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Conflits identitaires et unité de l' Etat

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par Sarr Massamba
Université Cheikh Anta Diop de Dakar -  2008
  

Disponible en mode multipage

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Introduction

Les premières formes de sociétés humaines correspondaient à de petites sociétés (famille, clan, tribu, cité) que les spécialistes qualifient de sociétés holistes. Le terme holiste vient du grec holos, signifiant « qui forme un tout ». On veut donc dire que, dans ces sociétés, la conciliation de l'être individuel et de l'être ensemble se fait au bénéfice de ce dernier : le poids de la société est très fort, le tout est plus important que la partie, l'homme se définit d'abord par son appartenance social.

Sur le plan de leur organisation, de leur constitution, ces sociétés se caractérisaient par trois traits qui s'articulent : ce sont des sociétés religieuses, théocratiques et hiérarchiques .Au total donc, dans ces sociétés, l'individualité, la liberté individuelle ont peu de place.

Cependant, la dynamique même de la liberté conduit, au fil des alliances, des conquêtes, à la mise en place d'ensembles humains plus étendus : royaumes, empires etc. L'horizon s'élargit, la contrainte du groupe social se desserre, l'individualité s'affirme et supporte de moins en moins la domination de divinités tatillonnes et de cadres sociaux trop rigides. C'est ainsi que se construisent les sociétés modernes c'est-à-dire des sociétés accordant la priorité non plus au « tout » mais à la plus petite partie : l'individu, appelées sociétés individualistes. Leur émergence connaît des rythmes et des étapes très variables suivant les moments et suivant les lieux, mais, sur le plan constitutionnel, elle se conclut par l'apparition de l'Etat moderne. Ce dernier est une donnée fondamentale du droit constitutionnel car il est le cadre privilégié d'exercice du pouvoir politique. Mais ce pouvoir, assimilable à une énergie qui permet à son détenteur de prévoir, d'impulser, de décider, et de coordonner les activités des individus et groupes placés sous son autorité a connu une évolution. A l'origine il était diffus, ensuite personnel avant de devenir institutionnel. Le pouvoir diffus correspond à la forme primitive du pouvoir antérieur à l'apparition des formes organisationnelles des sociétés humaines. Le pouvoir n'était pas confié à un titulaire physiquement identifié mais était dispersé dans la communauté .Tout le monde commande et obéit en même temps  Invisible, le pouvoir était néanmoins présent en ce sens que des mécanismes de sanction existaient. Ils pouvaient être déclenchés automatiquement en cas de violation. Des sanctions pécuniaires (amendes), morales (réprobation), l'exclusion du groupe etc....punissaient les infractions aux règles sociales. Quant au pouvoir personnel ou individuel il reposait sur des rapports personnels entre le souverain et ses sujets .Le pouvoir s'incarne dans la personne de son détenteur respecté par ses vertus personnelles : sa force physique, son prestige naturel, sa puissance matérielle ou occulte etc. Mais l'inconvénient du pouvoir personnel est qu'il survit difficilement à la cessation des fonctions du chef en place et engendre inévitablement des guerres de succession. Enfin le pouvoir est dit institutionnalisé lorsqu'il est dissocié de la personne de son détenteur pour se reporter à une entité abstraite qui lui sert de support. Le pouvoir existe en lui-même, indépendamment de ses agents. Il se déploie conformément à des règles générales impersonnelles et objectives qui déterminent son mode d'acquisition et ses conditions d'exercice. On constate ainsi que la dissociation du pouvoir avec les individus qui en assurent momentanément la charge garantit sa continuité dans le temps. Le pouvoir se distingue désormais de ses agents d'exercice qui ne sont que ses dépositaires provisoires.

Ainsi selon l'organisation du pouvoir dans le cadre étatique et notamment la détermination des initiaux d'impulsion du pouvoir, plusieurs formes d'Etat peuvent être observées. Il s'agit pour l'essentiel de l'Etat fédéral et de l'Etat unitaire. Un Etat est dit fédéral quand les unités territoriales qui le composent sont dotées en matière constitutionnelle, législative et juridictionnelle, d'une autonomie telle qu'elles méritent le nom d'Etats, bien qu'elles n'aient pas en principe de compétences internationales. L'Etat fédéral est donc un Etat composé de plusieurs autres Etats avec lesquels il partage les compétences qu'exerce ailleurs l'Etat unitaire. La fédération elle- même est une idée d'inspiration libérale. A l'origine, elle était inspirée du souci de respecter et de protéger les identités des entités qui avaient choisi de se départir de certains de leurs attributs étatiques au profit du nouvel Etat .Cependant au-delà du fédéralisme, il existe des principes d'organisation communs à tous les Etats fédéraux .Le respect de ces principes se trouve garanti pratiquement partout par le juge constitutionnelle. Conformément à la systématisation effectuée par Georges Scelle, il apparaît que toute constitution fédérale combine trois principes organisateurs : superposition des ordres juridiques, autonomie des Etats fédérés et participation de ces derniers au pouvoir fédéral.

En ce qui concerne l'Etat unitaire qui préoccupe le plus et qui nous servira d'ailleurs de cadre d'étude, il convient de préciser qu'il se caractérise par l'existence d'un seul ordre juridique à l'intérieur de l'Etat. Celui-ci apparaît ainsi comme une structure juridique compacte ou tout s'articule autour du principe d'unité. Le pouvoir au sein de la sphère étatique procède « d'un centre d'impulsion unique ». L'Etat est en quelque sorte « le maître des lieux » sur son territoire et sa population. Il transmet sa volonté uniformément sur tout son territoire et sur sa population qui est soumise à un même et unique pouvoir. Deux traits caractérisent dès lors l'Etat unitaire : la simplicité sur le plan institutionnel et la cohésion de l'élément humain.

Cependant il peut être difficile de gérer un Etat moderne à partir d'un centre unique et l'éloignement du lieu de décision des administrés nuit tant à l'information du pouvoir sur les problèmes réels des citoyens qu'à l'adéquation entre ces problèmes et les décisions qui seront prises. D'où l'existence de modalités d'organisation de l'Etat unitaire : la déconcentration et la décentralisation.

Toutes les deux se présentent comme une modalité qui consiste à rapprocher l'administration de l'administré car, selon NAPOLEON III, « on peut gouverner de loin mais on n'administre bien que de près », en un mot, la déconcentration et la décentralisation font en sorte que le pouvoir ne s'exerce plus depuis la capitale mais sur place. Au surplus, il s'agit d'une délégation du pouvoir administratif à l'exclusion du pouvoir politique qui demeure l'apanage de l'Etat. Mais au-delà, la déconcentration et la décentralisation se différencient.

La déconcentration est une technique qui peut se définir comme une modalité ou un relais de la centralisation .Il y a déconcentration lorsque l'Etat central reconnaît un certain pouvoir de décision à ses agents locaux. Les décisions sont imputées à l'Etat, elles sont seulement prises par des agents subordonnés hiérarchiquement au pouvoir central. Il s'agit d'un simple aménagement technique de la prise de décision, confiée à des représentants locaux du pouvoir central : « C'est le même marteau qui frappe, mais on raccourci le manche » (Odilon Barrot). En revanche, la décentralisation consiste à transférer la gestion des affaires locales à des collectivités autonomes et élues. Dans la décentralisation l'Etat n'est pas la seule personne publique .Au contraire il cohabite avec d'autres personnes publiques qui sont autant de centres de décisions et d'appareils autonomes. La décentralisation permet ainsi de réaliser une plus large démocratie locale. Elle assure l'autonomie et la participation des populations locales au choix de leurs représentants et à la prise des décisions les intéressant. A travers la gestion des affaires locales par les propres intéressés, la décentralisation apparaît comme une école de formation civique qui habitue les populations locales et leurs élus à être plus actifs, c'est-à-dire à participer et non plus à subir. Sur le plan purement technique, la décentralisation introduit la souplesse dans le fonctionnement de l'Etat en raison de la rapidité et de l'adaptation des décisions de l'Etat. Mais au-delà de ces avantages elle présente également un certain nombre d'inconvénient. En effet elle peut être un facteur d'affaiblissement de l'Etat, si dans les anciens Etats la collectivité a précédé l'Etat, le processus est renversé dans les nouveaux Etats de tiers -monde. A l'instar de la nation, il revient à l'Etat de créer et de cultiver un cadre favorable à la décentralisation. Or les fondements sociologiques de ces Etats sont fragiles .Le fractionnement du pouvoir central et sa dispersion entre les différentes collectivités locales peuvent conduire à son affaiblissement. Cependant la réussite de la décentralisation dépend en grande partie de l'engagement politique des Etats. Sans une volonté politique clairement exprimée, elle risque de rester toute théorique. Mais certains Etats ont érigé l'exclusion en système de gouvernement et pratiqué la discrimination ethnico religieuse .Ainsi le sentiment d'injustice et les frustrations qui en ont résulté chez les groupes exclus, ont suscité une prédisposition à des oppositions violentes qui, dans leur maturation se sont muées en conflits armés notamment identitaires. C'est sans nul doute dans une telle perspective qu'on peut placer notre étude qui se rapporte aux relations pouvant exister entre les conflits identitaires et l'unité de l'Etat.

Par le vocable « Etat » on pourrait entendre une collectivité humaine géographiquement localisée et politiquement organisée ayant généralement pour support sociologique une nation. Dès lors il convient de préciser que toute société ne forme pas un Etat. L'existence de l'Etat est subordonnée à des éléments sociologiques dont la réunion est nécessaire (population, territoire, autorité politique exclusive), même si on y ajoute des caractéristiques juridiques qui permettent de cerner ses attributs à savoir la souveraineté et la personnalité juridique. Comme élément constitutif de l'Etat, la population apparaît à la fois comme une réalité démographique et juridique d'une part et d'autre part comme une réalité sociologique symbolisée par la nation.

Cette dernière est considérée comme le substrat psychologique, le ferment le plus puissant de la cohésion de l'Etat. On peut la définir comme un groupement humain dans lequel les individus se sentent unis les uns aux autres par des liens à la fois matériels et spirituels et se conçoivent comme différents des individus qui composent les autres groupements nationaux. Un lien privilégié, celui de la nationalité, unie, du reste, l'Etat aux personnes.

Etant donné la complexité des facteurs sous l'influence desquels se forment les nations, diverses conceptions se sont fait jour, au XIXe siècle, concernant l'importance respective de ces facteurs, parmi lesquelles les deux principales sont la conception allemande et la conception française ou, en d'autres termes, la thèse objective et la thèse subjective.

La conception allemande ; forgée par Fichte et Treitschke est placée sous le signe du déterminisme La nation est la résultante ou le produit nécessaire d'éléments objectifs tels que l'ethnie, la race, le sol, le sang, la religion, la langue. La communauté de langue ou de race tient une place importante ainsi que le montre les pays déchirés par des querelles linguistiques qui éprouvent les plus grandes difficultés à éviter le séparatisme .Toutefois, il peut arriver que la variété des langues, des cultures et des religions n'empêche pas le développement d'une solidarité nationale (Suisse).

Au demeurant, s'appuyant essentiellement sur le facteur racial, la conception objective de la nation a été poussée jusqu'à ses conséquences les plus perverses par le IIIe Reich qui avait légitimé le génocide du peuple juif en se fondant sur des critères raciaux, en particulier sur la prétendue supériorité de la race aryenne, de définition de la nation .De nos jours, la politique de purification ethnique entreprise par les serbes à l'endroit des bosniaques semble se rattacher à cette thèse.

Quand à la conception française, elle a été développée par des hommes politiques et juristes français, notamment par Fustel de Coulanges, Renan. Elles considèrent que la formation des nations est beaucoup plus complexe car à coté des éléments objectifs doivent entrer en compte les événements historiques, les intérêts communs, les liens spirituels et surtout le volontarisme. La nation, disait Renan « c'est un vouloir -vivre collectif1(*) ».

Le sentiment d'appartenance qui s'exprime par le « vouloir-vivre en commun » s'enracine dans une histoire et des souvenirs partagés. Le passé, les luttes communes, la manière de vivre et de réagir de la même façon, en définitive le comportement culturel sont autant d'éléments dans l'appartenance à une communauté nationale .Mais quoi qu'il en soit, on peut on peut affirmer que la nation dépend moins de l'hétérogénéité des populations que de la capacité du projet politique à résoudre les rivalités et les conflits entre les groupes sociaux, religieux ou régionaux. De ce point de vue la nation est considérée comme une quête permanente, un processus qui vise à rassembler des groupes humains hétérogènes et à, créer une conscience nationale. Ainsi, les Etats africains ont été délimités en fonction des frontières coloniales arbitrairement tracées sans aucune considération des unités linguistiques ,culturelles ,ethniques ou religieuses des groupements humains vivant sur les territoires coloniaux. Mais il revient à ces Etats de construire la nation sur la base de la cohabitation de populations disparates mais partageant un minimum de sentiment et de comportement national .La nation une fois en place rétroagit en confortant l'Etat.

Par ailleurs le mot « conflit » pourrait renvoyer à une situation sociale ou des acteurs en interdépendance, soit poursuivent des buts différents, défendent des valeurs contradictoires, ou des intérêts divergents ou opposés, soit poursuivent simultanément et compétitivement un même but. Mais en droit international on distingue les conflits armés et les conflits non armes. Les conflits non armés peuvent avoir deux dimensions, soit politique ou diplomatique, soit juridique. Quant aux conflits armés on distingue les conflits armés non internationaux (guerres civiles, conflits ethniques, religieux etc....) opposant l'armée gouvernementale à des mouvements rebelles et d'autre part les conflits armés internationaux (guerres interétatiques, guerres d'occupation et guerres de libération nationale).

Si les conflits de la première génération c'est-à-dire -les conflits entre Etats- constituent un potentiel de crise significatif, il n'en revêt pas moins une acuité secondaire par rapport aux conflits de la seconde génération -c'est-à -dire les conflits intra-étatiques- qui restent un grand sujet de préoccupation.

Parmi ces derniers types de conflits on peut justement citer les conflits identitaires qui se cristallisent sur des appartenances ethniques et territoriales, linguistiques, confessionnelles et culturelles etc. Tous les conflits, certes ne sont pas identitaires, mais ils sont très caractéristiques de notre époque. Il y a conflit identitaire lorsqu'un groupe social se persuade, à tort ou à raison, qu'il est menacé de disparaître, soit sur le plan physique, soit sur le plan politique. Il y a donc conflit identitaire lorsque la survie réelle ou fantasmatique du groupe est en jeu, quand celui-ci se sent dépossédé non seulement d'un territoire ou de son territoire, mais plus grave, lorsqu'il se sent dépossédé de son droit de vivre, de son identité de sa spécificité. Il s'agit donc d'un conflit passionnel qui fait appel à une violence qui peut être sans limite, une violence dans laquelle l'animal humain retrouve volontiers ses instincts les plus sauvages.

La prise en charge d'une telle étude soulève un certain nombre d'interrogations : les conflits identitaires remettent-ils en causent l'unité de l'Etat ? Peut-on dire que le sentiment d'appartenance à une collectivité nationale, même imagée est en train de s'estomper au profit d'autres identités ? Comment user de l'identité pour qu'elle ne soit plus un obstacle mais plutôt un appui à la consolidation de l'unité de l'Etat ?

Ce sujet est important à étudier à bien des égards. D'une part, il nous permet de constater que dans la plus part des pays battis autour d'une large diversité socioculturelle, la gestion du pouvoir s'organise souvent dans l'exclusion, voire la négation des spécificités propres aux minorités. Ainsi montent les revendications identitaires et s'installent les risques de déstabilisation.

D'autre part, il nous permet de noter en tout état de cause que le péril identitaire qui se singularise par une violence atroce et aveugle n'est pas une spécificité africaine. Quelle soit linguistique, religieuse ou autres, la question des identités s'est souvent posée de manière dramatique à travers le monde. De l' Ex-Yougoslavie, au Timor oriental en passant par la région des grands lacs, nombres d'Etats se sont trouvés déstabilisés à partir du moment où des cultures ou des groupes majoritaires ou dominants ont cherché de manière consciente ou non de s'affirmer dans la négation ou l'assujettissement d'autres identités. Mais aujourd'hui, les Etats sont conscients de la gravité de ces conflits et cherchent à les prévenir .Ainsi le constat général est le recours à la décentralisation qui est censée exister dans tout Etat démocratique quelle que soit sa forme en vue de permettre la participation des groupes identitaires à la gestion des affaires publiques.

Au-delà de ces précisions, il convient d'étudier dans une première partie les conflits identitaires comme facteurs de déstabilisation de l'unité de l'Etat (Chapitre 1) avant de voir dans une seconde partie l'utilisation des identités comme moyens de renforcement de l'unité (Chapitre 2).

CHAPITRE 1

 

Chapitre1 : Les identitaires, facteurs de déstabilisation de l'unité de l'Etat

Aujourd'hui, beaucoup de régions du monde sont secouées ou sont sur le point d'être bouleversées par les conflits identitaires. Ces conflits ont trait à la nation, en tout cas à la définition collective nationale, à l'identité d'un groupe humain, que cette identité soit nationale, ethnique ou religieuse. L'émiettement des Etats et l'émiettement des sociétés politiques sur une base ethnico nationale, voire religieuse nous fait poser la question de savoir si le XXIe siècle ne sera pas celui de la balkanisation politique de la planète et la retribalisation du monde ?

Les conflits identitaires sont des conflits d'une grande véhémence, car ce sont des conflits qui touchent au fondement des sociétés, là ou l'imaginaire collectif et celui de chacun des membres de la société se retrouvent de façon fusionnelle à savoir la nation. Ils sont devenus pour longtemps un facteur aggravant de déstabilisation de l'unité des Etats et sont source d'une grande violence.

Les Etats africains parvenus à l'indépendance sont presque tous confrontés au même problème en raison de l'hétérogénéité de la population et de lente maturation d'une véritable nation .Cette situation est génératrice de conflits dans la mesure où l'Etat ne parvient pas toujours à régler le problème de la question nationale, problème auquel, on le voit aujourd'hui, d'autres Etats sont également confrontés, en Europe et ailleurs. En fait, selon les objectifs des groupements qualifiés de peuples, d'ethnies ou de minorités nationales, le problème est soit celui de la mise en oeuvre de l'autodétermination, soit celui du respect des droits des minorités nationales, reconnues par le droit international, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

L'objectif du peuple en lutte est soit la sécession pour constituer un Etat nouveau, ou, au minimum, modifier la forme de l'Etat (fédéralisme), soit obtenir le rattachement à un Etat voisin (irrédentisme) ou encore une réforme radicale de la structure du pouvoir, accusé d'organiser la domination d'une ethnie sur les autres.

En Afrique la construction de l'unité nationale a été pendant longtemps une nécessité impérieuse. Pourtant les solidarités tribales, ethniques ou classiques n'ont pas disparu, elles ont été utilisées autant par les pouvoirs en place pour mieux asseoir leur domination que par les populations qui les considèrent comme l'ultime recours pour survivre. Ainsi de nombreux Etats ont été déstabilisés à partir du moment où les idées de construction nationale, d'unité nationale ont servi de prétexte, pour assujettir, exclure et brimer les autres composantes démographiques de l'Etat qui ne sont pas au pouvoir. De ce fait les communautés ont tendance à rechercher leur identité en dehors de la nation en contestant souvent leur appartenance à la nation, d'où la remise en cause de la réalité sociologique de l'Etat (section1). En outre, de manière générale les conflits identitaires révèlent souvent des Etats fragiles voire, selon l'expression chère à Zartman des « Etats en faillite  »2(*), largement déstructurés (setion2)

Section 1 : La remise en cause de la réalité sociologique de l'Etat

En Afrique la notion de nation est « un concept moderne, d'importation occidentale »2(*)

L'Etat a souvent précédé la nation or, l'Etat rassemble en son sein plusieurs ethnies dont les divisions ont été accentuées par le colonisateur. Ainsi la construction de l'Etat-nation s'est faite sous la bannière d'une ethnie dominante qui va interdire l'expression plurielle d'identités différentes .La construction nationale va être instrumentalisée sous l'hégémonie de l'ethnie dominante. On voit aujourd'hui les résultats de cette surimposition ethniciste, violente dans ses effets ; naissance de guerres civiles, d'irrédentismes car il y a une quasi-impossibilité à réaliser une véritable synthèse nationaliste ; soit pour reprendre E .GELLNER  « l'unité de l'appartenance culturelle et du cadre politique ».3(*)

Ainsi, le sentiment d'appartenance au groupe ethnique, linguistique, religieux ou régional semble être plus sacré, plus légitime que celui d'appartenir à l'Etat qui confère la nationalité.

La violence de l'interethnique, la véhémence de l'ethnicité est renforcée par les clivages religieux entre chrétiens et musulmans ou chrétiens animistes.

La conjugaison de tous ces facteurs aboutit à une sorte « d'empêchement national »4(*)

On a l'impression que le sentiment d'appartenance à une entité nationale même imagée, s'estompe au profit d'autres identités et d'autres allégeances. La réalité étant l'existence de communautés restreintes, attachées à leurs valeurs .De ce point de vue l'individu se trouve partagé entre la loyauté à sa tribu, à son ethnie et à sa religion dont il se sent plus proche et l'allégeance à sa nation qui lui parait abstraite.

De ce point de vue, les conflits identitaires constituent une atteinte à la cohésion de l'élément humain de l'Etat d'une part (paragraphe 1) et entraînent d'autre part l'effritement de la loyauté envers l'Etat (Paragraphe 2).

Paragaphe1 : Atteinte à la cohésion de l'élément humain

La crise sociale économique et la crise étatique sont insuffisantes pour déclencher les conflits identitaires. Pour qu'il y ait éclosion de l'identitaire, il faut une situation à terme, sur le plan régional, de menaces ou d'humiliation.

Les conditions de l'identitaire sont en général liées à des conditions d'hétérogénéité ethno -culturelle d'une société. C'est parce qu'il y a un autre qui vit enfermé avec vous dans le même espace politique corseté par les mêmes frontières, que la vie devient invivable et que l'un des deux est appelé à partir ou à mourir. Il ne peut y avoir de conflit identitaire que lorsqu'il y a hétérogénéité interne, que cette hétérogénéité implique la présence de minorités nationales ou de minorités religieuses. Pareillement, l'autre possibilité de l'identitaire est la présence d'un voisinage perçu comme hostile, surtout si ce voisinage soutient, dans les cas d'hétérogénéité, l'une ou l'autre des composantes du pays considéré. L'enfermement identitaire illustre à l'échelle collective la phrase de Jean Paul Sartre : « l'enfer, ce sont les autres ». La plupart des crises identitaires se réfèrent à un Etat de pureté historique et cette référence a pour fonction de légitimer la destruction de l'autre, perçu comme le perturbateur ou le menaçant, en tout cas, comme l'empêcheur de « danser en rond ». Il en résulte que les conflits identitaires posent le problème du vouloir vivre ensemble qui se traduit souvent par le fait que la majorité ethnique, religieuse ou raciale a souvent tendance à exercer son hégémonie sur le plan politique au détriment des minorités. La tragédie rwandaise dont a été victime l'ethnie tutsie montre à quel point la cohabitation entre les ensembles sociaux au sein de l'Etat peut être problématique. En effet on assiste souvent à une forte polarisation de la société (A), ce qui conduit souvent à des luttes sanglantes entre communautés étatiques (B).

A- La polarisation de la société

Les conflits identitaires entraînent une forte polarisation des sociétés. En effet dans ces conflits, la majorité des acteurs, des positions idéologiques et des configurations sociales tendent à se regrouper au sein de pôles antagonistes et très marqués. La complexité et la diversité des interactions sociales tendent à s'atténuer, au moins dans les discours, au profit d'une séparation de la société en communautés identitaires ou idéologiques opposées. Dans une société où existent plusieurs identités collectives, celles-ci se reconnaissent dans la société à des signes extérieurs qui sont parfois impossibles ou très difficiles à cacher ou à simuler : l'apparence physique, le nom, qui indique l'origine ethnique, le prénom, qui indique la religion etc. Dans le cas du Rwanda comme du Burundi, le sentiment de différence a été le fruit des constructions idéologiques et s'est appuyé sur des paramètres peu rationnels mais fonctionnels : la taille, la grandeur et l'épaisseur des narines, la forme du visage. En Côte d'Ivoire la politique «d'ivoirité» a été particulièrement indexée comme une entreprise identitaire qui aurait contribué à catégoriser les ivoiriens et à envenimer les rapports sociaux.

De plus l'administration de certains pays mentionne même l'identité collective sur les papiers d'identité individuelle : la religion au Liban, l'appartenance aux catégories hutu ou tutsi au Rwanda.Ceci contribue considérablement à la polarisation de ces sociétés.

En situation de guerre, ces signes superficiels de reconnaissance remplissent la même fonction que les uniformes des armés réguliers. Ils permettent de distinguer au premier coup d'oeil sur qui on doit tirer et à qui on peut faire confiance. Cette classification immédiate des gens en groupes identitaires est dans certains pays, une donnée permanente de la vie sociale, même en temps de paix. Mais elle devient une préoccupation plus intense en situation de violence, quand devient vitale la rapidité avec laquelle chacun peut distinguer l'ami de l'ennemi. C'est pourquoi les groupes identitaires ont, dans les guerres civiles une efficacité immédiate que les groupes partisans ou les groupes socio-économiques n'atteignent qu'après beaucoup d'efforts et jamais complètement. Et c'est pourquoi aussi la violence renforce toujours les frontières entre les groupes identitaires. Pour qu'un conflit devienne violent, il faut généralement qu'il soit devenu dominant dans une société. Tant au Rwanda, qu'au Burundi tout est dominé par le problème des relations entre les deux ethnies hutues et tutsies qui s'affrontent et éprouvent depuis toujours des difficultés à cohabiter. L'histoire récente des deux pays, émaillée de heurts violents entre les deux ethnies, de massacres même, a développé entre hutus et tutsis une sorte de sentiment de haine viscérale, culturelle et presque devenue héréditaire. L'autre est ressenti comme l'ennemi naturel et inévitable et la confiance entre les deux groupes est presque impossible à imaginer à court terme. Le problème du Burundi et du Rwanda est en effet appréhendé comme celui d'une lutte séculaire entre deux ethnies antagonistes. Au Libéria, le conflit est noué sur la base d'une opposition féroce entre les congoes (américano-libériens) et les « natives » (autochtones). Cette opposition trouve son origine dans la décision prise par les EUA, au début du XIX è siècle, d'installer dans ce territoire leurs esclaves libérés ainsi que les esclaves capturés sur les navires qui se livraient à la traite .Au soudan , le conflit a divisé la population en deux entités distinctes et antagonistes, possédant chacune ses particularités :le nord du pays ou prédomine la culture arabo-musulmane et le sud dont la majorité de la population a conservé la culture negro-africaine plus ou moins modifiée par le christianisme .Mais quoi qu'il en soit on peut retenir que l'administration coloniale à travers la manipulation anthropologique a largement contribué a la polarisation des sociétés africaines .En effet après avoir assimilées les sociétés africaines à des tribus, l'administration coloniale en a tiré toutes les conséquences pour opérer une hiérarchisation de la société africaine de la manière la plus fantaisiste .Cette classification est le fait de l'ethnologie coloniale dont les précurseurs sont justement les missionnaires .Dans une sa tentative de cerner la réalité africaine, l'ethnologie a particulièrement mis l'accent sur les secteurs sensibles stratégiques de l'époque c'est-à-dire les groupes ethniques .La démarche se faisait en deux étapes :

- La première étape consistait à disséquer autant que possible les groupes humains côtoyés au nom de cette règle de la différence propre à la discipline, et qui doit selon les pères fondateurs de l'ethnologie coloniale régir impérativement les africains.

- La seconde étape de la démarche consistait à prendre parti, à marquer ses préférences pour certains groupes ethniques et son aversion pour d'autres.

Cet exercice a, à n'en pas douter, donné lieu aux jugements les plus fantaisistes qui ne reposent sur aucun élément objectif sinon sur l'imagination fertile de ses acteurs.

Incontestablement, le but visé était d'opposer les groupes ethniques, de faire croire aux uns qu'ils sont meilleurs que les autres, pour pouvoir ensuite mieux les exploiter. La carte de la division a été jouée à fond et presque partout en Afrique. Ce matraquage idéologique a fini par porter ses fruits car les populations ont intériorisé le mythe et ont tendance à se regarder en véritable chien de faïence. Les antagonismes ancestraux entre les groupes ethniques autour desquels ont fait beaucoup de bruit et qui, pour certains servent à expliquer les tensions et dissensions actuelles entre groupes identitaires, trouveraient à notre sens leur origine dans cet exercice périlleux auquel l'ethnologie coloniale n'a cessé de se livrer. Au-delà de la polarisation des sociétés, les conflits identitaires entraînent souvent des luttes sanglantes entre communautés étatiques.

B -Lutte sanglante entre communautés

Les conflits identitaires sont devenus un facteur aggravant de l'instabilité mondiale et ne cessent de livrer le monde un spectacle d'horreurs, d'atrocités et de barbarie que la communauté internationale regarde médusée. En fait, il s'agit de conflits où s'affrontent des narcissismes collectifs en ce sens qu'ils touchent à la fois à l'individu et au groupe auquel l'individu appartient et par lequel il existe .Face aux acides déstructurants de la modernité, face à la misère économique, à la désintégration politique, l'identité collective d'un groupe humain redevient le seul point stable. L'identitaire devient pour la communauté et pour l'individu un des seuls repères structurants .Ces conflits opposent donc deux ou plusieurs groupes dont un, au moins, est persuadé que les autres veulent sa disparition .Pour l'un des groupes au moins il y a complot et il se perçoit comme victime du complot.

Il s'agit donc de conflits passionnels qui font appel à une violence qui peut être sans limite, une violence dans laquelle l'animal humain retrouve volontiers ses instincts les plus sauvages.

L'été 1994 a montré au monde horrifié l'ampleur de ce que peut être un conflit identitaire. En trois semaines, dans un petit pays, le Rwanda, un million de personnes sont mortes en raison d'un affrontement ethnique. Le carnage dont hommes, femmes et enfants ont été victimes au cours d'une centaine de jours entre Avril et Juillet 1994 constitue l'un des événements les plus abominables qui entacheront à tout jamais le XXe siècle dans la mémoire des hommes .Les rwandais ont tué des rwandais, décimant avec férocité la population tutsie du pays, mais s'attaquant aussi aux hutus modérés. Les tueries furent exécutées d'une façon horrible très souvent avec des machettes, des houes et des gourdins cloutés .Des blessés étaient achevés dans des hôpitaux. Des enfants furent tués dans des écoles par leurs maîtres, des tueries eurent lieu au sein des familles. On a l'impression que les tueurs avaient davantage besoin d'être brutaux quand les victimes sont plus proches d'eux, afin de se protéger eux-mêmes contre le risque de sympathie ou de pitié, qui les rendraient incapables de poursuivre leur « travail »5(*). Ces meurtres aveugles ont entraîné la désintégration des communautés et des familles et, plus généralement, brisé la cohésion nationale. A cet égard le Rwanda constitue en effet un malheureux exemple de déliquescence de l'Etat.

Hélas, depuis la période des indépendances, de nombreux autres holocaustes à base de haine ethnique, confessionnelle ou régionale sont responsables de million de morts. En Ouganda, il y a eut en vingt ans un million de morts, au Soudan pour la même période, huit cent mille, les conflits de l'ex -Congo, en trente ans ont fait des centaines de milliers de morts.

Par ailleurs,plus de deux cinquante mille morts ,tel a été le chiffre que laisse derrière elle la plus longue guerre civile du XXe siècle ,la guerre du Liban qui a opposé des communautés religieuses entre elles ,alors que les protagonistes avaient tous le même origine ethnique . Par là, le conflit libanais, dans sa longue horreur, est l'exemple le plus frappant de conflits identitaires sanglants, prenant ses racines dans des affrontements de nature confessionnelle .L'acharnement est un point marquant de ces conflits identitaires. Outre l'intensité même des combats ,la violence se double d'une quasi-absence des règles d'engagements et de l'inobservance généralisée des lois de la guerre ( enlèvements et meurtres de civils ,viols tortures ,massacres ,usage du terrorisme et l'enrôlement d'enfants soldats ). C'est dire donc que parmi les victimes de ces conflits, la proportion des populations civiles a tendance à s'accroître .Ainsi les conséquences humanitaires des conflits identitaires ont frappé la sensibilité des décideurs politiques du continent. Les hordes de réfugiés et de personnes déplacées affrontant quotidiennement la faim, la maladie, la mort, la déscolarisation que ni les pays d'accueil, ni les organisations humanitaires n'ont les moyens de prendre en compte, constituent une équation insoluble.

De surcroît, ces réfugiés constituent une source potentielle de conflits car dans leurs camps se mêlent criminels de guerre, combattants déguisés et trafiquants d'armes. Ils constituent une menace à la fois pour le pays d'origine qui souvent exerce des représailles sur eux comme c'est le cas des réfugiés en République Démocratique de Congo et pour le pays d'accueil dont la sécurité est menacée par ces représailles et par les trafics d'armes qui sont des éléments fondamentaux de causalité dans la propagation des conflits et la déstabilisation des  Etats. Les bouleversements qu'engendrent les conflits identitaires limitent les perspectives d'avenir, tandis que le déplacement des populations brise les liens familiaux et communautaires. D'où un affaiblissement des mécanismes de frein au comportement opportuniste ou criminel.

D'une entreprise nationale, le conflit identitaire redevient local, communautaire et populaire. Certains de ces conflits visent la destruction d'un Etat, d'autres la création d'un nouvel Etat ; ils ont tous en commun, l'effacement de la hiérarchie pyramidale entre Etat, armée et société .Cette hiérarchie trinitaire serait désormais renversée, les deux premiers devenant l'instrument de la troisième .Ainsi la légitimité verticale et horizontale de l'Etat en certains endroits, s'estompe, menant à sa faillite ou à son effondrement. Ce faisant la loyauté et l'obéissance envers les institutions étatiques s'effritent.

Paragraphe 2 : l'effritement de la loyauté et de l'obéissance envers l'Etat

L'identitarisme, particulièrement ethnique, est beaucoup plus souvent une création des élites, qui s'approvisionnent, déforment et parfois inventent des aspects de la culture du groupe q'ils représentent, afin de préserver leur existence et leur bien être ou pour gagner des avantages politiques et économiques pour le groupe autant que pour elles-mêmes .Par conséquent, les conflits identitaires résultent de crises d'identité et de discrimination. Lorsque celles -ci se manifestent, les normes de comportement sont sujettes à de profondes remises en cause (A).En outre, l'armée qui est considérée comme un symbole de souveraineté, un moyen d'assurer la défense et l'intégrité du territoire est divisée (B).

A- Des normes de comportement sujettes à de profondes remises en cause

Les zones identitaires sont des zones où les Etats sont passés au service d'une minorité, d'une couche sociale précise et se retrouvent incapables d'assurer le moindre bien -être économique ou démocratique à l'ensemble de leurs citoyens. L'identitaire se nourrit donc d'injustice, des frustrations que l'Etat partage pour le seul bénéfice d'un groupe. A ce stade, l'identitaire se développe parce qu'il assure non seulement la survie du groupe social face à une menace plus ou moins réelle, mais parce qu'il légitime toutes les reconquêtes possibles de l'Etat, que ces reconquêtes s'effectuent au nom de la nation, au nom d'un ensemble religieux et culturel, ou encore au nom d'une ethnie. Ainsi dans la plupart des conflits identitaires les valeurs communes dont l'Etat prétendait être l'expression sont rejetées ; les règles qu'il édicte ne sont plus respectées. En effet le consensus social sur lequel reposent les fondements de la culture politique est rompu. Le contrat social ne fait plus l'unanimité et provoque des divisions entre communautés. Les groupes, clans et ethnies se menacent, s'exploitent et se détruisent les uns les autres menant à un processus de désintégration rapide de sociétés jusque -là gérées de façon unitaire (ce qu'on appelle libanisation.) Toute répression étatique, ou tentative de renforcer l'Etat s'avère alors futile et provoque une résistance qui affaiblit encore un peu plus la légitimité de l'Etat, menant au dilemme des « Etats précaires » d'aujourd'hui, du Tchad au Rwanda, de l'ex-Yougoslavie à l'Afghanistan. Il y a donc un désaccord abyssal entre les différentes communautés identitaires, sur les valeurs fondamentales à l'existence d'une société de liberté, sur un pouvoir librement consenti et collectivement partagé, sur un droit senti comme naturel.

Or dans les sociétés où il n'existe pas un accord sur le vouloir vivre ensemble entre les groupes identitaires, la nature même des choses et des hommes est remise en cause.

Au Maghreb la crise économique a eu des conséquences politiques immédiates sur les entités étatiques qui ont construit, en partie, leur légitimité sur la capacité à intégrer les nouvelles générations issues des systèmes éducatifs et à leur assurer une promotion sociale.

Dans ce cadre la crise des dynamiques de croissance économiques réduit largement les capacités distributives des Etats et permet un développement du discours contestataire des mouvements intégristes depuis la fin des années 70. Cette contestation sera d'autant plus importante, que l'importation par certains pays des éléments d'une pratique et d'un symbole de l'Etat occidental était et continue à être récusée par des populations encore marquées par l'héritage identitaire islamique qui refuse toute séparation entre le politique et le religieux. La seule source de légitimation dans cette perspective réside dans une parfaite soumission du temporel au spirituel. Cette crise de l'Etat moderne s'est traduite par une montée de la contestation intégriste et son évolution vers un affrontement armé entre des groupes islamistes et les forces régulières de l'ordre. Ainsi l'Algérie s'est installée dans une situation de guerre civile larvée. La crise est analysée par le discours néo-orientaliste comme le résultat logique de l'échec de la voie « occidentale  » de modernité empruntée par les élites maghrébines après les indépendances. Cette voie a cherché à couper les pays maghrébins de leur héritage politique et culturel en imposant des catégories occidentales dans la gestion du politique .Ainsi, le principe de laïcité, produit de l'histoire politique occidentale, a été à la base des constructions étatiques post-coloniales au Maghreb. Dans cette perspective la crise de la construction étatique est analysée dans le discours néo-oriental comme la crise de la greffe des catégories politiques occidentales et l'échec de l'importation dans ces sociétés de la voie occidentale de modernité.

Ainsi, en analysant le développement de la contestation islamiste dans les pays arabes, F. Burgat précise que si l'impact de ce discours « dépasse largement l'audience de la frange radicale du courant islamiste ,si des pans entiers du paysage arabe demandent aujourd'hui à l'unisson cette même « application de la charia  » et que la poussée islamiste est devenu le principe réorganisateur de la scène politique sur plusieurs continents de notre monde, c'est que ,bien au-delà de la seule réconciliation avec le sacré, l'enjeu final de cette demande est la restauration de tout un ordre symbolique déchu>>6(*).La soumission du politique au religieux à travers la charia est au coeur des sociétés musulmanes.

L'hypothèse de la spécificité des sociétés arabo- musulmanes défendue par les néo-orientalistes dans l'analyse de la crise de l'Etat -nation se trouve également dans le discours néo-khaldounien7(*).Ce courant soutient l'idée que les constructions étatiques dans le monde arabe n'ont jamais pu se débarrasser des « asabiyât » (solidarités de corps segmentaires)qui se superposent et imposent même leur logique à ces constructions .Ainsi ,l'Etat moderne dans le monde arabe , en dépit d'un discours et d'une organisation moderne ,ne serait que l'expression d'une solidarité tribale ,régionale ou religieux .Pour les néo-khaldouniens,la domination de l'Etat par les solidarités provient du caractère pluriel et fortement fragmenté des sociétés arabes. Dans ce contexte, la solidarité et le lien social sont établis sur la base des liens de sang ou d'appartenance ethnique. Outre la remise en cause des normes de comportement, les conflits identitaires emportent également comme conséquence la division de l'armée.

B- La division de l'armée

Les conflits identitaires qui correspondent à des situations où le monopôle étatique des armes les plus puissantes est contesté ou détruit, comportent plusieurs niveaux d'intensité. Au niveau le plus bas de la violence, la répression ou le maintien de l'ordre relève exclusivement de la police, et l'armée peut rester en dehors du conflit. Cependant une telle attitude n'est pas toujours adoptée par l'armée qui perd souvent son unité au fur et à mesure du développement des hostilités .Ainsi la division de l'armée en plusieurs forces rivales contribue à l'aggravation du conflit. Le Liban a connu une telle situation lors du conflit de 1975. En effet comme partie aux affrontements, l'institution militaire ne sera pas impliquée dans le conflit interne par une décision des pouvoirs publics avant l'été 1983. Auparavant, en septembre 1975, elle avait été investie d'une mission « d'interposition ». Mais le développement des hostilités, et le clivage au sein de la société et de la classe politique libanaise entre les deux grandes composantes -chrétienne et musulmane -rejailliront sur une armée dont le rôle était lui-même l'objet d'une vive controverse. Aussi, l'armée libanaise subira -t-elle, à plus d'une reprise, des processus de désintégration dont le résultat sera de rallier à l'un ou l'autre camp certains de ses éléments ou unités .Deux phases particulières du conflit seront marqués par la dislocation de l'armée régulière.

C'est d'abord au cours de l'année 1976 que différentes fractions de l'armée se distingueront les unes des autres par leurs prises de position dans le conflit.

D'une manière générale, les forces loyales au commandant en chef seront amenées à participer ouvertement aux combats aux cotés des forces libanaises en octobre 1976 .Mais auparavant ou à la même époque, diverses tendances à l'intérieur de l'armée faisaient leur apparition.

A la fin de janvier 1976 ,dans la Békaa ,un jeune lieutenant sunnite 8(*) quitte l'armée libanaise en compagnie de quelques hommes et constitue une Armée du Liban Arabe -essentiellement musulmane - qui se voulait le noyau de la future armée libanaise et qui adoptait le programme du Mouvement National .Soutenu et encadré militairement par le Fath ,aidé financièrement par la Libye ,ce lieutenant allait chercher à se relier aux parties de gauche, mais se retrouvera ,en définitive,plus proche des groupes religieux musulmans que du mouvement national avec l'objectif de refaire l'unité de tous les musulmans du Liban . Au courant du mois de mars de cette année, une forteresse du Liban-Sud et une série de casernes du Liban-Sud, de la Békaa et du Liban-Nord proclament leur allégeance à l'armée du Liban Arabe, ce qui lui permet de récupérer la majeure partie du matériel de l'Armée libanaise.

A l'opposé, un autre groupe, l'Armée du Liban, constitué en juin 1976 par un major chrétien, rassemble des effectifs désireux de faire pièce à l'Armée du Liban Arabe. Ainsi l'émiettement de l'armée libanaise a été un tournant décisif de ce conflit qui sera plus longue et meurtrière que le précédent.

Par ailleurs en Afrique, on assiste comme l'a si bien écrit Babacar Sine : « à une armée tribalisée vivant en son sein les clivages et les contradictions ethniques qui minent et travaillent la société globale ...Ce microcosme reproduit en son sein le profond malaise identitaire qui risque de détruire le tissu social et national encore fragile de la plus part des pays africains » 9(*)A cet égard, on peut citer entre autres l'exemple de la Côte d'Ivoire

En effet la Côte d'Ivoire ne fait pas exception à ce que l'on appelle la clochardisation des armées, à l'image de beaucoup de pays africains .Cet état de fait n'est pas sans pouvoir remettre en cause non seulement la suivie du régime, mais également la paix et la stabilité de la société toute entière. L'origine de la mutinerie de décembre 1999qui a porté le général Robert Gueï au pouvoir, tout comme celle de septembre 2002 n'était pas d'ordre politique au départ mais plutôt d'ordre corporatiste. En effet, ces mutineries surviennent à la suite de réclamations de soldats pour l'amélioration de leurs conditions de vie.

En outre, l'armée ivoirienne souffre également de l'instrumentalisation de l'ethnicité. Le pays n'échappe pas à ce phénomène que l'on retrouve dans bon nombre de pays africains.

Cette « ethnicisation »de l'armée a pour conséquence majeure la perte du sens patriotique, la disparition de l'esprit de groupe au sein de l'armée ainsi que l'effritement de la loyauté envers l'Etat. En effet, le sentiment d'appartenance (ethnique, régionale, clanique etc.) domine au sein des forces armées qui sont nationales que de nom.

En fait, le recrutement et l'encadrement des soldats ne répondent souvent qu'aux critères du « clientélisme politico ethnique », et cela s'explique par la volonté des autorités, de mieux contrôler les soldats afin qu'ils soient faciles à manipuler. Ainsi certains observateurs ont pu soutenir que les quelques centaines de soldats à l'origine de la mutinerie et du putsch de décembre 1999avaient été recrutés par le général Gueï pour des raisons personnelles .En 2002, la mutinerie qu'elle ait été ou non à un prétexte au déclenchement des événements, s'est rapidement muée en une véritable rébellion. Elle a aussi pris un tour plus politique. Alors qu'au départ, le mouvement exprimait des intérêts catégoriels et des frustrations sociales de sous-officiers marginalisés, le message s'est politisé et radicalisé : début octobre, les rebelles exigeaient le départ du président Gbagbo et l'organisation de d'une table ronde pour évoquer les problèmes et surtout ceux des populations du nord, en partie la fin des exclusions ethniques, puis la mise en place d'une période de transition et l'organisation de nouvelles élections. De surcroît la rébellion a changé de nature en se structurant et en se dotant, au fil des jours, des attributs d'une organisation partisane dénommée le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI). De ce fait l'armée ivoirienne sera fortement divisée. En effet ,une bonne partie des officiers et sous- officiers ainsi que des hommes de troupes des forces armées nationales de Côte d'Ivoire (FANCI) est entré en rébellion à coté des forces nouvelles .On peut citer entre autres ,l'adjudant Tuo Fozié et le sergent Chérif Ousmane qui commandaient les troupes rebelles à Bouaké ,l'adjudant chef Massamba Koné ,chef des rebelles de korhogo,le sergent -chef Irénée Kablan ,le caporal Diarra Souba et le sergent- chef Souleymane Diomandé.

Pour la plupart, ces chefs rebelles ont un passé militaire et politique en commun. A l'instar de Fozié, ils ont été recrutés dans le fameux corps d'élite de la FIRPAC (force d'intervention rapide parachutiste commando) et ont été formés sous les ordres du général Gueï et ont été parmi les « jeunes gens  » les plus actifs du coup d'Etat de 1999. Sous un autre registre, au Nigeria, les clivages régionaux qui apparurent immédiatement après l'indépendance, en détruisant l'unité de l'armée, furent à l'origine du coup d'Etat de 1966 .Au cours de cette période des factions militaires se sont constituées sur base de l'appartenance ethnique et régionale .Sans doute les intérêts régionaux recouvrent -ils souvent des revendications liées à l'appartenance ethnique. Après avoir mis l'accent sur l'effritement de la loyauté et de l'obéissance envers l'Etat, il urge maintenant de mettre l'accent sur la déstructuration de l'Etat.

Section 2 : La déstructuration de l'Etat

D'une manière générale, les conflits identitaires révèlent des Etats fragiles.

En effet la situation de conflit armé entraîne une rupture de la démocratie qui laisse la voie à des pratiques telles que la rupture de la légalité interne, la désintégration de l'Etat de droit et la corruption hypothéquant de ce fait le fonctionnement régulier des institutions.

A cela s'ajoutent les phénomènes de recomposition territoriale et l'effacement du rôle institutionnel de l'Etat dans son monopôle sur l'usage de la force. L'Etat en certains endroits s'apparente à une entité chaotique ingouvernable. Un Etat comme la somalie a purement et simplement cessé d'exister en tant qu'ensemble politique organisé. En outre, certains Etats ont perdu au cours des dernières années, à des degrés divers, pendant des périodes plus ou moins longues, le contrôle d'une partie de leurs territoires. Le processus en cours qui vise à rassembler des groupes humains hétérogènes et à créer une conscience nationale n'est pas parvenu à son terme .De ce fait cette situation a joué un rôle décisif dans la mise en marche du processus de décomposition des structures étatiques.

Il est donc loisible de constater que les conflits identitaires entraînent d'une part la destruction des bases institutionnelles (paragraphe1) et d'autre part la destruction des bases socio juridiques de l'Etat (paragraphe2).

Paragraphe 1 : La destruction des bases institutionnelles

La destruction des bases institutionnelles est perceptible à travers la destruction des biens publics (A) et la paralysie des institutions (B).

A- La destruction des biens publics

Au plan matériel les conflits identitaires sont l'occasion de détruire les infrastructures, en un mot l'outil de production.

A l'exception notable du Rwanda où le Front Patriotique Rwandais dans sa stratégie de conquête du pouvoir a délibérément épargné les infrastructures des effets de la guerre, dans tous les autres conflits la destruction de ce qui a été construit au prix de maintes sacrifices et qu'il faudra réhabiliter après la guerre est systématique.

Les principales pertes pour l'économie engendrées par les conflits identitaires ne proviennent cependant pas autant du gaspillage lié au détournement des ressources que des dommages causés par ces mêmes ressources lorsqu'elles sont utilisées pour alimenter la violence .Le coût le plus évident résultent de la destruction des infrastructures. Au cours de ces conflits, les forces rebelles prennent pour cible les infrastructures matérielles du pays : cela fait partie de leur stratégie .Les cibles privilégiés sont les moyens de communication et d'approvisionnement de l'ennemi, tels que les systèmes de télécommunication, aéroports, installations portuaires, routes, chemins de fer, usines, mines de matières et ponts etc. Dans le conflit ivoirien, des sites d'importance stratégique pour le contrôle des villes ont été les cibles principales des insurgés. Il s'agissait pour l'essentiel des casernes, des armures, des écoles de police et de gendarmerie.

Ces destructions matérielles résultent de la volonté farouche de détruire les biens publics et les ressources essentielles de l'économie pour affaiblir le gouvernement .Il résulte de cette atteinte aux infrastructures une chute de la production agricole, industrielle et artisanale. Même dans les Etats où le secteur minier est l'objet de convoitises, la production chute vertigineusement au profit de circuits de contrebande à travers d'autres pays. Outre cette destruction systématique des infrastructures stratégiques, les troupes tant rebelles que gouvernementales pillent et détruisent maisons, écoles et hôpitaux. Dans certains pays des équipements dans le secteur de l'agriculture, de la communication et de l'administration ont été détruits. Au cours du conflit qui a déchiré le Libéria dans les années 1990, toutes les grandes infrastructures ont été endommagées et saccagées. Monrovia, le port le plus important, a subi des dommages majeurs dans les premiers mois du conflit ; la plus part des installations de la Liberian Electricity corporation permettant l'alimentation en électricité du pays ont été détruites et les systèmes de distribution et de transmission ont en majeur partie disparu.

L'infrastructure est un facteur essentiel du développement économique de sorte que sa destruction à une telle échelle ne peut que réduire les revenus du pays. Mais en plus de cette destruction des biens publics on assiste souvent à la paralysie des institutions.

B -La paralysie des institutions

Les conflits identitaires ont souvent pour conséquence une forte instabilité politique et une crise institutionnelle profonde qui empêchent à l'Etat de fonctionner ou de mettre des administrations en place. Certains de ces conflits ont plongé les institutions étatiques dans une crise systémique qui a abouti à l'effondrement de certains Etats. Il s'agit d'une « situation où la structure, l'autorité, le droit et l'ordre politique se sont émiettés et ont besoin d'être recomposés ». 10(*)L'exemple le plus caractéristique de cette situation est la Somalie. Depuis janvier 1991, cet Etat de la corne de l'Afrique n'a plus de gouvernement

Central. Cette vacance du pouvoir a conduit à la fragmentation du pays en une douzaine de « fiefs » dont les « autorités » se concurrencent et se recoupent11(*) . Depuis, le pays ne s'est pas toujours remis et continue de constituer une entité politique ingouvernable. Du point de vue juridique ,c'est l'existence même de l'Etat qui est compromise du fait de l'écroulement de l'édifice institutionnel servant d'assise au pouvoir politique .En fait l'Etat somalien est victime de la dépravation qui conduit inéluctablement à une sclérose de tout régime juridique . Le droit officiel dans sa conception organico-formelle est toujours en vigueur mais sans effectivité, sans efficacité, à la limite inutile. Une telle situation a conduit à l'éclatement de la nation ; du moins celle qui est en construction .Il en résulte une certaine remise en cause du sentiment collectif du vouloir vivre ensemble : la société en tant que groupe se fragmente.

Mais dans toutes les crises institutionnelles, les textes en vigueur se sont révélés inappropriés. En République Démocratique du Congo chaque fois, il a fallu élaborer un nouveau cadre juridique et une constitution ad hoc les deux exemples les plus récents sont la conférence nationale souveraine et le dialogue inter congolais.

Par ailleurs, Martin Lowenkopf résumait l'effondrement de l'Etat avec l'exemple du Libéria en ces termes : « non seulement l'Etat est absent dans sa fonction d'ordre et de légitimité mais la société a volé en éclats, la nation est fragmentée, la population dispersée et l'économie en ruine. De plus, alors que l'Etat est vacant, ni ordre, ni pouvoir, ni légitimité ne sont transmis à des groupes (même si plusieurs organisations existantes pouvaient évoluer dans ce Sens). La réalité et le symbole du pouvoir sont tous deux à qui veut les prendre parmi les factions armées qui se combattent »12(*) .Eu égard à ces précisions, il importe de mettre l'accent sur la destruction des bases socio juridiques.

Paragraphe 2 : La destruction des bases socio juridiques

Outre la destruction des bases institutionnelles, les conflits identitaires produisent souvent deux autres résultats essentiels : le découpage de l'espace géo humain en « zones d'influence diverses » ou morcellement du territoire (A) et l'éclipse des pouvoirs publics au profit des pouvoirs de fait (B).

A : Le morcellement du territoire

Sur le plan militaire, les principaux affrontements générés par les différentes sphères et phases conflictuelles aboutissent souvent à diviser le territoire selon plusieurs lignes de démarcation géopolitiques.

De façon générale les conflits identitaires ont entraîné la désintégration de certains Etats. Ainsi dans une telle situation les frontières de la souveraineté de l'Etat sont brouillées, son territoire morcelé en zones contrôlées par le gouvernement et la dissidence armée. Chaque zone disposant de ses propres droits et franchises et gérant de manière autonome ses intérêts diplomatiques, commerciaux, financiers et militaires .En Côte d'Ivoire le conflit a abouti à un partage du territoire. Les rebelles du MPCI contrôlaient un peu plus de la moitié du nord du pays (Bouaké, Korhogo, Katiola, Odienné et Ferkessédougou). Les rebelles de l'Ouest exerçaient un contrôle sur les régions frontalières avec la Guinée et le Libéria. Le gouvernement contrôlait quant à lui la partie côtière, c'est-à-dire Abidjan, Yamoussoukro, Dalao, Agboville, Gagnoa et San Pedro .La ligne de démarcation était contrôlée depuis la signature du cessez le feu du 17 Octobre 2002, à la fois par le gouvernement et les rebelles du MPCI, et par les forces françaises présentes sur le terrain. La ville de Bouaké (deuxième ville du pays avec plus de 560.000 habitants), est rapidement devenue un point avancé dans le dispositif de déstabilisation des institutions et des structures de l'Etat ivoirien.

Appelée capitale des populations d'ethnie Baoulé, Bouaké fut sous le contrôle des forces armées des forces nouvelles dès le déclenchement du conflit de 2002et ce, jusqu'en 2007.

Les rebelles du MPCI ont tenté de s'organiser et d'asseoir leur autorité sur le territoire dont ils étaient maîtres dans le Nord du pays. Ainsi, ils délivraient des laissez -passer portant l'entête et le cachet du MPCI. De plus, ils avaient établi des centres d'opération dans la plus part des localités q'ils contrôlaient : « sortes d'état- major » dans les villes occupées par les rebelles, ces centres étaient installés dans les casernes militaires, les brigades de gendarmerie ou encore dans les bureaux de préfecture.

A ces nombreux fractionnements s'ajoute la mutation de la division administrative organique institutionnellement établie vers une redistribution géo humaine à base communautaire provoquée par le conflit. En effet, les structures de l'administration centrale de l'Etat et les collectivités locales qui recouvraient un espace géographique dont le tissu social était pluricommunautaire vont subir de profonds changements morphologiques. Les combats et affrontements fortement empreints de l'animosité ethnique entraînent des transferts de population dans le sens d'une homogénéisation communautaire.

La Somalie ne fait plus la une de l'actualité et pourtant ce pays connaît aujourd'hui des processus de déstructuration géopolitique parmi les plus acharnés qu'ait connu le XXè siècle. L'ancienne Somalie n'existe plus et a laissé la place à cinq ou six entités contrôlées par les factions rivales qui chacune bénéfice d'appui de pays de la région ainsi que l'aide des grandes puissances. En une vingtaine d'années, le monde somalien sera ainsi passé d'un pansomalisme armé et agressif à une parcellisation clanique tout aussi armée, offrant un exemple assez rare de la disparition d'un Etat en même temps que d'un chaos social profond alors même que l'ensemble des populations est d'une grande homogénéité ethnique. Il faut certainement trouver la raison dans le fait que la société somalienne, malgré les discours officiels, n'a jamais atteint le stade d'Etat-nation consolidé .De ce fait l'implosion sociale a entraîné une anarchie géopolitique dans une zone hautement stratégique.

Au libéra, en 1990, date de la première intervention de l'ECOMOG, et Octobre 1992, le territoire libérien était partagé en deux zones. L'une, sécurisée par les casques blancs de l'ECOMOG autour de Monrovia, était en théorie administrée par les institutions de transition patronnées par la force d'interposition sous-régionale .Ainsi le mandant de l'Intérim Government of National Unity (IGNU) et de son successeur à partir de 1994, le Liberian National Transition Government (LNTG), restait limité à la région de Monrovia, et cela, uniquement grâce au soutien de l'ECOMOG. Le reste du pays était aux mains du NPLF, qui créa alors son propre gouvernement à Gbarnga, dans le centre du pays. En 1992, année où l'étendue de ses conquêtes a culminé, Taylor maîtrisait donc la majeure partie du territoire du Libéria, une partie de la Guinée et de la Sierra Léone, dans une entité dite « Grand Liberia », dont le centre était situé à Gbarnga. Le territoire de Taylor pouvait se prévaloir de détenir sa propre monnaie et son propre système bancaire, un réseau de radio et télévision, des terrains d'avions et jusqu'à 1993, son propre port.

Ces développements démontrent la pertinence analytique limitée de la dichotomie Etat- société ou d'autonomie de l'Etat nécessaire pour la création de bureaucraties prévisibles et efficaces. Ainsi au cours de ces conflits, les pouvoirs centraux (ou les instances censées tenir un tel rôle) ont-ils été incapables de contrôler l'ensemble du territoire national. Les conflits identitaires ont tendance à mettre en jeu des Etats sans contrôle efficace sur leur territoire. C'est dire donc que des mouvements d'insurrection peuvent exercer un contrôle efficace sur les territoires situés de part et d'autre et de ce fait favoriser la multiplication des pouvoirs de fait.

B- La multiplication des pouvoirs de fait

La rupture de l'idée de droit en paralysant l'Etat et ses institutions cède le champ des prérogatives de la puissance publique aux pouvoirs de fait. A l'ordre public sera substitué l'équarrissage du territoire entre les innombrables formations armées qui,selon leur importance ,étendront chacune leur autorité soit sur quelques quartiers seulement à l'intérieur de certaines de certaines villes ,soit sur des régions plus étendues lorsque ce phénomène coïncide avec la redistribution communautaire de l'espace. Ainsi on assiste à la partition du territoire étatique en différents « fiefs » contrôlés par des seigneurs de la guerre qui se suppléent à l'Etat et font main basse , dans les zones qu'ils contrôlent,sur les circuits économiques et développent leurs propres normes sociales et pratiquent administratives. Dans les régions contrôlées par les gouvernements ,généralement la capitale et les villes proches ,la corruption devient une règle d'administration publique. Aux yeux des factions et des chefs militaires, l'Etat devient une fiction que l'on subit et dont on cherche à tirer profit. Dans la logique de la contagion des conflits, les frontières poreuses et fictives sont devenues de véritables passoires pour tous les mouvements rebelles. De fait les Etats voisins empiètent sur la souveraineté de l'Etat en décomposition en s'ingérant directement dans la politique .A cet égard on note de plus en plus une intervention directe d'Etats africains dans ces conflits soit pour aider les pouvoirs en place soit pour appuyer les groupes rebelles ou insurgés.

Le Congo fournit l'exemple le plus symptomatique avec l'implication de huit Etats africains dans ce conflit.

Par ailleurs, les conflits identitaires ont débouché sur l'avortement du projet démocratique amorcé au sein des Etats. Des «  principautés militaires » ont vu le jour au Rwanda, et en Ouganda avec comme caractéristique principale l'usage récurrent de la force dans la mise en oeuvre de leurs stratégies politiques internes et externes. Dans le cas du Libéria, certains auteurs vont jusqu'à identifier un « Etat fantôme » (shadow state), qui remplit un certain nombre de fonctions étatiques sans en assumer les obligations. Ainsi le NPLF de Taylor a-t-il cherché à assumer des responsabilités étatiques officielles, en se dotant d'une constitution, des ministères, d'une monnaie.

Ces conflits fragilisent considérablement l'autorité centrale dans bien des pays.

La perte de l'Etat du monopôle de la violence a mis à nu la faiblesse de construction étatique. Les conflits identitaires sont d'autant plus menaçant qu'il s'agit le plus souvent de conflits mettant aux prises des fronts ou des milices souvent indisciplinés qui dérivent à l'occasion vers le banditisme, pratiquent la prise de butin, enrôlent des enfants, s'en prennent aux civils sans défense et n'hésitent pas à recourir aux formes extrêmes de violence, au pillage de l'aide humanitaire provoquant ainsi le déplacement des populations. Bref la population est devenue l'otage d'un groupe.

De façon générale on peut retenir que les conflits identitaires constituent aujourd'hui des facteurs aggravants de déstabilisation de l'unité des Etats. En effet, le conflit identitaire est perçu comme la manifestation de la fragmentation politique, le résultat de la désintégration ou de la reconfiguration d'entités politiques .Dès lors, il urge de réfléchir sur la meilleure manière d'user de l'identité pour qu'elle ne soit plus un obstacle mais plutôt un élément de renforcement et de consolidation de l'unité de l'Etat.

CHAPITRE 2

Chapitre2 :L'utilisation des identités comme moyens de renforcement de l'unité de l'Etat

La reconstruction de l'Etat domine la préoccupation des entités africaines, depuis surtout le lancement du renouveau démocratique. Le succès de ce processus est lié aux types de remèdes apportés aux causes de l'effondrement des systèmes politiques et de l'autorité de l'Etat. Dans ces pays issus de la colonisation, les identités sont souvent indexées comme l'un des obstacles majeurs au fonctionnement de la société.

L'option levée dans la plupart de ces Etats est celle du rejet des identités qualifiées de source de tensions et de conflits. L'édification de l'Etat parait à l'opposé de toute reconnaissance de la participation des groupes identitaires à l'exercice du pouvoir.

Ce rejet se concrétise souvent dans les différentes constitutions organisant le pouvoir de ces pays. Les groupes identitaires n'acceptent pas non plus cette mise à l'écart d' où l'éclosion des conflits identitaires. Ainsi c'est cette résistance qui donne aux hommes politiques l'opportunité d'exploiter le phénomène identitaire comme moyen d'accession, d'exercice et de conservation du pouvoir.

Cette utilisation politicienne des identités explique les tensions et les conflits divers qui émaillent l'histoire du continent.

Eu égard à cette situation, les Etats cherchent des voies et moyens de leur nouvelle édification. Dès lors, il convient de se questionner sur la meilleure manière d'user de l'identité pour qu'elle ne soit pas un obstacle mais un appui à la consolidation de l'unité de l'Etat.

La diversité des groupes ethniques, religieux ou linguistiques dans un pays peut représenter sans doute une assurance, sinon contre les conflits identitaires, du moins contre le risque qu'ils dégénèrent en guerre civile. Et quand celle-ci a lieu malgré tout, cette diversité peut y jouer un rôle modérateur.

Ce n'est pas, comme on le pense souvent l'hétérogénéité culturelle, linguistique ou religieuse qui est dangereuse pour la paix civile ; c'est le refus d'accepter cette hétérogénéité et la volonté de réduire à un seul affrontement entre deux groupes homogènes la diversité des groupes, des intérêts et des conflits qui existent normalement dans une société.

Ainsi, il nous semble que l'utilisation des identités comme moyens de renforcement de l'unité de l'Etat passe nécessairement par la reconnaissance et la participation des groupes identitaires à la gestion des affaires publiques (section1) et par le développement de stratégies destinées à submerger les identités locales au profit d'une identité nationale dominante (section2)

Section1 : La reconnaissance et la participation des groupes identitaires à la gestion des affaires publiques

La reconnaissance et la participation des groupes identitaires à la gestion des affaires publiques constituent en réalité un gage pour la préservation de la paix et de l'harmonie sociale .En effet lorsque les groupes de population minoritaires sont assurés de leurs droits ,lorsqu'ils peuvent participer pleinement à la vie politique ,économique et sociale de leurs pays,lorsque leur apport culturel est reconnu ,ils acquièrent alors le sentiment de sécurité indispensable à l'élimination de la tension et des conflits entre groupes identitaires.

Nous allons donc mettre l'accent successivement sur la reconnaissance des identités dans l'affirmation de l'Etat-nation (paragraphe1) et la participation des groupes identitaires à la gestion des affaires publiques paragraphe2).

Paragraphe1 : La reconnaissance des identités dans l'affirmation de l'Etat-nation

Cette reconnaissance passe nécessairement par la prise en compte des spécificités propres à chaque groupe identitaire (A) et par l'éducation à une culture citoyenne (B).

A- La reconnaissance des spécificités propres à chaque groupe identitaire

S'il est une spécificité qui est irréductible aux sociétés africaines d'hier et d'aujourd'hui, c'est bel et bien la reconnaissance de la diversité des nations ou des peuples, des langues, des cultures, des territoires etc.

Certes la colonisation européenne a détruit systématiquement les appareils de l'Etat multinational et balkanisé les nations et les territoires correspondants. Mais elle a créé de toutes pièces, une multiplicité d'entités politiques chevauchant une multitude de nationalités dont la superposition complexifie encore la situation d'antan.

Ainsi dans de telles circonstances, il va de soit que la volonté de vivre ensemble est liée au respect de l'autre, tel qu'il est selon sa culture. Tel est le postulat qui a conduit à la création, par les sociétés plurales, du droit à la différence, pour utiliser le langage d'aujourd'hui.

Celui-ci est à la fois un droit de l'homme et un droit des peuples car il reconnaît à toute personne humaine et à toute nation ethnique, le droit de pratiquer sa langue, sa religion, sa culture, de revendiquer son appartenance national-ethnique et de la défendre s'il y a lieu.

C'est dire donc que l'unité nationale doit être fondée sur l'égalité et le respect mutuel, la tolérance et l'interdépendance des différentes communautés, la lutte contre le tribalisme et la géopolitique. C' est pourquoi la démocratisation de la société, qui privilégie la loi du plus grand nombre, ne peut ignorer les droits des minorités.

L'identité culturelle de chaque communauté doit être reconnue et préservée en d'un enrichissement mutuel .A cet égard l'assemblée générale des nations unies a adopté le 16 décembre 1966 ,le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l'article 27 dispose que :  « dans des Etats où il existe des minorités ethniques ,religieuses ou linguistiques,les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir avec les autres membres de leur groupe leur propre culture ,de professer et de pratiquer leur religion ,ou d'employer leur propre langue ». Ainsi force est de constater que la reconnaissance des spécificités propres aux groupes identitaires constitue à bien des égards une condition « sine qua non» à l'édification d'une véritable nation. Toutefois, il y a lieu de préciser que la prise en compte de ces spécificités se doit d'être globale et non exclusive les uns des autres, pour favoriser un dialogue au sein des Etats africains.

Le refus du droit aux différences ethniques, religieuses ou linguistiques se révèlent être l'une des erreurs les plus lourdes de conséquences héritées du passé politique de l'Afrique .Ce refus de la différence est en effet allé de pair avec une répression qui, partout a abouti à des conflits .Ainsi la force du lien ethnique, religieux, linguistique est un facteur décisif qu'il faut se garder de sous-estimer d'où la nécessité d'une culture citoyenne.

B- L'éducation à une culture citoyenne

La démocratie ne se réduit pas à un jeu d'institutions. Elle est d'abord et avant tout, une certaine vision de la condition humaine. C'est la vision en vertu de laquelle l'homme est tenu pour apte à gérer sa condition d'être libre, c'est la question de la construction de la citoyenneté.

La citoyenneté est une notion importante dans la mesure où elle définit les éléments constitutifs d'un Etat démocratique et indique les relations entre le pouvoir de l'Etat et les individus. Selon Malcom Waters13(*), elle explique clairement les procédures et les différentes pratiques définissant les relations entre l'Etat-nation et ses composantes individuelles .La citoyenneté suppose non seulement la disparition progressive de l'utilisation arbitraire du pouvoir de l'Etat, mais également la relégation de ce que l'on a appelé « la démocratie pro forma », dans laquelle les citoyens « normaux » sont dirigés par des soi-disant partis de masse ,des partis uniques nationaux, des mouvements nationaux de libération etc. ayant à leur tête des dirigeants autocrates qui définissent et leur imposent un comportement particulier. IL nous semble que la démocratie devrait être liée aux droits du citoyen à vivre ses propres aspirations et programmes.

La citoyenneté pensons -nous, ce n'est pas seulement un statut juridique qui crée des droits et des devoirs, elle est aussi, et surtout un mode de division du travail politique .A ce titre, elle implique un certain type de comportements fondés sur la tolérance, la modération et la participation volontaire aux débats politiques.

C'est pourquoi, nous pensons qu'à la suite de Guy Hermet que « c'est la pratique de la citoyenneté qui fait le citoyen, non l'introuvable citoyen préfabriqué qui imposerait la citoyenneté »14(*). C'est dire que la citoyenneté exige une certaine culture, une culture démocratique. Et cette culture citoyenne se révèle plus que nécessaire dans les pays africains. Le problème de la citoyenneté c'est que, même si elle définit les conditions d'une égalité formelle, elle structure et institutionnalise les inégalités reproduites socialement.

Waters montre par exemple que dans les sociétés capitalistes :

« la citoyenneté subdivise la société en plusieurs individus souverains et les réintègre dans une nation .Les relations d'inégalité de classe ou de statut sont évacuées, et une structure ainsi q'une idéologie d'objectifs communs sont superposées »15(*).La construction de la citoyenneté nécessite donc ,part conséquent ,une lutte de tous les instants contre les privilèges dont bénéficient certaines classes et certains groupes ,du fait du contrôle qu ils exercent sur les ressources et /ou le pouvoir . On peut donc affirmer que la citoyenneté exige une plus grande considération pour les droits des peuples ou des minorités. Faute de quoi les minorités seront toujours tentées de se replier derrière les identités telle que l'ethnie, or une démocratie ne saurait se bâtir et s'édifier sur une ethnie, mais sur la citoyenneté et l'adhésion aux valeurs républicaines .Seulement cette éducation à une culture citoyenne pour gagner en crédibilité doit être menée par un gouvernement légitime.

De ce fait au-delà de la reconnaissance des identités dans l'affirmation de l'Etat-nation, il appartient aux gouvernants d'assurer la participation des groupes identitaire à la gestion des affaires publiques.

Paragraphe2 : La participation des groupes identitaires à la gestion des affaires publique

Deux axes peuvent être explorés : le recours à la décentralisation (A) et représentativité des groupes identitaires au niveau du pouvoir central (B).

A- Le recours à la décentralisation

La décentralisation se présente aujourd'hui comme une évidence généralisée dans la plupart des régions du monde .Ainsi, cette forme d'organisation du pouvoir qui est censée exister dans tout Etat démocratique quelle que soit sa forme -unitaire ou fédérale -, peut être considérée comme une modalité de prévention des conflits. Elle permet en effet à des citoyens de participer à la base à la gestion des affaires publiques et de se sentir concernés par le devenir de leur Etat. De ce point, l'objectif de la décentralisation est de garantir la démocratie, l'égalité et la concurrence loyale des citoyens, la pluralité et la libre expression de leur diversité, le maintien de l'ordre publique et de la cohésion sociale.

Les collectivités locales apparaissent ainsi comme de mécanismes institutionnels intermédiaires, des structures -relais de promotion et de sauvegarde du dialogue sociale et de la démocratie. Cependant il est vrai que dans la plupart des pays africains, les problèmes liés à l'insuffisante alphabétisation des ruraux, à la faiblesse des finances locales, à la géographie administrative, limitent la portée de la décentralisation. Néanmoins, force est de reconnaître que par l'organisation d'élections libres et transparentes, les populations ont le sentiment de maîtriser leur destin et ont ainsi un dérivatif à la violence.

La décentralisation n'est pas, il est clair un antidote contre la violence mais contribue à la prévenir .Elle permet surtout de prendre en compte des particularismes régionaux et de leur conférer la possibilité de s'exprimer. A cet égard la décentralisation pourrait constituer une solution aux multiples problèmes de sécession qui se posent à de nombreux pays.

En effet les populations d'une région, d'une commune urbaine ou d'une communauté rurale pourront mieux résoudre leurs problèmes à travers la décentralisation.

Au Mali, en 1972, une sécheresse persistante s'installe dans la zone sahélienne. Ainsi les populations du nord, qui sont des éleveurs transhumants, perdent leur cheptel, symbole de richesse économique et culturelle. La solidarité nationale est bien en deçà des attentes des populations. Les jeunes, en particulier, se retrouvent sans occupation génératrice de revenus et sans perspective d'avenir. Des milliers de jeunes Touaregs émigrent alors vers la Libye où ils sont enrôlés dans la Légion islamique et reçoivent une formation militaire et idéologique.

Tous ces facteurs donnent aux populations du Nord un sentiment d'abandon par l'Etat, ce qui favorise l'émergence d'un mouvement irrédentiste animé essentiellement par des jeunes qui déclenchent des opérations militaires à partir de 1990. La réponse est une répression violente et aveugle. Les régions du Nord sont pratiquement sous état de siège. Mais cette option militaire s'avérant inopérante, le gouvernement est obligé de négocier.

Ces négociations interviennent dans un contexte où les Maliens se sont débarrassés du régime militaire en mars1991 et sont engagés dans un débat national pour construire un état de droit et approfondir la démocratie. Dès le mois d'avril 1992, le Pacte national de paix avec les Touaregs est signé, promettant la fin de cette rébellion qui a entraîné l'exil de centaines de milliers de Touaregs maliens. Le Pacte National recommande l'intégration des ex-rebelles dans les services publics et dans les activités socio économiques, l'allégement du dispositif militaire dans les régions du Nord, mais surtout la mise en oeuvre du programme de décentralisation avec un statut spécial pour les régions du Nord etc.

Au cours des négociations, les éléments de la rébellion obtinrent du gouvernement le principe d'un traitement spécial intérimaire de leurs régions. Les instruments d'administration intérimaire mis en place par le Pacte dans cette partie du pays anticipaient la décentralisation. En effet, au plan institutionnel, ils mettent en place dans les différentes circonscriptions de base, les arrondissements, un Comité Transitoire d'Arrondissement (CTA) qui associe à la gestion locale des parties concernées les populations à travers leurs leaders communautaires. Les collèges transitoires d'arrondissements ont été dans le Nord Mali une première forme de responsabilisation des communautés dans la gestion de leurs affaires.

La décentralisation, assurant aux communautés rurales et urbaines des pouvoirs très importants d'auto administration, d'autogestion et d'autopromotion, répond ainsi correctement à une revendication fondamentale des rebelles. Cette décentralisation signifie alors une plus grande déconcentration du pouvoir en faveur des régions du Nord par rapport au pouvoir central.

En réalité le Nord sera le premier terrain d'expérimentation de la politique de décentralisation au Mali, qui plus tard sera étendu à l'ensemble du pays.

Par ailleurs, il ne serait pas inutile de rappeler que le conflit casamançais avait occasionné une politique de régionalisation même si une telle politique ne s'est pas révélée très concluante.

Aujourd'hui avec la fin de l'Etat de providence, l'heure est venue de responsabiliser les autorités locales pour répondre aux besoins des populations rurales, en les associant de plus en plus à la résolution des problèmes qui les concernent.

L'Etat doit donc accorder une réelle autonomie aux collectivités locales, tout en leur apportant le soutien logistique, matériel et financier dont elles pourraient avoir besoin.

La réussite de la décentralisation dépend en grande partie de l'engagement politique des gouvernements, sans une volonté politique clairement exprimée, elle risque de rester toute théorique. En outre, la représentativité des groupes identitaires au niveau du pouvoir central doit être une des préoccupations des Etats en vue d'assurer l'harmonie et la paix sociale.

B- La représentativité des groupes identitaires au niveau du pouvoir central

Dans les sociétés où il existe plusieurs groupes identitaires, il importe que les institutions assurent la représentativité et la visibilité de tous les peuples formant la mosaïque. On aboutira alors, comme le dit Jacques Eseng Ekeli à un Etat plus légitime, plus efficace et plus sûr, « un Etat de droit qui ne peut évidemment prospérer qu'à condition que la population se reconnaisse en lui, ce qui suppose la constitution d'une image nationale suffisamment consistante  ». La présence des représentants des groupes minoritaires dans les structures de l'Etat notamment au niveau du pouvoir central accroîtrait la représentativité et la légitimité de celles-ci, et empêcherait aux leaders politiques de mener leur combat au nom des identités.

De la sorte, le leadership politique serait séparé du leadership ethnique, religieux ou régional pour atténuer les tensions et les conflits au sein de l'Etat.

La recherche du mode d'intégration des communautés identitaires au niveau du pouvoir central exigerait de l'Etat, de concevoir un régime politique sui generis correspondant à sa réalité sociale et historique.

Pour ce qui concerne les particularismes ethniques plus particulièrement, seule leur prise en compte au niveau du pouvoir central permet de les surmonter efficacement.

Au Burundi, le facilitateur Nelson Mandela a eu, pour surmonter le clivage ethnique entre tutsis et hutus, à proposer une formule originale de partage du pouvoir, retenue dans l'accord de paix signé par les belligérants le 28 mai 2000à Arusha (Tanzanie).

Dans cet Etat, le vote des populations avait une orientation ethnique : chacune des communautés votant pour les candidats issus de ses rangs. Or les hutus étant le groupe numériquement le plus important, on arrivait à une impasse dans la mesure où les tutsis (environ 13% de la population) détenaient le pouvoir et tous les postes de commandement dans l'armée et n'entendaient pas être marginalisés dans la conduite des affaires du pays.

Le partage du pouvoir prôné par Nelson Mandela prévoyait, outre l'intégration des rebelles dans l'armée burundaise, une période transitoire de trente mois au cours de laquelle le pouvoir serait partagé entre les différentes composantes ethniques. La longueur cette transition avait pour but de donner du temps aux différentes parties pour se faire confiance.

Au demeurant, cette solution appliquée au Burundi a été essayée pour la République Démocratique du Congo (R.D.C), bien que le contexte soit différent. En R.D.C, le clivage entre factions soutenues par l'Ouganda, Mouvement de libération du Congo (M.L.C) le Rwanda, Rassemblement Congolais pour la Démocratie (R.C.D.) et le gouvernement de Kinshasa ne recoupe pas des divisions ethniques mais des conflits d'intérêts. Le partage du pouvoir (présidence de la République pour Kabila, primature pour le M.L.C.) arrêté à Sun City (Afrique du Sud) le 19 avril a suscité des réserves de la part de l'opposition non armée et du R.C.D. Mais le partage du pouvoir ne peut être une formule approprié de sortie de crise que sous certaines conditions :

-Lorsqu'une solution militaire n'est pas en vue ;

-Lorsque le dialogue a pu s'instaurer ;

-Lorsque les factions ne sont pas trop nombreuses.

Ainsi le partage du pouvoir ne doit pas être une finalité, mais un moyen pour rapprocher suffisamment les différentes composantes de la nation afin que le suffrage des électeurs ait un sens. Par ailleurs ce rapprochement des différentes composantes de la nation nécessite également qu'il ait des stratégies destinées à submerger les identités locales au profit d'une identité nationale dominante.

Section2 : Les stratégies destinées à submerger les identités locales au profit d'une identité nationale dominante

L'identité n'est par nature ni bénéfique, ni défavorable au système politique et social dans son ensemble. Tout dépend des stratégies et des modes d'articulation aux institutions étatiques qui seront choisis.

Elle peut en effet être à la fois un instrument d'intégration dans des espaces identitaires plus larges et non exclusivistes ou un instrument d'exclusion ,de marginalisation et de déstructuration sociale dans des cadres institutionnels n'autorisant pas et ne parvenant pas à valoriser la multiplicité des allégeances .

Ainsi, pour favoriser l'émergence d'une identité nationale au détriment des identités locales, deux stratégies méritent d'être privilégiées à savoir la construction de la cohésion et de l'harmonie au sein de la société (paragraphe 1) et l'appropriation légitime des ressources (paragraphe2).

paragraphe1 : La construction de la cohésion et de l'harmonie au sein de la société

Il sera ici question d'étudier successivement la parenté à plaisanterie en tant que pratique africaine au service de la paix (A) et le mécanisme de l'arbre à palabre (B).

A- La parenté à plaisanterie : une pratique africaine au service de la paix

A l'analyse des traditions orales, tout laisse à croire que les relations entre peuples voisins étaient d'abord régies par les conflits dont les souvenirs restent vivaces dans les traditions de ces peuples.

A la suite de relations constamment conflictuelles, des alliances sont scellées et ont généré en lieu et place des premières, des relations d'amitié, prenant parfois l'allure de parenté. Ces alliances ont parfois abouti à un réseau complexe d'alliances, de solidarité et de fraternité (réelle ou fictive) concrétisées dans le système de parenté à plaisanterie.

L'alliance à plaisanterie peut être définie comme un ensemble de relations sociales fondées sur le principe de la paix et de l'assistance mutuelle des peuples engagés. Autrement dit il s'agit d'une pratique sociale, observable dans toute l'Afrique occidentale, qui autorise, et parfois même oblige, des membres d'une même famille (tels que des cousins éloignés), ou des membres de certaines ethnies entre elles, à se moquer ou s'insulter, et ce sans conséquence ; ces affrontements verbaux étant en réalité des moyens de décrispation sociale. La parenté à plaisanterie apparaît donc comme un facteur de rapprochement des groupes ethniques antérieurement opposés. Les alliances à plaisanterie engagent donc dans une même histoire, des groupes géographiquement séparés, des sociétés culturelles différentes. Elles brisent de ce fait les cloisons et les barrières psychologiques entre ethnies. A cet égard ces alliances à plaisanterie sont un instrument de paix, certains y voient même les bases de la nation sénégalaise, bases jetées bien avant la colonisation. Elles ont parfois résisté au temps (les périodes coloniale et post-coloniale) pour continuer à fonctionner, notamment dans les campagnes, et même dans des milieux urbains, ce malgré l'instauration de nouvelles structures sociopolitiques ou de cadres institutionnels. Ces alliances restent fonctionnelles dans le règlement de certaines crises entre individus de groupes différents et alliés, ce dans un cadre relativement restreints bien entendu .En effet elles constituent l'une des premières réponses que les populations ont dû trouver face à la permanence ou à la menace de conflits ethniques. Elles devaient régir les cohabitations entre groupes d'origines différentes, préserver la paix entre eux et favoriser l'intégration des différents groupes ou de leurs membres dans un cadre plus large : sous -régions, régions, pays. En effet, en plus de l'interdiction de conflits entre alliés au nom de celles-ci aucune sanction ne devait punir quelque faute commise par un membre d'un groupe allié au détriment d'un autre de l'autre groupe allié. Des précautions étaient donc prises car une faute commise dans ce cadre était ressentie par le groupe fautif comme une malédiction, un danger.

Eu égard à ces précisions, il est donc loisible de noter que nous trouvons dans nos traditions des normes et des mécanismes établis depuis des âges et qui peuvent favoriser la paix, l'unité et la communion et de ce fait prévenir les conflits identitaires qui ronge le continent. C'est sans nul doute dans une telle perspective qu'on peut apprécier l'importance de la parenté à plaisanterie qui contribue efficacement à la prévention desdits conflits. En effet, il s'agit d'une pratique traditionnelle au service de la paix dans la mesure où elle instaure un système de gestion de la diversité qui déborde les clans, les ethnies, les castes et les âges. En outre elle garantie la dignité de l'autre en toute circonstance car la règle d'or est de ne jamais nuire. Pour dire vrai, la parenté à plaisanterie est un sujet d'expertise nationale, élément d'un phénomène transnational pouvant servir utilement la paix en afrique. Au delà de l'étude de la parenté à plaisanterie il y a lieu maintenant de s'intéresser au mécanisme de l'arbre à palabre qui constitue également un mode traditionnel de règlement des conflits qui mérite d'être vulgarisé en vue de favoriser l'harmonie et l'entente dans les Etats secoués par les conflits identitaires.

B- Le mécanisme de l'arbre à palabre

Toute société connaissant des conflits politiques, identitaires ou socio-économiques, les sociétés africaines traditionnelles n'étaient pas en reste et les résolvaient sous l'arbre à palabre.

En effet, conscientes de l'opacité naturellement liée au pouvoir, à cause de la sacralité, les sociétés plurales précoloniales firent du débat d'idées sur toutes les questions de vie ou de mort, un impératif juridique.Ils l'institutionnalisèrent sous forme d'assemblée, désignée par la symbolique de l'arbre à palabre. Ses acteurs étaient des représentants des communautés villageoises, claniques, lignagères, ethniques etc. dûment désignés et mandatés, en fonction de leur intégrité intellectuelle et morale.

Entre autres vertus, ce débat se déroulait dans la tolérance absolue des opinions contraires et en public, afin que « nul ne soit sensé ignorer la loi », comme dirent quelques siècles plus tard les contemporains. En outre les parties en conflit avaient l'occasion d'user de leur liberté d'expression pour défendre leur point de vue, mais toutes devaient se plier à la décision finale. En réalité souligne Mamadou Dia «  en Afrique noire, le juge traditionnel cherche davantage à rapprocher les points de vue qu'à trancher par le livre  »16(*) En effet en droit comme en politique les africains recherchent souvent l'unanimité et sont prêts pour cela à engager des discussions qui peuvent paraître interminables. En fait l'unanimité n'était pas acquise, il s'agissait d'un simple consensus dont l'obtention était saluée par des chants et danses prouvant que les parties étaient d'accord pour préserver l'harmonie et l'entente. Si l'on ne pouvait dire qu'il n'y avait ni vainqueur ni vaincu, tout au moins, il est possible d'affirmer que les disparités entre parties étaient tout à fait minimes après le jugement.

La démarche consensuelle entreprise pour résoudre ces conflits a été soulignée par Julius K. Nyéréré dans la célèbre formule : « the elders sit under the big tree and talk until they agree »  17(*)

La fonction judiciaire moderne est aux antipodes de telles préoccupations. Sa mission est de dire le droit sans se préoccuper des conséquences. Ici, l'harmonie et l'entente sont le résultat du respect par chacun de la règle de droit. Le caractère général et impersonnel de celle-ci, malgré le caractère démocratique de son mode de formation camoufle souvent des intérêts personnels. Si la contestation est permise, elle ne peut se faire que dans un formalisme étroit et la sanction de la norme qu'en fonction d'une lecture d'autres normes prises en référence. Dès lors, il nous parait essentiel de réhabiliter le mécanisme de l'arbre à palabre en vue de prévenir et de résoudre les conflits identitaires qui secouent l'Afrique. Ce système dégage un rôle pour les chefs coutumiers dans la promotion de l'unité nationale et le fonctionnement normal de l'État. Si le chef de l'État est au-dessus de la mêlée, les chefs coutumiers peuvent être au centre des liens entre le Parlement, le Sénat et le gouvernement comme organe de «palabre». Cet organe assure le règlement politique des conflits. Il ne remplace pas les juridictions judiciaires moins encore la Cour constitutionnelle, mais assure la restauration de l'harmonie dans le fonctionnement de l'État. En tant qu'organe de l'État, la «palabre» dirigé par un chef coutumier se tient quand le besoin se fait sentir. Le président de la «palabre» peut avoir un mandat et doit être désigné par ses pairs. Elle est une instance de communication qui dédramatise la conflictualité au moyen des proverbes, des contes, des paraboles, des symboles et des chansons.

L'organe «palabre» peut être considéré comme fondé sur la tradition africaine. Elle est un espace public de discussion qui fonctionne comme un système de coopération au sein duquel les membres de la société opèrent ensemble. La raison d'être de la «palabre» n'est pas la sanction ou la justice mais de renouer la relation au sein des organes de l'État afin de faire triompher l'harmonie et la paix.

La présence de l'organe «palabre» se nécessite du fait qu'une société multiethnique et multipartite comme le Congo peut difficilement éviter le conflit. Néanmoins, ce dernier ne doit pas être source de blocage du fonctionnement de l'État mais doit plutôt contribuer à son progrès. De ce fait, il est important qu'un de ses organes poursuive la réconciliation permanente comme son objectif.

La «palabre» permet d'arrêter l'usage stérile ou négatif de la violence par la discussion et le symbolisme du sacré. Il fait disparaître l'État jacobin au profit d'un État qui reconnaît et intègre les particularités, la diversité en son sein.

La spécificité de la «palabre» nécessite la réhabilitation du pouvoir traditionnel, incarnation de la sagesse et du symbolisme africain. À ce titre, un chef coutumier entouré de ses paires peut prendre la direction de cet organe avec l'assistance de quelques intellectuels. Ces derniers ont pour fonction de traduire dans le langage moderne (écrit) les pensées et les discours de ces chefs coutumiers, étant donné que la tradition africaine est basée sur l'oralité.

Par ailleurs, il ne serait pas inutile de rappeler que la leçon de l'histoire est que les conférences nationales souveraines et autres forums démocratiques, se sont inspirés de l'esprit de l'arbre à palabre, en choisissant la conférence, le débat, le dialogue comme espace de fondation du changement démocratique et non le champ de bataille ou de la violence, comme l'atteste la théorie de la révolution dans l'expérience européenne de l'Etat national. Par ailleurs en dehors de la construction de la cohésion et de l'harmonie au sein de la société, l'appropriation légitime des ressources doit être instaurée en principe.

Paragraphe 2 :L'appropriation légitime des ressources

La démocratie ne doit pas s'entendre comme la simple organisation régulière d'élections. Les conditions d'accès aux ressources économiques constituent un facteur important dans le déclenchement des conflits identitaires. C'est pourquoi, il est nécessaire avant de faire état de l'exigence de la gestion transparente des biens publics, de procéder à quelques développements sur la dimension économique des conflits identitaires.

A- L a dimension économique des conflits identitaires

En Afrique tous les conflits identitaires ont une dimension économique : soit la répartition inégale des richesses en constitue le mobile, soit l'appropriation des ressources économiques constitue un moyen pour accéder un pouvoir.

La répartition inégale des ressources au sein d'un Etat peut amener certaines composantes de la population à une prise de conscience, puis à une mobilisation pour mettre fin à cette situation. Dans bien des cas, l'appropriation des ressources est faite par quelques personnes, une ethnie ou une race ou une région géographique.

Dans certains Etats africains, certaines personnes peuvent s'approprier la quasi-totalité des ressources de la nation alors que la majorité de la population vit dans une misère intolérable .Ainsi, au Zaïre, la fortune du président Mobutu avait atteint quatre (04) milliards de dollars dans les années 1993alors que les fonctionnaires restaient plusieurs mois sans salaires. Celle du président Eyadéma du Togo gardée en Suisse en 1979 se chiffrerait à quatre-vingt dix milliards de francs CFA18(*).

Ces sommes vertigineuses sont d'autant plus inquiétantes que l'ancien président du Burundi Jean Baptiste Bagaza confessait qu'il n'avait connu que cinq chefs d'Etat africains intègres : « Messieurs Kaunda, Mugabe, Museveni, Nyerere, et Sankara  »

Cette accumulation de richesses pourrait s'expliquer par la position centrale des chefs d'Etat dans les systèmes politiques africains qui leur confère une fonction de redistribution. Dans les systèmes non démocratiques l'argent sert à entretenir une clientèle plus ou moins vaste et de perpétuer le régime politique, le pouvoir personnel du chef de l'Etat.

Les masses pourraient être considérées comme des complices mais le rapport avec l'argent dans les sociétés africaines est complexe. Il est devenu une valeur référentielle, « il fascine, il a une connotation magique, une dimension religieuse ». 19(*)

D'ailleurs selon une diction togolaise  «quand l'argent parle, la vérité se tait  ». Mais cette fascination est doublée d'une terreur que ces régimes inspirent, si bien que la collaboration est l'un des meilleurs moyens de survie. La démocratisation des institutions n'a pas pu supprimer ces pratiques. Au contraire la clientèle à laquelle il faut graisser la patte s'est élargie.

Mais dans bien des cas, les richesses nationales sont accaparées par des groupes s'identifiant à leur race, leur religion, leur région ou à une ethnie.

Jean François Bayart estime qu'en 1982, 950 personnes constituaient la classe dirigeante du Cameroun : pays qui est peuplé de 7,5 millions d'habitants. Le même chiffre serait valable pour des pays d'un poids démographique identique comme le Mali, la Côte d' Ivoire ou,moins peuplés comme le Rwanda, le Burundi l'Angola etc.

 Au Libéria, avant le déclenchement du conflit, la minorité noire américaine représentait seulement 4% de la population mais détenait 65% des richesses.

Par ailleurs, les inégalités économiques peuvent également se mesurer entre régions au sein d'un même Etat. Au Nigeria, depuis 1991, le Sud Est (pays Ogoni) proteste pour un meilleur accès aux ressources pétrolières produites dans la région mais distribuées par l'échelon fédéral.

Au Sénégal, la rébellion casamançaise a longtemps utilisé l'argument de la faiblesse des investissements effectués sur place. L'île d'Anjouan a évoqué le même motif pour demander son détachement des Comores. A contrario, on peut constater que la relative, stabilité du Nigeria depuis la sécession biafraise en 1970 serait due à la mise en place d'une  « clé de répartition des revenus de la fédération ... (selon) des critères de démographie et d'égalité entre Etats20(*)  ».

La disparité entre les villes et les campagnes est générale : au Libéria le revenu moyen du citadin en 1976 est de 600 $ par an contre 70 pour le paysan. Une inégale jouissance des richesses nationales peut donc avoir pour conséquence des replis identitaires et des conflits difficilement maîtrisables. Mais l'appropriation des richesses peut être un moyen au service d'une stratégie de conquête ou de conservation du pouvoir. En effet, qu'il s'agisse du Congo, de la République Démocratique du Congo, ou de la sierra Léone, la stratégie des belligérants repose sur le contrôle des zones diamantifères ou des champs pétrolier 21(*)

L'exploitation de ces ressources du sous-sol permet de financer les activités guerrières (achat d'armes et de munitions, solde des troupes et des mercenaires etc.). Il peut s'agir d'une exploitation directe c'est-à-dire faite par le gouvernement ou le mouvement armé : les troupes sont organisées pour exploiter, écouler les ressources naturelles (souvent c'est le cas du diamant). L'exploitation peut se faire indirectement par le biais de compagnies sur lesquelles les Etats ou les mouvements armés prélèvent des taxes substantielles.

Le contrôle des richesses devient un mode de pouvoir (gemmocraties, pétrocraties).

Pourtant les conférences nationales ont focalisé l'attention des populations sur les crimes économiques des dirigeants .Mais leurs manières de faire n'ont pas été approfondies, ni les leçons tirées .De ce point de vue, la transparence dans la gestion des affaires publiques devrait être érigée en principe aussi sacré que la démocratisation des institutions.

B- L'exigence de la gestion transparente des biens publics

Le concept de transparence recouvre l'ensemble des procédures dont la finalité est d'écarter tout enrichissement personnel ou tout favoritisme dans la gestion des affaires publiques (marchés publics, contrats, gestion des sociétés etc.). La publicité des transactions, l'introduction de la concurrence ainsi que la responsabilité politique et pénale des dirigeants pour des délits économiques sont autant de procédés visant à freiner l'accaparement des ressources par une frange de la population.

Mais pour la grande majorité de celle-ci, le manque de moyens de subsistance, c'est-à-dire leur misère enlève à l'Etat son rôle d'intégrateur des différentes composantes de la nation.

La lutte contre la pauvreté est indispensable pour que les populations ne se détournent pas de l'Etat. A cet égard, la création d'institutions chargées de veiller à la transparence devrait être complétée par de solides programmes de lutte contre la pauvreté .La conduite de ces programmes devrait être menée avec la participation la plus large possible des masses. Ce n'est que par la participation, que les couches sociales défavorisées - souvent la majorité de la population -peuvent renouer le lien de leur rapport avec l'Etat. C'est seulement quand ce lien existe que les élections, ultime sanction de l'action des gouvernements, peuvent avoir un quelconque sens.

De plus, la déclaration du patrimoine des gouvernants constituerait un important pas vers la moralisation de la vie publique en Afrique.

Cette déclaration devant les juridictions avant et après l'accès au pouvoir des dirigeants serait de nature à dissuader les comportements néo-patrimoniaux décriés plus haut.

En définitive on peut donc retenir que la promotion de la transparence dans la gestion publique vise à améliorer l'efficacité de l'administration, en réhabilitant un certain nombre de principes et de valeurs tels que la compétence, le mérite, le dévouement, la discipline.

Sous un autre registre on peut également retenir que par delà la diversité, nous avons des stratégies sur lesquelles les Etats pourraient se fonder pour assurer la paix et l'harmonie sociale et par voie de conséquence la co-existence pacifique des différents groupes identitaires qui composent l'Etat.

CONCLUSION

Conclusion

La défaite du communisme et les crises du tiers monde mettent en évidence, et contre toute attente que le national et l'ethnique ne sont pas morts. Selon les régions, non seulement on peut constater leur maintien, mais aussi pourrait-on dire leur redémarrage plus ou moins stimulé par des références d'ordre culturel et religieux.

L'apparente intemporalité du discours identitaire laisse croire que les groupes sociaux se définissent par une espèce d'essence éternelle des identités culturelles, politiques religieuses etc.

La prolifération des Etats et la multiplication des conflits identitaires dus au durcissement des crises du même nom, si on les additionne aux conflits plus classiques de type économique ,de revendications nationalistes ,etc. aboutissent à dessiner un paysage tourmenté de la scène internationale .

L'émiettement, la balkanisation, la fragmentation des Etats se conjuguent avec les replis nationalistes, les exaltations identitaires pour donner l'impression générale que, depuis quelques années, une retribalisation galopante a entamé une course sans fin.

Pour employer le langage du sens commun, on pourrait dire que « tout le monde veut être indépendant, que tout le monde veut son Etat », quel que soit le prix à payer de cette pulsion identitariste qui poursuit ainsi sa segmentation de la société internationale.

Le retour de l'identitaire n'est pas seulement inquiétant car il se retrouve être à l'origine de nombreux massacres et de nombreuses violations des droits de l'homme, mais aussi parce qu'il constitue un facteur non négligeable de déstabilisation de l'unité des Etats.

En effet, de l'intérieur beaucoup d'Etats sont minés par l'affirmation de particularismes régionaux, linguistiques, religieux voire ethniques mettant en cause l'identité nationale.

De ce point de vue, on peut dire que les conflits identitaires ont entraîné la désintégration des sociétés, l'éclatement des nations du moins celles qui sont en construction et la remise en cause du sentiment collectif de vouloir vivre ensemble.

En Afrique tous les conflits internes ou externes, c'est-à-dire soit des conflits qui opposent à l'intérieur des Etats hérités des colonisations des ethnies entre elles, soit des conflits qui opposent les Etats entre eux, sont souvent d'essence ethnique, religieuse confessionnelle ou régionale.

Même les conflits qui ont vu s'opposer sur le sol de l'Afrique de l'Est et l'ouest étaient des conflits qui instrumentalisaient l'identité. Une question s'impose : pourquoi ?

Plusieurs explications ont été avancées par les africanistes. La plus connue concerne l'artificialité des frontières en Afrique .C'est l'idée que le colonisateur ,en avançant en Afrique, a instauré des entités coloniales sur la base d'ambitions géopolitiques internes et externes ,et que de ce fait la plupart des peuples -ethnies se sont retrouvés divisés .Cette idée est juste ,mais on peut moins la généraliser qu'on ne l'imagine .Néanmoins ,le placage sur les populations africaines de frontières administratives érigées en frontières internationales au moment de l'indépendance a été un facteur accélérateur des tensions entre groupes identitaires.

L'autre explication est liée au problème de la traite des esclaves .La traite négrière soit à destination des Amériques, soit à destination du monde arabo -musulman ,a non seulement vidé l'Afrique de ses hommes ,mais également séparé nombre de peuples côtiers entre futurs esclaves et chasseurs d'esclaves .

A n'en pas douter, les ressentiments liés à la période de l'esclavage dans nombre de pays sont à l'origine de ces haines tribales. L'exemple le plus marquant à cet égard est celui des touaregs, qui servirent longtemps d'intermédiaire aux commerçants arabes dans la traite des noires et qui aujourd'hui subissent, plus de cent ans après la vindicte des Etats africains où ils vivent.

Un autre élément d'analyse peut être cherché dans la politique interne des différents colonisateurs qui, dans chacune des régions de l'Afrique, se sont appuyés sur une ethnie pour relayer leur influence. Le corollaire de cette analyse étant q'au moment des décolonisations, très souvent les anciennes métropoles ont continué à favoriser l'ancienne « ethnie-relais  ».

Ainsi, tout apparaît comme identitarisme en Afrique. Même les efforts pour créer des partis politiques aboutissent dans la réalité à encadrer les groupes identitaires par des structures partisanes plutôt que d'arriver à des partis trans-ethniques notamment.

D'autre part, la violence de l'interethnique, la véhémence de l'ethnicité est renforcée par les clivages religieux entre chrétiens et musulmans ou chrétiens animistes.

La conjugaison de tous ces facteurs aboutit à une sorte « d'empêchement national  ». Il est certain qu'après les décolonisations anglaise, française, portugaise et dans une moindre mesure espagnole et italienne, les nouveaux pays indépendants se sont retrouvés dotés d'un Etat .A ce moment là, une partie des élites de ces pays ont cherché, a l'aide de cet Etat à transformer leur pays en nation ; c'est -à-dire qu'ils ont cherché à appliquer le modèle d'Etat-nation qu'ils avaient hérité tout naturellement de leur colonisateur. Constater qu'aucun pays de l'Afrique post-coloniale n'y est parvenu est un lien commun . Les conclusions à tirer sont, elles, bien plus inquiétantes.

La formation de nations dans le cadre étatique légué par le colonisateur est-elle encore possible aujourd'hui en Afrique après plus de trente années d'holocaustes et de conflits identitaires ? La solution passe-t-elle par le remaniement général des frontières en Afrique sur la base de l'identité ethnique, confessionnelle, religieuse ou linguistique. Autre question : le maintien à tout prix du cadre étatique de la décolonisation est-il le bon moyen pour obliger les groupes identitaires à se fondre en une nation ? La réponse à ces questions ne peut se faire qu'en essayant de comprendre en quoi l'identité parait insoluble dans la national .C' est une question quoi au-delà de la linguistique ou de l'histoire, touche à l'identitaire. La « croisière » identitaire montre de façon évidente que les crises identitaires se nourrissent d'autres choses que d'elles- mêmes.

Force est de constater que le cadre général de leur essor est toujours un cadre de crise économique, de misère, d'appauvrissement, de prolétarisation du groupe ou des sociétés dans lesquelles vivent le ou les groupes.

A l'époque contemporaine, ces crises socio-économiques se retrouvent intensifiées par la pression démographique qui dénature toute forme de progrès économique .Qu'il s'agisse de sociétés de l'Asie, de l'Amérique du Sud ,de l'Afrique ou encore de l'Amérique du Nord ,voire de l'Europe, les crises identitaires ne peuvent fleurir en général que sur l'humus d'une contraction économique ,d'un détraquement de la situation économique .Pour qu'il y ait crise identitaire ,il faut qu'il y ait crise sociale et la quasi-totalité des crises sociales sont générées par des désorganisations économiques qui vouent à l'exclusion tel ou tel groupe.

Lorsque cette exclusion socio-économique recoupe une inquiétude identitaire, alors toutes les conditions sont réunies pour la crise, le conflit et l'explosion identitaire.

Cependant la présence des facteurs socio-économiques à l'origine de l'identitaire n'est pas suffisante pour rendre compte de ce phénomène.

Pour que la maladie apparaisse, il faut la présence d'une autre pathologie, celle d'une absence de l'Etat .Pas de conflit identitaire sans crise de l'Etat.

Les régions identitaires sont en général des régions où les Etats souffrent d'anémies pernicieuses .Très souvent ,les structures de l' Etat de ces pays ne sont plus à même ou n'ont jamais même pu assumer les fonctions étatiques de prestations universelles des services quotidiens de la démocratie .En effet ,les zones identitaires sont des zones où les Etats sont passés au service d'une minorité ,d'une couche sociale précise et se retrouvent incapables d'assumer le moindre bien-être économique ou démocratique à l'ensemble de leurs citoyens .

C'est dire donc que les conflits identitaires sont des conflits qui posent à la stabilité un défi majeur et il sera très difficile aux chancelleries ou aux organisations internationales de les régler car ils ne se gèrent pas en fonction du jeu traditionnel des équilibres des rectifications de frontières ou des compromis ou des avantages réciproques. Mais, en ce qui concerne l'Afrique, le renforcement de la démocratie constitue une piste à explorer pour sortir de ces crises et éviter une rechute. A cet égard , le partage du pouvoir ne doit plus être une finalité, mais un moyen pour rapprocher suffisamment les différentes composantes de la nation afin que le suffrage des électeurs ait un sens.

En outre ,l'instauration comme en Afrique du Sud de commissions électorales ,de structures de contrôle de la bonne gestion ,de l'égalité des genres etc. permet d'encadrer la vie politique des Etats et d'éviter ainsi des dérives .

Au-delà de l'organisation régulière d'élections libres et transparentes, il est nécessaire :

- d'améliorer la gestion des affaires publiques et de lutter contre la pauvreté,

- de lutter contre l'analphabétisme et la déperdition scolaire,

- de développer une presse libre, et transparent ,

- d'équilibrer les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire,

- d'instaurer une justice indépendante, proche des citoyens, en laquelle ceux-ci ont réellement confiance et qui puisse sanctionner les violations massives des droits de l'homme tant au niveau interne que sur la scène internationale .De ce point de vue, la mise sur pied d'un Tribunal Pénal International chargé de sanctionner ces violations contribuerait à les prévenir.

Toutes ces mesures ont pour finalité de permettre aux citoyens d'une part de choisir leurs gouvernants et d'autre part de participer à la gestion des affaires publiques en toute connaissance de cause.

De ce point de vue, la reconnaissance du rôle des leaders traditionnels pourrait être une sorte de transition permettant à la démocratie de s'affirmer dans le respect des valeurs ancestrales des citoyens.

Mais la réforme de l'Etat ne suffit pas à elle seule à faire disparaître les conflits identitaires, car ceux-ci ont une dimension internationale certaine .En effet les conflits identitaires peuvent être alimentés de l'extérieur et c'est à l'extérieur du territoire que les groupes armés trouvent des approvisionnements, une tribune ou des interlocuteurs. C'est là qu'intervient le rôle des organisations interétatiques africaines .Celles -ci peuvent contribuer à prévenir et à gérer les conflits. Il appartient donc à la communauté internationale de juguler les conséquences néfastes des conflits identitaires, faute de quoi ,le monde à venir ,en privilégiant les exclusivismes et les exaltations particularistes ,aura mis fin à tout idéal de paix et à toute volonté de démocratiser l'histoire .

L'identitaire, s'il devait triompher sans contrôle avec son cortège de purifications en tous genres, d'exécutons de masses, de crimes de guerres, finirait par donner raison à James Joyce pour qui « l'histoire est un cauchemar dont j'essaie de me réveiller  ».

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* 1 Conférence prononcée à la Sorbonne en 1882 sur le thème « qu'est-ce qu'une nation ? 

* Zartman(W) ; (in) l'effondrement de l'Etat désintégration et restauration du pouvoir légitime ; Nouveaux horizons ; 1997 p 1-11

* 2 Amadou Hampaté Ba : cité par Eric Fottorino et al. p. 334.

* 3 Gellner (E).Nation et nationalisme ; Paris : éd. Payot, 1989 p. 11.

* 4 François Thual ; les conflits identitaires, Paris ; Ellipses 1995 p.156

* 5 C'était le mot utilisé par les massacreurs au Rwanda

* 6 F. Burgat ,Islam ,chretienneté ,deux visions de la laïcité ,collectif ,Dieu ,fin de siècle ,religions et politique,éditions de l'Aube / Libération ,1994

* 7 Voir à ce propos :

M. J. Al-Ansari, Du concept de l'Etat dans le monde arabe contemporain, Revue d'études palestiniennes, n°53 ; 1994.

* 8 Du nom de Ahmad al-Khatib.

* 9 Sine (B). <<Le nouveau réveil militaire >> ; in : Démocratie africaines (Dakar) ; n°06 .mais- juin 1996 p.5.

* 10 Zartman (W.) cité par Béatrice Pouligny : Ils nous avaient promis la paix : opérations de l'Onu et populations locales .Paris ; Presses de sciences politiques ; 2004 ; p.50

* 11 Simon Horner ; Somalie ; Réunir les pièces du puzzle : rêve ou réalité ? In le courriel n°162 Mars -Avril 1997 ,46

* 12 M. Lowenkopf cité par Victor Ahanhanzo et Modeste Honedjissin, l'intégration régionale comme instrument de prévention : cas de la CEDEAO ; mémoire de fin de premier cycle ; Enam, 2000, p .17

* 13 Waters (M.) « citizenship and the constitution of structural social inequality ».in :international journal of comparative sociology ,XXX(3-4),1989,p.160

* 14 Hermet (G). Les désenchantements de la politique.Ed. Fayard, Paris ,1993.

* 15 Idem p.142

* 16 Cité par Eric Fottorino .C .Guillemin .E Orsenna, Besoin d'Afrique, Paris, Fayard, 1993, p.315.

* 17

* 18 Selon une information diffusée par le journal télévisé de la Suisse romande le 20février 2002, la fortune du feu dictateur nigérien Sani Abacha atteindrait trois milliards de dollars

* 19 Bayart (J.F) et al. La politique par le bas en Afrique noire ,Paris ,Karthala,1992, p.138.

* 20 Bach (D.), Fédéralisme et gestion des conflits : l'expérience nigériane, Afrique contemporaine ,4° Trimestre 1996, p. 244

* 21 Misser (F) et Vallée (O), Les nouveaux acteurs du secteur minier, Manière de voir n° 51, Mai -Juin 2000, pp.27-30






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