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Gouvernances des établissements secondaires (EPLE) : vers un nouveau modèle public ?

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par Alain VENART
Université du sud Toulon Var - IAE - Master Recherche management, Finance et Contrôle stratégiques 2008
  

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Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Mémoire de Recherche
Master Recherche Management, Finance et Contrôle Stratégiques
Institut d'Administration des Entreprises
Université du Sud Toulon Var

Master de Recherche Management, Finance & Contrôle Stratégiques

Quelle gouvernance pour les établissements Publics Locaux
d'Enseignement : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Alain VENART

Directeur de Mémoire : M. le Professeur Pierre GENSSE Année Universitaire 2007 - 2008

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Remerciements

Nos plus vifs remerciements au Professeur GENSSE pour ce temps de recherche, d'écoute et d'entrée au coeur de ces problématiques de conduite des politiques publiques sous le prisme des Sciences de Gestion. Merci de votre confiance.

Nos remerciements vont aux Professeurs et étudiants du Master Recherche pour les nombreux échanges et moments de confrontation. Merci plus particulièrement à Madame VAN HOOREBEKE, Maître de Conférences à l'IAE, pour son regard sur ce temps de recherche. Merci à M. BOUVIER-PATRON, Maître de Conférences à l'IAE pour la richesse des apports dans le domaine stratégique.

Merci à M. Ivan Pastorelli, Maître de Conférences à l'Université de Nice Sophia Antipolis, pour sa parole amicale et son aide fort précieuse dans ces premiers pas en Sciences de Gestion.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Le problème éthique contemporain vient du fait que tout, dans notre civilisation occidentale tend à favoriser notre logiciel égocentrique, alors que notre « logiciel » altruiste ou communautaire est sous- développé.

La méthode 6 -- Ethique, E. MORIN.

Nous sommes tous responsables de tout et de tous devant tous, et moi plus que tous les autres.

Les frères Karamazov, Dostoïevski.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Plan

Éléments méthodologiques pour l'approche du sujet : sources, traitement, démarche, grille de lecture

I -- les fondements de la gouvernance de l'EPLE : quelle réalité(s) pour quel modèle ?

1. Gouvernance et système : de l'autarcie aux partenariats ?

2. Gouvernance et pilotage : de l'unique au réseau ?

II -- Les acteurs de la gouvernance de l'EPLE : quelle architecture fonctionnelle pour un réseau public en mutation ?

1. Un jeu de miroirs : acteurs institutionnels et acteurs fonctionnels, quel partenariat(s) ?

2. Un jeu de pouvoir(s) : vers un éclatement des centres de décisions ?

III -- Vers de nouveaux enjeux éthiques de la gouvernance de l'EPLE ?

1. Éthique, valeurs : quel conceptpour quelle gouvernance ?

2. Nécessité d'un code déontologique au sein des EPLE : l'indispensable et le possible.

Gouvernance -- pouvoir(s) -- réseaux - partenariats -- performance -- territoires -- éthique -- valeurs --
déontologie publique

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Objet organisationnel en devenir, chambre d'écho(s) aux résonances sociales de plus en plus prégnantes, lieu de réalisation de l'imaginaire collectif, espace de concrétisation d'un parcours personnel et professionnel : l'Etablissement Public Local d'Enseignement (EPLE) surgit sur la scène publique avec la loi d'orientation sur l'école de 1989.

Objet culturel auquel sa forme juridique, ancrés dans l'acte premier de la décentralisation, donne, au hasard des interpellations médiatiques et autres injonctions sociales, une coloration politique mais surtout une forme organisationnelle dont on peut dire qu'elles font vivre, au quotidien, un espace éducatif en profonde mutation.

Objet d'innovation(s), de stratégies visant à faire de lui un acteur souple, accrochant le réel, il acquiert une dimension apprenante dans un schéma organisationnel local et territorial complexe. Se mouvant entre une collectivité territoriale de rattachement qui dessine son territoire géographique et pénètre son management au quotidien, et des parties prenantes diffuses qui président à son évaluation médiatique, il demeure le maillon atypique d'une chaîne décisionnelle institutionnelle au caractère vertical ; chaîne dont il assure les fondations, au coeur de la cité.

Notre étude se donne pour objectif de cerner les formes de gouvernance de l'établissement Public Local d'enseignement (EPLE): quelle gouvernance pour quelle performance au sein de l'EPLE ? Quelle organisation pour quel modèle public de management ?

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Il nous faudra, dans un premier temps, sérier les différentes lectures du concept de gouvernance en termes organisationnels puis les positionner par rapport au fonctionnement de l'EPLE. Cette analyse nous permettra de questionner cette même gouvernance sous l'angle de la performance attendue par les instances institutionnelles.

Cette lecture analytique de l'organisation EPLE nous conduira, dans un deuxième temps, a mieux définir ses stratégies de pilotage: quelle place (jeu) des acteurs au sein de cette architecture ? Quels pouvoirs font-ils émerger en matière de gouvernance ? On ne saurait alors limiter ces acteurs là aux managers, si important soient-ils, mais nous l'étendrons à l'ensemble des parties prenantes qui organisent ce que l'on pourrait qualifier de nouvel espace public.

Enfin, il nous faudra soulever la question d'une posture éthique, d'un modèle de gouvernance publique. C'est, de fait, le discours même de cette gouvernance de l'EPLE qu'il conviendra d'approcher et ce afin d'appréhender au mieux les traits distinctifs de cette posture éthique. Se conçoit-elle uniquement comme intrinsèquement liée aux nouveaux territoires qu'elle investit : familles, institution, associations ? Le modèle qu'elle porte ne serait-il qu'une superstructure aux principes fondateurs atténués ? Quel coeur décisionnel met-il en oeuvre dans sa pratique quotidienne ?

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Ces questionnements nous permettront d'approcher cette territorialité nouvelle au sein de laquelle l'EPLE évolue ; territorialité qui semble porter en elle des archétypes fonctionnels qui débordent largement le cadre géographique de l'établissement d'enseignement.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
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Éléments méthodologiques pour l'approche du sujet : sources, traitement, démarche, grilles de lecture.

Afin de mettre en mouvement et de rendre signifiant ce travail de recherche sur l'Etablissement Public Local d'Enseignement (EPLE)1, trois axes de questionnement émergent :

Gouvernance et frontière(s)

Nous travaillons sur la gouvernance de l'EPLE, nous essayons de la déchiffrer, d'en définir les contours, d'en cerner les limites, de tracer une possible frontière.

· Quels outils allons-nous mettre en action, quels fondements méthodologiques pouvons-nous mobiliser ?

· Comment intégrer le caractère institutionnel de cette entité organisationnelle publique ?

· Quel type de littérature allons-nous étudier et selon quels critères, pour quels croisements conceptuels ?

· Comment définir cette entité multi référentielle qu'est l'EPLE ?

Gouvernance etpouvoir(s)

La deuxième série de questions porte sur la notion de Pouvoir(s) et donc de réseau(x) au sein de l'EPLE. Si le poser comme tel au sein de

1 Décret de 1985.

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établissements (lieux, noeuds de pouvoir, espace des réseaux) est une chose, une autre est de déterminer les fondements conceptuels qui président à cette analyse.

Qu'est-ce qu'un pouvoir au sein d'un organisme autonome public dans le champ éducatif ?

Gouvernance et valeur versus valeurs; éthique versus code

La nature même de l'objet EPLE, ses fondements laïques, ses modes de réalisation dans l'espace social, économique et politique posent la question de la valeur qu'il crée au quotidien et de celles qu'il porte et qu'il incarne :

Quelles valeurs au coeur de la gouvernance EPLE pour quelle valeur crée au sein de l'espace public d'enseignement ?

De toutes ces problématiques qu'il nous faut éclairer comme un préalable à notre recherche, émerge un questionnement de nature managériale qui pose les fondations de notre travail de recherche.

Il s'agit d'interroger cette entité publique, autonome, ancrée dans un territoire local relativement complexe afin de savoir si elle met en mouvement un mode de gouvernance spécifique à ce type d'organisme dans l'espace éducatif. Y a-t-il une possibilité de transfert en matière de management public ?

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Des éléments de réponse, une méthodologie d'approche

Nous croiserons la littérature portant sur pilotage des EPLE avec trois sources majeures qui nous permettront d'établir une première grille de lecture de ce dernier :

Les travaux d'Yvon PESQUEUX (2006 ; 2007) sur les modes de décision avec les parties prenantes et la dualité privé public dans la mise en mouvement d'une gouvernance publique seront un point d'ancrage essentiel. Dans la mise en tension dialectique qu'il développe entre les sphères publiques et privées, nous chercherons un chemin pour caractériser la gouvernance de l'EPLE.2

L'approche de Gérard Charreaux (2001 ; 2003 ; 2007) propose un deuxième apport conceptuel et managérial fort en termes de gouvernance, essentiellement dans le cadre du volet cognitif de ses travaux (2007).

La notion de Pouvoir(s) sera abordée sous l'angle des travaux de Crozier et Friedberg. Pleinement corrélée à la notion de liberté de décision, elle permet une approche pertinente des modes de relation dans le fonctionnement de l'EPLE. Nous rejoindrons alors les travaux de Reynaud (1997 ; 2003) sur la notion de régulation et celle de pouvoir(s) dans les organisations. L'approche de Jeffrey Alexander3 (2004) sur le

2Nous travaillerons là essentiellement sur l'ouvrage d'Yvon PESQUEUX (2007), Gouvernance et privatisation. Nous serons particulièrement vigilants sur le terme sphère publique qui, d'un point de vue managérial, culturel et sociétal, s'inscrit dans une logique Française. Il nous faut garder en mémoire ce caractère spécifique (liée à la Nation ; éléments symbolique avant tout autre).

3 Performance et pouvoir, extrait des Sciences sociales en mutation, sous la direction de Michel Wieviorka, Éditions Sciences Humaines (2007).

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rapport entre performance et pouvoir et ses conclusions sur les spécificités de la scène publique viendront éclairer certaines variations.

Enfin, un apport en termes de cadrage est apparu dans une des leçons de Daniel Cohen sur la société post-industrielle (2006) et plus particulièrement sur le modèle social européen (ainsi que son approche de la rupture).

On peut alors fort de cette grille de lecture proposer le canevas de lecture de la gouvernance de l'EPLE selon la ligne suivante :

· Les théories de la gouvernance sont une entrée conceptuelle et managériale pertinente pour cerner celle de l'EPLE.

· La dualité du couple public/privé dans la sphère décisionnelle est une grille de lecture possible de cette gouvernance.

· Les différents pouvoirs décisionnels qui président au pilotage de l'EPLE ouvrent une voie originale pour cerner ce modèle public que l'on peut décoder grâce à ses modes pilotage.

· Cerner la gouvernance de l'EPLE c'est trouver le filtre adéquat qui permet de positionner les valeurs qui la mettent en tension dans l'espace organisationnel4.

Nous allons essayer de formaliser notre spectre d'analyse. C'est une analyse en trois temps, trois mouvements, qui vont nous permettre de déchiffrer la gouvernance de l'EPLE et de la qualifier.

4 La notion de sphère publique apparaît, notamment, en Angleterre au l$ème siècle. Elle est intimement liée à la notion d'influence, de maîtrise, de pouvoir. Nous l'appréhenderons aussi sous la forme d'une scène, lieu de réalisation de chacun des acteurs économiques et sociaux. C'est en ce sens qu'elle prend une dimension managériale. L'espace est un acteur créateur de valeur et notre travail sera de mesurer la pertinence de cette analyse pour l'EPLE : est-ce une gouvernance qui peut mettre en mouvement un espace et des principes de pilotage originaux ? Comment ?

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Un espace
décisionnel unique

fruit d'un
environnement
marqué par la dualité
public privé

Un Réseau de
réseaux.
Un creuset.

 

Un espace éthique
ouvert.

 
 

Fort de ces premiers outils méthodologiques, nous allons aborder un premier temps d'analyse qui vise à qualifier la nature de la gouvernance des EPLE : quels fondements, quels principes, quelle réalité ?

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I -- les fondements de la gouvernance de l'EPLE : quelle(s) réalité(s)pour quel modèle ?

Une première étape consistera à définir les termes de notre analyse d'après les axes de lecture avancés ci-dessus. La notion, le concept de gouvernance s'incarnent parfaitement dans la formule le management du management (Bonnafous-Boucher & Pesqueux, 2006). Cette formule caractérise cette approche des organisations qui peut aussi se définir comme «l'ensemble des mécanismes contraignant la latitude managériale » (Charreaux, 2007).

Ce dernier outil définit la gouvernance sous l'angle de la contrainte, des processus de régulation qui organisent une forme de transparence et de contrôle au coeur de l'organisation. Nous retenons les vocables : contrainte, liberté, contrôle, pouvoir(s).

L'axe de lecture de Pesqueux (2007) nous permet de comprendre qu'il s'agit d'un processus de régulation (interne et externe) qui vise à caractériser des flux (de pouvoir, de communication) et nous apporte un élément essentiel : la gouvernance est à l'échelle d'un système, elle organise ses interactions internes et externes. L'Etablissements Public Local d'Enseignement, se définit comme un système complexe (Bouvier, 2007) ; il est donc susceptible d'être confronté à cette approche développée par Pesqueux.

Le concept de contrôle, à lui seul, ne serait pas pertinent : l'Etat (à la fois dans la personne du Chef d'établissement, dans la structure pédagogique -- programmes -- et dans l'organisation d'une forme de contrôle) est omniprésent : il donne la ligne, suit sa mise en oeuvre et expertise

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sa réalisation (comme le précisent les Rapports annuels des Inspections Générales).

C'est bien l'axe de gestion du système, d'équilibre des forces et des pouvoirs, de régulation des flux et des acteurs qui nous intéresse au premier plan. Il nous faut le confronter ces apports aux modes de pilotage de l'EPLE.

1. Gouvernance et système : de l'autarcie aux partenariats

Nous approcherons cette problématique d'après les travaux de Pesqueux (2007) sur la dualité public-privé dans le cadre de la réforme des institutions et politiques publiques5. Nous croiserons ce regard avec l'approche d'Alain Bouvier (2007) sur la gouvernance du système éducati#.

Le choix des termes n'est pas neutre. Revenons un instant à cette notion d'institution, clef essentielle pour cerner la gouvernance de l'EPLE. Elle pose l'objet établissement secondaire comme faisant parti d'un tout, mais unique dans sa réalisation propre. Il fonctionne en boucle, se justifie, se met en mouvement, s'évalue. On pourrait reprendre, à ce stade de la réflexion, l'analyse de Jean Louis Lemoigne (2007) sur l'état des lieux de l'approche des systèmes complexes. Ce dernier pose l'interdisciplinarité comme actant essentiel de l'approche des systèmes complexes, qui met en action une ingénierie intelligente de l'interdisciplinarité.

S'il on corrèle cette « ingénierie » au système EPLE, on voit dans sa structure un bloc de compétence ou chaque élément est organisé en fonction d'un seul acte : instruire. Tout acte (et donc son ingénierie

5 On notera l'impact des la Réforme Générale des Politiques Publiques précédée d'un certain nombre d'audits de ces mêmes politiques. Ce dernier se situe au delà de la conduite des affaires publiques pour déchiffrer la place des institutions publiques sur la scène nationale.

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décisionnelle) produit par l'entité EPLE, qu'il soit économique, juridique ou managérial est l'aboutissement d'une seule chaîne de décision, quel que soit le territoire. Cette mise en oeuvre semble monolithique dans sa structure.

L'EPLE est une institution en lui-même car sa parole est unique sur la scène publique. Cela nous conduit à parler d'un organisme isolé, d'une forme de gouvernance en autarcie.

Cette approche serait pertinente si elle n'oubliait l'environnement dans lequel évolue désormais l'établissement secondaire, et les attentes dont il est l'objet.

2. Gouvernance et pilotage : de l'unique au réseau

Nous retrouvons alors Yvon Pesqueux dans son analyse de l'influence du New Public Management et de l'école pensée « libérale » qui le gouverne. L'EPLE, comme toute organisation publique, est prestataire de services. Le but est la recherche d'une performance accrue, d'une mobilisation optimale des moyens et des acteurs. On va donc privilégier « le client à l'usager et l'usager sur le citoyen » (Pesqueux, 2007). On en viendrait donc à « désinstitutionnaliser » l'institution, à modifier sa dimension et sa nature organisationnelle première. L'objet public EPLE traverse cette phase, avec ses caractéristiques propres.

La charte de Pilotage des Établissements Public Locaux d'Enseignement (février 2007), réorganise leur fonctionnement afin qu'ils appréhendent mieux la réalité de leur terrain d'exercice (création d'unités viables du point de vue fonctionnel). L'EPLE fournit un service partenarial sur la scène éducative publique. Ce service est subordonné à une maîtrise de ses propres indicateurs de performance, à la mesure de

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son efficience via le « contrat » qui le lie à l'échelon académique. Bien entendu les marqueurs sont éducatifs (taux de redoublement, réorientations, suivi de cohorte, sorties du système sans qualifications..) mais ils introduisent bien une dimension autre au sein de ces organismes : le territoire, les territoires sur lesquels il opère et qui participent de son évaluation. Les réseaux et acteurs qui l'interpellent, l'évaluent (de façon non institutionnelle), le positionnent sur cette nouvelle scène locale.

Elle demeure publique mais publique au sens du territoire, des acteurs, du service, du service rendu'

Nous sommes donc en présence d'un modèle autre, d'une institution au territoire d'exercice plus complexe. Ce n'est pas la notion de réseau(x) qui est ici nouvelle, c'est la commande politique et sociale qu'ils instituent. Cette dernière engendre un modèle managérial différent ou plutôt conforme à l'analyse que l'on se fait de l'organisation publique locale6 aujourd'hui.

Nous proposerons alors le modèle d'une gouvernance partenariale (Charreaux, 2007) qui, dans un nouveau contexte d'interactions institutionnelles7 , définit l'EPLE comme un espace en construction dont le changement n'est plus un attribut mais devient une fin en soit. La notion de performance8 devient de fait un attribut essentiel de la gouvernance des EPLE.

6 On entendra par échelon Local, le socle juridique et territorial sur lequel repose l'EPLE.

7 La collectivité territoriale de rattachement est un exemple parmi d'autres.

8 On entendra par performance le résultat ultime de l'ensemble des efforts d'une entreprise ou d'une organisation. Ces efforts consistent à faire les bonnes choses, de la bonne façon, rapidement, au bon moment, au moindre coût, pour produire les bons résultats répondant aux besoins et aux attentes des clients, leur donner satisfaction et atteindre les objectifs fixés par l'organisation. Nous voyons alors apparaître les objectifs, et le contrôle des moyens, deux axes porteurs pour notre lecture du concept.

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Il nous faut alors expliciter ces analyses en prenant l'exemple du fonctionnement des établissements secondaires et de leurs différentes instances. Trois d'entre elles nous semblent emblématiques de leur fonctionnement : le Chef d'établissement ordonnateur; les instances éducatives et pédagogiques de l'EPLE ; les relations avec les acteurs sociaux et les acteurs territoriaux.

Dans le cadre d'un EPLE, on peut trouver empiriquement quelques éléments de « bonne gouvernance »9 :

· Le conseil d'administration ;

· Les comités spécialisés ;

· La transparence relative des informations.

Dans le modèle organisationnel actuel de l'EPLE, qui avant la phase de décentralisation était contrôlé par une tutelle unique, il nous faut faire un parallèle avec un hybride des modèles shareholder (« porteur de part », fort contrôle par l'État et mise en place d'un contrôle des activités par la collectivité de rattachement) et stakeholder ( « parties prenantes », volonté de prise en compte de toutes les parties , volonté de mettre en oeuvre une démarche participative, coopérative et volonté de favoriser la confiance ).

9 Cette mention revient dans les Rapports des Inspections Générales. Elle ne définit pas la nature de la gouvernance mais indique l'orientation qu'elle peut ou pourrait revêtir. Le problème demeurant la qualification exacte que l'on entend par le vocable « bonne »: adéquate ? Dans quel cadre ? Pour quel contrôle ? Il s'agira pour nous d'une forme de gouvernance adaptée au contexte public que nous étudions ; avec les limites inhérentes à cette première définition.

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On peut noter des obstacles à la mise en place d' « une bonne gouvernance » :

· La difficulté pour définir les parties prenantes est forte dans le domaine éducatif et d'autant plus problématique que la constitution des parties prenantes est évolutive.

· La transparence « relative10 » (la culture de la rétention de l'information, les codes, les procédures complexes, la terminologie) induisent une asymétrie d'information profitable aux membres de l'EPLE.

La mise en place des contrats d'objectifs dans le cadre de la réforme de l'état, vecteur possible d'un changement avec notamment la « culture du résultat », l'utilisation des indicateurs de performances et d'objectifs globaux, doivent pouvoir assouplir les blocages et favoriser la « bonne gouvernance »11, même si l'on note des difficultés dans la mise en place de la LOLF dans le système éducatif.

Cependant, on passe d'une culture de moyens par chapitre(s) à une culture de moyens par programme(s), limitant encore davantage la fluidité et l'autonomie réelle, en imposant de nouvelles contraintes, comme l'indique le Cercle de la Réforme de l'État dans son mémento : la réforme dont l'État a besoin. De plus, le rapport des Inspections Générales, « mise en oeuvre de la LOLF » de juin 2006, fait apparaître cette situation

10 Notons ici qu'il ne s'agit pas d'une volonté de rétention de d'information mais d'une probable inadéquation du système d'information aux complexités des demandes actuelles de ces mêmes parties prenantes.

11 Rapport sur le pilotage du système éducatif dans les académies à l'épreuve de la LOLF - Mars 2007-IGEN-IGAEN-IGF (site du MEN, publications, rapports)

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(« réussite technique.... de la mise en place des BOP/ BOP et pilotage.... des enjeux mal perçus »).

Le pilotage des EPLE est lui une réalité, sans doute limitée au regard des pays voisins, mais il dispose d'un cadre règlementaire (Lois de décentralisation, Lois d'orientation et sur l'avenir de l'école).

Simple exécutant avant les lois de décentralisation et d'orientation de 1989 puis de 2005, le dirigeant de l'EPLE est culturellement dans un cadre où il doit rendre des comptes. Le changement intervenant sur la nature des comptes à rendre.

Dans une première phase de centralisme bureaucratique, la tutelle unique de l'Etat imposait les missions, les objectifs. L'absence d'autonomie dans la mise en oeuvre rendait donc problématique la notion de gouvernance, bien que l'un puisse repérer des plages d'incertitude entre les règles. Ces plages étaient alors une opportunité d'autonomie pour les structures locales.

Les lois de décentralisation, la loi d'orientation de 1989 puis la loi sur l'avenir de l'école de 2005, la loi sur la cohésion sociale ou la Loi du 11 février 2005 relative aux personnes handicapées, ont créé un nouvel « actionnaire », la Collectivité de rattachement, et développé la prise en compte des parties prenantes (usager, environnement économique et local, communautés urbaines).

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Le pilotage, relativement autonome, a induit la mise en place de son contrôle par toutes les parties. La notion de gouvernance, ou, plutôt, de « bonne gouvernance », semble ainsi émerger de l'autonomie, certes toujours limitée, de l'EPLE.

On revient donc sur cet hybride du modèle shareholder («porteur de part», contrôle par l'Etat et Collectivité de rattachement -- Conseil Général ou Régional) et du modèle stakeholder. On se demandera alors si le contrôle toujours « marqué » de l'Etat, dans le cas de L'EPLE, permet d'envisager une convergence vers un modèle stakeholder, avec ces deux types de parties prenantes :

· En arrière-plan, les parties prenantes contractuelles qui concernent les acteurs en relation directe et déterminée contractuellement avec l'entreprise (par exemple, les clients, les fournisseurs, les salariés, les actionnaires).

· A la périphérie, les parties prenantes « diffuses » qui sont les acteurs situés autour de l'entreprise envers lesquels l'action de cette dernière se trouve impactée mais sans pour autant se trouver en lien contractuel véritable (par exemple, les collectivités locales, les organismes publics, les ONG).

C'est un changement culturel, où l'on évolue d'une situation où seul l'intérêt de l'État (état de fait) compte, à une scène publique partenariale dans laquelle il est impératif de valoriser l'intérêt global des parties prenantes (avec des enjeux parfois contradictoires)12.

12 Le Management dans les organisations publiques, Batoli Annie, Dunod, 2004.

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En observant l'Etablissement Public Local d'Enseignement, certains obstacles à la mise en place de cette « bonne gouvernance » apparaissent. Peuvent-ils devenir des points d'appui?

· Le rôle dual du Chef d'Etablissement au conseil d'Administration (représentant l'État, Président - exemple d'hybridation des deux modèles) avec pour l'instant un contrôle certain par la voie hiérarchique, associé à une volonté affichée d'inclure les parties prenantes dans la définition des objectifs, voire même de laisser la porte ouverte à une présidence extérieure.

· La multiplicité des comités spécialisés dans l'EPLE induit de facto une capacité de réflexion et de proposition réelle mais parfois peu audible (par la faible représentativité des membres et par la « toute puissance » de l'injonction hiérarchique).

· La difficulté à définir les parties prenantes dans le domaine
éducatif (de plus la constitution des parties prenantes est évolutive).

· La transparence relative (la culture de la « rétention » de l'information, les codes, les procédures « complexes », les diverses formes de terminologie) induit une asymétrie de l'information profitable aux membres de l'EPLE, alors que la transparence « encourage la bonne gouvernance »13.

· La difficulté pour les services centraux de laisser une réelle autonomie aux Rectorats, et aux EPLE ; le formalisme contractuel, l'incitation (ou l'injonction) à définir la politique de l'EPLE avec les parties prenantes, tout en respectant les objectifs nationaux.

13 Vers un nouveau mode de gestion de l'Education Nationale inspiré des enseignements des théories de l'agence et des parties prenantes. Pupion, Leroux, Latouille, Paumier (2006).

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La question étant se savoir si la mise en place des Contrats d'objectifs, dans le cadre de la réforme de l'état, avec notamment une évaluation pluriannuelle, sera un vecteur possible d'un changement avec de nouveaux outils (« culture du résultat » ?). L'utilisation des indicateurs de performances et d'objectifs globaux pourra-t-elle amoindrir les blocages et favoriser la « bonne gouvernance »14 en s'appuyant sur des démarches d'expérimentation ? On note déjà quelques difficultés et des résistances dans la mise en place de la LOLF dans le système éducatif15. La notion de « bonnes pratiques » se substitue souvent à celle de gouvernance pour l'EPLE. Pourquoi ce changement de terme ? Cela viendrait confirmer l'analyse selon laquelle le terme même est problématique car porteur d'une lecture politique et managériale encore excentrée par rapport à la notion de Service public.

Enfin, la place des attentes (institutionnelles ?) concernant la « performance » dans la gestion quotidienne des EPLE, est une des caractéristiques de sa gouvernance.

Sans remonter à la mise en place de la RCB (Rationalisation des Choix budgétaires), la performance, l'efficience et l'efficacité de la fonction publique sont une préoccupation permanente depuis la deuxième partie du XXème siècle.

14 Voir à ce sujet la place « institutionnelle » du travail des Commission à l'Assemblée Nationale dans l'article de Daniel HOCHEDEZ : La mission d'évaluation et de contrôle (MEC) - Une volonté de retour aux sources du Parlement : la défense du citoyen -- contribuable, n° 68 de la Revue Française de Finances Publiques -- Décembre 1999.

15 Voir à ce sujet Réforme des finances publiques, démocratie et bonne gouvernance, Actes de l'Université de Finances publiques du Groupe Européen de Recherche en Finances Publiques, Michel Bouvier (Dir). Novembre 2004, L.G.D.J.

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Pour les favoriser, trois étapes (déconcentration, décentralisation, contractualisation) se sont succédées et sont en phase d'évaluation (Debene, 200616). La LOLF, qui en est la structure la plus aboutie, tout en refondant l'essentiel des modes d'évaluation des politiques publiques, positionne aujourd'hui l'EPLE comme un acteur central de la mise en place de cette réforme.

Cependant, le cadre de cette « performance » n'est pas le encore résultat d'un dialogue assumé entre les parties prenantes (« contractuelles ou diffuses »), mais bien, la définition par l'État (par un processus vertical), d'indicateurs (indicateurs académiques et indicateurs nationaux...). On peut néanmoins parler de nouvelles « bases » pour un pilotage multi référencé et multidimensionnel au sein de la sphère publique (voir le dialogue de gestion avec les services académiques).

La nature même de la responsabilité de l'acteur (qui doit être un élément fondateur dans le dialogue de gestion), sur le terrain, n'est pas précisée.

Si on s'attache plus précisément aux 629 objectifs, aux 1284 indicateurs (Rapport sur Le pilotage du système éducatif dans les académies à l'épreuve de la LOLF), on peut s'interroger sur :


· la pertinence des objectifs (attentes sociales plutôt que priorité assignée aux responsables).

16 Debène, Marc, Économie et management : la lolf et l'éducation nationale, juin 2006.

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· la pertinence des indicateurs (sont-ils vérifiables ? solides ? pertinent17 ?)

· la réalité et la nature profonde de cette « culture » d'évaluation.

Pour sortir de l'approche « réponse à la demande sociétale », le rapport nous propose plusieurs axes et quelques pistes :

· Evaluer : taux de remplacement,

· Contrôler : taux de rendement des remplacements, part du potentiel enseignant consacré à la classe, effectif des classes,

· Positionner : stabilité des enseignants en ZEP,

· Diriger : définir un nombre limité d'objectifs,

· Piloter18 : construire un tableau de bord unique et transparent du contrôle de gestion.

Cependant, l'absence d'outils de pilotage avérés, l'inadaptation du système d'information des EPLE, la confusion dans les concepts utilisés et la mise à l'écart du dialogue de gestion rendent difficile la mise en place de la mesure de la performance attendue par les parties prenantes.

17 La question n'est pas seulement une question de forme. Il faut s'interroger sur la nature des indicateurs tels que définis dans les différents Contrats d'objectifs. Le problème posé est bien la référence, le référent (organisationnel, culturel, institutionnel ?). Comment une structure qui commence à se construire comme organisation à part entière sur la scène économique et sociale peut-elle trouver un référent viable pour accroître sa propre efficience et apprendre de ses changements ?

18 Chacun de ses items reprend les fonctions des Personnels de Direction (texte cadre de 2001). La lecture induite de la gouvernance serait la suivante : la gouvernance de l'EPLE est (indirectement ou directement) celle de son premier Représentant, Le Chef d'Etablissement. La question de la représentation, abordée en deuxième partie de ce Mémoire, est bien un aspect central de ce mode de gouvernance.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

C'est bien le concept de pilotage qui retient notre attention à l'issue cette première analyse contrastée de la gouvernance de l'EPLE : pilotage par objectifs, pilotage «partagé » et pilotage partenarial. Ce dernier aspect nous semble être une des « entrées » possible dans la « sphère publique », tant sur le plan conceptuel que sur le plan managérial. Ce sont moins les modalités de la gouvernance publique que sa nature même qui apparaissent et qui nous permettront de questionner la place et le rôle des acteurs dans sa mise en oeuvre ainsi que les (en)jeux de pouvoir(s) mis en oeuvre dans cette nouvelle scène publique.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

II -- Les acteurs de la gouvernance de l'EPLE : quelle architecture fonctionnelle pour un réseau public en mutation ?

Notre analyse de la gouvernance nous conduit à positionner et interroger la place des acteurs de l'EPLE en termes de relations de pouvoirs et mais aussi de centres de décisions. Ce sont les deux pôles qui apparaissent à l'analyse de la littérature.

Pour ce faire, trois apports conceptuels complémentaires vont guider notre questionnement ; ils constitueront notre base méthodologique et conceptuelle, associée à une analyse de la place des parties prenantes.

Les travaux de Crozier (1977) sur la place et le rôle des acteurs dans l'organisation nous serviront de fil directeur pour positionner l'EPLE dans son environnement : la notion de marge de liberté associée à celle de pouvoir sera constitutive de cette analyse.

Erhard Friedberg (1993) a questionné le concept de pouvoir au sein des organisations. Sa lecture du pouvoir comme moteur d'énergie, de mise en mouvement constituera une grille d'analyse pour l'objet EPLE mais, plus particulièrement, pour les différentes parties prenantes.

Nous l'associerons à l'apport de Jean-Daniel Reynaud (2003) concernant cette même problématique du pouvoir au sein de l'organisation à travers le prisme de la régulation.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Enfin, les travaux de Pupion, Leroux et Latouille (2006) sur le rôle et la place des parties prenantes dans l'éducation nationale formeront un repère (au niveau du territoire académique) pour étudier l'espace d'influence de chacune d'entre-elle. Cette analyse nous conduira à recentrer notre analyser de la gouvernance à la lumière du jeu de ces différents acteurs.

1. Un jeu de miroirs : acteurs institutionnels et acteurs fonctionnels, quel(s)partenariat(s) ?

Éclairant le rôle et la place des acteurs dans l'organisation et les jeux de pouvoir qui en résultent, Crozier et Friedberg introduisent un paradigme particulièrement intéressant pour notre analyse de l'EPLE et de ses acteurs. Tout acteur, dans un système de pouvoir, donc de contrainte et d'incertitude(s), garde une part de liberté dont il peut se servir. Ce pouvoir est créateur de mouvement et donc d'énergie. C'est cette notion de liberté au sens où les auteurs l'entendent et, plus précisément, de « marge de liberté » qui nous permet de structurer notre analyse de l'EPLE.

L'EPLE est, de part les textes qui le régissent, une structure autonome (sur le plan financier et moral). Il est souvent décrit comme paralysé sur la scène territoriale (locale) car ne possédant pas les moyens propres d'agir (recrutement des personnels - mis à part les contrats spécifiques dans le domaine administratif et vie scolaire -- rémunération -- définition de ses propres axes pédagogiques).

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Hors cette vision s'est complètement modifiée, du moins dans sa dynamique, depuis les phases de contractualisation (2005 - 2007) et la mise en place des dialogues de gestion, en particulier au niveau des moyens horaires.

La définition d'un projet d'établissement propre, au delà de la vitrine pédagogique et éducative, la mise en place de crédits globalisés pour une certains nombre d'actions éducatives et pédagogiques, la constitution d'un Conseil Pédagogique au près du Chef d'établissement ... tout cela fait apparaître dans l'environnement de l'EPLE des acteurs, indépendants, comme lui. Ces derniers ont des motivations à court ou long terme bien définies, elles mêmes en réseau avec d'autres instances de la vie associative, politique ou institutionnelle.

C'est la notion de mouvement et de dynamique qui se révèle être pertinente pour analyser les jeux entre ces différentes instances. Ainsi que la notion de niveau/seuil de décision et son impact sur le réseau.

Nous quittons un jeu ou chaque sphère décisionnelle est représentée par un acteur spécifique :

· Le Rectorat comme relais d'un pôle décisionnel national ;

· L'académie (département, au sens de district) comme un relais de ses actions avec une approche plus centrée sur les établissements ;

· L'EPLE comme une structure d'application autour du Chef d'Etablissement

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Nous retrouvons un mode complexe ou chaque sphère de décision est à la fois unique et partenariale, isolée et solidaire, adjuvant et opposant19. La réalité des pôles d'innovation technologique semble être une image pertinente pour définir cette architecture nouvelle :

· Le Rectorat comme un pôle de régulation et de contrôle ;

· L'académie comme un pôle de diffusion (rôle du système d'information primordial) ;

· Unité du lieu EPLE mais creuset de relations croisées entre les différentes parties prenantes, espace de conflit, de contraintes et donc de pouvoir et d'action (au sens de créateur d'une dynamique d'organisation) ;

Institutionnel et fonctionnel ?

Il nous faut dégager une typologie des acteurs de l'EPLE (qui dépasse l'opposition interne/externe) afin de clarifier leur rôle managérial.

Nous allons nous appuyer sur les travaux de Pupion, Leroux et Latouille (2006, 2007) qui développent une analyse sur la place des parties prenantes dans l'éducation nationale mais aussi sur leurs travaux en matière de conseil au sein des EPLE (en matière de pilotage).

Ils mettent l'accent sur l'aspect participatif, en réseau, de la construction du Projet d'établissement et précisent que certaines parties prenantes ont un rôle de consultant, de conseil technique (comme

19 Nous reprendrons l'analyse du discours/narration. Dans le récit l'adjuvant (aspect positif) contribue à alimenter l'axe principal, l'opposant, en contrariant le chemin initial permet la progression globale de la narration.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

l'autorité académique) mais aussi de rôle symbolique. La notion de

« pair » est cruciale pour interpréter le rôle des acteurs dans l'environnement EPLE. C'est cette dernière que nous souhaitons mobiliser afin de développer dans notre analyse :

Les parties prenantes ayant un rôle symbolique (à l'image des

« pairs ») qui s'incarne essentiellement dans la structure hiérarchique : l'académiem (rôle central du Directeur des Services Départementaux et de ses services techniques). On notera qu'il n'y a pas de rôle symbolique s'il n'est doublé d'un rôle de conseil, d'appui technique. Le « terrain », l'image prégnante du « quotidien », reste première dans la gestion de l'EPLE. L'appui doit être double : conseil et appui hiérarchique.

Les parties prenantes qui se situent hors de ce premier « cercle » relationnel sont des adjuvants ayant un double statut :

· Référent territorial et ou politique : la collectivité de rattachement (ou plutôt chacune de ses direction, fonctionnant comme un acteur autonome) ;

· Référent social et ou politique : les parents, les associations, les groupes constitués quels qu'ils soient, à condition qu'ils aient une existence fonctionnelle dans l'environnement de l'EPLE.

20 Toujours au sens de district départemental (espace de pilotage du Directeur des Services Départementaux).

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Il nous faut affiner cette distinction qui tient essentiellement à la place des parties prenantes au sein de l'environnement mais n'est pas corrélée aux attentes des EPLE : nouer des relations pour quelle valeur ajoutée ?

Une série d'acteurs semble se positionner à un niveau que nous qualifierons d'institutionnel Nous reprenons ce terme tel que définit dans notre première partie. Ces structures sont uniques dans le type de relation qu'elles entretiennent avec l'EPLE : soutien, conseil, apport de financement, de réseaux, apport juridique, technique, apport de savoir- faire. On est dans le cas de la Collectivité de rattachement qui nous semble être l'exemple le plus parlant de cette « forme » d'institution.

Un deuxième groupe d'acteurs se positionnent sur un axe fonctionnel. Groupe se constituant en réseaux (d'influence), ils positionnent l'EPLE comme un espace de réalisation de leurs priorités, de leurs attentes : les associations de parents d'élève placées dans une situation de demandeur, (cas de l'aménagement des modalités de la carte scolaire par exemple) son emblématiques de ce type d'acteur.

Quelles conclusions peut-on en tirer sur le plan managérial ?

Bouvier (2006) analyse l'EPLE comme un système complexe dès le moment où il passe « de la gestion au management ». C'est à ce moment là que chacune de ces parties prenantes participe à cette création de valeur éducative qui caractérise cette organisation. Le groupe devient acteur au contact des membres du réseau.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Cependant il nous semble qu'une hiérarchie autre, s'est constituée (ce qui marquerait de nouveau une spécificité du territoire d'action des établissements secondaire). Les acteurs de l'EPLE et son premier manager en particulier, le Chef d'établissement, se positionnent en fonction de leur place symbolique sur l'échiquier territorial : fonctionnel ou institutionnel.

Il nous faut alors revisiter ce positionnement en fonction du pouvoir que chacune d'entre elle met en oeuvre. Cela nous conduira à caractériser le nouvel espace de décision ainsi construit : a t-il un centre ? Quel est son mode de fonctionnement ?

2. Un jeu de pouvoir(s) : vers un éclatement des centres de décisions ?

Denis Meuret (2007) dans son approche comparée de la gouvernance des systèmes éducatifs français et américain démontre que notre système scolaire, s'il s'oriente vers une plus grande liberté accordée aux familles, n'accompagne pas cette évolution sensible d'une modification du pilotage des EPLE en termes d'autonomie de décision et de projet. C'est la notion « d'accountability » qui est de nouveau en question. Quelle responsabilité pour les EPLE dans un système social qui revendique le choix comme un axe de construction de l'identité collective ?

Cette analyse nous renvoie à la notion de centres de décision. Peut-on s'interroger sur cette notion alors que l'EPLE est une émanation

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

de l'État, premier décideur, dont il tire sa légitimité et son cadre d'exercice ? Qu'est ce qu'un centre de décision dans l'environnement de l'EPLE étant donné que son caractère institutionnel le rattache, sans discontinuité, à sa tutelle première ?

Il nous faut à ce stade travailler la notion de réseaux, à la lumière de rôle renforcé des parties prenantes, dans un schéma territorial des plus complexes. Robert Reix (2004) explicite la notion de « réseaux d'organisation » comme une conséquence d'un besoin des « partenaires entretenant des relations régulières de type transactionnel ou coopératif ».

Cette analyse nous semble bien caractériser la fonction de chacun des acteurs de l'EPLE. Si réseaux il y a, c'est bien une demande d'organisation autre (de l'espace et des fonctions) afin de pouvoir fonctionner en partenariat, au quotidien.

La prolifération des centres de décision devient problématique dans le cadre de la réalisation des objectifs assignés aux établissements21 :

· Ils doivent communiquer, ce qui implique l'avis de l'autorité de tutelle académique avec la prise en compte de chacun des acteurs, qui veulent être informé de façon identique et pérenne ;

· Ils doivent anticiper sur leur devenir en termes de structures, ce qui implique la double tutelle de la collectivité de rattachement et de l'état ;

· Ils sont évalués selon des critères de « performance » dans leur Bassin, au sein de leur réseau même (une forme de benchmarking

21 Nous reprendrons le référentiel des Personnel des Direction (2001 ; 2005) et la Charte de Pilotage des EPLE (2007) afin d'en extraire les missions essentielles.

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modèle public ?

permet de les situer sur le plan du Bassin de Formation, du Département, de L'Académie). La constitution de réseaux avec les partenaires devient alors primordiale.

Comment caractériser alors ce nouveau centre de décision ?

Il est multiple, n'occupe aucun espace en particulier mais les investit tous, il prescrit, évalue et contrôle, disposant des corps (techniques, inspections) qui mettent en mouvement ses décisions. Il est un lieu de pouvoir parce qu'il est un lieu de contrôle des incertitudes (Friedberg,).

L'environnement des l'EPLE est diffus et son centre d'équilibre précaire car évolutif. On peut dire que l'EPLE est son propre centre car il est le seul à regrouper à certains moments des besoins spécifiques l'ensemble des acteurs. Il est le réceptacle des décisions éducatives (nationale, académique, territoriales) car il est le seul lieu où ces dernières peuvent êtres vues, appréciées, évaluées par l'ensemble des parties prenantes.

Il nous faut revenir sur la nature du pilotage de l'EPLE afin de mieux le cerner comme centre de décision, voire même le Centre22 des centres de décision

zz Cette notion de pluralité (centre(s)) est essentielle car elle définit bien le flou sémantique et managérial de cette réalité. L'EPLE est une sorte de territoire central complexe, un centre organisant la vie d'une multiplicité d'autres pôles/centres de décision et d'action qui occupent ce territoire essentiel au développement de leurs activités. On retrouve ici la thématique des pôles de compétitivité.

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modèle public ?

Bouvier (2003) rappelle le caractère partagé de son pilotage. Pupion, Leroux et Latouille (2007) définisse les modalités de fonctionnement de l'EPLE comme « participatif » tout en soulignant le rôle des différents réseaux, notamment en ce qui concerne la mise en place des Projets d'établissement. Les Rapports des Inspection Générales (2006, 2007) mettent en valeurs cette pluralité d'influences.

C'est ce pilotage, partagé par nature, qui vient renforcer cette réalité que nous qualifierons de creuset décisionnel. L'EPLE assure six fonctions essentielles comme centre de décision :

· Ilcollecte, trie, et rapporte tout type d'informations23 venant des différents partenaires et lui donnant sa valeur éducative (on pense par exemple à certaines revendications des familles, des élèves qui ne peuvent avoir une visibilité éducative que dans l'établissement même) ;

· Ilhiérarchise les décisions permettant de mettre en exergue certaines priorités nationales (La Loi sur le handicap de 2005 en est l'exemple parfait : c'est bien dans les murs de l'établissement même que ce texte prend sa valeur éducative et symbolique).

· L'EPLE recentre le champ collectif, médiatique et social, sur certaines priorités;

· Ilpermet d'accroître la visibilité des territoires. Tel ou tel EPLE représentera mieux un type de territoire ou un autre (on pense ici aux problématique de l'éducation prioritaire) ;

23 On soulève alors la question du Système d'information de l'EPLE, qui, selon nous, définit son modèle de fonctionnement. Ce système exemplifie le passage d'une structure verticale à une conception partenariale de la gestion des ressources et des compétences.

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· 6lcatalyse les actions des différentes parties prenante en matérialisant un lieu d'exercice, et donc de visibilité (on pense aux plans d'équipements gérés par les Collectivités territoriales ou tout simplement à la construction de nouveaux établissements selon des critères environnementaux dont la visibilité est essentielle.

· Enfin, il est le lieu d'exercice de la Responsabilité des différentes parties prenantes : pédagogique et matérielle pour l'état et la collectivité de rattachement ; individuelle et collective pour les familles et association ; juridique pour tout les acteurs.

Définir le réseau EPLE c'est mettre en exergue le caractère local24 des établissements ; définir leur espace organisationnel comme un espace stratégique pour l'ensemble des parties prenantes et, enfin, le positionner comme le lieu « central » dans l'environnement économique et politique qu'il construit.

Ces analyses nous permettent de qualifier les caractéristiques de acteurs de l'EPLE au regard de cet environnement complexe. Quatre caractéristiques principales se dégagent de cette lecture :

· L'acteur est avant tout pro actif sur la scène territoriale et l'EPLE lui sert de lieu de réalisation de ses objectifs :

· L'acteur est parti prenante de l'ensemble de la chaîne décisionnelle éducative. Les associations de parents d'élève, par

4 En termes juridiques et managériaux.

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modèle public ?

exemple, sont présentes depuis les procédures de choix d'établissement jusqu'à l'évaluation des résultats des EPLE ;

· L'acteur n'existe que par sa participation au réseau de l'EPLE, lequel est variable dans sa taille et son espace d'influence ;

· L'acteur est une composante essentielle du territoire25 de l'EPLE.
Il permet d'en définir les contours par ses attentes et ses revendications.

Il nous faut alors proposer une première cartographie de la place de ses parties prenantes au sein du réseau EPLE, Centre de décision(s).

Les parties prenantes et L'EPLE

Une cartographie du centre de décision

Identité :

 

Fonction :

 

Place dans le réseau:

 

Interaction(s) avec les acteurs du réseau :

 

Familles & Représentation

Associations Parents Communication

Action

Visible Forte

Personnel non Action

enseignant Représentation

Communication

Personnel enseignant Représentation

Action Communication

Tutelle hiérarchique Représentation Académique Action

Communication

Tutelle Hiérarchique Action Départementale Communication

Représentation

Association Locales Action

Représentation

Collectivité de Action

rattachement Communication

Acteurs politiques Communication

Action

Neutre Neutre

Visible Forte

Visible Forte

Visible Forte

Neutre Forte

Visible Forte

Neutre Forte

5 Au sens géographique, symbolique mais surtout en tant qu'espace de réalisation de l'organisation et/ou des réseaux qu'elle intègre.

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modèle public ?

Nous distinguons huit familles d'acteurs dans l'environnement de l'EPLE. Le choix hiérarchique dépend du pouvoir (influence, création de contraintes) exercé au sein de ce territoire.

Nous avons retenus trois catégories pour nommer et classer les acteurs :

· Communication : fonction de reliance (Morin, 2005) au sein du réseau ;

· Représentation : parler au nom de et/ou exercer le pouvoir pour des acteurs de niveau inférieur ;

· Action : porter une parole audible sur la scène publique ; recherche des liens, former des coalitions pour rendre une demande visible au sein du réseau ;

Deux niveaux nous permettent de qualifier la présence (visibilité, efficience) des acteurs sur le réseau :

· visible : forte, permanente, pérenne, organisée ;

· Neutre : leur action permet de créer du lien, de soutenir des actions mais n'influence pas la vie du réseau.

Enfin, nous qualifions la nature de l'interaction mise en mouvement par ces acteurs de deux façons :

· Forte pour la pérennité de cette dernière et la densité des réseaux mis en mouvements et sollicités.

· Neutre pour une mise en réseau qui ne demande pas une construction et/ou un investissement permanent dans l'environnement EPLE.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Nous pouvons dresser un certain nombre de remarques sur le fonctionnement de ses acteurs :

Le caractère paradoxal de certains acteurs est particulièrement signifiant. Tous interagissent clairement avec les autres acteurs du Réseau mais certains (associations) ne souhaitent une visibilité trop forte. La collectivité de rattachement est l'exemple même de l'acteur détenant une influence nette sur l'ensemble des partenaires : centrée sur l'action, ses décisions ont une visibilité forte et une écoute certaine.

Certaines parties prenantes sont en recherche/élaboration de réseaux : les Agents Technique qui ont « optés26 » pour la collectivité territoriale et qui constituaient auparavant un groupe « muet », se positionnent sur cette nouvelle scène locale en jouant de leur double tutelle hiérarchique et fonctionnelle.

L'action est le premier motif d'appartenance au réseau. C'est cette capacité à se « relier », selon Lemoigne (1993), à se re-créer, à se projeter ainsi qu'à apprendre des autres acteurs qui caractérisent les partenaires de l'EPLE. Chacun est donc une organisation complexe, dans son environnement particulier, un réseau au sein du réseau EPLE.

26 Ce corps (Techniciens Ouvriers Service) avait le choix entre une gestion territoriale (acte II de la décentralisation) et la continuité (gestion par l'État). Cette situation introduit une situation duale dans l'exercice de leur quotidien : Chef d'établissement qui assure la tutelle fonctionnelle et tutelle hiérarchique de la collectivité territoriale. Cette dualité explicite clairement le couple fonctionnel/hiérarchique qui détermine le positionnement des parties prenante et leur marge d'action.

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

Cette deuxième partie nous a conduit à analyser les acteurs de l'EPLE et leur zone d'influence. Ces modalités affinent notre approche de la gouvernance des établissements secondaires. Son caractère pluriel (parfois flou) est présent à en chacune de ses composantes. La nature même des différentes parties prenantes, et leur besoin, fait de l'EPLE le réceptacle de leurs doléances. C'est plus une gouvernance des réseaux27 qu'une gouvernance en réseau qui se dessine, une gouvernance fragmentée dans ses lieux de décisions comme dans ses modalités de communication ; une gouvernance au caractère diffus.

Gouverner l'EPLE est-ce comprendre, gérer, piloter le réseau EPLE? Si cette situation s'avère pertinente, alors, la question éthique est posée : dans quel cadre cette gouvernance prend-t-elle forme ? Quel projet éthique et quel code déontologique pour quelle gouvernance de l'EPLE ?

27 Faisant ici écho à la définition de la gouvernance que nous avions retenue : management du management (Pesqueux, 2007).

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III -- Vers de nouveaux enjeux éthiques de la gouvernance de l'EPLE ?

Si l'EPLE est étudié dans ses structures organisationnelles, si ses réseaux sont éclairés afin de déceler les spécificités des organisations publiques évoluant dans un schéma territorial, il semble plus complexe de mettre en lumière ses fondements éthiques. La question de leur mise en oeuvre spécifique dans l'exercice quotidien de sa mission de Service semble aussi problématique.

1. Éthique, valeurs : quel conceptpour quelle gouvernance ?

Ce troisième temps d'analyse à pour objectif de questionner ces fondements éthiques, d'en faire surgir les principes essentiels, de déterminer les outils concrets qui pourraient émerger de sa mise en oeuvre au sein des établissements secondaires.

Deux contraintes conditionnent cette analyse :

· Le cadre territorial et le réseau EPLE qui nous avons tenté de
décrire ; cette multiplicité de territoires aux codes déjà établis ;

· La nature de cette gouvernance, gouvernance des réseaux.

De plus, il nous faut définir un cadre conceptuel pertinent pour déchiffrer et interpréter le fonctionnement de l'EPLE dans sa démarche éthique. Ce cadre doit aussi nous permettre d'unifier l'ensemble des acteurs de l'EPLE, de dégager une problématique de management public. In fine, la question du caractère transférable du modèle ainsi obtenu se posera : cette grille de lecture fait-elle apparaître un modèle

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

public de management des organisations déconcentrées dans le domaine éducatif public ? Lequel ? Quel paradigme le met en mouvement ?

Définir les apports théoriques, construire la cadre de réflexion et d'analyse

Trois penseurs contemporains proposent une lecture ouverte et particulièrement prégnante en matière d'éthique.

Edgar Morin (2004), dans le sixième opus de sa méthode, offre une lecture de du concept éthique, « l'éthique de la reliance ». Il la définit comme « une éthique altruiste qui demande de maintenir l'ouverture sur autrui, de sauvegarder le sentiment d'identité commune, de raffermir et de tonifier la compréhension d'autrui ».

Cette éthique nous semble proche de la sphère organisationnelle car elle articule de façon originale autour de deux concepts essentiels : l'ouverture et l'identité. Voilà deux outils qui traverse notre analyse depuis le début, car c'est bien l'identité d'une organisation qui préside à sa mise en mouvement dans l'environnement qui est le sien, et réciproquement. Cette notion d'ouverture, prise au sens premier du terme, rejoint les problématiques d'espace et de sphère publique, que nous avons évoqués dans notre lecture de la gouvernance de l'EPLE : quelle est la réaction de l'objet organisationnel EPLE face à son environnement ? Quel type de contact met-il en oeuvre du point de vue stratégique afin de promouvoir sa spécificité publique ? Le concept de reliance est au coeur de cette analyse.

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modèle public ?

Nous voulions, en écho aux travaux d'Edgar Morin sur l'éthique de la reliance, nous appuyer sur la notion de rupture que développe Daniel Cohen (2006) dans ses Trois leçons sur la sociétépost industrielle.

Dans son analyse de ce qu'il appelle la « révolution financière », il qualifie cette notion de rupture qui est celle du capitalisme : « par tous ses bords, la capitalisme contemporain engage un grand démembrement de la firme industrielle ». Il explicite alors ce travail d'autonomisation des acteurs et de « rupture de contrats » ; contrats qui étaient caractéristiques de l'organisation sociale précédente. Il la définit comme une rupture paradigmatique car elle engendre un autre mode pensée.

Cette double entrée conceptuelle développée par Daniel Cohen, nous permet de situer l'organisme EPLE comme un système autonome qui s'est développé en dehors de cette rupture fondamentale du XXème siècle européen. Il est cependant confronté à une entrée brutale dans ces modes de gestion ; un nouveau paradigme. C'est de cette confrontation entre son histoire, son essence institutionnelle et son nouvel espace d'exercice, qui ne peut se situer hors des organisations qui l'entourent, que naît sa nouvelle spécificité organisationnelle.

Au fond, c'est la nature du contrat28 qui le lie à ce monde qu'il investit qui pose question ; monde dans lequel, selon Cohen, cette problématique du contrat est très affaiblie au profit d'une conception

28 Nous nous référons aux travaux d'I. Pastorelli pour ce concept et sa double lecture politique et organisationnelle. In, Pastorelli, I., L'impact d'un outil de contrôle sur l'organisation : le cas de l'atelier industriel de L'aéronautique. Université de Nice Sophia-Antipolis, Thèse de Doctorat (2000).

Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à l'organisation, vers un nouveau
modèle public ?

individualiste de l'identité. C'est bien un conflit éthique qui met en mouvement le réseau EPLE.

Enfin, Emmanuel Levinas (1984) dans son Ethique et infini nous propose une piste qui pourrait enrichir notre mise en forme du cadre éthique de l'EPLE.

Il questionne la notion de limite(s) dans la problématique éthique, proposant une lecture éthique de l'infini. L'exigence éthique est une exigence sans limite. La question de la limite est essentielle dans le cadre de notre analyse. L'organisation pose des limites, celle de sa stratégie, de son environnement géographique, de son potentiel financier, de ses marges de manoeuvre. L'EPLE, parce qu'il garde des caractéristiques institutionnelles marquées évite de poser la question de la limite. La limite de L'EPLE, comme organisation-institution29 c'est l'EPLE lui même. Il est donc à même de définir un cadre éthique original dans un contexte managérial ou tout doit être pensé en termes de finalité et de limites.

Comment peut-il alors interagir avec son environnement organisationnel?

Voilà les fondamentaux qui guider l'analyse que nous allons proposer sur l'éthique de l'EPLE. Cette dernière s'articulera en deux temps :

29 Nous introduisons ce vocable, hybride, comme un outil de travail pour définir l'entité de l'EPLE, entre institution publique et organisation.

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modèle public ?

· Une tentative d'approche et de définition du concept éthique comme fondement de la gouvernance de l'EPLE ;

· La mise en place d'un savoir actionnable sous la forme d'un code déontologique qui expliciterait une des caractéristiques propres de sa gouvernance. La question d'un possible transfert des outils ainsi défini à un modèle de management des structures publiques sera alors posée.

Valeur et valeurs

Il nous faut revenir sur ce concept de valeur. La question de fond est de savoir si la mise en oeuvre d'une gouvernance spécifique à l'EPLE peut (doit ?) générer de la valeur pour la collectivité ? Le discours n'est plus iconoclaste à ceci près que c'est la notion de performance qui se substitue à celle de valeur (Rapport des Inspections Générales).

Là encore il nous faut qualifier la notion de valeur au sein de l'EPLE, ce qui nous permettra de mieux appréhender les valeurs qui en sont à l'origine.

Deux domaines spécifiques peuvent êtres identifiés ; domaine où l'organisation EPLE est créateur de valeur :

· Le domaine de la formationJ0, qu'elle soit continue ou initiale Les connaissances produites permettront d'accroître le potentiel de nombre d'organisations extérieures. Le bénéfice est
essentiellement exogène ;

30 Nous distinguerons la formation en tant que structure de la formation en tant que vecteur de compétences.

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· Le domaine des compétences, celle de l'ensemble de ses personnels. Sa politique de formation interne lui permet de générer une valeur en termes organisationnels. Le bénéfice est alors endogène.

On notera que ces deux pôles sont conditionnés par un principe éthique : permettre à chacun d'accroître son potentiel et ses compétences en dehors de toute visée utilitariste. On constatera que tout ce qui concourt à la valorisation des compétences au sein de l'EPLE n'est pas pensé en termes d'apprentissage organisationnel31. L'individu n'accroît pas son potentiel pour la structure. Nous rejoignons notre réflexion sur le caractère unique de cette institution et de ses acteurs et l'autonomisation des démarches.

La production de valeur au sein de l'EPLE est découplée de son apport à la structure même. En fait c'est le réseau et les partenaires qui en bénéficient.

On déduira de l'analyse du couple valeurs/valeur que l'EPLE est tourné vers la satisfaction de son environnement. Ses modalités d'apprentissage (et celles de ses acteurs) nourrissent l'ensemble de son réseau et donc la communauté.

31Nous nous référons ici aux travaux de Ferrary et Pesqueux, sur le Management de la connaissance. Ils y développent notamment la spécificité du domaine « public » en termes de connaissance et d'apprentissage.

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modèle public ?

Une question de principes ?

Quels principes éthiques met-il en mouvement ? En croisant les sources professionnelles (Charte des EPLE et Protocole d'accord sur les personnel de direction) et nos référents conceptuel, six aires éthiques se dessinent et rejoignent nos trois axes de gouvernance : l'unique --le réseau -- l'espace.

· Une éthique constitutive de l'organisation même. L'organisation est sa propre éthique. Son existence est d'essence éthique. La transmission en matière éducative est détachée des contingences de son environnement, tout en répondant à ses attentes.

· Une éthique participative au sens où l'organisation accroît son cadre éthique en fonction de ses membres. Le réseau vient en modifier les contours et la mise en oeuvre même si le coeur reste intact.

· Un éthique Républicaine où l'EPLE incarne la chose publique au sein d'une sphère spécifique. Une éthique qui émane de l'ensemble de la communauté et rend compte à cette même communauté.

· Une éthique du conflit parce qu'elle est éthique de partage. L'EPLE est un noeud de conflit et sa gouvernance repose sur ce principe de confrontation préalable à l'unité. Sa démarche même vise à permettre le conflit, dans une pluralité d'expression(s).

· Une éthique du creuset culturel, du lien social. L'EPLE est cet « espace réceptacle » de l'ensemble des codes éthique de la communauté, des communautés éducatives ; code de la pluralité.

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· Une éthique de l'unité, de la synthèse. La nature des valeurs transmises et donc de la valeur produite (un savoir fondateurs ; des compétences actionnable et transférables) tend à l'unité des communautés, des parties prenantes, des acteurs (opposants et adjuvants).

Ces principes posent la question de leur mise en oeuvre fonctionnelle au sein des EPLE et donc la problématique d'un véritable code déontologique. Ce dernier pourrait donner une lisibilité accrue aux principes diffus dans le Réseau EPLE.

2. Nécessité d'un code déontologique au sein des EPLE : l'indispensable et le possible.

Un des préoccupations majeures dans la rédaction de ce Mémoire de recherche est la mise en place d'un questionnement spécifiquement managérial dans le cadre de la mise en oeuvre de cette gouvernance spécifique. Quel outil, valorisant ce caractère unique, cette institution organisation, cet espace, creuset de valeurs et de réseaux, pourrait rendre lisible sa démarche éthique ?

S'il n'apparaît pas clairement dans les sources mentionnées, le Code déontologique dont nous nous proposons de tracer les grandes lignes, se retrouve dans les différentes analyses menées sur la place et le rôle des parties prenantes au sein de son environnement opérationnel.

Nous allons le définir sous l'angle d'une série d'assertions sur sa genèse, sa fonction, sa place symbolique et fonctionnelle. Ces critères sont au nombre de six et se conçoivent en boucle, comme dans une

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chambre d'écho s32.

· Le code déontologique dépasse le cadre du manager, il s'applique a chacun des membres du Réseau EPLE ;

· Le code déontologique est un outil de reliance, c'est ce qui fonde sa valeur éthique.

· Le code déontologique transcrit des valeurs spécifiquement Ressources Humaines -- c'est sa fonction première ;

· Le code déontologique est un mètre étalon pour ce qui concerne les fonctions de Représentation de l'État -- Il est un code éthique dans un ensemble plus vaste qu'est l'espace Républicain ;

· Le code déontologique implique un « retour » d'information, un contrôle extérieur à son Réseau d'application -- contrôle permettant une mise à distance de son fonctionnement.

· Le code déontologique n'est pas un contrat, il est une donnée

préalable au fonctionnement du réseau EPLE. Il est la transcription

fonctionnelle d'un corpus éthique propre à cette institution

organisation qu'est l'EPLE.

C'est un axe possible de mise en oeuvre de schémas éthiques spécifiques au Réseau EPLE. D'autres voies visant à mieux corréler l'espace éthique de l'EPLE à son fonctionnement quotidien pourraient être étudiées. Présenter un code unique est-il en adéquation avec cet environnement complexe, mouvant, où le concept de rupture est permanent ?

32 Nous reprendrons les termes essentiels du Protocole - référentiel - régissant le métier de personnel de direction (2002). Nous prêterons une attention particulière aux fonctions RH.

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A ce stade de notre analyse la gouvernance de l'EPLE devient un système original. Nous pourrions la définir comme une méthodologie pragmatique de gestion de réseau(x), mettant un mouvement un cadre éthique unique dans un espace territorial, véritable noeud de conflits et creuset de compétences. Le caractère politique du concept apparaît comme primordial. La gouvernance de l'EPLE, parce qu'elle est un levier d'arbitrage au sein du réseau, préserve l'équilibre de l'environnement de l'EPLE.

Ce modèle est-il transférable, différent de la gouvernance du Secteur Hospitalier par exemple ou à d'autres systèmes territoriaux ?

Un certain nombre d'invariants de ce modèle de gouvernance nous semblent digne d'intérêt ; tous méritant une analyse approfondie afin de répondre à une seule question : comment dépasser cette opposition public/privé dans la gestion des structures publiques éducatives locales ? Quelles spécificités pour le modèle éducatif français dans son organisation territoriale dans un contexte concurrentiel aiguë ?

Trois invariants sont susceptibles d'investigation :

· La notion de creuset de compétences culturelles.

· La notion de Réseau de Réseau : maintient de l'équilibre du système.

· Cette notion (à développer) d'institution organisation, structure hybride.

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Ce modèle pourrait être mis en forme de la façon suivante :

Code Déontologique
(Unité)

Creuset de valeurs Institution Réseau de réseaux

Publique

Organisme
Public
Territorial
Déconcentré

Organisation-Institution

Ce temps d'analyse sur les fondements éthiques de la gouvernance de l'EPLE nous a permis de compléter notre éclairage de ce mode de pilotage propre à l'Etablissement Public Local d'enseignement. Elle a mis en exergue son caractère unique mais a renforcé ce creuset de réseaux qui a été un des fils conducteurs de notre analyse.

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C'est une réalité ternaire qui a présidé à notre investigation, se proposant d'expliciter les formes de gouvernances propres aux organismes publics déconcentrés. L'établissement secondaire en est un archétype possible : une gouvernance spécifique le met en mouvement ; cette dernière elle-même caractérisée par la mise en réseaux de territoires protéiformes (espace associatif, politique, institutionnel) dont l'aspect significatif est leur interpénétration constante : une gouvernance, un espace aux territorialités multiples, un noeud décisionnel.

Il résulte donc de cette étude, et ce n'est pas le moindre des paradoxes, que l'EPLE est un réseau en lui-même bien plus qu'un simple partenaire éducatif. Les modalités d'une gouvernance partenariale font de lui une organisation apprenante au sens plein du terme (apprendre, donner à apprendre, apprendre à apprendre) mais n'en donnent pas la clef, ne disent rien de sa spécificité organisationnelle. Il est donc, comme structure, comme acteur, comme organisation, un espace imprécis dans ses missions, ses territoires ; ceux qu'il influence, ceux qui l'influencent, ceux qu'il doit préserver. Objet en construction, territoire en devenir, objet flou par excellence, au sens de Pesqueux, il se projette et se vit, dans ses nouvelles missions, comme un véritable espace de conflit et de tension(s). Tel est bien là le coeur de cette première approche.

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Fruit d'une éthique républicaine, organisation en quête d'une visibilité territoriale, il fait exister au quotidien la dualité (que certains qualifieront de caricaturale) entre la firme en devenir que le donneur d'ordre principal espère et l'espace éthique, neutre (politique, social, référentiel) que le corps social appelle : l'idéal républicain de formation et de socialisation. Cette problématique a permis de dévoiler, tant dans le domaine éthique que dans le domaine organisationnel, le passage d'un modèle historique, reproductible dans les différents temps et espace sociaux, à un objet de complexité, fragmenté et flou. C'est ce dernier qui conduit dans la littérature à une exploration fonctionnelle naissante, afin de qualifier sa gouvernance.

Un hiatus apparaît cependant dans cette même littérature ; hiatus qui pourrait former le terreau d'une possible recherche. L'objet en lui- même est étudié sous l'angle managérial, territorial au sens géographique du terme, voire même, social. Cependant ses modalités de gouvernance ne sont que peu étudiées en termes de territoires de décision(s). Hors tout n'est-il pas décision(s) dans cette structure qui préside au devenir de la nation en termes d'éducation ? Quels schémas organisationnels se dessinent derrière ces espaces fragmentés ? Cette notion de réseau est-elle pertinente pour dessiner une cartographie signifiante au-delà du territoire géographique, du lieu d'enseignement ? Voilà les questions ouvertes qui émergent d'une lecture critique de la littérature.

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Analysée avec pour point focal les référents de gouvernance de la firme et les spécificités de l'organisation éducative publique, cette même littérature met en lumière ce que nous appellerons une territorialité active où s'entrecroisent et se fécondent des enjeux stratégiques qui dépassent l'établissement en lui-même. La notion de lieu unique apparaît alors comme caduque. C'est une organisation en quête de définition mais qui possède déjà un nouvel espace d'enjeux. Paradoxe du discours qu'elle produit certes où bien paradoxe quand à la nature même de l'organisation EPLE ?

Il nous apparaît donc que les sciences de gestion constituent un outil puissant et atypique de description de cet espace constamment scruté sous l'angle éducatif et social. C'est le concept de gouvernance, dans une optique partenariale et cognitive, qui est à même de proposer cette nouvelle grille de lecture de l'EPLE. Il permet de dépasser l'objet établissement secondaire pour décrire un nouvel un actant polymorphe, évoluant dans un nouvel espace décisionnel et symbolique signifiant, au sein de la cité.

Un angle complémentaire d'analyse émerge de la littérature : l'établissement secondaire, depuis les textes de 2004, est un objet de discours. Comme tout objet social dira-t-on. Bien plus encore. Il devient un objet de discours organisationnel dans sa tension permanente entre le principe et le résultat. S'il s'empare d'outils de pilotage qui orientent sa politique interne tout comme sa communication externe vers une efficience toujours mieux maîtrisée, on le pense encore comme une organisation fruit de valeurs

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atemporelles qui obèreraient la naissance d'une entité moderne sur la scène publique.

Entre la gestion du quotidien et l'impératif des missions républicaines, on voit alors émerger des paradigmes d'investigation dont les lignes de fuite oscillent entre la permanence et la modernité. Le conflit au sein de l'établissement secondaire n'est pas fonctionnel, il est bel est bien celui de la cité, politique. C'est en cela qu'il intéresse les sciences de gestion. Il pose, nous semble-t-il, une question de nature épistémologique quand à l'existence même de l'organisation publique. Certes le cadre éthique est pérenne, il demeure ; républicain. Cependant une problématique différentielle est particulièrement prégnante : cette institution est-elle toujours une donnée immuable qui façonne l'architecture politique d'une société ? Pourrait-elle, par apprentissage organisationnel se transformer et transformer l'espace qu'elle investit ? Peut-il véritablement apprendre et donc se re-construire, se re-définir, s'appréhender comme une organisation aux principes éthiques qui définissent un espace de décision et d'influence autre?

Cette première approche de la littérature nous interroge par ailleurs sur une organisation en devenir dont on questionne la « performance » sans jamais questionner l'existence même. Tout est analyse de fonction, de lieu, de place. Mais qu'en est-il de ce qui sera son fondement dans un contexte sociétal tendu ? En quoi les apports des sciences des organisations analysés sous l'angle du concept de gouvernance re-définssent-ils sa place dans l'espace public ? Il y a

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dans ses pistes de lecture, et c'est probablement un biais culturel européen, confusion entre l'objet -- qui se transforme -- et les représentations sacralisées que les parties prenantes s'en font.

Au-delà de la représentation que les acteurs politiques se font de l'EPLE, l'objet lui-même révèle une capacité à mettre en oeuvre des processus de changement et d'innovation. Ce dernier, tout en se transformant, change son propre environnement, voire même le recrée. Il peut alors projeter l'image naissante d'un modèle d'organisation autre : un espace symbolique, un kaléidoscope de territoires où se met en oeuvre un protocole éthique qui fusionne l'institution, l'Ecole, et le modèle en devenir, l'Organisation. Un objet public à naître.

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Entretiens :

Nos remerciements à Monsieur FLOC'H, Inspecteur d'Académie, Adjoint au Directeur Des Services Départementaux de l'Education Nationale du Var ainsi qu'à M. BIJAOUI, Proviseur Vie Scolaire, Conseiller d'Etablissement au Rectorat de l'Académie de Nice. Les entretiens ont portés sur la définition de l'espace territorial de l'EPLE ainsi que sur les nouvelles modalités de gestion et de contrôle des organismes publics.






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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery