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L'intégration républicaine à  l'épreuve du lien communautaire: l'exemple des migrants Chinois

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par Romain Hem-Reun
Institut régional du travail social Paris Parmentier - Diplôme d'état d'assistant de service social 2011
  

Disponible en mode multipage

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Table des matières

I. Introduction 1

II. Démarche Méthodologique 7

A. J'immigre donc je suis 8

1. Qui émigre et pourquoi ? Trois origines principales des migrants chinois 9

a) Wenzhou : une immigration historique organisée 9

b) Chaozhou : les « boat people » des années 1970 9

c) Dongbei : une immigration précaire et isolée 10

2. Typologie des parcours migratoires : 3 types 12

a) La voie directe 12

b) La voie parachute 13

c) La voie « Pa Shan » 13

3. La relation parents/enfants dans le projet migratoire 14

a) Le confucianisme et la piété filiale 15

b) La nécessité du lien filial 16

c) Aspirations individualistes 17

d) La position des jeunes migrants 17

4. Condition de vie en France 18

a) La langue, facteur de vulnérabilité 18

b) Quand la communauté rend vulnérable 22

B. Le processus d'intégration des migrants chinois : une collaboration entre l'espace communautaire et l'espace républicain 26

1. Point de vue psychologiques et sociologiques sur la migration 26

a) Le point de vue de la psychologie 26

b) Le point de vue de la sociologie 27

2. L'intégration ? Quelle intégration ? 30

a) Le modèle d'intégration républicain 30

b) Le modèle d'intégration républicain en débat 31

c) Le processus d'acculturation 32

3. Organisation des institutions et des associations 33

a) Comment s'organise l'Etat pour l'intégration des migrants chinois ? 33

b) Le travail des associations 39

III. Problématique 45

IV. Outils de vérification 46

V. Conclusion 47

L'intégration républicaine à l'épreuve du lien communautaire :

L'exemple des migrants chinois

I. Introduction

La thématique de départ a connu une certaine évolution au fil des lectures, des entretiens et de la consultation des diverses sources documentaires que j'ai eu l'occasion d'examiner pour affiner mon choix de réflexion. Ce choix s'est tout d'abord porté sur la notion de « communautarisme ». Ce thème suscite mon intérêt car il semble cristalliser les principales peurs de nos sociétés occidentales. A 32 ans, je fais partie de ce que l'on appelle la «  Génération Mitterrand ». J'ai en effet grandi dans les années 80 et 90. Une période de notre histoire où les identités communautaires se sont particulièrement affirmées. Les premiers germes de la crise économique, apparaissent à cette période et tendent à crisper les identités culturelles vers un repli sur soi. Ainsi nous voyons poindre des associations antiracistes telles que «  SOS Racisme » ou le «  Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples » en 1983 et 1984 suite à la première manifestation nationale antiraciste qu'on a appelée «  la marche des beurs ». J'ai donc été imprégné, durant mon enfance, d'une culture prônant la tolérance face à l'intolérance. Parallèlement à ces valeurs, un autre mouvement crée en 1972 connait une forte croissance, le Front National. C'est en effet en 1982 que ce parti nationaliste aux valeurs fondées sur la «  préférence nationale », fait une percée aux élections cantonales de Dreux surprenant le monde politique. Cette ville a été le terreau d'un débat idéologique qui n'a fait que se développer depuis. Ayant vécu dans cette ville durant 15 ans, je pense que ces questionnements identitaires m'ont accompagné tout au long de mon parcours jusqu'aujourd'hui.

Depuis le début de ces années 80, la question de l'intégration des personnes migrantes est une problématique récurrente. Les communautés ont affirmé leur lutte pour une reconnaissance au sein de la République (revendication du droit de vote aux étrangers, création de mouvements antiracistes). En 2010, le débat est toujours d'actualité, notamment avec la résurgence soudaine de «  la question Roms » et le débat ouvert par le ministre de l'immigration fin 2009 sur l'identité nationale ou la possibilité de déchoir la nationalité française d'une personne naturalisée depuis moins de 10 ans. Sur la scène politique et sociale, si la discussion est âpre, c'est qu'elle représente une évolution d'une question sociale qui touche aux bases de l'idéologie républicaine française et de son universalisme. C'est aussi parce qu'elle touche aux passions identitaires et à la reconnaissance, ou non reconnaissance, des origines diverses de la population vivant sur le territoire français. La question de l'intégration des personnes migrantes est donc une question sociale importante voire essentielle pour une cohésion sociale nationale.

Dans ce travail, je souhaite questionner le travail social communautaire qui apparaît comme un élément clé du processus d'intégration des personnes migrantes. C'est en effet à travers le prisme des actions associatives communautaires que ma recherche prendra sens.

Il apparaît important lorsque l'on choisit de travailler une thématique, ici le fait communautaire, d'en définir les contours et explorer ce qu'il recouvre. Ainsi, je ne peux faire l'économie d'une définition qui accompagnera ce mémoire de recherche jusqu'à son terme et qui représente le pendant de l'intégration, le communautarisme. En essayant de clarifier ce terme obscur, je m'aperçus que sa définition n'était, dans mon esprit, pas aussi limpide et allant de soi qu'elle en avait l'air. Le terme est en effet teinté d'une certaine opacité, restant pour la conscience collective un mot générique péjorativement connoté. Je découvris au cours de mes recherches que ce terme, bien que massivement utilisé par les médias d'informations, ne s'est vu attribué une place dans le «  petit Robert » qu'en 2004, et que 2 ans auparavant il était encore absent de tous dictionnaires de langue française. Aussi, selon une recherche menée par le sociologue Fabrice Dhume1(*), ce mot est quasiment absent du discours journalistique sur la période 1983-1994 (le terme faisant l'objet de 2 dépêches AFP par an en moyenne), tandis que sur la période 2002-2005, la moyenne d'utilisation du terme explose (218 dépêches AFP par an en moyenne). Pour Pierre-André Taguieff  le terme communautarisme « désigne, avec une intention critique, toute forme d'ethnocentrisme ou de sociocentrisme, toute autocentration de groupe, impliquant une autovalorisation et une tendance à la fermeture sur soi, dans un contexte culturel dit « postmoderne » où l'« ouverture » , et plus particulièrement l'« ouverture à l'autre » , est fortement valorisée2(*) » . Le communautarisme est alors présenté comme un contre-modèle d'intégration, une figure symétriquement opposé au modèle républicain d'intégration.

La définition du communautarisme prend son sens au regard de la population sur laquelle j'ai choisi de focaliser mes recherches ainsi que des idées reçues que l'inconscient collectif lui porte. J'ai en effet décidé d'étudier le rapport à l'intégration de la population chinoise. Jusqu'à une période récente, l'immigration chinoise ne posait pas de problème à la société française qui l'observait comme discrète et économiquement bien intégrée. On la considère parfois comme une communauté étrangère « idéale » car perçue comme calme et autorégulée. De nos jours, la communauté d'origine chinoise en France peut être évaluée à 600 000 ou 700 000 personnes dont 60% en Ile-de-France d'après Pierre Picquart, docteur en géopolitique et auteur d'une thèse sur les chinois de Paris.

En 1997, le Troisième Collectif des sans-papiers a surpris et rendu visible une immigration chinoise illégale dont l'ampleur était insoupçonnée. Les pouvoirs publics ont constaté une nette augmentation de la population chinoise dans les services sociaux (Caisses d'Allocations Familiales, hôpitaux etc.). Jusqu'alors, cette population en recherche d'aide était généralement prise en charge par la communauté. Celle-ci a vu une diminution de sa capacité d'intégration communautaire due à une importante augmentation du nombre de migrants et à la diversification de leurs origines. Les ressources internes à la communauté ne semblent plus suffisantes pour résoudre l'ensemble des problèmes de ses membres et de plus en plus de personnes se tournent vers l'extérieur, c'est-à-dire vers la société française. Si cette volonté de briser le cercle communautaire peut-être considéré comme un signe d'ouverture quelque peu contraint par l'absence de ressources communautaires suffisantes, elle représente aussi un parcours d'obstacles culturels et linguistiques énormes et très vite décourageant. En effet, la maîtrise de la langue et des codes culturels de la société d'accueil conditionnent la sociabilité des migrants. Les adultes rencontrent de grandes difficultés d'apprentissage et finissent souvent par y renoncer. En l'absence de compréhension linguistique, ils font appel à des médiateurs appartenant à la communauté chinoise qui servent d'intermédiaires entre les individus et la société française. La communauté reste une ressource vitale pour ces migrants qui vont y puiser les éléments pour assurer leur survie et leur installation dans le nouveau pays.

Au centre du réseau communauté-migrant-société le mouvement associatif chinois et franco-chinois joue un rôle de plus en plus important. Il existe en France un réseau d'action sociale communautaire. Ce réseau est constitué d'associations communautaires dont le but est d'aider, accompagner les personnes ressortissantes de la même communauté. Ainsi, ce tissu associatif, partenaire de fait des institutions étatiques, constitue un réseau de médiation interculturelle entre les personnes migrantes et la société d'accueil. Ces associations entrent en lien avec les services de l'Etat afin de collaborer en vue d'assurer le parcours d'intégration de ces personnes. Elles créent des ponts culturels entre chinois et français qui permettent une compréhension mutuelle des cultures favorisant le processus d'intégration dans une volonté de mixité culturelle.

Durant cette phase préparatoire au mémoire de recherche, j'ai eu l'occasion lors de mon deuxième stage en polyvalence de secteur ainsi que par le biais d'un entretien avec le président d'une association chinoise oeuvrant entre autre pour l'intégration des jeunes chinois en France, de faire quelques constats pratiques coïncidant avec les constats théoriques cités plus haut. J'ai en effet eu l'occasion d'accompagner une famille chinoise au sein d'un service social polyvalent. Cette famille composée d'une mère de famille, d'une petite fille de 10 ans et d'un bébé était déjà venu au service l'année passée où elle avait été reçue pour une demande immédiate de bons alimentaires et d'un suivi de dossier DALO (Droit Au Logement Opposable). J'ai effectué deux entretiens avec cette famille. Ces entretiens se sont révélés d'une certaine complexité car la mère ne parlait pas du tout le français. Sa fille de 10 ans faisait office de traductrice. Lorsque celle-ci ne pouvait plus traduire car ne comprenant pas les démarches à suivre pour le suivi DALO, la mère me tendit son téléphone afin que je discute avec un homme chinois comprenant le français et visiblement personne ressource quant aux démarches administratives.

L'entretien que j'ai effectué avec le président de l'association communautaire chinoise a également confirmé les constats théoriques développés ci-dessus. Alors que je préparais mon matériel, un usager de l'association est entré et a tendu un billet de 50 euros au président en parlant un dialecte chinois. Plus tard, alors que je l'interrogeais sur l'importance de la communauté il revint sur ce fait et me dit qu'il s'agissait de l'argent d'une quête pour une dame malade qui devait se faire soigner en Chine. L'information avait été relayée via le forum du site web de l'association. Durant l'entretien plusieurs personnes sont venues ainsi donner de l'argent liquide sans facturation pour cette dame.

Ces deux expériences singulières viennent confirmer l'importance du réseau communautaire dans la vie quotidienne des migrants chinois. Elles mettent également l'accent sur l'aspect primordial de l'apprentissage de la langue française, facteur d'intégration et obligatoire depuis 2005 puisqu'imposé dans le Contrat d'Accueil et d'Intégration (CAI) aux arrivants réguliers ou aux personnes clandestines candidates à un titre de séjour.

Le terme intégration, noeud de cette recherche, est également à définir. Le concept est difficile à définir. Du latin integrarer qui signifie renouveler, rendre entier, la notion d'intégration traduit une certaine adéquation à un ensemble.

Pour les sociologues ce sont toujours des rapports entre individus et la société dont il est question : le « faire société », le « vivre ensemble ». Au sens psychosocial, l'intégration désigne le processus d'intériorisation qui permet à un individu de réagir conformément aux normes et valeurs qui régissent le groupe. Le Haut Conseil à l'Intégration crée en 1990, définit officiellement en 1991 cette notion :

«  il s'agit de susciter la participation active à la société nationale d'éléments variés et différents, tout en acceptant la subsistance de spécificités culturelles, sociales et morales et en tenant pour vrai que l'ensemble s'enrichit de cette variété, de cette complexité » .

Cette citation insiste sur l'idée d'un processus. L'intégration n'est pas un état, mais une histoire, on peut parler de «  parcours d'intégration ».

Le modèle français d'intégration se fonde sur l'indifférenciation entre les hommes, c'est en ce sens qu'il est universaliste. Garder des liens avec sa culture d'origine est un droit. Mais une condition est nécessaire : il faut que ces liens s'établissent ou se maintiennent dans le respect des règles de la vie sociale, des lois de la République. Selon le dictionnaire critique d'action sociale, « l'intégration ne peut se faire sans transformation identitaire, perçue comme la condition même de la réussite du processus d'intégration ».

Autre concept à définir avant d'entamer la phase exploratoire de cette recherche, celui de communauté. Selon Ferdinand Tönnies (1855-1936), auteur de « Communauté et société », la solidité de la communauté serait due à la force du lien social, scellée par la tradition. Il distingue la société de la communauté. La société serait fragilisée par l'individualisation et la tendance à la désagrégation du lien social qui ne pourrait se maintenir qu'artificiellement sous la pression de l'Etat. Le lien de l'individu à la communauté d'origine se caractérise par un sentiment d'appartenance et d'une prise de conscience de la dimension collective de soi. Le sentiment d'appartenance est également le fait de prendre conscience d'être membre d'un groupe et de sa propre identité qui se différencie de ce groupe. Cet attachement est constitutif de l'identité même de la personne. L'intégration dans le cas des personnes migrantes ayant pour ressource et stratégie de survie le lien communautaire serait donc un passage de la communauté à la société en passant par une transformation identitaire.

Cette transformation identitaire fait partie du processus d'acculturation « destructeur de solide tradition (...) mais aussi créateur de réalités inédites3(*) »

Cette question d'intégration des migrants, la relation presque exclusive qu'ils entretiennent avec le réseau communautaire interroge le modèle d'intégration républicain qui renvoie en France et selon le Dictionnaire critique d'action sociale à une assimilation culturelle. Or les stratégies identitaires des migrants visent à concilier la défense de leur patrimoine culturel avec le besoin d'emprunter divers éléments à la culture d'accueil pour vivre au quotidien et pour s'intégrer dans la société.

Aux vus de la présentation de ces différents constats théoriques et pratiques sur l'intégration de la population migrante chinoise, des relations étroites qu'elle entretient comme un système historique de stratégie de survie avec la communauté ainsi que du rôle des associations communautaires chinoises et franco-chinoises dans le processus d'intégration, une question de départ se dégage : Comment l'action sociale peut-elle accompagner les migrants chinois dans leur processus d'intégration alors que leur stratégie de survie les ont positionné dans un repli identitaire communautaire.

Ce mémoire de recherche s'articulera autour de deux parties. La première partie traitera de l'expérience de la migration chinoise. Cette partie descriptive tentera une description partielle et générale de la population qui fait le choix de s'expatrier. Qui ? Pourquoi ? Comment ? Nous verrons également dans cette partie les conséquences sur la vie de ces personnes, les nouvelles conditions de vie, le choc culturel provoqué, le point de vue psychologique ainsi que sociologique de la migration. Enfin, toujours dans cette première partie nous verrons les stratégies élaborées pour vivre au sein d'une société étrangère, comment la communauté pallie au grand écart culturel vécu, mais comment elle peut aussi devenir un obstacle pour ces personnes.

La deuxième partie s'attachera au processus d'intégration des migrants chinois. Nous verrons comment les associations communautaires chinoises et franco-chinoises agissent pour favoriser l'intégration des migrants, ce que les institutions étatiques ont mis en place également et comment dans une dynamique partenariale les associations communautaires et les institutions de la République oeuvrent ensemble pour limiter l'exclusion des migrants chinois et favoriser leur inclusion dans l'espace sociétal.

II. Démarche Méthodologique

Se lancer dans un projet de recherche nécessite une certaine capacité d'adaptation, d'ouverture d'esprit et de remises en question indispensables pour la bonne avancée de celui-ci. En effet, le travail de recherche n'est pas un objet dont l'étudiant dans son positionnement de chercheur pourrait s'emparer à des fins d'études minutieuses et figées. Cet état de fait est particulièrement prégnant dans une démarche d'initiation à l'expertise sociale. Du choix de la thématique au sujet, jusqu'à la construction de la problématique et de la formulation de l'hypothèse, l'étudiant fait face à un objet mobile, en constante évolution avec son environnement social, culturel, économique et politique. Le travail social fait face à une mutation constante de la variable sociétale créée par l'interpénétration quotidienne des ces champs d'investigation. Dans ce magma d'informations produites par la Société, le travail du chercheur est de tenter de repérer un fait social participant de cette mutation sociétale. Il s'agit donc d'isoler un objet directeur, emprunt d'une certaine constance au sein d'un ensemble mouvant.

Aussi, ma démarche première fut d'aller regarder les oeuvres et les auteurs ayant consacré enquêtes et études sur la migration de la population chinoise afin de tenter d'établir un profil de migration (motifs de départ, choix du pays d'installation, régions de départ, histoire de la migration chinoise en France, origines régionales des migrants). Je découvris vite quelques auteurs incontournables et spécialistes du monde chinois tel que Pierre Picquart, Le Huu Khoa ou Véronique Poisson. La consultation du CEDRICC (Centre d'Etude et de Développement et de Recherche sur l'Immigration Chinoise et la Chine) sur le mouvement associatif chinois et franco-chinois a également été utile ainsi que diverses revues spécialisées comme Hommes et Migrations, Migrations santé, Migrations Etudes ou REMI (Revue Européenne des Migrations Internationales). Ces éléments bibliographiques m'ont aidé à dépeindre la situation actuelle des migrations chinoises, leurs origines et leurs histoires.

En parallèle, je me suis intéressé à différents concepts venant percuter celui d'immigration. Notamment ceux d'intégration, de communautarisme, de communauté ou d'acculturation. Outre le dictionnaire d'action sociale je me suis intéressé à ces concepts analysés par des sociologues et philosophes (Dominique Schnapper, Abdelmayek Sayad sur l'intégration, Pierre-André Taguieff sur le communautarisme, Andrea Rea et Maryse Tripier sur la sociologie de l'immigration etc.). La sociologie en particulier occupe une place importante dans cet écrit. J'ai en effet choisi de m'intéresser à un phénomène social et sociologique qui intéresse et les sciences sociales ainsi que le travail social. La sociologie permet d'élaborer des idéaux-types permettant d'analyser avec le recul nécessaire un fait social. C'est en quelque sorte la partie large d'un entonnoir. Les politiques sociales s'appuient souvent sur des rapports sociologiques. L'action sociale découle de cette logique d'entonnoir. Voilà pourquoi il m'a paru important de faire appel aux sciences humaines et sociales dans ma démarche d'initiation à la recherche.

J'ai également rencontré des personnes ressources afin de m'entretenir avec eux sur la question de l'intégration des migrants chinois (Un président d'une association communautaire franco-chinoise (association P), un président d'une association chinoise (association H), un membre de cette association, une assistante sociale de secteur d'un quartier fortement marqué par la présence d'une population chinoise, une assistante sociale d'origine chinoise de l'association franco-chinoise P et un ancien journaliste, spécialiste de la chine et président d'une association franco-chinoise et des usagers des associations H et P, un jeune lycéen chinois.

Ces entretiens avec ces personnes fortement impliquées dans des actions communautaires à vocation intégratrices ou d'aide à l'intégration ont été forts instructifs quant aux obstacles rencontrées par les migrants chinois arrivants en France.

Pour ce j'ai effectué des entretiens semi-directif pour l'ensemble des personnes que j'ai rencontré. J'ai en effet privilégié le qualitatif sur le quantitatif car les données quantitatives n'auraient sans doute pas été un reflet réaliste de la situation générale des migrants étant donné le nombre peu élevé de personnes interrogées.

A. J'immigre donc je suis

Les migrants chinois viennent principalement de trois régions de Chine : la province du Zhenjiang est peuplée par les Wenzhou formant la grande majorité des migrants, les Chaozhou sont des chinois de la diaspora de l'ex Indochine pour la plupart, les Dongbei sont du Nord de la Chine. Il y a également plusieurs milliers d'étudiants chinois et plusieurs chinois d'autres origines regroupé en communauté de 2 à 5000 personnes4(*). Les trois ethnies principales ont émigré pour des raisons différentes et présentent des parcours migratoires singuliers.

1. Qui émigre et pourquoi ? Trois origines principales des migrants chinois

a) Wenzhou : une immigration historique organisée

Les Wenzhou, principale communauté chinoise de France, sont nés en Chine. Ils tiennent leur nom de la ville de Wenzhou de la province du Zhejiang au sud de la Chine. Ils sont arrivés en France les premiers, il y a plus d'un siècle. Lors de la 1ère Guerre mondiale, l'armée française recruta plus de 100.000 travailleurs chinois. Au lendemain du conflit, environ 3.000 d'entre eux choisirent de rester à Paris, et s'installèrent dans un quartier de la gare de Lyon, qui fut le premier quartier chinois de Paris. Ils se sont ensuite installés dans le quartier des Arts et Métiers (rue du Temple, rue du Maire) où ils se sont spécialisés dans la maroquinerie et la confection, reprenant d'anciens ateliers laissés par les juifs, puis à Belleville, où ils représentent 85%, voire 90% de la communauté chinoise. La communauté Wenzhou est organisée par une véritable chaîne migratoire ancienne, constamment renouvelée, les nouveaux arrivants rejoignant des familles ou des proches déjà établis économiquement en France. Ils viennent des régions rurales et pauvres du Zhejiang et ont un niveau d'études assez bas. Ils émigrent pour des raisons économiques et afin d'assurer un avenir à leurs enfants. Cet objectif est atteint pour une majorité d'entre eux grâce au réseau communautaire et une organisation particulièrement forte. Ils ont évolué avec succès dans le cadre d'une économie intra-communautaire. Si le secteur d'activité de la première génération tourne autour principalement autour du commerce, de la confection, la restauration ou la maroquinerie (secteur dit des « trois couteaux »), leurs enfants travaillent aujourd'hui dans tous les secteurs d'activités français.

b) Chaozhou : les « boat people » des années 1970

Les Chaozhou, du nom d'une ville côtière du sud-est de la Chine sont des Chinois de la diaspora. Ils ont quitté leur pays d'origine pour s'établir dans toute l'Asie du sud-est. Notamment dans trois pays de l'ex-Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge). Dans les années 1970, ils se réfugient en France fuyant les conflits armés et obtiennent le statut de réfugiés et souvent la nationalité française. Les derniers Chaozhou arrivent en 1985-1987. Ils font partie des fameux « boat people », terme que les intéressés n'apprécient pas car beaucoup d'entre eux n'ont jamais mis les pieds sur un bateau pour venir et que le terme tend à les stigmatiser, caricaturer, et les renvoie à une période douloureuse de leur histoire.

Avant d'immigrer en France, les Chaozhou étaient urbains, lettrés, d'un certain niveau social et culturel et souvent francophones et habitués à la culture française. Leur intégration en France est alors très rapide. Leurs diplômes n'étant pas reconnus, ils se tournent vers le commerce, notamment dans le triangle de Choisy formé par l'avenue de Choisy, l'avenue d'Ivry et le boulevard Masséna. Les Chaozhou parlent souvent plusieurs langues étant donné leur parcours migratoire (le chinois, le cambodgien et le vietnamien avec des notions de thaïlandais)

C'est au moment de l'installation des Chaozhou dans le XIIIe arrondissement que les Parisiens prennent vraiment conscience de leur présence. Ils s'installent progressivement à Belleville à partir de la fin des années 1970. Aujourd'hui, si leur présence reste visible dans le XIIIe arrondissement à cause des commerces, peu de Chaozhou y habitent encore. Ils ont également quitté Belleville. Beaucoup résident en banlieue, notamment à Marne-la-Vallée, Lognes ou Torcy. Intégrés à la société française, ils travaillent dans tous les secteurs de la société. Leurs habitudes culturelles, sont très distinctes des autres communautés, leur attachement à la France et aux lois plus fort dû au passé coloniale de l'ex-Indochine.

c) Dongbei : une immigration précaire et isolée

L'immigration des Dongbei est récente et date d'une dizaine d'année. C'est par origine géographique que l'on rassemble les Dongbei, ils viennent des régions du nord et du nord-est de la Chine. Il ne s'agit pas d'une communauté au sens propre du terme. Il n'existe aucune solidarité spécifique entre eux.

Les Dongbei sont urbains, éduqués, en majorité des femmes, d'âge mûr (la quarantaine) et d'anciens petits cadres appartenant à une classe moyenne en Chine. Beaucoup de Dongbei affichent un niveau d'études supérieur à la moyenne nationale avec des diplômes de lycée ou d'université.

Dans les années 1990, les grandes entreprises d'état (textile, sidérurgie, métallurgie...)

ferment et licencient massivement. Les Dongbei se retrouvent alors sans revenus, sans avenir.

Inspirés par la réussite des Wenzhou, les Dongbei, viennent tenter leur chance. Mais sans tradition migratoire vers l'Europe, sans connaissance ni réseau installé en France, ils se retrouvent en position de faiblesse face à la solide chaîne organisation migratoire des Wenzhou. Une grande majorité vit dans la précarité. Ce n'est que très récemment que certains Dongbei ont pu ouvrir des magasins. Les ressentiments entre Wenzhou et Dongbei est très présent, les rapports de force s'étant inversés en France.

Les femmes, isolées, souvent divorcées en Chine, ont quitté leur pays et tout laissé derrière elles, parfois y compris leur enfant.

La « communauté » chinoise recouvre donc une réalité bien plus large que ne le laisse penser l'ensemble des a priori sur cette population. Dans une perspective de prise en charge sociale et pour l'inclusion de celle-ci dans l'espace républicain il semble indispensable d'opérer une connaissance plus fine de la population chinoise afin que l'appellation « communauté chinoise » ne soit pas empreinte de stigmates conçus par la conscience collective. De la même manière, le parcours migratoire des ces migrants est également singulier. La manière dont ils émigrent est souvent laissée à l'interprétation des idées reçues.

2. Typologie des parcours migratoires : 3 types

Si l'origine des migrants chinois est plurielle, il en est de même concernant leur parcours migratoires. Cette partie aura pour objectif de mettre en valeur certains témoignages sur la situation de chinois nouvellement arrivés en France et sans statut juridique. Il nous semble important d'accorder une place à ces témoignages car le parcours migratoire, nous le verrons occupe une certaine importance dans l'histoire des migrants et contribue aux développements de stratégies de survie communautaire.

La première étape du parcours migratoire est le trajet pour se rendre dans le pays de destination. La plupart des candidats à l'émigration rencontrent un recruteur/passeur par le biais de recommandations d'amis ou de la famille. Une préparation est souvent nécessaire selon le type de parcours. Il y a trois types de trajet qui se distinguent par leur niveau de dangerosité et donc de cherté.

d) La voie directe

Le premier type de trajet est la voie directe grâce à un visa de touriste ou de commerce. Etant le plus sûr, c'est ce type de trajet qui coûte le plus cher. Le passage se fait par l'intermédiaire d'une agence. Elle utilise un réseau de relations afin d'obtenir un visa, ce qui est souvent impossible si l'immigré fait la démarche par lui-même. Le danger encouru par l'intermédiaire est négligeable par rapport au type de passage décrit plus bas. Le prix de cette « prestation » est considéré, par les migrants empruntant cette voix, disproportionné par rapport à la nature du « service » rendu. C'est souvent le cas de passages directs en avion. Ce mode de migration est le plus souvent utilisé par les chinois du nord, les Dongbei, généralement plus riche que les Wenzhou en partant du pays.

e) La voie parachute

La voie dite « voie parachute » est ensuite la méthode la plus courante. Elle consiste à sortir de Chine avec un vrai passeport munis de sa propre photo et éventuellement de fausses cartes de séjour ou d'un passeport de l'espace Schengen. L'entrée en France peut alors se faire en possession de papiers. Les migrants avant d'entrer en France passent souvent par l'Italie (Prato est notamment une des premières destinations de choix pour les migrants chinois), Cette méthode inclut aussi également la possibilité de sortir de Chine avec un vrai passeport et sa propre photo, un visa de transit pour la France et, pour destination finale, un pays africain le plus souvent.

f) La voie « Pa Shan »

La dernière, appelé « pa shan » (littéralement « escalader la montagne »), est la plus dangereuse. Cette voie terrestre est d'une grande complexité et peut s'échelonner sur plusieurs mois : on y prend le train, la voiture, le bateau, la charrette, on marche, etc. Elle est souvent combinée avec la voie d'eau, où certains peuvent mourir en contractant des maladies, en se noyant ou en étant asphyxiés.

Il arrive que les migrants négocient avant leur départ une voie directe, ou « parachute », et qu'ils se retrouvent finalement à emprunter la voie « Pa shan ». C'est le cas de monsieur Y. dont le témoignage très précis se distingue des autres témoignages car ils ne savent même pas par quels pays ils sont passés, du fait du nombre des allers et retours au cours du trajet. Par ailleurs, comme souvent, arrivés à destination, les passeports sont confisqués par le passeur et ils ne peuvent pas consulter les visas tamponnés :

« Je suis arrivé en Europe en 1999. Le premier contact avec mon passeur s'est effectué par l'intermédiaire d'un ami en septembre 1998. Celui-ci a promis que le voyage se ferait en avion du Cambodge. Il s'est occupé de la partie chinoise de la route de Nanning à Fancheng (...). A Fancheng se trouvait un radeau à moteur (...). La traversée en radeau a duré quatre heures. Quand nous sommes arrivés de l'autre côté de la rive c'était le Vietnam. Nous avons attendus que la marée recule pour avancer à pied sur la plage. Un petit bus est arrivé avec quatre vietnamiens qui nous ont tout pris (manteaux, sacs, bijoux etc.). Ils nous ont ensuite conduits chez quelqu'un pour dormir. En pleine nuit quelqu'un est venu nous chercher les uns après les autres en moto. Sur la route le chauffeur de moto m'a précipité sous un pont en me forçant à rester à moitié dans l'eau. Des voitures sont passées. Le chauffeur m'a demandé de l'argent et m'a frappé de plus en plus fort jusqu'à que je lui en donne. Il m'a conduit ensuite dans la montagne. Le lendemain nous avons pris un bus local en direction de Saigon pour faire un changement en direction de Hanoï. Le trajet a duré 48 heures. Arrivés à destination nous avons à nouveau pris des motos pour nous rendre dans des montagnes couvertes de rizières inondées. En pleine nuit nous avons marché pieds nus au bord des champs. Plusieurs fois nous avons été frappés car nous n'allions pas assez vite ou glissions. Après quatre heures de marche, nous sommes arrivés à la frontière cambodgienne. Nous avons de nouveau emprunté une voie d'eau avec un radeau pour arriver dans un camp militaire. Par la suite nous sommes allés à Phnom Penh dans un bâtiment de trois étages où attendaient plusieurs immigrants illégaux. 100 personnes environ étaient là en transit. Certains attendaient depuis neuf mois. L'endroit était infesté de moustiques. Le portail du bâtiment était fermé à clefs et gardé par des gardiens cambodgiens. J'ai attendu dans cet endroit pendant quatre mois. Le passeur tâchait de trouver des passeports qui correspondaient à nos destinations et à nos profils (âge et sexe). Je me suis rendu compte que j'avais eu de la chance en écoutant des gens raconter des trajets plus difficile que ce que j'avais vécu5(*) »

Le parcours migratoire de Monsieur Y. a été motivé par le devoir de solidarité à l'égard de ses parents déjà installé.

Le lien filial, dans le processus de migration a une importance primordiale et influe sur la vie au sein de la société d'accueil. En effet, de par son caractère essentiellement familial, on constate non seulement l'installation régulière de nouveaux adultes sur le territoire français mais également l'arrivée, depuis les années quatre-vingt-dix, de mineurs venants seul ou pour rejoindre leurs parents déjà présent en France.

3. La relation parents/enfants dans le projet migratoire

Ces mineurs arrivant en France ont entre 13 et 18 ans et sont donc en âge d'être scolarisés. Ils constituent souvent le lien entre la société française et la communauté. Le courant migratoire dans lequel ils sont pris a une incidence de premier ordre pour eux se trouvant dans une période charnière de leur développement. Ne connaissant ni la langue ni la culture de la société d'accueil, leur vie en est bouleversée, tout comme l'appréhension de leur avenir aussi. On peut se demander la part du choix personnel dans cette décision de migrer et de tout quitter. C'est sur la relation parent/enfant qu'il convient de se pencher pour apprécier ce questionnement. Dans quelle mesure ce lien nous permet-il de comprendre les choix migratoires de cette population migrante en France ?

La relation parents/enfants est particulière au regard de la culture française occidentale. Ce lien culturel s'est élaboré progressivement, au fil du temps et de l'élaboration de la philosophie, culture, confucéenne. Il est donc le fruit d'un héritage culturel qui structure la société chinoise depuis des siècles.

g) Le confucianisme et le devoir filiale

Le devoir filiale est un des fondements de la pensée confucéenne. Au-delà du principe de respect quant à l'attitude à tenir envers ses parents qui n'est pas spécifiquement confucéen, il donne également des « principes d'éthique sociale » dans les rapports que l'être humain doit avoir avec son environnement. La société chinoise est basée sur les valeurs familiales. Telle que nous la connaissons, cette société est fondée sur les traditions. Dans une société traditionnelle, les individus sont considérés comme les membres d'une famille ou d'un clan, plutôt que comme des êtres indépendants. La solidarité est dite mécanique, notion introduite par Durkheim, le poids du groupe est très important et absorbe l'individu. De fait, la morale confucéenne est une morale familiale qui donne, en plus le sens du devoir induit par la pression du groupe, le « sentiment de ce qui est dû aux parents » et « le respect des aînés6(*)», ce qui « remplace presque complètement la religion en donnant à l'homme la perception de sa survivance sociale et de sa continuité à travers la famille, satisfaisant ainsi son insatiable désir d'immortalité » ; cela engendre le sentiment de «l'honneur de la famille7(*) ».

Ainsi, les membres d'une famille ne peuvent agir de manière individuelle sans penser aux conséquences pour la communauté familiale. Dès lors, les origines familiales et sociales influent directement sur la réussite d'un individu et vice versa. L'individu et le groupe sont interdépendants. On enseigne aux jeunes générations l'idée «d'apporter sa contribution » et de « faire honneur aux ancêtres en réussissant socialement8(*) ». C'est un moyen de remercier les parents du don de la naissance. Si le respect de la piété filiale implique une conduite qui dépasse le lien familial, c'est l'interdépendance de l'individu avec son groupe familial qui dicte sa conduite envers autrui. À cet égard, le respect dû à la famille ne pourrait supporter de faire perdre la face à l'ensemble du groupe familial. Cette valeur est au coeur de l'organisation social de la population chinoise et est essentielle à la survie des membres de la famille dans une société qui ne possède pas de structure institutionnelle d'assurance maladie ou de retraite. Dans le processus de migration, cet attachement au groupe est primordial. Les chinois qui partent sont l'objet d'attentes du groupe qu'il ne faut pas trahir. C'est parfois la famille qui rassemble les fonds pour le départ, ce qui induit chez le migrant une « obligation de résultat ». Un migrant chinois n'avouera jamais à quel point la vie est difficile en France et ne correspond pas à l'image édulcorée entretenue au pays. Cette image, les migrants l'alimentent eux-mêmes en envoyant des images, des vidéos de mariage par exemple9(*) représentant leur réussite fictive. Aussi, 100 euros envoyés à la famille en Chine représente là-bas 1 mois de salaire selon les secteurs d'activité, cela crédibilise la « réussite » des migrants et le rêve d'une migration réussie.

h) La nécessité du lien filial

Selon Jacques Godbout, « la société étatique libère [l'individu] de ses multiples obligations à l'égard de ses parents, de ses enfants, de ses voisins ». L'Etat concourt à « l'affranchissement [...] de l'individu de toute forme de sociabilité non choisie ». L'Etat, puisant dans la solidarité des réseaux sociaux pour fonctionner, abandonne « aux relations marchandes et bureaucratiques10(*) » l'ensemble des obligations sociales. Avec l'État, la sociabilité interne et amicale et les relations ne sont plus synonymes d'intérêt et d'aide financière. Si l'individu a besoin d'argent, il se rend à la banque, s'il a des problèmes financiers ou s'il veut faire garder son enfant, il se tourne vers les services sociaux, etc.

Dans la société chinoise traditionnelle, au sein de la population dont les revenus sont faibles, les enfants sont considérés comme une assurance pour l'avenir. Quand la famille choisit la migration, les parents insèrent leurs enfants dans le projet d'enrichissement économique familial dans la mesure où leur propre avenir en dépend. Le rapport d'interdépendance se joue là aussi. Les enfants sont élevés avec un sens du devoir filial, le don de la vie est remercié par les enfants dans le soin accordé à leurs parents âgés. Le sens du devoir familial se joue néanmoins dans la réciprocité puisque les parents doivent prendre soin des enfants jusqu'à l'âge adulte. Cependant, la culture chinoise n'étant pas figé, les bases de socialisation ont évolué depuis la rupture maoïste.

i) Aspirations individualistes

Selon Jean-Luc Domenach et Hua Changming, « le ciment de l'unité familiale est en bonne partie matériel, les familles donnent l'impression d'être de petites entreprises  à la recherche d'un objectif commun : l'amélioration du niveau de vie collectif11(*) ». Depuis 1976 et la fin de la Révolution Culturelle, l'interprétation de la piété familiale n'est plus aussi homogène. Cela se manifeste au travers des rapports intergénérationnels qui résident dans le nouveau pouvoir social et économique détenu par les enfants. Le principe de piété filiale est mis en balance avec l'aspiration au bonheur individuel12(*). Cette valeur fondatrice de l'organisation de la société chinoise tend à s'effriter petit à petit avec l'évolution de la Chine, son ouverture et sa place dans le jeu de la mondialisation. Ce balancement se traduit parfois par l'abandon des parents et oblige l'Etat à légiférer en donnant obligation aux enfants de soutenir les parents. Cependant, et de manière général, cette piété filial demeure néanmoins en Chine. Elle reste un principe auquel les membres de la société se réfèrent. L'héritage culturel des enfants/adolescents chinois dans le processus migratoire est celui d'une interdépendance des membres de la famille pour la subsistance des membres du groupe. Les enfants émigrent pour permettre l'enrichissement économique familial, mettant de côté leurs rêves et projets personnels pour l'avenir.

j) La position des jeunes migrants

Les adolescents ont souvent un rôle difficile à tenir dans cette situation, à cheval entre deux cultures. Pris dans les exigences d'organisation de la part des parents, mais qu'ils s'imposent également à eux-mêmes au regard de leur appartenance à la famille, cette situation leur est difficile à vivre. Ils tiennent le rôle principal dans la famille car sans eux, les parents perdent leur point de pivot avec la société française. Ils doivent accompagner leurs parents dans des tâches administratives, s'impliquer dans l'apprentissage de la langue qu'ils doivent maîtriser rapidement malgré des difficultés. La question du choix personnel ne se pose pas. Lors d'un entretien ce jeune lycéen me dit : « pour moi c'est normal de faire ça, c'est ma famille, mes parents parlent pas le français et je suis le plus grand, parfois je vais pas en classe si mes parents on besoin de moi. Mais c'est pas tous les jours non plus, c'est quand ils ont des démarches administratives à faire le plus souvent, les papiers, tout ça... ».

Aussi, le facteur de la clandestinité est difficile à gérer psychologiquement pour ces jeunes. Cela conduit toute la famille à un mode de vie marginal qui fabrique de la méfiance envers tout et tout le monde surtout envers les personnes n'appartenant pas à la communauté chinoise. Les enfants sont amenés à mentir quasiment tout le temps sur tout et n'importe quoi pour se protéger et protéger leur famille, même à leurs amis français. La confiance n'existe pas, le mensonge en devient presque naturel. Ils surfent sur de multiples identités en induisant en erreur sur l'âge, les papiers, les parents, les adresses etc. Tous les sujets peuvent faire l'objet de mensonges, leur âge, les papiers, les parents, les adresses etc. toute information pouvant mettre en péril leur situation de près ou de loin, est sujette à un mensonge, ou une déformation de la réalité. Dès lors, certains jeunes, en pleine construction identitaire, sont réellement perturbés par ces mensonges, d'autant plus qu'ils voient certains adultes leur faire confiance Madame F assistante sociale à l'association franco-chinoise P : « je suis d'origine chinoise et mon contact est forcément plus facile avec les usagers chinois car la barrière de la langue n'existe pas. Malgré tout, le travail de mise en confiance reste difficile, les récits de vie sont parfois contradictoires, ça ne me dérange pas, je travaille avec la parole de l'usager, mais je tiens compte de ce paramètre. Même avec moi la relation d'aide n'est pas aisée, alors imaginez pour des « blancs » ! C'est un travail de longue haleine, il faut être patient ».

Les relations de confiance sont altérées avec les adultes. Madame F constate « une grande détresse » et reconnait qu'il y a des situations où elle se sent totalement impuissante.

4. Condition de vie en France

k) La langue, facteur de vulnérabilité

(1) Un apprentissage ardu

L'apprentissage du français pour un chinois est d'une réelle difficulté. Les deux langues sont fondées sur des systèmes profondément différents et ne répondent pas aux mêmes logiques syntaxiques. L'apprentissage paraître pour certains migrants être une épreuve insurmontable. Lorsqu'ils sont lettrés, ils sont habitués à lire des caractères qui sont des idéogrammes ou sinogrammes qui ne sont pas des mots. Un mot pouvant être composé de plusieurs idéogrammes. Il n'y a pas d'alphabet en chinois. Le temps ne s'exprime pas de la même manière également. Tout ceci relève d'une certaine abstraction que les migrants chinois ont du mal à comprendre. La difficulté s'accroît encore lorsque les migrants ne connaissent pas leur propre langue (illettrisme, analphabétisme). Cette méconnaissance totale du français et globalement des langues latines et germaniques est un handicap particulier. Nombreux sont les chinois qui maîtrisent mal l'alphabet, voire qui ne le connaissent pas du tout, puisqu'aucun usage n'en est fait en dehors du milieu scolaire ou de l'usage de la micro-informatique en Chine. Dès lors déchiffrer toute information devient une épreuve. Malgré une volonté affichée d'apprendre la langue, les difficultés d'apprentissage sont importantes. Trois facteurs sociaux peuvent expliquer cela :

- Chez lez Wenzhou, Le niveau scolaire est peu élevé. 20% de cette population serait analphabète selon un rapport de Pina Guerassimoff publié en 200213(*).

- Le facteur de l'âge : les migrants adultes ont du mal à comprendre une logique linguistique et de pensée aussi dissemblable de celui qu'ils ont connu jusque là.

- Les conditions de vie et les projets migratoires : ceux ci influent sur le processus d'apprentissage. En effet, les principaux projets des migrants chinois consistent à travailler à rembourser leur dette puis économiser et prendre en charge leur situation financière en devenant leur propre patron dans le secteur des 3 couteaux le plus souvent. Investir dans un processus d'apprentissage du français reste important mais secondaire. Beaucoup suivent une formation sociolinguistique après avoir travaillé la journée, mais les conditions d'apprentissage sont restreintes dans ces cas là.

Les abandons sont nombreux, sans que les compétences de base aient été assimilées. Ces migrants vont alors se contenter du strict minimum pour communiquer avec la société d'accueil et la population extérieure à la communauté chinoise. Ceux-ci mettent en place des stratégies d'évitement par la suite pour éviter de se retrouver dans l'embarras.

Un autre facteur semble avoir une influence décisive : le regroupement de nombreux migrants aux mêmes endroits. Alliant la force du nombre et de l'organisation la communauté chinoise offre une alternative de vie qui fonctionne et permet aux migrants d'éviter l'obstacle linguistique. Le modèle d'intégration français attache une importance primordiale à l'apprentissage et la connaissance du français. Les migrants chinois cumulent les difficultés dues à l'écart entre les deux cultures, leur projet de départ et la nécessité de rembourser la dette. L'apprentissage du français demande par ailleurs un investissement qu'ils ne peuvent accorder pour les raisons sus-citées. Ceux-ci se retrouvent fragilisés dans la société. Le sas communautaire leur permet de pallier cette vulnérabilité.

(2) Le sas communautaire

Les migrants chinois ont développé et organisé une vie intra-communautaire quasiment fermé et en relative autonomie vis-à-vis de la société française et parfois de ses lois (notamment sur la législation du travail). Selon Monsieur D. journaliste français spécialiste de la Chine et sinophone : «  il suffit de regarder dans le quartier. Les petites annonces que tu vois scotché sur les cabines de téléphone, les poteaux, les magasins ce sont des offres de services de traduction, de la location de dortoirs et même de la publicité pour des passeurs ! ».

Ce sas communautaire répond à l'urgence et répond aux projets migratoires qu'ils ont intégrés de manière plus ou moins inconsciente pris dans un processus historiquement établi depuis longtemps. Cette urgence est incompatible avec le parcours administratif régulier que demande la société d'accueil ou même avec le temps de l'apprentissage du français. Cette urgence est principalement symbolisée par l'obligation de rembourser la dette qui a servi pour le voyage. Le poids de celle-ci pèse lourd dans le mode de vie des migrants puisque les sommes engagées, souvent par la famille restée au pays, oscillent entre 18 000 et 27 000 euros. Il faut aux migrants chinois 3 à 10 ans de labeur journalier afin de rembourser la totalité de la dette. Le coût du périple est moins pesant pour les chinois du nord plus riche que le reste de la population et qui réussissent parfois à payer sur leurs propres économies. Eux ont un projet de retour dès le départ, ils souhaitent s'installer en France, y travailler, économiser et « se refaire » en Chine au bout de 2 ou 3 années d'exil. Les migrants chinois perdent rarement le but de leur venue en vue, travailler et économiser rapidement. Ils savent qu'ils peuvent compter sur le système communautaire pour s'installer, trouver un logement ou du moins un lit et vivre en marge de la société française. La langue n'est donc pas une nécessité. Du moins à court terme.

C'est donc la communauté installée qui va offrir aux migrants arrivants des solutions afin de répondre à leur urgence. En revanche, l'accès à la société française est fastidieux et difficile. Le réseau communautaire procurera rapidement le nécessaire vital, logement (dortoir) et travail. Cet espace intra-communautaire représente un premier réseau de sociabilité qui s'avère primordial pour l'obtention d'informations concernant les démarches à suivre en France. Le courant migratoire porte les primo-arrivants chinois sur un voie très organisée. Le travail se trouve au sein du réseau, par des intermédiaires ou par des annonces collées un peu partout ou dans les journaux chinois. Celui-ci est quasi exclusivement communautaire. L'emploi au sein de la communauté est pour les chinois et proposé par des patrons chinois. Cependant, d'après Monsieur G., président d'une association de jeune chinois, cette dernière dimension n'est plus forcément vraie : « aujourd'hui, il y a dans les secteurs de la restauration, confection et maroquinerie beaucoup plus d'offres d'emploi que de demandes. Si les patrons ne réservaient ces postes qu'aux chinois, il y aurait pénurie de main d'oeuvre. C'est pour cela que l'on retrouve dans les cuisines des restaurants, ou dans les ateliers de confection, des pakistanais, des indiens, et des africains également ».

Par la suite il arrive que certains migrant veuillent sortir de travail au sein de la communauté et cherchent d'autres patrons, la plupart du temps dans la communauté turque ou juive de Paris travaillant dans la confection. Il est à noter que cette sortie de l'intra-communautaire correspond également à une certaine mobilité professionnelle et salariale.

(3) La clandestinité, appui du repli communautaire

Outre le fait de la barrière de la langue, l'accès à la société française est également barré par une donnée importante, l'absence de titre de séjour. Ce fait constitue un handicap supplémentaire, l'insécurité dans laquelle cette absence de statut régulier met les migrants imprègne leur quotidien. Nous l'avons vu, elle conduit à une méfiance de tous les instants et au repli sur les semblables. Il leur est conseillé d'éviter de sortir pour éviter les contrôles, et de ne pas fréquenter de français car "on ne connait par leurs intentions". Les contacts sont très limités et exclusivement entre chinois. Enfin, l'absence total de connaissances sur la société française et ses modalités de socialisation et de sociabilité limite les opportunités d'échanges avec l'extérieur et confine la vie quotidienne des migrants chinois à l'intérieur des limites de la communauté.

La communauté chinoise, notamment Wenzhou, est soumis à des conditions de vie difficiles par les conditions de leur projet migratoire. Cependant leur histoire d'émigrant/immigrant les a habitué, conditionné à vivre à l'écart des règles et à composer avec elles, celles de la société d'accueil, parfois peu souple et qui tendent à se durcir encore (exemple des lois Sarkozy I et II). Malgré tout, ils ont toujours eu des ressources propres. Ce pouvoir d'adaptation leur a évité de se retrouver dans des situations d'extrême précarité. Il faut d'ailleurs un minimum de ressources et de moyens financiers pour envisager migrer. Ils ont développé une sorte de culture de la marginalité qui contribue à leur autonomie.

Cette autonomie vis-à-vis de la société d'accueil a cependant un coût, celui de la dépendance à la communauté.

Effectivement, le fait communautaire peut aussi rendre la population des migrants chinois vulnérable surtout les migrants sans statut légal. Le contrôle du quotidien de ces personnes est facilité par des offres proposé par la communauté, pour la communauté dans la communauté. Dans ce contexte d'absence d'alternatives, certains patrons, propriétaires ou interprètes, personnes ressources des primo-arrivants et migrants sans papiers ou simplement des migrants chinois ne parlant pas du tout la langue, profitent et exploitent cette fragilité.

l) Quand la communauté rend vulnérable

(1) La dette

Le remboursement d'une dette considérable est le fait notoire des parcours migratoires. Les sommes à rembourser apparaissent astronomiques au regard de leur situation. Le voyage pour la France nécessiterait une somme variant de 12 000 à 18 000 euros. Pour l'Angleterre le coût serait de 22 000 à 30 000 euros, quant aux Etats-Unis, la somme est 3 fois plus importante14(*). Des coûts qui même pour le citoyen lambda pèsent lourds sur leur budget.

Pour optimiser les conditions de remboursement, les migrants chinois seraient contraints de rester entre eux. Ce fait serait une spécificité de la migration chinoise par rapport aux autres communautés. Le sas communautaire leur apparaît indispensable pour rembourser la dette ne parlant pas le français et ne possédant pas de titre de séjour. Celui-ci représente la seule possibilité de travailler, dans les secteurs des "trois couteaux" et de manière informelle. Ces conditions informelles permettrait selon le rapport de Véronique Poisson et Gao Yun, de masquer une certaine réalité, notamment le temps de travaille des moins de 18 ans, parfois le travail des enfants, la prostitution, le trafic humain, des conditions de travail absolument indépendantes du droit du travail. Les témoignages du rapport de Véronique Poisson et Gao Yun montrent que le sujet reste tabou et que la loi du silence règne. Ces abus se structurent autour de menaces physiques et psychologiques, le degré de vulnérabilité dû notamment à la clandestinité des migrants étant les ficelles des employeurs, propriétaires et passeurs. Les auteurs du rapport montrent cependant que : « Cette forme de servage communautaire n'aurait rien de culturel, mais serait propre aux conditions économiques et juridiques de l'émigration chinoise ».

Les migrants mettent une moyenne de trois à dix ans pour rembourser la dette, malgré le salaire bridé au regard des salaires moyen en France.

(2) Condition de travail

Le travail au sein de la communauté chinoise en France est caractérisé par la précarité. Selon Monsieur G. malgré l'offre abondante aujourd'hui (ce n'était pas le cas 7 ans auparavant), la précarité des emplois persistent. Les emplois les plus précaires sont destinés au primo-arrivants, mais les migrants installés depuis plusieurs années, même sans papiers et vulnérables, aspirent à travailler dans de meilleures conditions et en étant mieux rémunéré. Cependant, le rapport travail/salaire sera toujours inférieur aux normes en vigueur en France. Selon Véronique Poisson et Gao Yun : « Il semble qu'il y ait une entente tacite entre employeurs et employés pour laisser de côté les normes et protections françaises et se référer plutôt à des pratiques inspirées de la Chine ». Les salaires sont extrêmement bas et sans lien avec le nombre d'heures travaillées.

Il arrive souvent que des migrants travaillent 12 à 15 heures par jour dans des locaux ou des caves pour de salaires moyen de 800 euros par mois dans la confection par exemple. Monsieur G. de me confier : « personnellement j'ai toujours travaillé beaucoup, c'est un trait caractéristique de la culture chinoise, le travail et l'esprit d'entreprise est une valeur ancestrale de notre culture, du Confucianisme notamment. Un patron ne pourrait pas engager un français, c'est impossible car celui-ci aurait des revendications par rapport au droit du travail. Je pense que si les patrons chinois appliquaient strictement ce droit, beaucoup fermeraient boutique ! Mais même moi, au sein de l'association j'ai tendance à ne pas respecter les horaires de travail. Je travaille beaucoup plus que 35 heures par semaine ! ». Cependant, malgré leur vulnérabilité les sans-papiers chinois depuis quelques années commencent à dénoncer leur condition de survie. Fin 2007, 600 migrants chinois la plupart sans-papiers se sont rassemblés pour manifester leur colère, suite à la défenestration d'une femme migrante Dongbei sans-papier15(*). En juin 2010, une autre manifestation des « chinois de Belleville » a surpris. Dénonçant l'insécurité et les violences faites spécifiquement aux chinois. Les nourrices à domicile dénoncent des temps de travail particulièrement long sept jours sur sept, contre une rémunération mensuelle de 600 à 900 euros. Ces manifestations et dénonciations ont surpris l'ensemble de la société car elles ne collent pas à l'image que la conscience collective a de la population chinoise.

La communauté chinoise n'est donc pas à l'image que la société d'accueil veut bien lui prêter, soit l'image d'une communauté homogène, unie par une solidarité très forte en son sein. Les relations d'exploitants/exploités parfois proche de la relation maître/esclave (dans la perspective de ce qu'on appelle l'esclavage moderne) sont courantes et nous avons vu les ressentiments entre Wenzhou et Dongbei. Les clivages régionaux sont également présents.

La communauté ne possède plus sa capacité intégratrice d'antan. Le nombre de migrants commence à saturer l'organisation qu'elle pouvait mettre en oeuvre et ces clivages régionaux jouent aussi un rôle. Aussi, la crise économique touche également la communauté et la politique de lutte contre l'immigration clandestine s'intensifiant, les emplois en direction des sans-papiers se fait plus rare. Leur situation se fait donc plus précaire. Le jeu de la concurrence se joue aussi en interne entre les communautés. Entre les Dongbei et les Wenzhou par exemple. Les Dongbei en provenance du Nord, arrivées récemment, ne sont pas organisé depuis des décennies comme les Wenzhou, plus nombreux et mieux établis en France. L'exclusion se structure autour du dialecte, premier élément d'identification des personnes. Les Wenzhou peuvent parler un dialecte que les autres chinois ne peuvent comprendre. Dans le rapport entre les deux "ethnies" se joue un rapport de domination. Les Dongbei étaient en Chine en mesure d'employer des Wenzhou, en France c'est l'inverse. Par ailleurs, les Dongbei sont de manière générale plus cultivés la plupart ayant fait des études secondaires, alors que beaucoup de Wenzhou ont un niveau scolaire peu élevé. Le ressentiment est fort des deux côtés. Cependant, selon Estelle Auguin et Florence Levy, auteur d'un article paru dans la revu européenne des migrations internationales (REMI), les dissonances au sein même des groupes "ethnique" existent. Entre Wenzhou par exemple voire même des personnes appartenant à la même famille : «  Les récits d'exploitation entre membres d'une même famille ne sont pas rares, tel celui d'une tante ayant insisté pour faire venir sa nièce en France, la faisant ensuite travailler dans son atelier dans des conditions proches de l'esclavage pour rembourser la dette puis, lorsque celle-ci s'échappe, la remplaçant par une soeur. Ces phénomènes sont encore l'objet d'une relative tolérance de la part des Wenzhou qui s'accordent tout en les déplorant, à expliquer ces situations par « la dureté de la vie en France16(*) » ».

Témoignages de Monsieur J., vendeur ambulant17(*)

« Les premiers mois de mon arrivée en France, indique Monsieur Tao, j'ai travaillé dans une sandwicherie. Je préparais des sandwichs et des paninis. Le patron était de Qingtian, la femme du Yunnan. Je gagnais 153 euros par mois (...) Cela devient très difficile aussi car les Pakistanais sont également sur ce marché-là et créent de la concurrence. J'arriverais à gagner 500 euros par mois sans les contrôles et la concurrence, maintenant je me fais de 300 à 400 euros. Par mois, nous dépensons 1 000 euros. Ma femme fait de la vente à la sauvette avec son enfant dans les bras ».

Témoignage de Madame F.18(*)

« Ma soeur est venue me chercher à l'aéroport. La première phrase qu'elle m'a dite a été : « Tu ne sais pas comment la vie est dure ici, je ne peux pas raconter toute la vérité à la famille sinon elle s'inquiéterait pour moi. J'ai essayé de te persuader de ne pas venir, mais tu ne m'as pas écoutée ». Ma soeur m'a ensuite expliqué que les femmes de Dongbei en France gagnaient de l'argent en se prostituant. Elle m'a demandé de choisir entre « Xia Hai » (devenir prostituée) et nourrice ».

Nous avons évoqué dans cette première partie plusieurs dimensions concernant d'abord l'émigration des migrants chinois, qui, pourquoi, comment émigrent-ils, pour en venir finalement à l'immigration dans la société d'accueil. Il nous a semblé indispensable de faire un état des lieux de cette double dimension, émigration/immigration, constitutive du projet migratoire et finalement de l'identité nouvelle construite. D'autre part, cet état des lieux synthétisé prend également sens au regard du travail social. Les idées reçus sur la « communauté chinoise » véhiculées peuvent parasiter un éventuel accompagnement social ou socio-éducatif. La connaissance du parcours migratoire, de leurs origines et de leur motivation, leur projet s'avère essentielle. A défaut, ce sont nos propres projections caricaturales qui guideront nos accompagnements à l'intégration.

B. Le processus d'intégration des migrants chinois : une collaboration entre l'espace communautaire et l'espace républicain

La communauté chinoise nous l'avons vu, a une emprise forte sur ses membres. Le processus migratoire mis en jeu et définissant une organisation historiquement établie est un obstacle majeur à cette intégration au sein de l'espace républicain. Dans ce jeu de société, communauté et république ne font pas bon ménage. Dès lors, comment l'intégration des migrants chinois est-elle possible ? Si elle l'est, comment la République et l'action sociale qu'elle met en oeuvre s'organisent-t-elles ? C'est l'objet de cette deuxième partie.

1. Point de vue psychologiques et sociologiques sur la migration

m) Le point de vue de la psychologie

D'après Alain Moreau, le phénomène migratoire a une double dimension. Il y a la mise en jeu d'une culture d'origine et d'une culture d'installation. Reprenant Carmel Camilleri, que l'homme s'adapte à son nouveau cadre de vie : « La culture n'est pas une entité figée et surdéterminante dont le migrant serait la créature soumise et impuissante. Bien au contraire, celui-ci apparaît comme acteur de sa vie, au sein d'une culture qui ne lui est pas familière, il va donc développer des stratégies lui permettant de résoudre les difficultés liées à sa personne et aux situations dans lesquelles il se trouve placé du fait de sa condition d'immigré ».

Pour Toby Nathan, l'adaptation à un nouveau cadre de vie ne se fait pas aussi simplement. En effet « émigrer, c'est perdre l'enveloppe de lieu, de sons, d'odeurs, de sensations de toutes sortes qui constituent les premières empreintes sur lesquelles s'est établi le codage du fonctionnement psychique. L'émigration consiste donc à modifier l'enveloppe tout en tachant de préserver l'identité du noyau ». Il ajoute « l'expérience montre que cette entreprise à laquelle se livre tout migrant est la plupart du temps vouée à l'échec ».

Ces deux points de vue différents montrent que les phénomènes liés à l'immigration provoquent des bouleversements identitaires.

Alain Moreau pense que « tout groupe d'immigrés tente toujours de reconstituer un cadre culturel similaire à celui du pays d'origine ». Il constate que « lorsqu'un groupe humain numériquement important quitte son pays d'origine pour s'établir dans un nouveau pays, il tend à reproduire, dans ce contexte spatio-temporel bien particulier, une culture spécifique que l'on peut qualifier de culture de l'émigration-immigration, ou encore de culture de l'entre deux ». Cette troisième culture est composé de trois sortes d'éléments culturels : ceux de la culture d'origine maintenus tels quels ; ceux empruntés tels quels à la culture du pays d'installation et surtout des éléments culturels originaux. Ces derniers « ont été transformés et remodelés dans le contexte de l'immigration ».

Ainsi, les traits culturels que la conscience collective prête souvent à la communauté chinoise seraient le fruit d'une construction identitaire bâtie dans un entre-deux culturel, entre « l'ici et là-bas ».

Geneviève Vinsonneau, directrice d'études et de recherches en psychologie interculturelle à l'université de Paris V, pense également que les migrants se fabriquent une culture afin de réduire leur anxiété face à un monde qu'ils ne connaissent pas : « ils bricolent les codes culturels afin de réduire leur anxiété de s'adapter au monde où ils se trouvent, et ils se livrent à des manipulations symbolique. Cela touche en particulier les valeurs familiales et religieuses ».

n) Le point de vue de la sociologie

Les travaux de l'école de Chicago produit entre 1910 et 1940 constituent les textes fondateurs de la sociologie de l'immigration. Dans la richesse et la diversité de ces travaux, trois schémas d'analyse constituent de véritables référents disciplinaires : Le cycle organisation-désorganisation-réorganisation de Wiliam Thomas et Florian Znanicki ; le cycle des relations raciales de Park et Burgess et l'étude du ghetto de Wirth.

(1) Le cycle organisation-désorganisation-réorganisation

L'organisation sociale est un ensemble de conventions, d'attitudes et de valeurs collectives qui l'emporte sur les intérêts individuels d'un groupe social.

La désorganisation sociale qui correspond à un déclin de l'influence des règles sociales sur les individus, se manifeste par un affaiblissement des valeurs collectives et par un accroissement et une valorisation des pratiques individuelles. A cette période de désorganisation fait suite une réorganisation, sans pour autant que le groupe d'immigrants soit totalement assimilé au groupe d'accueil.

Selon Fabienne Leconte ce modèle était efficient pour les populations migrantes d'origine européenne et s'avère caduc pour rendre compte de la situation sociale des populations d'origines non européenne : « les conditions socio-historique qui ont amené à la migration puis à l'installation d'une population continuent à peser sur son devenir dans le pays de résidence19(*) ».

(2) Le cycle des relations raciales

Burgess et Park formalise ce cycle dont l'aboutissement est l'assimilation dans Introduction to the Science of Sociology. Ce cycle comporte quatre étapes : la compétition, le conflit, l'accommodation et l'assimilation.

Selon Park et Burgess, les migrants entrent en compétition pour l'accès à des ressources, principalement économiques, sous tendant l'idée que la compétition économique est au fondement de l'organisation de la société humaine (de la liberté de commerce et de la formation du marché du travail naîtraient les fondements économiques de la compétition). La deuxième étape est celle du conflit, associé à la compétition. Le conflit cependant suppose le contact entre les individus, la compétition non : « La compétition est une lutte pour une position dans l'ordre économique », tandis que le conflit est une lutte pour le statut social du groupe ou d'un individu : « par le conflit, le groupe minoritaire acquiert une conscience commune de sa culture20(*) ». Park retient surtout du conflit sa fonction socialisatrice grâce au contact social.

La troisième étape est celle de l'accommodation qui est le résultat du conflit. Le conflit est suivi d'ajustement qui peuvent prendre des formes diverses telles que le consensus, la régulation législative, l'adoption de nouvelles normes. Les individus doivent alors changer leurs coutumes, leurs habitudes pour être en phase avec ces nouvelles normes.

L'assimilation est la dernière étape. Elle est un « processus d'interpénétration et de fusion dans lequel des personnes et des groupes acquièrent la mémoire, les sentiments et les attitudes d'autres personnes et groupes et, en partageant leur expériences et leur histoire, sont incorporés avec eux dans une vie culturelle commune21(*) ».

(3) L'étude du ghetto

Burgess fournit une modélisation du développement urbain qui explique le processus d'extension de la ville et celui de la concentration des populations. Les migrants, qui arrivent en vagues successives, transforment la ville en même temps qu'ils s'y adaptent en aménageant leur espace propre. Selon lui, la création de communautés ethniques résidentielles permet la réorganisation des migrants. Wirth montre lui que le ghetto est un espace résidentiel à la fois autonome et socialement hétérogène. Il permet à ses habitants d'entretenir des relations communautaires de proximité, des rites et une langue commune (Louis Wirth, « The Ghetto », Chicago, University of Chicago Press).

Pierre Picquart remarque que le développement social et urbain de la communauté chinoise à Paris s'est effectué avec force, dans l'ordre et à un rythme très rapide, avec la création de plusieurs quartiers urbains autonomes, concentrés et condensés. Ces quartiers vivent en « développement séparé » de la communauté parisienne. Les chinois de Paris vivent et travaillent dans une économie fermée, appliquant leurs règles et leurs coutumes locales. Ils s'adaptent rapidement à un ordre interne et ils s'appuient dans leur conquête spatiale sur l'entraide et sur leurs différents réseaux. Ils ont déployé des stratégies de développement économiques rapides, diversifiées et concentrées. Cependant, soulève que cette réussite est bâtie parfois « sur un monde sans pitié, où quelques hommes de main, dans un réseau hiérarchisé, font régner un ordre cloisonné et secret22(*) ».

En France, les études portant sur l'immigration viennent assez tardivement. Or, il est avéré que la France est, de longue date, un pays d'immigration. Plusieurs chercheurs ont essayé de reconstituer la structuration du champ des sciences sociales se donnant pour objet les migrations internationales et les relations interethniques en France. Ils s'accordent à constater que le champ d'étude des migrations internationales a souffert d'un retard manquant. Dominique Schnapper a popularisé une formule résumant l'avis général : «  La France est un pays d'immigration qui s'ignore » et a proposé une explication à ce déni de mémoire : « La méconnaissance systématique de l'immigration et des mécanisme d'intégration a été dans ce cas, l'un des moyens permettant d'entretenir l'unité nationale23(*) »

2. L'intégration ? Quelle intégration ?

o) Le modèle d'intégration républicain

Le « le modèle républicain » de tolérance ou le modèle français de « nation citoyenne » a été élaboré entre autres par Dominique Schnapper. Il élabore l'idéal-type de l'intégration républicaine à la française qui repose sur les principes de séparation de la sphère publique et de la sphère privée, et de la primauté des droits individuels sur les droits collectifs. La différence culturelle est respectée tant qu'elle est pratiquée et manifestée dans la vie privée. C'est le fameux principe de « laïcité » qui ne privilégie aucune religion dans l'espace public pour assurer la liberté du culte dans l'espace privé. Le modèle républicain d'intégration fait abstraction de l'origine ethnique, culturelle ou religieuse de chacun. Schnapper s'inscrit dans la lignée de Durkheim insistant sur la fonction intégratrice de la société sur ses parties. Pour lui, « la spécificité de la Nation moderne consiste à intégrer toutes les populations en une communauté de citoyens et à légitimer l'action de l'Etat, qui est son instrument, par cette communauté24(*) ».

Dès lors, il n'y a pas de communautés dans l'espace public ; la République française intègre les individus, non les communautés. L'intégration démocratique est un processus ouvert supposant que les étrangers peuvent entrer dans l'espace national et dans la communauté politique. La diversité culturelle qui accompagne la présence d'immigrés récents n'est pas vouée à perdurer, ces derniers étant soumis à un processus d'acculturation : « L'identité nationale n'est pas un fait biologique mais politique, on est français par la pratique d'une langue, par l'apprentissage d'une culture, par la volonté de participer à la vie économique et politique25(*) ». Cette approche a été qualifiée de national-républicaine ou de primordialisme français parce qu'elle stigmatise toute expression identitaire publique des descendants d'immigrés. Elle s'inscrit fondamentalement dans la tradition assimilationniste.

Cette approche est actuellement en débat en France.

p) Le modèle d'intégration républicain en débat

Didier Lapeyronnie pense que la force intégrative de la société nationale s'épuise. La fragmentation culturelle produit une diversification des comportements et des normes et une extension des particularismes : « Les individus et les groupes sociaux sont de moins en moins identifiés par ce qu'ils font et les relations qu'ils entretiennent entre eux à travers les institutions, ils ont tendance à s'identifier par ce qu'ils sont, leurs héritages ou leurs cultures, et à les renforcer en se différenciant des autres groupes26(*) ». Dans la notion générique d'intégration, Lapeyronnie distingue deux éléments : la participation et l'intégration culturelle. La participation recouvre l'inclusion dans les champs économique, politique et national à partir des mobilisations des acteurs. L'intégration culturelle concerne davantage les enjeux des conflits culturels.

Khosrokhavar, dénonce lui, une dérive de la référence à l'universalisme : « Quand il n'en reste que l'abstraction, il devient un masque pour l'ethnocentrisme. Il contribue, par son refus de tout compromis avec l'idée même de communauté, à produire, en lieu et place de « communautés positives », des « néocommunautés déviantes » parmi les jeunes subissant des stigmatisations prolongées27(*) ».

La conception française de la nation inventée lors de la Révolution est une « conception Rousseauiste d'une démocratie unitaire, hostile au pluralisme (...). On continue à s'efforcer d'intégrer les populations d'origine étrangère par la citoyenneté individuelle, en refusant de reconnaître l'existence de communautés particulières dans l'espace public28(*) ».

Ces analyses ont permis de relativiser le « modèle français d'intégration ». Ces auteurs, malgré leurs différences, partagent le constat de l'affaiblissement de la force intégratrice des institutions nationales. De même ils reconnaissent que l'acquisition de la nationalité française ne constitue pas l'acte final de l'intégration.

L'absence de reconnaissance sociale des communautés et donc de la communauté chinoise par les pouvoirs publics français accentue la marginalisation des individus qui ne peuvent pas avoir un accès direct à la société française. Paradoxalement, cela tend à renforcer la dépendance des plus démunis vis-à-vis de cette communauté.

q) Le processus d'acculturation

L'acculturation est selon la définition anthropologique, le résultat de contacts et d'interpénétrations de cultures différentes. Elle nécessite un contact entre les cultures et aboutit à des transformations culturelles de l'un ou des deux groupes. Les migrants chinois sont a priori soumis à ce processus d'acculturation. John Berry a modélisé un schéma des stratégies d'acculturation qui peut revêtir selon lui quatre formes différentes selon l'importance que l'individu attache à la conservation de sa culture d'origine et/ou l'acquisition de la culture d'accueil :

Un individu considérant qu'il doit préserver sa culture d'origine sans tenir compte de la culture d'accueil adopterait une stratégie de séparation.

Le rejet de la culture d'origine et la recherche du conformisme avec la société dominante se caractérise par une stratégie d'assimilation.

Le maintien de la culture d'origine et l'adoption de la culture d'accueil se caractérise par l'intégration.

Le rejet des deux cultures se caractérise par la marginalisation.

Modèle des stratégies d'acculturation, adapté de Berry (1997)

Dans ce modèle, l'intégration est le résultat d'un compromis entre le maintien de sa culture d'origine et une acquisition de la culture dominante.

Bien qu'intéressant ce modèle de stratégie d'acculturation ne rend pas compte de la réalité du vécu identitaire des migrants chinois interrogés. En effet, la plupart des personnes interrogées ont fait part de leur réelle volonté d'intégration dans la société française. Au regard de ce qui est renvoyé par cette population et dans la conscience collective du reste de la population, les migrants chinois se caractériseraient par une stratégie de séparation, préservant leur culture d'origine et refusant celle du pays d'accueil. Cette affirmation hâtive ne tient pas compte des difficultés liées au grand écart culturel de deux civilisations distinctes et s'étant développées autour de modes de pensée, philosophie, conception du monde radicalement différente, dont le système républicain ne tient pas compte dans le cadre public. Ainsi, les personnes interrogées faisaient davantage référence à une stratégie de survie plutôt qu'à une stratégie de séparation, beaucoup d'entre eux étant pris, malgré eux dans un processus fermé de gestion de la migration installée depuis des décennies. La nécessité de rembourser une dette lourde, la précarisation sociale des migrants les plus fragiles, notamment des dongbei exploités par des migrants wenzhou organisés depuis longtemps, le déterminisme social et culturel leur imposant une obligation de résultats quant à leurs motifs de départ etc. restreignent leur capacité d'intégration. (Témoignage). Cette volonté revendiquée d'intégrer la société française est notamment observable par le fait que la sortie de l'emploi communautaire marque une certaine mobilité professionnelle et salariale dont les migrants tirent fierté (Témoignage).

3. Organisation des institutions et des associations

r) Comment s'organise l'Etat pour l'intégration des migrants chinois ?

Face à cette population et les exigences d'intégration auxquelles celle-ci est soumise de fait en venant s'installer en France, les institutions de la Nation se retrouvent devant un véritable défi afin de répondre d'une manière conforme aux valeurs républicaines. Comment favoriser l'intégration de migrants ayant une vision du monde radicalement différente de la culture d'accueil ?

(1) Le Contrat d'Accueil et d'Intégration

Le Haut Conseil à l'Intégration a défini dans un rapport de 2007, 5 piliers définissant une politique de l'intégration :

· Les politiques d'accueil avec pour noyau le Contrat d'Accueil et d'Intégration

· La compensation des inégalités principalement fondée par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005

· La lutte contre les discriminations et pour l'acceptation de la diversité

· L'incitation à la participation à la « vie de la cité »

· L'accès à la pleine citoyenneté débouchant sur l'accession à la nationalité française.

La politique sociale liée à l'immigration a connu, depuis l'adoption des lois Sarkozy du 26 novembre 2003 et du 24 juillet 2006 (dites lois Sarkozy I et II), une évolution allant dans le sens d'un durcissement des conditions d'entrée et de séjour des personnes migrantes. Décourageant le regroupement familial, elles promeuvent l'immigration dite choisie et ont également pour axe de maîtriser les flux migratoires et favoriser l'intégration. C'est dans ce cadre qu'a été élaboré le Contrat d'Accueil et d'Intégration (CAI), pour un engagement volontariste d'intégration républicaine.

Depuis la « loi Sarkozy II », la signature d'un CAI est obligatoire pour les personnes primo-arrivantes. Elle leur impose une formation civique sur les institutions françaises et les valeurs républicaines, une session d'information sur l'organisation de la société française, un bilan de compétences professionnelles et une formation linguistique modulée suivant le niveau de la personne. La carte de résident n'est accordée qu'à ces trois conditions : l'engagement personnel de respecter les principes qui régissent la République Française, le respect effectif de ces principes et une connaissance suffisante de la langue française.

Ce contrat fait polémique, on lui reproche en effet sous prétexte de favoriser l'intégration de surtout chercher à limiter le nombre des installations en en rendant les conditions plus difficiles. Par ailleurs il ne s'adresse qu'aux nouveaux entrants et n'a aucun effet sur les populations plus anciennement installées et non intégrées ni sur les immigrés clandestins. C'est notamment le cas chez les migrants chinois. Cette critique est reprise par Monsieur X, président d'une association de jeunes chinois : « Selon moi, le contrat d'intégration a été mis en place pour limiter le nombre d'immigrés en France et spécialement pour limiter le nombre de migrants chinois qui pose problème au gouvernement français car celle-ci est opaque. L'apprentissage du français est réellement problématique chez les chinois, notamment pour ceux arrivés après leurs 13 ans et les adultes, les mécanismes d'apprentissage étant beaucoup moins évident chez eux. Le respect du contrat d'intégration est forcément beaucoup plus difficile à respecter et limite de fait la régularisation des migrants chinois adultes. A mon avis, cette politique ne servira qu'à créer plus de « sans-papiers » car elle ne tient pas compte des spécificités culturelles ».

C'est en effet une critique relevée par d'autres associations craignant que ce contrat augmente le nombre d'immigrés clandestins car les conditions d'installation légale sont plus contraignantes.

L'apprentissage de la langue, dans l'ensemble de mes entretiens revient sans cesse et apparaît comme le facteur essentiel de l'intégration et comme nous l'avons vu en amont sa non maîtrise est elle factrice de vulnérabilité. Comment l'Etat organise-t-il cette apprentissage ?

(2) L'apprentissage de la langue française

C'est l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) qui organise le parcours d'intégration des migrants et celui-ci commence dans le pays d'origine et se prolonge en France. Le ressortissant étranger âgé de plus de seize ans et de moins de soixante-cinq ans ou le conjoint de français qui sollicitent le regroupement familial bénéficient dans leur pays de résidence, d'une évaluation de leur degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République.

Si cette évaluation en établit le besoin, l'autorité administrative organise à l'intention de l'étranger, dans son pays de résidence, une formation dont la durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République.

Cette formation est d'une durée de 400 heures maximum. Elle est gratuite et dispensée dans des centres de formation linguistique répartis sur l'ensemble du territoire. Elle permet d'acquérir un premier niveau de connaissance du français et est valorisé par l'obtention d'un diplôme, le DILF, le Diplôme Initial de Langue Française.

La formation linguistique est devenue un enjeu social important pour l'Etat et les migrants. L'apprentissage du français est une composante évidente de l'intégration de la population. Cependant, la difficulté d'apprentissage des chinois n'est pas prise en compte dans le processus d'acquisition des compétences de base de la langue. C'est un choix qui entre dans une logique républicaine d'indifférenciation ethnique. Cependant, d'après une enquête réalisée en 2009 par l'Observatoire Régional de l'Intégration et de la Ville (ORIV), « les formateurs reconnaissent qu'avoir des groupes homogènes favorise la progression des apprenants29(*) ». Cette enquête ne tient nullement compte du paramètre des origines des populations. Lorsqu'il est question d'homogénéité du public, ce n'est pas des origines dont il est question mais du niveau : Les personnes non francophones ne maîtrisant pas ou partiellement les compétences de base dans leur langue maternelle, Les personnes non francophones qui maîtrisent les compétences de base dans leur langue maternelle, Les personnes francophones, scolarisées en langues française, ne maîtrisant pas ou partiellement les compétences de base.

Le Cadre national de référence de m'Agence Nationale de Lutte Contre l'Illettrisme (ANLCI), publié en 2003 donne trois définitions recouvrant différentes situations distinctes :

L'Analphabétisme : pas ou peu de scolarisation dans la langue maternelle et n'ayant jamais appris un code écrit.

FLE : Français Langue Etrangère. Cette définition s'applique aux étrangers qui ne parlent pas français, mais qui ont été scolarisé au moins 5 ans dans leur pays d'origine.

L'illettrisme : se dit de personnes qui ont été scolarisées en France et qui n'ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l'écriture et des compétences de base pour être autonome dans les situations simples de la vie courante.

Monsieur X me confirme en entretien que chez les populations originaires de la province du Zhejiang (Wenzhou), beaucoup de migrants viennent de la campagne à commencer par sa propre famille : « ma grand-mère est en France depuis plus de 30 ans et elle connaît à peine deux mots français ! Elle est de la campagne, comment voulez-vous qu'elle apprenne le français, elle ne connaît même pas sa propre langue ! ».

Nous constatons donc que malgré une volonté affichée de l'Etat de promouvoir l'intégration des migrants, notamment pas l'apprentissage du français, l'organisation de son enseignement pour les adultes est relativement limité et répond à la question de l'intégration sur un mode générique et sans discrimination (au sens différencié, donc sans connotation péjorative) par rapport aux origines ethniques. C'est pourtant selon Monsieur X un point essentiel dont il faut tenir compte, car dit-il : « on ne peut pas enseigner le français de la même manière à un chinois et à un marocain à supposer qu'il se retrouve dans un même atelier sociolinguistique, il faut prendre en compte les spécificités de la langue chinoise et de l'arabe, comment adapter une même logique d'apprentissage à deux système différents ?! ».

Cette même logique de non discrimination se retrouve dans l'enseignement du français pour les migrants de moins de 16 ans. Ceux-ci sont orientés par le Centre Académique pour la Scolarisation des élèves Nouvellement Arrivés et des enfants du voyage (CASNAV). Les élèves sont orientés en Classe d'Initiation pour Non-francophones (CLIN) ou en Classe d'Accueil selon leur âge. Les élèves de CLIN et CLA sont également inscrit en classe ordinaire par soucis d'une intégration rapide. Le site internet du CASNAV30(*) de Paris met à disposition des témoignages d'enfants de toutes nationalités. Nous pouvons constater que le niveau de français de ces élèves sont équivalents en fonction de la durée de leur séjour en France et ce quelque soit la nationalité. Ainsi, comme me le disait Monsieur X, les plus jeunes primo-arrivants chinois s'adaptent plus vite et plus facilement à la langue française.

(3) La place des services de droits communs

L'un des éléments caractéristiques de l'intégration selon le Haut Conseil à l'Intégration est le degré de participation à la vie active à la société nationale. Ainsi, le citoyen de la République connaît en théorie ses droits et ses devoirs. Ainsi : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.

Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale. Toute personne a droit de fonder, avec d'autres, des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts31(*) ». L'une des caractéristiques frappantes chez les migrants chinois spécifiquement les nouveaux arrivants est leur méconnaissance partielle voire totale du système français de protection sociale. L'Etat-providence n'a pour eux aucune signification effective ou symbolique. En 2003 le système chinois de protection sociale couvrait 110 millions de personnes sur une population dépassant le milliard trois cent millions selon l'Organisation Mondiale de la Santé, la proportion est dérisoire. Ce système est actuellement en construction en Chine et est devenu une des priorités du gouvernement qui compte l'étendre à toute la population. Pour l'heure, c'est 70% de la population qui ne dispose d'aucune protection sociale.

Le projet migratoire des chinois ne tient pas compte au départ de l'organisation du système de protection sociale ou du fonctionnement de l'assurance chômage et des retraites. Nous l'avons vu, celui-ci s'inscrit davantage dans une lignée de cheminements balisés par des générations de migrants et du lien communautaire. Le courant migratoire entraîne les migrants chinois au sein de la communauté, par la communauté et pour la communauté. La « protection » est fournie par le réseau communautaire. Pour cette population, les démarches administratives sont effectuées par l'intermédiaire soit de personnes identifiées comme étant des personnes ressources par leur maîtrise relative du français, soit par l'intermédiaires des enfants qui font office de traducteurs.

Les services de droits communs n'ont pour ainsi dire pas de place dans la vie quotidienne des migrants chinois. Peu d'entre eux font état de leur droit qu'ils soient régularisés ou non.

La population des primo arrivants chinois est pourtant très touchée par le trafic et l'exploitation en France, même si les qualificatifs habituels d'immigrants irréguliers ou de travailleurs illégaux cachent leur statut de victimes. Le rapport du Bureau International du Travail (BIT) de 2005 fait état de cette situation32(*).

Même au sein des quartiers fortement investis par la communauté chinoise, les services sociaux ne voient pas ou peu de personnes chinoises. Ainsi Madame S. assistante sociale de secteur me confiait : « je travaille dans ce quartier depuis 5 ans, je couvre le secteur où une grande partie des migrants chinois résident et travaillent. J'ai pourtant très peu d'usagers asiatiques dans ma file active, elle est même quasiment inexistante. Les collègues du Point d'Accès au Droit vous diront la même chose ! ».

Monsieur X de m'expliquer « les chinois ne connaissent absolument pas le fonctionnement des institutions de la France, tout d'abords à cause de la barrière de la langue. Ce n'est pas du communautarisme, ou volontairement qu'ils ignorent le système français. Sur le forum du site internet de l'association les questions sur les droits concernant, la sécurité sociale, CMU/CMU-C, la PMI ou le RSA sont nombreuses tous les jours ! Pour ces questions vous êtes plus légitime que moi pour répondre, mais ils se tournent vers la communauté parce que la langue leur pose problème ».

Concernant le secteur de l'emploi tout se passe également au sein de la communauté me dit-il, dans le secteur des « trois couteaux », la restauration, la maroquinerie et la confection.

Monsieur T, étudiant chinois et membre d'une association franco-chinoise avance une autre explication : « C'est la honte. Le sentiment d'être disqualifié aux yeux des gens, car la disqualification est associé au statut de migrants. Je crois que les chinois qui ont à faire avec les institutions se sentent incompétent et que c'est aussi cette image qui leur est renvoyée par les professionnels. Ils ressentent soit du mépris, soit de la condescendance, chez les chinois, spécialement, c'est insupportable ».

s) Le travail des associations

Cette partie s'attachera à comprendre et analyser le rôle des associations du système communautaire dans le processus d'intégration des migrants chinois en France. Nous verrons en quoi ces associations oeuvrent dans l'intérêt de ce public, pour une meilleure inclusion dans le champ républicain et pour une compréhension mutuelle entre communauté et société. Nous prendrons l'exemple de deux associations que nous nommerons Association H, P.

(1) Association H : de la convergence du collectif au statut associatif

L'association H a été crée à partir d'un collectif de jeunes « sans-papiers » chinois en 2002 réclamant la régularisation de plusieurs familles chinoise. En 2003, ce collectif a obtenu gain de cause pour plusieurs centaine de famille. Cependant, ces « sans-papiers » se sont vite rendu compte que le besoin fondamental ne résidait pas dans l'obtention de papiers, mais que le besoin d'intégration était indispensable. Suite à cette prise de conscience, ce collectif a développé un certain nombre d'activités favorisant cette intégration. La question de la manière d'intégrer la communauté chinoise à la société française est alors devenue centrale dans ce collectif. C'est en 2003 que ce collectif a obtenu le statut d'association républicaine, subventionnée, favorisant l'intégration et la mixité des migrants chinois. Soutenu par l'Etat, l'association H a développé des projets d'innovation sociale et de recherche. Bénéficiant du financement de la commune, de la région, de la Caisse d'Allocation Familial, de l'ACSE (Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ex FASILD (Fonds d'Action et de Soutien pour l'Intégration et la Lutte contre les Discriminations)), et du FSE (Fond Social Européen) le projet de l'association comporte 6 visées :

Humaine : Contribuer au développement de la personne humaine et de son environnement proche.

Sociale : Favoriser l'accès aux droits, à la citoyenneté par une participation effective de la population à la vie sociale locale.

Linguistique : Favoriser l'apprentissage de la langue française et l'autonomie des personnes.

Culturelle : Développer les contacts et les échanges avec la population française, permettre aux personnes de s'ouvrir à d'autres cultures.

Economique : Contribuer à l'insertion sociale des migrants par l'emploi et l'aide à la création d'entreprise.

Républicaine et Scientifique : Apporter à la société française une connaissance sur la migration chinoise du Zhejiang (projet de recherche en anthropologie sociale avec le CADIS-EHESS.)

En outre, cette association a pour vocation l'aide à l'insertion sociale et citoyenne des publics migrants et s'appuie sur une équipe de 6 salariés et une trentaine de bénévoles. Elle effectue un accompagnement à la santé en développant une permanence de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) dans les locaux de l'association. Un travail de médiation santé est également dispensé ainsi que de l'information de la prévention et de l'éducation à la santé. Une action sociale est également menée avec une permanence quotidienne, pour des accompagnements, constitution de dossier et surtout un partenariat avec un Centre Social, des structures administratives et une coopération avec l'Equipe de Développement Local du quartier.

L'un des membres fondateurs de l'association met l'accent sur l'importance de la compréhension mutuelle de la communauté et de la société : « cela montre que la médiation, la compréhension, l'écoute, génèrent de la bonne volonté et génèrent chez ces migrants une volonté de s'intégrer, alors que le rejet au contraire renforce le repli communautaire ».

(2) L'association franco-chinoise P

Cette association franco-chinoise, implantée au coeur d'un des premiers quartiers historiques chinois de Paris est né en 1993 de la rencontre d'une sinologue Madame V et d'un éducateur de rue remarquant l'isolement et le manque de repères des migrants chinois dans la société d'accueil alors même que l'image véhiculée dans la conscience collective est celle de la discrétion, de la solidarité, du retrait et du repli communautaire. Madame V : « Avant d'être culturelle, leur position de retrait reflète une blessure, un besoin de protection(...), le repli des familles sur elles-mêmes et dans des secteurs d'activités circonscrits s'explique par des contraintes économiques liées à l'endettement pour le passage en France d'environ 18 000 euros, soit dix ans d'économie en Chine33(*) ».

L'association propose une série d'activités afin d'enrayer cet isolement. Elle fonctionne avec une trentaine de bénévoles soutenus par une équipe de 5 salariés, une coordinatrice-médiatrice, une formatrice français langue étrangère, une assistante sociale d'origine chinoise et deux animatrices médiatrices. L'association touche surtout un public de jeunes chinois et leur famille ainsi que les femmes seules originaires du Dong Beï. Elle a pour objectif d'oeuvrer à l'intégration en créant des passerelles et des liens entre la population chinoise et le milieu environnant français (institutionnel ou non-institutionnel). Elle propose des activités linguistiques, culturelles et sportives, elle oeuvre également dans le domaine de la santé, en menant des actions informatives en matière sanitaire et sociale en faisant intervenir des intervenants de la CAF et de la PMI. L'association fait également de la médiation socio-culturelle, propose un suivi socio-éducatif dans une démarche de prévention de la marginalisation et de la délinquance, favorise l'insertion sociale et propose également un parrainage adapté au contexte spécifique rencontré par ces publics vers l'orientation, la formation et l'emploi.

L'association est devenue un repère pour les habitants chinois et non chinois du quartier où elle est implantée.

(3) Partenariat entre espace communautaire et républicain : un compromis tacite ?

Si le modèle républicain n'admet pas la différenciation culturelle au sein de son système, une cohabitation avec l'espace communautaire est-il possible ? Selon les valeurs universelles héritées de la philosophie des « Lumières », la République est régie par les principes d'égalité et d'indivisibilité. Est-il possible dans ces conditions de désacraliser notre expérience de la République et reconnaître qu'elle n'est pas aussi homogène que l'idéal républicain le voudrait, sans briser le Contrat social ?

L'intégration des migrants chinois, et plus largement des migrants en général, est une question qui occupe l'espace politique, économique et social de la France. Si pour l'heure la question est principalement traitée par la philosophie politique, la partie large de l'entonnoir des idées, celle-ci émerge dans le champ du travail social.

Cette problématique de l'interculturelle s'impose aujourd'hui de plus en plus dans les services sociaux.

Dans le cadre des Rencontres-débats de PARI-Parentalité du 11 février 2003 sur le thème « Familles et enfants chinois : quels trajets ? Quelles rencontres ? », la question de l'accompagnement éducatif qui est dû aux jeunes chinois mineurs isolés s'est posée. Selon Geneviève Lefebvre, Juge des enfants, « il n'est pas rare de voir des enfants de huit à dix ans qui sont conduits directement par le « passeur » aux foyers de l'ASE (Aide Sociale à l'Enfance)34(*) ». En 2003, selon les données du Centres de Formation et d'Information pour la Scolarisation des Enfants de Migrants (CEFISEM aujourd'hui CASNAV), les chinois représentaient 50% des primo-arrivants dans les classes d'accueil. Les liens de confiances que doivent établir les travailleurs sociaux avec les usagers est extrêmement difficile à mettre en place pour ce public, car il y a beaucoup de zone d'ombre dans leur parcours. Les familles chinoises sont difficiles à approcher pour un travailleur social, celle-ci restent très méfiante mais aussi elles sont dans une méconnaissance du concept de travailleur social ou d'éducateur. Par ailleurs, les clichés véhiculés par ignorance de la dite culture empêche toute forme d'empathie.

Cette Rencontre-débat organisé par le Conseil Général de Paris avait pour but d'informer sur le parcours migratoire des migrants chinois, leur projet, leurs attentes et a servi à monter un groupe de travail permanent, en collaboration avec l'association franco-chinoise de Monsieur P et Madame V destiné à entretenir une collecte d'informations et à mener une réflexion sur les pratiques, afin de faciliter la rencontre sans a priori des familles et de leurs enfants.

On peut voir ici une forme de reconnaissance d'un particularisme culturel de la part de l'institution garante à son échelle du bon fonctionnement du système républicain et de son intrusion dans la sphère publique.

De la même manière, toujours à Paris, la ville s'est engagée dans un programme européen intitulé « Chinois d'Europe et intégration » sur la période 2002 - 2005. Le projet était piloté par la Mission intégration de la Délégation à la Politique de la Ville et à l'Intégration (DPVI) en partenariat avec l'association franco-chinoise précitée, la mission locale, un centre d'apprentissage et une autre association oeuvrant sur le plan international dans le domaine de l'emploi et la formation professionnelle. Financé en partie par le Fond Social Européen, le projet partait du constat qu'une grande majorité de la population chinoise issue du Zhejiang était très peu intégrée. L'idée du projet était de mieux connaître la communauté et les mécanismes d'exclusion pour, à termes favoriser une meilleure intégration. Cette action avait ceci d'innovant que la Ville de Paris n'avait jamais initié d'action en ciblant une communauté spécifique. Dans ce projet, chaque étape a été discutée en discutant avec les partenaires associatifs, de terrain et connaissant la population ciblée. Il avait pour finalité de développer des programmes d'activités pour favoriser des orientations professionnelles diversifiées et sortant du secteur dit des « trois couteaux », la maroquinerie, la restauration et la confection : « toute une série de dynamiques ou d'outils ont pu être mis en place, qui oeuvrent tous dans le sens d'un appui à l'intégration des chinois et dont on peut espérer qu'ils perdureront au-delà du soutien consenti par le FSE35(*) ».

Une plate-forme d'accueil mutualisée a été crée en 2002 par l'association Franco-Chinoise pilotant le projet ainsi que deux actions de formations de cinq à six semaines axées sur l'interculturalité en 2004. La première formation étaient destinées aux personnes chinoises désireuses de se former à la médiation interculturelle afin de pouvoir agir au sein de leur communauté. La deuxième formation était destinée aux professionnels et bénévoles du champ social pouvant rencontrer le public migrant chinois.

Nous constatons donc que le partenariat entre un espace communautaire ouvert et les institutions républicaines de droit commun est envisageable lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des actions favorisant l'intégration des migrants. Il y a une complémentarité possible entre l'espace communautaire et l'espace républicain qui ne sont pas séparé si nous y regardons de plus près. Les associations communautaires relèvent de la loi dite « loi 1901 », à but non lucratif. Ce n'est que le 9 octobre 1981 que ce droit d'association pour les étrangers a été promulgué. Auparavant, ces associations étaient soumises à une autorisation discriminante préalable du ministère de l'intérieur par un décret-loi « portant statut particulier des associations étrangères et associations composées d'étrangers » datant de 1939. Aujourd'hui les associations relevant de la loi 1901, communautaires ou non sont de fait, républicaines et relevant du droit privé. Ainsi l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 énonce : « Toute association (...) qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement est nulle et de nul effet ».

Du point de vue individuel et de la pratique professionnelle du travail social auprès de personne migrante, Delphine Serre, maître de conférences à l'université paris I Panthéon Sorbonne a mené une recherche sur les professions intermédiaires de l'enfance et du social dans une perspective de sociologie des normes, du travail et des classes sociales. Dans son ouvrage « Les coulisses de l'Etat social, enquête sur les signalements d'enfant en danger » (Raison d'agir, 2009), elle note « des pratiques empreintes de relativisme » chez les assistantes sociales de l'éducation nationale, selon les origines de l'usager. Elle note que l'attitude « culturaliste » des assistantes sociales est très fréquente. Ainsi : « on dira « dans les familles africaines, on a la main leste, il y a souvent des coups de ceintures », mais on ajoutera « c'est comme si, nous, on se ramassait une gifle ou un coup de pied aux fesses » ». Selon la sociologue, « le relativisme transparaît dans la mise en équivalence des pratiques ». Les assistantes sociales interrogées par Delphine Serre répondent qu'il faut savoir marier les exigences de l'intégration et le respect de la différence.

Pour Madame Z. assistante social de secteur : « l'important à mon sens c'est de ne pas se crisper sur ses propres valeurs. Je suis assistante sociale, j'ai grandi et j'ai été formée par la République, je suis vraie une républicaine ! Ceci dit ça ne m'empêche pas de prendre en compte la culture de l'usager dans mes accompagnements. D'ailleurs je n'ai pas le choix si je veux faire correctement mon travail ! La relation d'aide ne s'inscrit que dans un rapport de confiance et je ne suis trop fermé pour comprendre l'usager, sa façon de comprendre le monde, et bien je ne pourrai pas effectuer un accompagnement qui ait un sens pour lui ». A la question « Pourriez-vous envisager de travailler en partenariat avec une association communautaire ? », la réponse était sans appel : « d'un point de vue strictement personnel je dirais oui sans hésitation, si tant est que l'association en question est sérieuse et n'est pas des fins obscurs. En revanche je ne suis pas certaine que cela puisse se faire au niveau institutionnel... encore que... il faudrait en discuter en équipe »

III. Problématique

Nous pouvons constater à travers l'exemple du travail de l'association chinoise H. et de l'association franco-chinosie P. qu'ils représentent une porte d'entrée indispensable pour une accession au statut de citoyen d'un public migrant chinois encore méfiants vis-à-vis de l'extra-communautaire. Cette méfiance, malgré l'image que cette population véhicule (calme, discret, intégré économiquement etc.) est cependant réciproque venant de la société d'accueil. Celle-ci est surtout répandue dans les quartiers fortement investis par la communauté chinoise où l'expansion des grossistes en maroquinerie ou des traiteurs chinois ne semble pas contrôlable. La méconnaissance mutuelle des cultures respectives stigmatisent les craintes de chacune des parties. En ce sens, le travail des associations H et P offre un sas de communication (et de médiation le cas échéant) idéal. Pierre Picquart évalue à 649 le nombre d'associations, dont 50 sont chinoises et 599 franco-chinoises. Ces chiffres datent de 2002.

Du point de vue des institutions nous pouvons remarquer que bien qu'une ouverture vers la prise en compte de particularismes culturels et surtout du parcours migratoire des migrants est petit à petit mise à jour, elle reste timide et cantonnée à des projets expérimentaux et à l'échelle locale. Pris entre des valeurs républicaines à portées universelles, absolue et a priori sans concession possible et la nécessité de s'adapter à l'évolution de la société elles restent pour le moment dans la lignée d'origine. Au regard de cette analyse, une question de recherche venant préciser la question de départ se dégage : En quoi l'action sociale de droit commun peut-elle favoriser l'inclusion sociale des migrants en partenariat avec les associations communautaires sans contredire les principes républicains de non-discrimination, d'unité et d'indivisibilité ?

Afin d'apporter un élément de réponse à ce nouveau questionnement nous allons émettre une hypothèse. Celle-ci devra tenir compte de l'analyse du recoupement des éléments théoriques et pratiques effectué. Nous l'avons vu, l'élément principal stigmatisant les parties sur leurs valeurs propres parfois hermétique à toute ouverture, vers l'autre, est la méconnaissance de celui-ci. Une meilleure compréhension réciproque passe par l'apprentissage des codes culturels de l'autre. Elle évite aux individus des attitudes dictées par des idées reçues.

Par ailleurs, l'un des principes fondateurs de la République est l'Egalité. C'est pour garantir l'égalité de tous que les institutions sont amenées à reconnaître des particularismes culturels, sans pour autant remettre en question la République une et indivisible. En ce sens, l'égalité est conciliable avec la différence. Nous l'avons vu, l'écart culturel entre la population chinoise et celle de la France représente un fossé très difficile à combler pour l'une et l'autre des parties pour autant qu'elles le veuillent. Cet écart s'avère être un frein pour les migrants. Il les discrimine dans leur accès à l'intégration et à la participation à la vie publique. Nous faisons donc l'hypothèse qu'un travail commun sur l'interculturalité pourrait répondre à la question de recherche qui a émergée. En outre, des actions de formation à la médiation interculturelle et le recours à des disciplines comme l'ethnopsychiatrie pourraient créer une passerelle d'échange et ainsi favoriser l'intégration sociale des migrants dans un souci d'intérêt général et commun.

IV. Outils de vérification

Il s'agira, afin de vérifier cette hypothèse de travail, d'aller sur le terrain et de mener une enquête auprès du public concerné. La question de recherche que nous avons faite émerger élargit le public cible à l'ensemble des migrants. La problématique de l'écart culturel n'est pas spécifique aux migrants chinois. Il ne s'agit donc pas du public mais des publics dont font aussi partie les professionnels de l'action sociale, assistants sociaux, éducateurs spécialisés, moniteurs éducateurs etc.

Les associations communautaires sont des terrains de choix car elles représentent un sas de rencontre possible entre communauté et société d'accueil. Les bénévoles et salariés de ces associations sont donc également concernés. Dans le triangle migrants - institutions - associations, il s'agira de recueillir des données qualitatives par des entretiens semi-directif orientés par des grilles d'entretien spécifiquement conçus pour chaque public. Une place sera également donnée aux données subjectives par des entretiens ouverts. Il nous semble important dans cette enquête de tenir compte du ressenti du public, autant professionnels que migrants. Face au phénomène de disqualification ressenti par les migrants confrontés à la société d'accueil et à l'impuissance des professionnels de l'action sociale devant cette incompréhension réciproque et l'incapacité à effectuer leur mission, la prise en compte de données subjectives peuvent être d'une réelle utilité. Nous aurons soin d'interroger de manière spécifique les primo-arrivants, les migrants de longue date et isolés ayant des problématiques d'insertion, les migrants économiquement intégrés mais pas socialement et les enfants de migrants nés sur le territoire. Nous interrogerons également les mineurs isolés étrangers. Chez les professionnels, les ethnopsychiatres et les médiateurs feront partie du panel des personnes avec le personnel associatif, faisant le pont entre migrants et société d'accueil.

V. Conclusion

La question de l'immigration est devenue en quelques décennies centrales dans la vie de la population française. Elle touche tous les champs, qu'il soit politique, social, économique, culturel, philosophique etc. Dans un contexte de mondialisation, cette question intéresse l'ensemble des sociétés modernes. La question chinoise dans ce contexte alimente les craintes. En 1897, déjà, Jacques Novicow, sociologue russe d'expression française écrit : « Le Péril Jaune », expression encore bien connue aujourd'hui. Il y étudie l'impact de la représentation des chinois. Celle-ci est donc perçue comme menaçante pour la civilisation occidentale : « « Partout où l'ouvrier chinois ou même nègre est en concurrence avec l'ouvrier blanc, dit M.E Faguet, celui-ci est vaincu »(...) Les chinois sont quatre cent millions. Théoriquement ils peuvent mettre trente millions d'hommes sur pied de guerre. (...) Le « Péril jaune » vient surtout de l'ouvrier chinois qui se contente de cinq sous. ». Plus récemment, le 9 mars 2011, Philippe Plassart dans le Nouvel Economiste écrit un article titré également « Le péril jaune ». Dans cet article, le journaliste s'interroge sur le futur leadership économique mondial et l'impact que cela aura.

La Chine a de tout temps été l'objet d'interrogations et de craintes. Aussi la question de leur émigration inquiète. La population chinoise ne représente pourtant qu'une faible partie de l'ensemble des immigrés présents en France (4,4%) et une infime partie de la population totale (0.3%)36(*). Jusqu'à la fin des années 90, les chinois jouissaient d'une réputation plutôt positive, perçus comme des personnes calmes, travailleuses, économiquement intégrés, mais fermés et restant entre eux. Depuis une dizaine d'années, la population est davantage observée. Leur inclusion au sein de la société pose question. Si les services d'actions sociales institutionnels ne voient que peu d'usagers chinois, ces derniers n'échappent pas aux problèmes sociaux. La majorité d'entre eux sont pris en charge par une communauté chinoise depuis longtemps organisée dans un processus migratoire commençant dans le pays d'origine et ayant cours tout au long du séjour dans la société d'accueil. Les études montrent que ce phénomène ne relèverait pas de la culture chinoise mais serait une stratégie d'adaptation, une stratégie de survie. La nuance est importante car la communauté chinoise véhicule beaucoup d'a priori aujourd'hui devenu négatifs.

L'intégration des migrants chinois est aussi devenue un défi pour la République, pris entre ses principes fondamentaux d'unité et d'indivisibilité et par conséquent ne reconnaissant pas l'existence des minorités ethniques. Ce qui pose problème dans la prise en charge de ces personnes car la prise en compte de déterminants culturels s'avère indispensable pour qu'un lien se mette en place. C'est notamment le cas dans la prise en charge d'une assistante sociale ou d'un éducateur spécialisé. Ainsi, une connaissance réciproque des migrants et de la société d'accueil limite la défiance que les deux parties peuvent se vouer. Pour ce, les associations communautaires représentent un sas de communication pouvant créer des passerelles. La question de l'intégration dépasse évidemment celle des migrants chinois et concerne l'ensemble des migrants. Ce travail sur les migrants chinois peut être effectué sur les populations pakistanaises, tamoules, cubaines etc. toutes ces communautés possédant des traits culturels différents et des typologies migratoires différentes. Elles vivent l'intégration républicaine de manières différentes en fonction de leurs spécificités culturelles.

Ce travail sur cette thématique m'a permis de répondre à la question de l'antinomie apparente du travail en partenariat avec les communautés et du cadre républicain. J'ai notamment compris que l'égalité n'est pas incompatible avec la différence et que celle-ci n'est pas proscrite ni à proscrire dans le cadre privé comme dans le cadre public. La question républicaine est également intéressante et revient au centre des débats politiques et philosophiques. Le fait de reconnaître ou non l'existence des minorités ethniques est en débat, même si fondamentalement la République ne peut revenir sur ces principes fondateurs. Dans ces débats le parallèle avec les sociétés anglo-saxonne, américaine, anglaise ou canadienne. Cependant, les comparaisons ne tiennent pas, car le développement de nos sociétés respectives s'est effectué de manières tout à fait différentes. Les Etats-Unis et le Canada ont par exemple développé une politique social autour de la notion d'empowerment où les minorités ethniques prennent en charge l'action sociale au sein de leur propre communauté. C'est probablement une évolution que la République ne connaîtra jamais.

* 1 Dhume Fabrice, « Communautarisme, l'imaginaire nationaliste », revue VEI-Diversité, N°150, sept 2007

* 2 Taguieff Pierre-André, « La République enlisée. Pluralisme, Communautarisme et Citoyenneté », Paris, édition des Syrtes, 2005

* 3 Giraud M., « Vocabulaire historique et critique des relations inter-ethniques » Pluriel Recherches Cahier n°3, 1995

* 4 Chiffres de Donation Schramm, journaliste et spécialiste de la communauté chinoise en France

* 5 Gao Yun, Véronique Poisson, « Le trafic et l'exploitation des migrants chinois en France », BIT, 2005. Entretien mené par des enquêteurs pour Bureau International du Travail (BIT). Il nous a semblé essentiel de retranscrire une partie de ce témoignage car celui-ci illustre parfaitement les difficultés que peuvent rencontrer les migrants chinois avant d'arriver en Europe.

* 6 Zheng Lihua, Les Chinois de Paris et leurs jeux de face, L'Harmattan, Paris, 1993

* 7 Lin Yutang, La Chine et les Chinois, Payot et Rivages, Paris, 1997

* 8 Gui Yuhua, Disputes au village chinois, Maison des Sciences de l'Homme, Paris 2001

* 9 Un documentaire de 48 mn a été tourné par Lee Show-Chun montrant cela, celui-ci s'intitule : « Ma vie est mon vidéo clip préféré », 2004, visionnable à la BNF

* 10 Godbout Jacques, « Le retour du social », Les Editions du Boréal, Montréal, 1990.

* 11 Domenach Jean-Luc, Hua Changming, « Le mariage en Chine », Presses de la fondation nationale des sciences politiques, Paris 1987

* 12 Ibid

* 13 Pina Guerassimoff, « La circulation des nouveaux migrants économiques chinois en France et en Europe », Paris, 2002

* 14 Gao Yun, Véronique Poisson, Op. Cit.

* 15 L'hebdomadaire, L'Express, a consacré un article à ce fait divers consultable à cette adresse : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/vie-et-mort-d-une-clandestine_474872.html

* 16 Estelle Auguin, Florence Levy, « Langue et vulnérabilité des migrations chinoises actuelles », REMI, 2007

* 17 Véronique Poisson, Gao Yun, Op.Cit.

* 18 Véronique Poisson, Gao Yun, Op.Cit.

* 19 Fabienne Lecomte, « La famille et les langues, Une étude sociolinguistique de la deuxième génération de l'immigration africaine dans l'agglomération rouennaise, 1998.

* 20 Andrea Rea, Maryse Tripier, Sociologie de l'immigration, édition La Découverte, Paris, 2008

* 21 Park, Burgess, Introduction to the Science of Sociology, 1921

* 22 Pierre Picquart, « L'Empire chinois », Edition Favre, 2004

* 23 Schnapper Dominique, « La France de l'intégration », Paris, Gallimard, 1991

* 24 Schnapper Dominique, « La communauté des citoyens », Paris, Gallimard, 1994

* 25 Schnapper Dominique, « L'Europe des immigrés : essai sur les politiques d'immigration », Paris, Bourin, 1992

* 26 Lapeyronnie Didier, « L'individu et les minorités, PUF, Paris, 1993

* 27 Khosrokhavar F., « L'universel abstrait » in Wievorka M., « une société fragmentée ?», La Découverte, Paris, 1996

* 28 Schnapper, Dominique, « Qu'est ce que la citoyenneté », Paris Gallimard, 2000

* 29 Gaëlle Donnard, « Formation linguistique : un nouvel enjeu des politiques d'intégration ? », ORIV Alsace, décembre 2009

* 30 http://casnav.scola.ac-paris.fr/page.php?espace=eleves&doc=portrait1#ying

* 31 Extrait de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, article 23, 10 décembre 1948

* 32 Gao Yun, Véronique Poisson, « Le traffic et l'exploitation des migrants chinois en France », BIT, 2005

* 33 Extrait du rapport d'activité 2003 de l'Association franco-chinoise P

* 34 Geneviève Lefebvre, « Familles et enfants chinois : quels trajets ? Quelles rencontres ? », Cahiers de Chaligny, Paris, décembre 2003

* 35 Sabine Moreno, « Le projet chinois d'Europe et intégration », hommes&migrations, N°1254, mars-avril 2005

* 36 Véronique Poisson, Gao Yun, op. cit.






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