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Exploitation minière au Sud-Kivu: de la responsabilité des entreprises et de l'etat

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par Frank MAYUNDO MUYUMBA
Université du CEPROMAD Bukavu/Sud-Kivu/RD Congo - Licence en Management et Sciences Economiques  2006
  

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11.3.2.5. L'exportation du minerai vers les pays acheteurs

Plusieurs voies sont suivis, notamment la voie aérienne, la voie routière et la voie lacustre. Pour la voie aérienne, et surtout pendant la période d'occupation militaire rwandaise, les petits porteurs chargés les minerais (coltan, or, cassitérite, ...) pour se rendrent directement à Kigali ; de là les fûts de minerais étaient embarqués par avion vers l'Europe. Actuellement, le transport aérien n'est plus utilisé que par les petits porteurs entre les pistes de l'intérieur de la Province.

Quant à la voie routière, deux corridors vers l'Océan indien sont indiqués. La production minière transite par voie routière depuis les comptoirs jusqu'aux ports de l'Océan Indien, Mombasa et Dar es Salaam en empruntant les Corridors Nord ou Sud. Le Corridor Nord via Kampala et Nairobi est le plus performant semble t-il pour le transport routier depuis que le bitumage est achevé entre Mombasa et Kigali.

Certains transporteurs de Goma préfèrent éviter le Rwanda et entrer directement en Ouganda, soit par Bunangana, soit par Ishasa même s'il faut passer par des routes en terre pour rejoindre le goudron à Kabale. Cela permet d'éviter une frontière et de réduire les tracasseries administratives. Les camions transitant par le Rwanda doivent en effet passer par les Magasins généraux du Rwanda (MAGERWA) à Kigali, où ils sont contrôlés et où ils doivent payer des taxes de transit et des frais de parking ; ce qui est inexistant au Sud-Kivu et constituant ainsi un manque à gagner considérable pour la Province et pour tout le pays.

Ainsi, les transporteurs du Sud-Kivu ont le choix de transiter : par le Rwanda, via Cyangugu et Kigali, pour rejoindre le Corridor Nord par le Burundi via Bujumbura pour rejoindre le Corridor Sud par la Tanzanie via Kigoma après avoir traversé le lac Tanganyika depuis le port de Kalundu en territoire d'Uvira. L'itinéraire rwandais est souvent évité à cause du coût et de l'attente à MAGERWA. L'option tanzanienne présente l'avantage de réduire à un seul le franchissement des frontières. La voie routière est en revanche moins performante que celle du Corridor Nord, mais il est possible d'utiliser la voie ferroviaire, lente, mais moins onéreuse et adaptée à des produits pondéreux non périssables.

Pour le transport lacustre, il semble avoir repris de l'importance depuis la fin de la rébellion ; il contribue à ouvrir le choix des itinéraires d'import-export. La navigation entre Bukavu et Goma rend possible une réorientation des flux de marchandises d'un Corridor à l'autre.

Le transport sur le lac Tanganyika donne accès aux réseaux routiers et ferroviaires de Tanzanie et d'Afrique australe.

Comme le souligne, Roland Portier62, le transport constitue un maillon sensible de la chaîne d'activités économiques. La situation est catastrophique au Kivu, en dehors de quelques axes proches de la frontière. La plupart des centres de l'intérieur ne sont pas accessibles par voie terrestre : routes défoncées, ponts coupés. Le transport du minerai par avion vers Goma et Bukavu n'est qu'un pis-aller qui ne profite d'aucune façon au développement local. Le transport routier vers les ports de l'Océan Indien via les Corridors Nord et Sud - doublé par le transport ferroviaire - est au contraire performant. Les flux de marchandise, à l'importation comme à l'exportation rattachent l'Est du Congo au bassin de transport est-africain.

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La réhabilitation des routes au Kivu est une priorité absolue. Elle conditionne la relance de tous les secteurs de l'économie, agriculture et mine notamment. Elle est aussi une condition nécessaire pour le fonctionnement des encadrements étatiques et de développement (santé, éduction), et pour le rétablissement de la sécurité.

11.3.3. Les revenus de l'exploitation minière

Il est très difficile d'évaluer ce que rapporte, pour chaque type d'acteur, l'exploitation minière artisanale. Didier de Failly s'y était risqué dans son étude de 2001 sur le coltan, mais les prix de référence étaient à leur zénith et le Sud-Kivu se trouvait encore sous occupation rwandaise. Il faudrait des enquêtes approfondies pour arriver à des conclusions scientifiquement fondées. Une mission de courte durée sur les espaces restreints ne le permet pas. Il n'est de toute façon jamais simple de savoir ce que gagnent les gens : les réponses sont affectées d'un coefficient d'erreur qui croît avec le caractère informel de l'activité. On se contentera donc de quelques informations ponctuelles sans les considérer comme extrapolables.

11.3.3.1. Les revenus des creuseurs

A l'intérieur d'une équipe, le principe de la mutualisation des gains est la règle, le chef d'équipe mis à part. En interrogeant les exécutants de base il est apparu que leur revenu journalier était inférieur à un dollar. La rémunération est fonction de la quantité de minerai extrait et transformé par les opérations de lavage, triage, concassage, etc. Beaucoup de temps est nécessaire pour l'obtention d'un produit commercialisable. Une équipe d'une dizaine d'hommes produirait en moyenne 4 à 5 kg par semaine selon le Père Didier de Failly.

Au Rwanda le chiffre de 1 à 5 kg par jour a été avancé à la mine de Muhanga, ce qui représenterait un gain journalier moyen de l'ordre de 500 Frw. A Nyabibwe, des mineurs prétendent qu'il leur faut plusieurs jours pour gagner l'équivalent net d'un dollar. Dans une carrière proche de Bukavu, les casseurs de cailloux mettent deux jours pour remplir un fût de gravier vendu 300 francs congolais. Loin des villes la rémunération du travail est certainement encore plus faible. On retiendra néanmoins que les creuseurs ne retirent de leur travail que des gains minimes.

Ces sommes dérisoires ont cependant leur importance dans un contexte de très grande pauvreté. Dans tout l'intérieur du Kivu, coupé des grands centres urbains et donc d'un accès au marché des produits agricoles, la circulation monétaire s'est tarie. Les communautés rurales sont revenues à des systèmes proches de l'autosubsistance. L'activité minière est souvent le seul moyen pour les hommes de gagner un peu d'argent. Cet argent vient en complément de la production agricole vivrière destinée à l'autoconsommation : l'agriculture reste le fondement d'une économie domestique reposant largement sur le travail des femmes. Ces dernières assurent ainsi le quotidien, permettant aux hommes de se tourner vers d'autres tâches.

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L'économie minière artisanale doit s'analyser dans ce cadre de la pluri-activité des ménages afin d'en percevoir l'impact.

D'après le Père Didier de Failly, pendant la courte période d'euphorie du coltan, le mirage de gains plus élevés a bouleversé cette organisation traditionnelle. La littérature décrit une situation dans laquelle hommes et femmes abandonnaient le travail de la terre pour se lancer dans l'aventure - ou étant contraints de le faire par des militaires. Il en est résulté une crise de la production vivrière, contraignant les travailleurs à acheter une nourriture importée par avion depuis Goma ou Bukavu à des prix qui rognaient sérieusement leurs gains. Des situations de ce type s'observent toujours dans les régions aurifères, comme à Kamituga. La chute des prix du coltan devrait commencer à calmer le jeu, mais selon certains témoignages ce n'est pas vraiment le cas.

Nous pensons avec le Père Didier que, dans l'hypothèse d'une situation revenue à la normale, l'activité minière reste associée à l'activité agricole au sein d'une unité familiale. Les jeunes vont à la mine non pas parce que la terre à cultiver manque, mais pour rechercher un peu d'argent. Les régions rurales sont souvent tellement isolées qu'elles sont sorties de l'économie monétaire. Pour les jeunes hommes, être creuseur représente une occasion rare d'amasser le petit pécule nécessaire pour l'achat de la douzaine de chèvres nécessaire à la constitution de la dot et au mariage.

La situation diffère au Rwanda : les jeunes, garçons et filles qui travaillent à la mine le font parce qu'il n'y a plus de terre à cultiver dans les exploitations exiguës de leur famille. La contrainte est ici d'une autre nature qu'au Sud-Kivu, mais dans les deux cas on est en présence d'activités de survie qui n'offrent pas de perspective de sortir de la pauvreté.

11.3.3.2. Les revenus des négociants et des exportateurs

Les négociants s'en tirent plutôt bien. L'un d'entre eux, ancien directeur d'école reconverti dans le commerce, explique qu'il achète la cassitérite à Nyabibwe au Sud-Kivu à 2$ le kilo et la revend aux comptoirs à 2,8$. Quand il achète à Walikale dans le Nord-Kivu, les prix sont plus bas, 1,5$, mais le transport aérien ajoute entre 0,7 et 0,8$ le kilo. Il faut bien sûr payer la carte de négociant (passée de 50$ en 2003 à 345$ en 2004) et les taxes à la Province et aux Entités Administratives Décentralisées (EAD). Toutes dépenses défalquées, il resterait entre 0,3$ et 0,4$ par kilo. Avec un bon réseau de clients, ce négociant qui commercialise aussi le café ne se plaint pas de son sort : son négoce lui rapporte quelques centaines de dollars par mois.

avec les détenteurs d'armes. Le milieu congolais est familier de ces pratiques de négociation qui en temps de paix participent à des régulations sociales. Pendant la période d'occupation militaire étrangère les relations difficiles entre agents économiques et forces armées n'étaient pas favorables au négoce.

On revient progressivement à une situation moins tendue, mais l'insécurité latente et les bouffées de violence constituent toujours un frein à l'exercice de l'activité commerciale en l'exposant à un risque encore élevé dans certains coins de la Province. Le credo des négociants est simple : des routes réhabilitées et sécurisées et des taxes modérées sont les conditions premières de l'exercice de la profession et de la relance économique. Leur non-dit concerne l'écoulement frauduleux des minerais au Rwanda. Le lac Kivu se traverse aisément et les frontières terrestres demeurent poreuses.

La position des comptoirs d'achat est différente dans la mesure où leurs préoccupations vont vers l'aval (l'exportation) plus que vers l'amont dont se chargent les négociants. En nombre très restreint et directement sous le regard des autorités administratives, ils ont moins de possibilités de composer avec l'informel. Alors que les négociants travaillent seuls, en s'appuyant sur des réseaux, les comptoirs emploient du personnel et sont donc soumis à la législation du travail. Contrairement à ce que l'on pourrait attendre d'un Etat défaillant, l'administration congolaise existe bel et bien, ses agents ne manquant pas de le rappeler quand leur intérêt est en jeu. N'étant que peu, sinon pas payés, ils vivent en effet de revenus « informels » fondés sur l'extorsion de ressources monétaires à laquelle les comptoirs peuvent difficilement échapper.

Ainsi, les vrais gagnants de la filière minière, sont souvent les négociants plus que les acheteurs. Ces derniers se plaignent du niveau élevé des taxes, qu'il s'agisse de la redevance annuelle, des cartes d'acheteur ou des droits de sortie sur les produits. La contrebande réduit par ailleurs leur chiffre d'affaires. En réalité, les bénéfices qu'ils tirent de l'exportation de minerais sont minimes en comparaison

de ceux que le commerce international procure souvent aux courtiers qui servent d'intermédiaires entre les comptoirs et les acheteurs des pays industriels.

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