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Freemium et presse quotidienne numérique

( Télécharger le fichier original )
par Thomas GUSTAVE
Université d'Aix en Provence - Master 2 2013
  

sommaire suivant

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FREEMIUM ET PRESSE QUOTIDIENNE

NUMÉRIQUE :

PASSERELLE ÉQUILIBRÉE ENTRE LA COURSE À
L'AUDIENCE DE LA GRATUITÉ ET LA NICHE
ÉDITORIALISTE DE LA PRESSE D'INVESTIGATION ?

Mémoire en vue de l'obtention du Master MIS de Sciences Pô Aix en Provence

Mémoire présenté et soutenu

Par

THOMAS GUSTAVE

Sous la direction de : Mme Céline LECORROLLER, Responsable Pédagogique Pôle
Intelligence Economique et Gouvernance de crise à l'Institut d'Études Politiques d'Aix en

Provence

Soutenance orale : Lundi 23 Septembre 2013 Année universitaire 2012/2013

Les opinions exprimées dans ce mémoire sont propres à leur auteur et n'engagent pas l'Institut d'Études Politiques d'Aix en Provence.

Remerciements

En premier lieu je souhaiterais remercier mon père, Francis GUSTAVE, pour m'avoir aiguillé
dans mes recherches et avoir donné de son temps et de son expérience pour rendre compte au
mieux de son métier et de l'ensemble du secteur de la presse écrite en France.

Je souhaite également remercier l'ensemble des employés de l'entreprise ARIÈGE ESPACE
PRESSE, pour s'être rendu disponibles lors de mes éventuelles questions.

Merci à ma tutrice de mémoire, Céline Le Corroler pour m'avoir suivi tout au long de mes
recherches et amené à mieux cerner mon sujet et mon angle d'étude.

Enfin je remercie toutes les personnes qui ont bien voulus répondre à mes interviews, pour
m'aider à mieux comprendre les besoins que suscite la presse écrite aujourd'hui.

Table des abréviations

- CPM : Coût Pour Mille

- NMPP : Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne nommées aujourd'hui

« Presstalis »

- CSA : Conseil Supérieur de l'Audiovisuel

- PQR : Presse Quotidienne Régionale française

- EPIQ : Étude de la Presse d'Information Quotidienne

- AEPM : Audience et Etudes de Presse Magazine

- SPQR : Syndicats de la Presse Quotidienne Régionale

- SPQN : Syndicats de la Presse Quotidienne Nationale

- APQUG : Association de la Presse Quotidienne Urbaine Gratuite

- AEPHR : Association pour l'Étude et la Promotion des Hebdomadaires Régionaux.

- SPM : Syndicats des éditeurs de la Presse Magazine

- INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques

Préambule :

Ma dernière année d'étude de Master fût rythmée par la composition d'un mémoire, ce fût
l'occasion pour moi de travailler sur un sujet qui m'est cher : La presse.
Au delà de l'apport purement théorique d'un tel travail, ce dernier m'a permit de découvrir la
complexité sur laquelle repose un travail de recherche académique.
En effet, il s'agit d'allier avec dextérité et minutie une méthodologie étoffée avec un travail de
recherche abouti et extrêmement varié.
La tâche ne fût pas simple, mais le soutien de mes proches, ma passion pour le sujet et
l'encadrement efficace du personnel enseignant de Sciences Pô Aix en Provence m'a permis
de réaliser ce travail dans les meilleures conditions.

Sommaire

Remerciements

Table des abréviations

Préambule :

Sommaire

Introduction 1

I. Internet et l'économie du « Gratuit » 9

Qu'est ce que le gratuit ? 9

Les effets de réseaux et la gratuité : 12

Les différents modèles économiques liés au gratuit : 14

Une économie controversée : 21

II. La gratuité au centre du nouveau modèle d'affaires de la presse écrite : 25

L'économie de la presse : un modèle d'affaire à part : 25

La gratuité au centre du nouveau modèle d'affaire : 29

Les conséquences sur la pluralité de la presse : 31

III. État des lieux des acteurs de la presse écrite quotidienne en France : 33

Chiffres clés de la presse éditeur en France : 33

Quotidiens Nationaux : 37

Quotidiens Régionaux : 40

Synthèse : 43

La presse écrite en France et ses jeux de pouvoirs : 44

IV. Le Freemium comme nouvelle norme pour les éditeurs de presse 47

Le Freemium et ses origines : 47

Le taux de conversion : 50

Les facteurs clés de succès pour entrer dans un modèle Freemium : 51

Le Freemium et la presse écrite numérique : 53

V. Les grands quotidiens et le Freemium : 57

Hypothèses de recherche : 57

Méthodologie de l'étude de cas : 58

Benchmark : 61

Synthèse et préconisations : 77

VI. Les lecteurs et la presse numérique : 81

La mutation des usages sociaux de l'actualité : 81

Le « tout gratuit » comme nouvelle norme : 85

La génération Y : 87

Entretiens qualitatifs semi directifs : 89

Synthèse des résultats et premières préconisations: 99

Réponses aux hypothèses de recherche et à la problématique : 103

Conclusion : 109

Bibliographie : 113

Annexes : 117

Table des illustrations : 153

Table des matières : 159

Executive summary 162

Introduction

Avant tout développement, je pense qu'il est nécessaire de revenir sur les raisons qui m'ont menées à réaliser un mémoire sur la presse écrite.

J'ai toujours évolué depuis mon plus jeune âge dans une atmosphère intimement liée à la presse écrite, en effet c'est une histoire de famille depuis deux générations.

Mes grands parents paternels tout d'abord, Claude et Marie-Louise GUSTAVE, ont vendu leur boucherie tenue de mes arrières grands parents pour une maison de la presse en 1967, tournant ainsi une page importante de leur vie en changeant radicalement de métier.

À l'origine de cette décision : les perspectives de croissance que permettaient à l'époque une maison de la presse dans une petite ville en pleine évolution comme Salies du Salat, haut fief du Comminges (Haute-Garonne). Le papier était à cette époque en vogue.

25 ans plus tard mon père, Francis GUSTAVE, entreprit non de reprendre la maison de la presse familiale mais de s'installer en tant que distributeur pour une partie du Comminges. Chargé de jouer le rôle de grossiste distributeur entre les éditeurs, les imprimeurs, et les points de vente de presse.

Ce dernier exerce aujourd'hui le même métier, mais à une échelle plus importante, son secteur regroupe le Comminges, l'Ariège, la Cerdagne, le Capcir, et la région de Carcassonne.

L'idée de ce mémoire a donc prit forme dès ma quatrième année d'étude, n'évoluant pas encore à ce moment là en alternance au sein d'une entreprise, mes choix étaient restreints. J'ai logiquement choisi de réaliser ce travail de recherche et d'analyse sur le secteur économique que je maitrisais le mieux et dont l'intérêt m'était porté depuis tout petit par mes parents : la presse.

2

Et au travers de la presse, j'ai choisi de concentrer mon étude autour des quotidiens qui composent aujourd'hui près de 50% du chiffre d'affaires global du secteur1, ces derniers sont au coeur des bouleversements, et constituent l'essence même du journalisme et de la presse d'information.

De plus, cela pouvait me permettre de prendre un certain recul sur la crise sans précédent que traverse ce secteur depuis plusieurs années, ainsi que sur les points de vues acquis depuis des années au sein de mon entourage familial.

Mes premières lectures m'ont vite amenées sur l'avenir de la presse écrite. Même si aujourd'hui encore à l'échelle de la planète « le journal imprimé reste en terme d'audience devant Internet avec 2,3 milliards de lecteurs contre 1,9 milliards »2, l'ensemble du marché entame de lourdes modifications quant à son organisation et son fonctionnement. De nombreux acteurs se retrouvent alors pris aux pièges de ces grands changements économiques, sans réelles perspectives d'adaptation et de croissance, et les distributeurs de presse en font partie.

Dire que le secteur de la presse écrite est en crise est un fait établit, les chiffres parlent d'eux mêmes, en France en 2009, les quotidiens nationaux perdent 5,15% de leurs ventes, et cela n'est pas mieux ailleurs, aux Etats-Unis, pour cette même année alors que la crise économique faisait rage les ventes des quotidiens nationaux accusaient une baisse de 10,6% (CHARON, 2010, p.257). Et cela ne s'arrange pas d'année en année.

Pour comprendre rapidement, la crise de la presse est caractérisée par « un effet ciseaux », avec la hausse des coûts d'un côté et la baisse des recettes de l'autre :

Figure 1 : Effet ciseaux de la crise de la presse
Source : Scia Conseil (2009),
http://www.sia-partners.com.

1 Delphine DENUIT (19/10/2010), Le chiffre d'affaires de la presse a plongé en 2009, http://www.lefigaro.fr.

2 Renaud REVEL (14/10/2011), La presse écrite résiste face à Internet, www.lexpress.fr.

Mon travail n'a pas pour but d'expliquer le pourquoi ni le comment de la crise que traverse la presse, même si la compréhension et l'étude de cette dernière sont obligatoires. Mais de comprendre les phénomènes de transformation et d'adaptation qu'opère le secteur pour tenter de se maintenir en bonne santé, sans que la liberté et l'impartialité de la presse ne soient mises en danger.

Au delà de la survie du métier de mes parents, la survie de la presse est la question primordiale. Rien ne sert de se focaliser sur un problème en bas de la chaine quand le mal est tout en haut.

Mon travail de recherche m'a alors conduit aux solutions qui s'offrent à la presse pour continuer d'exister et d'évoluer alors que le modèle actuel est en crise.

Beaucoup s'accordent sur un axe principal de développement et de croissance : Internet. Cette pensée largement partagée par les acteurs du secteur, nous est résumée ici par Jeff Jarvis, enseignant le journalisme interactif à l'Université de New York : « L'avenir de la presse est dans les réseaux [...], la presse doit repenser son modèle depuis la base. L'idée qu'une seule publication puisse détenir le monopole d'une information est obsolète »3.

Quant à la survie de la presse papier ce sujet est plus discuté, quand certains annoncent la mort prématuré du média comme Philip Meyer, le puissant patron de News Corp, qui annonce la mort des quotidiens papiers au mois d'avril 2040 dans son livre « The Vanishing Newspaper »4.

D'autres assurent, que le papier a encore de beaux jours devant lui, comme l'indien Jacob MATHEW, président de la WAN (World Association of Newspapers) : « Tant que les contenus seront bons, alors les journaux auront du succès ». « Je ne crois pas à ces pronostics. Nous devons être présents sur toutes les plates-formes - journal imprimé, internet, tablette ou téléphone mobile - mais l'une ne remplacera pas l'autre »5.

Pendant un temps accusé d'être le bourreau de cette crise, Internet est maintenant peu à peu considéré comme le potentiel sauveur de la presse écrite.

3 Nicolas DE SCITIVAUX (29/01/2010), L'avenir de la presse est dans les réseaux, www.france24.com.

4 Héloïse LHÉRÉTÉ (16/07/2012), Internet tuera t-il la presse ? , www.scienceshumaines.com.

5 Renaud REVEL (14/10/2011), La presse écrite résiste face à Internet, www.lexpress.fr.

Mais comment pérenniser et rentabiliser un journal sur Internet ? Bien entendu la publicité comme pour la presse écrite conventionnelle prend une place importante, mais cette dernière ne suffit pas (Le coûts des publicités sur Internet est beaucoup plus bas que pour la presse écrite), surtout en période de mutation où l'innovation est obligatoire et les sources de financement se font pauvres.

Ce n'est qu'à la suite de mon travail de recherche de quatrième année qui s'est axé autour des facteurs influents de la numérisation de la presse écrite en France que la principale voie de développement pour la presse numérique s'est dessinée à mes yeux à travers le modèle économique du Freemium.

Il fonctionne selon le principe d'offrir un service gratuit à l'ensemble des consommateurs, financé par une petite partie des utilisateurs prêts à payer pour avoir accès à un service appelé « Premium », qui permet d'avoir une version plus complète et des services particuliers.

Le « Business model » du Freemium existait déjà avant le développement et la démocratisation d'Internet, mais il s'est durablement répandu dans les entreprises numérique au début des années 2000. Et nombreuses sont les firmes ayant adoptées ce modèle économique comme Linkdin, Skype ou encore Spotify.

Aujourd'hui la grande majorité des quotidiens présents sur le numérique utilisent ce modèle, mais ce dernier n'apporte pas une certitude de croissance et de rentabilité aux titres de presse, il apparaît rapidement après une veille des principaux acteurs utilisant ce modèle économique que les résultats divergent.

Le Freemium, qui est un modèle jeune et parfois mal maîtrisé, doit être travaillé et adapté par chaque éditeur de manière différente, de sorte à amener le lecteur-consommateur vers l'abonnement payant qui permet de rentabiliser au mieux un journal.

Chaque lecteur consulte un journal par rapport à une sensibilité politique, des opinions, une vision des choses, mais pour justifier un achat ou un abonnement, il est en droit d'attendre un ou des services appropriés correspondant à ses attentes qui aujourd'hui sont souvent considérées comme nouvelles.

Et il existe autant de services possibles que de lecteurs, et c'est aux éditeurs de convenablement cerner les attentes de leurs lecteurs.

Il s'agira donc à travers ce mémoire de réussir à comprendre
Comment les éditeurs de presse doivent-ils adapter leurs offres Freemium de sorte à
amener les lecteurs-consommateurs de presse numérique quotidienne vers un
abonnement payant ?

Au travers de ma problématique je m'attacherai à étudier le modèle économique du Freemium mais aussi l'économie dite du gratuit dont il est issu, en essayant de comprendre comment cette économie s'est développée et à quels leviers elle réagit.

Puis dans un second temps on peut logiquement se demander quels sont les répercutions du gratuit sur l'économie de la presse écrite et quels en sont les conséquences sur la pluralité de la presse.

Pour répondre à ces questions ce mémoire sera constitué d'une partie théorique à travers laquelle nous allons étudier dans un premier chapitre l'économie du Gratuit, ses mécanismes ainsi que les différents modèles économiques qui la compose.

Puis nous verrons cette même gratuité au centre du nouveau modèle d'affaires de la presse écrite et ses conséquences sur la pluralité de la presse.

Notre troisième chapitre s'attachera à dresser un état des lieux du secteur de la presse quotidienne, dans le but de faire ressortir les journaux possédant des ventes stables et une audience en hausse que nous sélectionnerons pour notre Benchmark des offres Freemium. Nous détaillerons le modèle économique du Freemium par la suite pour correctement cerner les leviers auquel il réagit, et en faire ressortir les facteurs clés de succès du modèle.

C'est dans un cinquième chapitre et lors de notre étude empirique que nous confronterons le modèle économique du Freemium avec les quotidiens sélectionnés sous forme d'un Benchmark comparatif afin de dresser les lignes directrices qui composent une offre Freemium attrayante et adaptée.

Enfin nous nous focaliserons sur les relations des lecteurs-consommateurs avec la presse numérique pour tenter de comprendre leurs attentes et ainsi dresser des préconisations.

Il semble opportun avant de commencer tout développement d'exposer la méthode d'investigation terrain en intégrant mes prolégomènes à mon introduction.

Mon étude se compose de deux grandes parties, une première partie qui apportera les notions théoriques propres à mon sujet et une partie terrain qui viendra étoffer et nourrir les apports de l'étude théorique.

J'ai débuté mon étude théorique par une étude exploratoire en rassemblant une importante revue de presse et de vulgarisation, la totale maîtrise de mon sujet passait avant tout par la bonne compréhension de la crise globale de la presse. Même si mon sujet ne traite pas directement de ce problème, il en est indissociable. C'est pourquoi une bonne partie de ma bibliographie de vulgarisation traite de la crise qui touche la presse écrite depuis plusieurs années.

Par la suite, une fois mon sujet mieux cerné, il m'est apparut important de réaliser une veille sur Internet pour pouvoir prendre du recul sur l'actualité de la presse et ses nouveaux moyens de développement. Pour cela j'ai collecté des articles traitant plus en détails de l'économie du gratuit et de ses différents modèles économiques, le site CAIRN ainsi que quelques études du ministère de la culture.

Ma problématique et mon plan furent définitivement définis lors de cette approche et je pu ainsi organiser la suite de mon étude théorique.

Cette dernière fût rythmée par les apports d'ouvrages de références et de rapports universitaires qui assurent des sources sûres sur lesquelles bâtir notre réflexion.

Allier articles de vulgarisations et ouvrages de références permet une démarche de recherche polycéphale qui englobera l'ensemble de notre sujet.

Cette partie théorique permet d'avancer les premières conclusions qui ouvrent sur la seconde étape de notre étude, à savoir la partie terrain qui intègre différents outils de mesure, d'analyse et de comparaison d'intelligence économique.

L'intelligence économique peut être définie selon le rapport MARTRE (1994) comme « l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques »6.

En d'autres termes l'intelligence économique permet la collecte, le traitement et l'analyse d'informations ayant une portée stratégique pour les agents économiques qu'elle implique.

Dans cette optique d'intelligence économique, j'ai dans un premier temps étudié les principaux quotidiens français, nationaux et régionaux, pour mieux cerner leur adaptation au numérique. Pour cela il a fallut dresser une veille de la situation des médias sélectionnés, en retraçant au mieux leurs diverses évolutions durant ces dernières années dans le but de mieux comprendre les mutations du marché de la presse.

Il fût ensuite nécessaire de résumer leurs différentes santés économiques, ainsi que leurs appartenances à de grands groupes, capables de financer de lourdes adaptations comme cela peut être le cas en période de crise.

Pour cela j'ai réalisé une cartographie des acteurs économiques de la presse écrite en France en mettant sur le même plan l'ensemble des relations financières qui régissent le secteur. Cela a permit de mettre en lumière certains jeux de pouvoir au sein de la presse française à travers les concentrations de titres sous les mêmes grands groupes de presse.

C'est dans un deuxième temps que je me suis concentré sur le « business model » du Freemium, en dressant un Benchmark comparatif des modèles utilisés par les grands quotidiens nationaux français (Le Monde - Les Echos - Le Figaro), ainsi qu'un quotidien régional (La Dépêche) et enfin un titre étranger (New York Times), dans le but de faire ressortir les bonnes pratiques des titres ayant aujourd'hui un modèle Freemium évolué et adapté.

Enfin dans un dernier temps j'ai essayé de cerner au mieux les différents avis des lecteurs consommateurs de presse quotidienne vis à vis par exemple de la crise que traverse la presse, de leur relation à cette dernière, de l'évolution de leurs pratiques d'achat, ou encore de leur fréquentation de la presse en ligne. Pour cela j'ai conduis six entretiens semi directifs pour lesquels j'ai résumé les lignes directives pour tenter de recroiser les idées et les avis récurant.

6 Henri MARTRE (1994), Intelligence économique et stratégie des entreprises, La documentation française, Paris.

La sélection des interviewés s'est faite par rapport à leurs âges respectifs pour tenter d'avoir des retours représentatifs de la population puis dans un second temps vis à vis de leurs relations à la presse, tous consomment la presse écrite mais leurs usages diffèrent, il était important de pouvoir étudier l'ensemble de ces pratiques pour prendre suffisamment de recul sur ma problématique et mes futures préconisations.

Pouvoir ainsi recroiser les habitudes de consommation des consommateurs et les modèles mis en place aujourd'hui par les éditeurs de presse sur Internet m'a permit de développer un guide de bonnes pratiques permettant de compléter, critiqué et au mieux améliorer la numérisation d'un titre de presse au regard de sa cible, de son contenu, de sa ligne éditoriale, au travers d'une palette de services aujourd'hui indispensables à la mise en place d'un service Freemium viable.

I. Internet et l'économie du « Gratuit »

Dans cette première partie nous allons tout d'abord tenter de poser un cadre autour de l'économie du « gratuit », en la définissant. Il sera également intéressant dans un second temps d'étudier les mécanismes économiques qu'utilise le monde du gratuit, pour ensuite se focaliser sur les différents modèles économique qui le constituent.

Qu'est ce que le gratuit ?

Pour commencer il est obligatoire de bien définir le sens du mot « gratuit », d'après le dictionnaire Larousse, ce mot désigne ce « qui est fait ou donné sans qu'il n'en coûte rien, dont on jouit sans payer ».

En langue anglaise, le mot « free » veut dire deux choses en même temps : « libre » et « gratuit », le premier mot étant très évocateur et lourd de sens peut parfois prendre le dessus sur le second souvent source de méfiance pour les consommateurs.

En effet comme l'écrit Chris Anderson, « le gratuit engendre la méfiance, et pourtant il a le pouvoir d'attirer l'attention comme nul autre »7.

Il est vrai que le gratuit peut parfois paraître difficile à cerner et à comprendre, en effet ce n'est pas quelque chose de physique ni de tangible mais plutôt l'absence de quelque chose.

On ne peut pas le quantifier ni le visualiser, c'est de l'ordre du concept, et c'est pourquoi il a fallut par exemple attendre le neuvième siècle avant J.-C, pour que les Indiens inventent l'algèbre et par la même occasion le zéro. Première représentation chiffrée du « rien » ou du « vide » si on remonte l'étymologie du mot, et donc premier ancêtre du mot gratuit8.

Et même adapté en son sens commercial le mot « gratuit » est sujet à de nombreuses significations et dans la même continuité à différents modèles économiques (nous reviendrons sur ce sujet en troisième partie de ce chapitre).

7 Chris ANDERSON (2008), La longue traîne, 2ème édition, Pearson Paris, p.43.

8 Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris, p.6.

Nous voyons émerger depuis le début du 21ème siècle une nouvelle sorte de gratuit, alors que le gratuit du siècle dernier était surtout un atout marketing très puissant, celui d'aujourd'hui prend la forme d'un véritable modèle économique tout à fait nouveau.

En effet ce dernier repose sur « une aptitude nouvelle et extraordinaire à abaisser le coût des biens et des services aux environs de zéro »9.

Cette économie ne repose plus sur les « atomes » mais sur les « bits ». Et tout ce qui est de l'ordre du logiciel, du site internet, de l'innovation numérique devient inévitablement gratuit (pour ce qui est du coût, et très souvent pour ce qui est de son prix). Pour la première fois de l'histoire on voit se développer une économie dont le prix de référence est proche ou égal à zéro.

Cela s'explique par le fait que dans l'économie traditionnelle dans laquelle on achète ou vend ce qui nous entoure, les matières première et les objets pour lesquels elles sont nécessaires ont tendance à coûter de plus en plus cher (économie inflationniste), alors que dans l'économie numérique c'est le contraire (économie déflationniste).

La Loi de Moore explique en partie cela, en disant que « le prix d'une unité de puissance de traitement informatique diminue de moitié tous les 2 ans »10 ; de plus le prix de la bande passante et du stockage chute encore plus vite aujourd'hui. Et le monde numérique regroupe les trois technologies, ainsi on voit apparaître un taux de déflation de l'Internet proche des 50%. En d'autres termes et pour mieux visualiser cette donnée, cela signifie que le prix pour Dailymotion de diffusion d'une de ses vidéos en lecture continu diminue de moitié tous les ans. Ainsi toutes les activités de l'Internet tendent vers le même coût : zéro.

De plus le prix du contenu lui même tend vers zéro grâce au « coût marginal » de la distribution numérique. En effet le coût supplémentaire de reproduction d'un logiciel ou d'un document numérique ne coûte rien (seule la création première est couteuse).

Ces caractéristiques nous permettent de faire un lien direct avec la révolution industrielle, Chris Anderson replace les deux évolutions dans leurs contextes historiques :

9 Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris, p.6.

10 Définition de la loi de Moore sur le site internet de Wikipédia (02/07/2013), http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Moore.

« Dans toute révolution industrielle, le coût d'un facteur de production essentiel baisse de manière spectaculaire. Par rapport au coût précédemment nécessaire pour assurer la même fonction, le nouveau facteur devient virtuellement gratuit. La révolution industrielle a rendu pratiquement gratuite la force musculaire animale ou humaine »11.

On imagine alors pourquoi cette économie du gratuit fascine autant, et pourquoi elle chamboule les idéaux reçus de l'économie traditionnelle, pour beaucoup elle constitue notre avenir, Chris Anderson nous avoue que pour lui « ceux qui comprennent le nouveau gratuit auront la main sur les marchés de demain et bouleverseront ceux d'aujourd'hui »12.

11 Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris, p.12.

12 Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris, p.15.

Les effets de réseaux et la gratuité :

Nous allons tout d'abord nous attacher à étudier les principaux concepts propres au monde numérique et de la gratuité, avec dans un premier temps les effets de réseaux.

Olivier BOMSEL nous donne la définition des effets de réseaux suivante :

« Les effets de réseau sont par définition des effets externes positifs engendrant une dimension sociale : ce que fait chacun influe positivement sur l'utilité des autres »13.

En d'autres termes, plus un service ou un bien est sollicité par un ensemble d'agent, et plus il devient utile et légitime aux yeux d'un même agent.

On retrouve souvent cette notion d'effet de réseau sous forme de seuil critique (nombre minimal d'utilisateurs) pour l'adoption des innovations, en effet pour qu'une innovation soit légitime elle doit convaincre un certain nombre d'utilisateurs pour justifier son utilité aux yeux d'un nouvel utilisateur14.

De nombreux secteurs dépendent directement de ces effets de réseaux comme les réseaux sociaux, et l'intégration de la gratuité permet alors une « boucle de rétroaction positive »15 plus rapide.

Figure 2 : Boucle de rétroaction positive

Source : Antoine SEVILLA (2012), Le Business model Freemium est-il applicable et viable
hors de l'économie numérique ?
Mémoire ESCP Europe, p.13

13 Olivier BOMSEL (2007), Gratuit ! Du déplacement de l'économie numérique, Gallimard, p.33.

14 Antoine SEVILLA (2012), Le Business model Freemium est-il applicable et viable hors de l'économie numérique ? Mémoire ESCP Europe, p.13.

15 Paul BELLEFLAMME (2010), L'économie de la gratuité, Economie et Management n° 134 (janvier), p.9.

En effet la gratuité permet une pénétration du produit ou du service plus rapide au travers de l'effet des réseaux. Ces derniers sont étroitement liés, puisque « les effets de

réseau permettent à un plus grand nombre d'accéder à la gratuité en diminuant les coûts marginaux de production »16.

16 Olivier BOMSEL (2007), Gratuit ! Du déplacement de l'économie numérique, Gallimard, p.42.

Les différents modèles économiques liés au gratuit :

Le gratuit qui ne l'est pas vraiment :

Il faut tout d'abord bien préciser que toutes les formes de gratuit que l'on retrouvent sur Internet ne sont pas toutes de l'ordre du modèle économique à part entière, et sont même parfois trompeuses.

On distingue certaines formes de Gratuit qui ne le sont pas17.

Lorsque l'on offre un produit pour l'achat du même produit, cela traduit simplement une réduction de 50% pour l'achat des deux produits. Ou dans le même esprit lorsque vous recevez un cadeau gratuit à l'intérieur d'un produit que vous avez acheté (boîte de céréales), en réalité le coût du cadeau est directement répercuté sur le prix du produit lui même.

Enfin, dans le cas d'un achat sur un site Internet, quand on vous offre les frais de port, c'est obligatoirement parce que vous avez acheté un produit particulier ou que votre panier d'achat dépasse un seuil minimum, pour lequel le commerçant a répercuté le prix de la livraison.

Pour que quelque chose soit vraiment considéré comme gratuit, cette même gratuité ne peut pas être soumise à un achat premier18.

Il est vrai que parfois ce qui est gratuit l'est réellement comme pour « l'échantillon gratuit », mais ce dernier est toujours limité en quantité, considéré comme étant un outil de marketing, qui dans un premier temps sert à faire connaître un produit, et à créer chez la personne qui le reçoit un sentiment de « dette morale » qui peut le pousser à acheter ce même produit par la suite.

Dans le même genre on retrouve l'essai gratuit, dont la jouissance du produit est limitée dans le temps, jusqu'à ce qu'il devienne payant.

Pour être considéré comme réellement gratuit un produit ne doit être limité ni en quantité ni dans le temps.

17 Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris. p.20-21.

18 Antoine SEVILLA (2012), Le Business model Freemium est-il applicable et viable hors de l'économie numérique ? Mémoire ESCP Europe, p.13.

Pour résumer cette partie Olivier BOMSEL nous dit ce qui suit :

« Mais que ce soit le cadeau Bonux ou le service après vente Darty, Il vient en complément, en reconnaissance d'un achat payant identifié. La treizième huitre, la partie gratuite de flipper, les 25% de laque en plus, [...] les bons de réduction, les points cadeaux, tous ces bienfaits sont liés à des achats dont ils sont les pousse au crimes et, souvent, les rédemptions. Même l'échantillon de parfum, absolution d'un achat possiblement futile et tentation à sa récidive, est subtilement offert par le commerçant lors de son passage en caisse. Le gratuit est, lui, sans conditions19. »

19 Olivier BOMSEL (2007), Gratuit ! Du déplacement de l'économie numérique, Gallimard, p.43.

Les subventions croisées directes :

Dans le modèle des subventions croisées directes, une entreprise décide de subventionner un produit en baissant sont prix pouvant aller jusqu'à la gratuité totale dans le but de pousser les consommateurs à acheter un autre produit.

Par exemple les rasoirs vendus très peu chers ou même parfois donnés, Gillette répercute cela en faisant d'importantes marges sur les lames, certaines banques ne font pas payer leur carte bancaire mais vous vous retrouvez à payer d'importants agios en cas de découvert.

On peut également prendre l'exemple des opérateurs mobiles qui vendent à des prix très bas ou même offre le téléphone mobile et répercute ce coût sur les abonnements téléphoniques.

Seulement à la différence des cas étudiés dans la première sous partie, l'acheteur n'est pas dans l'obligation d'acheter le produit payant, il y est simplement incité.

Et aujourd'hui une grande entreprise qui regroupe de nombreuses activités peut appliquer ce modèle sur des activités complètement différentes. Comme Ryanair qui se définie aujourd'hui plus comme une agence de voyage qu'une simple compagnie aérienne, et peut ainsi répercuter les prix avantageux de ses billets sur une multitudes de services20.

Figure 3 : Les subventions croisées directes

Source : Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition
Pearson, Paris. p.21

20 Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris. p.21.

Le marché tripartite :

Le marché tripartite est aujourd'hui le modèle le plus couramment utilisé dans le monde du gratuit.

Il est basé sur une relation entre trois acteurs : le producteur du bien, l'annonceur, et le consommateur. Dans le schéma du marché tripartite, l'annonceur paie pour pouvoir participer au marché que forme les deux autres parties entre qui s'échangent un service ou produit gratuit.

C'est le format de base de la presse écrite, appelé aussi marché biface, en effet il y a une synergie importante entre le groupe des annonceurs qui payent pour toucher les consommateurs grâce à leurs publicités, et les consommateurs eux même qui achèterons les produits des annonceurs.

D'après Chris Anderson, « le web représente l'extension du modèle économique des médias à toutes sortes d'industries »21.

En prenant le modèle de la presse écrite et des médias en général comme exemple, les éditeurs fournissent un contenu éditorial gratuit ou presque aux consommateurs lecteurs, ce prix bas (ou l'absence de prix) est obtenu grâce aux investissements des annonceurs dans la publicité des journaux ou magasines.

C'est pourtant le consommateur qui paye ce système au final lorsqu'il achète les produits que distribuent les annonceurs, étant donné que les frais de publicité et de marketing sont compris dans le prix final.

Les enjeux que joue la publicité pour ces secteurs d'activités est alors immense, et nous reviendrons plus en détails dessus lors de notre second chapitre sur le financement du monde de la presse écrite.

21 Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris. p.27.

Figure 4 : Le marché tripartite

Source : Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition
Pearson, Paris. p.22

Ce modèle est pourtant de plus en plus critiqué de part son unique source de financement : la publicité.

Cette dernière n'est pas inépuisable, le montant du marché publicitaire s'élève « à 31 milliards d'euros en 2013 en France, dont 1,4 milliards pour la publicité sur Internet »22.

Et plus il y a d'acteurs gratuits présents sur le marché et plus les sommes prévues pour la publicité seront faibles.

Il faut aussi rappeler qu'un lecteur numérique est bien moins rémunérateur qu'un lecteur de presse papier, en effet le CPM (coût pour mille, utilisé pour mesurer le coût d'une publicité pour toucher 1000 personnes) moyen est 20 fois moins élevé sur Internet que pour la presse classique23.

22 Le syndicats des Régies publicitaires Internet, 5ème observatoire de l'e-pub SRI, http://www.sri-france.org

23 Le syndicats des Régies publicitaires Internet, 5ème observatoire de l'e-pub SRI, http://www.sri-france.org

Les marchés non monétaires :

On distingue selon Chris Anderson trois formes différentes de marchés monétaires24 :

Tout d'abord « l'économie du don », dans laquelle le produit est complètement gratuit.

Le web permet cet échange altruiste à grande échelle, comme par exemple avec « Wikipédia », la célèbre encyclopédie gratuite, pour laquelle les utilisateurs sont libres de faire des dons pour couvrir les frais de développement.

Les motivations pour ce modèle sont diverses, mais néanmoins très difficilement mesurables, comme par exemple sa « e-reputation », l'amusement, le fait de partager des valeurs ou des idées, ou même le simple fait de faire une bonne action.

Vient ensuite l'échange de travail, dans ce schéma là, le consommateur travaille en échange de services. Ce modèle est à la base du « crowdsourcing », qui est « est l'utilisation de la créativité, de l'intelligence et du savoir faire d'un grand nombre de personnes, en sous-traitance, pour réaliser certaines tâches traditionnellement effectuées par un employé ou un entrepreneur » (Définition de Wikipédia).

On peut prendre l'exemple de Google qui lorsque vous tapez une nouvelle recherche, cela lui permet d'affiner les résultats qu'il vous donne grâce à son algorithme, en effet plus il y a de pages référencées et de recherches effectuées et plus précis sera le moteur de recherche américain.

Enfin il y a le piratage, le produit devient gratuit une fois piraté, et devient facilement distribuable grâce aux logiciels de peer-to-peer par exemple. Les secteurs de la culture sont les plus touchés par cette pratique malgré les différentes lois misent en place.

Figure 6 : Les marchés non monétaires
Source : Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez
dans l'économie du gratuit
, Edition Pearson, Paris.
p.24.

24 Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris. p.30.

Le Freemium :

Le modèle économique de Freemium prend une part importante dans ce mémoire, je vais simplement le décrire rapidement dans cette sous partie pour mieux y revenir en détails lors de mon quatrième chapitre.

Il fonctionne selon le principe d'offrir un service gratuit à l'ensemble des consommateurs, financé par une petite partie des utilisateurs prêts à payer pour avoir accès à un service dit « Premium », ce qui permet d'avoir une version plus complète et des services particuliers.

Figure 7 : Le Freemium

Source : Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition
Pearson, Paris. p.24.

Une économie controversée :

Tout le monde ne s'accorde pas vis à vis de l'économie du gratuit, de nombreuses personnalités et économistes ont emis depuis quelques années leurs réticences.

Milton Freidman, prix Nobel d'économie, nous traduit une des principale controverse à travers une blague largement popularisée qui dit que « there ain't no such things as a free lunch 25».

Entendez par la que rien n'est jamais vraiment gratuit, que vous paierez toujours d'une façon ou d'une autre ce que vous recevez gratuitement, de façon directe ou indirecte.

Ceci est en grande partie vrai, il faudra toujours que les comptes soient équilibrés et que quelqu'un paye si ce n'est pas vous pour le produit délivré gratuitement, Chris Anderson considère que « ces coûts naguère cachés, deviennent aujourd'hui répartis », c'est à dire que quelqu'un paie, « mais pas vous, d'ailleurs les coûts peuvent être tellement répartis qu'on ne les ressent pas du tout individuellement »26. De plus, grâce au numérique plusieurs marchés peuvent se retrouver imbriqués les uns aux autres, et ainsi on peut retrouver un produit gratuit sur un marché donné, et les personnes qui payent ce service à travers un autre produit sur un marché complètement différent. Ceci revient à de la gratuité totale pour la personne bénéficiant du produit gratuit.

Ce large financement de l'économie du gratuit grâce à la publicité est aussi un des aspects les plus critiqué : « Dans le monde «gratuit" d'aujourd'hui, il est foncièrement impossible de créer et de développer une petite entreprise autofinancée. En effet, dans le monde numérique, la publicité, seul flux de revenus réel, ne peut faire vivre une petite entreprise numérique. Si leurs activité reposaient sur l'idée que les gens sont payés pour les services rendus, alors les petites entreprises pourraient réussir à petite échelle puis se développer, mais il est très dur de se faire payer quand vos concurrents sont gratuit »27.

Il est vrai que seule les grosses entreprises attirent réellement les annonceurs, et se lancer sur le marché du gratuit lorsque la publicité ne suit pas devient vite problématique.

25 « Un repas gratuit ça n'existe pas ».

26 Chris ANDERSON (2009), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris. P.253.

27 Hank WILLIAMS (20O8), Death of the Relational Database, www. http://observer.com.

Il existe cependant comme nous l'avons vu précédemment de nouveaux modèles économiques comme les subventions croisées directes ou le Freemium qui ne nécessitent pas d'intégrer les annonceurs au développement économique d'une entreprise numérique.

Le deuxième point qui est imbriqué au premier, est la limite du marché de la publicité, qui correspondrait à la limite du « gratuit », mais nous sommes aujourd'hui incapable de prédire où s'arrêtera le « gâteau publicitaire », étant donné que pour l'instant sur Internet ce dernier ne cesse d'augmenter d'année en année.

Bill Gates lui même s'est souvent insurgé du développement du monde du gratuit, même si on se souvient surtout de ses coups de forces concernant le piratage (le premier à avoir installer des clés de sécurité sur ses logiciels), il avance l'idée que la gratuité généralisée nuit à l'innovation.

« Il y a un genre nouveau de communistes des temps modernes qui veulent éliminer sous divers prétextes les incitations qui animent musiciens, cinéastes et fabricants de logiciels »28. Bill Gates nous dit à travers cette phrase que les gens n'inventeront pas de nouvelles choses s'ils ne sont pas rémunérés. Nous sommes ici dans une logique de partage du savoir, pour laquelle les personnes qui choisiront de distribuer gratuitement leurs logiciels ou musiques devront trouver d'autres moyens de rémunération, des moyens indirects.

Un autre point souvent mis en avant est le gaspillage. En effet, « ce qu'on ne paie pas, on a tendance à le consommer à l'excès »29.

En effet qui vous empêchera de gouter tous les petits fours offerts lors d'une conférence quitte à ne pas tous les finir ?

On observe ce phénomène tout autour de nous, les rejets dans l'atmosphère de gaz carbone responsable du réchauffement climatique ne sont pratiquement pas sanctionnés financièrement, on ne leurs a pas donné de prix, les relâcher dans les airs est alors sans importance, et on se retrouve aujourd'hui avec les problème de hausse de températures que nous connaissons.

Les économistes appellent cela les « externalités négatives non décomptés ».

28 Phrase extraite d'une interview de Bill Gates, rapportée dans le livre de Chris ANDERSON, (2010), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris. P.263.

29 Chris ANDERSON, (2010), Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Edition Pearson, Paris. P.265.

Enfin, et parce que cela touche la presse écrite, il est important d'aborder le problème de l' amateurisation de l'économie du gratuit.

Andrew KEEN nous dit ceci : « Ce n'est pas une coïncidence si le Huffington Post, qui incite les gens à donner leurs contenus gratuitement, se développe juste quand vous avez des pertes d'emploi et la mort du journalisme professionnel »30.

Le net permet à n'importe qui de donner son avis et de publier des articles, et les journalistes professionnels se retrouvent aujourd'hui en concurrence avec le grand public.

Nous reviendrons sur ce point plus en détails lors du quatrième chapitre qui traitera plus en détails de cette amateurisation de la presse écrite.

L'économie du gratuit ne fait donc pas l'unanimité aujourd'hui, elle est en pleine expansion et encore mal connu du grand public. Beaucoup se réjouissent de son essor et de sa démocratisation alors que d'autres s'en méfient.

Il sera intéressant de voir maintenant comment la presse écrite numérique s'intègre à cette économie, nous verrons cela dans le chapitre suivant, qui traitera de la gratuité au centre du modèle d'affaires de la presse.

30 Andrew KEEN, (2007) The Cult of the Amateur: How blogs, MySpace, YouTube, and the rest of today's user-generated media are destroying our economy, our culture, and our values!, Random House LLC. p. 53.

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