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L'émigration malienne: configuration, modalités, et effets des migrations des ressortissants de la commune de Diéoura, cercle de Diéma.

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par BOULAYE KEITA
Université Paris 7 DIDEROT - Maà®trise 2004
  

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Chapitre V : Les effets sociodémographiques des migrations dans la commune de Diéoura

1- La commune de Diéoura: un véritable pôle d'attraction pour les ouvriers agricoles :

L'un des phénomènes majeurs dus aux fonds des émigrés est la forte attraction de la commune à l'égard des ouvriers agricoles. Mais c'est le village de Diéoura qui attire le plus grand nombre d'ouvriers. Le village de Diéoura a le plus grand nombre de migrants par rapport aux autres villages de la commune et c'est aussi que la plus forte (plus grand nombre de populations).

Pendant notre phase de terrain, nous avons remarqué à Diéoura que dans plusieurs familles, il y avait des ouvriers agricoles. Dans plusieurs cas, ce sont les émigrés de la famille qui envoient les salaires de ces ouvriers à la fin des récoltes. Ces ouvriers aident les chefs de famille à cultiver les champs de mil et les champs d'arachide des femmes. Avec le départ des jeunes, ces ouvriers sont considérés comme leurs remplaçants. Dans certaines familles, on trouve seulement les personnes âgées, les enfants, les femmes et les ouvriers.

Parmi ces ouvriers on a des saisonniers et certains finissent par s'installer définitivement dans le village .Nous avons remarqué que ceux qui viennent sont jeunes et ne sont pas Soninkés. Ce sont en général des jeunes des communes comme Sefeto, des cercles Kita, Bafoulabé et parfois de Koulikoro, mais en majorité ils viennent de l'intérieur de la région de Kayes. Ils viennent de zones qui ne connaissent pas la forte migration vers l'extérieur du pays. C'est le cercle de Kita qui envoie plus de travailleurs agricoles dans la commune de Diéoura. Le facteur déterminant ici est la distance qui relie la commune Diéoura et le cercle de Kita.

Les habitants de Diéoura ont davantage de relations avec le cercle de Kita qu'avec ceux de Bafoulabé. Ces flux dépendent surtout de la distance géographique c`est à dire la proximité entre le cercle de Kita et la commune de Diéoura. Les flux des travailleurs agricoles ont des conséquences souvent dangereuses pour les populations. On assiste de plus en plus à la montée

de la criminalité notamment des vols et des viols.

Dans une zone complètement vidée de ses bras valides, ce sont les ouvriers agricoles (originaires d'autres communes) qui font la loi.

Ces migrations vers la commune de Diéoura donnent aussi lieu à des changements culturels importants. De nombreux jeunes de Diéoura nous ont affirmé qu'ils ont maîtrisé aujourd'hui le bambara grâce aux travailleurs agricoles. Les ethnies qui viennent travailler dans la commune de Diéoura sont en majorité des Malinkés ou Kansonkés. Une autre ethnie était présente depuis longtemps, il s'agit des Peuhls. Mais le conflit entre les éleveurs (Peuhls) et les agriculteurs (Soninkés et Bambara) en 1998 a contribué à un abandon de la commune de Diéoura par les Peuhls. Les Peuhls étaient chargés de conduire les troupeaux pendant la saison des pluies. Donc tous ceux qui possédaient de nombreux animaux recrutaient des Peuhls pour la surveillance de leurs animaux. Là encore, on a remarqué que les troupeaux de boeufs appartenaient à des migrants, mais beaucoup plus anciens car actuellement les jeunes investissent surtout dans l'immobilier à Bamako.

La commune de Diéoura, depuis fort longtemps attire les Maures qui viennent de la frontière entre le Mali et la Mauritanie avec leurs troupeaux pendant la saison sèche. Mais, disons là que les flux des Maures n'ont pas de lien direct avec les migrants ; la raison avancée ici est la richesse des pâturages de la commune de Diéoura que dans la zone frontalière. Les Maures et les Peuhls amènent avec eux dans la commune des épidémies qui peuvent conduire à la mort de plusieurs animaux. Les flux en direction de la commune de Diéoura sont en effet essentiellement nationaux sauf en ce qui concernent les Maures qui peuvent venir de Mauritanie.

Si la migration procure aux populations un certain « développement » il faut dire qu'elle a aussi des inconvénients dramatiques pour les lieux de départ. Plus loin, on développera les inconvénients liés à cette migration.

L'envoi des fonds issus de la migration des ressortissants reste en tout cas le facteur déterminant pour expliquer les flux des ouvriers agricoles vers la commune de Diéoura. La présence des ouvriers agricoles dans les lieux qui envoient beaucoup de migrants en France n'est pas une spécificité de la commune de Diéoura. Dans la commune de Lambidou (Soninké) et de Fatao, c'est le même phénomène mais là dans le cercle (département) de Diéma, c'est la commune de Lambidou qui attire le plus grand nombre d'ouvriers. Cela est dû à sa position de carrefour, par rapport à d'autres communes du cercle de Diéma, et aussi au fait que les migrants

sont beaucoup actifs dans le village de Lambidou que nulle part ailleurs au Mali contrairement aux migrants de la commune de Diéoura.

2- Les conséquences démographiques :

Dans les études des migrations des Soninkés, on a beaucoup sous-estimé les effets négatifs. Pourtant ils sont nombreux et contribuent à la structuration de l'espace. Parmi les conséquences négatives, il faut distinguer en tout premier les effets démographiques. Le départ des bras valides constitue un danger majeur pour les lieux de départ. On a remarqué que dans tous les lieux étudiés, on rencontre surtout des petits-enfants, des vieilles personnes et les femmes. Tous les jeunes entre 15 et 35 ans sont partis dans d'autres lieux. Dans nos entretiens avec les chefs de familles, c'est le problème numéro un qu'ils ont évoqué. L'attraction de la commune exercée sur ruraux d'autres communes a des effets négatifs très dangereux pour les populations. Il s'agit de la montée de la criminalité en particulier.

Comme nous l'avons évoqué précédemment, dans la commune de Diéoura, l'arrivée des ruraux est considérée comme une solution pour palier le manque de bras valides. Il faut en effet dire que les ruraux ne peuvent pas combler le vide laissé par les migrants.

- La baisse générale de la fécondité :

Un autre phénomène observé par les migrations est celui de la baisse la fécondité. Dans la religion musulmane, avoir beaucoup d'enfants est un signe de bénédiction. Compte tenu de nombreux problèmes des migrants en France dus notamment à leur situation administrative (vivre sans papiers), les migrants ne peuvent se permettre d'aller régulièrement au pays et d'y vivre avec leurs épouses. Dans le contexte de la politique française actuelle en matière d'immigration, un migrant « sans-papiers » peut être obligé de rester cinq ou six ans sans sortir du territoire français car il sait qu'en sortant, il ne lui sera pas facile de revenir sans titre de séjour. Pour être régularisé actuellement en France, il faut au moins dix ans de présence sur le territoire français. Ces nombreuses années d'absence ont sans doute des conséquences sur le taux de natalité des lieux de départ. De nombreux migrants et des femmes nous ont fait part de leur souci à ce sujet. Les migrants en situation régulière, la durée moyenne du séjour en France est de deux ans. Ce sont eux, qui vont en général tous les deux ans et pour une période de deux à trois mois au pays, d'après les résultats de nos enquêtes auprès des migrants en France.

Dans certains cas, des migrants regrettent d'avoir passé toute leur vie en France et avoir été séparés de leurs épouses. Les migrants Soninkés en général ont plus d'une femme (deux, ou trois ou même plus). On remarque que les non migrants qui vivent avec leurs femmes ont un nombre d'enfants plus important que les migrants. Ces longues années d'absence peuvent souvent amener certaines femmes à vivre clandestinement avec d'autres hommes. On assiste alors à la naissance d'enfants << non désirés ». La naissance de ces enfants << non désirés » donne lieu, dans la plupart des cas, à des divorces. Il a été difficile pour nous de poser cette question aux migrants qui ont divorcé sur la raison principale de leur séparation.

3- Effets sur l'éducation des enfants :

Le développement de tout le pays dépend de la qualité de son système éducatif. La commune de Diéoura est l'une des communes qui connaissent les taux de scolarité les plus faibles du cercle de Diéma. La volonté affichée par les autorités maliennes depuis 1992, dans le domaine de la formation des enfants, n'est pas encore une réalité dans cette commune. L'école fondamentale (primaire) de Diéoura a été créée en 1977 et l'on compte aujourd'hui moins de dix diplômés originaires de la commune. La migration est le principal facteur qui conduit les jeunes à abandonner très tôt l'école. Nous avons cherché à comprendre auprès des migrants et des chefs de famille pourquoi ils n'encourageaient pas les jeunes à poursuivre les études. Nos interlocuteurs

nous ont déclaré que les études au Mali n'avaient pas de valeur significative dans la mesure on sait qu'un ouvrier en France gagne 4 à 5 fois le salaire d'un cadre malien. La majorité des

jeunes abandonne l'école avant la cinquième année (CM1).

Précisons également que l'école fondamentale de Diéoura était la seule école de la commune jusqu'en octobre 2002, date à laquelle le village de Tassara a ouvert la sienne.

Le taux fréquentation de ces écoles aujourd'hui serait de 40 % selon l'ex-maire de la commune, au même niveau avec les medersas ou les écoles coraniques.

De plus en plus, les migrants encouragent leurs enfants à poursuivre des études plus longues car la maîtrise du français est un atout important pour un candidat à l'émigration en France. Les migrants ont également compris que la meilleure façon de s'intégrer en France est la maîtrise du français.

S'il est aujourd'hui clair qu'il y a de nombreux étudiants maliens en France, il faut cependant préciser qu'il y a moins d'étudiants Soninkés parmi eux. L'ethnie Soninké est en effet la moins

alphabétisée du Mali.

La pratique de la migration vers la France a conduit les autres ethnies maliennes à dire que si l'on va en France, il faut maîtriser deux langues : le Soninké, et le français. Les Soninkés sont attirés par la France plus que par toute autre destination.

4 - Les transformations sociales:

Les rapports familiaux se sont transformés, en ce sens que celui qui vit et travaille en France est plus valorisé que les autres. On lui accordera volontiers la main d'une jeune fille qu'un pauvre paysan resté au village.

Désormais, la coopérative céréalière est devenue le grenier de chaque maison, et ce sont les migrants qui remplissent les greniers, plus que les récoltes des grands champs de la famille cultivés jadis sous l'autorité du chef de famille. Ce pouvoir qu'a le cadet émigré de passer la commande à la coopérative à partir de Paris, accélère les mutations dans les rapports cadets - aînés. On peut même affirmer que la migration contribue à la transformation des bases culturelles de la société Soninké.

Dans la famille, le pouvoir de l'émigré peut être compris en observant ses épouses et à ses enfants de celles ou ceux des non migrants. Retenons également que l'on assiste à l'éclatement de la grande famille Soninké et au développement de comportements de plus en plus individuels chez les migrants.

Un autre aspect beaucoup plus fréquent aujourd'hui chez les migrants Soninkés : le changement des rapports entre le maître et son esclave. L'esclavage a été officiellement aboli au Mali après l'indépendance (1960), mais dans les sociétés Soninkés, c'est une pratique qui existe encore. Le maître comme son esclave sont devenus des ouvriers en France. Il arrive même que l'esclave coiffe son maître dans l'entreprise. Ils ne tissent donc plus les mêmes relations qu'au village. Cet état de fait conduit à des tensions souvent très vives dans la société. Les esclaves

affranchis ou non par leurs maîtres considèrent désormais qu'ils ont le même statut social et politique d'onc qu'ils doivent jouer les mêmes rôles au niveau social, aussi bien en France que dans le village.

Les conflits locaux, par exemple de nature religieuse, comme que nous avons largement évoqué par le cas de la commune de Diéoura, ne sont alimentés que par les fonds des migrants en France.

Ces différentes transformations contribuent de plus en plus à l'éclatement de la société Soninké.

5 - D'importants espaces agricoles sont délaissés :

Une analyse des espaces agricoles montre une régression des surfaces cultivées dans les villages d'origine des migrants. L'argent des migrants intervient surtout pour le paiement des ouvriers agricoles et ne favorise pas la modernisation de l'agriculture.

Les migrants en général retournent au pays pendant la saison sèche après les récoltes, surtout en janvier, février mars, mai. Ces paysans devenus ouvriers en France n'ont plus besoin de se fatiguer dans les travaux champêtres. Les migrants nous ont surtout affirmé qu'un mois de salaire en France vaut mieux que l'ensemble de la récolte de tous les membres de la famille. Avec un mois de salaire on peut nourrir toute la famille pendant toute une année entière. La baisse de production agricole et artisanale a conduit à réduire le prestige lié au statut de bon paysan.

L'émigration crée de la dépendance des lieux d'origine vis-à-vis des revenus des émigrés. Cette dépendance aux revenus de la migration accélère la désaffection pour l'agriculture.

On remarque chez les non migrants une sorte de paresse, un manque d'initiative qui les conduisent à ne plus s'impliquer dans les travaux du milieu rural notamment les travaux champêtres. Les migrations contribuent à réduire considérablement le volume de la production agricole en milieu soninké.

En plus de cette dégradation de l'agriculture, on assiste à un accroissement de la consommation des produits vivriers importés ; l'économie se fonde de moins en moins sur la production locale pour devenir dépendante de l'extérieur. La production agricole devient de plus en plus marginale.

Les difficiles conditions climatiques ont été toujours considérées comme l'élément majeur dans la baisse de la production agricole dans le Sahel. Mais aujourd'hui, en milieu Soninké, c'est surtout l'émigration qui conduit à la baisse de la production agricole.

Les migrants interviennent beaucoup plus dans le commerce que dans l'agriculture. Ils n'achètent des charrues que pour la culture de quelques hectares par famille. Cette baisse de la production a pour conséquence l'augmentation des prix des produits alimentaires, multipliant ainsi les charges de l'émigré.

Globalement la production agricole baisse, même si les conditions climatiques sont bonnes du fait des migrations et l'agriculture se trouve dans une véritable l'impasse.

TROISIEME PARTIE :

LES MIGRANTS ET LE PROCESSUS DE

DECENTRALISATION : LIMITES ET PERSPECTIVES

Chapitre I : Quelques rappels historiques et contextuels de
la décentralisation au Mali:

1-Un bref aperçu sur la mise en place de la décentralisation au Mali :

La décentralisation vient au Mali avec le changement de régime politique survenu en mars 1991 suite en une insurrection populaire qui met ainsi fin à 23 ans de régime dictatorial et corrompu du Général Moussa Traoré.

En 1992, après une période de transition durant laquelle le Lieutenant Colonel Amadou Toumani Touré (A.T.T.), a dirigé le pays à la tête du Comité de Transition pour le Salut du peuple (C.T.S.P.), les premières élections pluralistes ont été organisées. C'est le candidat de l'Alliance pour la Démocratie au Mali (ADEMA), Alpha Omar Konaré qui a remporté ces élections.

La décentralisation est devenue le premier et le plus grand chantier du nouveau gouvernement De nombreux outils ont été crées par l'État pour lancer le processus de la décentralisation. Nous avons par exemple la mission de décentralisation, des émissions sur les radios rurales et la radio nationale, des équipes locales de la mission de décentralisation ont également vu le jour et même un Ministère de la Décentralisation et Collectivités Territoriale a été créé pour l'occasion.

Plusieurs textes de loi définissent les fonctions des communes aujourd'hui en activité. On peut citer notamment :

- La loi n°93 - 008 qui détermine « les conditions de l'administration des collectivités territoriales en République du Mali ».

Le découpage communal a été effectif en 1997. Celui-ci a abouti au regroupement de plusieurs villages en communes, selon des critères de viabilité économique, d'entente sociale et de démographie proposés par l'État. Le territoire national a été découpé en 703 communes.

Les premières élections municipales ont eu lieu en 1999.

Les communes se retrouvent aujourd'hui responsables du développement de leur territoire.

La loi de décentralisation doit permettre aux collectivités locales de s'impliquer pleinement dans les secteurs qui concernent directement les populations locales, à savoir l'éducation, l'alphabétisation, la santé, la gestion des infrastructures, d'intérêt local (dont les adductions d'eau, l'environnement.....) en étant tantôt initiatrices, tantôt décisionnaires, les communes se trouvent au coeur des rapports entre les acteurs qui oeuvrent pour le développement. Mais les collectivités locales restent encore démunies en moyens humains, matériels, et financiers. De ce fait, elles ne peuvent pas honorer leurs responsabilités sans associer pleinement les partenaires qui oeuvrent sur leurs propres territoires.Tous les acteurs y compris les associations des migrants, doivent, si possible, travailler ensemble dans un même objectif afin d'économiser les ressources disponibles et créer des synergies.

Donc l'action des migrants soninkés s'exerce aujourd'hui à la fois à l'échelle de leur famille, des villages d'origine et de la commune depuis la reforme de la décentralisation. La décentralisation était revendiquée depuis plusieurs années par les ressortissants et la voir aujourd'hui à l'oeuvre est pour eux, la preuve que l'État ne veut ou ne peut pas planifier et conduire au développement. En ce sens que les populations des zones rurales sont abandonnées par les autorités politiques. Si l'Etat intervient c'est pour la récupération des impôts. La construction des écoles, des centres de santé, et l'accès à l'eau potable sont les domaines prioritaires relevant des compétences de l'Etat. Généralement en Afrique les autorités politiques s'occupent surtout des zones urbaines, car les contestations politiques viennent d'elles.

De nouvelles formes de communication et de collaboration doivent émerger entre associations villageoises des migrants, d'une part et les acteurs locaux, dont notamment les communes d'autre part.

Les migrants ne cherchent pas à se positionner ouvertement comme concurrents aux collectivités locales. L'Etat malien a exprimé sa volonté d'associer les migrants au processus de décentralisation. Des mesures régulières d'informations étés menées auprès des ressortissants pour faire connaître les fondements de la politique de décentralisation.11

A propos de la décentralisation l'ancien, Président du Mali, Alpha Omar Konaré disait:

« Il ne saurait y avoir de meilleur avocat que les populations elles mêmes pour déterminer les

11 -Stéphanie .Lima, 1998.

priorités et gérer leur cause >>.12

Il s'agit en effet de définir des nouvelles entités territoriales, de tenir compte des besoins, des ressources et le savoir faire des populations, à leur échelle d'action.

. L'enjeu était alors de redonner aux populations la possibilité et la légitimité pour agir par ellesmêmes et prendre en main le développement de leur propre communauté et territoire. Cela a été doublé par un centrage du travail de l'État sur les conditions garantissant l'équipe et l'intérêt général.

2 - L'implication des migrants dans le développement des lieux d'origine :

La décentralisation vient ainsi à point nommé pour aider les associations des migrants dans leurs actions de développement en particulier.

Depuis le début des années 1980, les migrants Soninkés en France s'engagent de plus en plus dans leurs lieux d'origine pour la réalisation d'infrastructures d'intérêt commun à travers des caisses de solidarités.

Une caisse de solidarité est en général un regroupement de migrants d'un village au sein d'une caisse, à caractère informel qui ne reconnu que par ses ressortissants. Toutes les ressources de la caisse viennent des ressortissants.

Par contre une association de développement est un regroupement de migrants d'un village ou une commune. L'association de développement à un caractère formel et publié au journal officiel, donc reconnu par les autorités. Contrairement à la caisse de solidarité, l'association de développement peut demander des aides, des subventions et peut trouver des partenaires beaucoup plus facilement.

Dans cette partie, nous allons chercher à comprendre l'engagement des migrants dans le cadre associatif, et dans les contextes de la décentralisation au Mali et la particularité de la commune de Dieoura.

Pour atteindre nos objectifs, nous allons porter un regard dans le passé et rappeler l'historique des associations de développement et le contexte de la décentralisation.

12 - Le monde Économie numéro spécial « l'Afrique Noire revendique sa renaissance >>,26 juin 2001.- voir aussi sa déclaration à la 3e conférence de Nations Unis sur les pays moins avancés, le 14 mai 2001.

D'après les sources documentaires et les enquêtes réalisées, on remarque que la dynamique associative des immigrés sahéliens apparaît au début des années 1980 avec que leur regroupement dans des associations de développement de migrants, dans le cadre de la loi 1901. Depuis lors, elle a connu une évolution quantitative et qualitative remarquable.

En effet à partir de 1985, le phénomène s'est rapidement répandu à l'ensemble de la communauté des immigrés originaires du bassin du fleuve Sénégal. On assiste alors à un véritable phénomène d'entraînement. Selon D. Christophe, en 1993, 70% des migrants du bassin du fleuve Sénégal sont regroupés dans un peu plus de 400 associations essentiellement tournées vers le développement des villages d'origine par le truchement des chefs de villages et leurs conseillers. Une analyse géographique des zones d'implication de ces organisations montre que l'ensemble des lieux de départ est couvert.

Il existe plusieurs types d'associations de développement créées par les migrants essentiellement sur une base villageoise inter- villageoise. Dans certains cas, ce sont les anciennes caisses de solidarité qui ont été transformées en association de développement et dans d'autres cas les deux existent parallèlement. La commune de Diéoura relève de dernier cas.

- Une caisse d'entraide à l'échelle familiale gérée par le migrant le plus âgé de la famille.

- Une caisse de solidarité à l'échelle de chaque village, gérée aussi par le représentent du chef de village en France.

Une association de développement à l'échelle de la commune est apparue avec le processus de décentralisation. L'association de développement a regroupe toutes les catégories de personne et les représentant de chaque village.

Au niveau du Mali, l'association pour le Développement du Cercle de Yelimané est la plus active car c'est la seule qui a pu, jusqu'à présent, réaliser des projets de grande envergure. C'est la première grande association de développement qui est connue presque de tous les partenaires du développement.

En ce qui concerne, l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura (ADCD), il faut tout simplement dire qu'elle n'a été créée qu'en octobre 2003. Depuis fort longtemps, les jeunes de la commune souhaitaient la création d'une association de développement mais étaient chaque fois confronté à l'opposition des tenants de la caisse de solidarité. Pour les responsables de la caisse de solidarité, la mise en place d'une quelconque association symbolise pratiquement la fin de leur pouvoir sur l'ensemble des migrants de la

commune. Les tenants de la caisse de solidarité pensent qu'avec l'association ils auront du mal à convaincre les migrants pour le paiement des cotisations parce qu'ils n'ont pas de projet, donc pas d'arguments efficaces. On assiste alors à un conflit de génération entre les aînés et les jeunes. Au bout d'une année et demi d'existence de l'association les problèmes ne cessent de se multiplier entre les deux camps. Les cotisations de l'association ont du mal à rentrer.

Pourtant, ces deux acteurs ont le même objectif : le développement des lieux d'origine.

Dans ces conditions, on ne peut en aucune manière parler d'un véritable effet de l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura dans l'organisation de l'espace à l'échelle communale.

3 - Quelles relations les migrants de la commune de Dieoura ont-ils avec le conseil municipal ?

Un élément important à prendre en compte, pour tout chercheur qui entreprend une étude sur l'Afrique au Sud du Sahara et plus particulièrement en milieu Soninké est le pouvoir des aînés. L'élection des maires en 1999 a engendré une de rivalité dans la gestion des affaires des villages voir de la commune. Le nouveau pouvoir établi ne bénéficie d'aucune popularité auprès des populations. C'est toujours le conseil des aînés qui a le plus de poids. Ces relations tendues entre les responsables locaux ont des conséquences négatives en ce qui l'implication des migrants dans le développement de la commune de Diéoura.

Pendant les enquêtes de terrain, nous nous sommes rendu compte de la réalité de ce fait. Par exemple, nous avons remarqué que c'était le chef du village qui était chargé de l'organisation du scrutin municipal de 2004 et non le conseil municipal. Les projets des migrants sont toujours élaborés sous la haute responsabilité du chef du village. Le chef du village de Diéoura possède ses représentants depuis la France pour l'application de ses souhaits pour le village. Pendant nos enquêtes en France les représentants du chef du village nous ont affirmé qu'ils font plus confiance au chef du village qu'au Maire.

A l'heure actuelle, c'est un véritable dialogue de sourds, entre les trois acteurs : le chef du village, Maire, les migrants. Les tensions entre ces acteurs se sont beaucoup compliquées depuis quelques mois. Il faut dire qu'aux élections de 1999, ce sont les candidats des jeunes et des femmes qui ont remporté la victoire contre les candidats des anciens. Ce fait a été le premier élément qui a nourri les tensions entre le nouveau maire et les anciens. Cette victoire a été

considérée comme une offensive à l'autorité des notables des villages. Les notables des villages considèrent les nouveaux élus comme un pouvoir déstabilisateur de leur autorité. Avant la mise de la décentralisation, des liens existaient entre tous les villages. Donc si les élus locaux n'ont pas de crédibilité dans le chef lieu de la commune, il faut dire que dans tous les autres petits villages c'est le même traitement.

Avant tout aujourd'hui, la commune doit être perçue comme un espace de cohésion entre les différentes communautés qui la composent. Si le Maire parvient à s'entendre avec les conseils des anciens, il lui sera possible ensuite de demander aux migrants leur soutien ou leurs financements aux actions qu'il propose, sous réserve que cela se fasse, village par village.

La qualité des relations entre les acteurs locaux et migrants dépend désormais de la volonté des élus locaux.

Dans la plupart des communes rurales au Mali, pour les cinq dernières années (1999-2004) comme pour la commune de Diéoura on a un bilan mitigé des Maires. Cet état de fait n'encourage pas les migrants, rien n'est possible sans une bonne cohésion sociale très forte entre les différents acteurs locaux.

Ce sont les relations entre ces acteurs qui déterminent la prise en compte ou non de la commune par ses ressortissants résidant à l'extérieur. Quand les relations sont mauvaises les migrants se désintéressent de la réalisation des projets à l'échelle communale pour se cantonner à leur propre.

.

4 - Relations entre les migrants et les partenaires du développement en

France

Les migrants sont considérés aujourd'hui comme les acteurs principaux acteurs de la coopération internationale. C'est dans ce sens que de nombreuses associations de migrants travaillent avec les partenaires du développement pour la réalisation de projets dans les lieux d'origine. Cette coopération montre la capacité d'intégration des migrants aussi bien en France qu'au Mali.

Trois acteurs principaux sont à prendre en compte:

a- Les pouvoirs publics :

Les pouvoirs publics français, privilégient aujourd'hui le « co-développement » c'est-à-dire

le développement des régions émettrices d'immigrés. Ce discours est tenu par les autorités françaises depuis 1998 mais n'inspire pas les ressortissants de la région de Kayes. A l'occasion de sa visite en février 2003 au Mali, le Ministre français de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, avait proposé une somme de 7000 € à chaque migrant qui souhaite rentrer au pays avec un projet capable de créer des emplois. Ce projet n'intéresse pas les migrants. Ils ont payé cher leur voyage en France (plus de 3000 €) et ils gagnent pour la plupart au moins le SMIC.

En octobre 2003, le chef de l'État français avait proposé l'amélioration de ce montant (7000€) lors de sa visite au Mali mais depuis lors rien n'a été fait dans ce sens.

La politique française tente actuellement de confondre aide au développement et politique de retour. Mais les candidats au retour sont peu nombreux et souvent, sauf exception remarquable, des gens en situation d'échec et non pas des promoteurs. Pour l'ensemble des migrants de Diéoura en France sur plus de 600 personnes en dix ans, seules 2 personnes ont accepté l'aide au retour. Et ils ont beaucoup regretté. L'un des deux est même revenu en France et travaille dans la clandestinité maintenant. Les migrants n'ont pas en général la capacité de gestion au pays. De ce fait, il est très rare que leurs projets reçussent à long terme.

L'aide au retour et le développement des localités émettrices ne sont pas des solutions pour la maîtrise des flux migratoires maliens. Il faut donc d'autres politiques plus efficaces. Un accompagnent beaucoup plus adapté pour les migrants porteurs de projets au pays serait un atout.

b - Les organisations non gouvernementales (ONG) :

Les organisations de solidarité internationale qui interviennent en lien direct avec les associations des migrants sont peu nombreuses. La principale difficulté réside dans la nécessité d'articuler montage de projet, formation et recherche de financement à cheval sur ce double espace qui est celui des immigrés : actifs en France comme au Mali.

Dans la commune de Diéoura, deux ONG interviennent. Il s'agit du GRDR (Groupe de Recherche et de Réalisations pour le développement rural dans le Tiers Monde), et l'Agence KARED (Agence du Kaarta pour la recherche et le Développement). Le GRDR oeuvre dans la région de Kayes depuis plus de dix ans. Mais dans la commune de Diéoura, c'est le KARED qui intervient depuis trois ans seulement. L'Agence KARED est une O.N.G malienne créée en 1998 par les membres maliens de la cellule d'appui du GRDR. L'agence KARED bénéficie depuis 1998 d'un accord cadre de coopération avec le gouvernement malien. Son siège est à

Nioro du Sahel avec une antenne à Diéma et un bureau de liaison à Bamako. L'agence KARED travaille avec les émigrés pour la réalisation d'équipements d'intérêt commun. L'Agence KARED a réalisé dans la commune de Diéoura quatre puits à grand diamètre dont un à Diéoura, un à Niankan, un Noumokolo et un à Madina. Actuellement un projet de projet de construction de barrage à retenue d'eau est en cour pour le village de Niankan. Le financement pour la construction du barrage est obtenu et les travaux démarreront en octobre prochain. L'Agence KARED participe au financement de ces réalisations à hauteur de 70%, les ressortissants de 15% et les villageois de 15%. La participation des villageois est la fourniture de la main d'oeuvre pendant les travaux de construction.

Les O.N.G cherchent des financements auprès du ministère de la coopération ou auprès de la commission européenne. Les fonds des associations de migrants viennent en général des cotisations des ressortissants.

Au Mali, les ONG qui interviennent dans la région de Kayes sont rares. Il faut mentionner notamment l'AMADE (Association Malienne pour le Développement) proposant des prestations en particulier dans le domaine de l'eau, et le Secours Catholique auprès des associations d'émigrés. Ces deux ONG ne sont pas connues dans la commune de Diéoura.

En définitive, disons que dans le cercle Diéma, la commune de Diéoura est très en retard en matière de coopération avec les organisations non gouvernementales comparativement à d'autres communes.

c- Les collectivités territoriales :

Si on compte environ 100 collectivités françaises en relation de partenariat avec des collectivités maliennes (jumelages formalisés où actions des coopérations décentralisées), on ne dénombre qu'une dizaine des villes françaises qui sont jumelées dans le région de Kayes et en liaison avec les associations des immigrés. Ces jumelages concernent essentiellement les cercles (départements) de Yelimané, de Diéma et de Nioro du Sahel, située dans la partie Nord-Est de la région, la plus éloignée du fleuve Sénégal. Ces jumelages sont très inégalement répartis dans les cercles. Ce sont seulement les villes comme Diéma qui bénéficient le plus de ces coopérations.

Par ailleurs, Conseils Régionaux (Région Île de France et Nord - Pas de Callais) (département des Hauts de Seine) ont engagé des programmes de coopération ou des actions ponctuelles, ou sont en passe de le faire en direction de la région de Kayes.

En effet le point important est de savoir que ces jumelages ont été mis en route grâce aux relations entre certains responsables d'associations de migrants et des élus locaux ou des militants tiers-mondistes. L'association joue donc un rôle de mise en relation entre les deux espaces, elle est constituée en médiateur privilégié par le comité de jumelage naissant. A propos de ces relations D. Christophe affirme : « Les partenariats mis en oeuvre apparaissent complexes puisqu'ils associent des villes, des ONG, des immigrés, des villageois, et bien souvent l'administration locale. L'association de migrants se retrouve parfois en difficulté car peu armée pour comprendre les stratégies de chacun de ces acteurs et pour définir la sienne >>13.

En effet, retenons que la mobilisation des immigrés autour d'actions de coopération internationale démontre également une dynamique d'intégration. En créant leur association de développement en France, les immigrés se débarrassent des préjugés négatifs qu'ils avaient sur leurs origines. Et après avoir réalisé un ou deux projets dans leur village, les immigrés acquièrent une certaine assurance. Fiers de leur solidarité et de leurs origines, ils deviennent des interlocuteurs viables auprès d'autres acteurs du développement public et privé. Il y a là un véritable facteur d'intégration et la pratique d'une double citoyenneté : ici et là-bas.14 Dans ces relations Nord-sud, il faut dire que les migrants sont considérés comme des coopérants ou ambassadeurs des zones de départ.

Retenons tout simplement que les relations entre les migrants de la commune de Diéoura et les partenaires du développement en France sont modestes à cause du manque d'interlocuteurs de privilègés de part et d'autre. Cependant on peut garder l'espoir pour un avenir meilleur car depuis la création de l'Association pour le Développement de la Commune de Diéoura, certaines relations avec les partenaires sont engagées.

13 - D. Christophe, 1995, « les migrants partenaires de la coopération internationale: le cas des Maliens de France >>.

14 - J. Condé, P. S. Diagne, 1996.

Chapitre II : limites et perspectives de l'action des migrants des la communes de Diéoura

1- Limites

a-Le déficit organisationnel du mouvement associatif :

Selon l'Écho du Mali de novembre-décembre 2002, il existerait davantage d'associations maliennes que le Haut Conseil des Maliens de France et le Consulat Général du Mali à Paris en ont leurs listes. Cet état de fait n'est pas une particularité des ressortissants de la commune de Diéoura. Pour que ces associations soient connues et puissent vraiment jouer leur rôle, le Haut Conseil des Maliens de France et les autorités consulaires doivent travailler main dans la main et faire circuler l'information auprès des Maliens de France, partout où ils se trouvent. Celle-ci est capitale pour que les responsables d'associations connaissent les procédures au niveau des préfectures et des partenaires.

L'action des migrants est limitée par la co-existence de plusieurs associations. Dans la commune de Diéoura, les associations de villages doivent s'unir pour que vive véritablement l'Association de Développement pour la Commune de Diéoura (ADCD) et que cette dernière puisse travailler effectivement à l'échelle communale. Les autorités communales doivent étudier les priorités village par village afin de mobiliser l'ensemble des migrants.

L'implication des femmes et des jeunes dans le développement de la commune serait un atout important car bon nombre d'associations du Nord ont des programmes en leur direction.

b- Des investissements concentrés sur quelques secteurs et très peu générateurs d'emplois

Les projets individuels réalisés par les migrants dans le pays d'origine sont concentrés surtout sur l'acquisition de cheptel, l'achat de parcelles en ville et la construction de maisons dans les villages d'origines. Ces activités, bien qu'étant utiles et nécessaires pour les migrants et leur famille, sont très peu génératrices d'emplois. La création de petites et moyennes entreprises est très rare et le plus souvent il s'agit d'entreprises de transport.

En définitive, nous retenons que la valorisation du capital est généralement improductive. Ainsi, pour que leur participation soit plus bénéfique à la société et à l'économie locale, les

migrants doivent davantage investir dans les secteurs productifs et porteurs d'emplois. Outre l'urgence d'une réorientation des investissements vers des activités productives, il demeure impératif de mettre un terme aux affrontements que suscitent souvent les projets collectifs.

c-Les projets collectifs, sources de conflits

Les migrants et leurs associations n'oeuvrent pas tout seuls, mais en relation avec les villageois, pour définir à la fois les besoins urgents et les modalités de leur satisfaction. Ce rapport de proximité facilite l'adhésion et la participation de tous aux différents projets à réaliser. Cependant, il va de soi que le dialogue permanent avec les villageois peut buter parfois sur des obstacles.

S. Bredeloup, (1994) a montré que les associations de migrants sahéliens constituent autant des « lieux de confrontations et de conflits de pouvoir que des espaces d'initiatives et d'innovations ». Ces conflits opposent généralement les cadets et les aînés, les partisans et les opposants à la primauté de la hiérarchie sociale traditionnelle et par conséquent entre ceux qui acceptent et ceux qui réfutent une gestion paternaliste de l'association et de ses ressources financières.

Au-delà de ces affrontements internes, les projets collectifs ont souvent engendré deux types de conflits. Le premier type oppose les migrants et leur village à l'Etat. En effet, il existe souvent un problème d'adéquation entre les besoins des villageois et la politique de l'Etat, notamment dans le domaine de l'éducation et de la santé. Disposer d'infrastructures éducatives ou sanitaires n'est pas synonyme de leur utilisation effective par les bénéficiaires. Ainsi, par exemple, les villageois peuvent attendre parfois deux ans ou plus sans avoir un infirmier pour leur dispensaire ou un enseignant pour l'école.

Le second type de conflit peut être qualifié de politique car il s'agit d'une revendication implicite de contrôle des actions de développement. Les migrants ont acquis, à travers leur pouvoir de contribution financière au développement, une légitimité auprès des villageois et un droit de regard et de décision sur tout ce qui se fait ou va se faire au village, ce qui les place en concurrence plus ou moins directe avec les autorités publiques locales et les chefs de village. La lutte pour le contrôle des actions du développement risque de compromettre le dynamisme de développement local déjà bien enclenché.

Les concurrences entre villages, les rivalités pour le leadership entre les responsables

d'associations de migrants rendent la coordination des actions difficile au sein de la commune.

En effet, tous ces conflits sont révélateurs du déficit voire de l'absence de sérieuses concertations entre les responsables d'associations, la municipalité, l'Etat et les Organisations de Solidarité Internationales. Cette carence de dialogue conduit souvent à des investissements économiquement inefficaces car ne s'inscrivant dans aucune approche globale de développement local. L'action des associations de migrants apparaît alors limitée dans de nombreux domaines alors que certaines des difficultés qu'elles rencontrent relèvent essentiellement d'une décision politique, en France et au Mali, qui implique les autorités politiques.

2- Perspectives

Pour un réel développement des nouvelles communes, on doit surtout s'attacher à la consolidation de la démocratie nouvellement instaurée par un véritable dialogue entre tous les acteurs concernés

Le processus de décentralisation en cours au Mali, doit permettre la participation des populations aux décisions concernant leur commune.

On remarque que la mobilisation des migrants dépend avant tout d'une certaine stabilité politique et sociale d'où la nécessité de mettre un terme aux conflits inutiles. Au cours de nos enquêtes, de nombreux migrants nous ont fait savoir qu'ils ne peuvent plus continuer à financer des conflits inutiles.

Des campagnes de sensibilisation et d'information doivent être fréquentes au niveau des populations locales et des associations des migrants en France.

Les migrants doivent davantage s'investir dans des projets de développement économique, capables de créer des emplois dans les lieux d'origine. Mais il faut dire que les infrastructures adéquates pour l'épanouissement de ces projets manquent. Par exemple, les terres sont suffisamment fertiles pour développer la culture des légumes et des fruits dans la commune de Diéoura, mais celle-ci est totalement enclavée. Et les investissements doivent prendre en compte les problème d'approvisionnement, de transport et de commercialisation.

Cependant, l'espoir renaît si l'on sait que depuis le début de l'année 2003, la nouvelle route nationale reliant Bamako à Kayes passe par l'un des gros villages de la commune : Tassara. Nous espérons que le programme actuel du gouvernement malien donnant la priorité au

désenclavement et à la sécurité alimentaire donnera espoir aux ressortissants de la commune de Diéoura qui hésitent à investir dans l'agriculture.

La construction des routes doit cependant s'accompagner de la promotion d'entreprises génératrices d'emplois et de revenus. Pour réussir de telles actions, il faudra surtout impliquer les cadres issus des localités concernées.

Les migrants et leurs réalisations n'ont pas eu suffisamment de reconnaissance de la part des autorités publiques, les autorités communales issues de la décentralisation doivent renforcer et légitimer ce qui est déjà entrepris en accompagnant pleinement les migrants pour asseoir les conditions d'un développement durable15 .

L'avancée du désert va, de plus en plus, accroître l'instabilité des ruraux, donc ce sujet doit être au centre du codéveloppement et de la lutte contre la désertification.

L'éducation des enfants dans les zones d'émigration doit être une priorité des autorités locales car le développement de tout pays dépend de son système d'éducation. Pour la réussite des actions des migrants, un élément capital est à souligner, celui de leur intégration en France. L'intégration passe d'abord par la maîtrise de la langue française, et on voit donc là une nécessité pour la majorité des migrants de prendre des cours d'alphabétisation.

En ce qui les relations entre les acteurs qui interviennent dans les lieux d'origine et les migrants, Boucquier les analyses comme suit :

L'ensemble des partenaires au Nord qui sont sollicités par les collectivités locales et les associations des migrants, ont des ambitions et des postures institutionnelles variées. Ils ne cherchent pas forcément à satisfaire les mêmes objectifs. Une synergie ou un rapprochement entre les deux est à promouvoir :

- Ils ne s'impliquent pas toujours dans le même secteur d'activité, leurs centres d'intérêt ou les domaines des compétences qu'ils veulent mettre à profit pour leurs partenaires du Sud n'étant pas les mêmes .

- Parfois, ils ne privilégient pas les mêmes axes de développement que ceux pourtant identifiés comme prioritaires par les acteurs locaux. Certains secteurs sont choisis par les partenaires au nord en fonction de leur caractère << démonstratif >>, surtout lorsque ces acteurs doivent rendre compte auprès d'un public spécifique, des démarches de coopération qu'ils ont entreprises.

(C'est le cas des O.N.G. françaises par rapport à leurs << admissions >> pour ce qui est de la

15 - Bocquier et al, 1999.

coopération décentralisée).

- Ils ont souvent une perception différente du processus du développement local. Celui-ci suppose que les acteurs du Nord acceptent de financer des « fonds de développements locaux » dont le principe est justement de ne pas savoir à quels projets leurs contributions seront affectées (ce principe n'est pas toujours accepté).

En effet, ces divergences d'intérêts expliquent en partie pourquoi les collaborations entre les associations de migrants et collectivités locales en France sont loin d'être systématiques. Ces collaborations seraient pourtant porteuses et aideraient certainement les associations villageoises de migrants à trouver une raison supplémentaire de s'impliquer dans le champ du développement communal.

Au niveau des Etats, au Mali en l'occurrence, la décentralisation en cours peut ouvrir un cadre d'action dynamisant et donner sens à l'action des migrants des associations de développement.

En ce qui concerne la France, la prise en compte des associations devrait certainement se traduire par une plus grande légitimité donnée à leurs actions.

Donc il revient aux Etats concernés de prendre les mesures appropriées pour appuyer les associations des ressortissants pour permettre aux zones d'émigration de décoller sur le plan socio-économique. Les dynamiques qui seraient introduites auraient des répercussions sur le reste du Mali et même de la sous région.

A notre avis, l'application de ces propositions apportera un appui utile aux efforts déjà entrepris dans le domaine du développement par les associations de migrants dans les régions d'origine.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon