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Les mutations de l'industrie musicale

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par Léa SCHALLER
ISCOM Paris - Master 1 Communication REP 2015
  

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3. Les années 1990 : le choc d'Internet

Le début de ce qui allait être une nouvelle crise pour l'industrie musicale, est marqué par une première étape où le World Wide Web tombe dans le domaine public, en avril 1993. Les directeurs du CERN9 qualifient alors « cette technologie libre d'usage et gratuite pour tous »10, mais ce n'est qu'à partir de 1994 que naissent les premiers fournisseurs d'accès internet. En 2004 arrive le web 2.0 qui qualifie un web collaboratif et dynamique où les

8 TORREGANO, Emmanuel, vive la crise du disque !, 2010, Les Carnets de l'info, 192 pages.

9 CERN : Organisation européenne pour la recherche nucléaire.

10 BERNERS-LEE, Tim, « Le World Wide Web a 25 ans : retour sur cette révolution », in Fédération française des télécoms, mars 2014.

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utilisateurs peuvent interagir librement et devenir créateurs de contenu. Ainsi, en 1991 seulement 535 milles ordinateurs étaient connectés à internet, contre 2,4 milliards en 2013.

Parallèlement à cette évolution, l'utilisation de systèmes pair-à-pair ou « peer to peer », qui mettent en relation plusieurs ordinateurs via un réseau dans le but de partager du contenu, s'est développée. C'est ce système qui au fur et à mesure que les foyers s'équipent d'une connexion internet va provoquer une chute des ventes de disques de 54,8% en valeur, et de 23,7% en volume entre 2003 et 201011. A cela s'ajoute les progrès technologiques tels que le haut-débit, la 3G sur mobile et l'augmentation des capacités de stockage qui accentuent d'avantage le partage de contenus de façon illégale. Le standard de format musical est donc passé d'un objet physique à un format numérique, ceci est la dématérialisation de la musique.

Ces changements ont transformés l'organisation de l'industrie de la musique en externalisant la valeur vers de nouveaux entrants sur le marché : les majors n'ont pas su conserver leur rôle de distributeur auprès du consommateur final. Cela, malgré la mise en place de systèmes de gestion des droits numériques sur les CD, sur les fichiers numériques, et le recours à la justice. De plus, la gratuité d'internet pose de réels problèmes notamment au niveau de la gestion des droits d'auteurs, car les acteurs de l'industrie musicale ne contrôlent plus la diffusion des artistes sur Internet, donc n'ont pas le contrôle de sa valeur. C'est pourquoi, des professionnels se regroupent auprès de syndicats spécialisés sous forme de lobbying dans le but de renforcer la législation dans le sens de la protection des droits d'auteurs.

B) L'organisation du marché et présentation des acteurs 1. Les producteurs

Le producteur assure la découverte de talents, leur développement et la création des spectacles. Il assume l'investissement et la prise de risque de l'ensemble de l'exploitation des spectacles de l'artiste à l'année. Il se charge de l'investissement de la stratégie marketing et de la commercialisation. La production de spectacles est une économie de « prototype » : les rares succès permettent de compenser les investissements importants sur les autres

11 REUTERS et STAPLETON, Shannon, « Les ventes de CD se sont effondrées de moitié depuis 2003 », in L'Expansion, janvier 2012.

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spectacles. Le lancement d'un nouvel artiste est déficitaire et représente un investissement sur le long terme.12

Dans le milieu de la production de spectacles, trois métiers sont distingués :

- Le producteur générateur, production et mise en place du spectacle :

Son chiffre d'affaires peut excéder 10 millions d'euros, il correspond aux trois licences d'entrepreneur. Il est en charge de la gestion financière du spectacle, du suivi et de la location des lieux des Zéniths au Stade de France, et il travaille avec les promoteurs locaux sur le terrain. Le même réseau de producteurs travaille sur des spectacles d'humour même si ces derniers nécessitent un plus faible apport. Le producteur générateur est dédié aux projets reconnus ainsi, les partenaires dans les médias sont de grandes envergures.

- Le producteur tourneur, la tournée au centre de son activité :

Ils sont la majorité des producteurs avec un chiffre d'affaires moyen avoisinant le million d'euros. Le producteur tourneur, autrement appelé assistant de production ou « booker », est l'employeur du plateau artistique13, il est en charge de rechercher des dates auprès des salles et des festivals qui achètent le spectacle (contrat de cession). Il se consacre aux projets en développement, aux projets « middle », aux retours de carrière ou aux niches et fait appel à des salles de moyenne envergure (de 200 à 1500 personnes), à de grands festivals pour l'ouverture, ou à de plus petits festivals en tête d'affiche.

- Le producteur diffuseur, le travail avec les étrangers :

Il collabore avec des agents étrangers qui représentent des artistes étrangers, le travail est de court terme et la concurrence très forte. Pour entretenir ces relations, il peut être amené à produire un artiste émergent étranger en France, ce qui implique un certain risque financier. Sa fonction peut s'apparenter à celle du producteur générateur pour les superstars anglo-saxonnes, ou du tourneur, quand il organise une tournée d'artiste en développement à l'étranger.14

12 PRODISS, « Le spectacle musical et de variété en France », annuaire du PRODISS, 2013/2014.

13 Définition dans la circulaire du 13 juillet 2000 adressée aux Préfets de Région - DRAC « Désigne les artistes-interprètes et le cas échéant le personnel technique attaché directement à la production ».

14 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma éditions, 140p.

2. 14

Les diffuseurs

Le diffuseur est le représentant local du producteur. Il lui achète le spectacle pour le diffuser dans la zone géographique sur laquelle il intervient. Il assume une part du risque financier lié au spectacle. Grâce à sa connaissance du terrain, le diffuseur peut réaliser des actions de promotion locales permettant à l'artiste de développer son public en région. Il participe également à la découverte des artistes locaux et à leur développement. Parmi les diffuseurs, on compte aussi les festivals, vecteurs économiques et culturels de développement pour les régions.15

3. Les éditeurs

« L'éditeur est le professionnel qui assume par tous les moyens auprès du public, la diffusion permanente et le suivie d'une oeuvre »16. Parmi les professionnels qui entourent l'artiste, l'éditeur musical est l'acteur dont le travail reste le moins perceptible par le public et sur son propre secteur. L'éditeur est le seul à établir une liaison avec l'auteur qu'il ne faut pas confondre avec l'interprète, et doit être en veille permanente pour s'adapter aux évolutions de la consommation musicale. Son rôle est de permettre l'existence d'une oeuvre et d'en assurer son exploitation. Il est aussi l'intermédiaire entre les créateurs, le marché et développe l'utilisation de l'oeuvre dans le but d'en dégager des revenus.17

4. Les labels

Un label est une société éditrice qui est chargée d'éditer et de distribuer les disques : le label est la marque déposée de celle-ci. Si cette définition englobe l'ensemble des labels, deux catégories de labels se distinguent : les majors et les labels indépendants. En France en 2011, les majors se partageaient 90% du marché : Universal 44%, Sony-BMG 19%, Warner 14% et EMI 13%18. Les 10% de parts de marché restantes sont donc partagées entre les indépendants.

Les différences de positions remontent aux débuts de la commercialisation des supports, mais c'est en 1960 que les rapports sont devenus plus compliqués, avec la puissance

15 PRODISS, « Le spectacle musical et de variété en France », annuaire du PRODISS, 2013/2014

16 BERT, Jean-François.

17 BERT Jean- François, « L'édition musicale, un métier à la croisée des chemins », in IRMA, décembre 2012.

18 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma éditions, 140p.

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commerciale des majors et une série d'interdépendances entre eux en termes d'offre musicale et de distribution. Les majors détiennent ce nom car le CD n'est qu'une branche de leur activité, ils contrôlent en principe toutes les étapes de la production musicale de l'enregistrement à la vente, en évitant les intermédiaires et par conséquent, en maximisant les profits. Les majors, même s'ils sont peu, sont en concurrence constante car chacun cherche à augmenter ses parts de marché. Une étape à cela peut être le rachat de labels indépendants ou d'une branche d'un autre major. Cette forte concurrence entre majors constitue un oligopole car ici, la production musicale est détenue par une poignée de très grandes entreprises.

Les indépendants sont pour la grande majorité de très petites structures qui servent les intérêts d'un seul producteur. Leur caractéristique qui fait des envieux parmi les majors, est celle de se concentrer dans la plupart du temps sur un genre musical en particulier. Lorsqu'un artiste indépendant a une carrière bien lancée, les majors peuvent intervenir pour le « cueillir » des branches de l'indépendance. Les majors cherchent la rentabilité et grâce à leur puissance économique, ils peuvent mettre en place d'importantes campagnes de promotion, contrairement aux indépendants qui eux ne disposent que de faibles moyens. Cependant, les majors contraints de veiller à la découverte de nouveaux talents, observent constamment le travail des indépendants qui sont les « découvreurs » de talents.19

5. Les artistes

L'artiste-interprète est « la personne qui représente, chante, récite, déclame, joue ou exécute de toute autre manière une oeuvre littéraire ou artistique, un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes. » 20 Un artiste est une « personne qui pratique un des beaux-arts, un de leurs prolongements contemporains ou un des arts appliqués. »21

Plusieurs degrés de reconnaissance de l'artiste sont définis : ils aident à comprendre l'organisation de la filière. Les concerts font intervenir des acteurs de différents circuits même si la majorité, à l'étape de la diffusion, sont des institutions et des associations.

19 Lebrun Barbara, « Majors et labels indépendants » France, Grande-Bretagne, 1960-2000, Vingtième Siècle. Revus d'histoire, 2006/4 no 92, p.33-45. DOI : 10.3917/ving.092.0033.

20 Article L.212-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.

21 Définition du dictionnaire Larousse, 2003.

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- L'artiste émergent :

S'il souhaite se faire connaître, il doit rentrer en contact avec les acteurs de la filière musicale, notamment les salles de concerts, pour toucher un public local. Ce genre d'occasion peut-être la clef pour se faire repérer par un professionnel. A ce stade, les acteurs sont majoritairement du circuit associatif ; l'artiste s'autoproduit et bénéficie rarement d'un contrat de cession, il se rémunère à la recette.

- L'artiste en développement :

Il accède à ce titre si la première étape a été fructueuse, c'est-à-dire, qu'il est rentré en contact avec des professionnels, qu'il a élargi son réseau et se produit au-delà de la scène locale. L'artiste en développement contrairement au précédent, dispose d'un manager dont la fonction est dissociée de celle du producteur de concerts ou de l'éditeur phonographique. Sa rémunération est basée par un contrat de cession et le spectacle est acheté par le lieu de diffusion.

- L'artiste confirmé :

Dans cette catégorie on distingue les artistes « middle » et les stars médiatiques. Les premiers ont une notoriété confirmée mais un public qui ne permet pas de remplir des salles de grandes jauges, contrairement aux seconds qui touchent un très large public. Les concerts sont dominés par une logique commerciale à but lucratif.22

En observant ces catégories d'artistes, on s'aperçoit de l'évolution parallèle entre la notoriété des artistes et le changement des acteurs dans son environnement, qui au départ, sont des associations et des acteurs de collectivités territoriales. Puis peu à peu, ces acteurs deviennent des professionnels qui cherchent un but lucratif. Ceci nous montre l'importance des petites salles et des associations locales dans le rôle de la découverte de nouveaux talents, et met en lumière les interdépendances entre amateurs et professionnels, qui rappellent le schéma entre majors et labels indépendants.

6. Les salles de spectacles

Dans l'organisation de la filière, les salles de spectacles et les festivals jouent un rôle déterminant selon leur notoriété et leur taille, dans chaque étape de l'évolution d'un artiste.

22 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma éditions, 140p.

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Ces lieux sont ancrés dans la stratégie des acteurs locaux, et les salles parisiennes ont un rôle central. Plus de 40% des représentations se déroulent dans des salles de spectacles vivant orientées musiques actuelles et variétés. La majorité est détenue par des lieux qui n'ont pas nécessairement comme principale activité, la représentation de concerts. Les Zéniths en 2010 ont comptabilisés 17% de la fréquentation totale des spectacles, et 18% de la billetterie avec juste 2% du total des représentations.23

Parmi les salles en France, les SMAC24 tiennent un rôle central dans la dynamique territoriale d'un espace, « le label SMAC est attribué en fonction de la densité de la population et des spécificités territoriales »25. En effet, elles dépendent de la ville dans laquelle elles sont implantées. Elles ont l'obligation de diffuser un minimum de 35 spectacles par saison, d'accueillir des pratiques amateurs, d'accompagner des projets artistiques au travers notamment un centre de ressource attaché à la salle, mais aussi de proposer des formations et des de l'information. La Laiterie à Strasbourg par exemple, est libre de programmer les artistes qu'elle choisit.26 Grâce à son statut d'association, elle n'a pas de but lucratif donc elle peut programmer des artistes confirmés, qui équilibrent les éventuelles pertes engendrées par la diffusion d'un artiste en développement. L'objectif n'est pas de faire de profits mais de proposer au public des artistes variés, et de donner l'opportunité à l'artiste de rencontrer un public, et ceux en participant à la dynamique du territoire.

7. Les festivals

Les festivals apparaissent comme un moyen pertinent de diffusion culturelle, de promotion des artistes et un tremplin pour la découverte de nouveaux talents. Le Printemps de Bourges dispose d'une association chargée de découvrir de jeunes artistes grâce à un réseau d'acteurs bien établi. A plus petite échelle, le Motocultor Festival organise des compétitions entre groupes pour déterminer lequel aura sa place dans la programmation. Sous un angle plus économique, le festival présente cinq caractéristiques principales issues de la conjonction des domaines de la culture et de l'événementiel27 :

23 GUILBERT et SAGOT-DUVAUROUX, Gérôme et Dominique, Musiques actuelles : ça part en live - Mutations économiques d'une filière culturelle, Paris, 2013, Irma éditions, 140p.

24 SMAC : Scène de musiques actuelles.

25 Ministère de la Culture et de la Communication, Circulaire du 31 août 2010.

26 Cf. annexe 1, interview de Patrick Schneider, Directeur, La Laiterie.

27 BENITO, Luc, Les festivals en France - Marchés, enjeux et alchimie, Paris, 2001, L'Harmattan, 196p.

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- Un service offrant une prestation consommée de façon éphémère,

- Un service culturel qui nécessite des compétences spécifiques pour des productions

uniques,

- Un service culturel de diffusion se situant en aval de la production,

- Un service de diffusion culturelle ponctuel,

- Un service de diffusion culturelle ponctuel et récurrent qui se différencie par sa

périodicité des manifestations éphémères.

C) Un secteur en pleine mutation

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld