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L'identité de la démocratie américaine

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par Catherine MARAS
UPMF Grenoble - Master 1 philosophie 2005
  

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II- ETAT DE LA QUESTION

L'analyse entreprise par Ackerman, professeur de droit et de science politique à Yale, sur le système politique des Etats-Unis, est intéressante pour comprendre les fondements de la démocratie américaine.

Ainsi selon Ackerman, il y a dans les institutions américaines quelques particularités par rapport aux institutions des autres pays démocratiques. Par exemple, le fait que le peuple américain ait pu traverser deux siècles en conservant la même Constitution, tandis que le peuple français en usait dans le même temps quinze ; ou encore le fait que cette Constitution divise les pouvoirs et institutionnalise un mécanisme de check and balances5(*), grâce auquel le peuple est représenté par le Président, par le Sénat, par la Chambre des représentants, et par la Cour suprême ; le fait que la Cour suprême ait un poids important dans les affaires du peuple, alors que les juges de la Cour suprême ne sont pas élus par le peuple ; le fait enfin que le peuple américain se réserve la possibilité d'intervenir par lui-même et en dehors de ses représentants, à l'occasion de certains épisodes majeurs, pour « dicter sa loi délibérée et son jugement bien pesé en matière de droit et de définition du contenu du pacte social ». Si les fondements de la démocratie américaine sont donc si particuliers, c'est parce que les institutions américaines ont développé une voie originale : celle du dualisme.

Le modèle dualiste ne correspond ni à la conception moniste, propre aux pays britanniques par exemple, ni à la conception fondationnaliste que prône l'Allemagne par exemple. En effet, ces deux conceptions ne correspondent pas à la réalité de l'histoire constitutionnelle américaine.

La conception moniste est celle qui  attribue aux élus du peuple le pouvoir absolu de le représenter, de pouvoir faire la loi et de la défaire. Or contrairement à cette conception, le système constitutionnel américain permet de conserver le principe d'une suprématie absolue de la volonté populaire étant donné que « le Président, le Sénat, et la Chambre ne sont que des tenant-lieu d'un peuple absent ; aucune de ces instances ne devrait pouvoir prétendre qu'elle parle et agit au nom du peuple lui-même »6(*). Autrement dit, les représentants ne peuvent selon Ackerman, être le peuple lui-même, ni agir et parler en son nom, alors qu'en France, nous avons l'habitude de dire que la Souveraineté nationale s'exprime dans la loi votée par le Parlement parce que les représentants du Peuple sont le Peuple lui-même. Par ce geste, écrit Ackerman, nous effaçons l'idée même de représentation. Au contraire, les Américains pensent que la place du peuple est inassignable dans telle ou telle institution, car il est dans le Président, dans le Sénat, dans la Chambre des représentants, dans la Cour suprême. Ce n'est pas parce que certains hommes politiques ont été élus, qu'ils sont le peuple (We the People...) et que la souveraineté qu'ils détiennent pour parler en son nom est illimitée. Certes, de nombreux citoyens américains préfèrent leur existence privée à leur vertu de citoyens politiques. Il y aurait aux Etats-Unis des périodes de politique ordinaire, où le peuple peu mobilisé par les affaires publiques laisse les élus et les forces politiques aux prises avec eux-mêmes et avec les intérêts privés ou publics. Mais même pendant ces moments de politique ordinaire, aucun organe seul ne peut représenter ou parler au nom du peuple. Le pouvoir de faire la loi nécessite en effet la coopération de trois instances élues selon des modes différents. Ainsi,  « la Chambre représente le peuple d'une certaine manière, par le biais du suffrage direct de l'ensemble des citoyens ; le Sénat représente le peuple d'une autre manière, en donnant aux législatures des Etats le pouvoir d'en choisir les membres, la présidence représente le peuple d'une autre manière encore par le biais du collège électoral »7(*). Mais même quand ces instances parviennent à un accord, la Cour suprême vérifie la conformité de la loi votée avec la lettre de la Constitution, elle est alors auxiliaire du peuple dans la préservation de ses droits, contre toute atteinte à ses prérogatives par les élus et la loi qu'ils votent. Aussi, si la Cour juge que « ces politiciens/homme d'Etat ont outrepassé leur manda, loin de desservir la cause de la démocratie, elle la sert tout au contraire en montrant que nos représentants sont de simples tenant-lieu du peuple, et que leur parole ne doit pas être confondue avec le jugement collectif du peuple lui-même »8(*). Autrement dit, la Cour Suprême des Etats-Unis a autant de légitimité que le Sénat ou la Chambre des représentants car elle exerce une fonction conservatrice des principes constitutionnels acquis ; sans la Cour Suprême la volonté populaire s'éroderait, écrit Spitz, entre les mains des gouvernants.

Quant à la conception fondationnaliste, elle défend à l'opposé une limitation du pouvoir des représentants du peuple; elle considère qu'il est nécessaire de protéger, contre toute atteinte par le pouvoir politique, un certain nombre de droits fondamentaux, le plus souvent inscrits dans la Constitution ou dans la déclaration des droits qui leur sont annexés. Certes, les partisans de cette conception ont sans doute raison, écrit Ackerman, de souligner que le gouvernement doit protéger les droits fondamentaux contre les changements politiques au jour le jour, mais il y a certaines circonstances majeures, où l'intervention directe du peuple s'impose dans le débat politique de façon réfléchie. Ackerman en discerne trois aux Etats-Unis : le moment de la Fondation entre 1776 et 1787, par lequel le peuple américain a codifié la défaite infligée par la génération républicaine à la monarchie, au nom de l'auto-gouvernement; le moment de la Reconstruction républicaine autour des années 1860 par lequel le peuple a codifié, à la suite de la guerre civile, les amendements qui ont aboli l'esclavage et ouvert un nouvel âge de l'égalité; et enfin le moment du New Deal entre 1933 et 1937 par lequel le peuple a ouvert de nouvelles voies au big government, notamment en matière économique et sociale. Ainsi, le peuple peut abroger des lois permettant l'adoption d'amendements constitutionnelles, parce qu'« en Amérique contrairement à l'Allemagne, c'est le peuple qui est la source du droit »9(*) d'où le fait que les représentants élus doivent respecter les droits des individus.

Bien que cette analyse, faite par Ackerman, sur la politique américaine nous fait comprendre l'originalité des fondements de la démocratie américaine, cette analyse du système politique américain demeurera toutefois incomplète car elle se limite à une investigation profonde et détaillée des institutions ; or pour comprendre l'identité de la démocratie américaine, il faut certes analyser les institutions américaines, mais aussi la vie politique et culturelle qu'elles encadrent.

* 5 « check and balances », signifie en français « contrôle et équilibre » des trois pouvoirs.

* 6 ACKERMAN, B., Au nom du peuple : les fondements de la démocratie américaine, trad. de l'anglais par J.-F. Spitz, Paris, Calmann-Lévy, 1998, p.325-326.

* 7 ACKERMAN, B, ibid., p.238.

* 8 ACKERMAN, B, ibid., p. 328.

* 9 ACKERMAN, B, ibid., p.45.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus