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Mortalité maternelle: cause et facteurs favorisants déterminés par l'autopsie verbale dans le département de Bakel.

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par Boubacar BARRY
Université cheikh Anta Diop de Daklar - Master de recherche 2008
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR

Institut de Formation et de Recherche en Population,

Développement et Santé de la Reproduction (I.P.D.S.R)

Mémoire de Master de recherche

Population, Développement et Santé de la Reproduction

MORTALITE MATERNELLE

DANS LE DEPARTEMENT DE BAKEL:

CAUSES ET FACTEURS FAVORISANTS

DETERMINES PAR AUTOPSIE VERBALE

Présenté par :

Mr Boubacar BARRY

Encadré par :

Isabelle V. MOREIRA, Docteur en médecine

Gynéco-Obstétrique et en Santé Publique.

Papa SAKHO, Maître-assistant en Géographie à l'UCAD.

Année universitaire : 2007-2008

DEDICACES

A ALLAH le Clément le Miséricordieux et à son Prophète MOHAMMAD (SAW).

Je dédie ce travail :

In mémorium

A Mon père El. Harouna Diéba Barry Bakhoré

Nul ne sait combien vous représentez pour moi, pour la famille et la communauté toute entière. Votre rappel à Dieu a été la plus grande perte de tous les temps pour nous. Nul ne peut vous remplacer. Que Allah vous paye pour m'avoir guidé sur le droit chemin de l'Islam et m'enseigné le sens de l'honnêteté, de la dignité et de la patience. Ce travail est le fruit de nombreux sacrifices que vous aviez consentis tout au long de ma scolarité. Je prie Dieu qu'il vous fasse beaucoup de miséricorde de clémence et que la terre de Golmy vous soit légère. Que le prophète Muhammad soit votre tuteur. Que Dieu vous accorde le paradis le plus haut.Amin

A ma grande soeur Diariétou Seydou,

remportée par « l'armée des femmes » tu resteras à jamais vivante dans mon coeur. Tu es partie si tôt au moment que tes petits enfants ont besoin de toi. Ce travail a été réalisé pour toi à ta mémoire. Que ton âme repose en paix.

A mes tantes Khadia Saly et Sadio Saly

Elles aussi tombées toutes dans « l'armée des femmes » laissant un vide dans notre famille et leurs bébés.

A mes grands parents

Vous nous aviez sauvé de la faim, de la maladie, de tous ces dangers d'autrefois, notre vie aurait été l'enfer sans vous. Reposez en paix.

A mon oncle Mamadou Dalla Doucouré

J'aurai souhaité que vous soyez à mes côtés aujourd'hui mais le Bon Dieu a choisi autrement. Ton souvenir restera à jamais gravé dans mon coeur. Ta générosité et ta sympathie me serviront de fil conduit. Que Dieu te fasse grâce et miséricorde.

A mon frère Soumaïla Demba et ma soeur Ata Barry

Vous êtes parti trop tôt, je me souviendrai de vous toute ma vie.

A toutes ces braves femmes qui ont sacrifié leur vie pour donner la vie.

Que le très miséricordieux leur ouvre les portes du paradis à tous et à toutes.

« Amine».

A ma mère KANY Souleymane Barry

la meilleure maman du monde. Je ne saurais trouver assez de mots pour vous exprimer tout mon amour, ma reconnaissance et ma profonde gratitude. Je vous dédie ce travail pour tous les sacrifices à notre égard et Dieu seul sait combien vous en aviez faits. Que Dieu vous garde en vie parmi votre famille. Merci TAKANY, la maman de tous les enfants.

A mes pères Demba Ndiaye Barry et Diaman Barry

Je vous dédie ce travail en reconnaissant de tout ce vous aviez fait pour moi. Votre soutien pendant toutes ces années passées m'était capital.

A mon frère Ousmane Barry

J'aurai tant voulu que tu assistes à ce jour, malgré la distance qui nous sépare. Je garderai toujours en mémoire tout le soutien et l'aide dont tu as fait preuve tout au long de ta vie. Ton dévouement pour moi est immesurable.

A ma chère épouse Workhiya Hady Doucouré

Ton soutien constant, ta compréhension, tes qualités humaines, ton sens de discrétion, ta foi profonde font de toi l'épouse idéale que le prophète a recommandée pour les croyants. Je te dédie ce travail en témoignage de mon profond amour et de mon attachement en vers toi. Qu'Allah raffermisse notre amour.

A tous mes pères et mères

Vous aviez été les véritables modèles de parenté sans faille.

Prouvez ici mes profondes estimations pour vous.

A mes frères et soeurs

Vous êtes plus que des frères et des soeurs mais des amis avec le sens profond de l'amour fraternel qui est devenu notre parole Les mots ne suffisent pas pour exprimer l'intensité de l'affection et de la reconnaissance que j'aie pour vous.

A mon ami Oustaz Balassana Barry

Nous avons partagé ensemble notre enfance. Tu es plus qu'un ami mais un « khana » et tu m'a guidé et soutenu dans le droit chemin.

Prouves ici mes profondes reconnaissances et cette amitié soit éternelle.

A mes tantes Founé, Mame Dado, Sakho et Farmata sikhou

Je vous dédie ce travail en reconnaissance de votre assistance et affection qui nous ont été capitales.

A mes tuteurs El. Hadji Thionga Diallo et Diou Ba de Bakel

Je suis très reconnaissant de tout ce que vous aviez fait pour moi.

A tous mes parents et amis je n'ai pas pu citer

Trouvez dans ce document mes attachements en vers vous.

A toute la famille de ma femme

Vous avez fait de votre fille une épouse parfaite et exemplaire. Je suis en paix grâce à l'éducation qu'elle a reçue de vous.

A mes Filles Aminata et Aïcha

Qui me rendent la vie plus belle.

A mon encadreur Dr Isabelle Valérie Moreira

Grâce à vous j'ai pu réalisé ce travail. Ce travail est aussi le vôtre.

Au Directeur de l'Institut de Population, Développement et de Santé de la reproduction pour m'avoir permis de m'inscrire et de bénéficier des meilleurs enseignements.

A tous mes Professeurs de l'IPDSR

Grâce à vous, j'ai bénéficié d'un enseignement de professionnelle et de qualité. Tous les respects qu'un étudiant doit à ses professeurs.

A tous mes maîtres et professeurs du Primaire, du Collège, du Lycée, de l'Université, je suis très reconnaissance de l'éducation que vous m'avez inculquée.

A toute la population de mon village Golmy et à tout Soninkara.

A toutes les femmes qui souffrent dans le silence de pathologies aigues ou chroniques dues à la maternité.

Que Dieu vous soutienne et vous récompense pour votre patience.

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier sincèrement :

DIEU le Tout puissant, le très miséricordieux, qui m'a crée et m'a guidé dans le bon chemin et pour m'avoir facilité ce travail.

Le Prophète (SAW) qui nous a montré la lumière de la foi.

Mon père Harouna Diéba et ma mère Kany Souleymane, qui m'ont mis au monde, m'ont éduqué, m'ont soutenu. Je les remercie autant de fois qu'ils méritent réellement.

Dr Docteur Isabelle MOREIRA

Ce travail que vous avez guidé avec rigueur scientifique, simplicité et patience est également le vôtre et resterait l'ombre de lui-même sans vous. Malgré vos nombreuses responsabilités, vous vous êtes mis à notre disponibilité pour nous guider, nous orienter vers le bon chemin. Votre courtoisie, votre sens élevé des rapports humains nous ont permis de réaliser ce travail dans un climat serein. Vos remarques et suggestions ont contribué largement à l'amélioration de la qualité de ce travail. Merci mille fois Docteur.

Pr Papa Sakho

Permettez-moi de vous dire cher directeur que votre disponibilité, votre gentillesse, votre rigueur scientifique et vos connaissances étendues nous ont fascinées. Votre générosité, votre disponibilité à notre égard, le caractère aimable avec lequel vous nous recevez toujours nous touchent sincèrement. Veuillez trouver ici, cher directeur, l'expression de notre profonde reconnaissance ainsi que de nos hommages respectueux.

Mes pères et mères

Qui m'ont soutenu et donné confiance dans tout mon parcourt.

Mes oncles et tantes

Pour tous les conseils

Les parents des femmes décédées

qui ont accepté de répondre à nos questions et revenir sur ces moments douloureux.

Dr Diawara, Médecin chef régional de Tamba, grâce à qui j'ai pu obtenir la collaboration de tous agents et services de santé du département de Bakel. Merci de tout coeur.

Dr Doucouré, merci de m'avoir accueilli et nourri dans votre centre et dans votre maison. Votre disponibilité et votre gentillesse et aussi celle de votre femme m'ont énormément étonnées. Je tiens à vous rendre un vibrant hommage.

Dr Mané, vous m'avez ouvert les portes de votre bureau et m'a mis en rapport avec tous les agents dont j'avais besoin. Vous m'avez aidez à améliorer mon travail. Bonne chance pour votre nouveau poste.

Dr Diallo, Vétérinaire à Goudiry. Vous m'avez gentiment hébergé chez vous et guidé dans mes recherches. Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi.

Les sages femmes de Bakel, de Diawara, Moudéry, Kidira et Goudiry pour m'avoir fourni toutes les informations dont j'avais besoin. Merci beaucoup. Que Dieu vous assiste dans votre combat pour sauver la femme.

Les ICP de Diawara, Moudéry, Gabou, Kounghany, Gathiary, Dougué, Golmy. Vous avez facilité mon travail et votre coopération a été capitale pour la réussite de ce travail.

Les Chefs de village de Dougué, de Gathiary, de Samba Yidé, merci de votre collaboration.

Les Populations de Bakel et de tous les villages, pour leur disponibilité, leur coopération et leur participation aux enquêtes.

Les professeurs de l'IPDSR

Le personnel administratif de l'IPDSR

L'UNFPA et l'IPDSR pour leur soutien.

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIERES 7

LISTE DES FIGURES 9

LISTE DE TABLEAUX 9

LISTE DES ABREVIATIONS 10

INTRODUCTION 12

1ÈRE PARTIE : PROBLEMATIQUE 14

1.1 CONTEXTE ET JUSTIFICATION 14

1.1.1 Contexte de l'étude 14

1.1.2 Justification 15

1-2 POSITION DU PROBLEME 16

1.3 QUESTIONS DE RECHERCHE 20

1.4 OBJECTIFS 20

1.5 HYPOTHESES 20

1.5.1 Hypothèse principale : 20

1-5-2 Hypothèses secondaires : 20

2ÈME PARTIE : CADRE CONCEPTUEL ET MÉTHODOLOGIQUE 21

2.1 CADRE CONCPTUEL 21

2.1.1 Définition des concepts 21

2.1.1.1 Santé de la reproduction (SR) 21

2.1.1.2 Soins Obstétricaux d'Urgence (SOU) 21

2.1.1.3 Mortalité maternelle 22

2.1.2 Présentation du modèle d'analyse 28

2.2 METHODOLOGIE.............................................................................. ........................................30

2.2.1Cadre d'étude ........................................................................................................................30

2.2.1.1 Situation Géographique..................................................................................................30 

2.2.1.2 Organisation Administrative...........................................................................................30 

2.2.1.3 Données physiques.........................................................................................................30

2.2.1.4 Données démographiques...............................................................................................31

2.2.1.5 Données socio-économiques............................................................................................31

2.2.1.6 Données sanitaires.........................................................................................................32

2.2.1.7 Education 34

2.2.2 TECHNIQUE DE L'AUTOPSIE VERBALE 35

2.2.2.1 Historique 35

2.2.2.2 Définition 36

2.2.2.3 Utilisation d'une autopsie dans le cas d'un décès maternel 36

2.2.3 TYPE D'ETUDE 40

2.2.4 CHAMP D'ETUDE 40

2.2.5 POPULATION CIBLE 41

2.2.6 ECHANTILLONNAGE 41

2.2.7 TECHNIQUES DE RECHERCHE 41

2.2.8 DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE 43

2.2.9 TECHNIQUE D'ANALYSE 44

2.2.10 OBSTACLES RENCONTRÉS ET LIMITES 44

3ÈME PARTIE : ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS 45

3.1 CARACTERISTIQUES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES ET SANITAIRES............................................45

3.1.1 Répartition selon l'âge 45

3.1.2 Répartition selon l'âge à la 1 ère grossesse 46

3.1.3 Répartition selon la parité des femmes décédées 47

3.1.6 Répartition selon la situation matrimoniale 49

3.1.7 Répartition selon le statut socioprofessionnel 50

3.1.8 Répartition selon l'ethnie 50

3.1.9 Répartition selon la résidence 51

3.2 CIRCONSTANCES DE DECES 51

3.2.1 Lieu de l'accouchement 51

3.2.2 Les décès selon le moment de l'accouchement 52

3.2.3 Le délai entre l'accouchement et le décès 53

3.2.4 Les antécédents obstétricaux 54

3.2.5 Prise décision de recours aux soins 54

3.2.6 Délai entre la prise de décision et le recours effectif aux soins 55

3.2.7 Lieu de décès 55

3.2.8 Lieu de premier recours 56

3.3.10 Période de survenue des décès 57

3.4 CAUSES DES DECES MATERNELS 58

3.5 FACTEURS FAVORISANTS 61

3.5.1 Les facteurs du premier retard 61

3.5.2-Facteurs du deuxième retard 67

3.5.3 Facteurs du troisième retard 68

3.4.4-Autres facteurs 73

RECOMMANDATIONS 76

CONCLUSION 78

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 80

ANNEXES 85

I-QUESTIONNAIRE D'AUTOPSIE VERBALE 85

II-GUIDES D'ENTRETIEN 95

III- TABLEAUX STATISTIQUES 97

IV-CAS D'AUTOPSIE VERBALE........................................................................................................99

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Schéma du modèle des Trois Retards........................................................ 29

Figure 2  : Répartition des décès selon la parité .................................................... 47

Figure 3 : Répartition des décès selon le lieu de l'accouchement ................................. 51

Figure 4 : Répartition des décès selon le moment de l'accouchement ............................ 53

Figure 5 : Répartition des décès selon le lieu de décès............................................... 55

Figure 6: Causes de la mortalité maternelle........................................................... 59

Figure 7: Facteurs contributifs de la mortalité maternelle...........................................72

LISTE DE TABLEAUX

Tableau N°1 : Répartition selon l'âge au décès..................................................... 45

Tableau N°2 : Répartition selon l'âge à la première grossesse .................................. 47

Tableau N° 3 : Répartition selon la CPN............................................................ 48

Tableau N° 4 : Répartition selon le niveau d'instruction ......................................... 48

Tableau N° 5 : Répartition selon la profession ..................................................... 50

Tableau N° 6 : Répartition selon l'ethnie .......................................................... 50

Tableau N° 7 : Répartition selon le moment de l'accouchement .................................52

Tableau N° 8 : Délai entre l'accouchement et décès ............................................... 53

Tableau N° 9 : Personnes impliquées dans la prise de décision .................................. 54

Tableau N° 10 : Répartition selon le lieu de premier recours ..................................... 56

Tableau N° 11 : Répartition selon le moyen de transport .......................................... 56

Tableau N° 12 : Tableau des causes maternelles ................................................... 58

Tableau N°13 : Tableau de synthèse .................................................................... 72

LISTE DES ABREVIATIONS

Abréviations

ANSD : Agence National de Statistique et de Démographie

ASC : Agent de Santé Communautaire

AT : Accoucheuse traditionnelle

AV : Autopsie Verbale

BFEM : Brevet de fin d'Etude Moyen

CIM : Classification Internationale des Maladie

CIPD : Conférence Internationale pour la Population et le Développement

CPN : Consultation Prénatale

EDS : Enquête Démographie et Santé

ENS : Ecole Normale supérieur

ICP : Infirmier chef de Poste

IDE/As/Ai : Infirmier d'Etat/ Agent Sanitaire/ Aide - Infirmière

IEC : Information Education Communication

ISED : Institut de Santé et Développement

MOMA : Mortalité Maternelle

NV : Naissances Vivantes

OMD : Objectifs du Millénaires

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

RPMM : Réseau de Prévention de la Mortalité Maternelle

SOE : Soins Obstétricaux Essentiels

SOU : Soins Obstétricaux d'Urgence

SOUB : Soins Obstétricaux d'Urgence de Base

SOUC : Soins Obstétricaux d'Urgence Complets

UNFPA : Fond des nations Unies pour la Population

VAT : Vaccin Antitétanique

VIH: Virus Immunodéficience Humaine

SIDA : Syndrome Immunodéficience Acquise (SIDA)

AVANT PROPOS

«  Aucun pays n'envoie ses soldats défendre leur patrie sans se préoccuper de les voir revenir sains et saufs, et pourtant, depuis des siècles, l'humanité envoie ses femmes au combat pour le renouvellement de l'espèce humaine sans les protéger » [23].1(*)

Fred SAI, ancien président de la Fédération internationale du Planning Familial

INTRODUCTION

Au Sénégal comme partout ailleurs, la grossesse et l'accouchement ont, depuis l'origine des temps, fait courir à la femme un risque mortel.

A l'aube du 3e millénaire, le drame de la mortalité maternelle demeure toujours le même, un fléau qui frappe durement nos pays en développement et particulièrement l'Afrique où les conditions socio-économiques, environnementales et sanitaires très précaires exposent la femme aux complications redoutables de la grossesse et de l'accouchement.

C'est ainsi que chaque jour, dans le monde, au moins 1600 femmes meurent de complications de la grossesse ou de l'accouchement, ce qui représente 585 000 décès de femmes chaque année. La majorité de ces décès (99%) survient dans les pays en développement et moins de 1% dans les pays développés [60].

Ce qui fait dire au Directeur Général de l'OMS : « Des centaines de femmes enceintes, vivantes hier soir, n'ont pas vu le soleil se lever ce matin. Certaines sont mortes en travail, leur bassin trop rétréci et déformé pour laisser passer le nouveau-né. Certaines, voulant mettre fin à une grossesse non désirée, sont mortes sur la table d'un avorteur inexpérimenté. D'autres sont mortes dans un hôpital où il n'y avait pas de sang pour compenser leur hémorragie et d'autres encore dans les convulsions de l'éclampsie parce qu'elles étaient simplement trop jeunes pour devenir mères et n'avaient jamais été à la consultation prénatale. Ce sont les femmes d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, aujourd'hui » [40]. Entre 25 % et 33 % des décès de femmes en âge de procréer qui surviennent dans de nombreux pays en développement font suite à une grossesse ou à un accouchement. Ce qui fait de la mortalité maternelle la première cause de décès des femmes en âge en procréer. En plus de cette mortalité maternelle qui est 18 fois plus élevée que dans les pays développés, plus de 50 millions d'autres femmes souffrent de pathologies liées à la maternité c'est-à-dire de complications graves de la grossesse dont 18 millions d'entre elles entraînent des incapacités [60].

Les fistules obstétricales en particulier (communication entre le vagin et le canal urinaire ou le rectum qui crée une incontinence permanente d'urines ou de selles), sont une des complications les plus dramatiques. En Afrique, le risque de mortalité maternelle est de loin le plus élevé au monde. Il est de 1 sur 16, contre 1 sur 2800 dans les pays riches. En Afrique de l'Ouest, c'est une (1) femme sur 7 qui risque de mourir chaque année des suites de la grossesse ou de l'accouchement [8]. En comparaison, en France, à la même époque, il s'en produisait que 15 pour 100 000 naissances vivantes et l'ensemble de l'Europe, 36 pour 100 000 Naissances Vivantes. [4].

Au Sénégal, le taux de mortalité maternelle est actuellement de 401 décès pour 100 000 naissances vivantes selon les données de l'Enquête Démographique et de Santé de 2005 [20].

Les régions de Tambacounda et Kolda sont les plus touchées. Dans le district sanitaire de Tambacounda, ce taux est estimé, selon les données hospitalières, à 740 décès pour 100 000 naissances vivantes de loin supérieur au taux national [59]. Avec 810 décès pour 100 000 naissances vivantes à Goudiry [10], le département de Bakel est terriblement frappé par ce fléau qui touche non seulement les femmes, mais également les familles et communautés auxquelles elles appartiennent. Le décès de la mère accroît considérablement le risque de décès du nourrisson. La mort d'une femme en âge d'avoir des enfants constitue également une perte économique importante pour le développement communautaire. Il est donc impératif de mobiliser toutes les ressources pour lutter contre la mortalité maternelle.

Depuis l'initiative de la « maternité sans risque »lancée en 1987 à Nairobi, plusieurs stratégies ont été développées pour prévenir les décès maternels. Mais on sait rendu compte que la stratégie préventive ne permet pas à elle seule de réduire le fléau. Dans son article « la mortalité négligée » mis en ligne le 16/09/ 2004, La Libre montre comment il est rare voir exceptionnel dans les maternités européennes qu'une femme meurt en couche, alors que les complications obstétricales sont la conséquence de la majorité de décès des femmes en âge de procréer dans les pays en développement. Il nous apprend que rares sont les pays en développement qui ont réussi à réduire la mortalité maternelle [35].

Si les causes médicales sont relativement connues, des efforts restent cependant à faire sur la connaissance et l'amélioration des facteurs socioculturels, économiques et environnementaux. Dans nos pays en développement, la santé maternelle ne se limite pas seulement au domaine médical, car de multiples facteurs sont à l'origine du pourquoi d'un décès d'une femme pendant la grossesse ou l'accouchement. Il est donc plus important de savoir ceux qui contribuent aux décès que de connaître les niveaux de mortalité maternelle. Pour être efficaces, les actions pour la réduction de la mortalité maternelle nécessitent l'identification des facteurs contributifs. C'est pourquoi la présente étude se propose de déterminer par la technique de l'autopsie verbale les causes mais surtout les facteurs favorisants des décès maternels dans le département de Bakel. Pour la réalisation de ce travail, nous allons suivre les étapes suivantes : Après avoir donné le contexte et la justification, nous allons énoncer le problème et les questions de recherche soulevées pour aboutir aux objectifs visés et les hypothèses posées. Nous présenterons par la suite le cadre conceptuel, la méthodologie utilisée, l'analyse et l'interprétation des résultats obtenus, pour terminer par les recommandations et la conclusion de l'étude.

1ère PARTIE : PROBLEMATIQUE

1.1 CONTEXTE ET JUSTIFICATION

1.1.1 Contexte de l'étude

D'après le rapport de l'OMS du 7 avril 2005 « Donnons sa chance à chaque mère et enfant », chaque année 529 000 femmes meurent des suites de grossesse ou d'accouchement. Dans les pays en développement plus de 300 millions de femmes souffrent de pathologies aiguës ou chroniques imputables à la grossesse et à l'accouchement dont l'anémie grave, l'infertilité, les lésions de l'utérus et du canal reproducteur... et leurs conséquences socioculturelles [50]. La quasi totalité de ces décès a lieu dans les pays en développement ;

ce qui fait de la mortalité maternelle l'indicateur de santé qui révèle la plus grande inégalité entre les pays développés et ceux en développement. En effet, les taux de mortalité infantile sont près de 7 fois plus élevés dans les pays en développement alors que les taux de mortalité maternelle le sont en moyenne de 18 fois plus [60]. En Afrique de l'Ouest, c'est une (1) femme sur 7 qui risque de mourir chaque année des suites de la grossesse ou de l'accouchement [8].

Ces chiffres accablants montrent que la mortalité maternelle est un problème urgent de santé publique dans les pays en développement surtout en Afrique qui enregistre près de la moitié des décès maternels (250 000) bien qu'elle ne compte que 12 % de la population mondiale et 17% des naissances enregistrées [45]. C'est ainsi Jacques Ferré écrit : « A l'heure où la pratique de l'opération césarienne a atteint sa plénitude en Europe, où cette intervention est considérée comme une affaire de routine, où l'on ose même plus parler de mortalité maternelle, des femmes africaines meurent encore de rupture de la matrice » [24].Face à cette tragédie longtemps ignorée, des stratégies ont été développées depuis deux décennies pour lutter contre ce fléau qui met en péril l'avenir de la société. Mais malgré l'initiative de la maternité sans risque depuis 1987 et des programmes de santé de la reproduction lancés ici et là, force est de reconnaître que les taux ont peu évolué et beaucoup de femmes continuent de payer de leur vie pour donner la vie 00.

Pour être efficaces, les programmes doivent s'appuyer sur la connaissance profonde des véritables causes et surtout des facteurs qui déterminent les comportements et l'accès aux soins.

C'est dans ce contexte que nous avons mené cette étude pour contribuer à l'amélioration des connaissances sur les causes et les facteurs contribuant aux décès maternels par autopsie verbale afin de mettre en place des stratégies salvatrices pour les mères et les enfants.

1.1.2 Justification

Nous avons choisi ce thème pour son ampleur, ses conséquences socio-économiques et son intérêt scientifique.

Le choix de ce sujet se justifie en premier lieu par la gravité et l'ampleur de la mortalité maternelle. Nul n'ignore actuellement les ravages causées par la morbi-mortalité maternelle.

Dans le monde chaque année, un demi million de femmes meurt et plus de 50 millions souffrent de pathologies liées à la grossesse et à l'accouchement. Chaque minute une femme meurt des suites de grossesse et d'accouchement ce qui correspond à un crash d'un boeing de 300 passagers toutes les 3 heures. En Afrique, on compte 250 000 décès maternels par an. Ce qui fait d'elle la première cause de décès chez les femmes en âge de procréer [50].

Au Sénégal, la situation reste préoccupante même si l'on note une baisse substantiel au niveau national entre 1992 et 2005, le taux passant de 510 à 401 pour 100 000 naissances vivantes.

Dans le département de Bakel, la mortalité maternelle est tellement fréquente et choquante qu'on n'ose pas l'appeler de son vrai nom chez les Sarakolé mais on dit « Yaharou nkouré2(*) ou l'armée des femmes » car elles sont engagées dans une guerre extrêmement meurtrière pour rester en vie. Ce terme est utilisé pour montrer l'extrême gravité de la mortalité maternelle dans cette localité où c'est l'hécatombe chaque année.

Sur le plan social, quand une femme meurt, la famille, la communauté et la société toute entière en subissent des conséquences importantes. La société perd son principal facteur de cohésion et de stabilité. L'éducation, la santé et la survie de ses enfants sont menacées. Ces décès sont préjudiciables au développement et au bien-être social puisque environ un million d'enfants se retrouvent orphelins chaque année et qu'ils ont dix fois plus de chance de mourir dans les deux années qui suivent le décès de leur mère [50]. Car selon un proverbe Sarakolé « La mère est l'Or de l'enfant ».

Hormis les conséquences sociales qu'elle pose, la mortalité maternelle influe négativement sur l'économie nationale des pays en développement. Nous pouvons ainsi constater avec le modèle de plaidoyer REDUGE que des pertes de production liées à la morbi-mortalité maternelle estimées à plus de 27,4 millions de dollars pourraient être enregistrées durant la période 2001-2007 au Sénégal. A cela, pourraient s'ajouter des pertes occasionnées par des invalidités maternelles estimées à 209,1 millions de dollar [56]. Toujours sur le même plan économique, la famille est amputée d'une main-d'oeuvre primordiale et souvent déterminant pour sa survie, d'un facteur de développement économique irremplaçable.

Dans la plupart des pays pauvres, la femme est le pivot de la famille, apportant les vivres, préparant la nourriture, allant chercher de l'eau, ramassant le bois et veillant en même temps sur les enfants et sur les vieillards [57].

La réduction des taux élevés de la mortalité maternelle entraînerait donc l'amélioration et/ou la résolution de plusieurs de ces problèmes sociaux, économiques et sanitaires.

Ce choix est aussi le reflet d'un intérêt scientifique car aucune étude de ce genre n'a été effectuée dans le département de Bakel. Cette étude vise à fournir des informations sur les causes et les déterminants de la mortalité maternelle dans ce département tant au niveau individuel, communautaire que sanitaire.

Les différents acteurs pourront par conséquent utiliser les résultats pour l'élaboration d'interventions ou d'actions appropriées.

Enfin, nous voudrons à travers cette étude apporter une modeste contribution qui vise à améliorer les conditions de santé de nos mères, épouses, soeurs engagées dans « l'armée des femmes » pour la pérennité de toute l'humanité  car il ne s'agit pas seulement de chiffres et de statistiques, mais de femmes, de mères, de familles....

1-2 POSITION DU PROBLEME

Selon les chiffres les plus récents de l'Organisation Mondiale de la Santé, 529 000 femmes meurent chaque année de causes liées à la maternité et environ 50 millions de femmes sont victimes de complications liées à la grossesse et à l'accouchement [50].

C'est donc des milliers de femmes à travers le monde qui vivent la naissance d'un enfant non pas comme l'évènement heureux qu'il devrait être mais comme une épreuve qui peut même leur coûter la vie. Dans les pays en développement en particulier, la morbidité et la mortalité constituent une immense tragédie qui a été longtemps ignorée par les décideurs. Le continent africain est le plus touché où le risque est parfois 100 fois plus élevé que dans les pays industrialisés. Le taux de mortalité maternelle va de 830 pour 100 000 naissances vivantes dans les pays d'Afrique à 24 pour 100 000 naissances vivantes dans les pays d'Europe [38].

Face à ces chiffres alarmants, plusieurs conférences internationales ont eu lieu dans ces deux dernières décennies pour conjurer ce fléau qui frappe durement nos pays. C'est ainsi que l'Initiative pour la Maternité Sans Risque a été lancée en 1987 à Nairobi, dans le but de réduire la mortalité maternelle et néonatale trop élevées. Elle a attiré l'attention sur les rapports élevés de mortalité maternelle dans les pays en développement par rapport à ceux des pays riches. Cette initiative était renforcée en 1990 au Sommet Mondial pour l'Enfance.

Elle a été également réorientée à la Conférence Internationale pour la Population et le Développement (CIPD) en 1994 au Caire, puis renforcée en 1999 à la CIPD +5 à Beijing.

Lors du Sommet pour le Millénaire tenu en 2000, les Etats Membres des Nations Unies ont renouvelé leur ferme engagement à promouvoir la réduction de la mortalité maternelle. En effet, l'un des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) est la réduction aux 2/3 de la mortalité maternelle d'ici 2015. La maternité à moindre risque a ainsi été érigée au rang de priorité. De plus, la mortalité maternelle est devenue un des principaux indicateurs du programme de réduction de la pauvreté pour la communauté internationale, et les gouvernements du monde entier ont signé des conventions visant à réduire de manière importante les risques de mortalité maternelle. De nombreuses approches ont été développées pour la réduction de l'impact de la mortalité maternelle.

L'approche majoritairement représentée était celle étiologique, qui consiste à identifier les décès liés à la grossesse et à analyser la répartition de ces décès selon leurs causes. C'est ainsi

dans sa thèse « Détermination par l'autopsie verbale des causes de la mortalité maternelle chez les femmes en âge de procréer  à Niakhar », Dr Diallo J.P a souligné l'importance de connaître les taux de mortalité maternelle. Selon lui, pour être efficaces, les programmes doivent s'appuyer sur des données fiables c'est-à-dire une bonne connaissance des niveaux de mortalité maternelle afin de pouvoir mettre en place des programmes pour les réduire [15]. Cette approche appliquée depuis des décennies a fini de montrer ses limites car il ne suffit pas de connaître les niveaux de mortalité maternelle, mais nous avons besoins d'informations sur les causes et les facteurs profonds qui ont conduit à ces décès évitables. C'est la nouvelle approche développée par l'OMS qui estime dans  « Au-delà des nombres » qu'il est plus important de répondre aux questions pourquoi les femmes meurent-elles et que peut -on faire pour les éviter ? Que de connaître le niveau exact de la mortalité maternelle [49].

La mortalité maternelle s'est aussi enrichie d'une dimension sociologique qui considère les grands écarts entre les taux de mortalité maternelle des pays développés et ceux des pays en développement comme un indicateur de la différence et de l'inégalité entre homme et femme et son importance un révélateur de la place des femmes dans la société [9]. Selon les tenants de cette approche, les femmes continueront de mourir tant que la discrimination et le manque de considération dont elles sont victimes ne s'arrêtent pas.

L'UNFPA a opté pour une approche de la mortalité maternelle qui est axée sur les droits de la personne humaine, qu'il s'agisse de la priorité qu'il assigne à cette question ou de la conception et de l'application des politiques et programmes dans ce domaine. Comme pratiquement tous les cas de mortalité maternelle peuvent être évités, on peut invoquer les principes relatifs aux droits de la personne humaine pour dénoncer la persistance

de la mortalité maternelle et préconiser qu'il soit mis fin à cette injustice par le biais de l'accès universel à des soins qualifiés durant la grossesse et l'accouchement...[62].

En 2002, cependant, l'Assemblée générale des Nations Unies a reconnu que « malgré les progrès de certains pays, les taux de mortalité et de morbidité maternelles demeurent beaucoup trop élevés dans la plupart des pays en développement » [63]. Cette situation est particulièrement tragique en Afrique sub-saharienne, où une femme sur 13 meurt pour des raisons liées à la grossesse, contre une femme sur 4 085 dans les pays industrialisés. Certaines études en avaient donné la preuve patente. Au Sénégal l'utilisation de la méthode des soeurs a donné un taux moyen de 510 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes en 1992. Par la même méthode, le taux dans quatre pays africains a donné : Niger, 652 (1979-1992) ; Soudan, 456(1976-1989) ; Maroc, 348 (1979-1992) ; Namibie, 225 (1983-1992) [19].

Au niveau national, la mortalité liée à la grossesse et à l'accouchement constitue la première cause de décès chez les femmes en âge de procréer. Le ratio de mortalité maternelle qui est passé de 510 en 1992 (EDS II) à 401 en 2005 (EDS IV) pour 100 000 naissances vivantes reste encore préoccupant surtout dans les régions périphériques comme Kolda et Tambacounda très étendues, dont les structures sanitaires sont éloignées et / ou inaccessibles. Pour faire face à cette situation et honorer ses engagements vis-à-vis de la communauté internationale d'atteindre les Objectifs 4 et 5 du Millénaire pour le Développement, le gouvernement du Sénégal a élaboré une feuille de route multisectorielle. Son but est d'accélérer la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelles et néonatales. Les objectifs généraux au nombre de deux visent d'ici 2015 à réduire de 510 à 200 pour 100 000 naissances vivantes le ratio de mortalité maternelle et de 34,9 à 16 pour 1000 la mortalité néonatale. Ainsi le ministère de la Santé et de la Prévention médicale a fait des efforts pour améliorer l'accessibilité des soins de qualité par des investissements massifs dans les infrastructures et dans les ressources humaines et des modifications organisationnelles et institutionnelles qui vont dans le sens d'une meilleure accessibilité des soins pour tous. Aujourd'hui, Il a été institué une gratuité des accouchements dans les cinq régions (Kolda, Matam, Ziguinchor, Fatick et Tambacounda) et celle des césariennes dans toutes les régions sauf Dakar. Les évacuations sanitaires du centre de santé vers le niveau de référence sont, par ailleurs, gratuites dans tout le territoire national. Au total, le ministère de la Santé et de la Prévention médicale a élaboré un plan d'accélération de la réduction de la mortalité maternelle et néonatale.

La région de Tambacounda dont appartient notre site d'étude, est après celle de Kolda la partie du Sénégal où le plus grand nombre de femmes meurent des suites de la grossesse et de l'accouchement. Le taux dans cette région est de 740 décès pour 100000 naissances vivantes selon les données hospitalières. Dans le district de Goudiry, le taux de mortalité maternité est de 810 pour 100 000 naissances vivantes [13]. Selon Dr GUEYE Babacar, le département de Bakel avait en 2000 un taux de mortalité maternelle atteignant 1734 pour 100 000 N V au niveau des structures sanitaires [16]. Pourquoi un taux aussi élevé alors que le département de Bakel dispose actuellement d'hôpitaux où l'on effectue des césariennes, des routes bitumées pour le relier soit à Tamba soit à Ourossogui qui disposent de SOUC et que grâce aux immigrés la situation économie s'est améliorée?

Il y a donc un problème qui ne serait pas dû seulement à un manque de services sanitaires mais à une combinaison de facteurs socioculturels et économiques à identifier pour redonner espoir aux femmes en âge de procréer de cette zone.

C'est dans ce sens que nous avons opté pour une étude communautaire par la méthode de l'autopsie verbale qui permet de déterminer les causes et de rechercher les facteurs personnels, familiaux ou dépendant de la communauté qui ont pu contribuer aux décès maternels. Il ne suffit pas de connaître les chiffres accablants de la mortalité maternelle mais nous avons besoin d'études, d'informations pour comprendre les facteurs profonds qui font que malgré les progrès scientifiques, techniques et technologiques, malgré les nombreux programmes de santé de la reproduction, pourquoi les femmes continuent de mourir en donnant la vie. Pour cela, nous avons opté pour le concept basé sur le modèle des trois retards qui tient compte des facteurs socioculturels, environnementaux, économiques et psychologiques influençant la mortalité maternelle dans ce département. Cette approche permet un meilleur ciblage des interventions pour répondre aux trois retards :

1. retard pour décider à recourir aux soins d'urgence.

2. retard pour atteindre un établissement de soins.

3. retard pour recevoir des soins de qualité dans l'établissement.

La réalisation de ce travail soulève un certain nombre de questions.

1.3 QUESTIONS DE RECHERCHE

-Pourquoi y a-il autant de décès maternels à Bakel alors qu'il existe des centres obstétricaux ?

- Quels sont les caractéristiques des femmes décédées de causes obstétricales ?

- Quels sont les causes et les facteurs impliqués dans les décès maternels ?

- Qu'est ce qu'il faut faire ?

Les réponses à ces questions constituent les objectifs de cette étude. 

1.4 OBJECTIFS

1.4.1 Objectif général : L'objectif global de cette étude est de contribuer à l'amélioration des connaissances sur les causes et facteurs déterminants des décès maternels dans le département de Bakel, pour orienter les politiques et stratégies actuelles de réduction de la mortalité maternelle dans le cadre des objectifs du millénaire de développement (OMD).

1.4.2 Objectifs spécifiques

- décrire les caractéristiques des femmes décédées de complications liées à la grossesse,

à l'accouchement ou le post-partum ;

- Déterminer les circonstances de leur décès ;

- Identifier les causes et les facteurs qui ont pu concourir aux décès;

- Proposer des stratégies et des recommandations pour promouvoir un environnement

socio-culturel favorable à la santé maternelle dans le département de Bakel.

1.5 HYPOTHESES 

1.5.1 Hypothèse principale :

Les taux élevés sont dus à une combinaison de plusieurs facteurs socioculturels, économiques, environnementaux et sanitaires.

1-5-2 Hypothèses secondaires :

H1- L'ignorance, l'inaccessibilité aux soins et le manque de personnel qualifié sont les déterminants primordiaux de la mortalité maternelle à Bakel.

H2-Le recours en première instance aux guérisseurs, aux marabouts, aux accoucheuses traditionnelles serait responsable d'un retard à la prise en charge donc favoriserait les décès maternels.

La deuxième partie qui vient, permettra de prolonger la problématique et d'expliciter la méthodologie mise en place pour mener la recherche.

2ème PARTIE : CADRE CONCEPTUEL ET MÉTHODOLOGIQUE

2.1 CADRE CONCPTUEL

2.1.1 Définition des concepts

Il est intéressant de commencer par définir certains concepts utilisés dans l'étude du thème.

2.1.1.1 Santé de la reproduction (SR) est, selon l'OMS, un état de bien être, tant physique que mental et social, pour tout ce qui touche l'appareil génital (ses fonctions et son fonctionnement), chez les hommes et les femmes de tout âge. La santé de la reproduction suppose que l'individu puisse :

-Mener une vie sexuelle satisfaisante (saine et agréable) en toute sécurité ;

-S'informer et accéder à des services de qualité ;

-Prévenir des grossesses non désirées et des infections sexuellement transmises ;

-Etre capable d'utiliser la méthode de régulations des naissances de son choix ;

-Décider librement du moment et de la fréquence d'avoir des enfants ;

-Mener les grossesses à terme dans des conditions qui ne présentent aucun danger ;

-Avoir un enfant vivant, sans souffrance foetale et morphologiquement normal ;

-Recevoir un soutien et des soins adéquats avant, pendant et après accouchement.

2.1.1.2 Soins Obstétricaux d'Urgence (SOU)  sont des soins donnés aux femmes enceintes avant, pendant et après accouchement en cas de complications qui mettent leur vie en péril. On distingue les Soins Obstétricaux d'Urgences de Base (SOUB) et les Soins Obstétricaux d'Urgences Complets (SOUC).

Les soins obstétricaux d'urgences de base sont caractérisés par six fonctions :

- L'administration d'antibiotiques par voie injectable pour lutter contre l'infection ;

- L'administration de sédatifs anti-convulsivants par voie injectable pour lutter contre les complications de l'hypertension artérielle;

- L'administration d'ocytociques pour lutter contre les dystocies ;

- L'évacuation de débris intra-utérins pour lutter contre les complications de l'avortement ;

- La révision utérine pour lutter contre les hémorragies de la délivrance et de l'avortement ;

- L'accouchement par voie basse assisté par ventouse ou par forceps [46].

Ces soins doivent être disponibles au niveau des structures de 1er niveau (Postes de santé, centres de santé). Les SOUC regroupent en plus de ces SOUB, la transfusion sanguine et la réalisation de la césarienne. Ces SOUC doivent être disponibles au niveau des structures de 2e et 3e niveau (centres de santé à vocation chirurgicale et hôpitaux).

2.1.1.3 Mortalité maternelle

v Définition 

La mortalité maternelle est définie, selon la 10e révision de la Convention Internationale des Maladies (CIM) de l'OMS, comme « le décès d'une femme survenu au cours de la grossesse ou dans un délai de 42 jours après sa terminaison, qu'elles qu'en soient la durée ou la localisation, pour une cause quelconque déterminée ou aggravée par la grossesse ou les soins qu'elle a motivés, mais ni accidentelle ni fortuite » [27].

v Causes du décès maternel

Pour mettre au point, appliquer et évaluer les politiques et les programmes, il est important de savoir pourquoi les femmes meurent des suites de grossesse et de l'accouchement. Les causes se subdivisent en causes obstétricales directes et indirectes [15]:

ü Causes obstétricales directes

Elles résultent de complications obstétricales pendant la grossesse, le travail et les suites de couche, d'interventions, d'omissions, d'un traitement incorrect, d'une négligence ou d'un enchaînement d'événements résultant de pathologies (Dystocies, hémorragies, avortements, maladies hypertensives de la grossesse et ses complications, infections ...).

Dans le monde, environ 80% des décès maternels résultent de ces complications directes de la grossesse, de l'accouchement ou des suites de couches.

La cause la plus fréquente de décès - un quart de tous les décès maternels - est l'hémorragie grave, en particulier celle du post-partum.

L'hémorragie, c'est un écoulement excessif de sang par voie vaginale. On peut distinguer deux catégories : l'hémorragie antépartum, dans laquelle un saignement vaginale se produit avant la naissance de l'enfant ; et l'hémorragie post-partum, dans laquelle un saignement excessif se déclanche peu après la naissance.

L'hémorragie, en particulier celle du post-partum, imprévisible, soudaine est la plus dangereuse surtout chez une femme anémiée. Dans le monde, elle est responsable de près de 25% de tous les décès maternels. Elle peut conduire très rapidement à la mort en l'absence de soins immédiats et adaptés, à savoir l'administration de médicaments pour arrêter l'hémorragie, le massage utérin pour stimuler les contractions utérines et, au besoin, la transfusion sanguine voire la chirurgie et la réanimation [15] [57].

Les infections, qui sont souvent la conséquence d'une mauvaise hygiène au cours de l'accouchement ou d'infections sexuellement transmissibles (IST) non traitées, sont à l'origine de quelques 15% des décès maternels. Elles peuvent être efficacement prévenues par le respect scrupuleux des règles d'hygiène au cours de l'accouchement, le dépistage et le traitement des IST pendant la grossesse. Les soins dispensés systématiquement pendant le post-partum permettent de dépister rapidement ces infections et de les traiter par l'administration d'antibiotiques appropriés.

Les troubles hypertensifs de la grossesse, en particulier la pré-éclampsie et l'éclampsie (convulsions), sont à l'origine de quelques 12 % des décès maternels. La pré-éclampsie se caractérise par l'élévation de la pression artérielle, l'apparition d'une protéinurie et le gonflement des tissus (oedème) au cours de la 2e moitié de la grossesse. La patiente peut souffrir de maux de tête, de vomissements, de troubles visuels et de douleurs de l'abdomen, et il arrive que ses reins cessent totalement de fonctionner. Dans le dernier stade de la maladie, qui est aussi le plus grave, des convulsions font leur apparition : c'est ce qu'on appelle l'éclampsie. Si l'éclampsie n'est pas traitée, la femme sombre dans l'inconscience et meurt d'insuffisance cardiaque, rénale ou hépatique ou d'hémorragie cérébrale.

Ces décès peuvent être prévenus par une surveillance rigoureuse au cours de la grossesse et un traitement des cas d'éclampsie à l'aide d'anticonvulsivants relativement simples tels que le sulfate de magnésium [15] [57].

La dystocie ou travail prolongé est à l'origine d'environ 8% des décès maternels. Il est souvent causé par une disproportion céphalo-pelvienne (la tête du foetus ne peut franchir le bassin de la mère) ou par une présentation anormale (le foetus se présente mal dans la filière pelvigénitale). Elle nécessite le plus souvent une césarienne.

Les complications de l'avortement à risque sont responsables d'une proportion importante (13%) de décès maternels. Dans certaines parties du monde, un tiers ou plus des décès maternels sont associés à des avortements à risque. Ces décès peuvent être évités quand les femmes ont accès à des informations et à des services de planification familiale, à des soins en cas de complications d'un avortement et, dans le cas où l'avortement serait légal, à des interventions pratiquées dans de bonnes conditions. Au Sénégal selon l'évaluation nationale de la disponibilité de l'utilisation et de la qualité des SOU réalisée en 2000, les causes obstétricales directes représentent 66 % des décès maternels (29 % dus à l'hémorragie, 16 % à l'éclampsie, 7 % aux infections, 6 % à la dystocie, 5 % à la rupture utérine, et 3 % à l'avortement) [39]. A côté de ces causes dites directes il y a les causes indirectes.

ü Causes obstétricales indirectes

Environ 20% des décès maternels leur sont imputables [47]. Elles résultent d'une maladie préexistante ou d'une affection apparue au cours de la grossesse, non liée à des causes obstétricales, mais aggravée par les effets physiologiques de la grossesse ou par sa prise en charge. Les décès par accident ou par suicide sont exclus. Parmi ces causes indirectes de mortalité maternelle, une des plus importantes est l'anémie qui, tout en provoquant des morts par arrêt cardio-vasculaire, semble aussi être à l'origine d'un pourcentage non négligeable de décès par causes obstétricales directes (notamment ceux dus à des hémorragies et à des infections). Le paludisme, l'hépatite, les cardiopathies et de plus en plus dans certains contextes, le VIH/SIDA, sont d'autres causes indirectes importantes de mortalité maternelle. Beaucoup de ces pathologies sont des contre-indications relatives ou absolues de la grossesse. Les femmes doivent être informées de ces problèmes et avoir la possibilité d'éviter d'autres grossesses pendant le traitement de ces affections grâce à la planification familiale.

Après ces causes directes et indirectes la mortalité maternelle est déterminée aussi par plusieurs facteurs qui peuvent être individuels, communautaires ou sanitaires.

v Facteurs de la mortalité maternelle [15] [47]

ü Fécondité élevée

La forte fécondité est un facteur aggravant de la mortalité maternelle. Dans de nombreuses sociétés la fécondité d'une femme est le fondement de son acceptation par la communauté. Elles subissent d'énormes pressions et doivent très vite prouver leur fécondité après le mariage en donnant naissance à beaucoup d'enfants.

C'est ainsi qu'on assiste à un « marathon obstétrical » avec des grossesses trop précoces, trop nombreuses, trop rapprochées et trop tardives (au-delà de 35 ans).

Ce comportement majore les risques de décès maternel par épuisement maternel ainsi que la mortalité infantile.

ü Maternité précoce

C'est un problème qui touche fortement la société Sénégalaise. Les grossesses précoces constituent la principale cause de décès des adolescentes. Ceci est dû au fait que leur organisme est insuffisamment développé pour mener à terme une grossesse dans des bonnes conditions de sécurité.

Elles sont principalement exposées au risque de pré-éclampsie et de dystocie liée à une disproportion céphalo-pelvienne.

ü Ignorance et Analphabétisme

Elles touchent 85% des femmes africaines et 73% des sénégalaises. Elles représentent un obstacle à la planification familiale, au suivi prénatal et à l'accouchement assisté. Elles entretiennent les pratiques anciennes dangereuses et inutiles. La scolarisation, et le maintien à l'école des filles devraient être encouragés pour combattre ces tares.

ü Habitudes socioculturelles

L'environnement social et cultuel dans lequel vit une femme, la religion ou ses interprétations et les croyances personnelles peuvent constituer des facteurs favorisants la mortalité maternelle en empêchant la prise de bonnes décisions. Les femmes peuvent être amenées à choisir d'accoucher dans des conditions dangereuses pour des raisons culturelles ou religieuses. Pour de nombreuses femmes, une grossesse accidentelle peut entraîner un ostracisme social voire le rejet par la famille. Pour éviter cela certaines diffèrent souvent leur recours aux soins parfois jusqu'à mourir.

Les pesanteurs sociales, les interdits et les tabous affectent surtout les adolescentes et les femmes de nos régions, caractérisées par leur faible pouvoir de décision, leur dépendance économique et leur analphabétisme qui limitent leur accès à l'information utile.

Les travaux pénibles aux champs et à la maison, la non implication des hommes, les barrières linguistiques, les tabous alimentaires pendant la grossesse, le culte de l'endurance face à la douleur, les explications surnaturelles, mystiques sont autant d'attitudes qui sont incriminées.

ü Facteurs liés au système de santé

Le système de santé est caractérisé par un déficit en structures, en équipements, en personnel sanitaire qui est mal réparti, non recyclé et ou peu motivé.

Il faut noter aussi la mauvaise organisation des services, des infrastructures et du personnel et surtout leur inaccessibilité géographique, physique et financière qui débouchent le plus souvent par des retards dans la prise décision de recours, dans l'atteinte des structures et la dispensation des soins.

ü Facteurs politico-économiques

L'instabilité politique permanente qui prévaut dans nos pays en développement, les guerres civiles, l'ajustement structurel, la dévaluation des monnaies, l'inflation entraînent la baisse du pouvoir d'achat des populations, augmentent le chômage, la pauvreté, la précarité et une diminution de la fréquentation des services sanitaires.

ü Facteurs environnementaux

Ils font partis des facteurs importants du problème et comprennent l'inaccessibilité physique tel que les reliefs accidentés, les longues distances, l'insuffisance et le mauvais état des routes, le manque de moyen de transport...

v Indicateurs directs de la mortalité maternels

Les indicateurs de santé sont des variables statistiques mesurables qui décrivent de manière synthétique l'état de santé des individus d'une communauté.

ü Ratio ou Rapport de mortalité maternelle

Il représente le risque associé à chaque grossesse, ou risque obstétrical. Il s'agit du nombre de décès maternels survenant pendant une année donnée pour 100 000 naissances vivantes pendant la même période. Bien qu'on ait toujours parlé de taux à ce sujet, il s'agit en fait d'un rapport qui est maintenant désigné comme tel par les chercheurs.

Nombre de décès maternels en une année x 100 000

Nombres de Naissances vivantes

On entend par naissance d'enfant vivant l'expulsion ou l'extraction complète du corps de la mère, indépendamment de la durée de la gestation, d'un produit de conception qui, après cette séparation, respire ou manifeste tout autre signe de vie, que le cordon ombilical ait été coupé ou non, et que le placenta soit ou non demeuré attaché.

ü Taux de mortalité maternelle

Le taux de mortalité maternelle qui mesure à la fois le risque obstétrical et la fréquence d'exposition à ce risque, correspond au nombre de décès maternels survenant pendant une période donnée pour 100 000 femmes en âge de procréer (généralement âgées de 15 à 49 ans).

TMM= Nombre de décès maternels X 100 000

Nombre de Femmes en Age de Procréer.

Les termes "rapport" et "taux" étant souvent utilisés indifféremment, il est essentiel, pour plus de clarté, de préciser le dénominateur utilisé quand il est question de l'une de ces mesures de la mortalité maternelle.

ü Risque de décès par grossesse durant toute la vie

C'est la probabilité de décès maternel tout au long de la vie reproductive d'une femme. Il prend en compte à la fois le risque de mourir d'une cause liée à la maternité (RMM), de la probabilité de grossesse (ISF) et le risque accumulé dans le temps avec chaque grossesse [57].

Le risque de décès maternel sur la durée de la vie tient compte à la fois de la probabilité d'une grossesse et de la probabilité de décéder à la suite de cette grossesse pendant toute la période féconde d'une femme.

v Indicateurs indirects de la mortalité maternelle

Ils se résument essentiellement aux indicateurs d'accessibilité aux soins qui sont :

-Couverture obstétricale : C'est le rapport du nombre d'accouchements ayant lieu dans un centre hospitalier durant une période donnée et dans une région donnée, au nombre de naissances correspondantes.

-Consultation prénatale : C'est la proportion de femmes enceintes ayant fait surveiller médicalement leur grossesse.

v Stratégies de lutte contre la mortalité maternelle

La première a été préventive et consistait à faire des études épidémiologiques sur les indicateurs d'impacts (le taux de mortalité maternelle, le rapport de mortalité maternelle, ...) et les causes de décès puis de dégager des pistes pour prévenir les décès.

Dix après, on s'est rendu compte que rares sont les pays en développement qui ont fait des progrès dans la réduction des décès maternels.

D'où un changement de stratégie qui permet la prise en charge des complications gravido-puerpérales par la mise en place des Soins Obstétricaux d'Urgence (SOU). Dans l'ouvrage « Maternité sans risque » de Population Référence Bureau, il est dit que la stratégie la plus efficace pour sauver les femmes et réduire leur souffrance est de disposer de système de santé pouvant traiter sur-le-champ les complications sérieuses qui mettent en péril la vie des femmes durant la grossesse et l'accouchement. Les femmes cesseront de mourir en couche lorsqu'elles seront capables de planifier leur grossesse, d'accoucher sous la supervision d'un agent qualifié et d'avoir accès à un traitement de haute qualité en cas de complications [21].

L'UNFPA a adopté pour réduire la mortalité maternelle une approche fondée sur trois piliers étayée par une campagne de mobilisation au niveau politique et des interventions pour faire changer des attitudes. Ces trois piliers sont les suivants:

. Planification familiale qui peut permettre dans les pays en développement de réduire le nombre des grossesses de 20 % et de diminuer au moins d'autant la mortalité et les séquelles liées à la grossesse et à l'accouchement.

C'est un moyen peu onéreux de diminuer le taux de mortalité maternelle en permettant: 1) de diminuer le nombre absolu de complications en réduisant les grossesses; 2) de réduire le nombre d'avortements en évitant les grossesses non désirées ou imprévues; 3) d'éviter les grossesses précoces, tardives, trop fréquentes ou trop rapprochées [61].

. Personnel de santé qualifié pour tous les accouchements car la plupart des complications obstétricales se produisent pendant l'accouchement et immédiatement après. Seul un personnel de santé qualifié peut reconnaître les complications mettant la vie de la parturiente en danger et intervenir à temps pour la sauver.

. Soins obstétricaux d'urgence qui regroupent un ensemble de soins qui sont théoriquement dispensés dans les centres de santé et permettent de sauver la vie des femmes souffrant de complications au cours de leur grossesse, de leur accouchement ou de la période post-partum.

Cependant ces soins ne peuvent être efficaces que si l'on prend en compte les facteurs socioculturels et économiques. Dr Diallo F B l'a confirmé dans sa thèse « la mortalité maternelle et les facteurs liés au mode de vie » que les progrès dans la lutte contre la mortalité maternelle seront limités si on ne prend pas en compte les mesures éducatives sur les facteurs de risques en rapport avec les coutumes, les traditions, le mode de vie, la qualification des agents de santé car ce sont eux qui empêchent dans une large mesure la diminution des taux de mortalité maternelle [14].La présente étude s'aligne dans la même stratégie.

2.1.2 Présentation du modèle d'analyse

Dans cette présente étude nous avons utilisé le concept des 3 retards qui présente l'avantage de faire ressortir la plupart des causes et facteurs socioculturels, économiques, sanitaires et environnementaux qui ont pu contribués aux décès maternels. Ce modèle a été établi après une étude du réseau de la MOMA (RPMM) réalisée dans trois pays anglophones (Nigéria, Ghana, Sierra Leone). Cette étude avait identifié trois types de retards qui peuvent expliquer les difficultés observées dans la prise en charge des Soins Obstétricaux d'Urgence [38].

Chacun de ces 3 retards correspond à un niveau de responsabilité :

Retard I : Recours aux soins d'urgence. Il est amputé à la famille et à la communauté.

- Méconnaissance des signes de danger

- Retard à la prise de décision du recours

- Choix du type de soins

Retard II : Problèmes d'accès aux structures de soins et renvoie au fonctionnement du système de référence mais aussi à l'état des voies de communication et moyens de transport.

- accès géographique (éloignement)

- moyens de transport

- accès financier

- acceptabilité culturelle des services de santé

Retard III : Disponibilité des services de qualité. Il relève de l'organisation et de la disponibilité des structures sanitaires.

- Disponibilité du personnel

- Disponibilité du plateau technique

- Perception de la communauté sur la qualité des services dispensés

Nous avons donc utilisé ce modèle pour identifier les facteurs favorisants et les causes de la mortalité maternelle dans la zone d'étude dont le schéma est le suivant :

Phase 3

Recevoir un traitement adéquat et approprié

Phase 2

Identifier et rejoindre les centres de santé

Phase 1

Décider d'avoir

Recours aux SOU

Phase de retard

Facteurs socio-économiques / culturels

Accessibilité

des établissements

Facteurs affectant

l'utilisation et le

rendement des SOU

Qualité des soins

Source : La conception et l'évaluation des programmes de prévention de la mortalité maternelle,Centre de Santé

des Populations et de la Famille, Ecole de Santé Publique, Columbia University [8].

Figure N° 1 : Schéma du modèle des Trois Retards [8]

2.2 METHODOLOGIE

L'étude des causes et facteurs favorisants les décès maternels dans le département de Bakel, a utilisé la méthode de l'Autopsie Verbale qui vise à élucider les causes médicales et non médicales des décès et à mettre à jour les facteurs personnels, familiaux et communautaires susceptibles d'avoir contribués au décès d'une femme, lorsque celui-ci est survenu dans un établissement médical ou dans une communauté [49]. Le cadre d'étude qui suit nous a permis de mieux connaître la zone où l'étude a été réalisée.

2.2.1 Cadre d'étude

2.2.1.1 Situation Géographique 

L'étude s'est déroulée dans le département de Bakel. Situé à la partie orientale du Sénégal dans la Région de Tambacounda, il constitue une porte ouverte du Sénégal vers l`Afrique. Il est limité à l'Est par les Républiques de la Mauritanie et du Mali dont il est séparé par le fleuve Sénégal ; à l'Ouest par le département de Tambacounda ; au Nord par la région Matam ; au Sud par les départements de Tamba et de Kédougou. Il couvre 22 378 km² le plus grand de la région de Tambacounda (38 %) et du Sénégal. La grande majorité de la population 90% vit en zone rurale contre 10% en milieu urbain (3).

2.2.1.2 Organisation Administrative 

Sur le plan administratif le département de Bakel se compose de :

- 2 Communes : Bakel et Diawara ;

- 5 Arrondissements : Balla - Moudéry - Goudiry- Kéniéba- Kidira ;

- 13 Communautés rurales ;

- 529 villages et plusieurs hameaux.

2.2.1.3 Données physiques

Le climat de Bakel est soudano-sahélien avec une saison sèche plus longue (octobre-mai) et une saison des pluies très courte (juin septembre). Les températures avoisinent les 46°C à l'ombre entraînant une forte mobilité de la population. Le relief se compose de nombreuses collines et ravins rendant ainsi le terrain accidenté et difficile surtout pendant l'hivernage.

Sur le plan hydrographique, le département est arrosé par les fleuves Sénégal et la Falémé et ses affluents avec de nombreuses mares, rivières et marigots qui accentuent l'enclavement surtout pendant l'hivernage durant lequel plusieurs villages sont complètement coupés du pays.

Ces cours d'eau permanents ou temporaires font du département le lit de la bilharziose, l'onchocercose, la cécité et surtout du paludisme qui est la première cause de mortalité dans ce département (3).

L'infrastructure routière se compose de deux axes routiers, Bakel - Ourossogui de 150 km et Bakel - Tamba de 250 km. Il existe une voie ferrée qui traverse les arrondissements de Goudiry et Kidira et de nombreuses pistes qui desservent le milieu rural largement majoritaire. Actuellement le trafic interurbain s'est amélioré mais l'isolement de cette localité persiste encore.

2.2.1.4 Données démographiques

Le département de Bakel est très peu peuplé avec seulement de 115 892 habitants en 1988 soit une densité de 5 habitants au km2. Selon les estimations de l'Agence Nationale de la Statistique et la Démographie (ANSD), au 31 décembre 2004, le département a une population de 208 766 habitants soit 9 habitants au kilomètre carré (3). Le taux d'accroissement moyen est de 3.5%, supérieur à la moyenne nationale qui est de 2,4 % selon le dernier recensement général de la population en 2002.

La population est jeune (58 % de moins de 20 ans) et majoritairement féminine du fait de l'émigration masculine. Elle est analphabète à 82 % et majoritairement composée de Soninké et de Peuls avec des minorités Bambara, Wolofs, Mandingues, Sérère, Maures etc....

Le département est partagé entre un habitat groupé de villages d'agriculteurs sédentaires Soninkés situé le long du fleuve Sénégal, et un habitat dispersé de population pastorale peule. L'émigration très importante, surtout dans les villages Soninké où elle peut atteindre les 60 % voir plus, est la principale source d'apport de capitaux (3).

Les deux communes du département sont Bakel et Diawara.

Commune de Bakel a une population de 11552 habitants composée de 53 % de Soninké, 25 % de Peuls, 7 % Bambara et 15% d'autres. Bakel est une ville historique et abrite le Pavillon de René Caillé et le fort de Faidherbe.

Commune de Diawara a une population de 8159 habitants.

2.2.1.5 Données socio-économiques

La population autochtone Soninké domine une mosaïque de minorité éthno-linguistique composée à l'Est et au Nord de Peuls, bambaras, wolofs.... En allant vers le sud du département, ce sont les peuls et mandingues qui sont majoritaires. La société est fortement hiérarchisée avec des couches sociales allant des nobles (horé) aux captifs (komé) sans oublier les castrés « gnahamala » (3, 58).

L'attachement aux valeurs socioculturelles telles que le droit d'aînesse, la famille élargie, l'appartenance ethnique, sociale, la sacralisation du mariage est prononcée. Les ménages sont à 90% polygames. La population est majoritairement musulmane avec une faible proportion de chrétiens et d'animistes, conséquence d'une histoire d'islamisation menée par les marabouts peuls (El. Omar, Mabadiakhou) et Soninké (Mamadou Lamine Dramé) (58).

Les principales activités économiques sont l'agriculture et l'élevage. Les cultures commerciales sont l'arachide sur 7856 ha pour une production de 10530 tonnes, le niébé sur 1355 ha pour une production de 678 tonnes, le sésame sur 2326 ha pour production de 1137 tonnes et le coton 1619 ha pour une production de 1717 tonnes. Les cultures vivrières sont le mil, le sorgho, le maïs et le riz.

L'émigration est ici un véritable phénomène cultivé dès le plus jeune âge, dès la fin du cycle primaire, toutes les perspectives se résument à l'émigration. Les fonds envoyés par les émigrés constituent la principale ressource de revenus dans un département dépourvu d'industrie. L'émigration révèle d'un fonctionnement communautaire consolidé par de solides associations établies depuis l'étranger.

A Diawara, Missirah, Goudiry, respectivement 90 %, 75 %, et 65 % des départs prennent la direction de l'étranger. La direction privilégiée est l'Europe et en particulier la France avec 65 %, des départs à Diawara, 30 % à Missirah, et plus de 25% à Goudiry. Les fonds rapatriés au territoire sont importants et servent à la prise en charge de la famille nombreuse et élargie, à la scolarisation, et surtout à la construction des infrastructures socio-économiques (écoles, collèges, infrastructures postales, mosquée, postes de santé, magasins communautaires...)

ce qui fait dire à Papa Sakho que l'émigration est ici une stratégie de désenclavement socio-économique [58] et aussi un facteur de promotion social.

Le département dispose pourtant de potentialités touristiques peu ou mal exploitées. Il existe deux sites touristiques au niveau de la commune de  Bakel: le Ford de Faidherbe et le Pavillon de René Caillé. Les infrastructures hôtelières sont pauvres. L'hôtel Islam et l'hôtel du Boundou sont les seuls à Bakel.

2.2.1.6 Données sanitaires

Selon l'EDS IV de 2005, la région de Tambacounda enregistre les pourcentages les plus faibles au niveau national en matière de suivi prénatal avec 68 %, contre 90 % à Dakar ; de vaccination antitétanique (76) % ; d'accouchement dans une formation sanitaire (35 %) et d'accouchement dans l'hôpital (28% ) (3). Ces chiffres témoignent des retards de cette région dans le domaine de la santé.

Sur le plan sanitaire, le département de Bakel est divisé en trois districts : Bakel, Kidira, Goudiry (plus grand que la région de Diourbel) chacun d'un centre de santé. La couverture sanitaire est faible dans le département principalement en ce qui concerne les postes de santé en milieu rural. Pour ce qui concerne la santé maternelle, nous constatons que (54) :

-Le taux de l'utilisation de la CPN est de 78 % cependant les taux d'achèvement restent faibles avec 35.2 % à Bakel, 42% à Goudiry et 32.6 % à Kidiry pour la CPN3/1 tandis pour la CPN 4/1, on a 17.4 % à Bakel, 19 % à Goudiry et 12 % à Kidira. La couverture en CPN3 est de 26.16 % à Bakel, 16% à Goudiry et 11.45 % à Kidira, alors que celle de la CPN4 est de 12.9% à Bakel, 7.2 % à Goudiry et 4.4 % à Kidira. Ces taux témoignent d'une déperdition des femmes vues en CPN1.

-En outre l'utilisation en VAT reste faible (73 %) ainsi que la couverture en VAT qui est de 56 %. Les taux d'achèvement en VAT sont les suivants : 67.9% à Bakel, 63.7 % à Goudiry et 54.1 % à Kidira. Le taux de couverture est de 25.4 % à Bakel, 24.5 à Goudiry et 8.1 à Kidira.

-Les indicateurs de processus relatifs à la morbi-mortalité maternelle indiquent un taux de césarienne de 2 % assez élevé comparé aux données nationales mais encore insuffisant car le minimum pour réduire la mortalité maternelle est de 5 %. Cette faible couverture s'explique entre autres par des problèmes de fonctionnalité des blocs SOU de Goudiry et de Bakel, et une faible utilisation de ces unités qui inquiète les médecins des deux districts.

-Les indicateurs relatifs aux besoins satisfaits en SOE montrent que seules 28 % des complications régionales sont prises en charge si on sait que la norme est de 100%.

-Le taux de prévalence contraceptive reste faible (3.2 %). Cependant il faut noter une disparité entre les districts (Bakel : 4.3 %, Goudiry : 3 %, Kidira : 1 %).

Le district de Bakel couvre une superficie de 1 354 km² et polarise au total 72villages pour une population de 77 731 habitants. Il comporte 1 centre de santé, 18 postes de santé dont 3 à Bakel commune, 4 Pharmacies privées et 9 cases de santé. Pour le personnel sanitaire, il est composé de 1 médecin spécialiste en santé publique, 1 médecin généraliste (compétant en SOU), 1 chirurgien dentiste, 4 sages femmes, 15 IDE/As/Ai, 1 Technicien supérieur en biologie, 1 Technicien supérieur en ophtalmologie, 1 Technicien supérieur en odonto-stomotologie, 1 Technicien supérieur en anesthésie et 23 matrones.

Le district de Goudiry : couvre une superficie de 17 057 km² pour une population de

94 106 habitants. Il compte 1 centre de santé, 11 postes, 1 pharmacie privée et 47 cases de santé dont 36 fonctionnelles. Le personnel de santé est composé de 1 médecin spécialiste en santé publique (compétant en Sou), 1 chirurgien dentiste, 2 sages femmes d'Etat, 14 IDE/AS/AI, Technicien supérieur en anesthésie, 1 Agent d'hygiène, 54 matrones.

Le district de Kidira : couvre une superficie de 3 967 km² pour une population de 36 375 habitants. Il compte 1 centre, 6 postes, 1 pharmacie privée et 18 cases de santé dont 6 seulement sont fonctionnelles. Le personnel est composé de 1 Médecin généraliste, 1 technicien supérieur en biologie, 2 sages-femmes d'Etat, 11 IDE/AS/ AI, 1 technicien supérieur en odontostomatologie, 9 Matrones et 2 Agents d'hygiène.

L'insuffisance des ressources humaines en qualité et en quantité, constitue le grand problème dans le département pour permettre au secteur de la santé de mieux jouer son rôle moteur de développement sanitaire.

2.2.1.7 Education

Le département de Bakel compte 285 établissements scolaires dont sept écoles privées, huit cases des tout petits, deux écoles maternelles, trois garderies, dix CEM (dont deux privés) et un lycée. Et que sur les 866 salles de classes, 184 sont des abris provisoires.

Les statistiques publiées en 2005 révèlent les données suivantes :

-  Au niveau du préscolaire : l'enseignement dans le préscolaire (petite, moyenne et grande section) destiné aux enfants de 0 à 6 ans compte un effectif de 919 enfants dont 478 filles, répartis en 7 cases de tout petits, 3 garderies et 1 école maternelle. Nous avons 15 écoles communautaires de base de 743 garçons et 273 filles.

- Au niveau de l'enseignement élémentaire : le département compte en mai 2004 179 écoles, 453 classes, 109 abris provisoires pour un effectif total de 24107 élèves dont 10828 filles. Le taux de scolarisation est de 93,3 % en 2004. L'enseignement arabe et religieux est dispensé par plusieurs écoles et daaras. Il existe 5 classes en langue nationale soninké de 167 hommes et 123 femmes.

-Au niveau de l'enseignement moyen secondaire général : le département, à la rentrée 2003/2004, compte 4 établissements d'enseignement moyen public et privé, 3 abris pour un effectif total de 1174 élèves dont 338 filles, 1 Lycée (le lycée Waoundé Ndiaye) qui abrite un 1er cycle de 139 élèves. Le taux d'admission au BFEM est de 51.2 % et 49 % au BAC en 2003. Pour le personnel enseignant, il est composé de : 32 ENS fonction, 12 contractuels et 8 vacataires.

2.2.2 TECHNIQUE DE L'AUTOPSIE VERBALE

2.2.2.1 Historique 

Les médecins arabes furent les premiers à s'aventurer à autopsier pour tenter de comprendre les causes de décès [22].

En 1954, Biraud a proposé d'utiliser les symptômes afin de faciliter l'enregistrement et l'estimation des causes possibles de décès. Il avait suggéré de former un personnel non médical pour enregistrer au moins :

- le sexe et l'âge de la personne décédée ;

- les circonstances du décès (accident, mort violente, maladie) ;

- les principaux symptômes, leurs sièges et leur durée ;

- les affections épidémiques prévalentes [4].

Le but de Biraud était d'obtenir des « diagnostiques communautaires » que pourraient recueillir les fonctionnaires en place avec une connaissance préalable du pays, de ses coutumes et de ses pathologies. Il estimait que d'importantes informations sur les causes de décès pourraient être collectées par cette voie.

Les premières études de démographie médicale visant à collecter de l'information sur les causes de décès auprès de la population aient été celles de Khanna en Inde du Nord en 1955-1960 [65].

En 1978 l'OMS a repris l'idée d'un système simplifié de collecte de données sur la mortalité, en proposant de classer les décès selon une cause unique, à partir des informations obtenues sur les symptômes de la maladie au cours d'un entretien non directif avec l'entourage de la personne décédée. Une expérience d'enregistrement des causes de décès par des non médecins selon ce principe a été conduite à MATLAB au Bengladesh en 1975 [43]. Il s'agissait de pouvoir recueillir des informations sur les causes de décès au moyen d'enquête effectuée par des non médecins directement auprès des proches de la personne décédée.

Un interrogatoire convenablement mené permettait alors de fournir les éléments nécessaires à un médecin pour diagnostiquer la cause du décès, d'où le nom d'Autopsie Verbale (A V) donné à la méthode [51].

Arnold Kielmann et al. (1983) ont été les premiers à utiliser l'expression « verbal autopsy », directement traduite en français par « autopsie verbale » maintenant utilisée universellement [33].

2.2.2.2 Définition

L'autopsie verbale peut se définir selon Fauveau comme « une technique d'utilisation de l'information acquise auprès des parents d'une personne récemment décédée pour reconstruire les événements ayant précédé le décès et en déduire une ou des cause(s) de décès médicalement acceptable(s) » [22].

2.2.2.3 Utilisation d'une autopsie dans le cas d'un décès maternel

Depuis plus de 20 ans des études sur les décès maternels sont réalisées au sein des communautés sur la base d'autopsies verbales et leur définition a évolué au fil du temps. Au départ, une autopsie verbale était strictement utilisée pour déterminer les causes médicales et l'ampleur de décès maternels, à partir d'entretien avec la famille ou proches de la victime [49]

A présent une autopsie verbale dans le cas d'un décès maternel est une méthode permettant de déterminer les causes médicales du décès et de rechercher les facteurs personnels autres que médicaux. Cet élargissement aux causes et facteurs non médicaux contraste avec celui des études sur la mortalité infantile, où les autopsies verbales ont en principe pour seul objectif de déterminer la cause médicale d'un décès [1].

v Qu'est une autopsie verbale dans le cas d'un décès maternel

Une autopsie verbale dans le cas d'un décès maternel est une méthode permettant de déterminer les causes médicales du décès et de rechercher les facteurs personnels, familiaux ou dépendants de la communauté qui ont pu contribuer aux décès maternel. Elle consiste à interroger les personnes qui possèdent des renseignements relatifs aux événements qui ont conduit au décès (par exemple, les membres de la famille, les voisins, les accoucheuses traditionnelles, les ASC, les sages femmes etc..).

Cette méthode a l'avantage de donner un tableau plus complet des déterminants de la mortalité maternelle, d'inclure l'avis de la famille et de la communauté concernant l'accès aux services de santé et la qualité de ces derniers.

L'objectif principal est de tirer des renseignements afin de sauver des vies et de réduire le poids de la morbi-mortalité maternelle et néonatale.La représentativité n'est pas la principale préoccupation car cette méthode ne vise pas à faire le compte du nombre de décès, ni à calculer le taux de mortalité maternelle, bien que cela puisse en être la conséquence utile car même l'étude d'un cas peut être très instructif.

v Différentes étapes de l'autopsie verbale en cas de décès maternel

Selon le manuel de l'OMS [49] l'autopsie verbale comporte plusieurs étapes résumées en 9 :

. Fixer le déroulement de l'autopsie verbale : Il faut un certain nombre de conditions préalables pour réaliser une autopsie verbale à savoir : informer les autorités sanitaires compétentes et les autorités communautaires et leur faire une brève description de ce que l'on veut faire.

. Recenser les cas de décès maternels : C'est l'étape la plus difficile car elle conditionne la validité statistique de toute la méthode [22]. On peut avoir recours à plusieurs sources notamment les statistiques de l'Etat civil, celles des systèmes de surveillance démographique, des recensements, etc. Pour les décès survenus sur dans la communauté, des renseignements peuvent être obtenus à partir des informateurs clés (agents de santé publique ou communautaire, les leaders communautaires, les accoucheuses traditionnelles, sage femmes).

. Déterminer les sources d'information :

Ici il s'agit de retrouver les personnes qui ont été témoins des évènements qui ont conduit au décès de la femme. Cela est le plus souvent difficile à cause de l'imprécision des adresses ou la mobilité des familles.

En Gambie par exemple, seuls deux des 14 femmes ayant été en contact avec le système de santé ont été retrouvées [22].

. Elaborer le questionnaire utilisé pour l'autopsie verbale :

Le questionnaire d'autopsie verbale peut avoir un certain nombre de formats :

-Ouvert avec une liste de symptômes,

-Une liste avec des questions filtres,

-La combinaison des deux.

-Un format ouvert d'autopsie verbale requiert beaucoup plus d'expériences et probablement une connaissance médicale des enquêteurs et augmenterait la variabilité (différence entre enquêteurs).

-une liste sans filtre ne nécessite pas d'enquêteurs médicalement formés et réduit les biais de l'enquêteur parce que ce dernier est forcé de considérer tous les symptômes quand ils font leur propre diagnostic pendant l'enquête. Ce format ne tient pas compte de tous les détails des symptômes faussement rapportés comme ayant été présents.

-une liste avec filtre ne nécessite pas d'enquêteurs médicalement formés et peut être plus efficace pour la collette de données et réduirait le biais des enquêteurs.

Il a été décrit le rôle important dans la recherche qualitative des termes dans les concepts locaux de maladie et de terminologie, pour faciliter la procédure de traduction et de transcription des questionnaires.

La présence de plusieurs langages ou dialectes dans les petites populations pose des problèmes pour le choix de la langue du questionnaire d'autopsie verbale. Dans ces situations on peut adopter un questionnaire d'autopsie verbale dans toutes les langues locales de la population étudiée ou dans une langue majeure avec une liste de symptômes d'accompagnements dans les autres langues locales.

. Choisir et former les enquêteurs :

En général, on préfère des enquêteurs non formés médicalement à ceux qui ont une qualification médicale dans la mesure où ces derniers risquent d'être trop direct en posant les questions. La mobilité, l'acceptabilité et la disponibilité sont entre autres les facteurs qui peuvent influencer sur le choix des enquêteurs.

. Choisir les répondants

Un répondant est une personne qui possède des renseignements relatifs aux évènements qui ont conduit au décès. Il peut s'agir des membres de la famille (mari, mère, belle-mère, soeur), d'un voisin, de l'accoucheuse traditionnelle ou de la sage femme...

. Mettre au point un mécanisme de classification des causes médicales:

Deux approches peuvent être utilisées pour développer et attribuer des diagnostiques à partir de l'autopsie verbale :

-D'abord, une classification de la mortalité est produite et l'outil d'autopsie verbale (comportant des procédures pour attribuer une cause) va classer les décès dans ces catégories préétablies. L'auteur appellera cela "l'approche restrictive".

-Dans l'approche dite « ouverte » la classification du décès est faite post-hoc sur la base des diagnostics attribués à partir de l'autopsie verbale. La caractéristique voulue dans la classification élargie de la mortalité ou approche dite « ouverte » est qu'elle peut être utilisée par d'autres études avec des modifications mineures. Dans l'idéal on devait avoir une partie centrale qui pourrait être appliquée dans toutes les études et qui pourrait aussi s'accommoder de changements reflétant les causes de décès spécifiques au site. Une classification élargie de la mortalité devait inclure toutes les causes de décès qui constituent des problèmes importants de santé publique et les autres reconnues comme répondant à des stratégies d'interventions et ces catégories de maladies devraient autant que possible avoir des symptômes cliniques qui soient complexes ; distincts et facilement reconnaissables.

La connaissance de la structure des causes de décès de la population dans laquelle l'autopsie verbale va être appliquée, pourrait faciliter une classification élargie de la mortalité selon ces critères [10].

. Mettre au point un mécanisme de classification des facteurs associés :

Il n'y a pas actuellement de méthode standard pour la classification des facteurs qui contribuent aux décès maternels. Le cadre des déterminants de la mortalité maternelle proposé par McCarthy et Maine constitue une référence utile pour analyser les facteurs évitables. Beaucoup d'auteurs ont cependant utilisé le modèle des trois retards de Thaddeus et Maine pour classer les facteurs qui contribuent aux décès maternels [49]. C'est ce dernier modèle que nous avions choisi pour la classification des facteurs dans cette étude.

. Utiliser les résultats pour prendre des mesures concrètes :

Les résultats doivent montrer quels sont les domaines où les améliorations sont nécessaires : programmes d'éducation à la santé, besoins en moyens de transport, renforcement des systèmes d'orientation- recours, modernisation des soins, etc.

Cette méthode d'autopsie verbale compte des avantages mais aussi des limites qu'il est bon de savoir.

v Avantages et limites des autopsies verbales [49]

ü Avantages de l'autopsie verbale sont les suivants :

Ø L'autopsie verbale est le seul moyen pour déterminer les causes médicales des décès maternels dans les endroits où la majorité des femmes décèdent à leur domicile.

Ø Elle permet d'étudier les facteurs médicaux et non médicaux lors de l'analyse des faits ayant conduit à un décès maternel et donne ainsi un tableau complet des déterminants de la mortalité et permet de prendre les mesures correctives appropriées.

Ø L'autopsie verbale est une occasion unique d'inclure l'avis de la famille et de la communauté concernant l'accès aux services de santé de ces derniers, dans le but d'améliorer les services de santé maternelle.

Ø Elle donne aux chefs communautaires et aux autres défenseurs de la santé maternelle des arguments pour réclamer des changements ou des améliorations au niveau des pratiques ou des ressources culturelles, communautaires, éducatives ou sanitaires.

ü Limites des autopsies verbales sont :

Ø Les causes médicales déterminées à partir de l'autopsie verbale ne sont pas absolues et elles peuvent varier d'un évaluateur à un autre.

Ø La détermination des facteurs évitables reste pour une bonne part une question de subjectivité et dépend d'un grand nombre d'éléments (les entretiens, du type d'enquêteurs et de leur formation, la bonne connaissance du contexte local).

Ø Les causes de décès indiquées par des informateurs non initiés ne correspondent pas toujours avec celles figurant sur les certificats de décès.

La sous-notification touche particulièrement les décès survenus au début de la grossesse ou ceux dus à des causes indirectes alors que ces mêmes causes obstétricales peuvent aussi être sur-notifiées.

Dans cette étude, étant donné que la majorité des causes des décès étudiés étaient déjà répertoriées dans les structures de santé, nous nous sommes surtout intéressés aux facteurs au niveau communautaire et auprès des acteurs sanitaires.

Par cette méthode, notre objectif visait surtout à comprendre les causes et les facteurs favorisants qui ont pu contribuer aux décès maternels pour élaborer des stratégies de préventions plus complètes. Nous nous sommes donc appesantis surtout sur les facteurs non médicaux.

2.2.3 TYPE D'ETUDE

C'est une étude de type qualitative rétrospective. Elle a été réalisée sur les causes et les facteurs favorisants de la mortalité maternelle a été menée de façon rétrospective sur 20 cas de décès maternels qui sont survenus dans le département de Bakel entre 2003 et 2006.

Le présent travail se proposait de déterminer par autopsie verbale les principales causes de décès maternels et surtout les facteurs associés qui mettent en danger la vie des femmes dans ce département.

2.2.4 CHAMP D'ETUDE

Le champ de notre présente étude s'est limité au département de Bakel.

Notre enquête s'est déroulée dans les localités suivantes :

- Le district de Bakel : Bakel commune, Diawara, Moudéry, Gabou, Samba yidé, Samba Niamé, Saré, Kadiel, Bilé Boboré (hameau), Golmy, Ballou, Kounghany.

- Le district de Kidira : Kidira, Gathiary, Tamé.

- Le district de Goudiry : Goudiry, Dougué.

2.2.5 POPULATION CIBLE

Notre population cible est l'ensemble des décès maternels survenu dans le département de Bakel (domicile, poste de santé, en cours d'évacuation ou de référence, Centre de santé).

-Critère d'inclusion : Femmes décédées dans le département de Bakel pendant la grossesse, l'accouchement ou 42 jours après sa terminaison pour des causes liées à la grossesse, à l'accouchement et au post-partum.

-critère d'exclusion : femmes décédées accidentellement ou fortuitement dans le département pendant la grossesse, l'accouchement ou 42 jours après sa terminaison et celles qui provenaient d'autres départements ou pays voisins.

2.2.6 ECHANTILLONNAGE

Nous avons utilisé la technique de l'échantillon boule de neige: Il s'agit de constituer l'échantillon en demandant à quelques informateurs de départ de fournir des noms d'individus pouvant faire partie de l'échantillon. Elle est utile lorsqu'on travaille sur des phénomènes dont l'accès s'avère difficile. C'est une technique non probabiliste. Etant donné qu'il s'agit d'un sujet délicat, la démarche a consisté à recenser les cas de décès à partir d'une liste de noms tirés des informations fournies par des informateurs (famille, accoucheuses traditionnelles, ASC...) dans la communauté et des registres de maternité tenus par les sages- femmes.

2.2.7 TECHNIQUES DE RECHERCHE

Nous avons utilisé dans cette étude une technique qualitative rétrospective sur la base de deux types outils :

- questionnaire d'autopsie verbale dispensé aux répondants des femmes décédées conformément aux critères de sélection.

- guides d'entretien pour les agents de santé et la population générale.

Pour le questionnaire de l'autopsie verbale, les personnes ayant participé aux interviews, appelées répondants, faisaient partie soit de l'entourage direct de la défunte (mari, belle-mère, mère, père, beau-père, soeur, ...), soit des acteurs communautaires ayant été partie prenante lors de la survenue des décès (accoucheuses traditionnelles, matrones, ASC, ...).

Les entrevues ont été réalisées au domicile et parfois dans les enclos pour certains bergers peuls et en Soninké (Sarakolé), en Peul, Bambara, Malinké. Pour les deux dernières langues, nous avons eu recours à des interprètes.

Le questionnaire d'autopsie commence par un préambule qui donne les instructions aux enquêteurs pour mener le travail sur le terrain. Il est suivi de la section I qui fournit les informations de référence (Nom du répondant, de la femme décédée, la date et le lieu de décès, l'âge au décès....).

La section II concerne la recherche du ou des meilleur(s) répondant(s) puis la section III s'intéresse à l'origine du décès. La section IV, la plus importante, est un compte rendu du ou des répondant(s) sur les évènements, la maladie et le décès. Le répondant décrit par ses propres mots tout ce qui s'est passé depuis le début de la maladie jusqu'au décès de la femme. Les sections V et VI permettent de décrire les symptômes et les moments du décès (avant, pendant ou après la délivrance).

La partie VIII détermine les comportements et les facteurs contribuant en relation avec la santé. La dernière section est le commentaire de l'enquêteur sur le processus de l'entrevue.

Les guides d'entretiens ont été administrés aux prestataires de santé (médecins, sages femmes, infirmiers chefs de poste, matrones) et à la population générale représentée par différentes structures socioprofessionnelles (accoucheuses traditionnelles, maires, préfets, présidentes de groupement féminin, présidents de comité de santé, de communauté rurale, tradipraticiens, marabouts, ...).

Dans le guide pour les prestataires après avoir identifié le Nom de la structure, de l'agent et sa profession, nous avons voulu savoir les principaux problèmes de santé de la reproduction, les différentes complications obstétricales, les principales causes et les facteurs (socioculturels, économiques, environnementaux, sanitaires) et nous avons demandé les stratégies préconisées pour améliorer la santé maternelle dans le département.

Pour celui de la population et des leaders après identification du lieu et de la personne, nous leur avons posé des questions sur les problèmes de santé que rencontrent les femmes, leur perception sur les services fournis, l'accueil et leurs rapports avec les prestataires, les difficultés rencontrées et ce qu'il faut faire pour améliorer la santé maternelle.

Nous avons ainsi pu avoir le point de vue des agents de santé d'une part et d'autre part celui de la population sur les différentes causes et facteurs de mortalité maternelle, les stratégies futures à développer pour réduire ensemble leurs impacts sur la santé maternelle et communautaire.

A l'issue de la collecte nous avons procédé à une analyse approfondie des données recueillies. Cette analyse a concerné :

- les caractéristiques socio-démographiques des femmes décédées ;

- les conditions de survenue des décès ;

- les causes et facteurs favorisants les décès maternels à partir des trois retards du point de vue de la famille, des prestataires de santé et de la population.

2.2.8 Déroulement de l'enquête

Le travail exploratoire a consisté à réaliser la revue de la littérature, des interviews qui nous ont permis d'avoir des informations sur les recherches déjà menées sur le thème et à situer notre contribution par rapport à ces recherches.

La documentation a été réalisée auprès de la Bibliothèque Universitaire, le centre de Documentation de l'Institut de Population, Développement et de la Santé de la Reproduction, l'Institut de Santé et Développement (ISED), du bureau de l'UNFPA Sénégal, le Ministère de la santé et de la prévention médicale, le Centre de Formation et de Recherche en Santé de la Reproduction (CEFOREP), l'Agence Nationale de la Statistique et la Démographie, la Région médicale de Tamba, l'Institut de Recherche et Développement (IRD), les sites...

La pré-enquête s'est déroulée en plusieurs étapes :

- Nous avons procédé à un test du questionnaire à Guédiawaye qui a permis de remodeler certaines questions et d'en rajouter ou de supprimer d'autres un peu choquantes.

- La 2e étape consistait à aller à Tamba informer les autorités compétentes des établissements de santé pour s'assurer de leur coopération et leur fournir une brève description de notre étude.

- la 3e étape était le déplacement à Bakel pour l'enquête effective.

L'enquête proprement dite a eu lieu du 25 septembre au 25 octobre 2006.

Dans un premier temps, nous nous sommes rendus dans les structures sanitaires pour le recensement des cas de décès maternels à partir des registres de maternité et de référence tenus par les sages femmes et les médecins SOU. Pour les décès dans la communauté, nous avons fait recours à des informateurs clés tels que les agents de santé (ICP, ASC, Sages femmes), les accoucheuses traditionnelles, les chefs de communautés, les familles, les voisines, etc...

Dans un deuxième temps nous avons recherché les lieux de résidence des femmes et des répondants selon les critères établis plus haut.

Enfin la dernière étape a consisté au déroulement de l'entretien proprement dit avec le(a) ou les répondant(e)s sur la base du questionnaire préétabli.

2.2.9 Technique d'analyse

Deux techniques ont été utilisées pour l'analyse des résultats:

- L'analyse quantitative pour décrire les caractéristiques et les conditions de décès des femmes victimes de complications obstétricales.

- L'analyse qualitative pour identifier les causes et les facteurs contributifs aux décès maternels. Les résultats ont été traités par les logiciels Word et Excel 2003.

2.2.10 Obstacles rencontrés et limites

La principale difficulté était de retrouver la résidence des femmes décédées et le meilleur répondant ceci à cause de l'enclavement de certains milieux, de l'impraticabilité des routes et la mobilité de certains ethnies (peul). Ceci nous a empêché d'aller dans certaines localités comme Dianké makha, Sadatou qui faisaient partie des cibles. A cela s'ajoute, le mauvais accueil qui nous a été quelquefois réservé dans certaines structures sanitaires. Certains répondants ont eu des réticences à répondre au questionnaire, réticences que nous avons cependant pu lever grâce à l'appui des leaders communautaires et religieux qui avaient compris notre démarche de recherche opérationnelle.

Des difficultés linguistiques nous ont imposées de choisir des interprètes dans les langues Mandingue et Bambara. Les limites sont celles de l'autopsie et la sélection des décès à partir des données hospitalières et des informateurs ce qui pourrait entraîner des biais.

Après avoir soulevé la problématique et expliqué la méthodologie, la troisième partie a servi à présenter, analyser et discuter les résultats obtenus à l'issue de laquelle des recommandations ont été formulées.

3ème PARTIE : ANALYSE

ET

INTERPRETATION

DES RESULTATS

L'étude a été menée dans le département de Bakel, région de Tamba et avait comme cible les femmes décédées de cause maternelle dans la communauté ou dans les établissements de santé entre 2003 et 2006 répondants aux critères de sélection.

Au cours de l'enquête, 52 répondants ou répondantes des 20 femmes décédées ont pu être interviewé(e)s pour l'autopsie verbale, 36 prestataires de santé et 25 personnes issues de la communauté ont répondu aux guides d'entretien ce qui fait un total de 113 personnes.

3.1 CARACTERISTIQUES SOCIO-DEMOGRAPHIQUES ET SANITAIRES

DES FEMMES DECEDEES

3.1.1 Répartition selon l'âge

Tableau N°1 : Répartition selon l'âge au décès

Classe d'âge

Nombre

%

11-15

1

5

16-20

6

30

21-25

4

20

26-30

3

15

31-35

1

5

+ 35

5

25

Total

20

100

Ce tableau révèle que 11 des 20 femmes décédées étaient très jeunes entre 11 et 25 ans. La classe d'âge 16-20 ans est la plus représentée dans l'étude avec 6 cas sur 20, suivi de la classe des + de 35 ans avec 5 cas. Ces chiffres montrent que les femmes jeunes et très âgées + de 35 ans courent plus de risque (12 sur 20 cas).

Donc la procréation précoce et tardive influencent négativement la mortalité maternelle. Les femmes très jeunes entre 14 et 20 ans enregistrent 35 % des décès et ceux supérieurs à 35 ans constituent 25 %. Le risque est beaucoup plus élevé pour les femmes de 14-20 ans. Ceci est en harmonie avec la littérature qui relève que les grossesses précoces outre le risque lié à l'immaturité physique et physiologique, allongent les années de procréation, ce qui augmente les risques sur la santé des mères. Une étude conduite au Nigéria a montré que le taux de mortalité maternelle était 7 fois plus élevé chez les femmes de 15 ans que celles de 20 à 24 ans [30].

De même pour les femmes âgées de plus 35 ans, elles risquent des complications graves (hémorragies, rupture de l'utérus, infections) car leur organisme est usé par plusieurs années de grossesses précoces, trop rapprochées et tardives. Ainsi il est apparu à la Jamaïque que par rapport aux femmes de 20 à 24 ans, le risque de décès était deux fois plus élevé chez celles de 30 à 34 ans et cinq fois plus élevé chez les femmes ayant dépassé 40 ans [64].

L'âge moyen au décès des femmes dans cette étude est de 26 ans au moment du décès maternel. Cependant à Niakhar, selon une étude réalisé par Dr Jean Pierre Valéry Diallo (15), il est de 30 ans et la moitié des décès survient à 28 ans.

La tranche d'âge 14-20 ans est représentée par 7 cas soit 35 % des décès maternel. Les femmes sont primipares à 45 % et pauci pares à 55 %. Celles qui accouchent à domicile et n'ayant pas fait de CPN représentent 70 % des femmes de l'étude. Dans ce groupe les causes sont dominées surtout par l'éclampsie et la dystocie et aussi l'hémorragie du post-partum.

Les femmes de la tranche d`âge 21 à 35 ans, sont les plus nombreuses avec 8 décès sur 20 cas soit 40 %. La moitié est pauci pare et l'autre moitié multipare. Elles ont accouché à domicile dans 66 % des cas et n'ont pas majoritairement fait de CPN (62 %). Elles sont décédées le plus souvent d'hémorragie, de paludisme et de septicémie surtout.

La classe de plus 35 ans est celle des grandes multipares, accouchant à domicile dans 50 % et 60% n'ont pas fait de CPN. Elles sont généralement victimes d'hémorragie du post-partum et représentent 25 % des décès maternels dans l'étude.

3.1.2 Répartition selon l'âge à la 1 ère grossesse

Nous remarquons à partir du tableau 2 que la grande majorité des femmes (16 / 20) avait eu leur première grossesse avant ou à 18 ans et 5 femmes étaient mères avant l'âge de 16 ans. L'étude montre aussi que l'âge moyen à la première grossesse est de 16 ans très inférieure à celle de Niakhar qui est de 22 ans. Ce qui traduit la culture de mariage et grossesses précoces dans les ethnies concernées (Soninké et Peul). Cela a été confirmé par une étude du Dr. Henriette Kouyaté qui révèlait que chez les peuls le mariage avant 14 ans touche 19.46 % des filles et celui entre 14-18 ans concerne 58.38 % [18]. Cette figure 2 prouve ainsi l'influence négative des mariages et grossesses précoces sur la mortalité maternelle par des accouchements difficiles qui coûtent la vie à plusieurs jeunes filles à cause de l'immaturité de leur corps. Selon le Dr Hailé, une adolescente de moins de 18 ans enceinte est 2 à 5 fois plus sujette à mourir suite à la grossesse qu'une femme enceinte de 18 à 25 ans [17].

L'adolescente court aussi un risque additionnel de mourir jeune à cause de toutes les grossesses qu'elle aura, étant donné qu'elle a commencé à procréer très tôt.

Tableau N°2 : Répartition selon l'âge à la première grossesse

Age

Nombre

%

14

4

20

15

1

5

16

4

20

17

1

5

18

6

30

NSP

4

20

Total

20

100

3.1.3 Répartition selon la parité des femmes décédées

La figure 2 montre que les pauci pares et les grandes multipares étaient les plus touchées avec 7 cas dans chaque catégorie soit 70 % des décès. Ceci confirme que la grande multiparité est un facteur de risque pour la santé des femmes. Cependant ce facteur n'est pas le seul dans la mesure où des femmes ayant peu de grossesses sont également à risque. Ce qui suggère que toutes les grossesses sont à risque même s'il existe des facteurs favorisants. Il faut souligner que les cas de décès de femmes paucipares sont deux fois supérieurs à ceux des primipares. Ce qui est une particularité par rapport à la littérature qui démontrait que les primipares sont une classe plus vulnérable que les paucipares. Ce résultat peut s'expliquer par la mauvaise prise en charge, par les facteurs tels que la forte fécondité, les mariages précoces ...constatés dans cette zone.

Répartition des décès selon la parité

Paucipare

7 cas (35%)

Multipare

3 cas (15%)

Grande

multipare

7 cas (35%)

Primipare

3 cas (15%)

Figure 2 : Répartition selon la parité

3.1.4 Consultation Prénatale

Tableau N° 3 : Répartition selon la CPN

CPN

Nombre

Pourcentage

0

12

60 %

1

2

10 %

2

2

10 %

3

4

20 %

4

0

0 %

Total

20

100 %

Ce tableau montre que 60% des femmes décédées dans la série n'avaient fait aucun suivi prénatal et parmi celles qui ont eu des consultations prénatales, aucune n'a réalisé le nombre requis de quatre consultations. Ceci aurait pu permettre de détecter précocement les sources de complications futures (paludisme, anémie, tétanos, positionnement du foetus ...), dans la mesure où nous avons vu qu'il y a eu plusieurs cas de paludisme et d'anémie parmi ces décès maternels. Ce suivi améliore aussi la qualité de la grossesse et de l'accouchement donc permet aussi de réduire les risques. Cette absence de CPN peut s'expliquer par des facteurs socioculturels qui bloquent la fréquentation des structures sanitaires par les femmes enceintes. Parmi lesquels il y a la distance à parcourir, la présence de personnel masculin, le mauvais accueil, la pauvreté, les travaux...

3.1.5 Répartition selon le niveau d'instruction

Tableau N° 4 : Répartition selon le niveau d'instruction

Niveau

Nombre

%

Sans instruction

17

85

Primaire

3

15

Secondaire

0

0

Supérieur

0

0

Total

20

100

Ce tableau révèle que 85 % des femmes décédées (17 sur 20) étaient analphabètes et aucune d'entre elles n'avaient dépassé le niveau primaire parmi

celles qui étaient scolarisées.

Ceci montre que les femmes sans aucune instruction courent plus de risque que celles qui en ont car l'éducation est de première importance pour la femme. Nos résultats sont conformes à ceux de la littérature. BOHOSSOU et collaborateurs trouvent que 83 % des femmes décédées au cours de la gravido-puerpéralité à Abidjan en 1988 étaient analphabètes [5]. Au Burkina 81,60% des femmes qui accouchent à domicile sont non scolarisées [12].

Ces femmes se caractérisent par leur ignorance des signes du danger, des soins préventifs, des éléments d'une bonne nutrition, de la contraception. Le niveau d'instruction détermine en grande partie les connaissances, l'autonomie de décision, l'ouverture vers l'extérieur, le statut dans le foyer et dans la société. L'éduction change sa perception des maladies et sa capacité de réaction. Elle détermine donc son niveau de vie et son état de santé car permet une meilleure compréhension des conseils et l'adoption de comportements préventifs et curatifs adaptés. Selon Caldwell [6] les mères instruites, plus que celles qui ne le sont pas, ont tendance à utiliser les services de santé modernes aussi bien pour la prévention que pour les soins curatifs en cas de maladie. La femme instruite utilise plus fréquemment l'ensemble des soins prénataux requis. Elle recourt plus souvent à un centre de santé pour son accouchement et procède mieux à la vaccination de ses enfants.

En effet l'analphabétisme marginalise les femmes dans le cadre de leur famille, sur leur lieu de travail et dans la société. Les femmes se trouvent presque systémiquement prise dans un cercle vicieux : pauvreté, grossesses multiples, manque de pouvoir de décision, méconnaissance de leurs droits et des signes de danger sur leur santé, violence à leur encontre etc. Par contre les femmes instruites ont plus facilement accès, à l'information, à la formation professionnelle et aux emplois rémunérés, se marient plus tard, contrôlent mieux leur fécondité, sont plus informées de leurs droit et sont plus déterminées à les défendre [15].

3.1.6 Répartition selon la situation matrimoniale

Pour ce qui est de la situation matrimoniale, nous constatons que la presque quasi totalité des femmes concernées par l'étude étaient mariées et une seule était célibataire. Ceci s'expliquerait par le fait qu'il s'agisse d'une communauté musulmane très conservatrice où le fait d'avoir des enfants hors mariage est considéré comme un délit très réprouvé socialement et aussi la pratique des mariages précoces qui est culturellement courante et très valorisée.

3.1.7 Répartition selon le statut socioprofessionnel

Tableau N° 5: Répartition selon la profession

Profession

Nombre

Ménagère

13

Vendeuse

6

Sans profession

1

Total

20

Nous observons que la majorité des femmes décédées étaient des ménagères. Celles qui avaient une profession étaient des vendeuses de lait pour la plupart d'entre elles. Cette situation témoigne des faibles opportunités économiques de la femme dans les sociétés Soninké et Pular. Les femmes sont le plus souvent confinées à des professions non rémunératrices et sans pouvoir d'achat ni de décision, elles restent toujours sous la tutelle soit du mari, ou de la belle famille ou du père. Ce statut limite ainsi leur accès à l'information, à une alimentation équilibrée, aux ressources et aux soins pendant ou après leur grossesse.

3.1.8 Répartition selon l'ethnie

Tableau N° 6: Distribution selon l'ethnie

Ethnie

Nombre

Soninké ou Sarakolé

9

Peul

7

Bambara

2

Maure

1

Mandingue

1

Total

20

Les femmes soninkés et peuls étaient les plus représentées dans notre étude. Ceci est conforme à la répartition ethnique de la population au niveau du département avec une prédominance des soninkés et des peuls. Il faut aussi souligner que les mariages précoces sont plus fréquents dans ces groupes éthiques.

3.1.9 Répartition selon la résidence

Dans notre échantillon, 60% des femmes étaient issues du milieu rural et 40% du milieu urbain. Ceci démontre aussi qu'en milieu rural le problème est très important car les facteurs liés aux coutumes, aux traditions et aux retards I et II sont plus pesants.

Le second volet de notre analyse consistait à savoir comment se sont déroulés les décès.

3.2 CIRCONSTANCES DES DECES

3.2.1 Lieu de l'accouchement

Répartition des décès selon le lieu de l'accouchement

Domicile:

11cas; 55%

Structure

de santé: 4 cas;

20%

En cours:

1cas; 5%

Avant accouchement

: 4 cas; 20%

Figure 3 : Répartition des décès selon le lieu de l'accouchement

Selon ces résultats 11 femmes décédées sur 16(68 %) avaient accouché à domicile contre seulement 4 (25%) qui avaient accouché dans les structures sanitaires. Une femme a accouché en cours d'évacuation et 4 sont décédées avant l'accouchement. Ces données démontrent que l'accouchement à domicile est de coutume dans cette zone et fait partie des facteurs de la mortalité maternelle les plus dénoncés par les agents de santé. Les femmes accouchent dans leurs maisons le plus souvent aidées par une accoucheuse traditionnelle dans la plupart des cas et ou par d'autres femmes (mères, belles-mères, voisines...), mais il arrive aussi souvent qu'elles accouchent seules loin des regards malgré les structures sanitaires et la gratuité des kids. Ces résultats sont confirmés par ceux de l'EDS IV de 2005, qui révèle que 67 % des femmes rurales accouchent à leur domicile et 33% seulement dans des structures sanitaires [20]. A Niakhar le taux d'accouchement à domicile était de 46%. Une étude faite à Bandafassi par GUYAVARCH E. en 2003 montre que 97% des accouchements à Bandafassi se font à domicile contre seulement 3 % dans les structures sanitaires [29].

L'accouchement à domicile qui est une pratique très encrée dans les moeurs constitue un danger selon le rapport 2005 de l'OMS, entraînant différents risques pour l'enfant et pour la mère (mort maternelle, traumatismes néonatals, mort-nés, fistules...). La persistance de cette pratique s'explique par la présence des accoucheuses traditionnelles au sein des communautés, des familles qui bénéficient d'une certaine réputation forgée à partir de plusieurs années d'expérience et expertise, l'humanisme dont elles font preuve contrairement aux sages-femmes, mais aussi de la situation difficile des familles, les longues distances, l'enclavement et les pesanteurs socioculturels qui favorisent son maintien dans la communauté.

Une collaboration entre les accoucheuses et les agents sanitaires pour une référence rapide en cas de complication est nécessaire pour réduire son impact négatif qui dépasse le seul cadre de mort maternelle mais aussi les incontinences (fistules).

3.2.2 Les décès selon le moment de l'accouchement

Tableau N° 7 : Distribution des décès selon le moment de l'accouchement

Moment du décès

Nombre

%

Anté-partum

2

10

Per-partum

4

20

Post-partum

14

70

Total

20

100%

Pour ce qui est du moment des décès, 2 femmes (10 %) sont décédées pendant la grossesse,

4 pendant l'accouchement (20 %) et 14 femmes (70 %) après accouchement.

Donc au total, 90 % des décès se sont produits pendant et après l'accouchement ce qui démontre que les moments les plus à risque pour les femmes en travail se situent pendant et après accouchement où il faut agir vite et avec efficacité. D'où le nouveau concept de la continuité des soins qui met l'accent sur le moment de l'accouchement.

La réponse doit être rapide avec une qualité et une efficacité des soins. Ce résultat est le même dans l'étude de Niakhar [15] où 82.5 % des décès maternels sont survenus pendant et après l'accouchement. Par contre une étude au Burkina démontre que 12 femmes (35,3%) sont décédées pendant la grossesse, 12 (35,3%) en post-partum et 10 (29,4%) pendant l'accouchement [31].

10

20

70

0

20

40

60

80

%

Anté-partum

Per-partum

Post-partum

Distribution des décès selon le moment

de l'accouchement

« 

Figure 4 : Répartition selon le moment de l'accouchement

3.2.3 Délai entre l'accouchement et le décès

Tableau N° 8 : Délai entre l'accouchement et le décès

Délai

Nombre

inférieur ou égal 1 h

2

entre 1 h et 2 h

2

entre 3 h et - de 24 h

2

entre 24 h et 2 jours

2

entre 3 jours et 7 jours

6

entre 8 jours et 15 jours

2

Décès avant accouchement

4

Total

20

Ce tableau montre que 6 femmes (37 %) sont décédées avant les premières 24h, 8 dans les 48 h et 14 sur 16 sont décédées dans la première semaine après accouchement. Quatre sont décédées sans avoir accoucher. Dans la série, la particularité est que 10 femmes sur 16 soit 62,5% des cas, sont décédées au delà des 24 premières heures après l'accouchement. Alors que dans la littérature 80 % des décès surviennent dans les 24 premières heures (36). Celle-ci peut s'expliquer par le retard dans la décision de recourir aux soins, la méconnaissance des signes, le retard dans l'accès aux services et la mauvaise qualité de la prise en charge des complications et aussi le mauvais fonctionnement du système de recours. Ceci a été confirmé dans l'analyse des données recueillies auprès des répondants sur les conditions de survenue des décès.

3.2.4 Les antécédents obstétricaux

Dans l'étude, 11 femmes sur les 20 n'avaient aucun antécédent obstétrical. Pour celles qui en avaient, ces antécédents concernaient leur première grossesse dans 30% des cas et leur 2e grossesse dans 10% des cas. Donc la majorité des femmes sont décédées alors qu'elles n'avaient eu aucun problème lors de leurs grossesses précédentes. Cela confirme le fait qu'on ne peut pas prévenir les complications qui peuvent apparaître n'importe quand et à n'importe quelle grossesse. D'où la nécessité d'avoir accès à des soins obstétricaux d'urgence de qualité 24h/24 et 7jours sur 7 [46].

3.2.5 Prise décision de recours aux soins

Selon les répondants des femmes décédées, la décision de recourir aux soins lorsque les complications sont survenues, est revenue dans la grande majorité des cas à la belle mère citée 14 fois et au mari cité 12 fois. La décision n'est revenue à la femme concernée que 2 que fois sur les 20 cas de décès maternels. Cette situation est très caractéristique du milieu de notre étude, caractérisé par la puissance de la belle famille sur la décision concernant la femme, surtout de la belle-mère une reine qui est impliquée plus que le mari même. Les parents sont beaucoup moins impliqués dans notre série.

Tableau N° 9 : Personnes impliquées dans la prise de décision

Personne impliquée dans la prise de décision

Nombre de fois

Belle-mère

14

Mari

12

Père

4

Mère

4

Beau-père

6

Soeur

2

Frère

2

Oncle

2

Tante

1

Asc

1

3.2.6 Délai entre la prise de décision et le recours effectif aux soins

Dans l`étude, 75 % des femmes décédées ne sont pas allées immédiatement après que la décision de faire recours aux soins fut prise et le délai varie de 1 heure à 7 jours.

Les raisons les plus souvent invoquées pour ce délai étaient l'automédication à domicile, le manque de moyens de transport, le traitement chez le guérisseur ou le tradipraticien ou le marabout en première intention, les recommandations des tradipraticiens qui déconseillaient le traitement moderne, l'état des routes, le manque de moyens financier... « Mes parents ont essayé de la soigner traditionnellement, ce sont des bambaras et ils croient fermement à ces pratiques traditionnelles et mystiques, ils ne voulaient pas l'amener au dispensaire » (Oncle d'une femme décédée dans un village de Bakel).

« L'infirmier nous a dit de l'amener au poste de santé car il a du travail donc il ne peut pas venir à la maison. Ma femme s'évanouissait puis se réveillait,

elle s'évanouissait de nouveau. Nous pensions qu'elle avait des attaques diaboliques c'est ainsi que ma mère est allée appeler un marabout qui lui a donné une eau traitée et des médicaments, il a dit que ça va passer rapidement si nous suivions son traitement. En suite, ma femme a commencé à avoir des crises après elle s'est évanouie nous voulions la conduire en charrette chez l'infirmier mais elle est décédée avant qu'on puisse l'amener » (Mari d'une femme décédée).

3.2.7 Lieu de décès

Concernant le lieu de décès, pour 9 femmes, il s'est déroulé dans les centres de santé, 3 à l'hôpital régional de Tamba, 3 à domicile et 5 en cours de route.

Ces chiffres montrent que 60 % des décès se sont produits dans les structures sanitaires contre 40 à domicile ou en cours de route. Ces résultats peuvent s'expliquer par le fait que les centres reçoivent des cas critiques dus aux retards 1 et 2 avant de les atteindre, mais aussi par des facteurs socio-culturels ou logistiques qui retardent la prise en charge médicale.

3

9

3

5

0

2

4

6

8

10

Nombre de décès

Hopital

Centre de santé

Domicile

En cours de route

Répartition des décès selon le lieu de décès

Figure 5 : Répartition des décès selon le lieu de décès.

3.2.8 Lieu de premier recours

Tableau N°10 : Répartition selon le lieu de premier recours

Lieu de soin

Nombre

%

structure sanitaire

7

35

Accoucheuse traditionnelle

6

30

Marabout

4

20

Guérisseur

3

15

Total

20

100%

Dans 65 % des cas de décès, le premier lieu de recours spontané des femmes enceintes ou en travail était la médecine traditionnelle ou les accoucheuses traditionnelles.

Ce n'est que dans 35 % des cas qu'elles ont faits recours spontanément aux structures médicales modernes. La médecine traditionnelle prime toujours sur celle moderne malgré les progrès de cette dernière et la disponibilité des structures. Ceci démontre l'impérieuse nécessité de créer un cadre de collaboration avec les guérisseurs, les marabouts et les accoucheuses traditionnelles qui sont les liens entre les populations et les structures sanitaires.

3.2.9 Moyen de transport pour joindre les structures sanitaires

Dans 40% des cas, la charrette représente le premier moyen de transport des populations pour rejoindre les structures sanitaires, suivie de la pirogue et de la voiture avec 25 %, et la marche avec 10 %. Ceci démontre le manque criard de moyens de transport adéquats vers les établissements sanitaires et la non adaptation aux urgences des moyens utilisés.

Tableau N° 11 : Distribution selon le moyen de transport

Moyen de transport

Nombre

%

Charrette

8

40

Voiture

5

25

Pirogue

5

25

marche

2

10

Total

20

100%

3.3.10 Période de survenue des décès

Pour ce qui est de la survenue des décès selon la saison, le nombre de décès pendant la saison humide (Juillet à Octobre) est de 14 (70 % des décès) soit plus du double de celui de la saison sèche qui de 6 cas pourtant deux fois plus longue. Ceci peut s'expliquer par l'absence du médecin SOU pendant ces mois (il y a eu 6 décès maternels dans le centre de Bakel à son absence de juillet à octobre, tandis qu'il n y avait eu que 1 pendant tout le reste de l'année 2006), par l'enclavement des villages qui sont coupés des structures de santé, les travaux champêtres et la recrudescence des maladies comme le paludisme qui est impliqué dans trois cas de décès. Au regard de ces résultats nous pouvons dire que la saison des pluies agit négativement sur la mortalité maternelle dans le département de Bakel.

Pour les caractéristiques, l'étude a démontré que les femmes qui meurent dans le département de Bakel pour cause de maternité sont d'âge compris entre 14 et 45 ans, 55 % de celles-ci sont des jeunes de 14 à 25 ans. Elles avaient fait leur première grossesse dans 80% des cas avant ou à 18 ans. L'âge moyen au décès est de 26 ans et de 16 pour celui de la grossesse.

Les multipares et les paucipares sont les plus frappées (35%) et que leur nombre fait le double de celui des primipares, ce qui constitue une particularité. La parité la plus élevée est de 14.

Pour les CPN, 60% des femmes n'en ont pas fait contre 40 qui en ont fait une seule et aucune n'a effectué les quatre recommandées. Elles sont analphabètes dans les 85%, ménagères à 65%, mariées pour les 95% et rurales à 60% contre 40% urbaines. L'accouchement s'est produit dans les 55% à domicile contre 25 dans les structures sanitaires et 20 en route.

Le décès a eu lieu à domicile pour 3 femmes, en cours de route pour 5 et 12 (70%) dans les structures de santé. Quant au moment, il s'est produit dans les 70% après accouchement, 20 pendant et 10 après celui-ci. Ce qui confirme que les périodes les plus critiques pour la vie de la mère sont pendant et après l'accouchement où on enregistre 90% des décès.

Après avoir décrit les caractéristiques des femmes et les conditions de leur décès, nous avions essayé d'identifier les causes et les facteurs contributifs qui font que pourquoi les taux de morbi-mortalité maternelle sont très élevés dans ce département.

3.4 CAUSES DES DECES MATERNELS

Les causes ont été déterminées à partir des dossiers médicaux des femmes et de l'analyse du questionnaire de l'autopsie verbale.

Tableau N°12: Tableau des causes maternelles

Causes

Nombres

Pourcentage

Hémorragie

7

35 %

Septicémie

3

15 %

Éclampsie

3

15 %

Dystocie

2

10 %

Avortement

1

5 %

Paludisme

2

10 %

Indéterminées

2

10 %

Total

20

100 %

Dans l'étude, les causes directes retrouvées sont l'hémorragie 35% (7 cas), l'infection 15%

(3 cas), l'éclampsie 15% (3 cas), la dystocie 10% et l'avortement provoqué avec 1 cas.

Les causes indirectes sont dominées par le paludisme avec10% (2 cas) et l'anémie.

Ces résultats différent un peu de ceux de l'enquête sur les SOU au Sénégal en 2000 où les causes obstétricales directes représentent 66 % des décès maternels (29 % dus à l'hémorragie, 16 % à l'éclampsie, 7% aux infections, 6% à la dystocie, 5 % à la rupture utérine, et 3 à l'ACP) [39]. La grande différence constatée au niveau du taux des infections peut s'expliquer dans notre étude par l'ignorance et la mauvaise prise en charge au niveau communautaire et hospitalier. La cause directe de deux (2) cas n'a pas pu être déterminée du fait de l'insuffisance de données et de renseignements fiables.

L'étude des causes de décès à Niakhar, avait donné à peu près les mêmes résultats avec l'hémorragie première cause soit 27.8%, l'éclampsie avec 15.5 % est la deuxième cause de décès, suivi de la dystocie (9.30%) et les infections arrivaient en quatrième position avec 8.2 % des décès maternels constituées la seule différence [15].

Selon une étude réalisée en Gambie par la même méthode, sur les 19 décès recensés, l'hémorragie était la cause la plus souvent impliquée, responsable de 10 décès (52 %). Cinq de ces décès par hémorragie sont survenus en post-partum. Les autres causes directes étaient une septicémie (5 cas), un travail prolongé (3 cas) et la rupture utérine (1 cas) [28].

Causes de mortalité maternelle à Bakel

Paludisme:

2cas(10%)

Indéterminées:

2cas (10%)

Septicémie:

3cas (15%)

Éclampsie:

3cas (15%)

Dystocie:

2cas (10%)

Hémorragie:

7cas (35%)

Avortement :

1cas; 5%

Figure 6 : Causes de mortalité maternelle

L'hémorragie est la première cause de décès dans notre série, avec 35 % des cas, soit plus du double des cas de Septicémie et d'Eclampsie et le triple de ceux de la Dystocie. Elle reste la première cause de décès dans tous les pays en développement, mais aussi dans les pays développés [5]. La différence est que les proportions de décès par hémorragie sont beaucoup plus importantes dans les pays en développement et les étiologies des hémorragies sont dominées dans les pays industrialisés par les coagulopathies [28].

Selon certaines études communautaires, l'hémorragie représente 31 % des décès maternels aux Fidji [2], 54 % à Menoufia (Egypte) [26], de 67 % à Bali [3]. Ces pourcentages élevés, sont liés à plusieurs facteurs : l'absence de banque de sang donc de transfusion, manque de personnel qualifié, mauvaise prise en charge des patientes, les retards dans le recours aux soins, et les causes indirectes aggravantes telles que l'anémie, le paludisme...

On estime qu'en cas d'hémorragie antépartum, la patiente ne peut pas, sans traitement, survivre plus d'une douzaine d'heures et, en cas d'hémorragie post-partum, deux heures seulement [57]. Il n'est donc pas surprenant que l'hémorragie soit citée comme la principale cause de décès maternel dans le monde. L'hémorragie post-partum est la plus fréquente avec 5 cas sur 7 dans notre série soit le quart de tous les décès (25%).

La septicémie qui était en seconde position survenait le plus souvent après un accouchement à domicile et les avortements non prises en charge médicalement ou en retard. Ces décès s'expliquent dans la plupart des cas par un retard dans le recours aux soins qui varie de

1 heure à une semaine ou plus dans cette étude. Il y a donc une nécessité d'améliorer les conditions de prise en charge au cours du post-partum et de mettre en place un traitement adéquat mais surtout de promouvoir la consultation post-partum.

Pour les cas de l'éclampsie, il s'agit plutôt d'un manque de connaissance ou d'une interprétation erronée des signes alarmants dans les cas examinés dans notre série. En effet, des explications mystiques ont été privilégiées et un traitement traditionnel prescrit, retardant le recours aux soins par ignorance de ces signes en rapport avec une pathologie de la grossesse. Ce qui prouve que l'ignorance constitue un facteur aggravant de la mortalité maternelle. Dans certains pays en développement, l'éclampsie est la première cause de décès, comme en Jamaïque [64], où elle est incriminée dans 26 % des décès.

A Cali, en Colombie, elle est la deuxième cause, après l'avortement [3], et elle représente environ 34 % des décès obstétricaux. Elle est aussi à l'origine de 15 à 21 % de tels décès au Bangladesh [32].

La dystocie ou accouchement difficile est à l'origine de deux cas de décès maternels dans notre série. Il s'agissait essentiellement des primipares. Les filles très jeunes dont le bassin est immature mais aussi les femmes de petite taille sont les plus à risque. Elle également impliquée dans certains cas d'hémorragie et des cas indéterminés.

L'avortement provoqué représente 1 cas sur les 20 décès de notre étude. Ce qui signifie que cette pratique est assez rare ou cachée par peur de sa pénalisation qui frapperait les coupables. Il influence les infections du post-partum.

Pour les causes indirectes, le paludisme grave est à l'origine de 2 cas (10%) et impliqué dans un autre, suivi l'anémie qui est souvent associée à la plupart des causes médicales directes de la mortalité maternelle.

Après les causes directes et indirectes, il est tout aussi important de connaître les facteurs qui favorisent l'augmentation des taux élevés constaté dans cette zone.

3.5 FACTEURS FAVORISANTS

Pour être efficaces, les politiques et les programmes de réduction de l'impact négatif de la mortalité maternelle doivent nécessairement passer par l'indentification des facteurs évitables.

Il est très important pour chaque cas de décès de connaître à quel(s) niveau(x) une intervention aurait pu modifier l'issue fatale. C'est ainsi que grâce au modèle des trois retards nous avons pu identifier les facteurs liés à chacun des trois retards.

3.5.1 Les facteurs du premier retard

Différents facteurs ont été responsables du retard au recours aux soins dans notre étude. Il s'agit notamment de :

3.5.1.1 L'ignorance des signes de complications et croyances erronées

L'ignorance est l'un des facteurs les plus impliqué dans les retards de recourir aux soins médicalisés (16%). Dans la majorité des cas, les parents ou la famille qui étaient présents au moment du décès ne connaissaient pas les signes avant coureurs du danger. Ils étaient le plus souvent mal informés sur les risques et signes de danger de la grossesse et de l'accouchement, ce qui les poussait à trouver des causes surnaturelles à ces signes. « Lorsqu'elle a eu des crises convulsives, nous pensions qu'elle était victime d'un mauvais sort. C'est pour cela que nous avons appelé un marabout pour chasser les mauvais esprits qui viennent au moment de l'accouchement » (mari d'une femme décédé à Golmy).

« En voyant les jambes, les pieds et le visage enflés, nous avons pensé que c'était du à la montée du sang sur la tête et à sa descente sur les pieds, car pendant son accouchement elle n'a pas beaucoup saigné » (tante d'une femme décédée à Kounghany d'éclampsie). Ceci confirme l'ignorance des populations face à des signes alarmants. L'ignorance de l'urgence et de la gravité des signes a aussi été un facteur de retard : « nous avons attendu qu'il fasse jour et que les gens sortent de la mosquée » (Parente d'une victime à Bakel Darou Salam).

Selon le personnel de santé, dans le district de Goudiry, les populations n'ont pas encore l'habitude de recourir aux soins modernes en cas de complications même si elles sont informées de la présence de structures pouvant leur fournir des soins médicaux. Elles ne se soignent jamais tant qu'il n'y a pas de problèmes qui les dépassent totalement. Selon une sage-femme de Goudiry « certaines femmes dans ces contrées n'accouchent jamais à l'hôpital car leurs coutumes interdisaient cela. Et en cas de force majeur, elles ne rentrent à l'hôpital que la nuit et ne sortent que la nuit car selon leurs coutumes elles ne doivent pas être vues par des hommes. En plus les hommes ne doivent pas être au courant de rien tant que la femme n'a pas accouché ».

3.5.1.2 Traitement traditionnel 

Les croyances aux maladies provoquées par des forces surnaturelles ou personnes maléfiques déterminaient souvent les itinéraires thérapeutiques qui privilégiaient le traitement traditionnel. Ainsi les femmes dans leur majorité (70%) ont consulté des guérisseurs, des marabouts et autres tradipraticiens. Les familles de manière spontanée s'adressaient d'abord à la médecine traditionnelle avant d'aller aux centres de santé modernes car elles croyaient que la maladie n'était pas naturelle mais surnaturelle due à un génie, un mauvais oeil, un sort jeté par une personne mal vaillante, un sorcier, ... « Nous pensions que ce n'était pas une maladie pour les docteurs puisqu'elle s'évanouissait puis se réveillait, avant de l'évanouir à nouveau. C'est alors que j'ai appelé un marabout » (belle-mère d'une femme décédée). Attitude confirmée par le Pr Oumar Faye directeur de la santé « dans la culture sénégalaise, la mortalité maternelle n'a pas souvent d'existence en soi dans la mesure où son origine est surnaturelle. Ce caractère composite de l'étiologie explique pourquoi elle n'est pas à priori justiciable d'un seul traitement. La médecine moderne s'intéresse au `comment' et reste muet sur l'angoissante question du `pourquoi', qu'elle laisse à la philosophie ou à la religion. Or, c'est là que se joue le drame de la maladie pour un Sénégalais : connaître non pas le comment de son affection (la femme est décédée par hémorragie utérine lors de l'accouchement) mais le pourquoi de ce décès (victime d'un mauvais sort, transgression d'un tabou, mécontentement des ancêtres, etc. Selon Lévi Strauss, `c'est le tradipraticien qui sait utiliser un langage adéquat dans lequel peuvent s'exprimer des états informulés et autrement informulables') » [54].

De plus les pratiquants de la médecine traditionnelle ont une influence très importante sur la population et retardaient ou empêchaient parfois le recours aux structures de santé : « le marabout nous a dit que ce n'était pas la peine de l'emmener au dispensaire car avec ses médicaments elle allait guérir  rapidement » (mari d'une femme dans un village de Bakel).

Les accoucheuses traditionnelles jouaient aussi un rôle très important dans les sociétés où elles se trouvent puisqu'elles assuraient à la fois la fonction d'accoucheuse, de pédiatre, de conseillère, de psychologue, d'assistante sociale. Elles étaient le premier recours des femmes en cas de besoin loin devant les sages-femmes et les matrones comme le confirme cette accoucheuse à Moudéry « C'était en 1986 (20 ans) que j'ai commencé à faire les accouchements c'est à dire que je connais très bien ce métier. Tout le village nous connaît et c'est vers nous que les femmes s'adressaient en premier jusqu'aujourd'hui avant d'aller par force dans le poste de santé ». De plus les difficultés relationnelles entre les accoucheuses et les prestataires de santé aggravent la situation, comme en témoignait la même accoucheuse :

« Tout le monde a confiance en nous mais nous ne pouvons plus exercer ce travail tant que la sage femme est sur place. La sage-femme est contre nous alors que nous travaillons toutes pour la bonne santé des femmes et que nous pouvons travailler ensemble sans problème ».

Il est donc indispensable d'établir un espace de dialogue ou de concertation entre les prestataires et les accoucheuses traditionnelles. De plus certaines accoucheuses gardaient les patientes jusqu'au dernier moment ; c'est après avoir perdu tout espoir de réussir qu'elles référaient les femmes. Car elles pensaient qu'en envoyant les femmes vers les hôpitaux, cela touchait à leur réputation même si elles n'ont pas les capacités techniques ni les moyens matériels pour faire face aux complications qui pouvaient survenir sans signes annonciateurs. C'est pourquoi elles essayaient toujours avec la dernière énergie de faire l'accouchement jusqu'au moment où elles sont dépassées par les évènements. Comme en témoignait cet hom- me : « C'était l'accoucheuse F.G que nous avions appelée lorsque ma belle fille allait accoucher. Le premier jour elle avait tout fait sans réussir et au deuxième jour elle a appelé la deuxième accoucheuse au secours. Malgré leurs efforts conjugués l'accouchement n'a pas pu avoir lieu et c'était au troisième jour que nous l'avions amené à Bakel alors qu'il était trop tard. Elle est décédée avant son opération » (Beau-père d'une femme décédée à Golmy). L'accouchement à domicile est considéré par les agents de santé du département comme le principal facteur de mortalité et de morbidité maternelle. Pour eux, le contexte où se déroulaient les accouchements à domicile est caractérisé par l'analphabétisme qui ne permettait pas aux accoucheuses d'évaluer les risques encourus.

3.5.1.3 L'automédication

Elle est très fréquente en milieu rural, du fait de la pauvreté, du coût élevé des médicaments et de l'accès difficile aux structures sanitaires. Elle est à base de plantes et de symboles ou de médicaments. «Elle a accouché d'une fille sans problème, mais ses jambes et son visage étaient très enflés. Nous l'avions donné des médicaments traditionnels pour laver son ventre car elle n'a pas beaucoup saigné durant son accouchement. Ce qui veut dire qu'il restait encore du sang dans son ventre qui n'est pas sorti. J'ai chauffé des racines de plantes pour qu'elle se lave et en boive une partie» (tante d'une femme décédée à Kunghany).

3.5.1.4 La Fatalité 

Face au désespoir, certaines femmes préfèrent mourir que de recourir aux soins médicaux. « J'attends Dieu chez moi » (propos d'une femme décédée à Bakel refusant son évacuation).

« Lorsque la sage-femme nous a dit d'aller à Tamba, c'était elle-même qui a refusé estimant qu'elle va mourir en cours de route ». (Mari d'une femme décédée à Darou Salam- Bakel). Certains évoquent le destin pour exprimer leur impuissance « C'était son destin parce qu'elle avait déjà accouché des jumeaux ici à la maison sans problème et sans jamais aller à l'hôpital. C'était la volonté de DIEU, il ne faut pas nous fatiguer avec...»(mari - femme-

Golmy-Bakel).

3.5.1.5 Refus de consulter les agents de santé de sexe masculin

Dans nos sociétés, la pudeur est très prononcée et l'intervention masculine dans l'intimité des femmes est parfois considérée comme une violation de celle-ci. C'est pour cela que certaines femmes n'acceptent pas la présence d'un homme lors des visites pré ou post natales. « Ici les femmes peulhs n'acceptent jamais d'être vues par un homme qui n'est pas leur mari. Elles préfèrent mourir que de faire cela » (propos d'un ASC homme à Samba Yidé).

Propos confirmaient par une matrone« Les femmes peulhs ne font pas les CPN, ne fréquentent pas les postes de santé, elles accouchent toutes à domicile alors que moi je suis là en tant que matrone, personne ne vient me voir sauf si elles ont des complications qui les dépassaient. Les femmes peulhs ont très honte des hommes et n'acceptent jamais d'être vues nues par un homme. Une femme de notre village en travail était partie derrière le village où il y a une colline pour accoucher seule sous un arbre». (Matrone de Samba yidé).

3.5.1.6 La prise de décision trop longue

Les décisions les plus importantes reviennent aux hommes malgré le fait que l'accouchement est du domaine des femmes. Elles ne décident jamais sans l'aval des hommes. Ainsi l'évacuation d'une femme peut d'être retardée par l'attente d'une autorisation du mari qui est souvent à l'étranger ou de la belle-mère ou du beau-père. « Nous attendions l'avis du mari qui devait nous donner son accord et dire où prendre l'argent » (belle-mère à Diawara). « Moi j'avais voulu qu'on l'amène à Bakel mais j'avais eu peur de le dire car ici tout doit venir des hommes et nous femmes nous n'avons rien à proposer » (Soeur d'une femme décédée à Diawara). De plus, l'accouchement étant du ressort des femmes, elles retardent parfois les recours en informant tardivement les hommes, alors que c'est eux qui ont le pouvoir de décision et les moyens financiers.

« C'est au dernier moment, alors qu'elles sont dépassées par les évènements qu'elles ont mises au courant les hommes de la famille. Ce sont les femmes qui ont tardé à nous mettre au courant des problèmes d'accouchement de ma belle fille. Elles ont l'habitude de dire ça va, ça va même si ça ne va pas »(beau père d'une femme) « Moi je ne savais pas qu'elle était malade. Mes parents ont essayé de la soigner traditionnellement. Dès que j'ai vu ma nièce je savais qu'il fallait l'amener rapidement à l'hôpital. C'était pourquoi je n'ai pas hésité à louer une pirogue pour l'amener à Bakel, puis à Tamba où elle est décédée. » (Oncle d'une victime à Golmy).

Les femmes qui s'occupent le plus souvent des problèmes d'accouchement et de grossesse doivent avoir le pouvoir de décider quand elles sont confrontées à des problèmes.

La non implication des hommes a aussi été relevée par des prestataires : « Les hommes peuls désertaient les maisons et partaient avec les troupeaux à la recherche de pâturages laissant les femmes et les enfants sans ressources, sans argent. Souvent ces femmes enceintes ne mangeaient pas à leur faim et elles sont très faibles, maigres, très malnutries et anémiées. Ceci augmentait les risques et rendait difficile les prises en charge» (Propos d'un ICP).

3.5.1.7 Absence d'agent de santé

L'absence des agents constitue un motif qui pousse les populations à renoncer aux soins de santé. Les Infirmiers Chefs de Poste dans les villages sont parfois absents et ceci a des incidences dans la prise de décision. « Nous voulions aller au dispensaire, mais à ce moment là l'infirmier était absent ». (Beau-père d'une femme décédée). « L'infirmier est tout le temps absent et les populations se sont retournées vers le Mali pour se soigner. C'est pourquoi les femmes accouchent tout le temps à domicile » (répondant à Gathiary- Kidira).

3.5.1.8 Manque de confiance envers les prestataires de santé

Dans certains cas nous avons constaté un manque de confiance des populations en vers les établissements sanitaires et les agents de santé. « Nous n'avions pas cru nécessaire d'aller à l'hôpital, car ce sont des jeunes filles ou des soigneurs de plaies qui ne savent rien qui font les accouchements là bas » (D.D. une répondante). Ce manque de confiance concerne surtout les matrones qui font les accouchements dans les postes et centres. Ce problème est très préoccupant et décourage beaucoup de femmes à s'y rendre. Les prestataires eux même ressentent cela de la part des populations, qui est responsable de retard pour le recours aux services, comme en attestait cette matrone officiant dans un poste de santé « Certaines femmes ont honte de moi et me considèrent comme très jeune pour faire ce métier. C'est ainsi qu'elles préfèrent rester chez elles jusqu'à ce que la situation les dépasse pour nous solliciter. Elles arrivent épuisées, anémiées et parfois vidées de leur sang. Il y a beaucoup d'accouchement dans la brousse ou en cours de route, de même pour les décès ».

Les populations émettaient également des doutes sur l'intérêt du suivi prénatal « à chaque grossesse on fait des visites à ne pas en finir alors qu'elles n'empêchent pas les complications comme ils nous l'affirmaient » (belle-mère d'une femme décédée à Dougué). Les rumeurs diminuent aussi la confiance des populations aux structures de santé « On m'a dit que les visites et les médicaments qu'on donne sont pour fermer les utérus des femmes et de nos futures filles, depuis je n'ai plus confiance aux sages-femmes » (répondante à Diawara).

Selon un membre du comité de santé, « Les accouchements à domicile sont devenus plus importants à Bakel car les populations apprenaient que beaucoup de femmes mouraient en allant accoucher dans le centre. Il y a aussi l'influence des accoucheuses traditionnelles ».

L'attitude des agents de santé constitue aussi un important facteur bloquant le recours aux soins médicalisés. Le comportement et le langage agressifs, les propos déplacés, le refus de répondre aux sollicitations des patients,...ont été dénoncés par des répondants comme cette  belle- mère qui déclarait : « Nous voulions partir au dispensaire lorsqu'elle a eu des problèmes d'accouchement mais nous avions attendu le matin car l'infirmier est méchant si nous l'avions réveillés il ne serait pas venu ». La non assistance aux femmes en travail est aussi un facteur bloquant : « Nous préférions accoucher à la maison au moins nous serons assister par des humains car notre sage-femme est très méchante en vers nous et elle refusait souvent de nous assister  » (propos d'une femme2(*) ).

« Nous avons peur d'aller accoucher dans ce hôpital car ce sont parfois les gardiens qui font les accouchements à la place des sages-femmes. Moi, lorsque nous avons amené ma soeur là-bas, ce sont les gardiens qui sont montés sur sa poitrine pour la faire accoucher» (propos d'une femme peuhl à Bakel).Des répondants ont décrié le manque de compassion des prestataires. « Ma belle-fille disait : donnez moi de l'eau, mon ventre est entrain de brûler, elle s'agitait et criait de douleur. Elle a passé la nuit dans cet état. Mardi matin j'ai appelé 3 fois le « docteur » pour qu'il vienne voir ma belle fille qui souffrait depuis lundi soir. C'est la quatrième fois qu'il est venu ». (Beau père d'une femme décédée à Bakel) « Ici chez nous, l'infirmier refuse de soigner les femmes qui n'ont pas fait de CPN, c'est pour cela que nous avons préféré la soigner avec des médicaments traditionnels à domicile». (S Diallo-Darou).

3.5.1.9 Travaux domestiques

Les nombreux travaux domestiques et champêtres font souvent que les femmes n'ont pas le temps nécessaire pour se rendre aux soins car elles perdent beaucoup de temps en faisant cela, en plus de l'épuisement occasionné par ces travaux. Selon les croyances, les travaux servaient à faciliter l'accouchement. C'est pourquoi quand une femme est enceinte elle ne doit pas se reposer sinon le foetus va se coller au ventre de la mère et entraînera un accouchement difficile pour la mère » (belle-mère d'une femme décédée).

3.5.1.10 Pauvreté

Le contexte de pauvreté joue aussi un rôle dans les prises de décision de recourir aux soins. Les populations pauvres calculent les frais de transport, d'hospitalisation, de nourriture et elles renoncent à recourir aux services de santé. « Je voulais amener ma femme à Bakel mais vu ma situation très difficile, j'ai renoncé et grâce à Dieu mon oncle est venu de France, c'est lui qui a payé tout jusqu'à son transfert vers Tamba où elle est décédée » (Mari d'une femme du village de Golmy).

Une fois la décision de recourir aux soins, d'autres facteurs se dressaient pour aboutir au second retard.

3.5.2-Facteurs du deuxième retard

De nombreux facteurs ont été identifiés dans cette série comme étend responsables du deuxième retard pour atteindre les structures sanitaires.

3.5.2.1 Manque de moyens de transport

C'est l'un des obstacles les plus durs à franchir par les populations de Bakel, qui même après avoir décidé de recourir aux soins, ne trouvaient pas de moyens de locomotion appropriés pour accéder aux structures de santé. Les voitures sont rares, et il n'existe pas d'ambulances. Les populations peuvent attendre plusieurs heures pour trouver de quoi transporter les patientes. C'est pourquoi le moyen le plus utilisé est la charrette ou la pirogue qui ne sont pas du tout adaptées pour parcourir des centaines de kilomètres avec une femme en travail ou en état de choc, dans la boue et/ou dans les marigots, rivières et ravins ou falaises, collines, ...

La conséquence est que plusieurs femmes meurent en route comme en témoigne un ASC de Samba Yidé « Lorsque nous avions voulu l'amener au poste de Gabou, nous avions attendu plus de 2 heures sans avoir de voiture et c'est après que nous sommes allés chercher les ânes en brousse pour les attacher à une charrette. Nous n'avons même pas fait un kilomètre, la femme est décédée, nous sommes retournés au village sans atteindre le poste ».

3.5.2.2 Routes impraticables

Le retard pour accéder aux structures de santé est accentué par le mauvais état des routes surtout pendant l'hivernage où elles sont coupées par les eaux des rivières, marigots et autres.

Les seuls moyens restent donc la charrette, les motos et les vélos ou les pirogues qui du fait de la nature latéritique des pistes ne permettent pas une évacuation rapide. « L'infirmier nous a dit de l'amener à Kidira, mais en ce moment aucune voiture ne pouvait aller ni venir. Nous avons pris une charrette tirée par un cheval dans la boue et l'eau, nous étions parfois obligés de pousser la charrette pour qu'elle avance » (beau frère d'une femme décédée à Gathiary).

Cette situation a été confirmée par le personnel de santé en particulier dans les districts de Kidira et Goudiry. « Notre plus grand problème ici c'est l'enclavement surtout pendant l'hivernage où nous sommes complètement coupés du reste du pays. Moi-même j'ai été bloqué à Kidira pendant un mois je n'ai pas pu rejoindre mon poste à cause du blocage des routes. Aucune moto, aucune voiture ne pouvait aller ni venir. Pendant les mois de Juillet, Août, Septembre, personne ne peut se déplacer seul l'hélicoptère peut atteindre certaines zones (Sadatou, Laminia) » (Propos d'un ICP de Gathiary).

L'enclavement est un facteur aggravant qui doit être résolu pour espérer réduire la Mortalité maternelle dans beaucoup de villages où les populations ne peuvent pas accéder aux soins même si elles le désirent.

3.5.2.3 Manque de moyen de communication

Il est à l'origine de nombreuses évacuations tardives. Les liaisons téléphoniques font défaut entre les postes et les centres de référence. « Dans notre village il n'y a ni courant ni téléphone et même lorsque nous avons une urgence c'est difficile de rentrer en contact avec le centre de Kidira pour disposer d'une ambulance à temps» (D.F matrone de Gathiary).

3.5.3 Facteurs du troisième retard

Ils sont les déterminants clés de la mortalité maternelle car toute femme enceinte peut présenter des complications et des soins obstétricaux d'urgence doivent être disponibles pour prendre en charge ces complications.

Nous avons retrouvé plusieurs facteurs affectant les SOU dans cette étude.

3.5.3.1 Absence de personnel compétent

C'est l'un des facteurs les plus importants car le plus souvent, il manque un personnel compétent capable de traiter, de stabiliser et de référer à temps en cas de nécessité. Même si tous les obstacles liés au premier et deuxième retard sont levés, le fait d'arriver dans les structures de santé ne servirait à rien en l'absence de médecin et ou de sage-femme compétents ou de matériel approprié. « Le matin de bonne heure, nous avons pris une charrette pour le centre de santé de Bakel. Nous n'avons trouvé ni sage-femme ni matrone à la maternité. C'est un soigneur de plaies qui a essayé de la faire accoucher mais il n'a pas réussi .Lorsque la sage-femme est venue vers 9 heures, elle n'a même pas touché à ma femme, elle a dit de l'évacuer vers Tamba pour une intervention car le médecin SOU était absent. Nous avons attendu 2 heures environ pour avoir une ambulance... Trente minutes après le départ de l'ambulance, l'hôpital de Bakel a appelé le chauffeur pour lui dire de faire demi tour car il y a une autre personne à évacuer vers Tamba. L'ambulance est retournée à Bakel pour prendre ce malade. C'est vers Kothiary que malheureusement ma femme est décédée car elle avait perdu beaucoup de sang  ». (Mari d'une femme décédée à Bakel).

Durant la période de l'étude, le médecin SOU était absent de Bakel et durant son absence il y a eu six (6) décès maternels au centre de santé entre juillet et septembre 2006 alors qu'il n'y a eu qu'un (1) seul pendant les six premiers mois de l'année où il était présent. Cet exemple montre l'importance primordiale de la présence d'un médecin spécialiste en SOU et de la nécessité de renforcer la formation et la motivation de ce personnel pour les maintenir dans ces zones éloignées et difficiles d'accès.

3.5.3.2 Retard d'intervention des prestataires

Nous avons retrouvé des cas de retards à la prise en charge dans les structures du fait que les prestataires mettaient du temps à intervenir devant des urgences obstétricales. «  Quand j'ai vu ma femme, qui avait des convulsions, j'ai cherché partout la sage-femme pour la mettre au courant des convulsions mais je ne l'ai pas trouvée dans le centre, seule la matrone était présente et elle est décédée pendant les crises » (Mari d'une femme décédée à Bakel).

3.5.3.3 Qualité des services offerts

L'analyse des cas de décès maternels survenus au niveau des postes de santé et du centre de référence de Bakel montre une insuffisance de la qualité des services. Au niveau des postes de santé, les patientes sont parfois gardées trop longtemps avant l'évacuation. C'est le cas de ce décès survenu à l'hôpital régional de Tamba après que la patiente ait fait 6 jours d'hospitalisation dans un poste et un jour au Centre de santé de Bakel. Ce problème de qualité vient « boucler la boucle » d'une série de retards et de manquements, le tout étant responsable du décès maternel comme l'illustrait ce cas. « Elle a eu des difficultés à l'accouchement que l'accoucheuse traditionnelle n'a pas pues résoudre. Elle nous a dit d'aller au poste de santé.

Nous avons quitté la maison vers 19 h, nous avons attendu au bord de la route presque 2 heures sans avoir de véhicule.

C'est après que nous avions pris une charrette pour aller au poste. Ici c'est difficile de trouver un moyen de transport surtout quand on a un malade ou une femme enceinte. Nous avons fait une journée là bas, c'est au deuxième jour qu'elle a accouché. Après accouchement nous avons fait 6 jours d'hospitalisation dans le poste car elle était tombée malade. Nous avions acheté des ordonnances et l'infirmier lui a fait plusieurs perfusions. C'est après que l'infirmier nous a dit d'aller au centre de santé avec l'ambulance du poste. Arrivée au Centre de Bakel, nous avons fait une journée où elle recevait des traitements. J'ai acheté des ordonnances sans compter. Comme rien n'allait, le lendemain à 16 heures nous avons quitté Bakel pour aller à Tamba où nous sommes arrivés vers 20 heures. Elle a été immédiatement hospitalisée où elle est décédée vers 3 h du matin. Le bébé aussi est décédé à l'hôpital quelques heures après »( Mari d'une femme décédée à Samba Yidé). C'est ce qui fait dire à un médecin de Tamba qu'« On ne peut pas faire de miracles quand on nous amène des épaves de femmes à l'hôpital régional, c'est ce qui explique le nombre élevé de femmes qui décèdent. Ces décès sont évitables à condition que les femmes viennent à temps ».

Un autre élément de la qualité des services qui fait défaut dans le département de Bakel est le plateau technique insuffisant voir obsolète pour prendre en charge les complications obstétricales tel que l'inexistence de banque de sang dans le centre de santé de référence. Dans cette étude, 4 femmes ont été référées à l'hôpital régional pour hémorragie, avaient besoin de transfusion, et sont décédées en cours de route sans jamais y arriver d'où l'importance capitale de disposer des SOUC sur place ou à peu de distance des populations.

Le cas qui suit illustre la triste réalité vécue par les femmes dans ce département victimes de l'ignorance, de la discrimination, du mépris et de la dévalorisation de leur vie.

« C'était en pleine nuit qu'elle m'a réveillée pour me dire qu'elle ne pouvait pas dormir à causes des douleurs. Comme il faisait nuit, nous avons attendu 6 h pour se rendre à l'hôpital par une charrette. Quand nous sommes arrivés, les sages-femmes ont essayé de la faire accoucher mais ça n'a pas marché. Vers 9 h la sage-femme nous a dit d'aller à Tamba car le médecin qui fait les opérations est absent. Nous avons attendu midi pour avoir une ambulance et partir. Nous sommes partis avec F. C un soigneur de plaies de l'hôpital. C'est vers Boye Nguel prés de Balla qu'elle a commencé à accoucher. L'ambulance s'est arrêtée et nous sommes descendus pour permettre à F.C de faire l'accouchement. Quelques moments après, l'enfant est né sans vie. Moi j'étais sûr que le bébé n'allait pas vivre vu les difficultés de son accouchement. Nous sommes encore repartis mais elle souffrait, hurlait et saignait.

F. C a arrêté la voiture pour faire sortir le placenta qui est resté. C'est ainsi qu'il l'a tiré, tiré de toutes ses forces et ma femme hurlait très fort, se débattait et elle s'est levée du lit à cause de la force utilisée par F. C et le cordon du placenta qu'il tenait par les deux mains s'est coupé, J'ai moi-même entendu le brut de rupture du cordon. Ma femme est retombée renversée du lit en criant pour la dernière fois de toutes ses forces, « je suis morte ...tu m'as tuée ». Depuis elle ne parlait plus ni ne bougeait, elle saignait jusqu'à notre arrivée à Tamba. F. C nous a dit que maintenant elle s'en ira mieux puisque le placenta est sorti. Elle est arrivée à Tamba mourante avec du sang qui coulait partout. Le médecin a prescrit une ordonnance que je suis allé acheter, à mon retour il m'informait qu'elle est décédée sans qu'il ne puisse rien faire. Nous sommes retournés à Bakel et ce jour là personne ne pouvait retenir ses larmes. Voilà comment S. Ba est morte.» (Mari d'une femme décédée de Bakel).

Des éléments importants dans la réussite d'une prise en charge rapide des urgences obstétricales ont fait défaut et ont été rapportés par les familles. Il s'agit par ordre d'importance, un retard dans la prise de décision pour aller à la formation sanitaire (24.5%), la gravité du problème de la femme n'a pas été perçue plus tôt par l'entourage (16.33%), un problème de transport pour rejoindre le centre de santé (14.29%), une autre perception de la maladie (12.24%), un retard à atteindre le centre malgré un moyen de transport (12.24%), l'indisponibilité des SOU (10.20%) et un retard à avoir les soins au niveau du centre de santé(6.12%) et retard de référer(4%). On note qu'il arrive que pour un même décès maternel, plusieurs de ces facteurs soient rapportés par la famille.

Méconnaissance

de la gravité des signes

16.33 %

Retard dans la

prise de decision

24.5 %

Problème de

Transport 14.29 %

Retard à

accéder aux

Soins

12.24%

Retard à

recevoir des

Soins

6.12%

Autre

Perception de la

maladie

12.24%

Retard dans la référence

4.08%

Manque de

SOU

10.2 %

Figure 7: Facteurs contributifs de la mortalité maternelle

Tableau N°13: Tableau de synthèse

Age

Lieu de décès

Causes probables

Facteurs impliqués

1

38 ans

Centre de Santé

Palu grave

(1) (2)

2

33 ans

Centre de Santé

Hémorragie

(5)

3

28 ans

Centre de Santé

Hémorragie +Palu

(1)

4

29 ans

En cours de route

Indéterminée

(5) (3) (4) (8)

5

20 ans

Centre de Santé

Hémorragie

(6)

6

37 ans

Hôpital

Dystocie

(2) (5) (8)

7

30 ans

En cours de route

Indéterminée

(3) (4) (7) (8)

8

25 ans

Centre de Santé

Hémorragie

(8)

9

20 ans

Domicile

Hémorragie

(1) (2) (3)

10

17 ans

En cours de route

Eclampsie

(1) (3) (4)

11

35 ans

Hôpital

Septicémie

(2) (3) (7)

12

22 ans

Centre de Santé

Palu grave

(1) (2)

13

20 ans

Domicile

Septicémie

(2) (6)

14

45 ans

En cours de route

Indéterminée

(3) (4)

15

24 ans

Centre de Santé

Eclampsie

(1) (2) (6)

16

16 ans

En cours de route

Avortement

(1) (2) (6) (8)

17

21 ans

Centre de Santé

Hémorragie

(2) (4)

18

20 ans

Domicile

Eclampsie

(1)(2) (6)

19

14 ans

Centre de Santé

Dystocie

(2) (3) (4)

20

23 ans

Hôpital

Septicémie

(2) (6)

(1)- Méconnaissance de la gravité des signes : 16.33 %. 5) -Retard à les recevoir : ...6.12 %

(2)-Retard de la prise de décision :......24.5% (6)-Autre perception de la maladie:12.24 %

(3)-Problème de transport  : .........14.29 % (7) -Retard de référence :.............4.08 %

(4)-Retard à accéder aux soins :.........12.24 % (8)-Indisponibilité des sou :........ 10.20

3.4.4-Autres facteurs

L'analyse des résultats des guides, nous a permis d'identifier d'autres facteurs par les différents répondants tels que l'accouchement à domicile (le facteur le plus déploré), la forte fécondité « J'ai vu une femme de 24 ans qui a déjà fait 9 grossesses »(ICP de Dougué), la non prise des médicaments préventifs (fer, vitamine...), le très faible taux d'utilisation de la contraception, la sexualité précoce, les grossesses non désirées camouflées, les tabous alimentaires ( les femmes enceintes ne mangent pas d'oeufs, de bananes, de viande, de farine, d'arachide, de riz par contre elles mangent de la terre, des cendres, la bouse de vache...).

En résumer pour les facteurs qui favorisent la mortalité maternelle, l'étude a démontré, malgré la taille réduite de l'échantillon, que la mortalité maternelle dépend d'une variété de facteurs aussi bien économiques, politiques et sanitaires que sociaux, culturels et environnementaux. Pendant longtemps les études sur la mortalité maternelle ont ignoré ces facteurs et causes non médicales au profit des causes biomédicales et cliniques.

Les facteurs socioculturels tels que l'ignorance, l'analphabétisme, les croyances religieuses et coutumières, le faible pouvoir décisionnel des femmes, la pauvreté sont principalement responsables du premier retard à savoir la prise de décision de recourir aux soins de santé. Selon nos résultats ce retard est le premier impliqué dans près de 25 % des cas de décès. Il est donc particulièrement important que les prestataires et les décideurs aient conscience de ces facteurs qui sont en amont. Il ne faut surtout pas sous-estimer l'influence des chefs religieux, des guérisseurs ou des accoucheuses traditionnelles sur l'attitude des ou de la communauté. Des femmes peuvent être amenées à choisir d'accoucher dans des conditions dangereuses pour des raisons culturelles et cultuelles telles que le refus d'être vu par un homme ou la plus grande confiance aux tradipraticiens, aux marabouts et autres...

Selon une étude au Maroc, en 1991, 15% des malades issus de la campagne ont eu recours aux guérisseurs contre presque 6% dans le milieu urbain. Par ailleurs, au cours de la période 1997-98, presque une femme malade sur 4, soit 24%, n'a pas réalisé une consultation médicale en raison du recours à la médecine traditionnelle. Cette proportion est 22% dans le milieu urbain contre 27% dans le milieu rural [11]. Le statut très bas des femmes est aussi un facteur favorisant. Les femmes sont totalement dépourvues de pouvoir décisionnel au profit du mari ou de la belle-mère. Selon une étude au Sénégal, les hommes prennent plus de 50% des décisions sur l'accès aux soins de santé des femmes [52]. Ce qui fait dire à Laura Katzive, conseillère juridique au centre pour les droits reproductifs que « le rejet quotidien des droits des femmes à l'autonomisation et à la non-discrimination en matière de reproduction est un facteur contribuant à la perte inutile de vies humaines » [34].

Dans le même ordre d'idée l'UNFPA considère la mortalité maternelle comme un indicateur de la différence et de l'inégalité entre les hommes et les femmes et son importance un révélateur de la place des femmes dans la société et de leur accès aux services sociaux, sanitaires, nutritionnels tout comme à la vie économique [62]. Il est donc nécessaire, pour NOUIJAI de prendre en compte les caractéristiques sociales et économiques ainsi que les spécificités culturelles de la population. Des actions dans le sens de minimiser les effets de ces facteurs sur la santé de la reproduction sont nécessaires par l'éducation et l'alphabétisation des femmes en général et des femmes du milieu rural en particulier [42].

Les facteurs physiques et géographiques sont à l'origine du deuxième retard qui empêche les femmes d'accéder aux structures sanitaires adéquates. Souvent il se pose soit un problème de transport (la charrette est le premier moyen de transport pour les urgences dans notre série), soit un manque de moyens pour payer le transport. Parfois ce sont les routes et les voies de communications qui sont complètement bloquées. Cette situation était responsable de plusieurs décès maternels à domicile ou en cours d'évacuation ou de référence à Bakel.

Au Zimbabwe, plus de 50% de la mortalité maternelle due à l'hémorragie peut être attribuée à l'absence de transport d'urgence selon Fawcus [23]. La distance est parfois la raison pour laquelle les femmes choisissent d'accoucher à domicile plutôt que dans une structure de santé.

Dans cette étude ce retard est impliqué dans 12 des 20 cas de décès ce qui fait dire à l'OMS que c'est au premier niveau de recours que de nombreux décès maternels ont lieu, soit parce que les femmes viennent de trop loin et arrivent trop tard, soit parce que les soins obstétricaux essentiels dont elles ont un besoin immédiat ne peuvent être assurés [44]. Alors pour lutter efficacement contre ce retard, Il faut donc mettre en place un bon système d'orientation-recours reposant sur la rapidité des communications de la prise des décisions et du transfert des informations sur les patientes entre les services concernés, un système de partage des coûts et un système de transport adéquat entre les villages et les centres de santé et améliorer l'état des routes. En plus de ces facteurs qui minent la route aux SOU et aux SOUC se trouvent ceux liés au système de santé tels le manque de personnel compétent, le retard dans l'intervention, l'insuffisance de la qualité des soins. Vu l'importance des cas de décès par septicémie et le délai élevé entre les moments de délivrance et le décès dans notre étude, il se pose un problème de prise en charge efficace des complications dans les structures sanitaires de Bakel. Selon la littérature, toutes les grossesses sont à risque car la plupart des complications obstétricales ne peuvent être ni prévisibles, ni évitables mais peuvent être traitées. L'accent doit être mis sur le moment de l'accouchement, au coeur de la continuité des soins.

Une étude en Gambie sur des interventions pour la réduction de la mortalité maternelle en 1987 a conclu que « ...les facteurs de risques n'étaient pas utiles pour identifier les femmes présentant le plus grand risque de décès » [28].

Les retards de décision pour consulter, à atteindre les formations sanitaires et à recevoir les soins, rapportés par les familles contribuent fortement au fléau de la mortalité maternelle qui frappe lourdement nos pays en développement. L'ignorance des signes, le problème de transport, le recours aux guérisseurs et accoucheuses traditionnelles, le retard de référence, la pauvreté, le mauvais état des routes, le manque de moyens de communication et de transport au niveau des formations sanitaires et l'incapacité de réaliser une transfusion sanguine au niveau de l'hôpital du district peuvent justifier ces retards.

Il apparaît ainsi que les facteurs qui contribuent aux décès maternels ne sont plus seulement biomédicaux mais surtout socioculturels, économiques et environnementaux. Ce qui veut dire que la lutte contre la mortalité maternelle ne doit plus être basée sur l'accumulation de données épidémiologiques à savoir les indicateurs d'impact tels que le ratio de Mortalité Maternelle, mais plutôt sur les facteurs socioculturels et économiques en relation avec la communauté et aussi sur les indicateurs dits de processus tels que le taux de césariennes qui à un niveau national permet de connaître les besoins obstétricaux couverts et par déduction à partir de ces derniers les besoins obstétricaux non couverts. Tabutin D., ne disait-il pas en 1992, qu' «Une chose est certaine: la relation simple et le facteur unicausal ne sont plus de mise ; l'interdépendance entre l'économique, le social, le sanitaire et le culturel s'impose dans les faits et dans la réflexion, l'approche systémique devient une nécessité» [61]. Vision corroborée par le Pr. O. FAYE qui affirmait que « Le modèle social de la santé doit remplacer la stratégie de l'aval, coûteuse, inégalitaire, et imposée par le tout-puissant modèle biomédical, par une stratégie dite de l'amont, efficiente et plus humaine » [54].

Bien que conscient des limites d'une étude rétrospective qualitative basée sur l'exploitation de données communautaires et hospitalières en plus du biais de sélection, nous pensons que ces résultats reflètent en grande partie les problèmes réels de santé de la mère dans le département de Bakel.

Enfin, nous espérons fournir aux décideurs locaux et régionaux un certain nombre d'éléments utiles à l'élaboration d'une stratégie d'action en vue d'aboutir à l'amélioration de la santé maternelle.

RECOMMANDATIONS 

A la lumière des constatations faites lors de cette étude, le succès dans la lutte pour la réduction de la mortalité maternelle ne peut aboutir que par le biais d'une approche multidimensionnelle et multifactorielle. D'où la nécessité d'une politique de santé maternelle à la fois médicale, socioéconomique et culturelle. De plus, nous avons vu que les principales causes et circonstances des décès maternels peuvent être évitables. Pour cela, nous pouvons suggérer les stratégies d'appui suivantes :

1) Une Campagne d'IEC pour lever les pesanteurs socioculturelles qui empêchent le recours rapide aux soins des femmes ;

2) Le désenclavement du monde rural par la construction de routes rurales afin de faciliter l'accès aux soins de santé ;

3) la mise en place d'un réseau de coopération entre les prestataires de soins modernes et traditionnels pour une prise en charge précoce des femmes ;

4) la disponibilité et le fonctionnement des Soins obstétricaux d'urgence (24h/ 24) dans tous les centres de santé de référence du département.

Pour plus de clarté, nous avons hiérarchisé nos recommandations selon les cibles.

I- Au niveau de la communauté et des familles

- aider les familles à reconnaître les signes de complications dangereuses;

- apprendre aux AT, aux guérisseurs à référer plus vite les femmes présentant des complications ;

- Impliquer les populations dans tous les processus de lutte contre la mortalité maternelle ;

-Créer un climat de confiance entre les prestataires et les populations ;

- Faire des campagnes de sensibilisation pour l'abandon de l'accouchement à domicile ;

- aider les filles et les femmes à se défaire des pesanteurs socioculturels qui les empêchent de

fréquenter les services de santé ;

- aider les femmes à se débarrasser des pratiques traditionnelles de prise décision qui font d'elles les otages d'un système de prise de décision aujourd'hui caduc ;

- Impliquer les hommes dans la gestion des complications ;

- Promouvoir l'éducation des jeunes filles et des mères.

-Promouvoir une culture de santé publique locale qui favorise la promotion des comportements favorables à la santé maternelle et néonatale.

II- Au niveau sanitaire.

- Assurer la disponibilité et le fonctionnement des Soins obstétricaux d'urgence (24h/ 24) dans tous les centres de santé des districts du département ;

- mettre en place des agents de santé qualifiés capables de prendre en charge les complications

Obstétricales ;

- améliorer la qualité des soins fournis dans les centres médicaux ;

- mettre en place des banques de sang pour lutter contre les hémorragies première cause de mortalité maternelle ;

-Promouvoir un changement de comportement des prestataires envers les femmes qui ont plus besoin de confort que de propos déplacés voir agressifs.

III- Au niveau de l'Etat.

-Améliorer la situation socio-économique des femmes ;

- Créer un système adapté aux besoins médicaux des femmes et aux obstacles qu'elles soient économiques et/ou socioculturelles rencontrées en se rendant aux urgences ;

- aider les femmes à arriver à temps dans les centres offrant les soins appropriés ;

- améliorer l'état des routes et autres systèmes de transport ;

- Doter les postes de santé d'ambulance pour réduire les coûts et le délai de retard à atteindre les structures sanitaires.

- impliquer la communauté dans la sensibilisation de la population sur les risques d'une grossesse non surveillée, d'un accouchement non assisté ainsi que sur l'octroi de moyens de transport pour une meilleure organisation des références en cas de pathologie maternelle.

CONCLUSION

Selon Royston et Armstrong « Personne ne sait exactement combien de femmes meurent tous les ans à la suite d'une grossesse. La plupart d'entre elles sont pauvres et vivent dans les régions reculées, leur mort passe quasiment inaperçue » [57]. Ce constat amère confirme que la mortalité maternelle demeure toujours un problème majeur de santé publique dans les pays en développement et sa réduction reste un défi crucial à réaliser pour l'amélioration de la santé des femmes pivot économique et socle social. Le décès maternel, à quel moment qu'il survienne, est une tragédie pour sa famille et pour la société. La lutte pour sa réduction est un impératif pour toute personne soucieuse de la situation et de la santé des femmes qui sont engagées dans ce que les Soninké appelle à juste titre « l'armée des femmes ». C'est dans ce sens que nous avions réalisé ce travail, dans le but de contribuer à l'amélioration des connaissances sur les causes et surtout les facteurs favorisants des décès maternels dans le département de Bakel, pour une meilleure orientation des programmes et stratégies actuelles de réduction de la mortalité maternelle en vue des objectifs du millénaires.

Plus spécifiquement, nous cherchions à décrire les caractéristiques des femmes décédées pour causes maternelles, identifier les causes et les facteurs contributifs médicaux et non médicaux qui ont pu influencer les décès et dégager des recommandations pour promouvoir un environnement socioculturel et économique favorable à la santé maternelle.

Pour cela la méthode utilisée a été celle de l'autopsie verbale, une technique qui permet de déterminer les causes médicales du décès et de rechercher les facteurs personnels, familiaux ou dépendants de la communauté qui ont pu contribuer aux décès maternels.

Elle consiste à interroger les personnes qui possèdent des renseignements relatifs aux événements qui ont conduit au décès (par exemple, les membres de la famille, les voisins, les accoucheuses traditionnelles, les sages-femmes etc....). Cette méthode a l'avantage de fournir plus d'informations, de déterminer les entraves personnelles, familiales ou communautaires ayant empêché les femmes d'accéder aux services sanitaires et de donner un tableau plus complet des déterminants de la mortalité maternelle dans ce département.

C'est une étude qualitative rétrospective qui a porté sur 20 cas de décès maternels qui se sont produits dans le département de Bakel de 2003 à 2006. L'enquête s'est déroulée du 25 septembre au 25 octobre 2006. Au cours de laquelle 52 répondant(e)s des 20 femmes décédées ont été interviewé(e)s pour l'autopsie verbale, 36 prestataires de santé et 25 personnes issues de la communauté ont répondu aux guides d'entretien ce qui fait un total de 113 personnes. A l'issue de cette étude, nous pouvons retenir les points suivants :

-Les femmes décédées de causes liées à la grossesse et à l'accouchement sont d'un âge compris entre 14 et 45 ans. L'âge moyen au décès dans notre étude est de 26 ans et les âges extrêmes sont de 14 et 45 ans. Ces femmes sont analphabètes à 85%, ménagères à 65%, mariées pour 95% d'entre elles, rurales à 60%, majoritairement paucipares et multipares-35% -qui accouchent à domicile dans 68% et n'ont jamais fait de CPN dans 70 % des cas. Elles sont mortes le plus souvent dans les établissements de soins et après accouchement dans 70 % des cas et 20 pendant l'accouchement.

-Pour ce qui est des causes de décès maternels, 35 % les femmes de ce département mouraient de l'hémorragie, d'infections du post-partum dans 15% des cas, d'éclampsie (15%), de dystocie (10%) et d'avortement. Le paludisme (10%) et l'anémie sont les causes indirectes les plus souvent retrouvées associées aux causes directes. La cause directe de deux cas de décès est restée indéterminée.

-Les facteurs contribuant à la mortalité maternelle se situent au niveau communautaire (l'ignorance, analphabétisme, la pauvreté, statut faible des femmes, l'automédication et le traitement traditionnel, les croyances et les tabous, les travaux pénibles, accouchement à domicile, forte fécondité...) au niveau environnemental (enclavement, impraticabilité des routes, manque de moyen logistique, manque de moyen de communication), et au niveau sanitaire (manque de personnel compétent, retard d`intervention, attitude des prestataires, la qualité des soins...) , le tout sous-tendu par une insuffisance d'Information, Education et Communication (IEC).

La mortalité maternelle dépend donc d'une variété de facteurs aussi bien économiques, politiques et sanitaires que sociaux, culturels et biologiques qui mettent tous en danger la vie des femmes de nos pays. De ce point de vue, toute politique doit dépasser le seul cadre d'un programme vertical et s'inscrire dans un cadre plus global de politique multisectoriel et multidimensionnel intégrant tous les acteurs de la société sans discrimination et tenant compte de tous ces facteurs contributifs aux décès maternels.

A la fin de ce travail, nous ne prétendrons pas avoir relevé toutes les causes et les facteurs contribuant aux taux élevés de la mortalité maternelle dans ce département, mais nous avons essayé de contribuer à la connaissance du phénomène et d'apporter des éléments utiles à l'élaboration d'une stratégie d'action au niveau départemental ou local et régional en vue d'aboutir à l'amélioration de la santé maternelle.

«Le monde doit sauver les femmes, pour que les femmes sauvent le monde...»

Thoraya Obaid, Directrice Exécutive de l'UNFPA.

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41-Nations Unies (UN). (2000) -Rapport du comité plénier ad hoc de la vingt-troisième session spéciale de l'Assemblée générale, supplément no3, consulté en ligne sur le site : www.un.org/french/womenwatch/followup/beijing5/index.html, le 10 novembre 2006.

42-NOUIJAI Ahmed et al. -Les aspects démographique et socioculturels des facteurs de risques pour la santé de la population - CERED, Rabat, Maroc.

43-OMS. (1978) -Lay reporting of health information, Genève, Suisse, p : 27

44-OMS. (1986) -Mortalité maternelle soustraire les femmes à l'engrenage fatale. Chronique OMS, 40 (5), 193-202.

45-OMS. (1991) -Abortion :a tabulation of available data on the frequency and mortality of unsafe aborton, Genève.

46-OMS, UNFPA, UNICEF. (1997) -Lignes directrices pour la surveillance de la disponibilité et de l'utilisation des services obstétricaux, Genève.

47-OMS/FNUAP/UNICEF/Banque mondiale. (1999) -Réduire la mortalité maternelle : Déclaration commune des agences de l'ONU. Genève. Site consulté le 21/4/2006. 

http:// www.who.int/reproductivehealth/publications/mortalite_ maternelle/mortalite.

48-OMS, UNICEF, FNUAP. (2001)-Mortalité maternelle en 1995 : estimations de l'OMS, l'UNICEF et du FNUAP.

49-OMS. (2004) -Au-delà des Nombres : Examiner les morts maternelles et les complications pour réduire les risques liés à la grossesse, Genève.

50-OMS. (2005) -Donnons sa chance à chaque mère et à chaque enfant. Rapport sur la santé dans le monde Genève. 7 avril 2005. Consulté le 14/5/2005 au site : http://www.who.int /whr//fr.

51-PISON G. (1978) -Etudes démographiques dans la région du Sine Saloum, méthode d'enquête et premiers résultats. ORSTOM, Dakar, p: 55.

52- POST. M. (1997) - «Preventing maternal mortality through emergency obstetric care.» SARA issues papers. Academy for educational development, support for analysis and research in Afric project, Washington D.C.

53-Pr. Abdoulaye Bara DIOP. (1988) -Croyances et attitudes relatives à la grossesse, à la maternité et à la santé de la mère en Afrique, Séminaire CIE sur la réduction de la mortalité maternelle dans les pays en développement. Château de Longchamp Paris.

54-PR. Oumar FAYE. (2007) -Les réponses à apporter aux enjeux de la mortalité maternelle-dans Walfadji quotidien du 11 Août 2007. Consulté le 13 Août 2007 du site www. walf.sn.

54-Rapport semestriel 2006 de la région médical de Tambacounda. Août 2006.

55-REDUGE. (2001) -Ministère de la santé et de la prévention médicale, SARA projet, USAID.

56-ROYSTON E., ARMSTRONG S., eds. (1990) -La prévention des décès maternels. OMS, Genève.

57-SAKHO Papa. (2005) -Note marginalisation et enclavement en Afrique de l'Ouest, « l'espace des trois frontières » Sénégalais- Espace. Populations  Société -UST.Lille- France : pp.163-168.

58-SECK Cheikh. (2000) -« Programme triennal de lutte contre la mortalité maternelle dans le district de Tamba » mémoire CES de santé publique, ISED, code 9214.

59-SEN-ONU. (1999) -Bulletin du système des Nations Unies au Sénégal, N°3 Mai 1999,

pp 10

60-TABUTIN D. (1992)- «Transitions et théories de mortalité» in Hubert Gérard et Victor Piché (dir.), La sociologie des populations, Universités Francophones, UPELF/UREF, Montréal, Canada, pp. 257-288. site :doc.abhatoo.net.ma/doc/IMG/pdf/Appr-multi-chap6.pdf. Visité 12/12/2006.

61-UNFPA (2003)-La mortalité maternelle : les soins obstétricaux d'urgence en point de

Mire,consultée sur le site www.unfpa.org/publications le 15/02/2005.

62- UNICEF. (2001) -Maternal care : end-decade databases, consulté en ligne sur le site Internet suivant : www.childinfo.org/eddb/mat_mortal/index.htm, le 2/10/2005.

63-WALKER G.J. (1986) -Maternal mortality in Jamaica. Lancet, 1 (8479): 486-488.

64-WALRAVEN G. et al. (2000) -Maternal mortality in rural Gambia: levels, causes and contributing factors. Bulletin de l'OMS.

65-WYON John B. et GORDON John E. (1971) -The Khanna Study, population problems in the rural Pendjab. -Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 437p.

ANNEXES

I-QUESTIONNAIRE D'AUTOPSIE VERBALE

QUESTIONNAIRE DE L'AUTOPSIE VERBALE SUR LES CAUSES ET

LES FACTEURS FAVORISANTS DE LA MORTALITE MATERNELLE

DANS LE DEPARTEMENT DE BAKEL.

Instructions pour l'enquêteur : Présentez-vous et expliquez le but de votre visite. Dîtes que vous vous intéressez aux facteurs qui ont conduit à la mort. Demandez à parler à la personne qui était le soignant principal de la femme durant la maladie. Si ce n'est pas possible, arrangez un jour et une heure où vous pourrez revenir pour une nouvelle visite à ce foyer, quand cette personne sera à la maison.

SECTION I : Informations de références

Date de l'entrevue :.......................................................................................

Nom de l'enquêteur :......................................................................................

Nom du répondant :.......................................................................................

La langue utilisée :........................................................................................

Nom de la femme décédée :...............................................................................

Date de naissance :..........................................................................................

Date de décès :...............................................................................................

Age au décès : |__|__| ans (99 = inconnu)

Situation matrimoniale :....................................................................................

Profession :...................................................................................................

Ethnie :........................................................................................................

Nombre d'enfants :.........................................................................................

Nom du village :.............................................................................................

Nom du chef de ménage :..................................................................................

Lieu du décès :...............................................................................................

Cause déclarée du décès :

SECTION II : Recherche du meilleur répondant

1-Qui surveillait ou s'occupait de la femme avant son décès ?

2-Qui était avec elle au moment de son décès ?

3-Où était le mari s'il n'était pas mentionné ?

4-Les personnes ayant participées à l'entrevue ?

Nom

Rapport avec la femme

Présent au moment de l'entrevue

Quand ils ont rejoint /quitté l'entrevue

 
 

Maladie

décès

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

SECTION III : Origine du décès

J'aimerais commencer par obtenir des informations sur l'origine du décès de la femme.

1- Est-ce qu'elle est morte il y a longtemps ?

Jour / Mois |__|__| (99 = inconnu)

2- Quelle âge avait - elle quand elle est morte ?

|__|__| Ans (99 = inconnu)

3- Où Est-ce que le décès s'est produit ? .................................................................................

4- Est-ce que vous saviez la cause du décès ?

Oui non ne sait pas

5- Est-ce que vous avez un acte de décès ?

Oui non ne sait pas

6- Est-ce qu'elle avait des problème de santé avant son décès ?

Oui non ne sait pas

Si oui précisez : .................................................................................................

7- Est-ce qu'elle faisait un traitement ? Oui non ne sait pas

Si oui précisez :.......................................................................................................

8- Combien de co-épouses avait-elle dans ce mariage ? |__|__| (99 = inconnu)

9- Est-ce qu'elle a été à l'école (française ou coranique) ?

Oui non ne sait pas

Si oui précisez le plus haut niveau atteint :.........................................................

10- Quel âge avait son mari quand elle est décédée si elle est mariée ? |__|__| Ans (99 = inc. )

11- Est- ce que la femme avait déjà été enceinte (y compris grossesse avortée/fausse couche) ?

Oui non ne sait pas

12- Etait- elle enceinte quand elle est morte ?

Oui non ne sait pas

13- Combien de temps était- elle enceinte ? |__|__| Mois (99 = inconnu)

14- Combien de temps s'était-il déroulé après la fin de sa dernière grossesse avant qu'elle soit

morte ? Jour / Mois |__|__| (99 = inconnu)

15- L'enfant est-il vivant ? Oui non ne sait pas

16- Quel est son l'âge ? Jouir / Mois|__|__| (99 = inconnu)

17-Combien de fois elle a été enceinte au total ? |__|__| (99 = inconnu)

18-Combien de naissances vivantes est ce qu'elle avait ? |__|__| (99 = inconnu)

19-Combien encore de naissance est ce qu'elle avait ? |__|__| (99 = inconnu)

20-Combien d'avortements ou de fausses couches avait-elle faits ? |__|__| (99 = inconnu)

21-Quel était son âge à la première grossesse ? |__|__| (99 = inconnu)

22-Est ce qu'elle avait eu des complications lors de ses grossesses précédentes?

Oui ? non ? ne sait pas ?

Si oui, lesquelles : ..............................................................................

....................................................................................................

- dans quelles grossesses / accouchements :..............................................

23- Est-ce qu'elle avait fait une césarienne ?

Oui ? non ? ne sait pas ?

* Si oui, dans quelle grossesse ? |__|__| (99 = inconnu)

* Combien de temps avant sa mort ? |__|__| (99 = inconnu)

* Qu'elle était la raison (détails) :

..............................................................................................................

.............................................................................................................

24-Est-ce qu'elle (ou son mari) utilisait une méthode contraceptive pour éviter une

Grossesse ? Oui ? non ? ne sait pas ?

Si oui laquelle :.........................................................................................

SECTION IV : Le compte rendu de la famille sur les événements, la maladie et sur le décès de la femme :

Donnez-les une introduction qui explique que vous aimeriez qu'ils vous disent tout ce qui s'est passé: S'il vous plaît dites nous ce qui s'est passé depuis sa maladie jusqu'au décès.

(Instructions pour la personne qui conduit l'interview : Laissez l'enquêté vous parler de la maladie en ses propres mots. Ne faites pas d'autre suggestion que de demander s'il y a autre chose.S 'il vous plaît prenez des notes détaillées. S'il faut, continuez sur le dos de cette feuille ou ajoutez de nouvelles):

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

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...................................................................................................................................................

...................................................................................................................................................

...................................................................................................................................................

..................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

...................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

.....................................................................................................................................................

SECTION V : Les symptômes

1- Depuis quand elle est malade avant qu'elle ne soit morte ? |__|__| jours /mois (99 = inconnu)

2- Quels étaient les symptômes juste avant le décès ? ................................................................................................................................................. ................................................................................................................................................. .................................................................................................................................................

3- Quels étaient les symptômes quand la maladie a commencé ?............................................... ................................................................................................................................................

4- Quels autres symptômes avait-elle pendant sa maladie ?....................................................... ................................................................................................................................................

SECTION VI : Décès pendant le travail, la délivrance ou un an après

La délivrance.

1- Où est-ce que la délivrance a eu lieu ?.....................................................................

2- Qui l'a aidé à la délivrance ?...................................................................................

3- Quelle sorte de délivrance c'était ?

- normale

- instrument utilisé

- césarienne

- ne sait pas .

4- De combien de mois était-elle enceinte quand le travail a commencé ?

|__|__| (99 = inconnu)

5- Est-ce qu'elle était en bonne santé quand le travail a commencé ?

Oui non ne sait pas

6- combien de temps a duré le travail ? (en heure) |__|__| (99 = inconnu)

7- Est-ce qu'elle était morte avant que le bébé ne soit né 

Oui non ne sait pas

8- Est ce qu'elle avait d'autres maladies pendant la grossesse, la délivrance, ou après la délivrance.

Oui non ne sait pas

Si oui, précisez :.............................................................................

.................................................................................................

.................................................................................................

.................................................................................................

SECTION VII : Pour tous les décès : Les comportements et les facteurs contribuants en relation avec la santé.

1- Entre la maladie et le décès est-ce que la femme a cherché à se soigner ou est-ce qu'elle a consulté quelqu'un pour traitement ?

Oui non ne sait pas

2- Où est-ce qu'elle est allée se soigner ?................................................................................

3- Est-ce qu'elle est allée voir quelqu'un d'autre ?

Oui non ne sait pas

Remplissez le tableau.

Lieux de soins

Spontané

Incité

Dispensaire

 
 

Centre de santé

 
 

Hôpital

 
 

Docteur privé

 
 

Pharmacien

 
 

Marabout

 
 

Tradipraticien -Guérisseur

 
 

Herboriste

 
 

Accoucheuse traditionnelle

 
 
 

4- Est ce que vous l'avez vue consultez un marabout ou guérisseur traditionnel ?

Oui non ne sait pas

5- Est-ce qu'elle est allée voir quelqu'un d'autre qu'on a pas cité en haut ?

Oui non ne sait pas

6- Qui a été impliqué dans la prise de décision initiale que la femme devait allait se traiter 

..........................................................................................................

7- Qui l'a incitée à faire un traitement ?

.................................................................................................................

8- Une fois que la décision prise de l'envoyer pour soin, est-ce qu'elle est allée immédiatement ? Oui non ne sait pas

9- Si non pourquoi ?

10- Comment était le délai ?

...............................................................................................................

11- Est ce qu'il a été difficile de trouver les fonds pour l'envoyer au traitement ?

Oui non ne sait pas

12- Qui a payé les fonds pour le traitement ?..............................................................................

13- Une fois la décision a été prise :

a) Comment est-elle arrivée là-bas ?

............................................................................................................

b) Combien de temps a duré le trajet ? |__|__| heures / jour s (99 = inconnu)

Centre 1

Centre2

Centre 3

|__|__| heures (99 = inconnu)

|__|__| heures (99 = inconnu)

|__|__| heures (99 = inconnu)

 

c) Si par voiture, pirogue, charrette ou autre chose.....................................

Est-ce que vous devez payer et qui a payé ? ........................................

d) Une fois arrivé, combien de temps avez-vous attendu avant qu'elle soit examinée ?

|__|__| minutes / heures (99 = inconnu)

e) qui est ce qui l'a reçue ?.......................................................................................................

f) qu'est-ce qu'ils ont fait ?.......................................................................................................

g ) qu'est-ce qu'ils vous ont dit ?...............................................................................................

h) Combien avez vous payé ?.....................................................................................................

i) Vous ont-ils demandé d'allez acheter quelque chose ? Oui non ne sait pas

Si Oui, quoi ? ............ Combien a été dépensé ? ................qui a payé ?.........................

j) Est-ce qu'ils l'ont renvoyé vers un autre centre ?

Oui ? non ? ne sait pas ?

Si oui préciser : .............................................................................................

Si non pourquoi : ............................................................................................

k) Est-ce que vous êtes allés ?

Si Oui ? combien de temps pour aller là- bas ?.........................................................................

Si non, pourquoi ?.......................................................................................................................

l) Qu'est-ce que vous avez fait ensuite ?......................................................................................

14- Est-ce qu'elle allait au CNP pendant sa grossesse 

Oui ? non ? ne sait pas ?

Si non pourquoi :.............................................................................................

15- Combien de fois ? |__|__| (99 = inconnu)

16- Est-ce qu'elle a un carnet de soin ?

Oui ? non ? ne sait pas ?

17- Est-ce qu'elle a choisi un lieu pour l'accouchement ?

Oui ? non ? ne sait pas ?

18- Est-ce qu'elle est allée soigner autre chose à part les CNP ?

Oui ? non ? ne sait pas ?

Si oui préciser :..............................................................................................

19- Qui est-ce qu'elle voyait ?

-sage femme ?

-infirmière/accoucheuse traditionnelle ?

-docteur ?

-marabout ?

-guérisseur ?

-autre ? précisez :......................................................

20-Pourquoi était-elle allée là- bas ?

.......................................................................................................

Arrêter l'entrevue, remercier le répondant et passer à la dernière section

DERNIERE SECTION :

L'enquêteur : s'il vous plait écrivez ici votre commentaire sur le processus total d'entrevue et votre observation.

1 - Problèmes rencontrés ? (Meilleur répondant)

2 - coopération des membres de la famille et des autres ?

3 - Vos commentaires ?

4-Signature :-------------------------------------------------------------

II-GUIDES D'ENTRETIEN

GUIDE D'ENTRETIEN

Ce guide d'entretien a été réalisé dans le cadre de l'élaboration d'un mémoire de maîtrise de l'IPDSR qui s'intitule ? Mortalité maternelle dans le département de Bakel : Causes et facteurs favorisants déterminés par autopsie verbale ?.

POUR LE PERSONNEL DE SANTE

1- IDENTIFICATION

Nom de la structure :

Nom :

Prénom :

Profession :

2- QUESTIONS

1- Quels sont les principaux problèmes de santé de la reproduction ?

2- Quelles sont les différentes complications obstétricales rencontrées ?

3- Quelles sont les causes principales de la mortalité maternelle ?

4- Et les facteurs socioculturels ?

5-Les facteurs environnementaux ?

6-Les facteurs liés au système de santé ?

7-Les stratégies pour améliorer la santé maternelle  et réduire la mortalité maternelle?

GUIDE D'ENTRETIEN

Ce guide d'entretien a été réalisé dans le cadre de l'élaboration d'un mémoire de maîtrise de l'IPDSR qui s'intitule ? Mortalité maternelle dans le département de Bakel : Causes et facteurs favorisants déterminés par autopsie verbale ?.

POUR LES FAMILLES ET LEADERS

1- IDENTIFICATION

Nom de la structure :

Nom :

Prénom :

Profession :

2- QUESTIONS

-Quels sont les problèmes de santé que rencontrent les femmes ?

-Quels sont les problèmes rencontrés par les femmes enceintes ?

-Quelle perception avez-vous des structures de santé ?

-Quelles sont les difficultés que vous-y rencontrez ?

-Quelle est la qualité des services qui y sont offerts ?

-Qu'est qu'il faut faire pour améliorer la santé maternelle  et réduire la mortalité maternelle?

III- TABLEAUX STATISTIQUES

Tableau 1: Répartition selon la parité

Parité

Nombre

Primipare

3

Pauci pare

7

Multipare

3

Grande multipare

7

Total

20

Tableau 2  : Distribution selon l'ethnie

Ethnie

Nombre

Soninké ou Sarakolé

9

Peul

7

Bambara

2

Maure

1

Mandingue

1

Total

20

Tableau 3 : Distribution Selon la résidence

Résidence

Nombre

Urbaine

08

Rurale

12

TOTAL

20

Tableau 4 : Distribution Selon la profession

Profession

Nombre

Ménagère

13

Vendeuse

06

Sans profession

01

TOTAL

20

Tableau 5 : Distribution Selon la profession

Profession

Nombre

Ménagère

13

Vendeuse

06

Sans profession

01

 
 

Tableau 6 : Distribution Selon le niveau d'instruction

Niveau

Nombre

Sans instruction

17

Primaire

3

Secondaire

00

Supérieur

00

Total

20

Tableau 7 Distribution selon la saison

Saison

Nombre

%

Saison sèche

6

30

Saison des Pluies

14

70

Total

20

100

Tableau 8 : Distribution Age à la 1 ère grossesse

Age

Nombre

14

04

15

01

16

04

17

01

18

06

NSP

04

Total

20

Tableau 9 : Distribution selon les Antécédents obstétricaux

Antécédents obstétricaux

Nombre

OUI

09

Non

11

Total

20


IV-CAS D'AUTOPSIE VERBALE

« C'est lorsqu'elle a accouché et qu'elle s'est évanouie qu'on m'a mis au courant. Comme j'ai une voiture je l'ai amené à l'hôpital vers 20 h. Arrivée là bas elle a été admise dans la salle d'accouchement nous nous avons attendu dehors. Un moment après la matrone Fanta SYLLA est venue nous dire que le placenta qui restait est sorti actuellement elle est sous perfusion. C'est la nuit qu'elle s'est réveillée, elle demandait à boire, à boire à chaque instant. Nous avons passé cette nuit là comme ça. Le samedi elle a commencé à donner du sein à son bébé, c'était des jumeaux mais le deuxième est décédé le jour de l'accouchement.

Le dimanche elle m'a dit de l'acheter de nouvelles chaussures car elle a commencé à marcher petit à petit. J'ai acheté beaucoup d'ordonnance car chaque docteur qui vient inscrit une ordonnance. J'ai acheté des gangs, des pommades, des bouteilles de perfusion (10 bouteilles). Sa santé s'est améliorée jusqu'à lundi. La sage- femme a dit qu'elle pourrait même sortir le mardi si tout va bien. Elle a dit d'acheter de la viande pour qu'elle puisse avoir de la force. C'est vers 16 heures qu'elle avait mangé la viande plus des oeufs. Tout à coup elle est retombée dans un état de choc.

Elle disait « donner moi de l'eau, mon ventre est entrain de brûler), elle s'agitait et criait de douleur. Elle a passé la nuit dans cet état. Mardi matin j'étais parti appeler 3 fois le Dr G. Thiam pour qu'il vienne voir ma belle fille qui souffrait depuis lundi soir. C'est la quatrième fois qu'il est venu. Il a pris les gangs et il a fait sortir du ventre de ma belle -fille un sang noir comme cette batterie (il désignait une vieille batterie qui gisait au sol). Après il a dit que c'était l'effet de ce sang noir qui l'empêchait de se sentir mieux. Mais rien, pendant toute la journée du mardi et la nuit elle criait, elle n'a pas dormi. Le mercredi matin j'ai vu un ami docteur Tapha qui est venu, il a tout de suite appelé les autres agents qui sont venus. Ils vont et viennent, ils ont inscrit des ordonnances mais sans succès. C'est vers 16 heures qu'ils m'ont dit de l'amener à Tamba car eux ils n'en pouvaient plus rien. En ce moment j'ai su que c'est fini pour Salamata sauf Dieu pouvait maintenant la sauver. On s'est préparé, ils ont cherché un chauffeur et une ambulance, ils nous ont dit de payer le prix du gasoil (32 500F). Nous avons quitté l'hôpital vers 19 h moins, nous avons prix le gasoil à une station. Après au lieu d'aller directement, le chauffeur qui est de Bakel est allé garer la voiture devant sa maison il est rentré la dans. Nous avons attendu presque 1 heure avant qu'il ne sorte. Moi j'étais dans l'ambulance je tenais la bouteille de perfusion par ma main droite, l'autre je la posais sur la femme. Lorsque nous sommes partis, le chauffeur s'est arrêté à Kidira pour dîner. Il a fait une commande de viande fraîche à la dibiterie, qui a été grillée et servie. Il a mangé à son aise. J'étai tellement fâché que si ma voiture était là j'allais abandonner cette ambulance pour aller directement à Tamba. Il ne se souciait pas de la vie de ma belle-fille en danger de mort. C'est vers 22 heures que nous avion quitté Kidira pour arriver à Tamba vers 1 heure du matin le médecin a inscrit une ordonnance à acheter. Quand je partais la sage-femme m'a dit de payer 20 000 F pour qu'elle surveille la femme pendant le reste de la nuit. Je lui ai donné 5 000 F dans le désespoir, et lui ai dit d'attendre le matin pour les 15 000 F qui restaient. J'ai acheté une partie de l'ordonnance (61 000 F) dans l'hôpital. On lui a fait une piqûre et mise une bouteille de sang. Moi je suis sorti de l'hôpital pour acheter le reste de l'ordonnance. A mon retour, j'ai trouvé qu'elle est décédée. Le matin j'ai prêté 40 000 F à des amis à Tamba pour faire l'enterrement et les funérailles à Tamba. J'ai voulu amener le corps à Bakel mais tout mon argent est fini. Ce que j'ai dépensé, faisait plus de 400 000 F tout cela dans l'espoir qu'elle vive ».(Beau-père d'une victime -Darou Salam-Bakel)

IV- DISTRICT SANITAIRE DE BAKEL

* 1 - Fred SAI, ancien président de la Fédération internationale du Planning Familial a parlé de la mortalité maternelle à l'ouverture de la conférence, « Saving lives : skilled attendance at childbirth », qui a eu lieu en Tunisie du 13 au 15 novembre 2000.

* 2 -Yakharou nkouré désigne l'armée des femmes pour montrer le sacrifice des femmes pendant les accouchements. Elles sont engagées dans une guerre meurtrière pour donner la vie.

* 2 -Cette femme a accouché seule à terre dans le poste de santé après que la sage -femme qui dormait ait refusé de venir l'assister pendant son accouchement.






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault