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La gratuité de l'enseignement primaire en République Démocratique du Congo. Contribution à la mise en oeuvre des mécanismes spécifiques.

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par Pierre Félix KANDOLO ON'UFUKU WA KANDOLO
Université d'été des droits de l'homme de Genève / Collège Universitaire Henri Dunant - 3ème cycle Droits de l'Homme, spécialisation en droits économiques, sociaux et culturels 2007
  

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§2. Les différents frais scolaires concernés par la gratuité en droit international

Après avoir affirmé que gratuité signifie qui « ne doit être à la charge ni des parents, ni des enfants », l'Observation générale établit une typologie des possibles frais qui peuvent entrer dans la gratuité. Il distingue trois types :

1. Frais directs notamment les frais d'inscription, en tant que frein à l'exercice du droit, sont interdits par la norme qui toutefois admet une progressivité, car il indique que « le plan exigé doit tendre à leur suppression ». L'Observation spécifie que ces frais ne peuvent être perçus ni par l'Etat central ni par les collectivités locales ni par les centres scolaires ;

2. Frais indirects, que nous appellerons de type 1, notamment les contributions obligatoires des parents et les uniformes, cités nommément dans l'Observation générale, sont assimilés aux frais directs et donc également interdits ;

3. Frais indirects que nous appellerons de type 2. Le Comité estime qu'ils peuvent être acceptables au cas par cas, mais c'est au Comité de se prononcer lors de l'examen des rapports du pays. Nous verrons si, depuis 1999, il a été amené à le faire.

Enfin, l'Observation souligne le besoin de concilier les exigences de la gratuité et du caractère obligatoire de l'enseignement primaire avec la liberté des parents « de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics ». Le caractère obligatoire et gratuit concerne également les établissements « autres que ceux des pouvoirs publics » même s'il est évident qu'il doit exister une modulation des exigences. Nous reparlerons de cette question plus avant.

Revenons maintenant aux types de frais exposés par le texte. La distinction de trois types de frais montre bien le souhait de déterminer avec précision le contenu de la gratuité. L'Observation générale établit d'abord une différence entre frais directs et indirects, et, par la suite, distingue deux types (1 et 2) de frais indirects, ce qui lui permet de mettre en relief deux frais indirects qui pèsent lourds dans le budget des familles : les « contributions obligatoires » des parents et les uniformes.

L'exigence de la gratuité est toujours nuancée par le texte. Après une affirmation assez énergique : « Les frais d'inscription imposés par le Gouvernement, les collectivités locales ou les établissements scolaires, et d'autres frais directs, sont un frein à l'exercice du droit et risquent de nuire à sa réalisation. Ils entraînent aussi souvent un net recul de ce droit », l'exigence imposée aux Etats apparaît cependant moins forte : « Le plan exigé doit tendre à leur suppression ».

Comment interpréter cette affirmation qui semble peu contraignante, car parlant seulement de « tendre à la suppression » ? Les obligations de l'Etat concernant le plan prévu pour l'article 14 permettent de mieux cerner le contenu des normes. L'Observation générale affirme :

« Un Etat partie ne peut s'affranchir de l'obligation explicite d'adopter un plan d'action au motif qu'il ne dispose pas des ressources voulues. Si cet argument suffisait à se dégager de cette obligation, rien ne justifierait l'exigence singulière contenue dans l'article 14 qui s'applique, pratiquement par définition, dans les cas où les ressources financières sont insuffisantes. De même, et pour la même raison, la référence à « l'assistance et la coopération internationales » au paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte, ainsi qu'aux « mesures d'ordre international » en son article 23, est en l'occurrence particulièrement pertinente.

Lorsqu'un Etat partie manque manifestement des ressources financières ou des compétences nécessaires pour « établir et adopter » un plan détaillé, la communauté internationale a indéniablement l'obligation de l'aider ».

Cette remarque est de la plus haute importance car de toute évidence l'argument principal pour percevoir des frais de scolarité est l'absence de ressources.

Le Comité écarte cette hypothèse de manière catégorique : « Un Etat partie ne peut s'affranchir de l'obligation explicite d'adopter un plan d'action au motif qu'il ne dispose pas des ressources voulues ». Effectivement et si cela était possible, l'article 14 serait vide de sens. Le texte exige l'aide de la communauté internationale lorsque l'Etat partie manque manifestement des ressources financières ou des compétences nécessaires pour « établir et adopter » un plan détaillé. L'exigence est encore précisée par le commentaire de l'Observation à la question de la réalisation progressive : « Le plan doit permettre la réalisation progressive du droit à un enseignement primaire obligatoire et gratuit au titre de l'article 14. Néanmoins, à la différence du paragraphe 1 de l'article 2, l'article 14 prévoit que les mesures doivent être prises « dans un nombre raisonnable d'années » et en outre que ce délai doit être « fixé par ce plan ». Autrement dit, le plan doit expressément fixer une série de dates prévues pour chacune des étapes de sa mise en oeuvre. Cela montre à quel point l'obligation en question est importante et relativement stricte. En outre, il convient de souligner à cet égard que l'Etat partie doit pleinement et immédiatement s'acquitter de ses autres obligations dont la non-discrimination ». Il est intéressant de citer ce passage parce que la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels est un sujet de débat au sein de la communauté internationale. Le Comité met en relief le « nombre raisonnable d'années » et le fait que le plan doive fixer les délais. Il demande donc un engagement aux Etats qui doit pouvoir être mesuré lors de la surveillance de l'application du Pacte. Avec ces indications, le Comité renforce l'exigence de la gratuité : les Etats doivent prévoir une date pour le plein accomplissement de la norme.

Comme l'avait relevé déjà la Commission des droits de l'homme lors de la rédaction de l'article 26, il est nécessaire de lier gratuité et caractère obligatoire de l'enseignement primaire. Le caractère obligatoire « met en avant le fait que ni les parents, ni les tuteurs, ni l'Etat ne doivent considérer l'accès à l'enseignement primaire comme facultatif ». Mais le caractère obligatoire est encore plus exigeant selon l'Observation générale 11 que selon l'article 26. En introduisant les notions de qualité et d'adaptation, l'Observation « renforce le principe que l'accès à l'éducation doit être ouvert à tous sans discrimination aucune fondée sur le sexe, comme précisé par ailleurs aux articles 2 et 3 du Pacte. Il convient cependant de souligner que l'enseignement proposé doit être de bonne qualité, adapté à l'enfant et propice à la réalisation des autres droits de l'enfant » (al.6).

Cette partie de l'Observation - qui introduit des notions qui seront développées dans l'Observation générale 13 - est particulièrement importante dans le cadre de la nouvelle vision des droits économiques, sociaux et culturels développés à la suite de la Conférence de Vienne et qui est reprise par EPT. Nous faisons référence à la gestion, à la gouvernance du système éducatif ainsi qu'à « l'association de la société civile à l'action éducative. [...] A tous les stades de décision en matière d'éducation, les gouvernements (doivent mettre) en place des instances qui ne soient pas simplement chargées d'entériner des décisions déjà prises par l'Etat mais au contraire, par un dialogue systématique avec les citoyens et les organisations de la société civile, contribuent à la planification, à l'exécution et au suivi des activités éducatives»15(*).

Ainsi l'Observation générale n°11 affirme-t-elle : La participation de tous les secteurs de la société civile à l'élaboration du plan s'avère cruciale, et il est essentiel de prévoir des procédures de révision périodique qui soient garantes de transparence. Sans cela, la portée de l'article sera amoindrie. C'est dans ce contexte qu'il faut reprendre l'exigence de concilier les exigences de la gratuité avec la liberté des parents « de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics ».

L'Etat doit mettre à disposition (dotations) des parents des établissements qui respectent les convictions des parents (acceptabilité) mais également prévoir l'existence d'autres centres, pour la plupart émanant de la société civile, qui permettent un choix conforme à leurs convictions. Il y a exigence également de gratuité dans ce cas.

En affirmant que « cette disposition n'est en rien contraire au droit que le paragraphe 3 de l'article 13, alinéa 7 du Pacte reconnaît aux parents et aux tuteurs légaux de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics », l'Observation générale n°11 demande la mise a disposition des fonds pour ces écoles « autres que celles des pouvoirs publics » sans lesquels l'exigence de la gratuité serait compromise, mais également eu égard à l'indépendance de gestion de ces autres écoles - le « caractère propre » français -rien n'empêche que des frais de scolarité soient perçus, précisément dans le but de conforter l'indépendance de ces centres. La Résolution du Parlement Européen de 1984 relative à la liberté d'enseignement16(*) s'est prononcée dans ce sens. Cet apport ne peut en tout cas être de nature à engendrer une discrimination pour des raisons économiques.

Ainsi que nous venions de l'étaler, pourrions-nous regrouper les frais que nous avons étudiés dans la première partie de notre première section du chapitre premier de cette étude de la manière suivante :

1. Frais directs, interdits par le Pacte. Dans ce groupe se trouvent les payements à l'école (payments to school), c'est-à-dire les frais de scolarité, taxes d'examen, d'admission (DFID). Ces frais sont appelés par la Banque Mondiale « frais de scolarité » ainsi qu'« autres frais liés à l'école ». Cette catégorie recouvre la première catégorie de frais de K. Tomasevski, notamment l'utilisation des locaux, ainsi que les enseignements complémentaires obligatoires payants (Banque Mondiale, DFID).

2. Frais indirects, type 1. Egalement interdits. Dans ce groupe nous plaçons seulement deux types de frais car ils représentent des frais directs déguisés : les contributions obligatoires des parents (souvent sous la forme de « PTA fees », contributions à l'Association de parents d'élèves) et les uniformes scolaires.

3. Frais indirects, type 2. Le Comité estime qu'ils peuvent être acceptables au cas par cas. Entreraient dans ce groupe les frais des manuels scolaires, les « autres frais d'appui » (DFID), à savoir les transports, les repas, les chaussures, les fournitures scolaires et « les frais inattendus » qui recouvrent une palette très vaste : funérailles des enseignants, fêtes, contribution pour la construction, peinture ou ameublement (sauf s'il s'agit de contributions obligatoires des parents), contributions pour manuels perdus ou endommagés et contributions non monétaires sous forme de travail. Entreraient également ici les activités extra-scolaires17(*). Actuellement ce sont les frais directs ou les frais indirects de type 1, notamment les contributions obligatoires des parents, qui pèsent le plus lourd sur le budget des familles.

De ce qui précède, à quels types des frais les parents en R.D. Congo sont confrontés ? Quel est le niveau d'applications des instruments juridiques internationaux en matière de gratuité de l'enseignement fondamental dans ce pays ? Comment la notion de la gratuité est-elle introduite en République Démocratique du Congo ? Est-ce avant ou après l'indépendance ? Telles sont les questions que va répondre la section 2 du chapitre sous développement.

* 15 Y. DAUDET et K. SINGH, Politiques stratégiques d'éducation 2, le droit à l'éducation : analyse des instruments normatifs de l'UNESCO, Paris, UNESCO, 2001, p. 34 ; A. FERNANDEZ note que cet ouvrage est la meilleure étude sur le contenu du droit à l'éducation dans les instruments de l'UNESCO

* 16 Résolution Parlement Européen, 14. 3. 1984. On trouvera ce document ainsi que d'autres textes sur le droit à l'éducation dans Fernandez & Jenkner, Op. cit.

* 17 Rapport préliminaire présenté par la Rapporteuse spéciale sur le droit à l'éducation à la Commission des droits de l'homme, Nations Unies, Conseil économique et social. E/CN.4/1999/49. cité par A. FERNANDEZ, art.cit.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard