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L'intégration républicaine à  l'épreuve du lien communautaire: l'exemple des migrants Chinois

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par Romain Hem-Reun
Institut régional du travail social Paris Parmentier - Diplôme d'état d'assistant de service social 2011
  

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(2) L'association franco-chinoise P

Cette association franco-chinoise, implantée au coeur d'un des premiers quartiers historiques chinois de Paris est né en 1993 de la rencontre d'une sinologue Madame V et d'un éducateur de rue remarquant l'isolement et le manque de repères des migrants chinois dans la société d'accueil alors même que l'image véhiculée dans la conscience collective est celle de la discrétion, de la solidarité, du retrait et du repli communautaire. Madame V : « Avant d'être culturelle, leur position de retrait reflète une blessure, un besoin de protection(...), le repli des familles sur elles-mêmes et dans des secteurs d'activités circonscrits s'explique par des contraintes économiques liées à l'endettement pour le passage en France d'environ 18 000 euros, soit dix ans d'économie en Chine33(*) ».

L'association propose une série d'activités afin d'enrayer cet isolement. Elle fonctionne avec une trentaine de bénévoles soutenus par une équipe de 5 salariés, une coordinatrice-médiatrice, une formatrice français langue étrangère, une assistante sociale d'origine chinoise et deux animatrices médiatrices. L'association touche surtout un public de jeunes chinois et leur famille ainsi que les femmes seules originaires du Dong Beï. Elle a pour objectif d'oeuvrer à l'intégration en créant des passerelles et des liens entre la population chinoise et le milieu environnant français (institutionnel ou non-institutionnel). Elle propose des activités linguistiques, culturelles et sportives, elle oeuvre également dans le domaine de la santé, en menant des actions informatives en matière sanitaire et sociale en faisant intervenir des intervenants de la CAF et de la PMI. L'association fait également de la médiation socio-culturelle, propose un suivi socio-éducatif dans une démarche de prévention de la marginalisation et de la délinquance, favorise l'insertion sociale et propose également un parrainage adapté au contexte spécifique rencontré par ces publics vers l'orientation, la formation et l'emploi.

L'association est devenue un repère pour les habitants chinois et non chinois du quartier où elle est implantée.

(3) Partenariat entre espace communautaire et républicain : un compromis tacite ?

Si le modèle républicain n'admet pas la différenciation culturelle au sein de son système, une cohabitation avec l'espace communautaire est-il possible ? Selon les valeurs universelles héritées de la philosophie des « Lumières », la République est régie par les principes d'égalité et d'indivisibilité. Est-il possible dans ces conditions de désacraliser notre expérience de la République et reconnaître qu'elle n'est pas aussi homogène que l'idéal républicain le voudrait, sans briser le Contrat social ?

L'intégration des migrants chinois, et plus largement des migrants en général, est une question qui occupe l'espace politique, économique et social de la France. Si pour l'heure la question est principalement traitée par la philosophie politique, la partie large de l'entonnoir des idées, celle-ci émerge dans le champ du travail social.

Cette problématique de l'interculturelle s'impose aujourd'hui de plus en plus dans les services sociaux.

Dans le cadre des Rencontres-débats de PARI-Parentalité du 11 février 2003 sur le thème « Familles et enfants chinois : quels trajets ? Quelles rencontres ? », la question de l'accompagnement éducatif qui est dû aux jeunes chinois mineurs isolés s'est posée. Selon Geneviève Lefebvre, Juge des enfants, « il n'est pas rare de voir des enfants de huit à dix ans qui sont conduits directement par le « passeur » aux foyers de l'ASE (Aide Sociale à l'Enfance)34(*) ». En 2003, selon les données du Centres de Formation et d'Information pour la Scolarisation des Enfants de Migrants (CEFISEM aujourd'hui CASNAV), les chinois représentaient 50% des primo-arrivants dans les classes d'accueil. Les liens de confiances que doivent établir les travailleurs sociaux avec les usagers est extrêmement difficile à mettre en place pour ce public, car il y a beaucoup de zone d'ombre dans leur parcours. Les familles chinoises sont difficiles à approcher pour un travailleur social, celle-ci restent très méfiante mais aussi elles sont dans une méconnaissance du concept de travailleur social ou d'éducateur. Par ailleurs, les clichés véhiculés par ignorance de la dite culture empêche toute forme d'empathie.

Cette Rencontre-débat organisé par le Conseil Général de Paris avait pour but d'informer sur le parcours migratoire des migrants chinois, leur projet, leurs attentes et a servi à monter un groupe de travail permanent, en collaboration avec l'association franco-chinoise de Monsieur P et Madame V destiné à entretenir une collecte d'informations et à mener une réflexion sur les pratiques, afin de faciliter la rencontre sans a priori des familles et de leurs enfants.

On peut voir ici une forme de reconnaissance d'un particularisme culturel de la part de l'institution garante à son échelle du bon fonctionnement du système républicain et de son intrusion dans la sphère publique.

De la même manière, toujours à Paris, la ville s'est engagée dans un programme européen intitulé « Chinois d'Europe et intégration » sur la période 2002 - 2005. Le projet était piloté par la Mission intégration de la Délégation à la Politique de la Ville et à l'Intégration (DPVI) en partenariat avec l'association franco-chinoise précitée, la mission locale, un centre d'apprentissage et une autre association oeuvrant sur le plan international dans le domaine de l'emploi et la formation professionnelle. Financé en partie par le Fond Social Européen, le projet partait du constat qu'une grande majorité de la population chinoise issue du Zhejiang était très peu intégrée. L'idée du projet était de mieux connaître la communauté et les mécanismes d'exclusion pour, à termes favoriser une meilleure intégration. Cette action avait ceci d'innovant que la Ville de Paris n'avait jamais initié d'action en ciblant une communauté spécifique. Dans ce projet, chaque étape a été discutée en discutant avec les partenaires associatifs, de terrain et connaissant la population ciblée. Il avait pour finalité de développer des programmes d'activités pour favoriser des orientations professionnelles diversifiées et sortant du secteur dit des « trois couteaux », la maroquinerie, la restauration et la confection : « toute une série de dynamiques ou d'outils ont pu être mis en place, qui oeuvrent tous dans le sens d'un appui à l'intégration des chinois et dont on peut espérer qu'ils perdureront au-delà du soutien consenti par le FSE35(*) ».

Une plate-forme d'accueil mutualisée a été crée en 2002 par l'association Franco-Chinoise pilotant le projet ainsi que deux actions de formations de cinq à six semaines axées sur l'interculturalité en 2004. La première formation étaient destinées aux personnes chinoises désireuses de se former à la médiation interculturelle afin de pouvoir agir au sein de leur communauté. La deuxième formation était destinée aux professionnels et bénévoles du champ social pouvant rencontrer le public migrant chinois.

Nous constatons donc que le partenariat entre un espace communautaire ouvert et les institutions républicaines de droit commun est envisageable lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des actions favorisant l'intégration des migrants. Il y a une complémentarité possible entre l'espace communautaire et l'espace républicain qui ne sont pas séparé si nous y regardons de plus près. Les associations communautaires relèvent de la loi dite « loi 1901 », à but non lucratif. Ce n'est que le 9 octobre 1981 que ce droit d'association pour les étrangers a été promulgué. Auparavant, ces associations étaient soumises à une autorisation discriminante préalable du ministère de l'intérieur par un décret-loi « portant statut particulier des associations étrangères et associations composées d'étrangers » datant de 1939. Aujourd'hui les associations relevant de la loi 1901, communautaires ou non sont de fait, républicaines et relevant du droit privé. Ainsi l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 énonce : « Toute association (...) qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme républicaine du Gouvernement est nulle et de nul effet ».

Du point de vue individuel et de la pratique professionnelle du travail social auprès de personne migrante, Delphine Serre, maître de conférences à l'université paris I Panthéon Sorbonne a mené une recherche sur les professions intermédiaires de l'enfance et du social dans une perspective de sociologie des normes, du travail et des classes sociales. Dans son ouvrage « Les coulisses de l'Etat social, enquête sur les signalements d'enfant en danger » (Raison d'agir, 2009), elle note « des pratiques empreintes de relativisme » chez les assistantes sociales de l'éducation nationale, selon les origines de l'usager. Elle note que l'attitude « culturaliste » des assistantes sociales est très fréquente. Ainsi : « on dira « dans les familles africaines, on a la main leste, il y a souvent des coups de ceintures », mais on ajoutera « c'est comme si, nous, on se ramassait une gifle ou un coup de pied aux fesses » ». Selon la sociologue, « le relativisme transparaît dans la mise en équivalence des pratiques ». Les assistantes sociales interrogées par Delphine Serre répondent qu'il faut savoir marier les exigences de l'intégration et le respect de la différence.

Pour Madame Z. assistante social de secteur : « l'important à mon sens c'est de ne pas se crisper sur ses propres valeurs. Je suis assistante sociale, j'ai grandi et j'ai été formée par la République, je suis vraie une républicaine ! Ceci dit ça ne m'empêche pas de prendre en compte la culture de l'usager dans mes accompagnements. D'ailleurs je n'ai pas le choix si je veux faire correctement mon travail ! La relation d'aide ne s'inscrit que dans un rapport de confiance et je ne suis trop fermé pour comprendre l'usager, sa façon de comprendre le monde, et bien je ne pourrai pas effectuer un accompagnement qui ait un sens pour lui ». A la question « Pourriez-vous envisager de travailler en partenariat avec une association communautaire ? », la réponse était sans appel : « d'un point de vue strictement personnel je dirais oui sans hésitation, si tant est que l'association en question est sérieuse et n'est pas des fins obscurs. En revanche je ne suis pas certaine que cela puisse se faire au niveau institutionnel... encore que... il faudrait en discuter en équipe »

* 33 Extrait du rapport d'activité 2003 de l'Association franco-chinoise P

* 34 Geneviève Lefebvre, « Familles et enfants chinois : quels trajets ? Quelles rencontres ? », Cahiers de Chaligny, Paris, décembre 2003

* 35 Sabine Moreno, « Le projet chinois d'Europe et intégration », hommes&migrations, N°1254, mars-avril 2005

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