WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Justice, équité et égalité entre philosophie utilitariste et Science économique: Bentham, Mill, et Rawls

( Télécharger le fichier original )
par Didier HAGBE
Université Lyon II - Master 2 Histoire des théories économiques et managériales 2005
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section III Bentham: l'utilitarisme scientifique et la réintégration des sentiments altruistes dans la morale utilitaire.

Epicure remarquant qu'après le plaisir, venaient toujours des douleurs qui le dépassaient en intensité, il pensa que l'intérêt bien entendu était de renoncer à ces plaisirs. D'ailleurs, il y avait pour lui deux sortes de plaisirs: les premiers courts et intenses, qu'il nommait plaisirs en mouvement; les autres longs et plus faibles qu'il appelait plaisirs en repos. L'expérience établit que les premiers entraînent toujours après eux de grandes douleurs: ils bouleversent l'âme, en troublent l'équilibre. De là des maladies morales. Les seconds au contraire sont moins intenses, mais plus continus; ils n'exposent pas l'homme aux risques des plaisirs violents. L'instinct raisonné conseillera donc de les choisir de préférence aux autres. Or, où les trouve-t-on? Dans le travail, la méditation, la sobriété, l'étude de la philosophie. Voilà comment au nom de l'intérêt l'utilitarisme arrive déjà à recommander une vie vertueuse.

Epicure, se fondant sur l'intérêt, parvenait donc à recommander une vie assez élevée. Mais sa méthode conservait bien de l'arbitraire. Il n'est pas facile de déterminer le degré d'intensité des plaisirs. Il n'aboutit en somme qu'à des maximes excellents, mais qui ne forment pas un système. C'est ce que lui reproche Bentham. Celui-ci se propose de chercher un critérium plus sûr, plus scientifique. C'est là le but de son arithmétique des plaisirs.

De plus, Epicure recommandait à ses sectateurs de ne pas sortir d'eux-mêmes. La vie qu'il recommandait était sévère et assez élevée, mais égoïste dans ses principes comme dans ses conséquences: l'épicurien devait se désintéresser de la société des autres hommes, fuir les affaires publiques ainsi que les charges de la famille ou de l'amitié. Il devait vivre pour lui seul. En même temps qu'il veut fonder un utilitarisme plus scientifique, Bentham se préoccupe de réintégrer les sentiments altruistes dans la morale utilitaire. Voyons comment s'y est pris Bentham pour réaliser ces deux progrès.

Quelques variables que soient les plaisirs et les peines, ils ne peuvent agir sur nous que par un certain nombre de caractères déterminés. Considérons un plaisir ou une peine. La valeur dépendra de quatre conditions: Intensité, durée, certitude, proximité. Mais ce n'est là que sa valeur intrinsèque. Si nous considérons un acte au point de vue de ses conséquences pour nous et pour ceux qui nous entourent, nous déterminerons de nouveaux caractères des plaisirs et des peines. Alors, pour apprécier la bonté d'un acte, voici ce qu'il faut faire. Il faut examiner les plaisirs ou les peines qui en peuvent résulter, puis distinguer dans quelle mesure ces plaisirs ou ces peines présentent les caractères dont nous venons de parler. Cet examen fait, on dressera une liste des pertes et des gains probables et l'on se décidera en faveur du total le plus fort. La marche est lente, mais elle est sûre.

Voici comment Bentham réalise le second progrès. Il montre, par la simple application de sa méthode, que les plaisirs les plus avantageux sont ceux qui ne concernent pas l'individu tout seul, ceux qui ne sont pas purement égoïstes. Il croit pouvoir démontrer que le plaisir est en raison directe du nombre de gens qu'il oblige de sorte qu'il arrive à recommander le dévouement au nom même de l'intérêt. Comme on le voit, toute cette partie de sa morale est animée d'un grand optimisme. Il croit que la meilleure manière de trouver notre plus grand plaisir, c'est de trouver le plus grand plaisir des autres parce qu'il y a une harmonie naturelle entre tous les intérêts humains.

Bentham réintègre ainsi les devoirs sociaux dans la morale utilitaire. Stuart Mill a essayé de faire la même chose pour l'amour du bien et celui du vrai. Jusqu'ici, dit-il, les utilitaires ont eu le tort de ne considérer dans les plaisirs que la quantité, non la qualité. Or celle-ci est bien distincte de la quantité. C'est elle qui fait que les uns sont supérieurs aux autres. Les plaisirs du goût sont bien plus vifs que ceux de la vue, et nous trouvons pourtant le plaisir de contempler une oeuvre d'art supérieur à celui de manger des mets délicats. Attachons-nous donc aux plaisirs qualitativement, et non quantitativement supérieurs. Il y a une espèce de dignité de certains plaisirs qui les rend préférables aux autres.

Mais comment appliquer ce critérium; comment comparer la qualité des plaisirs? Pour savoir lequel est préférable de deux plaisirs, dit Mill, il faut s'adresser à ceux qui les ont éprouvés tous deux. Leur décision sera la bonne. Mais s'ils ne sont pas d'accord? Si les divers juges compétents diffèrent d'opinion? On va aux voix et l'on tiendra pour supérieur celui des deux plaisirs qui aura été déclaré tel par la majorité.

M. Herbert Spencer a repris et rajeuni la doctrine de Mill. Ce qui le distingue de celui-ci, c'est comme il le dit lui-même, moins une différence de doctrine que de méthode. Il reproche à son prédécesseur de procéder d'une manière trop empirique. Il voudrait que la comparaison qualitative des plaisirs se fît d'une manière plus scientifique, que l'on montrât pourquoi tel plaisir était supérieur à tel autre. Voici comment il concevrait alors la morale utilitaire: « la nature de l'homme étant connue, on en déduirait le genre de vie qui doit mener au bonheur: il appartient à la loi morale de déduire des lois de la vie et des conditions de l'existence quels sont les actes qui tendent à produire le bonheur, et quels sont ceux qui produisent le malheur. Cela fait, ces déductions doivent être reconnus comme lois de la conduite, et l'on doit s'y conformer »111(*). Au lieu de procéder empiriquement, Spencer cherche à procéder avec méthode, comme dans les sciences physiques: il cherche quelles sont les causes propres à produire le bonheur.

Tel est le développement qu'a reçu à travers l'histoire l'idée utilitaire.

Pour Bentham, est moral ce qui a des conséquences heureuses, et non de bonnes intentions. L'utilitarisme de Bentham est donc une doctrine purement conséquentialiste. Comme l'utilitarisme s'intéresse aux conséquences et non aux intentions, la valeur morale des actions est aléatoire: il faut attendre de connaître les conséquences finales avant de savoir si l'action était bonne ou mauvaise. C'est en cela que l'utilitarisme est une doctrine axiologique, car la moralité d'une action dérive de quelque bonté connectée à cette action, par exemples à ses conséquences, elle s'oppose ainsi aux doctrines déontologiques pour lesquelles la moralité d'une action dérive des règles qui l'inspirent.

Téléologique: Lorsqu'on apprécie un acte, il faut apprécier les conséquences de l'acte, et pas l'acte en lui-même. Cela s'oppose totalement à la science de l'éthique du bon ou du mauvais, à la science déontologique comme chez Kant. Par conséquent, lorsqu'on a un choix à faire, nous devrions nous demander quelle conduite favoriserait la plus grande quantité de bonheur pour tous ceux concernés. La morale exige ce qui est le mieux selon ce critère.

Afin de se faire une idée du caractère radical du Principe d'utilité, on doit comprendre la morale qu'il rend caduque : toute référence à Dieu ainsi qu'à des règles morales soi-disant « écrites dans le ciel ». La morale n'est désormais plus conçue comme la fidélité à un code divin ou à des règles morales absolues et inexorables. La morale concerne le bonheur d'êtres vivant dans notre monde, et à rien d'autre. Il nous permet, voire exige, de faire tout ce qui est nécessaire afin d'accroître ce bonheur. À l'époque, ces idées étaient révolutionnaires.

* 111 Lettre de Herbert Spencer à Stuart Mill.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore