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Les facteurs explicatifs de la discontinuité des soins obstétricaux en Afrique: cas du Bénin

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par Appolinaire TOLLEGBE
Institut de Formation et de Recherche Démographiques (IFORD) - Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées en Démographie 2004
  

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1.2 : Revue de la littérature.

Les études montrent que le recours aux soins prénatals et à un accouchement de qualité dépend des caractéristiques sociales, démographiques et économiques des femmes et aussi de l'environnement institutionnel dans lequel elles vivent.

Selon Fourn L. et collaborateurs (1999), deux grands types de facteurs déterminent le comportement des mères vis-à-vis du recours aux soins obstétricaux, l'auteur distingue d'une part les facteurs prédisposants (milieu de résidence, éducation de la femme, âge de la femme, rang de la naissance) et d'autre part, les facteurs facilitants (accessibilité aux services de santé, disponibilité des services et qualité des soins obstétricaux). Zoungrana (1993) distingue deux types de facteurs qui en fait rejoignent un peu les deux premiers, notamment, les facteurs affectant l'offre de soins (accessibilité, coût et qualité des services) et les facteurs affectant la demande de soins qui comprennent d'une part les facteurs simples (statut socio-économique du ménage, l'éducation de la femme, l'activité de la femme, son statut migratoire, les facteurs socioculturels, l'âge et la parité de la femme, son état matrimonial) et d'autre part, les facteurs de susceptibilité (le sexe de l'enfant, le type de naissance et l'état de santé de la femme).

La plupart des études visant à expliquer les comportements des femmes vis-à-vis des soins obstétricaux, se focalisent sur la demande de soins. Or, les femmes africaines sont en général soumises à certaines contraintes notamment l'éloignement des centres de santé par rapport à leur domicile, le manque de personnel qualifié en nombre suffisant, le sous équipement des centres de santé (en cas de complications), les files d'attente insupportables et parfois le mauvais accueil du personnel médical pour ne citer que ceux-là, qui peuvent les dissuader même si elles en avaient la volonté, à recourir aux soins obstétricaux. L'Afrique est le continent où le nombre d'habitants par sage-femme ou par médecin est le plus élevé. Selon l'OMS (1998), dans certaines régions d'Afrique et d'Asie, on trouve des ratios allant jusqu'à 300 000 habitants par sage-femme (soit une sage-femme pour 15 000 naissances). Cette situation est surtout propre au milieu rural en raison sa faible concentration des infrastructures sanitaires et du personnel de santé qualifié comparativement au milieu urbain. Au Kenya, 56 % de tous les agents de santé, y compris les infirmières/sages-femmes, travaillent dans les zones urbaines, avec un pourcentage de 25% uniquement à Nairobi. (OMS, 1998). En Ouganda, 30 % seulement des postes de santé des zones rurales assurent des services d'accouchement, et il faudrait 7000 agents professionnels supplémentaires pour arriver à la proportion personnel/patients préconisée pour ces services (Ibid.). Avec un ratio de 1 médecin pour 11 472 habitants, 1 infirmier pour 3759 habitants et une sage-femme pour 10 945 en 1997 (RMDH, 2001), la situation du Bénin, est aussi problématique que celle des pays ci-dessus évoqués. C'est dans cet ordre d'idées que Beninguisse (2003) recommande une approche intégrée offre-demande qui tient compte à fois des facteurs relatifs à l'offre et ceux concernant la demande afin de mieux expliquer le phénomène et ne pas tomber dans une explication partielle voire parcellaire du phénomène.

Il ressort de toute cette analyse que d'une part, les niveaux de mortalité maternelle et infantile en Afrique demeurent les plus élevés du monde et que d'autre part, il existe un énorme écart entre le recours aux visites prénatales et le recours à un accouchement médicalement assisté qui est observable dans tous les pays africains. Cette discontinuité nuit à la qualité des soins et, par conséquent, constitue un obstacle majeur à la lutte contre la mortalité maternelle. Malheureusement les facteurs explicatifs et leur mécanisme d'action sont peu documentés dans le contexte africain. En effet, malgré les énormes ressources financières investies dans la promotion de la maternité sans risque ou à moindre risque dans un contexte africain caractérisé par la raréfaction des ressources financières (en témoigne la maigreur des budgets alloués à la santé dans les pays africains18(*)), la continuité des soins obstétricaux n'est pas assurée. Par ce travail, nous voulons apporter notre contribution à la compréhension du phénomène de discontinuité au Bénin et à l'identification des stratégies adéquates visant à promouvoir la continuité des soins obstétricaux.

De manière générale, les études montrent que l'utilisation par les femmes des services de soins obstétricaux pendant la grossesse et l'accouchement est influencée par deux grands groupes de facteurs : D'un côté il y a les facteurs prédisposants et de l'autre, les facteurs facilitants. Selon la terminologie de Andersen et Newman (1972 :105) cités par Zoungrana (1993 :25) l'on parlera de « predisposing factors » et de « enabling factors ».

1.2.1 : Facteurs prédisposants.

Les facteurs prédisposants comprennent entre autres, les facteurs démographiques (âge, parité atteinte, les caractéristiques du ménage dans lequel vit la femme, et le niveau d'instruction de la femme).

L'âge est l'un des déterminants classiques des comportements humains. Son influence sur le recours aux soins obstétricaux a été notamment mise en évidence dans les travaux de G. Beninguisse (2003), P. Rakotondrabe (2001), F. Saladiakanda (1999) et C Zoungrana (1993) (pour ne citer que ceux-là). En effet, pour G. Beninguisse (2003), « partout où les inégalités sont importantes, à la maternité tardive (plus de 34 ans) et surtout précoce (moins de 20 ans), est associée une propension plus faible à recourir aux services obstétricaux et à respecter les règles de prévention. » D'après Rakotondrabe (2001) « le risque pour une femme de ne pas se faire consulter pendant la période de grossesse est réduit de moitié lorsqu'elle est âgée d'au moins 35 ans ». Pour F. Saladiakanda (1999), « les femmes jeunes sont plus susceptibles de recourir aux soins pendant la grossesse, l'accouchement et le post-partum que les femmes âgées, ceci en raison du faible poids des valeurs traditionnelles plus pesantes sur ces dernières ». Pour Zoungrana (1993), les jeunes femmes (moins de 20 ans) et celles plus âgées (plus de 35 ans), ont tendance à recevoir des soins prénataux inadéquats.

Les résultats de l'EDSB-II corroborent ces résultats dans le cas du Bénin. En effet, le rapport final de l'EDSB-II montre que 62,3 % des mères âgées de moins de 20 ans ont accouché avec l'aide dune sage femme ou d'une infirmière contre 58,4 % pour les mères âgées de 35-49.

Ces résultats montrent que l'adolescence constitue un facteur de continuité des soins obstétricaux alors que la maturité en est un obstacle.

Nous nous attendons donc dans le cadre de notre étude à ce que la discontinuité des soins obstétricaux augmente avec l'âge de la femme.

La parité atteinte influence également le recours aux soins obstétricaux. En effet, les femmes ayant peu d'expérience génésique peuvent être, toutes choses égales par ailleurs19(*), en général plus enclines à rechercher une assistance médicale.

Selon Zoungrana (1993 : 44), la plupart des études ont révélé une relation inverse et linéaire entre la parité et l'utilisation des services de santé maternelle et infantile. Ce résultat conforte celui de Diallo. B. et collègues (1999) qui a abouti pour le cas de la Guinée à la conclusion qu'en Basse Guinée et en Guinée forestière respectivement 65,48 % et 55,88 % des multipares (2 à 4 enfants) et les grandes multipares (5 enfants ou plus) accouchent à domicile contre respectivement 13,09 % et 25,00 % pour les primipares. L'habitude et l'expérience acquises lors des accouchements antérieurs semblent les pousser à se passer des structures sanitaires. Le rapport final de l'EDSB-II (2001) montre que parmi les femmes ayant 6 enfants ou plus, 29,6 % environ ont accouché à domicile contre 15,1 % environ pour les femmes primipares et pour ce qui concerne la naissance la plus récente, 4,2 % environ des femmes de 6 enfants ou plus ont consulté une matrone contre 0,7 % des femmes primipares.

Les résultats de l'influence de la parité sur la discontinuité des soins obstétricaux corroborent ceux de l'influence de l'âge sur la discontinuité puisque les deux évoluent dans le même sens. En d'autres termes, nous pensons que la discontinuité des soins obstétricaux augmente avec l'âge des femmes.

Le niveau d'instruction est un des principaux facteurs explicatifs des comportements humains. Pour J. Vallin et al. (2002), « L'une des premières richesses susceptible de favoriser l'adoption de comportements favorables à la santé est évidemment le savoir.» Suivant leurs niveau et qualité d'études scolaires, les individus observeront des comportements différents vis-à-vis des phénomènes démographiques et sanitaires. Plusieurs études ont mis en évidence l'influence de l'instruction sur la fréquentation des services de soins en général et des services de soins obstétricaux en particulier. D'une manière générale, les études montrent que plus le niveau d'instruction augmente, plus les femmes ont une propension plus grande à utiliser les services de soins obstétricaux. Pour Hobcraft (1993) et Joshi (1994) cités par Rakotondrabe (1999), « L'instruction est l'une des variables considérées importantes dans la détermination des comportements des mères. Elle implique des changements dans les comportements, les attitudes et la manière de penser, se traduisant par une meilleure utilisation des services de santé moderne et des meilleures pratiques de santé dans le ménage. L'instruction offre une plus grande ouverture de la femme au monde extérieur lui permettant de rompre facilement avec les comportements traditionnels néfastes à sa santé et à celle des enfants ». Selon Diallo F. B. et collaborateurs. (1999), plus la femme est instruite, mieux elle est informée des risques liés à la gravido-puerpéralité et des mesures préventives dont l'accouchement médicalement assisté. Par ailleurs, les auteurs ont observé dans leur étude que la totalité des femmes ayant accouché à domicile n'ont aucun niveau d'instruction. Le rapport final de l'EDSB-II (2001) indique qu'au Bénin, parmi les femmes sans niveau d'instruction, 27,5 % ont accouché à la maison contre seulement 1,0 % pour les femmes de niveau secondaire ou plus.

En tant que facteur de changement social et de modernisation, l'instruction offre à la femme les aptitudes à comprendre les messages de sensibilisation et le bien fondé des soins médicaux pendant la grossesse et l'accouchement dans un processus de continuité.

Nous nous attendons donc à ce que la discontinuité des soins obstétricaux diminue lorsque le niveau d'instruction de la femme augmente.

La structure du ménage, plus précisément le lien de parenté avec le chef de ménage peut aussi influencer le recours aux soins obstétricaux. En effet, selon le statut20(*) de la femme dans le ménage, son comportement sera favorable ou néfaste à l'utilisation des services de soins obstétricaux. Selon Beninguisse (2003), « les caractéristiques du ménage tels que son caractère nucléaire ou étendu et le sexe du chef de ménage ainsi que le lien de parenté avec le chef de ménage, peuvent agir seules ou en synergie avec d'autres facteurs sur la position qu'occupe la femme dans l'échelle des pouvoirs et de prise de décision au sein du ménage, en lui conférant ou pas un certain nombre de privilèges et/ou en l'astreignant à certaines normes et conduites bénéfiques ou néfastes à la santé ». Les études de Echari Càrnovas J., 1994 et A. J. GAGE et al., 1996, confortent l'influence des structures familiales sur le recours des femmes aux soins obstétricaux. Pour GAGE (1996), «children from laterally extended household tend to be more likely to have been taken to health facility for treatment or advice for the diarrhoea and children from elementary families are least likely to receive such consultation. In Rwanda and Zambia, children from elementary households are least likely and those from three generational households are most likely to receive consultations.»

Au nombre des facteurs prédisposants figurent aussi l'appartenance ethnique de la femme et sa religion.

L'ethnie comme la religion à travers les mythes, les croyances, les normes et les valeurs et les pratiques qui en résultent, sont deux facteurs qui sont susceptibles d'influencer les perceptions, les attitudes et les comportements des femmes concernant le recours à la prise en charge médicale de la grossesse.

Au Bénin, les femmes de la tribu « Bariba » doivent être stoïques pendant le travail et l'accouchement et l'on estime beaucoup la femme qui sait accoucher sans demander de l'aide (Sargent, 1985)21(*) cité par M. Post (1997). Les femmes qui endurent le travail et l'accouchement seules et en silence s'assurent le respect de la société. Ainsi, beaucoup de femmes qui auraient pu être sauvées meurent de complications consécutives à l'accouchement. Dans certaines régions du Ghana, un travail obstétrical prolongé est interprété comme un signe d'infidélité. Cette croyance retarde la fourniture des soins d'urgence car la femme doit avouer son infidélité afin d'apaiser les dieux avant de pouvoir accoucher. Cette croyance est tellement enracinée que certaines femmes vont jusqu'à avouer, même si elles n'ont commis aucune infidélité (Saladiakanda F., 1999). La préférence de certaines femmes pour les prestataires masculins est aussi un autre problème d'ordre culturel. En effet, dans certaines cultures, il arrive que les femmes ne soient pas disposées à recevoir des soins prodigués par un prestataire masculin, le manque de prestataire féminin étant dès lors susceptible de limiter l'accès des femmes aux services (PRB, 2002).

Sur la base de cette pratique culturelle de stoïcisme pendant la grossesse et l'accouchement, nous pensons éprouver dans le cadre de notre étude, l'hypothèse que la discontinuité des soins obstétricaux serait plus forte chez les femmes de l'ethnie « bariba » que chez les femmes des autres ethnies.

A côté des facteurs ci-dessus mentionnés, le degré d'urbanité de la femme et son milieu de socialisation pendant l'enfance sont également susceptibles de modeler et de modifier son comportement envers la prise en charge médicale de la grossesse et de l'accouchement. Pour Beninguisse (2003), le degré d'urbanité ou encore le degré de socialisation urbaine de la femme, qui n'est rien d'autre que l'intensité de son contact avec la ville est susceptible de modifier ses comportements en matière de soins de santé en favorisant l'adoption de comportements nouveaux dits modernes et l'abandon relatif des comportements traditionnels.

Le milieu de socialisation pendant l'enfance est ce milieu dans lequel l'enfant dès sa naissance fait ses premiers pas et peut à ce titre modeler ou façonner ses manières de penser et d'agir et de surcroît ses perceptions vis-à-vis des soins obstétricaux.

On ne saurait occulter le niveau de vie du ménage dans lequel vit la femme pour ce qui concerne la de prise de décision de recourir aux soins en général et aux services obstétricaux en particulier. En effet, le niveau de vie du ménage détermine sa capacité de mobilisation des ressources pour la santé de ses membres et ce faisant, la nature et la qualité de leur prise en charge médicale. Pour Akoto et coll. (2002), le constat qui se dégage clairement c'est que le recours à la médecine traditionnelle et à l'automédication est dicté principalement par les considérations financières et dans une moindre mesure par les croyances étiologiques relatives aux origines et symptômes de la maladie. Cette idée est confortée par les travaux de Beninguisse (2003). Cet auteur affirme bien que « L'amélioration du niveau de vie se traduit par un recours plus intense à la prise en charge médicale de la grossesse et de l'accouchement. De même, la détérioration du niveau de vie se traduit par un abandon du système sanitaire moderne au profit du système traditionnel. ». Pour conclure ce paragraphe nous convenons avec l'OMS (2000) que « Le non accès à des services de santé de base est essentiellement lié à la pauvreté qui est la pire des malédictions dont souffre l'humanité ».

Cependant, la femme aura beau avoir les prédispositions nécessaires à l'utilisation des services de soins obstétricaux, si les centres de santé sont inexistants ou s'ils sont très éloignés du lieu d'habitation des femmes pendant que ces dernières ne disposent pas des moyens de transport ou les moyens financiers nécessaires pour payer le transport, et si les centres de santé sont sous équipés en personnel qualifié et en équipements, le recours à la prise en charge médicale de la grossesse ne sera pas assuré. Cette idée est confortée par J. Vallin et coll. (2002) qui estiment qu' « Il ne suffit pas d'être attentionné à la santé ni d'être instruit des moyens d'agir, ni même de disposer d'assez de ressources pour s'en procurer. Encore faut-il que les services soient disponibles. », d'où l'importance des facteurs facilitants.

* 18 Dans la plupart des pays africains, le budget de la santé est inférieur à de moitié au pourcentage de 5% du PIB exigé par l'OMS. Par exemple les dépenses publiques de santé en % du PIB en 2000 sont de 1,8% au Bénin, 1,0% en Côte d'Ivoire, 2,4% au Kenya et 1,0% au Cameroun (PNUD, 2003).

* 19 Il est important de préciser que l'effet de la parité sur le recours aux soins dépend aussi de certaines caractéristiques individuelles de la femme notamment celles économiques, culturelles et sociales.

* 20 Selon Beninguisse G. et Bakass F. (2001) « la direction féminine du ménage augmente la demande de contraception et la fréquentation des services obstétricaux ».

* 21 C. Sargent, "Obstetrical Choice Among Urban Women in Benin", Social Science and Medicine 20:287-292, 1985.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus