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Enjeux politiques et sociaux d'un changement spatial

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par Audrey LELONG
Université de Rouen - Master 2001
  

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2- Vision de la démocratie participative par les élus et les enjeux de pouvoir

La municipalité de Rouen prône une plus grande participation des habitants :

« La démocratie implique une participation active à la vie de la cité car le destin d'une communauté dépend de chacun de ses membres. Face aux grands enjeux de notre temps, le citoyen est celui qui s'informe, participe et non celui qui subit passivement le cours des choses », (P. Albertini, Maire de Rouen, extrait du « passeport citoyen »).

Dans ce même livret « passeport citoyen », il est inscrit que « chaque citoyen peut manifester son intérêt pour la gestion de sa ville en participant aux réunions publiques, en s'associant aux séances du conseil municipal qui sont ouvertes à tous. Enfin, les conseils de quartiers sont des espaces de réflexion et de propositions qui sont largement ouverts : ils ne demandent qu'à accueillir les habitants ». 14 conseils de quartiers sont prévus à cet effet.

La municipalité semble ouverte à des dialogues avec les habitants qui paraissent être des acteurs de la ville, essentiels pour la faire évoluer. 

Le regard porté par les habitants sur leur ville semble être pris en compte mais pour l'adjoint au Maire à l'urbanisme, « la co-production est loin d'être en place à Rouen, à mon grand regret. Je voudrais que tout fonctionne comme à Nancy qui avait créé des commissions municipales de quartiers, surnommées depuis des Ateliers de vie de quartiers ». (Edgar Menguy, adjoint à l'urbanisme à la Mairie de Rouen, Entretien n°10).

On pointe le doigt sur une faille de la ville de Rouen. Il n'y a pas assez de prise en compte de tous les avis, et notamment ceux des habitants. Une bonne décision n'est pas le résultat d'une concertation entre les politiques et les experts. Il manque cette prise en compte des habitants qui est valorisée pas les politiques et voulue par les habitants mais qui est pourtant peu réelle.

Les réunions publiques qui ont eu lieu les 5 mai et 9 juin 2004 avaient pour but de parler avec les habitants et de prendre en compte leurs attentes. Or, lorsque ces réunions ont eu lieu, les habitants ont exprimé ce qu'ils souhaitaient et ce qu'ils ne souhaitaient pas pour le remplacement du Palais des Congrès. Ils avaient notamment dit ce qui ne leur plaisait pas dans le projet proposé par J.P Viguier. Même si leur avis a été noté, cela va-t-il influencer le projet ?

Pour illustrer cette pratique de décider sans les habitants, on peut prendre pour explication celle de Schumpeter lorsqu'il parle de la participation des habitants : « Le citoyen typique, dès qu'il se mêle de politique régresse à une niveau inférieur de rendement mental (...) la masse électorale est incapable d'agir autrement que les moutons de Panurge »53(*).

C'est tout à fait se qui se passe pour Rouen, car en théorie, c'est aux habitants de composer ou de recomposer leur ville, or, ils n'ont le choix que lors des élections. Une fois les élections terminées, ils n'ont plus à décider de rien.

La participation demeure donc un idéal de la démocratie qui est légitimée par les politiques mais qui est en pratique très peu utilisée à en croire les Rouennais.

Néanmoins, il est très difficile de concilier toutes les volontés tant elles sont divergentes. En effet, comment satisfaire ceux qui souhaitent un bâtiment en pans de bois, ceux qui sont pour l'aménagement d'un jardin, ceux qui sont pour la construction d'un bâtiment futuriste...

C'est pour cette raison que le Parti Socialiste a demandé un référendum pour satisfaire le plus d'habitants. Il a été distribué sur la place de la Cathédrale en mars 2005 des tracts ayant pour but de sensibiliser les personnes sur l'environnement des habitants et sur leur pouvoir de faire changer ce qu'on leur impose au niveau urbain si chacun se mobilise. Pour le Parti Socialiste, si un référendum est créé pour consulter les Rouennais au sujet du devenir de l'espace où se trouve le Palais des Congrès, les déçus du résultat se feront au moins une raison car la décision sera démocratique.

Le problème du non-respect de la démocratie participative profite aux partis politiques qui ne sont pas élus car ils peuvent prendre position et aller dans le sens de la majorité de la population si elle est contre la municipalité en place. Donc, le Palais des Congrès est un alibi pour les enjeux politiques qui se situent ailleurs.

Les avis favorables ou défavorables des politiques concernant le projet sont ainsi une stratégie politique. Vu que la municipalité est pour le projet et que la plupart des habitants sont contre, le Parti Socialiste n'a pas hésité à être partisan du non.

Lors de mon stage au service du droit des sols, j'ai pu me rendre compte à quel point les projets urbains sont un moyen de gagner des élections, mais aussi de les perdre :

« Si Menguy signe ça, c'est fini pour lui, on est trop proche des élections pour accepter des projets merdiques comme ça », (Extrait d'une réunion entre le chef du service urbanisme, celui du droit des sols et l'Architecte des Bâtiments de France).

C'est ce qui c'était passé pour Yvon Robert lors des élections municipales de 1995. Au lendemain des élections, le Paris Normandie avait écrit que « l'attitude du PS pendant 7 années d'opposition soit la cause principale de l'échec de Yvon Robert. Sa désinvolture qui frôle l'irresponsabilité notamment dans le dossier du projet Monet-cathédrale a pesé lourd dans les urnes », (Hélène, éducatrice spécialisée, entretien n°6).

J'ai notamment appris dans une réunion lors de mon stage que les Verts s'étaient désolidarisés du PS pour l'histoire du Castorama de Darnetal car Yvon Robert voulait absolument faire passer le projet, contrairement aux Verts. Bien qu'il y était peu favorable lui-même, il a accordé le projet. Malheureusement ce fut une tactique qui n'a pas marché car il a perdu les élections.

Le rôle du politique est donc prépondérant au moment de la mise sur agenda car il affirme une stratégie politique et électorale :

« L'architecte, qui a appris à défendre ses projets tant devant les habitants et les élus qu'en justice, estime qu'Yvon Robert, bien seul, est motivé par des ambitions politiques. Il se base sur les avis défavorables mais il oublie de joindre des avis favorables ! » (extrait de J.P Viguier, architecte du projet, Paris-Normandie du 2/10/2006).

Les projets proposés sont sources de conflits entre partis politiques : « Yvon Robert a une position : c'est fait par Albertini et son équipe, donc nous sommes contre ! » (Nicolas, négociateur immobilier, membre de l'association "P'tit Pat Rouennais", entretien n2).

Quel que soit le projet, les différents partis politiques se rejoignent très rarement, pour toujours avoir une partie de la population qui les suit. Il y a les pour et les contre, et les habitants voteront pour le candidat qui a la même idée qu'eux. « Je souhaite que ce projet ne voit jamais le jour et je suis prêt à voter pour quelqu'un qui me proposerait une autre solution, dommage que Mr Albertini ne comprenne pas ça ! » (Nicolas, négociateur immobilier, membre de l'association "P'tit Pat Rouennais", entretien n2).

Les habitants, qu'ils soient de gauche ou de droite peuvent avoir des avis qui se recoupent. Par exemple, 54% des personnes ayant répondu aux questionnaires sont de gauche et 40% sont de droite mais ces 40% ne sont pas tous pour le projet, et par conséquent pas en accord avec Mr Albertini.

Il n'y a donc pas de lien entre l'appartenance politique des habitants et leur avis sur le projet : sur les 40 % des personnes qui sont de droite, il y a plus de personnes contre que pour le projet.

On pourrait croire que la municipalité de droite se lance sans hésiter dans la rénovation de quartiers anciens pour permettre à la bourgeoisie locale d'avoir encore plus sa place dans le centre-ville. En revanche, le Parti Socialiste tend plus à trouver des alternatives pour le devenir de l'espace quand le Palais des Congrès sera détruit. Il se montre en effet plus réticent et on peut émettre l'hypothèse qu'il est hostile à une ségrégation qui reposerait sur la classe sociale au sein du centre-ville.

* 53 Bevort A., Pour une démocratie participative, Presses de Sciences Po, La bibliothèque du citoyen, 2002, p.11.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus