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Le féminisme islamique: l'islam "au féminin"-dessous sociologiques et historiques d'un mouvement féministe pour une nouvelle lecture du Coran.

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par Nejwa El Kettab
Université de Picardie Jules Verne - Master 1 recherche sociologie 2012
  

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A/- CONSTITUTION ET REPRESENTATION DU FEMINISME ISLAMIQUE

1/-LE FEMINISME ISLAMIQUE : UN MILITANTISME CONTRE LA DOMINATION MASCULINE...

L'Ijtihad :

Il est important de se pencher sur le concept de l'Ijtihad car il est au coeur de la logique du féminisme musulman, en effet c'est un concept qui va au delà de la simple optique de réinterpréter le Coran en vue d'améliorer la condition féminine mais il désigne une lecture appliquée et savante des écrits religieux.

En arabe ce terme signifie « l'effort de réflexion » c'est-à-dire ici s'évertuer à lire et interpréter le Coran et tous les textes relatifs à la religion musulmane. C'est le propre des savants et des érudits musulmans pour interpréter les textes fondateurs de l'Islam et en déduire un droit musulman régissant les actions des individus (distinguer ce qui est interdit de l'autorisé).

Ce terme fut d'abord attribué aux premiers savants et philosophes musulmans qui s'efforçaient de donner un sens juste et rationnel du droit divin. L'Ijtihad est permis à tout savant musulman ayant atteint un haut degré de savoir approuver par les maitres l'ayant précédé3.

C'est dans cet état d'esprit que les femmes militant pour les droits des femmes en terre d'Islam s'appuient sur une ancienne tradition intellectuelle musulmane qui accepte une lecture éclairée des écrits sacrés. L'engagement féministe musulman illustre un renouveau islamique uniquement par le biais d'un intérêt tout particulier pour la condition féminine.

Le féminisme musulman entre donc dans ce qu'on appelle la réforme musulmane. De nombreux intellectuels musulmans4 se sont engagés dans des débats et des dialogues, notamment sur le Coran et sur des questions telles que l'Islam et la démocratie, l'Islam et les droits humains et Islam science et philosophie. C'est donc un mouvement de réforme plus large au sein de l'Islam aujourd'hui mais qui n'est pas accepté par toutes les communautés.

3 On peut prendre l'exemple du célèbre sociologue et philosophe musulman Ibn Khaldoun ( 1332-1406), auteur de la « Muqaddima » , essai qui fonde l'Histoire comme discipline positive.

4 Abdulkarim Soroush, Mohsen Kadivar, Hassan Yousefi- Eshkevari, ...

Le droit musulman établi et approuvé aujourd'hui étant le fruit de l'Ijtihad , il est donc légitime d'appliquer cette lecture savante dans l'optique d'atteindre une égalité des sexes et une amélioration du statut et de la place de la femme musulmane.

Les initiatrices de ce qui allait s'appeler « féminisme islamique » menaient donc un nouveau tafsir5 et « cherchaient dans les écritures des réponses aux questions de genre, ainsi qu'aux questions d'égalité et de justice »6.

Ainsi, ces femmes établissent une distinction entre ce qui relève du culturel et ce qui relève du religieux. De tout temps l'instrumentalisation de la religion par les groupes dominant a servi à perpétrer une domination quelconque sur une population donnée, c'est un état de fait universel. À partir de ce constat, la lutte pour la libération des femmes et leur émancipation devient une prérogative contre toute forme d'oppression quelque soit le milieu ethnique ou social. Le féminisme islamique accompagne donc cette vague de réformes en symbiose avec le contexte mondial de la promotion des droits de l'Homme ; mais avec comme spécificité ici de respecter l'identité religieuse.

5 Explication, interprétation

6 Page 53 par Margot Badran dans « Existe t-il un féminisme musulman? » l'Harmattan.

Prolifération et renforcement de ce mouvement:

La question de l'émergence du féminisme islamique a suscité de nombreuses recherches sociologiques mettant en évidence l'idée que ce sont les premières discours féministes à base théologique qui ont rencontré un tel écho et ayant attiré des femmes de milieux sociaux aussi divers7.

Suite à un entretien avec Julien Beaugé8 à l'Université de Picardie Jules Vernes j'ai pu accéder à un certains nombres d'articles traitant de la question du féminisme islamique, en particulier dans sa constitution tout au long de l'Histoire et l'enjeu mondial que représente ce mouvement dans sa diversité. Un des articles les plus riches en informations dont Julien Beaugé a fait l'analyse pour la revue La Découverte9 , est celui de Stephanie Latte Abdallah s'intitulant « Le féminisme islamique» publié dans la revue critique internationale.

Stephanie Latte Abdallah est chercheure a l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM-CNRS) à Aix-en-Provence Historienne et politologue, elle s'est d'abord spécialisée sur la question des réfugiés palestiniens, du genre, de l'engagement et des féminismes au Proche-Orient, et travaille également sur le lien entre images et politique sur le conflit palestinien.

L'intérêt de cet article et des travaux de Stephanie Latte Abdallah se traduit par l'analyse historiquosociologique que fait l'auteure de ces mouvements féministes nous permettant ainsi de comprendre que au delà de ces revendications féministes ces femmes tentent d'imposer leur place dans divers sphères de l'espace publique.

Si on se penche sur l'article « Le féminisme islamique », l'auteure aborde cette étude à travers une première partie s'intitulant « Engagements féminins et ordre traditionnel ~ en se référant a l'étude de Shaikha Saida et Maggy Grabundzija au Yémen, l'auteur nous rappelle qu'au niveau de la répartition du pouvoir entre hommes et femmes peut se traduire par le concept d'honneur. En effet, les femmes peuvent user d'un pouvoir limiter a un pouvoir de « conciliatrices » dans certaines sociétés lorsque celles-ci bénéficient d'une certaine respectabilité dans leur milieu social, un respect qu'on leur voue uniquement si elles respectent les règles de conduites et les valeurs auxquelles elles

7 « Ou en est le féminisme islamique? » par Margot Badran

8 Julien Beaugé est ATER au CURAPP (Centre Universitaire de Recherches sur l'Action Publique et le Politique, Epistémologie et Sciences Sociales) de l'Université Picardie Jules Verne à Amiens.

9 Des engagements féminins au Moyen-Orient (xxe-xxie siècles)

Un dossier de la revue 'Le mouvement social' (La Découverte, n°231, avril-juin 2010) par Julien Beaugé

doivent répondre. Bien que limité, ce pouvoir leur permet d'agir indirectement dans des situations de conflits sociaux (tel que divorce etc.) ; elles ne peuvent être juge mais on leur reconnait un certain « sens de la justice ».

Cependant s'agissant du cas de la Palestine ( étant un terrain de recherche majeur dans les travaux de notre auteure), ce concept de l'honneur va même plus loin, en effet dans le contexte de l'occupation israélienne, les femmes incarcérées sont en majorités soupçonnées d'avoir été violées par les soldats israéliens ou l'étaient effectivement : d'abord soumises a une déconsidération par leur « déshonneur sexuel » , ces femmes sont devenues ensuite le symbole du « martyre » dans un contexte de lutte national pour la libération de leur terre, elles usent ainsi de ce rôle pour légitimer leur combat ( a l'intérieur même des prisons) nationaliste pour la cause palestinienne.

Ensuite l'auteur se penche sur le charisme religieux dont bénéficient certaines femmes (en Iran, en Egypte,...). Un charisme au sens wébérien qui leur permet de légitimer leur pouvoir, leur influence au sein des groupes religieux mais aussi sociaux. Nous avons l'exemple du « leadership religieux féminin » à Damas au sein du cercle Qubaysiyya issu d'une confrérie Soufie (confrérie musulmane répandue dans cette région).

S'agissant du charisme religieux l'auteure cite l'exemple du personnage d'Umm Irini érigée en sainte martyre, dont la biographie témoigne d'un véritable pouvoir religieux qu'elle a su imposer dans le monachisme féminin copte10. Cette question du charisme religieux se pose de manière plus accentué dans le milieu des da'iyat11 en Egypte, ce sont des groupements féminins dans les mosquées en perpétuelles activités et qui regroupe de plus en plus de femmes ayant un capital culturel assez imposant (études théologiques ou universitaires). Des groupements qui tendent à s'institutionnaliser et faisant de plus en plus l'objet de contrôle de l'État Égyptien. On voit bien ici que ces femmes s'appuient sur un charisme religieux pour légitimer leurs discours et donner une valeur religieuse sacrée à leur engagement afin de se faire entendre.

D'un point de vue plus général concernant la région des pays arabes de l'Afrique de l'Ouest et d'une partie de l'Asie orientale: On a assisté à des bouleversements sociaux qui ont affectés les femmes depuis une trentaine d'années expliquant l'émergence de ces mouvements revendicatifs et cette volonté organisée d'agir : la scolarisation de masse, l'accès a l'emploi, l'élévation de l'âge au mariage, etc.

10 Communauté chrétienne en Egypte

11 Savantes et religieuses musulmanes d'Égypte issues principalement de la classe moyenne de plus en plus imposante au Caire.

C'est cette capacité de tenir un discours religieux savant, crédible se référant a une exemplarité religieuse qui donne une valeur à leurs revendications. Ces femmes usent de leur savoir mais aussi d'une voix sacrée dans ces milieux sociaux qu'elles arrivent a atteindre certaines masses et légitimer leurs actions. C'est le recours a la religion de manière plus savante qui assoie leur place et leurs discours. Ainsi au delà de leur lutte pour l'égalité ces femmes prouvent continuellement leur capacité d'agir dans l'espace publique et d'entretenir une image charismatique.

L'auteure se réfère a l'étude de S.Nehoua expliquant la « salafisation > de la classe moyenne égyptienne ou par le « puritanisme > constaté par C.Mayeur Jaouen de la société égyptienne. On remarque ici un retour à des valeurs religieuses comme un moyen « incontestable > de défendre ses intérêts.

Dans une autre partie s'intitulant « Les espaces des engagements féminins ~, l'auteure (en se référant également aux travaux de Leyla Dakhli12) met en avant l'approche sociologique utilisée pour l'étude des mondes musulmans (dans ces pratiques, ses symboles, etc.) et ainsi rompre avec l'ethnocentrisme qui a tendance a offrir une image jonchée d'aprioris s'agissant de cet objet d'étude.

On comprend que le socle commun de ces engagements féministes c'est le fait qu'ils font tous face à une même problématique : En effet, qu'elles soient musulmanes, juives ou orthodoxes, elles revendiquent toutes l'accès a l'espace publique, avoir main mise sur des décisions publiques : Un espace traditionnellement monopolisé par les hommes. Pour résumer leur attentes, on peut se référer à l'analyse de Julien Beaugé dans laquelle il cite une juive orthodoxe qui déclare : « Parler en public, prendre des responsabilités, c'est féministe (...) Nous les femmes religieuses ne souhaitons pas annuler toutes les obligations mais en déplacer les limites. >.

Ainsi, on comprend que ces femmes ne se détachent pas des limites que leur impose la religion mais elles considèrent que l'émancipation ne va pas a l'encontre de leur religion respective. Cependant, Stephanie Latte Abdallah nous apprend que l'étiquette « féministe > est rejetée, réfutée par certaines femmes engagées( notamment par les daiyat égyptiennes) ce qui rend la question de leur engagement quelque peu ambigüe. C'est en ce sens qu'il serait plus judicieux de parler d'engagement féminin au lieu de « féministe > si on veut englober la totalité de ces mouvements, mais ce qui rend cette « solution > sujette à caution est le fait que certaines femmes se revendiquent comme étant féministes.

12 Leyla Dakhli est agrégée et docteure en histoire, spécialiste du Moyen Orient contemporain. Elle a

soutenu en 2003 une thèse sur les intellectuels syro-libanais dans la première moitié du vingtième siècle.

En ce sens, si on continue notre analyse de l'espace « arabe »13 il serait important de noter ici que ces mouvements féminins sont nés de mobilisations nationalistes contre les forces coloniales.

Il s'agit donc d'une mobilisation historique et politique. Des femmes religieuses ou non, engagées politiquement et se positionnant sur différents terrains revendicatifs constitue la raison pour laquelle le terme « féministe » serais assez réducteur. Leur engagement est multiple : qu'ils s'agissent d'une lutte nationale (mouvements de libération nationale palestinienne par exemple), d'une prise de positions publiques, de revendications féministes, etc.... Ces femmes se placent dans un cadre beaucoup plus large. D'oi le terme judicieusement choisi par Stephanie Latte Abdallah et Leyla Dakhli qui est celui « des espaces ~ d'engagements et non « de l'espace » au singulier. Ceci rend la question de l'engagement féminin au Moyen Orient une thématique qui dépasse l'enjeu féministe pour l'égalité mais devient un engagement multidimensionnel.

Cette analyse nous amène à réfléchir sur la notion même de « féminisme islamique », serait t'il plus judicieux de parler « d'engagements féminins »? De plus si on prend en compte le contexte idéologique d'aujourd'hui on remarque que l'association de ces deux termes : « Féminisme » et « Islamique » peut être considéré comme une aberration, le premier étant considéré comme purement occidental et opposé à la culture islamique et le deuxième viendrait soutenir ce « paradoxe ». Ceci dit il existe un réel militantisme contre la domination masculine qui commence par une réinterprétation des textes religieux s'agissant du coran ou des hadiths (les paroles du prophète Mahomet); et c'est une lutte qui s'est institutionnalisée et à donner naissance à des groupements de femmes se disant « féministes musulmanes ».

Revendication de l'égalité et de leur spécificité religieuse:

Contre le discours euro-centrique homogénéisant, le féminisme comme tout autre mouvement social se forme en prenant en compte les différences ethniques, nationales, religieuses, de classe, propre à chaque culture. Ainsi le féminisme ici est transposé dans un contexte différent de celui de l'Occident a savoir au monde musulman avec d'autres attentes, d'autres préoccupations et soutenue par une Histoire et un passé différent. C'est ainsi qu'il serait inapproprié de comparer le féminisme européen laïque au féminisme islamique.

13 Palestine, Egypte, Algérie, Maroc...

Paula el Khoury expose les principales revendications des féministes musulmanes dans un article s'intitulant « Le féminisme islamique aujourd'hui » 14, en effet parmi les plus importantes revendications des féministes musulmanes, on apprend qu'elles revendiquent un retour a la Shura désignant une assemblée communale fonctionnant autour d'un pouvoir délibératif ; elles dénoncent également la polygamie, le droit a l'héritage, la valeur du témoignage féminin en justice, etc.

Elles revendiquent même le droit de décréter des fatwa (édits religieux). L'auteure cite ici Amélie Le renard (ayant fait sa thèse sur les femmes citadines de la ville de Riyad en Arabie saoudite) qui nous dit que les féministes en Arabie » saoudite opposent « l'islam émancipant aux coutumes sociales retardataires ~. L'auteure se réfère aussi au code de la famille mis en place au Maroc en 2004 fondé sur la Shar'ia (lois islamique) visant a promouvoir les droits de la femme et répondre aux attentes des groupes féministes au Maroc.

Amira Sonbol, professeur de l'Histoire de l'Islam a l'Université de Georgetown a démontré l'influence du modèle étatique rationnel européen sur l'oppression des femmes, ainsi ce modèle a participé a l'accentuation de la discrimination subit par les femmes dans les pays musulmans. En effet la déstructuration du cadre traditionnel de vie dans les pays anciennement colonisés a participé à la dégradation de la situation des femmes dans ces régions concernées. C'est en ce sens qu'un certains nombres d'intellectuelles engagés pour la cause féministe revendiquent une spécificité ethnique et religieuse comme étant le fondement de l'égalité et de la justice sociale entre les sexes.

14 « Le féminisme islamique aujourd'hui », Critique Internationale, n° 46, 2010.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard