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L'émigration malienne: configuration, modalités, et effets des migrations des ressortissants de la commune de Diéoura, cercle de Diéma.

( Télécharger le fichier original )
par BOULAYE KEITA
Université Paris 7 DIDEROT - Maà®trise 2004
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE PARIS7- DENIS DIDEROT

LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE

ANNEE 2004-2005

L'émigration malienne: configuration,

modalités, et effets des migrations des

ressortissants de la commune de Diéoura,

cercle de Diéma.

Mémoire de maîtrise soutenu par Boulaye KEITA

keitaboulaye@yahoo.fr

Sous la direction de Claire OLLIVIER

Septembre 2005

TABLEAU DE MATIERES

Remerciements 1

Introduction 2

Précision sur quelques termes utilisés 7

Chapitre I : conditions de travail et méthodologie de recherche ...8

1-Conditions de travail

..8

a-Le terrain de recherche France

.8

-Recherche documentaire en France

8

-Les foyers d'immigrés en Il de France

8

b- La collecte d'information dans la commune de Diéoura au Mali

.9

2- Les méthode utilisées

11

a-Les entretiens ouverts

..11

b- Enquêtes par questionnaires

...12

C- Enquêtes par observation participante

13

PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DE LA COMMUNE DE DIEOURA ET DES DYNAMIQUES MIGRATOIRES CHEZ LES SONINKES 14

Chapitre II : présentation de la commune de Diéoura 15

1- Histoire des habitants de la commune de Diéoura 15

2- Les traits physiques 15

1-Situation géographique 15

-Le relief 18

3- Traits humains

19

4- Les activité économiques

.20

 

Agriculture

20

-L'élevage

20

-L'artisanat

21

Chapitre III : Les origines des migrations Soninké

20.

1- une migration très ancienne

.22

2- Une migration de plus en plus ancienne

22

 

Chapitre IV : Pourquoi la France reste une destination privilégiée

depuis 1960

25

1- Des conditions favorables de part et d'autre

.25

2- la politique d'immigration française depuis 1974

26

3- Des réseaux de plus en plus clandestins

27

DEUXIEME PARTIE : MIGRATION ET DECENTRALISATION, QUEL LIEN ? 29

Chapitre V : Quelques rappels historiques et contextuels de la décentralisation

au Mali 30

 

1-Un bref aperçu sur la mise en place de la décentralisation au Mali

30

2- L'implication des migrants soninké dans le développement des lieux d'origine

...32

3- Quelles relations ont les migrants de la commune de Diéoura et le conseil municipal

34

4- Relations entre les migrants et les partenaires au développement

.35

a- Les pouvoirs publics

35

b- Les organisations non gouvernent ales

36

Chapitre VI : Les réalisations de la commune de Diéoura 38

1- Les réalisations collectives ..38

a- La lutte des migrants de la commune de Diéoura pour l'accès à l'eau 39

b- Le téléphone satellite, une innovation en milieu soninké ..40

c- L'inégale répartition des infrastructures constitue une entrave à la mobilisation des migrants dans l'espace communal 40

2- Les activités individuelles 45

a- Les transferts des fonds en direction des villages 45

b- Les flux des marchandises vers les villages .....45

C- Des villages vers la France 47

d- Les échanges culturels 47

Chapitre VII : Etude de l'évolution du paysage villageois sous l'action des migrants : l'exemple du village Diéoura 49

1- Une transformation rapide du paysage villageois 49

2- Comparaison entre le village de Diéoura et quelques villages environnants 52

Chapitre VIII : Pourtant les villages des migrants ne bénéficient plus totalement des fonds envoyés 55

1- Des déplacements importants vers les villes 55

2- Urbanisation sous l'action des migrants 57

3- Une augmentation considérable du prix du terrain 58

4- Difficultés d'aménagement pour les pouvoirs publics 58

Chapitre IX : Les conséquences sociodémographiques des migrations 67

1- Les effets démographiques 68

2- La baisse générale de la fécondité 68

3- Les transformations sociales 69

4- D'importants espaces agricoles restent vacants 72

TROIXIEME PARTIE : PERSPECTIVES POUR UN DEVELOPPEMENT REEL DE LA COMMUNE DE DIEOURA 72

Chapitre x : comment améliorer les conditions de développement 73

Conclusion 75

Références bibliographiques 81

TABLEAU DES CARTES

Carte n° 1 : carte administrative du Mali 6

Carte n°2 : La commune de Diéoura 16

Carte n°3 : La région des trois frontières entre la Mauritanie, le Mali et Sénégal : le pays Soninké 24

Carte n°4 : Les communes de la région de Kayes 39

Carte n° 5 : Infrastructures relevées de la commune de Diéoura 45

- Croquis du village simplifié du village de Diéoura 56

Tableau des tableaux

Tableau 1 : Les communes du cercle de Diéma 17

Tableau 2 : Distances entre le village de Diéoura et autres villages 18

Tableau 3 : Populations des différents villages du cercle de Diéma 19

Tableau 4 : La taille du cheptel dans la commune 20

Tableau 5 : Réalisations des migrants dans quelques villages de la commune 46

Documents annexes 85

Annexe1 : 85

a- Présentation du questionnaire destiné aux migrants en France 85

b- Questionnaire destiné aux chefs de famille au Mali 87

Annexe 2 : Le découpage administratif au Mali 88

Annexes 3 des photos :

Photo n°1 : La case ronde 88

Photo n°2 : La maison en tôle 89

Photo n°3 : Maison d'un migrant à Diéoura 89

Photo n°4 : Les locaux de la mairie de Diéoura 90

Photo n°5 : Maison d'un migrant à Bamako 90

Photo n°6: Puits à grand diamètre Founto 91

Photo n ° 7 : Paysage de savane à Noumokolo 92

Photo n°8 : Paysage désertique à Tassara

Remerciements

Si je suis l'auteur de ce mémoire, je suis aussi contraint par ma conscience morale de
remercier ceux et celles qui se sont montrés disponibles pour la réussite de mes recherches.

Ces remerciements vont à l'endroit de :

- Ma directrice de mémoire, Claire Ollivier, qui malgré son emploi de temps trop chargé, a suivi les travaux de ce mémoire avec grand intérêt et une rigueur scientifique dont je m'inspirerai.

- L'administration et les professeurs de l'Université Denis Diderot, Paris7 et, particulièrement, les professeurs du département de géographie qui n'ont ménagé aucun effort pour me permettre d'acquérir de nouvelles connaissances et compétences.

- Mes camarades de classe pour les échanges fructueux dans une atmosphère cordiale.

- Monsieur Camara Sadio, représentant du chef du village de Diéoura en France.

- Monsieur Magassouba Harouna Président de l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura.

- Les familles KEITA, GASSAMA, CAMARA, GARY, WAGUE résidant en France pour leur soutient

financier et moral constant.

- Tous les émigrés de la commune de Diéoura en France.

- Tous les chefs de village de la commune de Diéoura.

- Mon oncle Mamadou Kanté et mon ami Daouda Coulibaly pour leur apport intellectuel.

Bref, que tous ceux qui de loin ou de prés, ont contribué à la réalisation de ce mémoire trouvent ici l'expression de ma profonde gratitude.

Je ne peux clore ces remerciements sans rappeler l'estime que je porte au plus profond de mon coeur aux Maliennes et Maliens qui font une pression financière sur eux- mêmes pour améliorer le quotidien des familles et villages au bercail.

A tous, j'exprime ma profonde gratitude et ma reconnaissance.

Boulaye Keita.

Introduction

L'Afrique est un vaste continent qui offre au géographe plusieurs possibilités d'analyse pour mieux appréhender l'organisation de l'espace. Une des questions fondamentales est celle de la gestion des territoires. Parmi les éléments qui façonnent ces territoires, nous avons les migrations. L'étude des migrations dans ce mémoire est à mettre en rapport avec le processus de décentralisation en au Mali.

Depuis 1992, le Mali s'est engagé dans une politique de décentralisation conduite par la troisième République. Au niveau territorial, la principale composante de cette réforme est la réorganisation du découpage territorial sur l'ensemble de l'espace national dont l'unité de base est la commune1.

Dans la commune de Diéoura, les dynamiques de développement se sont en grande partie appuyées sur l'extérieur car fondées sur la migration.

De nombreuses associations de développement ont été créées au sein d'un réseau social reliant les villages aux lieux d'émigration. L'action des migrants s'inscrit aujourd'hui dans un conteste national, les effets à l'échelle locale sont d'une grande importance pour comprendre l'organisation socio-spatiale. Les migrants sont en effet les principaux acteurs du développement dans la commune de Diéoura.

L'objectif à atteindre dans ce travail est d'étudier les effets des migrations sur l'espace communal à travers les relations que tissent les migrants avec leur lieu d'origine. Il s'agit surtout de voir le rôle des migrants dans ce nouveau contexte de la décentralisation au Mali.

Nous formulons l'hypothèse que la migration est facteur de développement et un facteur de recomposition territoriale à l'échelle locale,

Qu'il y a une corrélation entre migration et pauvreté ?

Pourquoi la France reste t-elle une destination privilégiée des ressortissants de la région Kayes ?

Comment se sont structurés les réseaux migratoires dans le temps et dans l'espace dans la commune de Diéoura ?

La décentralisation peut-elle contribuer à un véritable décollage économique de la commune

1 - Stéphanie Lima, 1999

de Diéoura grâce à la volonté affichée des migrants à développer leurs lieux d'origine?

Voilà les réflexions autour desquelles nous allons tenter de faire une analyse des effets des migrations dans la commune de Diéoura.

Pourquoi faire encore une étude des migrants maliens en France dans la mesure où de nombreux travaux ont été réalisés sur la question ?

Soninké, originaire de la région émettrice de la majorité des migrants maliens en France (Kayes), et étudiant en géographie, j'estime important de faire une analyse des actions de développement de mes compatriotes à l'échelle de ma commune d'origine.

Je suis également très impliqué dans les mouvements associatifs au sein des migrants de la commune en France. Je suis l'un des artisans de la création de l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura (A. D. C. D), première association de migrants créée à l'échelle de la commune. J'ai joué un rôle de médiateur entre les anciens et les jeunes avant la création de l'association. C'est la raison principale pour laquelle mon premier poste a été « Secrétaire chargé des conflits » au sein de l'équipe qui dirige les actions de l'association puis « Secrétaire administratif » et actuellement « Secrétaire chargé des relations extérieures » afin d'établir les contacts avec les partenaires du développement (O.N.G., départements, collectivités locales ). Actuellement je travaille aussi sur un projet de développement pour la commune de Diéoura.

L'une des raisons principales de ma motivation tient au fait que les études réalisées jusque là sur les migrations maliennes en France portent sur l'ensemble de la région de Kayes ou d'autres cercles que de Diéma auquel appartient ma commune. Cependant on trouve des disparités importantes à l'intérieur de cette région. De plus, les effets de ces migrations sont plus visibles à échelle des villages que dans les grandes villes en sens qu'il est beaucoup plus facile de distinguer dans les villages les réalisations des migrants dans la structuration de l'espace contrairement aux villes où on une hétérogénéité d'acteurs qui transforment l'espace urbain.

Avec ce mémoire, je trouve un moyen d'apporter ma modeste contribution au débat lié à l'immigration qui fait couler beaucoup d'encre ici en France. La finalité de cette étude est peutêtre un moyen de montrer aux partenaires du développement qu'il existe dans la région de Kayes une commune qui a de nombreux atouts et de les inciter à intervenir là-bas.

Nous précisons déjà que notre choix s'est porté sur les habitants de la commune de Diéoura émigrés en France car que la mobilisation des migrants en matière de développement local y est

grand, en ce sens que les migrants de France ont plus de moyens pour s'engager dans le développement de leur lieu d'origine que d'autres comme ceux du Gabon ou de Côte d'Ivoire par exemple.

Il faut dire que la région de Kayes connaît une forte émigration de ses habitants depuis des siècles. L'ancienneté des pratiques migratoires dans la région de Kayes est une vérité évidente. C'est l'une des régions les plus enclavées du Mali.

Il y aurait aujourd'hui environ 120. 000 Maliens en France dont 95 % sont Soninkés et originaires de la région de Kayes2. Les 2/3 d'entre eux vivent dans la clandestinité.

Plus de 180 millions d'euros transitent annuellement de France vers le pays d'origine des migrants. 75% des transferts sont consacrés à la consommation familiale.

Selon les résultats de l'enquête menée par l'Association pour le Développement de la Commune (A.D.C.D.), il y a 630 émigrés de la commune de Diéoura en France. Ce chiffre ne prend pas en compte les enfants nés en France et les migrants de la commune installés dans les grandes ville au Mali ou ailleurs.

Au Mali, depuis la décentralisation, les populations sont chargées de gérer leurs propres affaires. On assiste ainsi à un retrait de l'État dans la gestion locale à l'occasion de la création des communes. Avec ce nouveau processus, beaucoup de cadres pourront être utiles à leurs lieux d'origine.

Nous, intellectuels maliens et émigrés aujourd'hui en France, sommes tous conscients que si les sommes rapatriées par les Maliens de l'extérieur en général et ceux de France en particulier, sont gérées de façon concertée, elles peuvent constituer les moyens d'un développement durable et épanouissant. Membre de cette population et témoin de la réalité des situations, au pays et en France, j'ai tenté de me rapprocher de ces immigrés en France pour recueillir auprès d'eux toutes les informations utiles dont l'analyse minutieuse pourra améliorer le futur.

Après avoir présenté la méthodologie utilisée et les choix des méthodes pour la réalisation de ce mémoire, je traite dans une première partie, la dynamique des réseaux migratoires dans le temps et dans l'espace construits par les Soninkés. Ici il s'agit de comprendre les raisons de la forte migration des habitants de la zone appelée « le bassin du fleuve Sénégal », de la région des trois frontières entre la Mauritanie, le Mali et le Sénégal.

Dans une seconde partie, je m'intéresse à l'étude des apports et des effets des migrations des

2 - Le monde 11 février 2003

ressortissants de la commune de Diéoura et leurs effets à l'échelle de la commune. Il s'agit du rôle joué par les migrants dans les villages d'origine collectivement et au niveau des familles individuellement. C'est dans cette partie que je vais tenter de mettre en lumière les réalisations des migrants de la commune de Diéoura après avoir étudié la genèse des associations Soninkés en France.

Enfin une troisième partie sera consacrée à l'étude de l'action des migrants et le processus de décentralisation, les limites et les perspectives pour un véritable développement de la commune de Diéoura.

Précision sur quelques termes utilisés :

Pour faciliter la compréhension de ce travail à tous les lecteurs, il s'avère nécessaire de cerner certaines expressions utilisées.

- Immigré:

Selon la définition de l'INSEE, la population immigrée est composée des personnes nées étrangères dans un pays étranger. Cette définition de la population immigrée se référant à deux caractéristiques invariables liées à la naissance des personnes, un individu né à étranger continue d'appartenir à la population immigrées même si sa nationalité change.

Il ne doit pas être confondu alors avec le mot étranger. Les deux notions ne se recouvrent que partiellement puisqu'on peut être étranger sans avoir immigré. C'est le cas des enfants nés en France de parent immigrés. Inversement, n peut être immigré et français par voie de naturalisation. Ainsi, le statut des Maliens venus faire fortune en France diffère-t-il de celui de leurs enfants nés sur le territoire français3.

- Les mots immigré et émigré sont deux faciès de la même personne:

Les personnages de l'émigré et de l'immigré occupent tour à tour une place centrale, selon que l'on se place du point de vue des sociétés de départ ou celles d'arrivée. Dans ce jeu de préfixes instituant le sens du mouvement (la sortie ou l'entrée) l'émigré et l'immigré sont moins définis en référence à leur propre trajectoire que par rapport au conteste spatial et social qui a servi de cadre à leur mouvement.4

Plus que par leur statut dans le pays où ils se trouvent, forcément instables, ils s'individualisent par le rapport qu'ils construisent et entretiennent avec les deux pays simultanément. Ni immigrés, ni émigrés, ils sont des migrants.

Pour éviter la confusion entre immigré et émigré, j'ai surtout utilisé dans ce travail le mot migrant. L'utilisation des mots immigré ou émigré dépendra de l'espace auquel on se réfère.

3 - P. Bouquier et al, 1999

4 - L. Faret, 2003

Conditions de travail et méthodologie de recherche

Pour être efficace dans la réalisation de ce mémoire, une recherche a été nécessaire, au cour de laquelle j'ai effectué des enquêtes pour saisir certaines réalités du processus migratoire dans le temps et dans l'espace.

1 - conditions de travail

La collecte d'informations s'est déroulée dans deux espaces indispensables pour cette étude: dans les foyers d'immigrés en France et principalement en Ile de France et dans la commune de Diéoura au Mali, le lieu d'origine des migrants auxquels nous nous intéressons. En plus de ces deux lieux, j'ai mené une recherche documentaire dans les bibliothèques universitaires, à la Bibliothèque Nationale de France (BNF), au centre Georges Pompidou et surtout au centre de documentation du C.N.R.S. (REMISIS) de Paris7, au site de Montréal-Tolbiac.

a - Le terrain de la recherche en France :

- Recherche documentaire :

Cette recherche a surtout consisté en une lecture approfondie des travaux déjà réalisés sur les migrations internationales et plus particulièrement les ouvrages sur les migrations Soninkés et maliennes en France et dans le monde. Il existe déjà de nombreux travaux sur le même thème mais cette lecture me permettait de replacer mon étude de cas dans un cadre général et de faire apparaître ses particularités. Il s'agissait aussi de voir la diversité des dynamiques migratoires dans le temps et dans l'espace.

- Les foyers d'immigrés en Ile de France :

La recherche d'informations dans les foyers s'est effectuée auprès des personnes fortement impliquées dans les mouvements associatifs pour le développement des lieux d'origine. Le foyer est le lieu abritant les doyens des différents groupes sociaux, les responsables d'associations ou de caisses de solidarité. Ils constituent aussi les lieux des réunions au cours desquelles se décident les projets de développement pour les villages, les cérémonies de mariage, de décès ou de baptême. Les foyers restent encore les lieux où habitent les immigrés Soninkés dans leur grande majorité. En plus de leur rôle de logements sociaux, les foyers sont aussi des maisons d'associations parce que les sièges des associations s'y trouvent, ainsi que à l'adresse de leurs

Présidents. Tenant compte de tous ces éléments, j'ai donc accordé une attention particulière aux foyers d'immigrés pour la réalisation de mes enquêtes.

La difficulté principale dans les foyers tient au fait que les gens ne sont pas toujours disponibles pour me recevoir et pour des entretiens approfondis. Souvent j'ai été obligé de reporter à d'autres dates mes entretiens du fait du programme trop chargé de certains migrants. Néanmoins j'ai pu recueillir les informations nécessaires à la réalisation de ce mémoire.

J'ai aussi réalisé des enquêtes auprès des immigrés de la commune de Diéoura qui vivent avec leur famille (épouses et enfants) en France. Il faut dire là que le contact a été plus difficile que dans les foyers. Par exemple, dans les foyers je partais réaliser mes enquêtes pendant les week-ends, souvent sans rendez. Par contre, les migrants qui vivent avec leur famille, sont logés dans des appartements et n'étaient toujours sur place pour des entretiens approfondis.

Les enquêtes ont été en général réalisées pendant les week-ends, les jours de repos des travailleurs migrants. En plus c'est pendant les week-ends qu'on a la chance de rencontrer un nombre important de migrants dans les foyers.

b - La collecte d'informations dans la commune de Diéoura au Mali :

La seconde phase, décisive, de ma recherche s'est déroulée dans la commune de Diéoura, le lieu d'origine des migrants. La recherche de terrain au Mali a débuté le 15 avril 2004 et s'est terminée le 30 juin 2004 qui correspond aussi à la date de mon retour en France.

Ce séjour dans la commune de Diéoura a coïncidé avec la saison sèche au Mali. Cela m'a permis de trouver la plupart de mes interlocuteurs sur place. Majoritairement paysans, les habitants de la commune de Dièoura se reposent pendant saison sèche, surtout les mois qui suivent la fin des récoltes (mars, avril mai). Cette période correspondait cette année avec l'organisation des élections communales au Mali, ce qui m'a privé des entretiens approfondis prévus avec l'ancien maire de la commune de Diéoura.

La difficulté pour moi, est venue du fait que les migrants jouaient un rôle dans ces élections. Donc souvent les gens m'ont considéré comme un migrant et non comme un étudiant chercheur. Cela a beaucoup influencé les réponses des enquêtés. A cause de la campagne électorale, je n'ai pas eu suffisamment de temps avec le Maire sortant pour connaître ses relations avec les migrants de la commune en France. Heureusement, en octobre 2003, j'avais eu un entretien avec lui à Paris qui reflétait ses véritables ambitions pour la commune et ses

relations avec les migrants.

En effet, mon entretien avec l'ancien Maire l de la commune de Diéoura, a été un véritable échec au moment de mes enquêtes au Mali, dans la mesure où il ne voyait pas mon rôle d'étudiant mais de migrant. Excepté l'ancien Maire, j'ai eu des entretiens intéressants avec les autres personnes que j'ai ciblées dans cette recherche dans la commune de Diéoura.

J'ai tenu compte du rôle social ou politique que jouent les personnes interrogées dans les lieux d'origine. Il s'agit des chefs de village et de leurs conseillers, du maire, des chefs de famille, de femmes, de jeunes non migrants et d'anciens migrants.

Il faut aussi préciser que pendant cette recherche, dans la commune de Diéoura je suis passé au moins deux fois dans chaque village de la commune. La première visite était une prise de contact avec mes enquêtés. C'était une manière pour moi de me familiariser avec eux et de les informer de l'objet de mon étude. La deuxième visite a consisté à réaliser les enquêtes et à visiter le village avec un responsable local pour voir les réalisations des migrants et les projets en cours. Je suis passé à plusieurs reprises dans le village de Diéoura, chef-lieu de la commune à dix huit kilomètres de mon village (Founto), car c'est là que se décident les projets de la commune. C'est donc dans le village de Diéoura que j'ai tenté d'étudier les transformations du paysage villageois sous l'action des migrants.

Hormis les réalisations collectives, j'ai étudié les pratiques individuelles des migrants et notamment en matière de construction immobilière dans le village de Diéoura.

J'ai également consacré en complément une dizaine de jours à Bamako (20 -30 juin 2004). Ce séjour de Bamako était important dans la mesure où la plupart des migrants investissent dans cette ville, privant de plus en plus les villages d'origine des transferts de fonds des migrants. Pendant ce séjour à Bamako, j'ai discuté avec quelques candidats au départ pour la France afin de savoir leurs réelles motivations. J'ai aussi cherché à rencontrer des hommes d'affaires impliqués dans l'organisation des réseaux clandestins. J'ai cherché à comprendre les multiples difficultés liées à l'obtention de visas pour atterrir sur le sol français et l'évolution spectaculaire des tarifs du voyage.

La collecte de données au Mali a été un atout indispensable pour la réalisation de mémoire. Le travail de recherche au Mali m'a permis de dépasser le cadre théorique de l'étude des effets des migrations et de comprendre la réalité des choses.

2 -Les méthodes utilisées :

Il est également important de préciser que j'ai tenu un langage de vérité à toutes les personnes que j'ai rencontrées. J'ai expliqué aux gens mon statut de simple étudiant pour ne pas influencer leurs réponses.

Pendant les travaux de terrain, j'ai utilisé plusieurs méthodes d'enquêtes, car pour mieux cerner les dynamiques migratoires, une seule technique ne pouvait me fournir toutes les informations fiables.

.a - Les entretiens ouverts :

Pour avoir beaucoup d'informations, des entretiens ouverts ont été réalisés avec quelques personnes fortement impliquées dans les affaires de la commune ici en France comme au Mali.

J'ai eu plusieurs entretiens avec Mr Camara Sadio, le représentant du chef de village de Diéoura en France. Mais j'ai remarqué que les entretiens ouverts poussaient certaines personnes à aller souvent loin du sujet. Par exemple dans la recherche de l'information liée à la mise en place des premiers réseaux migratoires, certains vieux nous amenaient sur le champs des conflits de générations, entre les vieux et les jeunes. L'entretien ouvert a permis aussi de cerner les thèmes sensibles susceptibles de créer des tensions dans la commune. L'entretien ouvert permet de déclencher le dialogue et de laisser s'exprimer librement les personnes interrogées. L'entretien ouvert a été beaucoup utilisé dans cette étude pour comprendre à fond la réalité de certaines choses.

b - Les interviews enregistrés:

Au départ, je n'avais pas envisagé de faire des interviews enregistrées pour éviter que le magnétophone ne dérange les personnes interrogées et ne les déconcentrer. Mais je l'ai utilisé avec l'ancien Maire de la commune de Diéoura et Mr Magassouba Harouna, le Président de l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura (ADCD). L'interview me permettait de connaître les différents points de vue et opinions par rapport aux tensions dans la commune. Souvent dans les interviews, je n'ai pas hésité à poser des questions liées à des problèmes très sensibles de la commune car j'ai compris que la prise en compte des tensions sociales me permettait de bien comprendre les agissements des migrants, par exemple en ce qui concerne la création de la caisse de solidarité et de l'Association pour le Développement de la

Commune de Diéoura, de même que les conflits liés au processus de décentralisation au Mali.

La caisse de solidarité est une caisse des migrants en France et gérée par les anciens, généralement notables du village. Les gestionnaires de cette caisse rendent très rarement compte de leurs actions aux migrants. Le paiement des cotisations est obligatoire

Par contre en ce qui concerne l'association pour le développement communal, on a une équipe composée de jeunes de toutes les catégories de personnes (nobles, et castes). Les projets de l'association sont débattus en public de façon démocratique, en présence de la majorité des migrants, sur proposition des membres de l'association. J'ai aussi cherché à comprendre, grâce l'interview, les axes prioritaires de développement selon les migrants et les non migrants.

c - Enquête par questionnaire :

J'ai utilisé le questionnaire auprès de toutes les catégories des migrants en France et un certain nombre de chefs de famille à Diéoura (Mali). L'objectif du questionnaire fait surtout de connaître les caractéristiques sociodémographiques des migrants (âge, sexe, ethnie, profession, ...). Avec le questionnaire j'ai aussi cherché à comprendre la vie des migrants en France, les conditions d'entrée en France, le projet des migrants, les relations avec le lieu d'origine.

J'ai interrogé 50 personnes en France dont 15 femmes, et 30 personnes au Mali dont 9 femmes. C'est encore une migration essentiellement masculine. Le nombre de femmes émigrées de la commune n'atteint pas 50. Toutes ces femmes vivent avec leur mari. Même si les immigrés se déclarent mariés, ils vivent en France en célibataires dans leur grande majorité.

Le questionnaire permet de dégager des tendances qui, par manque d'exhaustivité et qui ne reflètent pas une réalité absolue.

d - Enquêtes par observation participante :

Compte tenu de mon implication dans les mouvements associatifs des migrants de la commune de Diéoura en France, l'observation participative a été au coeur de cette recherche. Rien ne me différencie des migrants car nous vivons les mêmes réalités en France. Dans ce travail de recherche, la difficulté pour moi était de ne pas pouvoir faire souvent la différence entre mon rôle d'étudiant et de migrant engagé

Cette méthode a été surtout utilisée pour comprendre les comportements locaux des migrants

dans les foyers mais aussi au retour dans le lieu d'origine. L'observation m'a permis de connaître certains aspects de la vie quotidienne des migrants. À partir de l'observation, j'ai cherché à connaître la différenciation entre les familles, les villages, et les ethnies fortement au moins impliquées par les migrations. Par exemple la différenciation dans l'habitat des lieux d'origine et la présence de certains équipements dans la maison (moto).

J'ai voulu, pendant cette phase de terrain, rencontrer un responsable des ONG, KARED (Agence du Kaarta pour l'action Développement) ou PGRN (Programme de Gestion des Ressources Naturelles), qui travaillent dans la commune afin de connaître les relations entre ces différents partenaires et les ressortissants de la commune de Diéoura en France. Mais cela n'a été possible ni en France ni au Mali.

En France comme au Mali, la difficulté majeure a été le contact avec les femmes, pour des raisons sociales. Pour avoir le contact avec les femmes, j'ai été obligé de demander l'autorisation aux chefs de famille et les interroger en leur présence, ce que j'ai regretté car ce biais pesait énormément sur les réponses des enquêtées.

Globalement, la recherche d'information a été plus difficile que prévu. J'ai réalisé des enquêtes dans la mesure où je ne disposais pas de l'ensemble des informations sur ma commune dans les ouvrages que j'ai consultés sur ce thème. Aucune étude n'a été jusqu'à là réalisée sur la commune de Diéoura d'où la nécessité de mener une recherche efficace de terrain.

PREMIERE PARTIE :

LES DYNAMIQUES MIGRATOIRES CHEZ LES SONINKES

Chapitre I - La genèse des migrations Soninkés.

Faire une étude des migrations Soninkés nécessite de recourir à leur histoire. Déjà, il faut préciser que les Soninkés sont majoritairement répartis à cheval sur le Mali, le Sénégal et la Mauritanie dans ce qu'o n appelle << la zone des trois frontières » ou << le bassin du fleuve Sénégal ». Cette région est caractérisée par une homogénéité ethnique et culturelle, ce qui est très rare en Afrique au Sud du Sahara. On rencontre trois ethnies principales : les Soninkés, les Peuhls et les Mandingues. Mais ce sont les Soninkés qui sont les plus nombreux. C'est l'une des régions les plus pauvres du monde et les habitants vivent principalement grâce à l'agriculture mais surtout des revenus des émigrés.

Compte tenu des conditions climatiques difficiles, les populations ont vu la migration comme une stratégie de défense. Le processus migratoire chez les Soninkés a concerné au cours du temps plusieurs espaces.

Ce chapitre sera en effet consacré à l'étude de ces migrations dans les différents espaces concernés et les raisons fondamentales qui ont favorisé ces migrations et qui continuent de le faire.

1 - Une migration très ancienne :

La migration est une pratique installée chez les Soninkés depuis des siècles Cette tradition remonte à l'Empire du Ghana (VIIIe - XIe siècle avant J.c). Depuis cette époque, les Soninkés qui bénéficiaient des faveurs du roi Kaya Magham Cissé (lui même Soninké) étaient des commerçants et des voyageurs. Au départ, les voyages avaient pour but des échanges commerciaux. Au fil du temps, les villes découvertes lors des voyages servirent de demeures saisonnières aux commerçants. A l'époque, les chefs de famille libéraient les jeunes hommes pendant la saison sèche après les récoltes, les encourageaient à aller chercher un peu d'argent avant les pluies suivantes, date de retour au champ familial. Dans la mesure où les migrations saisonnières permettaient aux jeunes d'avoir un revenu, l'émigration devint un véritable moyen de lutte contre la pauvreté. Cette migration a commencé à prendre de l'ampleur au XXe siècle.

2 - Une migration de plus en plus lointaine, en Afrique :

On remarqu' au début du XXe siècle, que les migrants Soninkés, et en particulier ceux de la région de Kayes, commençaient à traverser les frontières du Mali en direction des pays frontaliers en particulier vers le Sénégal.

Entre 1930 et 1960, la culture de l'arachide au Sénégal (développée par le colonisateur), a attiré des migrants maliens. Cette migration en direction du Sénégal a été favorisée par de la construction du chemin de fer Dakar- Niamey en 1924. L'implantation d'usines dans les capitales des pays côtiers de l'Afrique de l'Ouest et Centrale a fait d'elles de nouveaux pôles d'attraction de migrants Soninkés. Le Congo Brazzaville et la République Démocratique du Congo (R.D.C.) sont les pays qui ont accueilli les premiers migrants Soninkés ce fut ensuite le Gabon, la Zambie, le Rwanda, le Burundi, etc.

La proximité géographique et la circulation des populations de part et d'autre de la frontière sont des facteurs stimulants de la migration internationale. L'émigration transnationale peut-être instable quand la proximité géographique est synonyme de distance politique. Des événements politiques ont remis en cause la présence des migrants dans les pays voisins. Par exemple, la dissolution de la fédération du Mali en 1960 s'est accompagnée de retour des Maliens résidant au Sénégal et des Sénégalais résidant au Mali. L'émigration dans certains pays comme la Côte d'Ivoire devient un véritable enjeu électoral, donne souvent lieu à des affrontements meurtriers et

une instabilité politique permanente

L'émigration des ressortissants de la région de Kayes, en particulier ceux de Diéoura en direction des pays africains, a tendance à baisser car la majorité de ces pays connaissent des troubles politiques et une dégradation de leur situation économique. Cet état de fait ne favorise pas l'intégration du migrant dans le tissu économique.

Après l'indépendance en 1960, La France est devenue une destination majeure pour les migrants soninkés de la région de Kayes.

Nous précisons que l'intérêt de ce travail n'est pas de faire une histoire des migrations Soninké, véritable métier d'historien. Mais c'est surtout de montrer la diversité du processus migratoire dans le temps et dans l'espace.

3- Une migration de plus en plus tournée vers la France

a- Dans un premier des conditions favorables de part et d'autre

Les Soninkés ont été mobilisés dans l'armée française lors de la seconde guerre mondiale. Il s'agissait des fameux « Tirailleurs Sénégalais ». A la fin des hostilités, quelques uns sont restés en France et ont favorisé progressivement l'établissement des premiers réseaux migratoires.

Après la seconde guerre, la France qui était en quête de main d'oeuvre, a fait appel aux jeunes africains. Les Soninkés restaient écrasants dans le contingent malien. La politique d'immigration française à cette époque était favorable à l'ouverture des frontières. On remarquait que les migrants en France retournaient au pays, quelques années plus tard, avec des économies sans précédent. Les jeunes garçons de leur entourage ont commencé à être intéressés quand ils ont remarqué que ces migrants envoyaient plus d'argent aux chefs de famille. Hier comme aujourd'hui, l'ouvrier parti en France a un grand privilège, dans la mesure où il est considéré comme quelqu'un qui a beaucoup d'argent et qui a la capacité de soutenir de nombreuses familles dans les moments difficiles.

A partir de 1970, l'aggravation des conditions économiques notamment avec le durcissement des conditions climatiques, la croissance démographique et la faible intervention de l'État pour la réalisation d'équipements d'intérêt public ont, renforcé la dépendance des communautés

émettrices vis-à-vis des transferts de fonds des immigrés en France5.

Les dirigeants des pays émetteurs de migrants, dans les années 1960-1970, considéraient l'émigration comme un fait nuisible au développement des régions d'origine. Mais plus tard, ils ont compris que les émigrés pouvaient potentiellement se révéler comme des acteurs capables de mobiliser des fonds nécessaires au profit des régions de départ.

Un autre facteur important de la mobilité des habitants du bassin du fleuve Sénégal tient au fait qu'ils sont dans une zone presque abandonnée par les États jusqu'à présent et particulièrement les soninkés du fait de la minorité des Soninkés dans les pays où ils vivent t « Au Mali, les Soninkés sont peu nombreux par rapport aux Bambaras, en Mauritanie par rapport aux Maures, et au Sénégal par rapport aux Wolofs »6. Ce sentiment d'abandon va jouer un rôle décisif dans l'engagement des Soninkés à aller chercher ailleurs les moyens à développer leurs lieux d'origine.

Dans la région de Kayes au Mali, l'agriculture n'est pas rentable et elle offre peu d'emplois. L'enclavement constitue un frein au développement de la première région administrative du Mali. Ce sont les migrants qui apportent la plus grande quantité d'argent à la région.

Pour répondre à la question, y a-t-il une corrélation entre migration et pauvreté ?

C'est absolument oui. Les réponses des enquêtes en France comme au Mali, présentent la migration comme un moyen de subvenir aux besoins de la famille, du village et aujourd'hui de la commune.

En effet, il faut dire que la raison économique reste la raison fondamentale dans l'étude des migrations qui font l'objet de ce mémoire, même si le l'aspect culturel est aussi à prendre en compte.

b- Depuis 1974, une politique de plus restrictive en France

Au départ, il n'y a pas eu d'installation définitive car les conditions d'entrée en France étaient simples. Les migrants partaient au pays dès qu'ils avaient travaillé quelques années (deux ou trois ans au maximum) et pouvaient revenir en France au moment souhaité.

« A partir de 1974 l'immigration économique est arrêtée et un contrôle rigoureux s'impose

5 Q. Catherine, 1991.

6 Mahamed Timera,1996

désormais aux candidats à l'immigration »7. A partir de cette date, ceux qui viennent en France restent jusqu'à l'obtention d'un titre de séjour facilitant les allers et les retours jusqu'à la retraite. Avant, le jeune garçon devait chercher une partie des frais de son transport dans un autre pays en demandant le complément à son frère, cousin, oncle, ami, beau frère ou neveu vivant déjà en France.

D'après nos enquêtes, 30 des 50 personnes interrogées en France déclarent avoir obtenu un visa et être s'envolées directement de Bamako-Senou vers Paris après 1990, et 20 ont déclaré transiter par d'autres pays. Par contre, toutes les femmes interrogées en France déclarent avoir obtenu leur visa à Bamako et sont venues directement à Paris sans séjourner dans un autre pays, dans les conditions légales.

A partir de 1990, l'instabilité politique et économique dans les pays d'accueil (particulièrement en Afrique centrale) a donné lieu à une autre orientation du voyage. Les jeunes candidats au départ qui avaient des répondants en France, ne transitaient pas vers d'autres pays mais remplissaient les formalités du voyage à Bamako. L'ensemble des frais de transport a été financé depuis Bamako pour Paris.

Nous avons constaté que les personnes qui transitaient dans d'autres pays étaient des vieux qui sont arrivés par les bateaux avant la fermeture des frontières et celles qui étaient jeunes et arrivées après 1990, sont des personnes qui n'avaient pas de répondants en France.

La féminisation de la migration internationale est une réalité favorisée par le regroupement familial du fait de gel de l'immigration. Mais la majorité des ressortissants de la commune de Diéoura vivent en France sans leurs femmes. C'est encore une migration essentiellement masculine. Lorsque nous avons cherché à connaître les raisons pour lesquelles les migrants vivent sans leur famille (épouses et enfant) en France, les personnes interrogées ont avancé deux raisons principales : leur inquiétude quant à l'avenir de leurs enfants en ce qui concerne leur intégration en France aussi bien qu'au Mali et de la multiplication des charges familiales (frais de louer, scolarité ses enfants ) est un autre facteur à prendre en compte dans cette analyse.

La migration des ressortissants de Diéoura reste principalement orientée vers la France, mais depuis deux ans, l'Espagne devient un véritable pôle d'attraction.

7 D.Christophe, 1993;

c - les filières d'immigration clandestines :

Le processus de fermeture des frontières va de l'arrêt de la migration officielle en 1974 à l'instauration du visa d'entrée pour le plus part des pays africains à partir de 19858.

Aujourd'hui, les départs empruntent essentiellement des filières illégales. Ainsi, politiciens, marabouts, commerçants, responsables de l'administration, artistes, profitent de toutes les opportunités pour dénicher un visa aux candidats près à payer le prix fort. Selon nos enquêtes, réalisées auprès de quelques candidats au départ, les frais du voyage de Bamako à Paris serait de l'ordre de 3050 € ou plus aujourd'hui contre 1000€ en 1990. On assiste donc en une augmentation considérable des frais du voyage.

L'inégalité est un concept récurrent dans l'analyse de ces migrations. Les candidats au départ disposent généralement de titres de voyage et de visa nécessaires à l'entrée dans le pays d'accueil, et ont fait appel à des réseaux officieux. La plus grande partie des émigrés établis après 1974 reste au-delà de la durée que leur confère le visa de tourisme ou de transit en attendant une régularisation de leur statut de résidence. On assiste à une fin des migrations de main d'oeuvre et des migrations tournantes vers la France depuis l'instauration de la carte de séjour et du visa d'entrée. On passe d'une émigration de travail à une émigration d'installation avec tous les problèmes d'insertion professionnelle et d'intégration.

Si dans les années 1960 - 1970, les migrants arrivés en France ne connaissaient pas le chômage, il en est plus le même aujourd'hui. Les jeunes qui quittent le village et viennent directement en France souffrent beaucoup du chômage. Beaucoup d'entre eux travaillent au noir9.

Les migrations soninkés ont évolué dans le temps avec une capacité d'adaptation dans les lieux d'accueil. La crise d'une destination donne lieu à la découverte d'autres destinations.

En effets les différents contextes socio-économiques jouent énormément sur l'orientation et l'action des migrants.

8 -Voisont D. et al, 1992. 9- Julien C. et Syr D, 1996

Chapitre II - Présentation de la commune rurale de Diéoura.

1- Présentation d'ensemble :

La commune rurale de Diéoura est située dans la partie Nord de la première région administrative du Mali : Kayes, dans le cercle de Diéma entre le 9°20 et le 9°30' de longitude Ouest et le 14°47' de latitude Nord et couvre une superficie de 390 Km2. Elle est limitée par la commune rurale de Lakamané au Nord-Ouest, par la commune rurale de Sansakidi à l'Ouest, par la commune de Sefeto dans le cercle de Kita, au Sud - Ouest par la commune de Diallan, à l'Est par la commune de Lambidou et au Sud-est par la commune de Diagouté Camara.

On est là dans le domaine sahélien, en climat tropical sec à deux saisons. Les précipitations annuelles connaissent un régime très irrégulier, oscillant d'une année sur l'autre de 500 à

1000 mm, tombant entre juin et octobre. Les récoltes sont donc incertaines et les revenus de l'agriculture précaires. L'eau manque. La commune ne possède que de petits oueds temporaires dans les parties nord et sud.

Le relief est peu accidenté est constitué de collines au Nord et d'une succession de glacis sur le reste du territoire communal

La commune a été créée en 1999 à la suite de réforme décentralisation engagée par les autorités politiques maliennes. Elle est composée de cinq villages principaux et de six hameaux dont trois habitant toutes l'année. Ces villages sont Niankan, Tassara, Foulanguédou, Madina - Bambara et Diéoura, le chef lieu de la commune. Les hameaux sont Diakali, Bobougou, Karagné Noumokolo, Founto et Bakama. Tous les hameaux sont administrativement rattachés au village de Diéoura. Par leurs affinités, ces différents villages et hameaux se sont réunis pour créer la commune de Diéoura (voir tableau 2).

Les premiers habitants de Diéoura seraient venus de Kaïnera, Fatao et Lambidou. Le village de Diéoura aurait connu une seule guerre meurtrière à fin XVIIe siècle. Il s'agit de la guerre qui

a opposé les habitants de Diéoura à ceux de Lambidou.

Tous les autres villages, au départ, étaient des hameaux de cultures où les paysans partaient cultiver pendant la saison pluvieuse. Après les récoltes ils revenaient passer la saison sèche à Diéoura. Mais peu à peu les paysans qui partaient pour les cultures ont décidé de rester après les récoltes du fait de la richesse des pâturages pour les animaux et de la richesse des terres. Il faut reconnaître que les grandes sécheresses ont contribué à un retour des populations des hameaux de cultures vers Diéoura.

Quelle que soit la dispersion des habitants dans l'espace, le village de Diéoura demeure le plus gros village et abrite tous les équipements d'intérêt commun.

31

Tableau 1: les Communes du cercle de Diéma.

Nom de la commune

Nombre de villages

Populations de plus de 10000 hbts

Populations de 5000 à

10000

Populations de moins de 5000htbs

Diéma (Diéma)

15

15609

 
 

Dianguirdé

15

 

8834

 

Madiga Sacko

25

 

8302

 

Béma

4

20156

 
 

Groumera

8

 

6217

 

Géudibiné

9

 

6974

 

Lambidou

5

 

8004

 

Fatao

1

 
 

3072

Dgt Camara

13

14250

 
 

Dioumara

17

 

9816

 

Gomitradoug ou

8

 
 

3661

Lakamané

16

10169

 
 

Diéoura

5

 

8993

 

Sansankidé

6

 
 

3294

Source: Stéphanie Lima, 1999, D.E.A de géographie, Recomposition territoriale et décentralisation au Mali, le cas de la région de Kayes, p.3.

.

Tableau 2 : Les distances entre le village de Diéoura et les autres villages de la commune

Villages

Distance au chef lieu de la commune

Diéoura

Chef lieu de commune

Tassara

30 Km

Niankan

8 Km

Foulanguédou

20 Km

Madiria- Bambara

15 Km

Keita, 2004.

2- Les caractéristiques socio-économiques de la commune

La commune rurale de Diéoura compte environ 9000 habitants selon les recensements de 1999. La population est majoritairement jeune comme partout en Afrique. Plus de 50% de la population sont occupés par l'agriculture. Le taux d'émigration serait plus de 30% pour l'ensemble de la commune. Mais précisions que la migration concerne essentiellement la population masculine. Les migrations saisonnières, bien affaiblies, sont encore pratiquées par les jeunes hommes vers les villes comme Kayes, Kita, Bamako, Nioro, Yelimané, etc. Une partie de la population active migre en direction de la Côte d'Ivoire, du Gabon, Congo Brazzaville, de la République Démocratique du Congo, la Libye.

En Europe, la destination privilégiée est la France, mais de plus en plus l'Espagne qui attire, elle aussi, depuis peu, les migrants de la commune de Diéoura.

Tableau 3: population des différents villages de la commune.

villages

population

Nombre de migrants

Nombre de migrant en France

Ethnie majoritaire

Diéoura

5230

800

315

Soninké

Tassara

1015

462

95

Soninké

Niankan

1050

520

91

Peuhl

Madina

473

69

35

Bambara

Noumokolo

420

89

29

Soninké

Founto

375

106

37

Soninké

Source : Mairie de la commune de Diéoura.

Ce tableau ne prend pas en compte les migrants qui ne participent pas aux cotisations de la commune. Il s'agit des enfants nés en France et les émigrés de la commune installés définitivement dans les grandes villes au ou ailleurs, ainsi que les femmes.

Plus de 80% des migrants sont en situation irrégulière et habitent dans le département de la Seine Saint - Denis.

Il faut cependant prendre ces chiffres avec beaucoup de prudence dans la mesure où ils sont pas en jour et les recensements ne prennent pas souvent en compte toutes les caractéristiques des populations. Ces derniers sont majoritairement occupés par l'agriculture. Mais on trouve à la fois des personnes qui pratiquent l'agriculture, l'élevage et le commerce.

Quoi qu'il en soit, l'agriculture est l'activité dominante dans la commune de Diéoura et repose principalement sur la culture de mil, de sorgho, de l'arachide, et du maïs. On cultive aussi le riz aux abords des cours d'eau de façon très marginale à cause de la rareté des cours d'eau et de pluies.

L'élevage est mieux approprié aux conditions physiques locales, mais souffre du manque de pâturages, de l'insuffisance des points d'eau et de la faible couverture sanitaire.

Tableau4: la taille du cheptel

Villages

Bovins

Ovins-
Caprins

Équins

Diéoura

3000

2500

180

Tassara

2000

1630

88

Niankan

800

720

20

Foulanguédou

350

280

16

Madina-
Bambara

270

150

11

Source : données de la mairie de Diéoura 2004

Ces chiffres sont très loin de la réalité, dans la mesure où les gens ne déclarent pas le nombre total de leurs animaux afin d'échapper à l'imposition.

La commune de Diéoura constitue un couloir important pour les Peuhls transhumants. Il existe depuis 1997 un important conflit entre les éleveurs et agriculteurs dans cette zone et qui a conduit à l'abandon de la zone par les éleveurs peuhls.

L'artisanat est peu développé dans la commune de Diéoura et est pratiqué par les hommes de castes (forgerons, potiers, cordonniers).

L'exploitation forestière se résume à la coupe bois de cuisine et de bois d'oeuvre pour la construction des habitations.

La faiblesse des ressources naturelles, les conditions climatiques difficiles, l'analphabétisme et le manque d'infrastructures adéquates entravent dangereusement le développement de la commune de Diéoura. Le seul atout de la commune est le rôle déterminant que jouent les émigrés. L'émigration est en effet la source principale des revenus de la commune. Les populations vivent au rythme de l'émigration.

DEUXIEME PARTIE :

APPORTS ET EFFETS DES MIGRATIONS DES HABITANTS DE LA COMMUNE DE DIEOURA

Chapitre I: Les réalisations des migrants de la commune de Diéoura

1- Les réalisations collectives :

Les migrants de la commune de Diéoura, étaient déjà organisés avant la création de la commune. L'ensemble des villages qui composent actuellement la commune avait une grande caisse solidarité exceptés les village de Tassara et de Foulangoudou. Cette caisse avait un succès particulier au début des années 1990. Tous les migrants à l'époque avaient une seule ambition : développer les villages d'origine à tout prix. Monsieur Camara Sadio nous a affirmé qu'en ce moment tous les migrants répondaient sans exception à son appel.

Toutes les décisions qu'il prenait en direction du village de Diéoura étaient

systématiquement appliquées. Les cotisations étaient régulières. Tous les projets proposés par les chefs de village aux migrants étaient appliqués au niveau de la France.

Mais avec la grande caisse de solidarité le problème principal est que tous les migrants payaient les cotisations mais les projets étaient dirigés vers le village de Diéoura seulement. Au niveau de chaque il y a une caisse de solidarité pour la réalisations des projets l'échelle villageoise. Toutes les réalisations qui seront évoqués ici sont celles réalisées par les caisses de solidarité. L'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura n'a fait pour le moment aucune action de développement car elle a été créée seulement en 2003.

La première grande réalisation des migrants de la commune de Diéoura a été la construction de la grande mosquée de Diéoura en 1990. La construction de la grande mosquée a été financée par les migrants de la commune en France et au Gabon. Les migrants de tous les autres villages ont participé à au financement de cette mosquée. Monsieur Camara nous a fait savoir que tous les migrants en France en cette époque avaient payé les cotisations. Il faut préciser qu'en ce moment ils étaient très peu nombreux en France. Mais quelques années plus tard, les migrants se sont désengagés petit à petit des cotisations. Surtout les jeunes qui venaient d'arriver dans un environnement difficile à intégrer. Les jeunes évoquent comme raison principale le chômage. Si en 1960 on avait facilement accès à un emploi dans les usines, il en est différemment aujourd'hui.

a- La lutte des migrants pour l'accès à l'eau dans la commune de Diéoura.

Le problème primordial à résoudre dans le Sahel est sans doute celui de l'eau. C'est la raison principale pour laquelle, depuis plus de dix ans les migrants se sont engagés pour un meilleur accès à l'eau dans les villages d'origine. Mais il faut reconnaître que tous les villages de la commune de Diéoura ne présentent les mêmes besoins en la matière.

- Dans le village de Diéoura, le problème d'eau potable se pose moins que dans les autres villages de la commune. Six pompes à eau ont été installées en 1992 par le projet de lutte contre le vers de guinée décidé à l'époque par l'actuel chef de l'État malien Amadou Toumani Touré. Plusieurs forages existent également dans ce même village. La quantité d'eau disponible est suffisante pour les populations et les animaux.

Mais dans les autres villages de la commune, l'eau est le souci prioritaire des migrants. Les priorités établies par les migrants du village de Diéoura concernent aujourd'hui : l'amélioration des conditions de travail dans le Centre de Santé, la construction d'une pharmacie, la construction de plusieurs salles de classes au sein de l'école.

- Le village de Founto est celui qui connaît le plus grand problème d'eau. Souvent le manque d'eau oblige à déplacer le bétail vers d'autres villages (15 à 20 Km). Les ressortissants du village se sont engagés au début des années 1980 et ont financé l'installation de deux pompes à eau en 1984, d'un premier puits à grand diamètre en 1999, d'un autre en 2000 et d'un dernier en 2002. Tout récemment, en mai 2005 les migrants de ce village ont financé l'installation de deux pompes à eau. Toutes ces infrastructures ont été financées à 100% par les migrants du village de Founto. Toutefois, la question de l'eau reste fondamentale pour les migrants du village de Founto. La caisse de solidarité du village de Founto est bien alimentée aujourd'hui et les ressortissants sont toujours à la recherche d'une entreprise pour la mise en place d'un château d'eau. Compte tenu du problème d'eau de ce village, on s'organise même au niveau des familles pour creuser des puits. Le représentant du chef de village de Founto en France nous a affirmé que la question de l'eau reste toujours sa préoccupation majeure.

Dans les autres villages de la commune le problème d'eau se pose moins qu'à Founto. Le manque d'eau relève essentiellement du fait que nous sommes dans une zone sahélienne.

La pluviométrie annuelle oscille entre 500mm et 1000 mm par an. Le régime des pluies est très irrégulier.

b- Les initiatives récentes:

La question alimentaire est fondamentale pour les migrants, de ce fait ils ont ouvert des coopératives céréalières dans chaque village. Les coopératives céréalières permettent de dépanner les villageois au moment des soudures ou pendant les années de sécheresse. Dans chaque village existe au moins une coopérative céréalière. La première coopérative a été créée en 1987. Ces

coopératives connaissent des problèmes de gestion qui compromettent leur bon fonctionnement à long terme. Généralement les fonds sont gérés par des personnes qui rendent rarement compte aux associés. De plus, pour ces coopératives on ne prévoit pas une réorientation des fonds pour d'autres projets. A cause de la mauvaise gestion la première coopérative a même fermé ses portes.

Dans le domaine de la santé, les migrants de la commune de Diéoura n'ont jusqu'à là construit que deux centres de santé : il s'agit du centre de santé de Diéoura et celui de Tassara. C'est leur deuxième grande réalisation. Le Centre de Santé de Diéoura a été construit en 1995,

celui de Tassara est en cours de construction.

La construction de ces deux centres a été financée à 100% par les migrants de la commune. Les difficultés rencontrées dans ces deux centres de santé concernent entre autre le manque de personnel sanitaire qualifié, et celui des matériels nécessaires.

Les locaux de la mairie de Diéoura ont été construits en 2001 et actuellement de la construction de trois salles de classes à Diéoura.

L'équipement le plus répandu dans la commune de Diéoura aujourd'hui est l'installation des téléphones satellites. Le premier téléphone a été installé en fin 2001 par un groupe de jeunes migrants de la commune en France. Ainsi, en l'espace de quatre ans on a assisté à la mise en place des téléphones dans tous villages de la commune et même dans les hameaux.

Dans ces villages on reçoit des appels de France et d'ailleurs, alors qu'on ne dispose ni d'eau ni d'électricité, ni de centre de santé dignes de ce nom.

En effet, dans tous les villages Soninkés, le téléphone est un équipement à la mode aujourd'hui. L'installation des téléphones et des coopératives céréalières crée quelques emplois pour les non migrants.

c- L'inégale répartition des infrastructures constitue une entrave à la mobilisation des migrants sur l'espace communal.

Il existe une distribution très inégale des infrastructures dans la commune. Toutes les infrastructures de grande valeur sont localisées principalement dans le village de Diéoura, chef-lieu de la commune, qui pourtant ont toutes été financées par l'ensemble des migrants de la commune. Cette inégalité conduit souvent les migrants des autres villages à refuser les financements des projets pour le village de Diéoura.

Dans chaque village, il existe une caisse de solidarité pour la réalisation des projets

villageois : des pompes à eau, puits à grand diamètre, coopératives céréalières. Mais ce sont des projets réalisés uniquement par les ressortissants de ces villages, sans la moindre participation des migrants originaires du village de Diéoura. De ce fait, on remarque que, de plus en plus, les migrants s'intéressent davantage à leur propre village qu'à l'ensemble de la commune ce conduit à entraver le bon fonctionnement de l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura.

Actuellement les axes prioritaires de développement pour l'Association pour le

Développement de la Commune de Diéoura privilégient : l'autosuffisance alimentaire, la santé, l'accès à l'eau potable dans tous les villages de la commune, et l'éducation. Nous remarquons que la mobilisation est plus forte dans les autres villages qu'au chef lieu même. Ce qui conduit à un désengagement des migrants pour la réalisation d'infrastructures à l'échelle communal.

Il est indispensable, aujourd'hui, d'étudier les problèmes village par village et de proposer des solutions d'ensemble, pour que tous les migrants se sentent concernés sans exception. Les migrants, au cours des enquêtes, nous ont affirmé que les villages ne connaissent pas tous les mêmes problèmes.

Toutes les réalisations évoquées dans ce passage, exceptés les locaux de la mairie de Diéoura et les 3 salles de classes dont la construction est en cours ont été réalisés bien avec la création de la commune et de l'Association pour le Développement de la commune de Diéoura .

Précisions également que L'association pour le développement de la commune de Diéoura (ADCD) n'a aucun lien avec les caisses villageoises.

En effet, aujourd'hui comme hier, le développement des communes et plus particulièrement des communes Soninkés ne peut être une réalité sans une forte implication des migrants des différents villages. Les migrants de la commune de Diéoura sont plus que jamais convaincus que le développement de la commune passe avant tout par eux.

Globalement dans la commune de Diéoura, le village de Tassara paraît comme le plus « avancé » sous l'action des migrants. Toutes les réalisations dans ce village sont des actions d'envergure et réalisés à 100% par les ressortissants du village Tassara.

Ensuite vient le village de Founto pour la lutte menée par ses migrants pour l'accès à l'eau potable.

Cette première phase de la décentralisation ne peut en aucune manière nous permettre de constater qu'elle est génératrice de développement. Le développement ne peut se faire sans l'action conjuguée de tous.

Tableau 5: Réalisations des migrants dans quelques villages de la commune de Diéoura Tableau 5a: village de Diéoura

Type de réalisation

Nombre

Montant

Année

Mosquée

1

300.000FF

1990

Centre de Santé

1

500.000FF

1995

École, Medersas

2

60.000FF

1994, 2004

Coopératives

5

250.000FF

1988, 2002

Pompes à eau

6

 

1993

Puits à grand Diamètre

5

 

1990

Téléphones

10

100.000FF

2001,2003

Les colonnes vides correspondent aux réalisations de l'État malien.

Tableau 5b: village de Tassara

Type de réalisation

Nombre

Montant

Année

Mosquée

1

40.000FF

1986

Centre de Santé

1

400.000FF

2004

École, Medersa

2

50.000FF

2002

Pompe à eau

2

6000FF

1995

Coopératives Céréalières

2

150.000FF

1992

Puits à grand Diamètre

3

30.000FF

1996

Téléphone

2

40.000FF

2002

Tableau 5c: Village de Founto

Type de réalisation

Nombre

Montant

Année

Pompe à eau

2

35000FF

1983

Puits à grand diamètre

3

40000FF

1993, 1999, 2003

Coopérative céréalière

1

30000FF

2003

Source : élaboration personnelle issue des enquêtes (mai, 2004)

2- les actions individuelles menées par les migrants

a - Les transferts de fonds :

Ils constituent la principale source de revenus de la commune de Diéoura. Les retombées financières de la migration sont l'un des moyens pour pallier à la crise alimentaire en milieu soninké. Ces transfèrent deviennent ainsi l'élément essentiel de réduction de la pauvreté.

Mais reconnaissons qu'il est difficile d'évaluer dans un temps donné le montant des transferts financiers des migrants vers la commune de Diéoura. Les conditions de transfert sont informelles donc l'évaluation apparaît impossible. Par exemple les transferts familiaux sont essentiellement opérés de la main à main et, là encore, l'organisation en village bis en France facilite la circulation monétaire entre le village et le foyer. Il n'est donc pas rare, pour qui fréquente le foyer de migrants, d'assister à la réunion du village au cours de laquelle chacun remet au partant son épargne pour la famille. Les revenus provenant des migrants sont en effet à mettre en rapport avec la taille de la famille, le nombre de personnes à charge comme le nombre de personnes travaillant en France.

Plusieurs travaux sur les migrants maliens en France montrent que chaque migrant envoie en moyenne 150 €uros par mois à la famille restée au village. Cependant nos propres enquêtes et observations nous ont fourni un autre constat : les migrants qui envoient 150 €uros tous les mois sont généralement ceux dont les familles sont installées à Bamako ou dans d'autres grandes villes du Mali. Ce montant peut-être même doublé, selon les besoins de la famille. Cela, du fait que les dépenses plus élevées dans les grandes villes qu'au village. Il s'agit notamment des frais

de santé, d'éducation des enfants, des dépenses en eau et en électricité et surtout de la nourriture en ville qui exige des conditions alimentaires améliorées relativement au village. Les dépenses sont multiples, surtout si la famille doit payer un loyer.

En revanche, ceux dont les familles sont restées au village nous ont affirmé que s'ils envoient 150 €uros, c'est à des occasions précises. Par exemple pour l'achat de la nourriture, les impôts, les fêtes, le baptême, le décès et plus de 150 €uros s'il s'agit de financer le mariage d'un frère. L'envoie d'argent en direction du village n'est pas régulier.

Dans le milieu urbain, l'activité des hommes est surtout consacrée au commerce souvent informel dont les revenus ne sont pas en général pris en compte pour les besoins de la famille sauf par nécessité. En ce sens qu'il n'y a personne à l'étranger pour envoyer de l'argent.

Les femmes soninkés ne travaillent presque pas en milieu urbain. Certaines font le petit commerce à la porte des concessions mais très rarement dans les marché comme font les femmes bambara ou bozos (ethnie des pêcheurs). L'activité agricole n'est pas pratiquée par les soninkés quand ils résident dans les villes.

En résumé, la dépendance des familles vis-à-vis des sommes envoyées est grande mais beaucoup plus accentuée si la famille réside en zone urbaine.

b- Les flux des marchandises en direction de la commune :

Les flux de marchandises en direction de la commune, de France vers les villages sont importants. Certains migrants apportent des objets pour faire du commerce. Par exemple des pièces détachées, des pneus, des portes etc. Rapporter des matériels venus de la France, est une manière de démontrer que l'acte migratoire a été réussi. Il s'agit des matériels qu'il est impossible d'acquérir en travaillant aux pays d'origine.

Dans les années 1980 et 1990 les migrants achetaient surtout des motos en France et les envoyaient. La moto a eu beaucoup de succès surtout avec les jeunes. C'est encore un moyen d'affirmer sa réussite. Les migrants achètent aussi des équipements pour le foyer tels que les réfrigérateurs d'occasion. Certains envoient ces objets pour mettre en place de petites entreprises qui seront gérées soit par les parents soit par des amis restés au village ou à Bamako. Les migrants à leur retour au village apportent des habits provenant surtout des entreprises dans lesquelles ils travaillent (Képi, Blouson, chaussures ...).

En 2001, les migrants de la commune de Diéoura ont commencé à acheter de véhicules

transport. C'est un secteur qui n'intéresse pas beaucoup de gens, car l'achat d'un véhicule demande beaucoup de fonds en France et au Mali.

c - Du village vers la France :

Il faut dire que ce transfert est peu développé. Il donne lieu à un commerce qui se développe essentiellement dans les foyers d'immigrés en France. Les migrants estiment qu'en revenant du pays, ils ne disposent pas d'assez d'argent pour apporter des marchandises en quantités importantes. Les migrants peuvent apporter des habits qui coûtent moins cher au Mali qu'en France: des habits à vocation culturelle comme le « Bogolan », des grands boubous, quelques kilos d'arachide, du couscous... Ces derniers produits peuvent être envoyés par les parents des migrants ou apportés par les migrants eux-mêmes pour faire des cadeaux aux autres migrants.

d - Les échanges culturels :

Chaque déplacement de personne, chaque communication occasionne des flux d'informations qui jouent un rôle important dans l'organisation des réseaux migratoires. La communication avec ceux qui résident à l'étranger s'est fortement développée au cours de ces dernières années, notamment avec l'installation des téléphones satellites dans tous les villages de la commune. La communication entre les migrants et leur communauté d'origine, qu'elle soit individuelle ou collective, il y a lieu de souligner une dimension importante de ces échanges. Dans le contexte d'un courant migratoire entre deux sociétés différentes, l'échange d'informations ne peut pas venir seul. Puisque l'expérience à l'étranger est loin d'être comparable à celle du village. Les migrants viennent d'une société purement rurale qui tentent d'intégrer un autre monde.

Il est facile de reconnaître un migrant qui vient de France ou d'un autre pays au village. Les migrants qui viennent de France se font remarquer par leur mode habillement et le français qu'ils parlent. Il faut dire qu'il n'y a pas de véritable transition entre le village et Paris, dans la mesure où on a deux sociétés totalement différentes. En plus de transferts de fonds, ces différents transferts matériels, immatériels, culturels sont d'une grande importance pour comprendre la relation entre les migrants et leur lieu d'origine.10 Il ne peut y avoir de sens à l'étude des migrations internationales sans prendre en compte l'ensemble de ces paramètres.

10 - Faret L., 2003, les territoires de la mobilité, migration et communauté transnationales entre le Mexique et les États -Unis, Paris, CNRS, 231p.

Un autre aspect plus important de ces échanges culturels est la diversification de

l'alimentation locale à base de mil. Si dans les années 1980- 1990 on consommait le riz une fois par semaine, généralement les vendredis (jour saint pour les musulmans) ou les lundis (jour de repos des paysans), aujourd'hui le riz au poisson venu du fleuve est consommé quatre jours sur sept dans « les familles aisées ». Il en est de même pour la consommation de la viande.

Tous ces éléments font de l'émigration un véritable fait de société en milieu soninké.

Chapitre II - Evolution de l'espace villageois sous l'action des migrants : l'exemple du village de Diéoura

1-Les transformations du paysage villageois :

Elles concernent l'étendue du village, son organisation interne et les modifications de l'habitat. Le village de Diéoura a retenu notre attention du fait qu'il est le chef-lieu de la commune .Il connaît une extension importante depuis le début des années 1990.

Nous avons pris cette année comme référence pour apprécier ces évolutions parce que c'est à partir de cette date que le nombre d'émigrés du village de Diéoura à destination de la France s'accroît. Ces dernières quinze années ont été décisives dans la transformation de l'espace.

Le village de Diéoura s'étend aujourd'hui sur un peu plus de deux kilomètres alors qu'en 1990, cette distance ne dépassait un kilomètre. Nous avons cherché à comprendre le pourquoi d'une extension aussi rapide. On ne constate pas d'arrivées importantes dans ce village qui pourraient l'expliquer. L'ancien maire nous a tout simplement dit que son extension est essentiellement due à l'action des migrants. Cette information a été confirmée par nos propres enquêtes de terrain.

a- L'action collective des migrants favorise l'extension :

Le village est organisé en deux quartiers principaux (cf. figure1), celui des imams et celui des notables. Le nombre d'habitants serait de l'ordre de cinq mille deux cents personnes, appartenant toutes à l'ethnie soninké.

Son extension s'explique d'abord par l'action collective qui s'est manifestée par la

construction de l'école primaire, le centre santé et les locaux de la mairie de la commune. Ces infrastructures collectives sont localisées tout au nord ouest, en bordure du village. Elles confèrent à ces lieux la physionomie d'un véritable quartier administratif. En 1989, il était situé à 1 kilomètre des dernières concessions du village et n'était entouré que par les habitations des enseignants et des agents de santé. Aujourd'hui, il se trouve à l'intérieur du village, entouré par de nombreuses concessions des familles qui ont quitté le centre. En outre, depuis la mise en place de la mairie en 1999, on s'intéresse de plus en plus à la propreté de ces lieux publics (place

publique, mairie, école, routes principales), et d'une manière générale à l'ensemble du village.

Ces investissements sont onéreux et n'étaient pas à la portée des habitants restés au village sans l'action des émigrés du village.

b- L'extension de l'espace due aux investissements immobiliers privés des migrants :

Si, dans les débuts de la migration, les migrants achetaient des troupeaux de boeufs, aujourd'hui ils sont surtout attirés par la construction dans le village de Diéoura. Certaines familles qui en ont les moyens, quittent le centre pour s'installer dans la périphérie, modifiant l'organisation interne du village. Dans la majorité des cas, ce sont les migrants qui sont à la base de cette évolution. On a tendance à avoir une organisation sur modèle de Chicago. Dans la périphérie, on trouve des populations << riches » par rapport au centre. Le centre reste occupé par les familles qui n'ont pas généralement assez de migrants en France. A Diéoura on a l'impression d'avoir une organisation plus urbaine que villageoise.

A la question posée : << pourquoi n'avez vous pas aménagé les anciennes concessions ? », un chef de famille nous a répondu ceci : << si, aujourd'hui, moi j'ai décidé de sortir du centre du village, c'est pour la simple raison que la famille s'agrandit. Plusieurs de nos enfants vont bientôt se marier et l'ancienne concession est vraiment petite pour nous tous. C'est également un moyen pour moi de montrer la réussite de nos enfants qui sont en France et d'encourager d'autres jeunes à faire comme eux. C'est aussi un souci pour nous, vieux et chefs de familles, de montrer le prestige de notre village par rapport à d'autres villages environnants et de démontrer que le développement d'un lieu passe d'abord par la volonté affichée des ses propres fils. Personne ne peut contribuer seul au développement d'une localité sans l'action conjuguée de tout le monde ». Ces propos nous ont beaucoup impressionné dans la recherche. Dans un milieu complètement abandonné par l'État, les migrants assument leur rôle dans les localités d'origine.

L'extension du village n'a pas occasionné de déplacement du centre politique du village de Diéoura, c'est à dire du lieu où se tient généralement le conseil du village, sous la conduite du chef du village. Il ne fait aucun doute aujourd'hui que le village s'est considérablement étendu de tous les côtés surtout le Nord - Est vers la route de Noumokolo ( voir figure1) .

On remarque aussi que la configuration des quartiers n'obéit plus aux relations sociales traditionnelles entre les différentes classes (nobles, castes) composant le village. Avant 1990, on pouvait remarquer deux quartiers principaux et un quarter secondaire qui est celui des hommes de castes. Ce quartier était situé au centre du village entre les quartiers des notables et celui des imams.

c- Les modifications de l'habitat :

La première forme de l'habitat en milieu soninké est la case ronde avec une toiture en paille. Elle n'exige pas de moyens financiers. Mais elle est de plus en plus aujourd'hui abandonnée pour deux raisons principales ; les grandes herbes pour le chaume, sont devenues rares à cause de la sécheresse et la deuxième raison est le fait de l'émigration. Ces genres de travaux sont confiés aux jeunes. Ce sont surtout ces derniers en effet qui vont assurer l'entretien des maisons en cas de nécessité, car ils sont disponibles pour ces travaux qui se passent généralement en saison sèche. Ils préfèrent actuellement construire avec des matériaux industriels dont l'entretien nécessite moins de travail mais plus chers à l'achat. Nous touchons là à l'oppression classique des cadets par les aînés qui s'est accentuée avec les sécheresses mais qui s'est surtout modifiée dans sa forme depuis la migration. Compte tenu de toutes ces transformations, on assiste à la disparition de la case ronde. Si l'on y trouve encore la case ronde à Diéoura, c'est soit pour la cuisine soit comme lieu de repos du chef de famille, soit un lieu où se tient le conseil de famille. Elle n'est plus destinée à la chambre à coucher. La case ronde aujourd'hui est abandonnée par les migrants.

On s'est orienté vers la construction en terre battue avec de la paille et une toiture en tôles de forme rectangulaire. C'est un mode de construction très cher et seuls les migrants peuvent se permettre. Mais il faut préciser que les premiers exemples de cette construction ont été mis en place par les migrants qui venaient de l'Afrique centrale particulièrement ceux de venus de Brazzaville et de Kinshasa.

Les murs en banco supportent parfois une toiture en tôle. Certains n'ont cependant pas choisi ou n'ont pas eu les moyens d'investir en dur. Si ces méthodes de construction ont été adoptées depuis le début des années 1970, c'est grâce au supplément de pouvoir d'achat de la migration.

Aujourd'hui, les migrants construisent en ciment comme dans les grandes villes de Kayes ou de Bamako, avec de bonnes conditions d'habitation. On trouve aujourd'hui à Diéoura, des bâtiments de deux étages. Un visiteur, qui arrive à Diéoura pour la première fois est frappé par les constructions en ciment, des maisons en tôle, et surtout par la flamboyante mosquée visible à plusieurs kilomètres. C'est la modification totale dans l'architecture de l'habitat. Tous ces changements survenus sont le fait des migrants et peuvent être constatés dans tous les villages soninkés.

En effet, il semble que ces transformations dans le mode de la construction obéissent à des raisons sociales : d'une part le prestige de l'émigré est en jeu, et l'enquête auprès des anciens migrants indique fréquemment que la maison en dur a été l'une des premières réalisations de l'épargne accumulée en France. D'autre part, l'argument invoqué en faveur des constructions en dur est celui de l'économie de travail : l'entretien en banco et surtout des toits en chaume est très prenant.

2-Comparaison du village de Diéoura avec d'autres chefs lieux de communes.

Le village de Diéoura est plus « développé » que le village de Lakamané qui est pourtant le chef-lieu de l'arrondissement et de Séfeto. La différence fondamentale entre le village de Diéoura et ces deux autres villages s'explique par un nombre de migrants supérieur à Diéoura que dans ces deux villages dont les populations n'ont pas, de ce fait, de revenus suffisants pour changer l'image de leur village. Le village de Diéoura est composé essentiellement de Soninkés, une ethnie dont la caractéristique essentielle est l'émigration. Dans les cas des autres villages on a des Bambaras (Sefeto), et des Kansonkés (Lakamané).

Si l'on compare le village de Diéoura à celui de Lambidou, un autre constat s'impose: Lambidou est un village composé uniquement par l'ethnie soninké, d'une taille presque comparable à celle de Diéoura. On y retrouve les mêmes caractéristiques ethniques et culturelle. (voir tableau n°1). Les deux villages connaissent une émigration importante vers la France.

Pourtant la physionomie du paysage villageois est bien différente à Lambidou de celle du village de Diéoura. La différence entre les migrants du village de Lambidou et de Diéoura vient du fait que les migrants de Lambidou privilégient leur village plutôt que Bamako ou une autre ville du Mali. La majorité des migrants de Lambidou construit d'abord une maison au village natal ensuite dans la capitale à Bamako ou à Kita. Dans le village de Diéoura, on assiste au phénomène inverse.

Le mode de construction le plus fréquent depuis longtemps à Lambidou est la construction en ciment alors qu'est apparue à Diéoura il y a quelques années seulement ( à partir de 1995). Globalement, on peut retenir que la physionomie du village de Diéoura a évolué de façon considérable, mais que ces transformations restent modestes comparativement à certains villages soninkés. En fait, le village de Diéoura n'est plus le lieu privilégié des investissements de nombreux migrants.

Chapitre III:
Pourtant les villages des ne bénéficient plus totalement des apports des migrants

Le choix des migrants de l'investissement immobilier dans les grandes villes est lié à des enjeux divers. Parmi ces derniers on peut citer le rôle symbolique d'être propriétaire d'une maison, de se loger avec sa famille, la possibilité d'une rentabilisation locative et la facilité de gestion des investissements immobiliers en sens que le montant du loyer et fixe et connu d'avance.

Les investissements immobiliers des migrants de la commune de Diéoura ont des effets à la fois sur les villages d'origine et sur les grandes villes.

1-L'argent des migrants favorise l'exode rural et l'installation des familles en ville:

Dans l'étude de ces migrations, l'un des phénomènes remarquables tient au fait qu'elles donnent lieu à d'autres migrations. Dans le cas de la commune de Diéoura, beaucoup de migrants ont acheté de des terrains dans les grandes villes principalement à Bamako, Kati et Kita. L'achat de ces terrains s'est soldé par le déplacement de nombreuses familles vers ces différentes grandes villes. Il s'agit en effet de femmes, enfants et parents des émigrés en France ou ailleurs.

Depuis le début des années 1990, de nombreux émigrés en France construisent des maisons dans les grandes villes. Ce sont les migrants installés en Afrique qui ont initié le mouvement. Si, dans un premiers temps, la plupart des maisons construites étaient destinées à la location, elles accueillent aujourd'hui les membres de la famille restés au village.

Lorsqu'un migrant installe sa famille à Bamako, il devient le soutien privilégié de nombreuses personnes. Dans certains cas, la première maison construite par un migrant du village dans la capitale reçoit tous les originaires de son village qui ont besoin de s'y rendre. Il s'agit généralement, de malades qui viennent se soigner, de candidats à l'émigration qui attendent l'obtention de leur visa, d'élèves et d'étudiants, de personnes qui viennent pour prendre contact avec les autres membres de la famille à l'extérieur du pays, afin d'envoyer de l'argent pour la résolution d'un problème familial urgent (mariage, impôt, achat de nourriture, ...), enfin des

personnes qui viennent rendre visite à la famille installée dans la ville.

C'est pendant la saison sèche que le nombre de villageois présents dans les grandes villes est le plus grand. Ainsi il n'est pas rare de voir des familles de 40 à 50 personnes ou plus dans une maison urbaine.

L'installation dans les grandes villes se traduit par un accroissement des charges pesant sur les émigrés. Dans ce cas, l'émigré dont la famille réside à Bamako, ne compte plus destiner son argent à son village d'origine ; tous ses efforts sont désormais orientés vers la grande ville. Il en est de même pour les émigrés vivant en France avec leur famille et qui vont d'ailleurs privilégier cette dernière sur place.

À la question posée : << pourquoi un abandon total du village ? », un migrant a répondu : << La ville est le lieu où l'on peut se soigner facilement, où nos enfants peuvent aller normalement à l'école et où les rivalités locales sont rares. Dans la grande ville, on échappe à la forte pression sociale du village, on a d'avantage de chances d'intégrer le monde des affaires qu'à la campagne. Il y a beaucoup d'autres éléments qui entrent en ligne de compte ». C'est un discours que tiennent de nombreux migrants, surtout des jeunes.

Nous avons remarqué, pendant nos enquêtes, qu'à chaque retour de migrants vers le Mali, les sommes envoyées à Bamako par les migrants de France sont supérieures de 3 ou 4 ou voire même de 5 fois à celles envoyées dans les différents villages de la commune. Par exemple, lors de notre voyage au Mali en avril 2004, nous avions emporté 16000 € : 13000 € étaient destinés aux familles résidant maintenant à Bamako et à Kati, et 3000€ pour l'ensemble des villages de la commune. Ce n'est pas le seul exemple ; à chaque départ on assiste à la même situation. La plupart des jeunes migrants comptent aujourd'hui construire une maison à Bamako ou à Kati où ils comptent s'installer plus tard avec leur famille.

En conséquence, les parents restés au village ont souvent le sentiment d'être rejetés par les migrants. Si on envoie au moins 150 € par mois à sa famille dans la grande ville, le chef de famille au village ne reçoit plus de l'argent que deux fois par an. Il s'agit de contributions à l'achat de la nourriture de base et au paiement de l'impôt. Certains chefs de famille nous ont même dit que les migrants dont les familles sont installées dans les grandes villes contribuent au sous-développement du village d'origine.

Les migrants de la commune de Diéoura sont aujourd'hui plus engagés dans la construction de maison à Bamako qu'au village. On a trouvé des maisons bien construites par des migrants à

Bamako alors que dans leur village, qu'ils n'avaient rien fait comme investissement majeur en matière de construction.

Dans la commune de Diéoura il existe une importante variété de situations entre les villages. Dans le village de Tassara (1015 habitants) de nombreuses familles de migrants se sont établies en ville, surtout à Kati. Le chef du village de Tassara nous a affirmé qu'au moins 40 à 50 familles ont quitté son village pour Kati ces vingt dernières années.

Le petit village de Founto est aussi très marqué par le déplacement des familles des migrants vers les grandes villes, en particulier vers Bamako et vers Kita.

Dans le village de Diéoura, c'est un phénomène récent par rapport aux deux autres. On peut expliquer cette situation particulière du village de Diéoura par le fait qu'on a les infrastructures nécessaires. Il s'agit du centre de santé et de l'école. Les migrants du village de Diéoura ont longtemps davantage investi dans l'élevage que dans la construction immobilière dans les grandes villes. Mais l'investissement en ville prend de plus en plus d'importance également dans ces dernières années.

Le village de Noumokolo n'est pas trop concerné par ces déplacements.

L'exception apparaît dans le cas du petit village de Bambara Madina. Ce village est habité uniquement par l'ethnie Bambara Madina. Les Bambara ici ont été influencés par les Soninkés et ils ont émigré. Mais la majorité des migrants, même ceux qui ont construit à Bamako et à Kati, sont restés au village pour le moment. Quelques familles seulement sont installées à Bamako ou à Kati (deux ou trois familles.).

Dans les villages, les populations sont occupées par les petits travaux qui leur permettent d'avoir un peu d'argent pour régler certaines questions. Même si les revenus agricoles sont insuffisants, ils permettent aux populations villageoises de subvenir à un certain nombre de besoins sans compter sur la contribution des émigrés. De plus on remarque que les années où les récoltes sont bonnes, la demande des villageois devient moins importante. Dans ce cas les migrants envoient moins d'argent au village.

Par contre dans la grande ville, les gens sont rarement occupés et comptent sur l'argent qu'envoient les migrants. Leur dépendance vis-à-vis des revenus des migrants ne fait que croître. Dans les villes, qu'il pleuve ou pas, il faut à chaque fin de mois, envoyer de l'argent pour les besoins alimentaires, de santé, les frais de scolarité pour les enfants.

Ces migrations détournent l'action des migrants à destinations des villages d'origine et

compromettent dangereusement l'avenir de ces derniers.

2- L'argent des migrants contribue à l'extension d'agglomérations urbaines à Bamako et Kati

A Bamako, les migrants de la commune de Diéoura s'installent dans les quartiers de Djikoroni Para, de Sebenikoro, de Kalancoro et de Kalanbancoura. Les quartiers de Djikoroni Para et de Sebenikoro sont les plus concernés. Plus de 40 maisons ont été construites par les ressortissants de la commune de Diéoura dans le quartier de Sebenikoro et plus de 15 maisons dans le quartier de Djikoroni Para. Les premiers migrants ont construit à Djikoroni Para, ce qui conduit d'autres à acheter des terrains à Djikoroni et à Sebenikoro. Précisons que ces deux quartiers sont contiguës. Les parcelles de 25 m X 15 m sont moins chères dans ces quartiers que dans les quartiers centraux de Bamako.

Selon un responsable de la mairie de Sebenikoro, les ressortissants de la commune de Diéoura sont parmi les populations qui achètent le plus de terrains dans leur commune depuis 1990. D'après lui, les maisons construites dans son quartier appartiennent en général à des Soninkés et plus particulièrement à ceux qui sont en France. Le quartier de Sebenikoro connaît une extension très rapide aujourd'hui par rapport aux autres quartiers limitrophes comme Djikoroni Para à l'est et Kalambabougou à l'ouest, situé un peu plus loin par rapport au centreville de Bamako.

Dans la ville de Kati, le même phénomène d'extension rapide est observé. Mais précisons là qu'il concerne surtout les ressortissants du village de Tassara.

a- Une augmentation considérable du prix du terrain:

L'achat de terrains dans les villes de Kati et de Bamako par les Soninkés en général et en particulier par les émigrés, s'est soldé par une augmentation spectaculaire du prix du foncier .En plus de l'action des soninkés, précisons que le secteur immobilier constitue aujourd'hui le premier secteur d'investissement des personnes « aisées » au Mali.

Si en 1989, on achetait un terrain de 25m X 15m à moins de 1400 € à Sebenikoro, il faut dire aujourd'hui que le prix moyen est de 6100 € soit 3.000 000 F CFA. Les vendeurs de terrains savent faire la différence entre un migrant qu'on suppose avoir beaucoup d'argent, et une

personne installée à Bamako depuis un certain temps. Dès que l'on remarque que l'acheteur est Soninké et vient de France, on lui vend plus cher qu'à celui qui connaît les lois du marché.

En résumé, retenons qu'il n'y a pas de prix fixe pour les terrains. Le prix dépendra surtout de la capacité de marchander de chacun et, en général, les migrants ne sont pas en l'aise dans ces types de négociations.

b- Difficultés d'aménagement pour les pouvoirs publics:

Ces nouveaux quartiers périphériques doivent être aménagés. Les pouvoirs publics n'ont pas souvent les moyens de satisfaire la demande de la population dans ce domaine. Il s'agit par exemple d'installer ici une borne- fontaine dans les lieux où les maisons n'ont pas accès à l'eau potable ; il en est de même pour l'électrification de ces lieux, la construction des centres de santé et d'écoles, le creusement des canaux d'évacuation d'eau.

En effet, on peut dire sans risque de nous tromper qu'à la longue, beaucoup des migrants abandonneront les lieux d'origine pour les grandes villes. Ce phénomène d'abandon n'est pas une spécificité à la commue de Diéoura mais à toutes les localités à fort taux d'émigration.

Tableau 6 : taux d'émigration estimé dans la commune de Diéoura

Villages

Taux d'émigration

Diéoura

30%

Tassara

40%

Niankan

25%

Founto

50%

Noumokolo

10%

Madina- Bambara

6%

Foulanguédou

7%

B. Keita

Chapitre IV : Une migration qui finance des conflits locaux :

La communauté Soninké est l'une des communautés les plus structurées du Mali. Cette communauté est caractérisée par une organisation sociale très rigide, un régime de gérontocratie, c'est-à-dire le pouvoir des anciens. Toute idée opposée à celle des personnes âgées est considérée comme un délit. Ainsi dans le village, le chef du village a un pouvoir absolu. Il est aidé dans l'exercice de ses fonctions par ses conseillers qui sont les notables du village.

Il faut reconnaître que tous les villages Soninkés connaissent des conflits locaux au sein desquels les migrants ont leur part.

1- Organisation sociale en milieu soninké :

Dans le village, l'organisation sociale est composée de trois classes essentielles:

- Le chef de village et ses conseillers (les notables):

Cette classe constitue le sommet de la hiérarchie en milieu soninké. Pour devenir le chef de village, il faut être membre d'une famille fondatrice du village. Toutes les terres appartiennent au

chef du village et à son clan.

- Les hommes libres :

Il s'agit là d'une classe composée de gens qui sont venus après l'installation des premiers habitants. On les considère comme des « étrangers » dans le village même s'ils sont là depuis des siècles. Mais parmi les hommes libres, certains sont plus importants que d'autres. Par exemple, les familles Boumé et Diaby qui sont les imams. Ces familles dirigent les activités religieuses dans la commune de Diéoura mais ne deviennent pas chefs de village. D'autres n'ont presque aucun rôle à jouer dans vie sociale.

- les hommes de castes :

Il s'agit là des forgerons, des griots, des cordonniers et des esclaves. Ils sont chargés de l'organisation des activités dans le village (les cérémonies de mariage, de baptême, les cérémonies funèbres et les manifestations artistiques pendant les fêtes). Dans cette classe, le griot joue le rôle le plus important, dans la mesure où c'est celui qui détient l'histoire du peuple et des familles sans laquelle on ne peut donner une véritable orientation à l'avenir. Car l'histoire du peuple permet de savoir le passé, de comprendre le présent et de préparer l'avenir et de maintenir la hierachie sociale.

Nous avons jugé nécessaire de rappeler l'organisation sociale pour permettre aux lecteurs de savoir comment ces acteurs agissent sur l'espace, notre domaine privilégié en géographie. Sinon c'est un véritable métier de sociologue ou d'anthropologue.

Dans la société chacun doit remplir son rôle pour la stabilité locale.

2- Comment est intervenu le conflit à Diéoura et l'implication des migrants :

La fin des années 1980 constitue le début de l'organisation des migrants pour la réalisation d'infrastructures collectives. Ce fut donc un moment décisif dans le mouvement associatif des migrants en France.

Nous avons rappelé plus haut que ce sont les migrants de la commune de Diéoura en France et au Gabon qui ont financé la construction de la grande mosquée à hauteur de 300.000 FF en 1988. La mosquée a ouvert ses portes en 1990.

La question la plus sensible dans la commune de Diéoura est le conflit qui oppose le chef du village et ses conseillers à quelques personnes se déclarant « Sunnites » depuis 1990 bien

avant la création de la commune. Ce conflit a connu des moments durs pour les deux camps avec l'implication de l'administration dans la gestion de cette crise locale. Le maire, élu contre la volonté des anciens en 1999 a tenté de résoudre cette crise par un coup de force à moins de deux mois des élections communales de 2004 le maire est apparu comme un véritable protecteur des « Sunnites » : Cette attitude lui coûta sa défaite aux élections sans parvenir à une solution de la crise. Les migrants en France se sont tous mobilisés pour un changement du maire.

Deux ans après l'inauguration, un petit nombre de personnes demande à construire une nouvelle mosquée. Ces quelques personnes se déclarent « Sunnites ». Le chef du village de l'époque et ses conseillers acceptèrent la construction de cette mosquée. Ces personnes qui se déclarent « Sunnites » sont toutes des migrants émigrées en France. Elles ont financé la construction de leur mosquée. Les chefs du village à Diéoura et en France ont donné leur accord pour sa construction à une seule condition : que le vendredi, qui est un jour Saint de l'Islam, tous les habitants du village « Sunnites » et « traditionalistes » se retrouvent dans la grande mosquée pour faire la prière. Les deux parties avaient conclu cet accord. Après la fin des travaux, la mosquée « Sunnites » nouvellement inaugurée, commence à attirer d'avantage les gens que la grande mosquée. De plus, dès le premier vendredi de l'ouverture, les « Sunnites » et leurs partisans font leur prière du vendredi dans leur mosquée. Le chef du village et ses conseillers, ont vite avisé le sous-préfet de Lakamané pour prendre des dispositions afin d'éviter des affrontements entre les deux parties. Le sous-préfet à l'époque a ainsi interdit aux « Sunnites » de prier dans leur mosquée jusqu'à nouvel ordre.

L'attitude des « Sunnites » a été considérée comme une grande atteinte à l'autorité du chef du village de Diéoura. Malgré la décision du sous-préfet de fermer à titre provisoire la nouvelle mosquée, les « Sunnites » ont continué à y prier et le vendredi suivant devint une journée décisive dans l'évolution de la crise locale.

Un seul des « sunnites » avait pris la décision de faire la prière du vendredi dans sa mosquée quelles qu'en fussent les conséquences, ce qui a conduit le chef du village à convoquer un conseil extraordinaire avec les notables du village pour étudier la suite qu'il fallait donner à cette action. La décision fut d'évacuer la seule personne de la mosquée et de procéder à sa destruction totale immédiatement. Ainsi prise, la décision a été appliquée dans les minutes qui ont suivi. Sans attendre l'arrivée des forces de sécurité, on arrêta toutes les personnes se déclarant « Sunnites » et on les attacha chez le chef du village.

Ces événements se déroulèrent en avril 1992.

Depuis ce jour, le village de Diéoura se trouve dans une crise très profonde. Les « Sunnites » ont été bannis du village et leurs familles ont été interdites de fréquentation des boutiques, des puits, bref de tous les services sociaux du village.

On s'engagea dans un processus juridique qui ne prit fin qu'en juillet 2004.Les migrants se sont mobilisés depuis la France pour prendre des avocats afin d'assurer la défense du chef du village et des notables. De l'autre côté, on a assisté au même phénomène.

Malgré le changement survenu au Mali le 26 mars 1991 qui a vu la chute du pouvoir dictatorial et corrompu de Moussa Traoré, signalons que la justice malienne reste toujours corrompue. Le dossier a épuisé plusieurs juges et jamais la justice définitive n'a été dite.

Pendant ces dix dernières années, les migrants de la commune de Diéoura se sont surtout engagés dans ce conflit plutôt que de s'intéresser à des actions de développement.

Tous les migrants payaient la cotisation obligatoirement ou ils étaient interdits d'aller au village de Diéoura. Pour la construction de la grande mosquée, chaque migrant avait payé 305 €, puis 530€ pour la construction du centre de santé. Cependant pour ce conflit, chaque migrant en 1994 a payé plus de 1300€.

Au moment où les autres villages se mobilisaient pour favoriser le développement de leur lieu d'origine, les migrants de la commune de Diéoura s'épuisaient dans ce conflit qui a freiné les actions de développement.

Si dans le cercle de Yelimané, on a des réalisations d'un coût supérieur à milliard de francs Cfa, dans la commune de Diéoura aucune réalisation des n'a atteint à présent 70 millions de francs Cfa. Monsieur Camara nous a affirmé, lors de nos entretiens que c'était le chantier principal des ressortissants de son village. En tant que représentant légal du chef du village en France, il a reconnu que ce conflit est l'élément qui a le plus entravé le développement de la commune de Diéoura. Le chef du village de Diéoura et l'ex-maire de la commune tiennent le même discours. De façon beaucoup plus générale, l'ensemble des migrants reconnaissent que ce conflit a été un élément dangereux pour la mobilisation des uns et des autres pour le développement des lieux d'origine.

Pourtant, dans ce conflit, certaines personnes ont adopté une position centriste. Ils ne participaient ni aux cotisations du village ni à celles des « Sunnites ». Il s'agissait des gens dont la famille était installée dans les grandes villes notamment Kita, Kati ou Bamako, donc des gens

qui avaient d'autres cibles au Mali que le village de Diéoura.

Le conflit a pris un caractère politique en 2004, lors des élections municipales comme nous l'avons évoqué plus haut. L'ex-maire s'est porté comme étant le « défenseur des plus faibles » selon ses propres propos, c'est dire les « Sunnites » du village. Il a tenté de résoudre le conflit en faisant intervenir les forces de l'ordre pour arrêter tous les notables du village qui étaient opposés au retour des « Sunnites » dans le village. Ces notables ont été emprisonnés pendant près de deux mois (mars, avril, 2004) sans procès, et le mois qui suivait leur sortie de prison a été consacré à l'organisation des élections. Ce conflit a été le thème principal des discussions pendant la campagne électorale. L'arrestation des notables du village par l'ex-maire a provoqué l'indignation totale au sein de la population de la commune de Diéoura.

Depuis la France, des migrants ont envoyé de l'argent pour financer la campagne d'un nouveau candidat. C'est-à-dire celui des notables. La position adoptée par l'ex-maire dans la résolution de la crise s'est soldée par sa défaite aux élections.

Globalement, les cinq ans passés (1999- 2004) à la tête de la commune de Diéoura ont été caractérisés par une opposition farouche entre le maire et les notables du village. Aucune action de développement n'a été réalisée. Cette position du maire a entraîné une fois de plus la méfiance des migrants vis-à-vis des dirigeants locaux.

Si l'on sait que désormais le territoire doit être géré par le maire et les notables à la fois, il faut donc que les relations entre ces acteurs soient des relations de complémentarité et non de rivalité.

Le pouvoir des notables dans tous les villages est un élément important à prendre en compte. C'est un système que même les hautes autorités politiques du Mali ont en tout cas pris en compte dans l'exercice de leurs fonctions.

Juridiquement, toutes les terres appartiennent à l'État. Mais il faut dire là que c'est un discours théorique. Le village appartient aux familles fondatrices dans les faits. C'est un point de vue qu'a surtout encouragé l'ancien Président du Mali Alpha Omar Konaré (1992 - 2002). Ce n'est pas par hasard qu'il a nommé Monsieur Karamoko Niaré comme gouverneur du district de Bamako en 1994. Les Niaré sont ceux qui ont fondé la ville de Bamako avec les Touré.

En effet, les fondateurs du village ont plus de privilèges que les autres habitants. En 2001, par exemple l'État malien y a installé des antennes téléphoniques dans beaucoup de localités. Le téléphone a été installé chez le chef du village de Diéoura. Pourtant le maire était investi depuis

1999 et la mairie de Diéoura n'a pas toujours de téléphone. Tous ces éléments pour montrer le poids des notables dans la gestion du territoire.

L'objectif à atteindre ici n'est pas de narrer ce conflit, mais surtout de voir comment ces différents acteurs agissent pour gérer le territoire. Dans la gestion du territoire, les migrants ont un rôle capital à jouer dans la mesure où ils sont les principaux acteurs économiques du développement grâce à leurs apports.

En l'occurrence, le conflit entre le chef du village et les « Sunnites » a mobilisé les fonds de tous les migrants de la commune de Diéoura. Comme nous l'avons dit, excepté Tassara, tous les autres villages étaient rattachés dans les faits au village de Diéoura, avant même le processus de décentralisation. Des relations existaient déjà donc entre eux. Il s'agit maintenant d'améliorer pour assurer le décollage économique de la commune.

Ce conflit a été en effet l'événement majeur qui a caractérisé le village ou la commune de Diéoura depuis plus de dix ans.

Le conflit aujourd'hui est en cours de règlement; craignant de voir une situation semblable s'installer dans la commune de Yéréré (cercle de Nioro du Sahel), les autorités maliennes se sont engagées tout récemment pour qu'il ait une paix sociale et durable dans la commune. AYéréré, dans le cercle de Nioro du Sahel un conflit de même nature a donné lieu à des affrontements meurtriers en septembre 2003. Il y aurait eu au total dix morts dont neuf étaient « Sunnites » et un représentant du chef du village.

En tout cas à Diéoura, aujourd'hui on parle d'une réconciliation, même si elle est fragile. Le chef du village et ses conseillers ont accepté le retour des « Sunnites » au village de Diéoura et la construction de leur mosquée après l'intervention de Monsieur Mamadou dit Madibarou Diaby, ( un homme politique au Mali. Son parti est la 2e force politique dans la commune de Diéoura et aussi Soninké) et de Sadio Gassama actuel Ministre de l'intérieur du Mali, (Soninké lui aussi et originaire de la région).Ces deux hommes se sont adressés au chefs du village de Diéoura, non du haut de leurs fonctions politiques mais plutôt comme parents aux deux côtés.

Depuis le déclenchement de la crise, il n'y a jamais eu une telle médiation qui peut être considérée comme la vraie solution : l'établissement de la paix sociale dans le village de Diéoura. Toutes les démarches et négociations au Mali ont été suivies avec un grand intérêt en France par la majorité des migrants de la commune.

On peut donc probablement s'attendre maintenant une rémobilisation des migrants pour l

réalisation de nombreux projets dans la commune de Diéoura.

Chapitre V : Les effets sociodémographiques des migrations dans la commune de Diéoura

1- La commune de Diéoura: un véritable pôle d'attraction pour les ouvriers agricoles :

L'un des phénomènes majeurs dus aux fonds des émigrés est la forte attraction de la commune à l'égard des ouvriers agricoles. Mais c'est le village de Diéoura qui attire le plus grand nombre d'ouvriers. Le village de Diéoura a le plus grand nombre de migrants par rapport aux autres villages de la commune et c'est aussi que la plus forte (plus grand nombre de populations).

Pendant notre phase de terrain, nous avons remarqué à Diéoura que dans plusieurs familles, il y avait des ouvriers agricoles. Dans plusieurs cas, ce sont les émigrés de la famille qui envoient les salaires de ces ouvriers à la fin des récoltes. Ces ouvriers aident les chefs de famille à cultiver les champs de mil et les champs d'arachide des femmes. Avec le départ des jeunes, ces ouvriers sont considérés comme leurs remplaçants. Dans certaines familles, on trouve seulement les personnes âgées, les enfants, les femmes et les ouvriers.

Parmi ces ouvriers on a des saisonniers et certains finissent par s'installer définitivement dans le village .Nous avons remarqué que ceux qui viennent sont jeunes et ne sont pas Soninkés. Ce sont en général des jeunes des communes comme Sefeto, des cercles Kita, Bafoulabé et parfois de Koulikoro, mais en majorité ils viennent de l'intérieur de la région de Kayes. Ils viennent de zones qui ne connaissent pas la forte migration vers l'extérieur du pays. C'est le cercle de Kita qui envoie plus de travailleurs agricoles dans la commune de Diéoura. Le facteur déterminant ici est la distance qui relie la commune Diéoura et le cercle de Kita.

Les habitants de Diéoura ont davantage de relations avec le cercle de Kita qu'avec ceux de Bafoulabé. Ces flux dépendent surtout de la distance géographique c`est à dire la proximité entre le cercle de Kita et la commune de Diéoura. Les flux des travailleurs agricoles ont des conséquences souvent dangereuses pour les populations. On assiste de plus en plus à la montée

de la criminalité notamment des vols et des viols.

Dans une zone complètement vidée de ses bras valides, ce sont les ouvriers agricoles (originaires d'autres communes) qui font la loi.

Ces migrations vers la commune de Diéoura donnent aussi lieu à des changements culturels importants. De nombreux jeunes de Diéoura nous ont affirmé qu'ils ont maîtrisé aujourd'hui le bambara grâce aux travailleurs agricoles. Les ethnies qui viennent travailler dans la commune de Diéoura sont en majorité des Malinkés ou Kansonkés. Une autre ethnie était présente depuis longtemps, il s'agit des Peuhls. Mais le conflit entre les éleveurs (Peuhls) et les agriculteurs (Soninkés et Bambara) en 1998 a contribué à un abandon de la commune de Diéoura par les Peuhls. Les Peuhls étaient chargés de conduire les troupeaux pendant la saison des pluies. Donc tous ceux qui possédaient de nombreux animaux recrutaient des Peuhls pour la surveillance de leurs animaux. Là encore, on a remarqué que les troupeaux de boeufs appartenaient à des migrants, mais beaucoup plus anciens car actuellement les jeunes investissent surtout dans l'immobilier à Bamako.

La commune de Diéoura, depuis fort longtemps attire les Maures qui viennent de la frontière entre le Mali et la Mauritanie avec leurs troupeaux pendant la saison sèche. Mais, disons là que les flux des Maures n'ont pas de lien direct avec les migrants ; la raison avancée ici est la richesse des pâturages de la commune de Diéoura que dans la zone frontalière. Les Maures et les Peuhls amènent avec eux dans la commune des épidémies qui peuvent conduire à la mort de plusieurs animaux. Les flux en direction de la commune de Diéoura sont en effet essentiellement nationaux sauf en ce qui concernent les Maures qui peuvent venir de Mauritanie.

Si la migration procure aux populations un certain « développement » il faut dire qu'elle a aussi des inconvénients dramatiques pour les lieux de départ. Plus loin, on développera les inconvénients liés à cette migration.

L'envoi des fonds issus de la migration des ressortissants reste en tout cas le facteur déterminant pour expliquer les flux des ouvriers agricoles vers la commune de Diéoura. La présence des ouvriers agricoles dans les lieux qui envoient beaucoup de migrants en France n'est pas une spécificité de la commune de Diéoura. Dans la commune de Lambidou (Soninké) et de Fatao, c'est le même phénomène mais là dans le cercle (département) de Diéma, c'est la commune de Lambidou qui attire le plus grand nombre d'ouvriers. Cela est dû à sa position de carrefour, par rapport à d'autres communes du cercle de Diéma, et aussi au fait que les migrants

sont beaucoup actifs dans le village de Lambidou que nulle part ailleurs au Mali contrairement aux migrants de la commune de Diéoura.

2- Les conséquences démographiques :

Dans les études des migrations des Soninkés, on a beaucoup sous-estimé les effets négatifs. Pourtant ils sont nombreux et contribuent à la structuration de l'espace. Parmi les conséquences négatives, il faut distinguer en tout premier les effets démographiques. Le départ des bras valides constitue un danger majeur pour les lieux de départ. On a remarqué que dans tous les lieux étudiés, on rencontre surtout des petits-enfants, des vieilles personnes et les femmes. Tous les jeunes entre 15 et 35 ans sont partis dans d'autres lieux. Dans nos entretiens avec les chefs de familles, c'est le problème numéro un qu'ils ont évoqué. L'attraction de la commune exercée sur ruraux d'autres communes a des effets négatifs très dangereux pour les populations. Il s'agit de la montée de la criminalité en particulier.

Comme nous l'avons évoqué précédemment, dans la commune de Diéoura, l'arrivée des ruraux est considérée comme une solution pour palier le manque de bras valides. Il faut en effet dire que les ruraux ne peuvent pas combler le vide laissé par les migrants.

- La baisse générale de la fécondité :

Un autre phénomène observé par les migrations est celui de la baisse la fécondité. Dans la religion musulmane, avoir beaucoup d'enfants est un signe de bénédiction. Compte tenu de nombreux problèmes des migrants en France dus notamment à leur situation administrative (vivre sans papiers), les migrants ne peuvent se permettre d'aller régulièrement au pays et d'y vivre avec leurs épouses. Dans le contexte de la politique française actuelle en matière d'immigration, un migrant « sans-papiers » peut être obligé de rester cinq ou six ans sans sortir du territoire français car il sait qu'en sortant, il ne lui sera pas facile de revenir sans titre de séjour. Pour être régularisé actuellement en France, il faut au moins dix ans de présence sur le territoire français. Ces nombreuses années d'absence ont sans doute des conséquences sur le taux de natalité des lieux de départ. De nombreux migrants et des femmes nous ont fait part de leur souci à ce sujet. Les migrants en situation régulière, la durée moyenne du séjour en France est de deux ans. Ce sont eux, qui vont en général tous les deux ans et pour une période de deux à trois mois au pays, d'après les résultats de nos enquêtes auprès des migrants en France.

Dans certains cas, des migrants regrettent d'avoir passé toute leur vie en France et avoir été séparés de leurs épouses. Les migrants Soninkés en général ont plus d'une femme (deux, ou trois ou même plus). On remarque que les non migrants qui vivent avec leurs femmes ont un nombre d'enfants plus important que les migrants. Ces longues années d'absence peuvent souvent amener certaines femmes à vivre clandestinement avec d'autres hommes. On assiste alors à la naissance d'enfants << non désirés ». La naissance de ces enfants << non désirés » donne lieu, dans la plupart des cas, à des divorces. Il a été difficile pour nous de poser cette question aux migrants qui ont divorcé sur la raison principale de leur séparation.

3- Effets sur l'éducation des enfants :

Le développement de tout le pays dépend de la qualité de son système éducatif. La commune de Diéoura est l'une des communes qui connaissent les taux de scolarité les plus faibles du cercle de Diéma. La volonté affichée par les autorités maliennes depuis 1992, dans le domaine de la formation des enfants, n'est pas encore une réalité dans cette commune. L'école fondamentale (primaire) de Diéoura a été créée en 1977 et l'on compte aujourd'hui moins de dix diplômés originaires de la commune. La migration est le principal facteur qui conduit les jeunes à abandonner très tôt l'école. Nous avons cherché à comprendre auprès des migrants et des chefs de famille pourquoi ils n'encourageaient pas les jeunes à poursuivre les études. Nos interlocuteurs

nous ont déclaré que les études au Mali n'avaient pas de valeur significative dans la mesure on sait qu'un ouvrier en France gagne 4 à 5 fois le salaire d'un cadre malien. La majorité des

jeunes abandonne l'école avant la cinquième année (CM1).

Précisons également que l'école fondamentale de Diéoura était la seule école de la commune jusqu'en octobre 2002, date à laquelle le village de Tassara a ouvert la sienne.

Le taux fréquentation de ces écoles aujourd'hui serait de 40 % selon l'ex-maire de la commune, au même niveau avec les medersas ou les écoles coraniques.

De plus en plus, les migrants encouragent leurs enfants à poursuivre des études plus longues car la maîtrise du français est un atout important pour un candidat à l'émigration en France. Les migrants ont également compris que la meilleure façon de s'intégrer en France est la maîtrise du français.

S'il est aujourd'hui clair qu'il y a de nombreux étudiants maliens en France, il faut cependant préciser qu'il y a moins d'étudiants Soninkés parmi eux. L'ethnie Soninké est en effet la moins

alphabétisée du Mali.

La pratique de la migration vers la France a conduit les autres ethnies maliennes à dire que si l'on va en France, il faut maîtriser deux langues : le Soninké, et le français. Les Soninkés sont attirés par la France plus que par toute autre destination.

4 - Les transformations sociales:

Les rapports familiaux se sont transformés, en ce sens que celui qui vit et travaille en France est plus valorisé que les autres. On lui accordera volontiers la main d'une jeune fille qu'un pauvre paysan resté au village.

Désormais, la coopérative céréalière est devenue le grenier de chaque maison, et ce sont les migrants qui remplissent les greniers, plus que les récoltes des grands champs de la famille cultivés jadis sous l'autorité du chef de famille. Ce pouvoir qu'a le cadet émigré de passer la commande à la coopérative à partir de Paris, accélère les mutations dans les rapports cadets - aînés. On peut même affirmer que la migration contribue à la transformation des bases culturelles de la société Soninké.

Dans la famille, le pouvoir de l'émigré peut être compris en observant ses épouses et à ses enfants de celles ou ceux des non migrants. Retenons également que l'on assiste à l'éclatement de la grande famille Soninké et au développement de comportements de plus en plus individuels chez les migrants.

Un autre aspect beaucoup plus fréquent aujourd'hui chez les migrants Soninkés : le changement des rapports entre le maître et son esclave. L'esclavage a été officiellement aboli au Mali après l'indépendance (1960), mais dans les sociétés Soninkés, c'est une pratique qui existe encore. Le maître comme son esclave sont devenus des ouvriers en France. Il arrive même que l'esclave coiffe son maître dans l'entreprise. Ils ne tissent donc plus les mêmes relations qu'au village. Cet état de fait conduit à des tensions souvent très vives dans la société. Les esclaves

affranchis ou non par leurs maîtres considèrent désormais qu'ils ont le même statut social et politique d'onc qu'ils doivent jouer les mêmes rôles au niveau social, aussi bien en France que dans le village.

Les conflits locaux, par exemple de nature religieuse, comme que nous avons largement évoqué par le cas de la commune de Diéoura, ne sont alimentés que par les fonds des migrants en France.

Ces différentes transformations contribuent de plus en plus à l'éclatement de la société Soninké.

5 - D'importants espaces agricoles sont délaissés :

Une analyse des espaces agricoles montre une régression des surfaces cultivées dans les villages d'origine des migrants. L'argent des migrants intervient surtout pour le paiement des ouvriers agricoles et ne favorise pas la modernisation de l'agriculture.

Les migrants en général retournent au pays pendant la saison sèche après les récoltes, surtout en janvier, février mars, mai. Ces paysans devenus ouvriers en France n'ont plus besoin de se fatiguer dans les travaux champêtres. Les migrants nous ont surtout affirmé qu'un mois de salaire en France vaut mieux que l'ensemble de la récolte de tous les membres de la famille. Avec un mois de salaire on peut nourrir toute la famille pendant toute une année entière. La baisse de production agricole et artisanale a conduit à réduire le prestige lié au statut de bon paysan.

L'émigration crée de la dépendance des lieux d'origine vis-à-vis des revenus des émigrés. Cette dépendance aux revenus de la migration accélère la désaffection pour l'agriculture.

On remarque chez les non migrants une sorte de paresse, un manque d'initiative qui les conduisent à ne plus s'impliquer dans les travaux du milieu rural notamment les travaux champêtres. Les migrations contribuent à réduire considérablement le volume de la production agricole en milieu soninké.

En plus de cette dégradation de l'agriculture, on assiste à un accroissement de la consommation des produits vivriers importés ; l'économie se fonde de moins en moins sur la production locale pour devenir dépendante de l'extérieur. La production agricole devient de plus en plus marginale.

Les difficiles conditions climatiques ont été toujours considérées comme l'élément majeur dans la baisse de la production agricole dans le Sahel. Mais aujourd'hui, en milieu Soninké, c'est surtout l'émigration qui conduit à la baisse de la production agricole.

Les migrants interviennent beaucoup plus dans le commerce que dans l'agriculture. Ils n'achètent des charrues que pour la culture de quelques hectares par famille. Cette baisse de la production a pour conséquence l'augmentation des prix des produits alimentaires, multipliant ainsi les charges de l'émigré.

Globalement la production agricole baisse, même si les conditions climatiques sont bonnes du fait des migrations et l'agriculture se trouve dans une véritable l'impasse.

TROISIEME PARTIE :

LES MIGRANTS ET LE PROCESSUS DE

DECENTRALISATION : LIMITES ET PERSPECTIVES

Chapitre I : Quelques rappels historiques et contextuels de
la décentralisation au Mali:

1-Un bref aperçu sur la mise en place de la décentralisation au Mali :

La décentralisation vient au Mali avec le changement de régime politique survenu en mars 1991 suite en une insurrection populaire qui met ainsi fin à 23 ans de régime dictatorial et corrompu du Général Moussa Traoré.

En 1992, après une période de transition durant laquelle le Lieutenant Colonel Amadou Toumani Touré (A.T.T.), a dirigé le pays à la tête du Comité de Transition pour le Salut du peuple (C.T.S.P.), les premières élections pluralistes ont été organisées. C'est le candidat de l'Alliance pour la Démocratie au Mali (ADEMA), Alpha Omar Konaré qui a remporté ces élections.

La décentralisation est devenue le premier et le plus grand chantier du nouveau gouvernement De nombreux outils ont été crées par l'État pour lancer le processus de la décentralisation. Nous avons par exemple la mission de décentralisation, des émissions sur les radios rurales et la radio nationale, des équipes locales de la mission de décentralisation ont également vu le jour et même un Ministère de la Décentralisation et Collectivités Territoriale a été créé pour l'occasion.

Plusieurs textes de loi définissent les fonctions des communes aujourd'hui en activité. On peut citer notamment :

- La loi n°93 - 008 qui détermine « les conditions de l'administration des collectivités territoriales en République du Mali ».

Le découpage communal a été effectif en 1997. Celui-ci a abouti au regroupement de plusieurs villages en communes, selon des critères de viabilité économique, d'entente sociale et de démographie proposés par l'État. Le territoire national a été découpé en 703 communes.

Les premières élections municipales ont eu lieu en 1999.

Les communes se retrouvent aujourd'hui responsables du développement de leur territoire.

La loi de décentralisation doit permettre aux collectivités locales de s'impliquer pleinement dans les secteurs qui concernent directement les populations locales, à savoir l'éducation, l'alphabétisation, la santé, la gestion des infrastructures, d'intérêt local (dont les adductions d'eau, l'environnement.....) en étant tantôt initiatrices, tantôt décisionnaires, les communes se trouvent au coeur des rapports entre les acteurs qui oeuvrent pour le développement. Mais les collectivités locales restent encore démunies en moyens humains, matériels, et financiers. De ce fait, elles ne peuvent pas honorer leurs responsabilités sans associer pleinement les partenaires qui oeuvrent sur leurs propres territoires.Tous les acteurs y compris les associations des migrants, doivent, si possible, travailler ensemble dans un même objectif afin d'économiser les ressources disponibles et créer des synergies.

Donc l'action des migrants soninkés s'exerce aujourd'hui à la fois à l'échelle de leur famille, des villages d'origine et de la commune depuis la reforme de la décentralisation. La décentralisation était revendiquée depuis plusieurs années par les ressortissants et la voir aujourd'hui à l'oeuvre est pour eux, la preuve que l'État ne veut ou ne peut pas planifier et conduire au développement. En ce sens que les populations des zones rurales sont abandonnées par les autorités politiques. Si l'Etat intervient c'est pour la récupération des impôts. La construction des écoles, des centres de santé, et l'accès à l'eau potable sont les domaines prioritaires relevant des compétences de l'Etat. Généralement en Afrique les autorités politiques s'occupent surtout des zones urbaines, car les contestations politiques viennent d'elles.

De nouvelles formes de communication et de collaboration doivent émerger entre associations villageoises des migrants, d'une part et les acteurs locaux, dont notamment les communes d'autre part.

Les migrants ne cherchent pas à se positionner ouvertement comme concurrents aux collectivités locales. L'Etat malien a exprimé sa volonté d'associer les migrants au processus de décentralisation. Des mesures régulières d'informations étés menées auprès des ressortissants pour faire connaître les fondements de la politique de décentralisation.11

A propos de la décentralisation l'ancien, Président du Mali, Alpha Omar Konaré disait:

« Il ne saurait y avoir de meilleur avocat que les populations elles mêmes pour déterminer les

11 -Stéphanie .Lima, 1998.

priorités et gérer leur cause >>.12

Il s'agit en effet de définir des nouvelles entités territoriales, de tenir compte des besoins, des ressources et le savoir faire des populations, à leur échelle d'action.

. L'enjeu était alors de redonner aux populations la possibilité et la légitimité pour agir par ellesmêmes et prendre en main le développement de leur propre communauté et territoire. Cela a été doublé par un centrage du travail de l'État sur les conditions garantissant l'équipe et l'intérêt général.

2 - L'implication des migrants dans le développement des lieux d'origine :

La décentralisation vient ainsi à point nommé pour aider les associations des migrants dans leurs actions de développement en particulier.

Depuis le début des années 1980, les migrants Soninkés en France s'engagent de plus en plus dans leurs lieux d'origine pour la réalisation d'infrastructures d'intérêt commun à travers des caisses de solidarités.

Une caisse de solidarité est en général un regroupement de migrants d'un village au sein d'une caisse, à caractère informel qui ne reconnu que par ses ressortissants. Toutes les ressources de la caisse viennent des ressortissants.

Par contre une association de développement est un regroupement de migrants d'un village ou une commune. L'association de développement à un caractère formel et publié au journal officiel, donc reconnu par les autorités. Contrairement à la caisse de solidarité, l'association de développement peut demander des aides, des subventions et peut trouver des partenaires beaucoup plus facilement.

Dans cette partie, nous allons chercher à comprendre l'engagement des migrants dans le cadre associatif, et dans les contextes de la décentralisation au Mali et la particularité de la commune de Dieoura.

Pour atteindre nos objectifs, nous allons porter un regard dans le passé et rappeler l'historique des associations de développement et le contexte de la décentralisation.

12 - Le monde Économie numéro spécial « l'Afrique Noire revendique sa renaissance >>,26 juin 2001.- voir aussi sa déclaration à la 3e conférence de Nations Unis sur les pays moins avancés, le 14 mai 2001.

D'après les sources documentaires et les enquêtes réalisées, on remarque que la dynamique associative des immigrés sahéliens apparaît au début des années 1980 avec que leur regroupement dans des associations de développement de migrants, dans le cadre de la loi 1901. Depuis lors, elle a connu une évolution quantitative et qualitative remarquable.

En effet à partir de 1985, le phénomène s'est rapidement répandu à l'ensemble de la communauté des immigrés originaires du bassin du fleuve Sénégal. On assiste alors à un véritable phénomène d'entraînement. Selon D. Christophe, en 1993, 70% des migrants du bassin du fleuve Sénégal sont regroupés dans un peu plus de 400 associations essentiellement tournées vers le développement des villages d'origine par le truchement des chefs de villages et leurs conseillers. Une analyse géographique des zones d'implication de ces organisations montre que l'ensemble des lieux de départ est couvert.

Il existe plusieurs types d'associations de développement créées par les migrants essentiellement sur une base villageoise inter- villageoise. Dans certains cas, ce sont les anciennes caisses de solidarité qui ont été transformées en association de développement et dans d'autres cas les deux existent parallèlement. La commune de Diéoura relève de dernier cas.

- Une caisse d'entraide à l'échelle familiale gérée par le migrant le plus âgé de la famille.

- Une caisse de solidarité à l'échelle de chaque village, gérée aussi par le représentent du chef de village en France.

Une association de développement à l'échelle de la commune est apparue avec le processus de décentralisation. L'association de développement a regroupe toutes les catégories de personne et les représentant de chaque village.

Au niveau du Mali, l'association pour le Développement du Cercle de Yelimané est la plus active car c'est la seule qui a pu, jusqu'à présent, réaliser des projets de grande envergure. C'est la première grande association de développement qui est connue presque de tous les partenaires du développement.

En ce qui concerne, l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura (ADCD), il faut tout simplement dire qu'elle n'a été créée qu'en octobre 2003. Depuis fort longtemps, les jeunes de la commune souhaitaient la création d'une association de développement mais étaient chaque fois confronté à l'opposition des tenants de la caisse de solidarité. Pour les responsables de la caisse de solidarité, la mise en place d'une quelconque association symbolise pratiquement la fin de leur pouvoir sur l'ensemble des migrants de la

commune. Les tenants de la caisse de solidarité pensent qu'avec l'association ils auront du mal à convaincre les migrants pour le paiement des cotisations parce qu'ils n'ont pas de projet, donc pas d'arguments efficaces. On assiste alors à un conflit de génération entre les aînés et les jeunes. Au bout d'une année et demi d'existence de l'association les problèmes ne cessent de se multiplier entre les deux camps. Les cotisations de l'association ont du mal à rentrer.

Pourtant, ces deux acteurs ont le même objectif : le développement des lieux d'origine.

Dans ces conditions, on ne peut en aucune manière parler d'un véritable effet de l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura dans l'organisation de l'espace à l'échelle communale.

3 - Quelles relations les migrants de la commune de Dieoura ont-ils avec le conseil municipal ?

Un élément important à prendre en compte, pour tout chercheur qui entreprend une étude sur l'Afrique au Sud du Sahara et plus particulièrement en milieu Soninké est le pouvoir des aînés. L'élection des maires en 1999 a engendré une de rivalité dans la gestion des affaires des villages voir de la commune. Le nouveau pouvoir établi ne bénéficie d'aucune popularité auprès des populations. C'est toujours le conseil des aînés qui a le plus de poids. Ces relations tendues entre les responsables locaux ont des conséquences négatives en ce qui l'implication des migrants dans le développement de la commune de Diéoura.

Pendant les enquêtes de terrain, nous nous sommes rendu compte de la réalité de ce fait. Par exemple, nous avons remarqué que c'était le chef du village qui était chargé de l'organisation du scrutin municipal de 2004 et non le conseil municipal. Les projets des migrants sont toujours élaborés sous la haute responsabilité du chef du village. Le chef du village de Diéoura possède ses représentants depuis la France pour l'application de ses souhaits pour le village. Pendant nos enquêtes en France les représentants du chef du village nous ont affirmé qu'ils font plus confiance au chef du village qu'au Maire.

A l'heure actuelle, c'est un véritable dialogue de sourds, entre les trois acteurs : le chef du village, Maire, les migrants. Les tensions entre ces acteurs se sont beaucoup compliquées depuis quelques mois. Il faut dire qu'aux élections de 1999, ce sont les candidats des jeunes et des femmes qui ont remporté la victoire contre les candidats des anciens. Ce fait a été le premier élément qui a nourri les tensions entre le nouveau maire et les anciens. Cette victoire a été

considérée comme une offensive à l'autorité des notables des villages. Les notables des villages considèrent les nouveaux élus comme un pouvoir déstabilisateur de leur autorité. Avant la mise de la décentralisation, des liens existaient entre tous les villages. Donc si les élus locaux n'ont pas de crédibilité dans le chef lieu de la commune, il faut dire que dans tous les autres petits villages c'est le même traitement.

Avant tout aujourd'hui, la commune doit être perçue comme un espace de cohésion entre les différentes communautés qui la composent. Si le Maire parvient à s'entendre avec les conseils des anciens, il lui sera possible ensuite de demander aux migrants leur soutien ou leurs financements aux actions qu'il propose, sous réserve que cela se fasse, village par village.

La qualité des relations entre les acteurs locaux et migrants dépend désormais de la volonté des élus locaux.

Dans la plupart des communes rurales au Mali, pour les cinq dernières années (1999-2004) comme pour la commune de Diéoura on a un bilan mitigé des Maires. Cet état de fait n'encourage pas les migrants, rien n'est possible sans une bonne cohésion sociale très forte entre les différents acteurs locaux.

Ce sont les relations entre ces acteurs qui déterminent la prise en compte ou non de la commune par ses ressortissants résidant à l'extérieur. Quand les relations sont mauvaises les migrants se désintéressent de la réalisation des projets à l'échelle communale pour se cantonner à leur propre.

.

4 - Relations entre les migrants et les partenaires du développement en

France

Les migrants sont considérés aujourd'hui comme les acteurs principaux acteurs de la coopération internationale. C'est dans ce sens que de nombreuses associations de migrants travaillent avec les partenaires du développement pour la réalisation de projets dans les lieux d'origine. Cette coopération montre la capacité d'intégration des migrants aussi bien en France qu'au Mali.

Trois acteurs principaux sont à prendre en compte:

a- Les pouvoirs publics :

Les pouvoirs publics français, privilégient aujourd'hui le « co-développement » c'est-à-dire

le développement des régions émettrices d'immigrés. Ce discours est tenu par les autorités françaises depuis 1998 mais n'inspire pas les ressortissants de la région de Kayes. A l'occasion de sa visite en février 2003 au Mali, le Ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, avait proposé une somme de 7000 € à chaque migrant qui souhaite rentrer au pays avec un projet capable de créer des emplois. Ce projet n'intéresse pas les migrants. Ils ont payé cher leur voyage en France (plus de 3000 €) et ils gagnent pour la plupart au moins le SMIC.

En octobre 2003, le chef de l'État français avait proposé l'amélioration de ce montant (7000€) lors de sa visite au Mali mais depuis lors rien n'a été fait dans ce sens.

La politique française tente actuellement de confondre aide au développement et politique de retour. Mais les candidats au retour sont peu nombreux et souvent, sauf exception remarquable, des gens en situation d'échec et non pas des promoteurs. Pour l'ensemble des migrants de Diéoura en France sur plus de 600 personnes en dix ans, seules 2 personnes ont accepté l'aide au retour. Et ils ont beaucoup regretté. L'un des deux est même revenu en France et travaille dans la clandestinité maintenant. Les migrants n'ont pas en général la capacité de gestion au pays. De ce fait, il est très rare que leurs projets reçussent à long terme.

L'aide au retour et le développement des localités émettrices ne sont pas des solutions pour la maîtrise des flux migratoires maliens. Il faut donc d'autres politiques plus efficaces. Un accompagnent beaucoup plus adapté pour les migrants porteurs de projets au pays serait un atout.

b - Les organisations non gouvernementales (ONG) :

Les organisations de solidarité internationale qui interviennent en lien direct avec les associations des migrants sont peu nombreuses. La principale difficulté réside dans la nécessité d'articuler montage de projet, formation et recherche de financement à cheval sur ce double espace qui est celui des immigrés : actifs en France comme au Mali.

Dans la commune de Diéoura, deux ONG interviennent. Il s'agit du GRDR (Groupe de Recherche et de Réalisations pour le développement rural dans le Tiers Monde), et l'Agence KARED (Agence du Kaarta pour la recherche et le Développement). Le GRDR oeuvre dans la région de Kayes depuis plus de dix ans. Mais dans la commune de Diéoura, c'est le KARED qui intervient depuis trois ans seulement. L'Agence KARED est une O.N.G malienne créée en 1998 par les membres maliens de la cellule d'appui du GRDR. L'agence KARED bénéficie depuis 1998 d'un accord cadre de coopération avec le gouvernement malien. Son siège est à

Nioro du Sahel avec une antenne à Diéma et un bureau de liaison à Bamako. L'agence KARED travaille avec les émigrés pour la réalisation d'équipements d'intérêt commun. L'Agence KARED a réalisé dans la commune de Diéoura quatre puits à grand diamètre dont un à Diéoura, un à Niankan, un Noumokolo et un à Madina. Actuellement un projet de projet de construction de barrage à retenue d'eau est en cour pour le village de Niankan. Le financement pour la construction du barrage est obtenu et les travaux démarreront en octobre prochain. L'Agence KARED participe au financement de ces réalisations à hauteur de 70%, les ressortissants de 15% et les villageois de 15%. La participation des villageois est la fourniture de la main d'oeuvre pendant les travaux de construction.

Les O.N.G cherchent des financements auprès du ministère de la coopération ou auprès de la commission européenne. Les fonds des associations de migrants viennent en général des cotisations des ressortissants.

Au Mali, les ONG qui interviennent dans la région de Kayes sont rares. Il faut mentionner notamment l'AMADE (Association Malienne pour le Développement) proposant des prestations en particulier dans le domaine de l'eau, et le Secours Catholique auprès des associations d'émigrés. Ces deux ONG ne sont pas connues dans la commune de Diéoura.

En définitive, disons que dans le cercle Diéma, la commune de Diéoura est très en retard en matière de coopération avec les organisations non gouvernementales comparativement à d'autres communes.

c- Les collectivités territoriales :

Si on compte environ 100 collectivités françaises en relation de partenariat avec des collectivités maliennes (jumelages formalisés où actions des coopérations décentralisées), on ne dénombre qu'une dizaine des villes françaises qui sont jumelées dans le région de Kayes et en liaison avec les associations des immigrés. Ces jumelages concernent essentiellement les cercles (départements) de Yelimané, de Diéma et de Nioro du Sahel, située dans la partie Nord-Est de la région, la plus éloignée du fleuve Sénégal. Ces jumelages sont très inégalement répartis dans les cercles. Ce sont seulement les villes comme Diéma qui bénéficient le plus de ces coopérations.

Par ailleurs, Conseils Régionaux (Région Île de France et Nord - Pas de Callais) (département des Hauts de Seine) ont engagé des programmes de coopération ou des actions ponctuelles, ou sont en passe de le faire en direction de la région de Kayes.

En effet le point important est de savoir que ces jumelages ont été mis en route grâce aux relations entre certains responsables d'associations de migrants et des élus locaux ou des militants tiers-mondistes. L'association joue donc un rôle de mise en relation entre les deux espaces, elle est constituée en médiateur privilégié par le comité de jumelage naissant. A propos de ces relations D. Christophe affirme : « Les partenariats mis en oeuvre apparaissent complexes puisqu'ils associent des villes, des ONG, des immigrés, des villageois, et bien souvent l'administration locale. L'association de migrants se retrouve parfois en difficulté car peu armée pour comprendre les stratégies de chacun de ces acteurs et pour définir la sienne >>13.

En effet, retenons que la mobilisation des immigrés autour d'actions de coopération internationale démontre également une dynamique d'intégration. En créant leur association de développement en France, les immigrés se débarrassent des préjugés négatifs qu'ils avaient sur leurs origines. Et après avoir réalisé un ou deux projets dans leur village, les immigrés acquièrent une certaine assurance. Fiers de leur solidarité et de leurs origines, ils deviennent des interlocuteurs viables auprès d'autres acteurs du développement public et privé. Il y a là un véritable facteur d'intégration et la pratique d'une double citoyenneté : ici et là-bas.14 Dans ces relations Nord-sud, il faut dire que les migrants sont considérés comme des coopérants ou ambassadeurs des zones de départ.

Retenons tout simplement que les relations entre les migrants de la commune de Diéoura et les partenaires du développement en France sont modestes à cause du manque d'interlocuteurs de privilègés de part et d'autre. Cependant on peut garder l'espoir pour un avenir meilleur car depuis la création de l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura, certaines relations avec les partenaires sont engagées.

13 - D. Christophe, 1995, « les migrants partenaires de la coopération internationale: le cas des Maliens de France >>.

14 - J. Condé, P. S. Diagne, 1996.

Chapitre II : limites et perspectives de l'action des migrants des la communes de Diéoura

1- Limites

a-Le déficit organisationnel du mouvement associatif :

Selon l'Écho du Mali de novembre-décembre 2002, il existerait davantage d'associations maliennes que le Haut Conseil des Maliens de France et le Consulat Général du Mali à Paris en ont leurs listes. Cet état de fait n'est pas une particularité des ressortissants de la commune de Diéoura. Pour que ces associations soient connues et puissent vraiment jouer leur rôle, le Haut Conseil des Maliens de France et les autorités consulaires doivent travailler main dans la main et faire circuler l'information auprès des Maliens de France, partout où ils se trouvent. Celle-ci est capitale pour que les responsables d'associations connaissent les procédures au niveau des préfectures et des partenaires.

L'action des migrants est limitée par la co-existence de plusieurs associations. Dans la commune de Diéoura, les associations de villages doivent s'unir pour que vive véritablement l'Association de Développement pour la Commune de Diéoura (ADCD) et que cette dernière puisse travailler effectivement à l'échelle communale. Les autorités communales doivent étudier les priorités village par village afin de mobiliser l'ensemble des migrants.

L'implication des femmes et des jeunes dans le développement de la commune serait un atout important car bon nombre d'associations du Nord ont des programmes en leur direction.

b- Des investissements concentrés sur quelques secteurs et très peu générateurs d'emplois

Les projets individuels réalisés par les migrants dans le pays d'origine sont concentrés surtout sur l'acquisition de cheptel, l'achat de parcelles en ville et la construction de maisons dans les villages d'origines. Ces activités, bien qu'étant utiles et nécessaires pour les migrants et leur famille, sont très peu génératrices d'emplois. La création de petites et moyennes entreprises est très rare et le plus souvent il s'agit d'entreprises de transport.

En définitive, nous retenons que la valorisation du capital est généralement improductive. Ainsi, pour que leur participation soit plus bénéfique à la société et à l'économie locale, les

migrants doivent davantage investir dans les secteurs productifs et porteurs d'emplois. Outre l'urgence d'une réorientation des investissements vers des activités productives, il demeure impératif de mettre un terme aux affrontements que suscitent souvent les projets collectifs.

c-Les projets collectifs, sources de conflits

Les migrants et leurs associations n'oeuvrent pas tout seuls, mais en relation avec les villageois, pour définir à la fois les besoins urgents et les modalités de leur satisfaction. Ce rapport de proximité facilite l'adhésion et la participation de tous aux différents projets à réaliser. Cependant, il va de soi que le dialogue permanent avec les villageois peut buter parfois sur des obstacles.

S. Bredeloup, (1994) a montré que les associations de migrants sahéliens constituent autant des « lieux de confrontations et de conflits de pouvoir que des espaces d'initiatives et d'innovations ». Ces conflits opposent généralement les cadets et les aînés, les partisans et les opposants à la primauté de la hiérarchie sociale traditionnelle et par conséquent entre ceux qui acceptent et ceux qui réfutent une gestion paternaliste de l'association et de ses ressources financières.

Au-delà de ces affrontements internes, les projets collectifs ont souvent engendré deux types de conflits. Le premier type oppose les migrants et leur village à l'Etat. En effet, il existe souvent un problème d'adéquation entre les besoins des villageois et la politique de l'Etat, notamment dans le domaine de l'éducation et de la santé. Disposer d'infrastructures éducatives ou sanitaires n'est pas synonyme de leur utilisation effective par les bénéficiaires. Ainsi, par exemple, les villageois peuvent attendre parfois deux ans ou plus sans avoir un infirmier pour leur dispensaire ou un enseignant pour l'école.

Le second type de conflit peut être qualifié de politique car il s'agit d'une revendication implicite de contrôle des actions de développement. Les migrants ont acquis, à travers leur pouvoir de contribution financière au développement, une légitimité auprès des villageois et un droit de regard et de décision sur tout ce qui se fait ou va se faire au village, ce qui les place en concurrence plus ou moins directe avec les autorités publiques locales et les chefs de village. La lutte pour le contrôle des actions du développement risque de compromettre le dynamisme de développement local déjà bien enclenché.

Les concurrences entre villages, les rivalités pour le leadership entre les responsables

d'associations de migrants rendent la coordination des actions difficile au sein de la commune.

En effet, tous ces conflits sont révélateurs du déficit voire de l'absence de sérieuses concertations entre les responsables d'associations, la municipalité, l'Etat et les Organisations de Solidarité Internationales. Cette carence de dialogue conduit souvent à des investissements économiquement inefficaces car ne s'inscrivant dans aucune approche globale de développement local. L'action des associations de migrants apparaît alors limitée dans de nombreux domaines alors que certaines des difficultés qu'elles rencontrent relèvent essentiellement d'une décision politique, en France et au Mali, qui implique les autorités politiques.

2- Perspectives

Pour un réel développement des nouvelles communes, on doit surtout s'attacher à la consolidation de la démocratie nouvellement instaurée par un véritable dialogue entre tous les acteurs concernés

Le processus de décentralisation en cours au Mali, doit permettre la participation des populations aux décisions concernant leur commune.

On remarque que la mobilisation des migrants dépend avant tout d'une certaine stabilité politique et sociale d'où la nécessité de mettre un terme aux conflits inutiles. Au cours de nos enquêtes, de nombreux migrants nous ont fait savoir qu'ils ne peuvent plus continuer à financer des conflits inutiles.

Des campagnes de sensibilisation et d'information doivent être fréquentes au niveau des populations locales et des associations des migrants en France.

Les migrants doivent davantage s'investir dans des projets de développement économique, capables de créer des emplois dans les lieux d'origine. Mais il faut dire que les infrastructures adéquates pour l'épanouissement de ces projets manquent. Par exemple, les terres sont suffisamment fertiles pour développer la culture des légumes et des fruits dans la commune de Diéoura, mais celle-ci est totalement enclavée. Et les investissements doivent prendre en compte les problème d'approvisionnement, de transport et de commercialisation.

Cependant, l'espoir renaît si l'on sait que depuis le début de l'année 2003, la nouvelle route nationale reliant Bamako à Kayes passe par l'un des gros villages de la commune : Tassara. Nous espérons que le programme actuel du gouvernement malien donnant la priorité au

désenclavement et à la sécurité alimentaire donnera espoir aux ressortissants de la commune de Diéoura qui hésitent à investir dans l'agriculture.

La construction des routes doit cependant s'accompagner de la promotion d'entreprises génératrices d'emplois et de revenus. Pour réussir de telles actions, il faudra surtout impliquer les cadres issus des localités concernées.

Les migrants et leurs réalisations n'ont pas eu suffisamment de reconnaissance de la part des autorités publiques, les autorités communales issues de la décentralisation doivent renforcer et légitimer ce qui est déjà entrepris en accompagnant pleinement les migrants pour asseoir les conditions d'un développement durable15 .

L'avancée du désert va, de plus en plus, accroître l'instabilité des ruraux, donc ce sujet doit être au centre du codéveloppement et de la lutte contre la désertification.

L'éducation des enfants dans les zones d'émigration doit être une priorité des autorités locales car le développement de tout pays dépend de son système d'éducation. Pour la réussite des actions des migrants, un élément capital est à souligner, celui de leur intégration en France. L'intégration passe d'abord par la maîtrise de la langue française, et on voit donc là une nécessité pour la majorité des migrants de prendre des cours d'alphabétisation.

En ce qui les relations entre les acteurs qui interviennent dans les lieux d'origine et les migrants, Boucquier les analyses comme suit :

L'ensemble des partenaires au Nord qui sont sollicités par les collectivités locales et les associations des migrants, ont des ambitions et des postures institutionnelles variées. Ils ne cherchent pas forcément à satisfaire les mêmes objectifs. Une synergie ou un rapprochement entre les deux est à promouvoir :

- Ils ne s'impliquent pas toujours dans le même secteur d'activité, leurs centres d'intérêt ou les domaines des compétences qu'ils veulent mettre à profit pour leurs partenaires du Sud n'étant pas les mêmes .

- Parfois, ils ne privilégient pas les mêmes axes de développement que ceux pourtant identifiés comme prioritaires par les acteurs locaux. Certains secteurs sont choisis par les partenaires au nord en fonction de leur caractère << démonstratif >>, surtout lorsque ces acteurs doivent rendre compte auprès d'un public spécifique, des démarches de coopération qu'ils ont entreprises.

(C'est le cas des O.N.G. françaises par rapport à leurs << admissions >> pour ce qui est de la

15 - Bocquier et al, 1999.

coopération décentralisée).

- Ils ont souvent une perception différente du processus du développement local. Celui-ci suppose que les acteurs du Nord acceptent de financer des « fonds de développements locaux » dont le principe est justement de ne pas savoir à quels projets leurs contributions seront affectées (ce principe n'est pas toujours accepté).

En effet, ces divergences d'intérêts expliquent en partie pourquoi les collaborations entre les associations de migrants et collectivités locales en France sont loin d'être systématiques. Ces collaborations seraient pourtant porteuses et aideraient certainement les associations villageoises de migrants à trouver une raison supplémentaire de s'impliquer dans le champ du développement communal.

Au niveau des Etats, au Mali en l'occurrence, la décentralisation en cours peut ouvrir un cadre d'action dynamisant et donner sens à l'action des migrants des associations de développement.

En ce qui concerne la France, la prise en compte des associations devrait certainement se traduire par une plus grande légitimité donnée à leurs actions.

Donc il revient aux Etats concernés de prendre les mesures appropriées pour appuyer les associations des ressortissants pour permettre aux zones d'émigration de décoller sur le plan socio-économique. Les dynamiques qui seraient introduites auraient des répercussions sur le reste du Mali et même de la sous région.

A notre avis, l'application de ces propositions apportera un appui utile aux efforts déjà entrepris dans le domaine du développement par les associations de migrants dans les régions d'origine.

Conclusion :

Au sorti de cette étude, il se confirme que le mouvement migratoire reste le phénomène majeur dans la vie des populations de la commune de Diéoura, au point que les activités agricoles peuvent être considérées comme secondaires, voire négligées.

Bien qu'il détourne un grand nombre de jeunes actifs, ce mouvement garantit la survie et même l'amélioration des conditions d'existence des familles concernées.

Malgré les mesures de fermetures en France depuis 1974, les flux migratoires des ressortissants de la commune de Diéoura n'ont jamais cessé de prendre de l'ampleur en direction de ce pays même si aujourd'hui l'Espagne apparaît de plus en plus attractive. Vu l'action engagée des migrants pour le développement de lieux d'origine, rien ne laisse prévoir pour le moment de leur part , une baisse ou un arrêt de ces flux migratoires.

Les migrants profondément engagés dans le développement de leurs villages d'origine, comptent plus que jamais sur le renforcement et l'extension de ces migrations.

L'organisation en association communale, chez les soninkés de la région de Kayes, parallèlement aux caisses villageoises dont ils ne pouvaient contrôler la gestion, a permis de dépasser quelques peu les préoccupations premières de satisfaction et attentes des familles.

Cette organisation beaucoup plus vigilante ici et là bas dans la région de Kayes a permis de réunir les fonds et compétences nécessaires à la création d'équipements collectifs, ce qui constitue une retombée positive pour l'ensemble de la communauté d'origine.

Dans la commune de Diéoura, l'association à l'échelle communale est créée en 2003, à la restriction presque les initiatives des migrants ont jusque là privilégié le chef lieu de la commune, c'est dire le village de Diéoura. L'inégale répartition des infrastructures dans la commune de Diéoura entrave la mobilisation des migrants. La plupart de ces infrastructures collectives ont étés réalisés bien avant le processus de la décentralisation.

Ce travail de maîtrise a fait apparaître des effets particuliers des migrations à la commune de Diéoura dont certains apportent des éclairages nouveaux à cette thématique de recherche déjà très étudiée :

Cette particulière de la commune de la commune de Diéoura est avant tout liée à l'exode rural
contrairement à d'autres communes limitrophes. Il est intéressant de préciser que tous les villages

de Diéoura ne connaissent pas l'exode rural au même rythme, des disparités importantes sont à signaler. Les villages de Tassara et de Founto sont les plus touchés par ce phénomène d'exode rural (plus du 1/3 de chacun de ces villages réside aujourd'hui en ville). Mais cela se développe aussi très vite dans les autres villages de la commune notamment dans les villages

de Diéoura et de Niakan. Seulement deux villages font exception dans ce sens : il s'agit des villages de Noumokolo et de Bambara - Madina.

Ces migrations en direction des villes ont des conséquences importantes sur ces lieux. On assiste ainsi à la redynamisation de l'urbanisation qui va s'accroître de façon incontrôlée avec tous les problèmes d'aménagement des quartiers pour les pouvoirs publics.

La conséquence majeure pour les zones de départ se traduira par le désengagement des migrants à l'égard ces zones compromettant ainsi leur avenir. L'exode rural donnera beaucoup plus d'avantage au dépeuplement des villages d'origine. On peut s'interroger alors sur le devenir des régions de départ avec l'afflux des ruraux vers les grandes villes.

La migration conduite à une certaine désaffection pour l'agriculture, un certain manque de considération pour les activités économiques sur place. Les sols sont fertiles dans une grande majorité de la commune de Diéoura mais restés non exploités à cause du manque d'initiative. De ce fait, les familles dépendent vis- vis des revenus des migrants.

La décentralisation est processus récent, mais pourrait à long terme servir une porte d'entrée pour tous les acteurs oeuvrant pour le bien être des lieux de départ notamment dans le cadre de la coopération décentralisée.

Un phénomène intéressant est entrain de faire son chemin dans la commune de Diéoura et qui est directement lié au processus de décentralisation : c'est l'implication et la motivation des jeunes notamment instruits de la commune. La première réponse à cette implication est la création de l'Association pour le Développement de Commune de Diéoura (A.D.C.D.). En se regroupant en association de développement déclarée, les migrants de la commune de Diéoura peuvent désormais passer des contrats avec des partenaires de tous ordres.

Précisons que cette implication s'est manifestée aussi bien chez les jeunes à l'échelle de la commune, au niveau des étudiants de la commune à Bamako qui ont également crée une association des ressortissants de la commune et en France surtout. C'est en effet, une motivation générale des jeunes de la commune à s'engager dans la politique nationale pour investir

pleinement certes à l'échelle de la commune (ce qui n'est pas vraiment entré dans les habitudes.) Chez les jeunes instruits émigrés de la commune de Diéoura se développe une conscience de s'investir politiquement à l'échelle locale et nationale. Cet engagement exprime en effet un grand projet politique très fort pour pouvoir représenter les intérêts locaux voir même régionaux dans le dispositif de la politique nationale.

La diaspora malienne étant estimée à plus quatre millions de personnes, n'est-il pas nécessaire de poursuivre l'analyse des migrations maliennes à l'échelle du continent africain ? Dans le même sens, il est aussi important de faire une étude de ces migrations dans les différents pays de transit entre le Mali et l'Europe.

Comme toute oeuvre humaine, ce travail est loin d'être exhaustif, et nous espérons qu'il donnera lieu à d'autres réflexions sur le thème migration et le développement.

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TIMERA M., 1996, Les Soninkés en France, d'une histoire à l'autre, Paris, Karthala, 244p.

TRAORE S. et BOCQUIER PH., 1995, Migrations et Urbanisation en Afrique de l'Ouest, Résultats de l'enquête REMUAO Cerpod, Bamako, 32p.

WEIL, P., La France et ses étrangers, Paris, Calman - Lévy, 212p.

Annexes Annexes 1 : Les personnes ressources

Monsieur Camara Sadio, chef de famille du village de Diéoura en France, responsable de la caisse de solidarité.

Monsieur Magassouba Harouna, Président de l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura (A.D.C.D.).

Monsieur Wagué Mady Secrétaire Général de l'A.D.C.D. Gary Yaya, Chef du village de Diéoura (Mali).

Monsieur Konaté Douga, Maire de la commune de Diéoura. Monsieur Kébé Boubou, Adjoint du Maire de la commune de Diéoura. Monsieur Wagué Mammadou, ex- Maire de la commune de Diéoura. Gary Kolly, Chef de village de Founto en France.

Bouné Moussa, notable du village de Noumokolo en France.

Annexe 2 : Présentation du questionnaire

a) Questionnaire destiné aux les migrants en France

1) Caractéristiques de la personne enquêtée :

Sexe: M F

Age: <18 ans Entre 18 et 40 ans > 40 ans

Ethnie:

Profession:

2) Vie en France:

-Commune de résidence:

-Situation familiale: célibataire marié divorcé

-Si marié, épouse (s) en France Mali

-Habitat: foyer d'immigrés hors foyer

Oui Non

- Combien de membres votre famille vivent en France ? Hors du Mali ?

- Date d'entrée en France :

-Conditions d'entrée : régulière irrégulière

- Régularisé(e): Oui Non

-En quelle année ?

-Que faites- vous comme travail ?

-Avez- vous un contrat de travail ?

- Salaire mensuel:

-Niveau en français :

- Oral: T.bon bon moyen faible pas du tout

-Écrit: T.bon bon moyen faible pas du tout
-Êtes- vous membre d'une association des ressortissants en France ?

Oui Non

3) Des origines à la France :

-Village:

- Conditions de départ: volontaire involontaire

- Age de départ:

- Dans quels pays avez vous résidé avant d'arriver en France ?

- Apport mensuel moyen à la famille au Mali: - Où réside votre famille au Mali?

au village dans une autre ville

4) Retour au pays:

-Prenez vous des vacances chaque année?

-Tous les deux ans

-Tous les trois ans

- Plus

- Pour combien de temps vous restez au pays?

- Qu'est- ce que vous faites pendants ce temps?

- Comptez vous retournez définitivement avant la retraite?

Oui Non

5) Investissement au pays: -Quels types d'investissements avez vous réalisés?

-Avez vous un projet économique au pays?

Oui Non

- Un projet individuel ?

Oui Non

-Si oui lequel ?

Un projet collectif ?

Conclusion :

- Quelles sont vos difficultés ici en France et au Mali?

Êtes vous satisfait de votre aventure en France ?

Quel est votre dernier mot ?

b) Questionnaire destiné aux chefs de famille au Mali

Age:

Ethnie:

Profession:

Village :

Avez vous une expérience migratoire?

Oui Non

-Si oui en Afrique en France

- Selon vous quelles sont les motivations principales de l'émigration ?

- La France est elle pour vos émigrés le premier pays de destination ?

- les migrants de votre famille envoient ils de régulièrement de l'argent ? - Quel est le nombre d'émigrés dans votre famille?

En france En Afrique

- Quels sont les motifs pour lesquels vos migrants envoient de l'argent ?

-Les fonds envoyés par les revenus constituent- ils les seules ressources de la famille? - L'exode rural constitue t-il un handicap pour le développement du village

Quel est votre avis par rapport à l'action des migrants ?

SOMMAIRE

Remerciements 1

Introduction 2

Précision sur quelques termes utilisés 7

Conditions de travail et méthodologie de recherche 8

1-Conditions de travail ..9

a-Le terrain de recherche France 9

- Recherche documentaire en France .................................... ......... ............... ............9

-Les foyers d'immigrés en Il de France ........................... ........................ ... 9

b- La collecte d'information dans la commune de Diéoura au Mali 10

2- Les méthodes utilisées 12

a- Les entretiens ouverts 12

b- Les interviews enregistrées 12

c- Enquêtes par questionnaires 13

d- Enquêtes par observation participante 13

PREMIERE PARTIE :

LES DYNAMIQUE MIGRATOIRES CHEZ LES SONINKES .15

Chapitre I : genèse des migrations soninkés 16

1- Une migration très ancienne 18

2 - Une migration de plus en plus lointaine, en Afrique 18

3- Une migration de plus en plus tournée vers la France 19

a- Dans un premier des conditions favorables de part et d'autre 19

b- Depuis 1974, une politique de plus restrictive en France 20

c - les filières d'immigration clandestines 22

Chapitre II - Présentation de la commune de Diéoura 23

1- Présentation d'ensemble 23

2- Les caractéristiques socio-économiques de la commune 29

DEUXIEME PARTIE :

APPORTS ET EFFETS DES MIGRATIONS DES HABITANTS DE LA COMMUNE DE DIEOURA 32

Chapitre I: Les réalisations des migrants de la commune de

 

Diéoura

33

1- Les réalisations collectives

.33

a- La lutte des migrants pour l'accès à l'eau dans la commune de Diéoura

34

b- Les initiatives récentes

36

 

c- L'inégale répartition des infrastructures constitue une entrave à la mobilisation des migrants sur l'espace communal . 37

2- les actions individuelles menées par les migrants 41

a - Les transferts de fonds 41

b- Les flux des marchandises en direction de la commune 42

c - Du village vers la France 43 d -

Les échanges culturels 43

Chapitre II - Evolution de l'espace villageois sous l'action des
migrants : l'exemple du village de Diéoura .44

1-Les transformations du paysage villageois .44

a- L'action collective des migrants favorise l'extension .44

b-L'extension de l'espace due aux investissements immobiliers privés des

migrants .45c-

Les modifications de l'habitat ;; .48

2-Comparaison du village de Diéoura avec d'autres chefs lieux de communes ..52

Chapitre III: Pourtant les villages des ne bénéficient plus totalement des apports des migrants 53

1-L'argent des migrants favorise l'exode rural et l'installation des familles en villes . 53

2- L'argent des migrants contribue à l'extension d'agglomérations urbaines à

Bamako et Kati ..56

a- Une augmentation considérable du prix du terrain 57

b- Difficultés d'aménagement pour les pouvoirs publics ...58

Chapitre IV : Une migration qui finance des conflits locaux 59

1- Organisation sociale en milieu soninké ....59

- Le chef de village et ses conseillers (les notables) ....59

- Les hommes libres 60

- les hommes de castes 60

2- Comment est intervenu le conflit à Diéoura et l'implication des

migrants 60

Chapitre V : Les effets sociodémographiques des migrations dans la commune de Diéoura 65

1- La commune de Diéoura: un véritable pôle d'attraction pour les

ouvriers agricoles .65

2- Les conséquences démographiques 67

- La baisse générale de la fécondité 67

3- Effets sur l'éducation des enfants...... 68

4 - Les transformations sociales 69

5 - D'importants espaces agricoles sont délaissés 70

TROISIEME PARTIE :
LES MIGRANTS ET LE PROCESSUS DE

DECENTRALISATION : LIMITES PERSPECTIVES...71

Chapitre I : Quelques rappels historiques et contextuels sur

la décentralisation au Mali ...72

1-Un bref aperçu sur la mise en place de la décentralisation au Mali 72

2-L'implication des migrants dans le développement des lieux d'origine 74

3 - Quelles relations les migrants de la commune de Dieoura ont-ils avec le conseil municipal ? 76

4 - Relations entre les migrants et les partenaires du développement en

France 77

a- Les pouvoirs publics 77

b - Les organisations non gouvernementales (ONG) 78

c- Les collectivités territoriales 79

Chapitre II : limites et perspectives de l'action des migrants des la
communes de Diéoura 82

1 Limites 82

a -Le déficit organisationnel du mouvement associatif .82

b- Des investissements concentrés sur quelques secteurs et très peu générateurs

d'emplois 82

c-Les projets collectifs, sources de conflits 83

2- Perspectives 84

Conclusion .87

Références bibliographiques 90

Table des cartes

Carte n° 1 : carte administrative du Mali 6

Carte n°2 : La région des trois frontières entre la Mauritanie, le Mali et Sénégal : « le pays Soninké » 17

Carte n°3 : La commune de Diéoura 25

Carte n° 4 : Infrastructures relevées de la commune de Diéoura 39

Figure n°1 : Croquis du village simplifié du village Diéoura 47

Figure n°2 : Plan de la ville de Bamako 57

Carte n°5 : Les communes de la région de Kayes 82

Table des tableaux

Tableau 1 : Les communes du cercle de Diéma 26

Tableau 2 : Distances entre le village de Diéoura et autres villages 29

Tableau 3 : Populations des différents villages de la commune de Diéoura 30

Tableau 4 : La taille du cheptel dans la commune 31

Tableau 5 : Réalisations des migrants dans quelques villages de la commune 40

Tableau 6 : Taux d'émigration dans la commune de Diéoura 59

Table des photos

Photo n°1 : paysage de savane à Noumokolo 27

Photo n°2 : paysage désertique à Tasseras 28

Photo n° 3 : Puits à grand diamètre à Founto 35

Photo n° 4 : Les locaux de la mairie de Diéoura 36

Photo n°5 : Case ronde 48

Photo n°6 : Maison en tôle 49

Photo n° 7 : Maison d'un migrant à Diéoura 50

Photo n°8 : Troupeau d'un migrant à Founto 51

Photo n ° 9 : Maison d'un migrant en chantier à Bamako 58

Annexes 94

Annexe1 : Les personnes ressources 94

Annexe 2 : présentation du questionnaire 94

a- Présentation du questionnaire destiné aux migrants en France 94

b- Questionnaire destiné aux chefs de famille au Mali 97

Annexe 3 : Le découpage administratif au Mali 98

Annexe 4 : La répartition des revenus d'un migrants soninkés 99






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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite