6. Nabil : le nul ou le noble ?
Le choix de ce nom n'est aussi nullement innocent. Nabil en
arabe veut dire "noble". Cependant, cette noblesse n'apparaît qu'à
la fin du roman car Nabil est présenté au début de
Kiffe kiffe demain comme un garçon "nul" :
"Nabil, c'est un nul. Il a
de l'acné et quand il était au collège, tous les jours ou
presque, il se faisait racketter son goûter à la
récré. Une grosse victime" (p.46)
Signalons toutefois le jeu de mots entre le qualificatif "nul"
et le nom du personnage "Nabil". Ces deux mots ont la même initiale "n"
et finale "l". La nullité de Nabil ne se traduit guère par son
manque d'intelligence mais plutôt par sa dépendance à
l'égard de sa mère. Sa mère étant une femme
prétentieuse croyant que son "fils Nabil c'est un génie":
" J'ai remarqué que les mères arabes pensent
souvent ça de leur fils. Mais la mère de Nabil, elle abuse. Elle
croit que c'est l'Einstein des HLM et elle le dit à tout le monde. "
(p.46)
Nabil est le fils d'une copine de la mère de Doria. Il
vient chez elle pour l'aider à faire ses devoirs, mais ce qui
gène Doria c'est que Nabil se prend vraiment pour un génie :
"Lui, il se la pète parce qu'il porte des lunettes
et qu'il s'y connaît à peu près en politique. Il doit
savoir vaguement la différence entre la droite et la gauche (...) Ce
type, il se la raconte trop! Il croit qu'il connaît tout sur tout."
(pp.46-47)
Il est le premier garçon à avoir embrassé
Doria. C'était un baiser par surprise, alors elle était
très contrariée :
"Non seulement il bouffe tous mes crackers mais en plus il
ose m'embrasser sans demander mon avis! (...) ça ressemble pas vraiment
à ce que j'avais imaginé pour
mon premier baiser (...) je lui en veux à Nabil de
m'avoir volé mon premier baiser" (pp.100-101)
Mais petit à petit elle commence à
réaliser que "Nabil" n'était pas un garçon "nul" mais
plutôt "noble". Observons alors ce passage de "nul" à brave
(noble):
" Mais si j'analyse la situation, je vois qu'il
m'a aidé pendant des mois en échange de rien, et surtout
qu'il a été très courageux d'oser
m'embrasser par surprise en prenant le risque de recevoir un coup de genou
là ou ça fait mal (...) C'est vrai il n'est pas aussi nul
que ça au font. C'est même un brave type
" (p.132).
Enfin Doria et Nabil se sont réconciliés et sont
devenus même amoureux :
"Voilà je me suis réconciliée avec Nabil
et je crois aussi que... je l'aime bien." (p.185)
7. Tante Zohra :
"Tante Zohra" comme l'explique Doria : "c'est pas ma vraie
tante mais comme elle connaît Maman depuis très longtemps, je
l'appelle comme ça par habitude". (p.33). L'appellation
tante est utilisée dans la culture arabe comme un signe de respect
pour les femmes d'un certain âge. Le nom "Zohra" ne nécessite pas
notre intervention pour l'expliquer car Doria intervient pour la
première fois et explicite la signification du nom du personnage :
« Tante Zohra, elle a de grands yeux verts et elle
rit tout le temps. C'est une algérienne de l'Ouest, de la région
de Tlemcen. En plus elle a une histoire marrante, parce qu'elle est née
le 5juillet 1962, le jour de l'indépendance de l'Algérie. Dans
son village, elle était l'enfant symbole de la liberté pendant
des années. C'était le bébé porte-bonheur et c'est
pour ça qu'on l'a appelée Zohra. Ça veut dire
"chance" en arabe. » (p. 34)
Cependant, Guène a choisi ce prénom avec des
intentions ironiques. En effet, cette dame « Chance », en
réalité n'a pratiquement pas de chance dans la vie : son mari a
épousé une autre femme, son fils Youssef est emprisonné,
et de fait la pauvre
souffre énormément car si elle était "le
porte bonheur" de son pays, sa vie en est par contre très malheureuse.
Zohra est la seule confidente de Yasmina, elles passent des heures à
discuter chacune de son malheur. Pourtant, Zohra garde toujours le sourire
:"Elle rit tout le temps (...) Je l'aime beaucoup parce que c'est une vraie
femme. Une femme forte." (p34)
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