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Les mutations de l'industrie musicale

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par Léa SCHALLER
ISCOM Paris - Master 1 Communication REP 2015
  

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5. Quand la communication s'intéresse au spectacle vivant

Les entreprises des industries de la communication après s'être intéressées au domaine de la production phonographique, s'intéressent désormais au spectacle. Clear Channel Communications par le biais de sa filiale Live Nation aux Etats-Unis, a investi dans la gestion de salles de spectacles et de festivals mais également dans la production de spectacles et le développement artistique.76 En France, le groupe Lagardère a créé en 2011, la filiale Lagardère Unlimited Live Enternaintment qui réunit trois activités du spectacle : la production de spectacle, la gestion de salles et la représentation d'artistes. Cette nouvelle activité du groupe est soutenue par l'expertise marketing de Largardère Unlimited et des multiples synergies qui existent entre le secteur du sport et le monde du spectacle afin de faire de cette filiale un acteur de référence sur le marché du divertissement.77 La filiale prolonge l'expérience du groupe dans le divertissement par le biais de la coproduction de spectacles de grande ampleur, tel que la comédie musicale Mozart, l'Opéra rock mais aussi par le biais de collaborations avec des acteurs de la filière musicale comme Alias et Because music. L'entreprise a pour but d'appliquer le savoir qu'elle possède dans le domaine sportif à celui de la musique. L'idée est encore ici de rapprocher les marques avec la musique.

75 Thomson Reuter, « Live Nation et Vice préparent une plateforme de contenu musical », in Reuters, 13 novembre 2014.

76 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma éditions, 140p.

77 Communiqué de presse, « Largardère Unlimited annonce la création de Lagardère Unlimited Live Entertainment », in Lagardère Unlimited, 5 avril 2011.

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Fin 2011 la filiale s'offrait les Folies Bergère, en avril 2014 le Casino de Paris et la construction d'une arène de 11.000 places, qui n'aura pas les mêmes contraintes qu'un Zénith en termes de cahier des charges, et possède aussi 20% du Zénith de Paris. Jérôme Langlet, Directeur Général de Lagardère Unlimited Live Entertainment déclarait « [...] contrairement à notre concurrent [...], nous ne rachetons pas des producteurs ou des tourneurs, nous faisons tout nous-mêmes, en particulier nos comédies musicales ».78

C) Le streaming, un nouveau souffle pour la filière musicale ? 1. Principes du streaming

La démocratisation d'Internet et plus particulièrement du haut débit dans les foyers a permis au streaming de se développer.79 Ce nouveau moyen de consommer la musique se répand de plus en plus et apparait comme une alternative au téléchargement traditionnel de fichiers dématérialisés. En temps réel, le streaming permet de visionner ou d'écouter un fichier numérique (selon le niveau de débit), mais ne permet pas de stocker le fichier qui lui, reste héberger sur un serveur distant. Le streaming permet à l'internaute de constituer lui-même ses propres playlists et peut les partager avec son réseau : le streaming contrairement à d'autres moyens, dispose de plusieurs atouts additionnels dont les plateformes numériques peuvent en tirer des bénéfices.

Les plateformes de streaming sont basées sur deux modèles bien distincts qui sont l'abonnement, avec en amont une offre d'appel freemium80, et un accès aux fichiers entièrement gratuit pour l'internaute. Le premier modèle a pour but d'inciter les internautes à tester dans un premier temps le produit, puis de provoquer un acte d'achat traduit par l'abonnement à la plateforme. Ce mode est pratiqué notamment par Deezer et Spotify. Le deuxième modèle est gratuit mais financer par des acteurs externes, où la plateforme négocie avec des annonceurs et des producteurs de contenus leur niveau de visibilité. Il s'agit des plateformes de type YouTube et Dailymotion. Les plateformes de streaming ont alors un rôle d'intermédiaire entre les producteurs, le public et les publicitaires qui souhaitent atteindre une typologie de consommateurs.

78 ROBERT, Martine, « Après les Folies Bergères, Lagardère met la main sur le Casino de Paris », in Les Echos, 1 avril 2014.

79 Cf. annexe 6, graphique, Evolution du chiffre d'affaires 2013/2014 par mode de consommation, SNEP.

80 Xerfi, « La mutation de la filière du spectacle vivant », juin 2014 - rapport privé du PRODISS.

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L'usage du streaming se répand de plus en plus, puisque le marché de la musique enregistrée est en baisse de 9,2% alors que le streaming est en hausse de 33% et représente 53%81 des revenus du numérique. Il dépasse ainsi, depuis l'année dernière, les ventes de téléchargements. A titre d'exemple, cinq artistes des plus écoutés à l'été 2014 ont générés plus de 170.000 interactions sur internet par semaine. Néanmoins, si ce nouveau modèle économique apparait comme porteur d'espoirs pour la filière musicale, le modèle du système de valeur instauré demeure très obscur et ne met pas en accord tous les acteurs.

2. Diagnostique

Une étude ayant pour but d'anticiper les effets du streaming sur le marché du spectacle vivant a été réalisée par le Môle armoricain de Recherche sur la Société de l'information et les usages d'internet. Elle dégage les impacts positifs du streaming ainsi que les impacts neutres ou négatifs, ce qui peut être associé à un diagnostic du streaming. L'étude montre que les effets sont positifs sur la vente de musique dématérialisée et la fréquentation des concerts d'artistes nationaux et internationaux. En revanche, les effets sont néfastes à la vente physique en magasin, à la fréquentation de concerts d'artistes locaux et de musique classique. En termes d'implications, le streaming est un produit destiné aux individus concernés par l'achat digital, alors que les médias traditionnels restent le moyen majeur de promotion auprès des consommateurs de musique physique. Enfin, le fait de pouvoir accéder à de multiples contenus musicaux ne les rend pas plus visibles. Les importants moyens de promotions, dont bénéficient les artistes les plus connus, leur permet de bénéficier au mieux de l'effet du streaming sur leurs spectacles.

3. Le mécontentement des artistes et des maisons de disques

Malgré les effets positifs du streaming sur les revenus du secteur musical, certains acteurs restent vigilants et d'autres s'opposent fermement aux systèmes de revenus mis en place par les plateformes. En effet, des artistes estiment que les revenus du streaming dont ils bénéficient ne sont pas assez bien estimés. Le cas le plus actuel de mécontentement du système est celui de l'artiste Taylor Swift, qui le 3 novembre dernier a retiré sa musique de la plateforme Spotify. Son cinquième album au bout d'une semaine est une des meilleures ventes physiques (1,3 millions d'exemplaires) et n'est pas disponible sur Spotify. Elle a

81 LEFEUVRE, Gildas, « Disque et musique enregistrée », in La Scène, janvier 2015.

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déclaré qu'elle ne voulait pas que son travail contribue à une expérience qui ne rétribue pas équitablement les auteurs et artistes.82 Ce dernier a répondu avec humour via un blog en reprenant des paroles de la chanteuse : « Taylor, (...) 40 millions de personnes (...) veulent que tu restes (...). C'est une histoire d'amour, bébé, dis simplement oui ». En effet, 16 millions des 40 millions d'utilisateurs de Spotify avaient récemment écouté des titres de l'artiste.83 Spotify a tout de même déclaré payer aux ayants droits entre 0,006 et 0,0084 dollar par morceau écouté. Quand Taylor Swift a 1,3 millions de fois une chanson écoutée, avec ce même nombre de chansons téléchargées, elle remporte 400.000 euros.

Si Taylor Swift a simplement retiré ses chansons de Spotify, Jay-Z associé à d'autres artistes, tels que Daft Punk et Madonna, ont été plus loin en lançant la plateforme de streaming Tidal. Selon Alicia Keys, certains inédits pourraient être exclusivement en écoute sur celle-ci qui compte maintenant 25 millions de titres et 75.000 clips revendiqués de meilleure qualité que les autres services musicaux. Jay-Z a instauré un nouveau modèle économique en proposant aux artistes de garder le contrôle. En effet, les parts de l'entreprise sont réparties entre une vingtaine d'artistes : « Notre but c'est de faire en sorte que tout le monde respecte à nouveau la musique et reconnaisse sa valeur (...) tout le monde sait que le système de paiement actuel n'est pas juste pour les artistes ».84 Par conséquent, les artistes déclarent pour la grande majorité, n'être que des acteurs d'arrière-plan de cette nouvelle façon de consommer la musique et de ne pas percevoir la somme dont ils devraient bénéficier. La répartition des revenus sur un abonnement de streaming à 9,99€ ne reverse que 46 centimes aux artistes et 1€ pour le droit d'auteurs alors que les intermédiaires gagnent 6,54€ et que l'Etat, au travers la TVA, prélève 1,99€.85

En ce qui concerne les différents professionnels interviewés lors de mon enquête terrain, les avis selon leur nature divergent. Pour le label indépendant Scorpio Music, leur présence sur le numérique est vitale car les ventes sur internet et le streaming représentent leur plus grande source de revenus.86 Le label indépendant Kaotoxin fait part de la particularité de son public qui sont les fans de musiques extrêmes, et qui à priori ne sont pas encore prêts à

82 ARNAUD, Jean-François, « La vérité sur les revenus du streaming musical », in Challenges, 12 janvier 2015.

83 BEUVE-MERY, Alain, « Les artistes en guerre contre les sites de streaming », in Le Monde, 6 novembre 2014.

84 AUTET, Marie-Alix, « Musique, les artistes investissent dans le streaming », in France Culture, 31 mars 2015.

85 Cf. annexe 7, graphique, Comment se répartissent les 9,99€ d'un abonnement de streaming ? SNEP et E&Y.

86 Cf. annexe 8, interview de Gil Attali, Directeur de la promotion, Scorpio Music.

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consommer de la musique dématérialisée. En revanche pour le label Season Of Mist, les perspectives sont beaucoup plus optimistes car les plus jeunes consomment d'avantage de musique sur le numérique : 70% de ventes digitales contre 30% de ventes physiques et un rapport inversé pour les plus de trente ans.87 Sherpah Productions pense qu'il faut adapter les prix et se battre d'avantage en tenant compte du fait que les artistes émergeants reviennent moins chers. Néanmoins, pour eux le streaming ne rapporte pas assez par rapport au travail qu'il représente en amont.

De plus, ils ont la crainte qu'à cause de ce mode de consommation, leurs disques soient mis à l'écart. Certains envient le rappeur Dr Dre qui a vendu son service de streaming nommé Beats Music pour plus de 3 milliards de dollars à Apple. La tendance de chacun de vouloir tirer son épingle du jeu est confortée par les chiffres de la consommation de streaming qui aux Etats-Unis, pour la première fois, dépassent ceux des CD. L'offre de streaming aux Etats-Unis a rapporté 1,87 milliards de dollars soit 27% du chiffre d'affaires de l'industrie de la musique contre 1,85 milliards de dollars pour les CD.88 Les chiffres du téléchargement sont également en baisse, car les individus s'emparent du nouveau mode de consommation. Le nombre de téléchargements effectués sur iTunes a baissé de 10% en un an, ce qui représente une baisse du chiffre d'affaires de 9%. Autre tendance, sur 1,1 milliard que rapporte les offres à la demande telle que Spotify, 799 millions proviennent des abonnements payants. Ceci signifie que les pratiques de financement émanant de la publicité ne représentent que 4% du chiffre d'affaires de l'industrie de la musique. Ce constat apparait comme un paradoxe car les utilisateurs sont pourtant des millions et ne rapportent que très peu. Selon Lucian Grande, directeur d'Universal Music Group, « La publicité ne peut pas soutenir l'ensemble de l'écosystème. Il faut accélérer la transition vers le modèle payant ». Universal Music souhaite que Spotify développe d'avantage des services payants pour arriver à supprimer les offres freemium pour qu'ils rapportent plus à chaque acteur de la filière musicale.89 Les producteurs sont rassurés par les progrès réalisés par le streaming musical, qui en France, leur a rapporté 73 millions d'euros en 2014 soit une hausse de 34% par an. Le croisement entre streaming musical et téléchargement s'opère

87 Cf. annexe 9, interview de Michael Berberian, Directeur, Season Of Mist.

88 MARIN, Jérôme, « Aux Etats-Unis, le streaming dépasse les CD... et bientôt les téléchargements », in Le Monde, 20 mars 2015.

89 LAUER, Stéphane, « Universal part en guerre contre le streaming gratuit », in Le Monde, 26 mars 2015.

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entre 2013 et 2014 où le chiffre d'affaires du premier rapportait 54 millions d'euros en 2013 contre 73 millions d'euros en 2014. Quant au téléchargement, il rapportait 63 millions d'euros en 2013, contre 54 millions d'euros en 2014.90 Ainsi, l'enjeu pour les producteurs est de convaincre les individus de souscrire à un abonnement de streaming.

4. Apple sous surveillance européenne

Apple est également concerné par cette tendance car sa plateforme de téléchargement iTunes est directement affectée par des utilisateurs vers le streaming. L'entreprise s'apprête à lancer une nouvelle plateforme entièrement payante par laquelle elle espère obtenir des exclusivités de la part des maisons de disques afin de convaincre les utilisateurs gratuits à s'abonner. Cependant, les plus jeunes ont l'habitude de consommer de la musique gratuitement, alors la démarche du tout payant peut mettre du temps à rencontrer le succès espéré. Par conséquent, cela pourrait consolider le téléchargement illégal, car rappelons le, la cible privilégiée des acteurs de l'industrie musicale sont les plus jeunes. De plus, la Commission européenne examine actuellement les échanges entre Apple et les maisons de disques, afin de surveiller les éventuelles tentatives d'influence qui pousseraient ces dernières à signer des exclusivités qui placeraient des plateformes, comme Spotify, hors du circuit. En 2014, Apple avait payé une amende de 450 millions de dollars dans le cadre du prix des livres électroniques aux Etats-Unis où l'entreprise s'était entendue illégalement sur l'augmentation des prix avec cinq éditeurs.91 En parallèle, Google aussi se lance sur le marché du streaming en lançant un service d'abonnement musical sur YouTube.

5. Un partenariat entre plateformes et télécoms

Orange a décidé d'investir dans la plateforme de streaming française Deezer, dont l'entreprise était actionnaire. Le partenariat a apporté 250.000 abonnés à Deezer sur un ensemble de 2 millions en France, l'offre propose un abonnement à Deezer à moitié prix qui est inclus dans le forfait téléphonique du client Orange. Néanmoins seuls 20% des abonnés à l'offre auraient activé leur compte de streaming, car il apparait que les individus préfèrent souscrire à une plateforme de leur choix, indépendamment de leur forfait mobile. L'opération n'emportant pas un vif succès, devrait s'achever l'été prochain. Cependant,

90 FERRAN, Benjamin, « Le marché français de la musique a basculé dans le streaming », in Le Figaro, 4 février 2015.

91 REUTERS, « Le projet d'Apple inquiète l'Europe », in La Tribune, 2 avril 2015.

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Deezer s'est associé à Bouygues Telecom afin de lancer une offre similaire et SFR est partenaire de Napster.92

Du point de vue des plateformes comme Spotify ou Deezer qui sont des startups, il est vital de trouver très rapidement d'importants financements, afin de développer leurs nouveaux systèmes au risque de mourir seulement deux ou trois ans après leur lancement. L'enjeu est de convaincre un maximum d'individus du nouveau modèle. De plus, en dehors de la Suède, les services de streaming ne connaissent pas un large public. L'aspect marketing a été trop souvent sacrifié en faveur de l'évolution de ses petites entreprises, car les investissements manquent.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe