire offert après les soins.

- Selon l'importance de l'avantage reçu.

A ce niveau le qualificatif de « petit » est conféré à un type de corruption engageant de modestes sommes ou avantages. C'est l'exemple d'un infirmier qui se fait régler directement le prix d'une consultation pour son propre compte. D'aucuns qualifient cette forme de « corruption alimentaire ». C'est la forme la plus fréquemment pratiquée en milieu hospitalier. La grande corruption concerne des montants élevés. Elle s'observe généralement lors des passations des marchés publics de l'hôpital. L'inexistence d'un seuil rend floues les frontières entre les deux catégories de corruption. A partir de quel montant une corruption sera dite grande ou petite ?

- Selon le secteur d'activité.

On a la corruption publique et la corruption privée. La corruption publique au Burkina Faso, est celle généralement pratiquée dans les hôpitaux ou services de santé publics. En revanche, on nommera corruption privée celle qui s'observe dans les cliniques, les cabinets de soins privés, les officines et même dans le secteur sanitaire traditionnel.

Au demeurant, on notera que d'autres catégorisations sont utilisées. Nous examinerons à présent le cadre institutionnel et politique dans lequel s'inscrit la corruption au Burkina Faso.

2.1.3 Cadre institutionnel en matière de corruption au Burkina Faso.

2.1.3.1 Législation en matière de corruption.

Le texte législatif auquel nous ferons cas est le code pénal tel qu'il résulte de la loi n°043/96/ADP du 13 novembre 1996. Les dispositions répriment les prises illégales d'intérêts (art 161 et 162), la concussion (art 155), la corruption (art 156 à 159), la soustraction et le détournement de biens publics ( art 154), l'enrichissement illicite ( art 160), le faux et l'usage de faux (art 250 à 298) et les fraudes aux examens et concours publics ( art 308 à 312). De multiples dispositions réglementaires et légales dans des domaines spécifiques viennent compléter ou préciser le code pénal.

Au-delà du cadre national, le Burkina a signé et ratifié des conventions à l'échelle internationale.

2.1.3.2 Les conventions en matière de corruption.

On dénombre principalement trois conventions :

- La convention de l'Unité Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption ratifiée en mars 2005,

- La convention des Nations Unies contre la corruption, signée en décembre 2003 mais non encore ratifiée et

- La convention des Nations Unies contre le crime transnational organisé, ratifiée en mai 2002.

2.1.3.3 Politique nationale de lutte anti- corruption.

Le Burkina Faso dispose d'une politique nationale de lutte anti-corruption dont la transcription opérationnelle est confinée dans un plan quinquennal. Elle s'articule autour de deux grands points :

- l'état des lieux de la corruption au Burkina Faso comprenant d'une part les pratiques, les causes et les conséquences du phénomène, d'autre part, le dispositif de lutte anti-corruption et ses insuffisances ;

- La proposition de politique nationale de lutte anti-corruption consacrée aux justifications d'une telle politique, à sa vision, aux principes généraux, à l'objectif général ( éradiquer à terme le phénomène de la corruption avec l'atteinte dans un délai intermédiaire de cinq ans du niveau de tolérance zéro) et aux objectifs spécifiques ( affirmer le leadership et la volonté politique, améliorer la participation citoyenne, renforcer le dispositif légal et réglementaire, rendre plus efficace l'action de l'appareil judiciaire, rendre plus efficace et indépendant le système de contrôle, rendre plus efficace et transparent le service public et renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre la corruption),  au plan d'actions et aux conditions de succès. On remarquera que le contenu actuel de cette politique ne trouve pas l'assentiment des partenaires techniques et financiers.

En s'intéressant particulièrement à la corruption dans le domaine sanitaire, nous examinerons dans le paragraphe suivant sa dynamique à la lumière des rapports annuels du REN LAC .

2.1.4 Evolution de la corruption dans le secteur de la santé au Burkina Faso.

Le tableau ci dessous retrace la dynamique de la corruption dans le système de santé de 2000 à 2005 selon les rapports annuels du REN LAC. Un rang élevé indique un bon état de corruption. Par exemple en 2000 le secteur sanitaire était celui où la corruption était moindre comparativement aux neuf autres secteurs.

Tableau I : Evolution de l'état de la corruption dans le secteur de la santé parmi 10 secteurs.

Année

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Rang

10

9

5

2

6

5

Source : rapport 2005 du REN LAC

2.1.5 Formes de la corruption dans les centres hospitaliers.

Le rapport mondial de TI fait ressortir cinq (05) types de corruption :

- Le détournement et le vol de médicaments et de matériel médical,

- Le trucage des marchés publics par les autorités d'attribution,

-La corruption qui touche le système de paiement,

- La corruption qui intervient dans les prestations de soins.

Les formes de corruption susmentionnées ont été éclatées par le REN LAC dans son rapport 2004 spécialement focalisé sur le secteur de la santé au Burkina. En effet il s'agit :

- des rackets qui prennent source dans l'intimidation du patient, de l'urgence du mal et des fausses réclamations.

- des pots de vin des auxiliaires de médecins ; l'offre de soins étant faible des fils d'attente se créent les malades pour ne pas trop attendre, soudoient les infirmiers pour bouleverser l'ordre d'arrivée afin de se faire soigner plus rapidement.

- des ventes de médicaments, certains agents disposent par-devers eux des médicaments de sources illicites ( camouflage du reste des kit ou échantillon gratuit). D'autres achètent des médicaments dans les officines pour les revendre aux malades avec une marge bénéficiaire.

- de la spéculation sur les lits d'hospitalisation et des exonérations de frais, le rapport lits d'hospitalisation/ habitant étant très faible, cela donne lieu à des spéculations.

- des détournements de malades vers les cliniques privées,

- de l 'absentéisme du personnel,

- des surfacturations sur des achats de fournitures et les passations de marchés truqués,

- des détournements et vols de biens médicaux,

- des rétributions financières autres que les salaires ou les rétributions sociales.

2.1.6 Vulnérabilité des centres hospitaliers.

William.D. SAVEDAFF et Karen HUSSMAN8(*) pensent que les hôpitaux sont très vulnérables à la corruption à cause de l'incertitude, de l'asymétrie d'informations et des acteurs nombreux et dispersés qu'ils regorgent. En effet l'incertitude est un élément essentiel du secteur de la santé qui a de graves implications de fraudes et de corruption. Comme l'a expliqué KENNETH Arrow9(*), les incertitudes ( qui tombera malade ? Quand est ce que la maladie frappera ? Quelles sont les maladies que les gens attraperont ? Quelle est l'efficacité du traitement ?) rendent difficile la détection des abus. Le tandem d'auteurs suscité souligne en outre que l'asymétrie de l'information qui met un malade analphabète en face d'un médecin mieux informé crée un déséquilibre informationnel qui favorise la corruption passive. Enfin ces auteurs constatent que les hôpitaux sont prédisposés en raison du nombre disparate du personnel et de la complexité de leurs interactions.

2.1.7 Evaluation de la corruption et de son incidence sur la qualité des soins.

Depuis 1995, L'ONG TI publie chaque année un indice de perception de la corruption (IPC) classant les pays selon le degré de corruption perçu. L'indice est élaboré à l'aide d'enquêtes réalisées auprès d'hommes d'affaires, d'analystes de risques et d'universitaires résidant dans le pays ou à l'étranger.

L'IPC est un indice composite, agrégeant des données d'enquêtes et d'agences de notation. Le score de 10 indique l'absence de demandes de pots-de-vin et celui de 0 une corruption systématique.

En s'inspirant du principe de base du calcul de l'IPC, nous concevrons un indice de perception pondérée de la corruption (IPPC) que nous décrirons ultérieurement.

- Enquête et sondage.

La première série d'enquêtes diagnostiques en profondeur sur la gouvernance et la corruption menée auprès des fonctionnaires des entreprises et des citoyens fut organisée en Albanie, en Géorgie et en Lettonie en 1988 ( VINOD Thomas et al 2002).

Plus récemment, des versions étendues et affinées de ces enquêtes ont été réalisées dans d'autres pays afin d'évaluer certains aspects plus complexes de la corruption. Au Burkina Faso, tous les organes de lutte contre la corruption (REN-LAC, CNE, HACLC...) procèdent par des enquêtes, des entretiens et des sondages d'opinions.

- Méthodes économétriques d'estimation de l'incidence de la corruption.

Omar AZFAR et Tugral GURGUR ont recueilli des données en 2000 aux philippines et montré que la corruption nuit à la prestation des services de santé. Par le biais des régressions économétriques, ils affirment par exemple qu'une augmentation de l'écart type de 10% de la corruption réduit le taux d'immunisation d'environ 10 à 20%, accroît jusqu'à 30% le temps d'attente dans les hôpitaux et réduit la satisfaction des usagers de 30%.

On notera avec le rapport TI 2006 qu'aucune étude n'a permis jusque là à évaluer avec exactitude le montant de la corruption dans la mesure où elle se pratique sous « les draps des hôpitaux ».

2.2.Cadre de référence.

Ce cadre de référence est conceptuel et nous a été inspiré par les rapports TI 2006, REN LAC 2004 et CNE 2003. Sans être exhaustif, il propose sept grandes variables exogènes qui influencent significativement la variable dépendante qu'est la corruption en milieu hospitalier.

- Les causes économiques sont celles issues de l'insatisfaction matérielle et pécuniaire des agents de santé. Ce sont entre autres les mauvaises conditions de travail dues à la vétusté du matériel, au bas salaire, à la pauvreté et à la faiblesse des ristournes et primes redistribuées.

- La perte de valeurs morales est consécutive à l'insatisfaction matérielle. Elle se caractérise par la malhonnêteté, la mauvaise foi, le gain facile, la cupidité et l'incivisme.

On note que les causes économiques peuvent être source de la perte des valeurs morales.

- Le dysfonctionnement des hôpitaux  se traduit par l'inorganisation des services, le manque de personnel et l'insuffisance de communication entre la Direction et les services cliniques.

- L'asymétrie de l'information : l'ignorance et l'analphabétisme des malades et accompagnateurs, la non-fluidité de l'information, l'inefficacité des services d'accueil et de renseignement, la résignation des patients et l'absence de panneaux indicateurs sont des éléments constitutifs de l'asymétrie d'informations.

- L'impunité est le manque de sanctions qui pourrait se justifier par le faible niveau de contrôle et par l'inefficacité de l'IGSS, des ordres, des associations et des syndicats des professionnels de santé.

- Effet d'imitation : la corruption des autorités centrales, la corruption des autorités hospitalières et la corruption des autres agents de santé peuvent inciter un agent probe à pratiquer lui aussi la corruption.

- Relations sociales : En partant de la définition de TI qui considère la corruption comme un abus d'un pouvoir public à des fins personnels, nous pensons que le fait de soigner gratuitement un parent, un ami ou une autre connaissance représente une forme de corruption en ce sens que même si l'agent ne tire pas d'intérêt matériel, il reçoit au moins une satisfaction morale et une appréciation sociale.

Effet d'imitation :

- Corruption des autorités centrales,

- Corruption des autorités hospitalières

- Corruption des autres agents de santé

LA CORRUPTION PASSIVE EN MILIEU HOSPITALIER

Perte des valeurs morales :

- Malhonnête

- Mauvaise foi

- Gain facile

- Cupidité

- incivisme

Asymétrie de l'information :

- Ignorance et analphabétisme des malades et accompagnateurs

- Non-fluidité de l'information

- inefficacité des services d'accueil et de renseignement

- résignation des patients

- Absence de panneaux indicateurs

Impunité :

- Absence de sanctions

-Faible contrôle des agents

-Inefficacité de l'IGSS

-Inefficacité des ordres, associations et syndicats des professionnels

Dysfonctionnement des hôpitaux :

- Inorganisation des services

- Manque de personnel

- Manque de communication entre la Direction et les services cliniques

Causes économiques :

- Mauvaises conditions de travail

- Bas niveau des salaires

- Pauvreté

- Faiblesse ou inexistence des primes et des ristournes

QUALITE DE LA PRESTATION DES SOINS :

- Réduction de l'accessibilité financière aux soins

- Mauvaise qualité des prescriptions,

- Manque de motivation

- Discrimination de l'offre des soins

- Manque d'application dans la dispense des soins.

Relations sociales :

Parents, amis et autres connaissances

Chapitre III- Méthodologie de l'étude.

3.1 Cadre d'étude.

3.1.1 Quelques statistiques sur le Burkina Faso.

- une superficie de 274 200 km²

- une population estimée à 13.730.258 habitants1(*)0.

- Le taux brut de scolarisation dans l'enseignement de base est de 40,90% pour l'année 1997-1998.

- Les religions sont dominées par l'islam (52%), le christianisme (24,3%) et l'animisme (23,3%).

- 45,3 % de la population vit en dessous du seuil absolu national de pauvreté.

- Le taux brut de natalité est estimé à 46,1/1000;

- Le taux de mortalité générale est de 15,2 /1000

- L'espérance de vie à la naissance de 53,8 ans.

- La morbidité générale de la population du Burkina Faso est élevée : 15,8% en

1995.

- Le taux de mortalité infantile était de 105,3 pour mille en 1998.

- Le taux de mortalité infanto-juvenile était de 219,1 pour mille.

- La mortalité maternelle était de 484 pour 100 000 naissances vivantes en 1998.

3.1.2 Organisation et fonctionnement du système de santé 1(*)1

3.1.2.1 Organisation administrative

Sur le plan administratif, le système de santé comprend trois (3) niveaux :

- Le niveau central qui est organisé autour du Cabinet du ministre et du Secrétariat général.

- Le niveau intermédiaire qui comprend les Directions Régionales de la Santé (DRS). Elles ont pour mission de mettre en oeuvre la politique du gouvernement dans les régions sanitaires.

- Le niveau périphérique qui est représenté par les districts sanitaires, entités opérationnelles les plus décentralisées du système national de santé.

3.1.2.2 Organisation et fonctionnement des structures de soins

a) Secteur sanitaire public

Les structures publiques de soins sont organisées en trois niveaux qui assurent des soins primaires, secondaires et tertiaires. Cette organisation prend une forme pyramidale.

Le premier niveau est constitué par le district sanitaire qui comprend deux échelons :

- le premier échelon de soins est le Centre de Santé et de Promotion Sociale (CSPS), structure de base du système de santé ;

- le deuxième échelon de soins du district est le Centre Médical avec Antenne chirurgicale (CMA). Il sert de référence pour les formations sanitaires du district.

Certains districts sanitaires sont centrés sur des CHR. C'est le cas des six districts de la région sanitaire de la boucle du Mouhoun.

Le deuxième niveau est représenté par le Centre Hospitalier Régional (CHR). Il sert de référence et de recours aux CMA.

Le troisième niveau est constitué par le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) qui est le niveau de référence le plus élevé pour les soins spécialisés. Il sert également de cadre de formation des différentes catégories de personnels et de recherche.

b) Secteur sanitaire privé

A l'exception des dépôts de médicaments qui peuvent être gérés par des non professionnels du médicament, l'exploitation des structures sanitaires privées, surtout à but lucratif, se fait individuellement et est un monopole des professionnels de la santé au regard des textes en vigueur. A côté des exploitations individuelles, les associations et les Organisations Non Gouvernementales (ONG) ouvrent de plus en plus des établissements sanitaires privés.

c) Secteur sanitaire traditionnel

La médecine et la pharmacopée traditionnelles ont été reconnues par la loi n° 23/94/ADP du 19/5/94 portant Code de la Santé Publique.

3.1.3- Présentation générale de la région sanitaire de le boucle du Mouhoun.1(*)2

3.1.3.1- Données géographiques

La région sanitaire de la boucle du Mouhoun est située dans la partie Nord-Ouest du Burkina Faso. Avec une superficie de 34.153 km², elle représente environ 12.45% du territoire national et est limitée :

- au nord par la région Sanitaire du Nord ( Ouahigouya)

- à l'est par la région sanitaire du Centre- Ouest ( Koudougou).

- au Sud par les régions sanitaires des Hauts- Bassins ( Bobo-Dioulasso) et du Sud-Ouest (Gaoua).

- A l'Ouest par la république du Mali.

Le climat de la région est de type soudano-sahélien, les précipitations sont comprises entre 600 et 900 mm par an. La végétation naturelle va de la savane arborée dans le Sud à la savane arbustive dans le Nord. Les reliefs s'élèvent rarement au-dessus de 400 m. Ces élévations se retrouvent surtout à l'Ouest de la région, le long de la frontière malienne. Le pic de Konkoliko ( Province des Balés) qui constitue le plus haut sommet de la région culmine à 621 mètres d'altitude.

Sur le plan hydrologique, la région compte quelques cours d'eau permanents : le Mouhoun, le Sourou et le Voun-hou. Les nappes souterraines sont relativement fréquentes et abondantes.

3.1.3.2- Données démographiques

La population totale de la région sanitaire pour l'année 2005 est estimée à 1 485 207 habitants. La densité est de 44 habitants au Km². La région connaît une forte immigration de populations venant essentiellement du plateau mossi ( Yatenga, Passoré, Bam, Boulkiemdé...). La répartition par district et par tranche d'âge est la suivante :

Tableau II : Répartition de la population par district et par tranche d'âge.

Districts Sanitaires

Population

Totale

0-11 mois (4,21%)

0-59 mois

(18,78 %)

6-59 mois

(16.61%)

FAP

(22,8%)

15 ans et plus

( 54,29%)

Boromo

201017

8463

37751

33389

45832

109132

Dédougou

313 787

13210

58929

52120

71543

170355

Nouna

288 478

12145

54176

47916

65773

156615

Solenzo

282 916

11911

53132

46992

64505

153595

Toma

175 755

7399

33007

29193

38943

92728

Tougan

223 254

9399

41927

37082

50902

121204

Région

1 485 207

62527

278922

246692

337498

803629

Source : plan d'action 2006 du CHR-DDG

3.1.3.3- Données socio-économiques

L'activité économique est dominée par l'agriculture et l'élevage. Le sud et l'Ouest de la région sont réputés pour la production de coton qui génère des revenus substantiels pour les ménages. En dehors des cultures pluviales ( sorgho, mil, maïs, coton, arachides), on note un développement de la culture irriguée dans la vallée du Sourou. La pêche et le commerce sont également pratiqués à un moindre degré.

3.1.3.4- Données socioculturelles

Sur le plan ethnolinguistique, la région se caractérise par une grande diversité. Les ethnies les plus couramment rencontrées sont : les bobos, les markas, les samos, les dioulas, les mossis et les peulhs. Le christianisme, l'islam et l'animisme sont les principales religions pratiquées. Sur le plan culturel, on assiste à un regain de vitalité dans la région se traduisant par l'organisation de festivals de masques, danses et luttes traditionnelles. Les plus importants sont : le LUMASAN ( Luttes et Masques en pays San) à Toma et le FESTIMA ( Festival des Masques) à Dédougou. De nombreux tradipraticiens exercent dans la région sans une collaboration formelle avec les services de santé.

3.1.3.5- Données administratives.

La région sanitaire de la Boucle du Mouhoun couvre six (6) districts situés dans six (6) provinces selon le dernier découpage administratif : Balés, Banwa, Kossi, Mouhoun, Nayala, Sourou. Depuis le 18 décembre 2004, la région est administrée par un Gouverneur. Les limites de la région sanitaire et des districts sanitaires correspondent exactement au découpage administratif en région et province. L'ensemble de ces provinces se subdivise en 47 départements, 1 139 villages et 6 communes de plein exercice comme indiqué dans le tableau ci-dessous.

Tableau III : Le découpage administratif et sanitaire de la région

Provinces

Nombre de Départements

Nombre de Villages

Nombres de Communes de plein exercice

Nombre de Districts

Balés

10

172

1

1

Banwa

6

212

1

1

Kossi

10

274

1

1

Mouhoun

7

188

1

1

Nayala

6

125

1

1

Sourou

8

168

1

1

TOTAL

47

1 139

6

6

Source : plan d'action 2006 du CHR-DDG

3.1.3. 6 - Partenaires intervenant dans le domaine de la santé.

La DRS bénéficie de l'appui de plusieurs partenaires pour l'exécution de ses missions.

Tableau IV : Les partenaires et leurs domaines d'intervention.

PARTENAIRES

DOMAINES D'INTERVENTION

OBSERVATIONS

Etat ( Ministère de la Santé et autres secteurs ministériels)

Tous les domaines

 

Projet de Renforcement des Services de Santé

Interventions non ciblées

Couvre 03 régions du pays dont la nôtre

Programme d'Appui au Développement Sanitaire

Interventions non ciblées

Intervient dans tout le pays

Programme Santé sexuelle VIH/SIDA/GTZ

Planification Familiale, lutte contre le VIH/SIDA

Appui technique.

Phase de consolidation

Service Allemand de Développement ( DED)

Maintenance biomédicale Gestion financière

Appui technique

GTZ / IP maintenance

Promotion de la maintenance des équipements biomédicaux

Finira en 2005

ONG ( Terre des Hommes, AMCTM, PDLO...)

- Activités nutritionnelles

- Réalisation d'infrastructures

de santé de base

Interviennent dans certains districts

Réseau d'Associations

PF, lutte contre le VIH/SIDA et la tuberculose

 

Communautés religieuses et 06 radios locales

Information et éducation des populations

Mise à disposition d'heures d'antenne

Communauté ( COGES)

Mobilisation sociale, Sensibilisation

 

PADSEA ( projet d'appui au développement du secteur eau assainissement)

Eau, Hygiène assainissement

Démarrage à compter de 2005

Source : plan d'action 2006 du CHR-DDG

3.1.4- Présentation du CHR de Dédougou

Implanté dans un périmètre de 698 mètres, le CHR de Dédougou est situé dans ladite ville. Son aire de responsabilité correspond à celle de la région sanitaire de la boucle du Mouhoun avec laquelle, il partage alors les mêmes données socio-démographiques, économiques et culturelles. Il est le centre de référence des six districts sanitaires que compte la région. C'est un hôpital de type pavillonnaire qui compte au 31 décembre 2005, 147 lits.

3.1.4.1 Historique du CHR

Né de la mutation du Centre médical colonial de Dédougou, les premiers bâtiments du CHR ont été construits dans les années 1951-1952. Depuis 1982 l'hôpital connaît des transformations successives qui tendent à lui faciliter son rôle de centre de référence notamment en termes d'infrastructures et d'équipements. Ainsi en 1984 le bloc opératoire a été construit. En 1989 le centre médical de Dédougou devient Centre Hospitalier régional (CHR). En 1991, le Kiti n° AN VII 322/FP/SAN-AS du 18 mai 1990 confère au CHR de Dédougou le statut d'Etablissement Public Administratif (EPA) doté d'une personnalité morale et d'une autonomie financière et de gestion pour lui permettre de mieux assurer ses missions. En 2004 ; il est devenu un Etablissement Public de Santé (EPS).

3.1.4.2 Missions et relations du CHR de Dédougou

Comme tous les autres centres hospitaliers le CHR de Dédougou a pour missions :

Ø D'assurer le diagnostic, le traitement et la surveillance des malades, des blessés, et des femmes enceintes tout en tenant compte de leurs états psychologiques et socio économiques,

Ø D'assurer leur hébergement,

Ø De participer de concert avec les autres structures compétentes, aux actions de formation et de recherche.

Ø De participer également aux activités de santé publique, notamment aux actions de communication pour le changement de comportement, de prévention et à toute activité médico-sociale coordonnée.

Sous la double tutelle technique du Ministère de la santé et de celui des Finances et du Budget, le CHR de Dédougou entretient des relations de coopération avec l'hôpital « EMILE Roux » du Puy-en-Velay de France.

3.1.4.3 Organisation administrative du CHR

Administré par un conseil d'administration qui exerce une autorité et un contrôle sur l'ensemble de ses organes, le CHR de Dédougou comprend des services administratifs, médicaux et médico-techniques, des cadres de concertation et des organes de consultation.

3.1.4.4 Les ressources humaines.

A la date du 02 mai de l'année 2007 le CHR comptait 170 agents toutes catégories confondues. Ce personnel comprend des agents publics de l'Etat, des agents provinciaux et des contractuels de l'hôpital. Il est composé de 56 femmes contre 114 hommes. L'effectif du personnel soignant est de 131 avec 11 SUS/SUT. Il est renforcé par des agents de la coopération Sud - Sud dont des nigérians et des cubains.

3.2. Champ de l'étude.

Notre étude a eu pour champ d'étude, les services cliniques du CHR-DDG. En clair, la délimitation de l'étude a concerné les services suivants : La chirurgie, la radiologie, l'échographie, la maternité, l'ORL, le laboratoire, la gynécologie, la pédiatrie, les urgences médicales, le CREN et le service de Médecine hospitalière.

3.3. Type d'étude.

Notre étude est transversale à visée descriptive. Elle se propose d'identifier et de décrire l'existence de liens de causalité entre la corruption passive et un certain nombre de variables exogènes susceptibles de l'expliquer. Elle recueille également les incidences que la corruption engendre sur la qualité de la prestation des agents.

3.4.Population d'étude.

Elle se compose  :

- Du personnel soignant du CHR des services cliniques.

- Des surveillants d'unité de soins (SUS) et des surveillants d'unité technique (SUT).

3.5. Critères d'inclusion/ d'exclusion

Sont pris en compte dans notre échantillon le personnel des services cliniques et techniques c'est à dire donc que les personnels médical, paramédical et médico-techniques. Les autres personnels de la direction, de la maintenance, de la cuisine et le personnel de soutien (chauffeurs, gardiens...) sont exclus donc de l'étude. Aussi on notera que seules les personnes présentes lors de l'enquête ont été incluses.

N.B : Nous avons été instruits et soutenus tout au long de l'étude par un technicien de laboratoire. Nous l'avons donc automatiquement exclus de l'échantillon.

3.6. Echantillonnage- Echantillon

3.6.1 Echantillonnage.

Nous avons opté pour un échantillonnage exhaustif au niveau des deux populations d'étude (personnel soignant et SUS/SUT).

3.6.2 Echantillon.

La taille de l'échantillon est de 119 pour le personnel soignant. Elle est de 11 pour les SUS/SUT.

3.7. Méthode, techniques et instruments de collecte des données.

3.7.1 Méthode de collecte des données

La méthode utilisée a été essentiellement l'enquête.

3.7.2 Techniques de collecte des données.

Deux techniques ont permis de collecter les informations requises. Ce sont :

- Le questionnaire auto-administré,

- L'entretien semi- structuré.

3.7.3 Instruments de collecte des données.

Pour recueillir des informations à même d'atteindre les objectifs fixés par la présente étude, nous avons adressé un questionnaire auto-administré au personnel soignant et un guide d'entretien adressé aux SUS et SUT. Les caractéristiques que nous avons recherchées lors de la conception de ces instruments ont été la validité et la fidélité afin de collecter des données fiables.

a- Le questionnaire.

Le questionnaire a été adressé au personnel soignant. Il compte 36 items composés de questions fermées, de questions semi- ouvertes et de questions ouvertes.

b- Le guide d'entretien.

Ce guide a été soumis aux SUS et aux SUT dans le but de recueillir d'une part leurs opinions et leurs appréciations sur l'état de la corruption dans leur service de responsabilité et d'autre part d'appréhender les mesures spécifiques prises pour prévenir, détecter et réprimer les actes y afférent.

3.8. Le déroulement de l'enquête.

3.8.1. La demande d'autorisation.

Nous avons obtenu l'autorisation d'enquête le 11 janvier 2007 grâce à la demande adressée par M. le Directeur Générale de l'ENSP à M le Directeur Général du CHR-DDG le 26 décembre 2006.

3.8.2 -Validation des instruments.

La validation de nos instruments a été faite par :

- La méthode des juges.

- Le pré- test.

Les instructions de notre Conseiller, de notre Directeur de mémoire et d'un technicien de laboratoire travaillant au CHR-DDG ainsi que le pré-test réalisé du 22 au 23 avril 2007 au CMA du secteur 30 ont permis de reformuler, de supprimer et d'ajouter des questions aux instruments initiaux.

3.8.3 Considérations éthiques de l'étude.

Tout au long de l'enquête, nous avons garanti l'anonymat, la liberté de répondre et la confidentialité des réponses. A chaque sujet est attribué un identifiant numérique.

3.8.4. Déroulement de l'enquête proprement dite.

L'enquête s'est déroulée du 02 au 12 mai 2007 au CHR- DDG. Les différents instruments ont été administrés par un gestionnaire des hôpitaux et nous même appuyés par un technicien de laboratoire et le Directeur des soins infirmiers et obstétricaux.

3.8.5 Contrôle des biais.

Nous avons recherché tout au long de l'enquête à éviter les biais de réponses. C'est ainsi que certains agents ont reçu le questionnaire pendant la garde dans la nuit et d'autres en dehors même du CHR. En plus, avec la collaboration des Chefs de services, nous avons favorisé la réception groupée des réponses. Cela a sans doute permis de minimiser la probabilité d'être identifié à travers les réponses données.

3.8.5. Les contraintes et difficultés rencontrées.

Les difficultés et les contraintes sont celles traditionnellement rencontrées. Il s'agit  :

- du retrait difficile des questionnaires auto- administrés auprès des agents que nous avons perdus de vue,

- du refus délibéré de certains agents de répondre, motivé sans doute par la crainte d'être reconnus quoique nous leur avions garanti l'anonymat,

- de l'indisponibilité de certains SUS et SUT

- de l'insuffisance de ressources financière et temporelle pour prendre en compte la corruption active qui, nous aurait permis nulle doute d'avoir l'avis des malades et des accompagnateurs.

3.8.6. Limites de l'étude.

Compte tenu de la sensibilité du sujet traité, il apparaît nécessairement des limites dans l'étude. Nonobstant le contrôle des biais, de réponses biaisées ou systématiques peuvent se constater. En effet certains items du questionnaire

(Question II.5 et II.6) s'intéressant directement aux pratiques corruptrices du répondant peuvent donner lieu à des fausses réponses.

3.9. Identification, Définition opérationnelle des variables.

Les variables dans cette étude sont :

- La corruption en milieu hospitalier qui est la variable dépendante ou endogène ou encore expliquée. C'est une variable qualitative qui donne l'ampleur de la corruption au CHR-DDG. Ici nous examinons essentiellement la corruption passive.

- Le niveau de salaire, l'impunité, l'asymétrie d'informations, les relations sociales et l'effet d'imitation sont les variables indépendantes ou exogènes ou encore explicatives1(*)3. Ce sont ces variables qui influent sur la corruption en milieu hospitalier. Nous considérons dans le cadre de cette étude qu'elles sont tous binaires.

3.10. Présentation des méthodes de calcul de l'IPPC et de l'estimation du modèle économétrique.

- Principe de calcul de l'IPPC.

Nous partons du principe de calcul de l'IPC de TI qui prend des valeurs comprises entre 0 et 10. L'indice 0 indique une corruption systématique c'est à dire grave et l'indice 10 caractérise une situation idéale sans corruption. Il est calculé au moyen des données d'enquête et de sondage dans la zone géographique d'un pays. Pour notre part, nous calculerons un indice similaire mais uniquement dans le cadre du CHR-DDG. Pour ce faire l'appréciation de la corruption au CHR-DDG comporte six modalités ( Grave- très répandue- répandue- peu répandue et inexistant). La notation sera faite selon l'échelle suivante.

0 2.5 5 7.5 10

Grave Très repandue Répandue Peu Répandue Inexistante

L'IPPC = Moyenne arithmétique des notes pondérées du nombre d'années d'expérience de l'agent.

NB : Nous avons adopté pour une pondération sur le nombre d'années d'expérience dans le CHR DDG parce que nous posons l'hypothèse qu'un agent plus ancien est mieux habilité à donner une appréciation juste qu'un autre agent disposant d'une expérience plus courte. Attribuer un poids identique à tous les agents, sera alors incorrect.

3.11. Analyse et traitement des données.

Le traitement des données s'est effectué au moyen du tableur Excel, des logiciels Epi. Info version 3.2 et Word 2000 pour la production matérielle.

Les résultats ont été présentés sous forme tabulaire, graphique et textuelle

Au terme de ce chapitre sur la méthodologie de l'étude, nous présenterons dans le chapitre suivant les résultats par thématique.

Chapitre IV : Présentation

des

résultats de l'étude

4.1. Réalisation de l'enquête.

Tableau V : Réalisation de l'enquête.

Populations

Personnel soignant

SUS et SUT

Taille de l'échantillon

119

11

Nombre d'individus effectivement enquêtés

87

9

Taux de réalisation de l'enquête

73,11%

81,81%

On a 73.11% et 81.81% de taux de réalisation respectivement pour le personnel soignant et pour les SUS/SUT.

4.2. Caractéristiques du personnel soignant.

Ø Selon le sexe.

Le graphique ci dessus montre que l'échantillon est constitué de 33,33% de femmes contre 66.67% d'hommes.

Ø Selon la qualification professionnelle.

Tableau VI : Répartition par catégorie professionnelle.

N= 87

Qualification

Effectif

Pourcentage (%)

Accoucheuses Auxiliaires

3

3,45

Attachés de santé

16

18,39

Infirmiers brevetés

29

33,33

Infirmiers d'Etat

21

24,14

Techniciens de laboratoire

5

5,75

Garçons et filles de salle

7

8,046

Médecins

4

4,59

Manipulateurs d'Etat

2

2,3

TOTAL

87

100

Dans l'échantillon on a 33.33% d'infirmiers brevetés, 24.14% d'infirmiers d'Etats, 2.3% de manipulateurs d'Etat en pharmacie...

Ø Selon l'expérience professionnelle.

Graphique 02: Distribution du personnel soignant selon l'expérience professionnelle (en année).

Le graphique 02 fait ressortir que :

- 52 agents soit 59,77% ont une expérience professionnelle inférieure à 5 ans.

- 29 agents soit 33,33% ont une expérience comprise entre 5 et 10.

- 6 agents soit 6,9% ont une expérience supérieure à 10 ans

4.3. Caractéristiques des SUS et SUT.

Ø Selon le sexe.

Tous les SUS et SUT qui ont été enquêtés sont de sexe masculin.

Ø Selon la qualification professionnelle.

Tableau VIII : Distribution des SUS et SUT par catégorie professionnelle.

N=9

Qualification

Infirmiers d'Etat

Manipulateur d'Etat

Technicien de Laboratoire

Attaché de santé

TOTAL

Effectif

5

1

1

2

9

4.4.Présentation des résultats relatifs à l'état de la corruption dans le CHR.

4.4.1. La connaissance des agents en matière de corruption.

56 enquêtés sur 87 soit 64,37% affirment avoir une connaissance claire sur le concept de la corruption. Par contre 35.63% ne cerne pas clairement les contours de la corruption.

4.4.2. La présomption des agents sur le niveau de corruption dans la pyramide sanitaire du Burkina Faso.

En demandant au personnel soignant d'indiquer à titre présomptif laquelle parmi les structures de santé la corruption est plus répandue, 95.40% d'entre eux citent les CHU, 3.45% les CHR et 1.15% les CSPS.

4.4.3. L'appréciation des agents sur le niveau de corruption dans le CHR- DDG.

Tableau IX : Appréciation de l'ampleur de la corruption au CHR- DDG.

N= 87

Appréciation

Inexistante

Peu répandue

Répandue

Très répandue

Grave

Non répondu

TOTAL

Effectif

4

32

36

3

2

10

87

Pourcentage (%)

4.6

36.78

41.38

3.45

2.3

11.49

100

- 36 agents enquêtés soit 41.38% trouvent que la corruption est répandue au CHR.

- 2 agents soit seulement 2.3% pensent qu'elle est Grave.

- 4 agents soit 4.6% nient l'existence de la corruption au CHR.

4.5. La classification des services cliniques du CHR selon le degré de Corruption.

Graphique 03:Classification des services par degré de corruption.

Le graphique ci dessus montre que selon les agents interrogés, le service de Chirurgie est le plus corrompu du CHR. Le service des urgences vient en seconde position puis l'administration, le laboratoire et enfin le service post opéré.

NB : On remarquera que quoique l'administration ne faisant pas partie de notre cadre d'étude, certains enquêtés (21.84%) ont tenu à la designer comme le service le plus corrompu.

4.6. Résultats relatifs à la pratique de la corruption par les agents enquêtés.

Tableau X : La pratique de la corruption par les agents.

N= 87

 

Témoin de corruption

Sujet de corruption

 

Oui

Non

Non répondu

Oui

Non

Non répondu

Effectif

49

31

7

61

15

11

Pourcentage(%)

56.32

35.63

8.05

70.11

17.24

12.65

 

Le tableau fait ressortir que 56.32% ont une fois au moins été témoin de corruption et 70.11% affirment avoir été personnellement impliqués une fois au moins dans une pratique corruptrice.

4.7.La pratique des pourboires.

- 71 agents enquêtés soit 81.61% disent avoir déjà reçu un présent de la part d'un patient guéri.

- 14 agents enquêtés affirment qu'ils n'ont pas encore reçu un cadeau de la part d'un patient.

4.8. Présentation des résultats relatifs aux déterminants de la corruption passive.

4.8.1. Le niveau de salaire.

Tableau XI : Le niveau de salaire comme facteur de corruption passive.

N= 87

Niveau de salaire

Explique la corruption passive

N'explique pas la corruption

TOTAL

Effectif

51

36

87

Pourcentage (%)

58.62

41.38

100

 

58.62 % pensent que le faible niveau du salaire est un facteur explicatif de la corruption et 41.38% pensent le contraire.

4.8.2. L'effet d'imitation.

- 52 agents interrogés soit 59.77% affirment qu'un agent est corrompu parce que son supérieur est corrompu.

- 49 agents enquêtés soit 56.32% pensent que la corruption pratiquée par ses collègues de travail pousse un agent à en faire autant.

- 73 agents enquêtés soit 83.90% estiment que c'est la corruption pratiquée par les autorités du Ministère qui incitent le personnel soignant à la corruption.

4.8.3. Les relations sociales.

100% des agents enquêtés reconnaissent avoir déjà soigné un parent ou un ami.

Parmi eux, 63 sur 87 soit 72.414% disent l'avoir fait gratuitement c'est à dire sans faire payer la prestation offerte.

4.8.4. L'asymétrie de l'information.

On notera que seulement 23 agents soit 26.43% pensent que la plus part des patients qu'ils reçoivent sont bien informés sur les tarifs.

Les données contenues dans le tableau suivant montrent que 77 agents soit 88.5% trouvent que l'analphabétisme des patients est un facteur explicatif de la corruption. 71 agents enquêtés soit 81.61% pensent que le manque d'informations des patients favorise la corruption.

Tableau Xii : Le manque d'informations et l'analphabétisme comme facteurs de la corruption passive. N= 87

Asymétrie

Oui

Non

Non répondu

La plupart des patients connaissent les tarifs

23

64

0

L'analphabétisme du patient explique la corruption

77

10

0

Le manque d'informations du patient favorise la corruption des agents

71

11

5

 

4.8.5. Impunité.

Graphique 04: opinion des enquêtés sur l'impunité.

Selon le graphique précédent, 59.77% des personnes interrogées trouvent que le manque de sanctions à l'endroit des agents reconnus auteurs de pratiques corruptrices peut inciter les autres à la pratiquer et 40.23% estiment le contraire.

4.9. Classification des différents facteurs.

Graghiphe 05: Classification des déterminants de la corruption passive.

- 34 sur 87 agents soit 39.08% placent le niveau de salaire comme le facteur le plus explicatif de la corruption.

- 17 sur 87 soit 19.54% pensent que c'est l'asymétrie d'information qui explique plus la corruption.

- 25 sur 87 soit 28.73% estiment que l'impunité favorise plus la corruption au CHR. Ces résultats sont confinés dans le graphique ci dessus.

4.10.Résultats relatifs à l'incidence de la corruption sur la prestation des agents Selon 56.32% des agents enquêtés, la pratique de la corruption les motive dans la prestation de leurs soins.

Ø 70.11% estiment que la corruption facilite l'accès rapide aux soins.

Ø 36.78% trouvent que la corruption facilite la vente des produits à moindre coût.

Ø 59.77% affirment qu'ils ne soignent pas mieux un patient qui les corrompt par rapport à celui qui ne corrompt pas.

4.11.Présentation des résultats relatifs à la lutte contre la corruption.

Ø 51.7% des enquêtés trouvent que la corruption au CHR ne peut pas être éradiquer.

Ø 83 sur 87 soit 95.4 % estiment que la direction ne dispose pas de moyens nécessaires pour la lutte anti-corruption.

L'étude menée sur la corruption passive des agents de santé du CHR-DDG pour identifier les déterminants de la corruption a permis de recueillir certaines données qui, après présentation nécessitent d'être discutées. Cette discussion vise à mettre en relief les aspects essentiels des résultats, de leur donner une signification et de les confronter si possible avec des résultats de certaines études antérieures.

Chapitre V : Discussion et synthèse

des

résultats de l'étude

5.1. Discussion des résultats

5.1.1.Caractéristiques du personnel soignant.

Ø Le sexe.

Dans la population du personnel soignant enquêté on note plus d'hommes que de femmes. La supériorité masculine est à l'image de la répartition des sexes dans le CHR (32.94% de femmes et de 67.06% d'hommes). Au niveau national et principalement dans toutes les organisations, les femmes sont moins nombreuses que les hommes.

Ø l'expérience professionnelle.

L'expérience professionnelle moyenne est de 5.24 ans. Cette moyenne est dû au fait que plus de 59.77% ont une expérience au plus 5 ans. Cela traduit sans doute la jeunesse du personnel du CHR.

5.1.2. Analyse des résultats sur l'état de la corruption au CHR.

Ø La connaissance des agents en matière de corruption.

Près des 2/3 des personnes enquêtées ont une connaissance claire du concept de la corruption. En revanche 35.63% méconnaissent les contours de ce concept. Si l'on sait que la corruption est un phénomène d'actualité et qui se parle au quotient, le nombre des personnes qui ne la connaissent pas clairement est problématique. Cette méconnaissance pourrait provenir de la disparité et la multiplicité des acteurs et des actes qu'elle recouvre. Ainsi YONABA Salif (1997) soulignait:

 «  La corruption reste un concept entouré d'un relatif flou qui ne permet pas toujours de l'appréhender avec toute la précision voulue ; la variation terminologique qui l'affecte est suffisamment révélatrice des difficultés pratiques de réduire cette réalité à un concept unique ».

Ø La présomption des agents sur le niveau de la corruption dans les structures de soins.

Selon la plupart des enquêtés (95.4%) les CHU sont les plus touchés par la corruption. En effet une étude menée par Tyran (2006) corrobore cette opinion en établissant une corrélation entre la taille de la structure de soins et sa vulnérabilité à la corruption. Selon cet auteur, les grands hôpitaux sont particulièrement vulnérables compte tenu du nombre élevé et disparate du personnel et de la complexité de leurs interactions. Néanmoins on notera dans le cadre de cette étude que les CSPS, selon les agents, sont plus corrompus que les CMA. Cela est peut être justifié par le risque très faible d'être pris au niveau de ces services de soins.

5.1.3- L'appréciation du niveau de la corruption au CHR- DDG.

Les résultats attestent à hauteur de 95.4 % des enquêtés que la corruption est présente au CHR-DDG. La majorité trouve qu'elle est répandue. L'IPPC calculé est de 3.21. Cet indice est très proche de celui calculer par TI au BF en 2003. IL s'interprète comme un niveau de corruption se situant entre répandue et très répandue ( voir l'échelle de notation P.40). Ces résultats sont également confirmés par l'enquête du REN LAC 2005 qui avait révélé que la corruption d'une manière générale était en progression dans la région (98% des enquêtés l'ont souligné) et que la santé se classait 5ème sur 10 secteurs. Or le CHR-DDG est le seul centre de référence des six districts que compte la région.

5.1.4. La classification des services du CHR par niveau de corruption.

La chirurgie serait le service du CHR-DDG le plus sensible à la corruption. L'analyse ici pourrait se faire autour du critère de gain. En effet les actes offerts au niveau de ce service sont généralement très coûteux or on sait bien qu'il y a une corrélation positive entre le volume du gain et le niveau de corruption. Plus le gain est élevé plus on est enclin à s'adonner aux pratiques corruptrices.

Après le service de chirurgie, le second service corrompu est celui des urgences. On peut comprendre donc que face à l'urgence, l'accompagnateur ou le malade se trouve en position de faiblesse qui l'oblige à céder aux sollicitations du soignant afin de lever rapidement l'urgence. Dans son rapport 2003 sur le développement humain, le PNUD décrit l'ampleur de la corruption dans ces services1(*)4.

5.1.5. Interprétation des résultats relatifs aux déterminants de la corruption.

Ø Le niveau de salaire.

Plus de la moitié (58.62%) affirme que le niveau de salaire expliquerait la pratique de la corruption par le personnel soignant. Mais en même temps on remarque que 78.16% estiment que le doublement du salaire par l'Etat ne pourrait pas effacer la corruption au CHR-DDG. En confrontant ces deux opinions nous sommes amenés à dire que le niveau du salaire ne justifierait pas significativement la corruption passive. Cette conclusion ne partage pas les résultats d'une réflexion de Hyacinthe SARASSORO (1997)1(*)5. En effet selon ce dernier «  la nécessité de l'augmentation des salaires s'avère très urgente. En effet, l'éradication de la corruption des agents publics dépend à 99% de cette augmentation ». Au demeurant, si l'on s'accorde sur la cupidité de l'être humain et de l'insatisfaction qui caractérise sa nature ( théorie de Maslow) ainsi que sur le constat que « tous les pauvres ne sont pas corrompus et que le riche n'est pas incorruptible », il ne serait pas erroné de dire que le niveau de salaire n'est pas un déterminant direct de la corruption. En établissant le lien étroit entre la corruption et la motivation, cette conclusion peut être rapprochée à la théorie de motivation de Frédéric HERZBERG (1959). Cet auteur avance que les facteurs d'ambiance dont le salaire ne constituent pas des sources de motivation mais plutôt les facteurs de valorisation.

Ø L'effet d'imitation.

Un agent de santé peut être conduit à pratiquer la corruption parce que ses collègues, son supérieur ou les hautes autorités du Ministère sont corrompus. Les résultats de la présente étude révèlent qu'en moyenne 66.66% des agents enquêtés partagent cette opinion. Mais on soulignera que la corruption pratiquée par les autorités du Ministère est particulièrement plus incitatrice. Comme l'explique J Adams dans la théorie de l'équité, le fondement du comportement de l'individu dans une organisation, est la comparaison du soi avec l'autre. Ainsi les individus s'influencent mutuellement dans leurs façons d'agir et aussi par l'environnement dans lequel ils se trouvent.

Ø Les relations sociales.

Dans notre étude, 100% des agents reconnaissent avoir fait bénéficier un parent et/ou un ami de leur propre prestation. Parmi eux, 72.42% affirment l'avoir fait gratuitement. De ce fait on pourrait dire que la relation sociale favorise la corruption car il faut le rappeler, même si l'agent ne bénéficie pas d'un gain financier et/ou matériel, il retire au moins une satisfaction morale et/ou une considération sociale. L'importance des soins gratuits offerts aux proches s'explique aussi par la taille et le niveau de développement économique de la ville qui fait que populations et soignants se côtoient quotidiennement.

Ø L'asymétrie de l'information.

Des résultats de l'enquête, il ressort que la plus part des patients ignorent les tarifs appliqués par le CHR-DDG. Cela se justifie certainement par l'absence d'activités de sensibilisation et d'informations. En plus, le CHR ne dispose pas d'un service d'accueil ou d'orientation qui pourrait offrir des renseignements aux patients, accompagnateurs et visiteurs. Par conséquent, il se crée un déséquilibre informationnel favorable au praticien qui pourra abuser du patient. Une étude menée par William D. SAVEDOFF et Karen HUSSMANN pour le compte de TI en 2006 a conclut que l'information n'est pas partagée équitablement entre les acteurs et cela a des répercussions sur l'efficience de tout système de santé et sur sa vulnérabilité à la corruption.

Ø L'impunité.

Plus de la moitié des enquêtés trouve que le manque de sanctions vis à vis des agents corrompus peut contribuer à expliquer le niveau de la corruption dans le CHR. A propos de ce déterminant, une étude commanditée par la Banque interaméricaine de développement et mené par Di TELLA a fait ressortir que la probabilité d'être découvert est relativement faible dans 35 hôpitaux publics en Amérique latine. Pis, il a constaté que le risque d'être puni était généralement peu élevé. Il concluait : « l'impunité est sans doute le principal facteur qui aggrave la corruption dans les hôpitaux publics ». Au Burkina, la situation politico-judiciaire actuelle au plan national pourrait contribuer aussi à l'impunité donc à la corruption. En effet certaines hautes autorités ayant été coupable de corruption sont restées impunies. Il y a une corrélation entre impunité et imitation.

5.1.6. Synthèse des résultats sur l'incidence de la corruption sur la prestation des agents.

Les avantages de la corruption sur la prestation des soins de santé :

Ø Facilite une prise en charge rapide de la personne qui corrompt ;

Ø Crée pour le soignant une obligation de résultat ;

Ø Crée de nouvelles relations d'amitié entre corrompu-corrupteur ;

Ø Motive l'agent de santé.

Les inconvénients de la corruption sur la prestation :

Ø Provoque une inadéquation entre les produits prescrits et la maladie à soigner ( le praticien serait enclin à prescrire les produits dont lui ou son collègue dispose);

Ø Réduit considérablement la qualité de l'acte posé car il est fait hâtivement ;

Ø Provoque l'angoisse et la peur d'être détecter par le supérieur ;

Ø Provoque des soins de mauvaise qualité ;

Ø Engendre un malaise psychologique (remords) ;

Ø Une discrimination négative vis à vis des personnes très pauvres.

Ø Instaure un climat de méfiance entre soignant- soigné ;

En somme la corruption passive même si elle comporte certains avantages, détériore considérablement la qualité de la prestation des soins. Pour mesurer la qualité, la quantité et l'accessibilité des services de soins, Omar AZFAR et Tugrul GURGUR (2000) ont recueilli des données auprès de 80 municipalités. Les résultats ont clairement montré que la corruption nuit à la prestation des soins1(*)6.

Conscients de ses effets néfastes, les agents et les SUS/SUT ont formulé des suggestions dont nous ferons la synthèse.

5.1.7 Synthèse des suggestions faites par les agents pour lutter contre la corruption passive dans le CHR.

Ø Appliquer des sanctions ;

Ø Informer les patients et les accompagnateurs sur les tarifs pratiqués au CHR ;

Ø Superviser et contrôler les agents ;

Ø Sensibiliser les patients ;

Ø Améliorer les salaires ;

Ø Réduire le coût cher de la vie d'une façon générale ;

Ø Sensibiliser les agents sur les conséquences néfastes de la corruption ;

Ø Impliquer les agents dans la lutte anti-corruption ;

Ø Assurer une bonne gestion dans la transparence ;

Ø Augmenter les ristournes ;

Ø Instaurer les primes de rendement ;

Ø Améliorer les conditions de travail ;

Ø Créer un service de recouvrement performant ;

Ø Motiver le personnel ;

Ø Cultiver la conscience professionnelle ;

Ø Encourager les malades à dénoncer.

5.2. Synthèse générale des résultats.

Notre étude sur les déterminants de la corruption passive et de son incidence sur la qualité de la prestation des soins de santé avait pour but de contribuer à la lutte contre la corruption dans le CHR-DDG. A son terme, elle nous a permis de déceler des points forts et des insuffisances en matière de cette lutte.

Au titre des points forts, on notera :

Ø La prise de conscience de l'existence du phénomène à tous les niveaux ;

Ø L'existence d'une volonté manifeste de lutter contre la pratique à travers la mise en place d'une politique interne ;

Ø La responsabilisation de chaque service par la mise en place d'un tableau de bord permettant à chacun de s'auto- évaluer sur la base des recettes mensuelles recouvrées ;

Ø Le renouvellement du système de recouvrement par la mise en place d'un nouveau circuit du malade qui vise à éloigner le praticien du circuit de paiement.

Il apparaît toutefois des points faibles qui sont des insuffisances à pallier pour lutter plus efficacement contre le problème de corruption au CHR.

Ces points faibles sont : 

Ø La faiblesse des avantages pécuniaires des agents ;

Ø Le manque de supervisions et de contrôle ;

Ø La quasi-absence d'actions de prévention à l'instar des sensibilisations ;

Ø La faiblesse des moyens de répression caractérisée par l'impunité ;

Ø La faible capacité de détection des actes de corruption;

Ø L'inexistence d'un service d'accueil pour informer les malades ;

Ø L'insuffisance de la communication interne ;

Ø L'inexistence de cadres de concertation sur les questions d'éthique ;

5.3. Validation des hypothèses.

La discussion des résultats nous conduit à infirmer l'hypothèse H1. En revanche, H2, H3 et H4 sont confirmées.

Rappel des hypothèses

H1- Le faible niveau des salaires explique la corruption passive au CHR-DDG.

H2- L'impunité influence significativement la corruption passive au CHR-DDG.

H3- L'asymétrie d'informations est un facteur explicatif de la corruption passive au CHR-DDG.

H4- La corruption passive a des effets négatifs sur la qualité des prestations de soins.

Au regard de ces insuffisances suscitées et en prenant en compte les résultats atteints par la présente étude, nous avons formulé des recommandations.

Chapitre VI : Recommandations

6- Recommandations.

6.1. Au CHR-DDG.

A court terme

- Organiser périodiquement des séances de sensibilisation et de formations au profit du personnel sur les thèmes de corruption;

- Implanter des panneaux de renseignement à l'intérieur du CHR ;

- Publier la liste des actes et des tarifs appliqués par le CHR dans la presse locale ou sur un tableau consultable par tous;

- Sensibiliser, informer par le biais des émissions radio sur les modes de paiement ;

- Favoriser un grand rapprochement entre l'administration et les services cliniques ;

- Inciter les patients à dénoncer ;

- Développer des initiatives de motivation du personnel.

A moyen terme.

- Promouvoir la mise en place des mutuelles de santé ;

- Mettre en place un service d'accueil pour informer et orienter les patients et les accompagnateurs ;

- Créer un cadre de concertation sur les questions d'éthique ;

6.2. Au Ministère de la santé.

A court terme

- Commanditer des audits externes et indépendants pour faire l'état des lieux ;

- OEuvrer davantage aux supervisions et aux contrôles dans les hôpitaux en renforçant le pouvoir d'action de l'IGSS ;

- Organiser des formations relatives à la corruption au profit des responsables des hôpitaux et des services centraux.

- Instituer une enquête de moralité dans le recrutement des agents.

A moyen terme

- Informatiser le système de recouvrement des recettes propres comme les caisses enregistreuses au Kenya ;

- Mettre en place un service interne dans chaque hôpital, dont les attributions seront la prévention, la détection et la répression de la corruption.

- Instituer la déclaration des biens par tout responsable du secteur ayant au moins le rang de chef de service ;

- Créer un corps d'inspecteurs de santé ;

6.3. A l'ENSP et à l'Université de Ouagadougou.

- Instaurer le thème de la corruption dans les programmes d'enseignement ;

- Renforcer et dispenser le cours de déontologie à toutes les sections.

- Organiser des conférences autour des questions de corruption.

Conclusion.

L

a présente étude s'est fixé pour objectif général d'étudier les déterminants de la corruption passive et son incidence sur la qualité des prestations de soins dans les services de soins du CHR-DDG afin de contribuer à lutter efficacement contre ce phénomène. A son terme, des résultats significatifs ont été atteints. En plus de nous avoir permis de mesurer l'ampleur de la corruption au sein du CHR-DDG, l'étude a révélé que l'impunité, les relations sociales, l'imitation et l'asymétrie de l'information sont des déterminants significatifs qui expliqueraient les pratiques corruptrices des agents de santé. En revanche et contrairement aux résultats de nombreuses études, le niveau de salaire ne détermine pas directement la corruption passive. Il influe plutôt sur le délitement des valeurs morales qui sont sources de corruption. Cette étude a permis également d'identifier des insuffisances dans le dispositif anti- corruption du CHR-DDG.

En dépit des limites de l'étude, nous pensons que la mise en oeuvre des recommandations formulées (à l'endroit du CHR, du Ministère de la santé de l'ENSP et de l'Unité de Formation et de Recherche en Sciences de la Santé) pourraient contribuer à pallier ces insuffisances.

Pionnière qu'est cette étude à l'ENSP, il serait convenable que des études ultérieures puissent la renforcer. Ainsi ces études pourraient se pencher sur les facteurs de la corruption dans sa globalité en intégrant la corruption active ou en élargissant le champ aux services administratifs et généraux

( utilisation d'un modèle économétrique). Aussi, une autre étude pourrait chercher à évaluer les effets induits par la corruption sur la performance financière des hôpitaux.

Bibliographie.

Ouvrages et Mémoire.

1- KLIGAARD Robert, (2002)

Combattre la corruption, Paris, Nouveaux Horizons, 2002 p32 à p63

2- Pierres LASCOUMES, (1999)

Corruptions, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences pol, 1999, 163p.

3- YATASSAYE K (2003),

«  La répression de la corruption au Burkina Faso », Mémoire USF/SJP, Ouagadougou,2003.

Rapports.

4 - Rapport du séminaire international sur la corruption, FIDH, Ouagadougou, du 03 au 07 nov. 1997.

5- Rapport sur le développement humain durable, PNUD, 2003.

6- Rapport annuel, COMITE NATIONAL D'ETHIQUE, , Ouagadougou, mars 2003

7- Document cadre de la politique nationale de la lutte contre la corruption HACLC, Ouagadougou, 2004

8- Rapport des conférences du médiateur du Faso sur la gestion du patrimoine public. MEDIATEUR DU FASO, Ouagadougou, 2004

9- Rapport annuel 2003 Etat de la corruption au Burkina Faso 

REN LAC, Ouagadougou, 2004.

10- Rapport annuel 2004 Etat de la corruption au Burkina Faso 

REN LAC, Ouagadougou, 2005

11- Rapport annuel 2005 Etat de la corruption au Burkina Faso 

REN LAC, Ouagadougou, 2006

12- Rapport mondial sur la corruption 2006,TRANSPARENCY INTERNATIONAL, Paris, Karthala, 2006

Sites Visités.

1- WWW.ehfcn.org/events. 2- www.sante.gov.bf

3- www.renlac.org 4- apad.revues.org

5- www.liberationafrique.org/spip.php 6- www.algeria.watch.de/fr/aw

7- www.lepays.bf/quotidien/nation2.php 8- www.africatime.com/burkina/nouvelle

9-www.transparency.org/publications/ 10-www.fidh.org/article.php3

* 1 D. Becker et al, 2005 p24

* 2 Conclusion de la conférence européenne sur la corruption et la fraude tenue les 6 et 7 octobre 2005 en Slovaquie,

* 3 Directrice de l'administration nigériane des aliments et des médicaments, lauréate du prix de l'intégrité 2003 de TI

* 4 www.lesoleil.sn.

* 5 mémorandum adressé au président du Faso par le REN LAC

* 7 cf conférence donnée lors du séminaire international sur la corruption organisée par l'UIDH du 3 au nov 1997

* 8 cf P.4 du rapport TI 2006 disponible au Ren- lac

* 9 in « uncertainty and the welfare Econmics of medical care » revue économique américaine 53, 1963

* 10 résultats préliminaires du RGPH 2006

* 11 cf. PNDS 2001-2010 ou www.sante.gov.bf

* 12 cf. Plan d'action 2006 du CHR-DDG

* 13 Les contenus de ces variables sont explicités dans le cadre conceptuel.

* 14 Rapport sur le développement humain- Burkina Faso 2003 p.90

* 15 Présentée lors du séminaire international sur la corruption organisé par l'UIDH à Ouagadougou du 03 au 07 nov 1997

* 16 Rapport mondial sur la corruption TI, 2006 P47






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