WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'aventure scripturale au coeur de l'autofiction dans Kiffe kiffe demain de Faiza Guène

( Télécharger le fichier original )
par Nadia BOUHADID
Université Mentouri, Constantine - Magistère en science des textes littéraires 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Chapitre II : Le vacillement entre deux cultures :

L'analyse des stéréotypes nous permettra dans ce volet d'appréhender l'affrontement entre deux cultures. Nous ferons appel à l'outil d'analyse proposé par Zavalloni et Guérin1qui consiste à étudier le stéréotype en procédant ainsi :

- Relever les énoncés faisant allusion au stéréotype - « Élucider l'origine et le sens des représentations.

- Élucider les référents implicites (groupes, personnes auxquels les représentations renvoient).

- Déterminer le degré d'actualisation des représentations : s'appliquent ou pas à soi.

- Déterminer la valeur positive, négative ou neutre de la représentation.2»

Partons du fait que tout sujet a un vécu socioculturel, il se déploie ainsi dans un "imaginaire social"3 qui le pousse sans cesse à se faire des représentations de lui- même en les confrontant avec celles faites de sa société et c'est ainsi qu'il construit petit à petit son "identité sociale subjective"4et son propre mécanisme du découpage du monde (valorisation/dévalorisation). Donc, notre analyse se portera sur l'articulation : stéréotype/identité/culture.

1 Zavalloni, M. & Louis-Guérin, "L'ego-écologie comme étude de l'interaction symbolique et imaginaire de soi et des autres". Sociologie et société, vol XIX, n° 2, octobre 1987. pp. 65-75. cité par : ADEN, Joëlle, « Évaluer l'impact des stéréotypes dans les supports multimédia », art. en ligne : http://alsic.u-strasbg.fr/v09/aden/alsic_v09_13-rec4.htm#[ZavalloniLGuerin87]

2 ADEN, Joëlle, « Évaluer l'impact des stéréotypes dans les supports multimédia », op.cit.

3 Zavalloni, M. & Louis-Guérin, ibid.

4 Ibid.

Soi +

Qualité du sujet ou éléments appréciables partagés avec le groupe d'appartenance. Aspirations

Soi valorisé

Défauts, manques, Victimisation. Soi dévalorisé.

 

Non Soi -

Soi -

 

Légende :

appréciation au Soi Connotation affective

Non Soi +

Les éléments positifs reçus de l'Alter ou donnés à Alter.

Alter valorisé

Opposition. Menace de la part de l'Alter. Alter dévalorisé.

Espace élémentaire de l'identité sociale
Zavalloni & Louis-Guérin, 1984

Les jeunes immigrés de la deuxième et troisième génération se retrouvent non pas avec deux langues différentes mais également avec deux univers de références différents. Quel serait alors leur système de référence culturel ? Est ce qu'ils favoriseraient un système au dépit de l'autre ?ou inventeraient-ils un « tiers- espace »?

1. Culture d'origine et acculturation :

La notion de culture d'origine s'impose quand nous parlons d'une communauté d'immigration, un groupe social minoritaire vivant dans un espace où les pratiques culturelles diffèrent de celles qu'il avait dans son pays natal. L'acculturation désignerait alors : « l'ensemble des phénomènes résultant du contact direct et continu entre des groupes d'individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types de culture originaux de l'un ou des autres groupes. 1»

La narratrice nous rapporte une scène très intéressante : « Je me rappelle qu'une copine m'avait donné un poster de Filip des 2 Be 3(...) toute contente je l'avais

1 Bastide Roger, Acculturation, in Encyclopedia Universalis, 1-114 c et suivant, 1998.

accroché sur le mur de ma chambre (...) le soir mon père est entré dans ma chambre. Il s'est mis dans tous ses états et a commencé à arracher le poster en criant : « Je veux pas de ça chez moi, y a le chétane dedans, c'est Satan ! » (p.43) Le père de Doria représente ainsi l'image typique du père maghrébin, très superstitieux, car son univers de référence est fortement imprégné par sa culture arabo-musulmane. Lippmann disait d'ailleurs : " Nous voyons ce que notre culture a, au préalable, défini pour nous1 ".Donc, immigré de la première génération, le père de la narratrice a vécu pour longtemps dans son pays d'origine (le Maroc), c'est ainsi que son imaginaire culturel est marqué par sa culture maternelle.

En effet, "l'immigrant de la première génération arrive généralement à l'âge adulte avec un bagage culturel de plusieurs décennies. Il emporte dans ses bagages plusieurs richesses et un passé culturel qu'il voudra aussi chérir une fois installé dans son nouveau pays mais avec aussi beaucoup d'idées préconçues sur sa nouvelle terre d'accueil (...) L'immigrant de la première génération restera toujours empreint par sa culture d'origine et il sentira peut-être un décalage avec l'adaptation de ses enfants. Ceci est tout à fait normal.2 " C'est justement le cas du père de la narratrice qui n'admet pas l'intégration de sa fille à ce nouvel univers culturel. L'adaptation est considérée pour ces immigrés comme « une manière de balayer du revers de la main un passé, une vie, et de fouler au pied toute l'histoire d'une société3», c'est ainsi que la restitution des coutumes devient nécessaire pour combler le mal du pays : « dans ceux (les yeux) de mon père il y a toujours de la nostalgie » (p.161). Donc, la culture d'origine oriente involontairement ses représentations et gère par conséquent son comportement. Selon le modèle de Berry4, nous pouvons dire que le père de Doria adopte une stratégie de séparation

1 Lippmann, cité in « stéréotypes des jeunes des cités dans le cinéma français des années qutrevingt», dossier en ligne : http://perso.orange.fr/chevrel/dossiers/langlais.htm

2 Laurence Nadeau, « Assis entre deux chaises », art. en ligne :

http://www.immigrer.com/page/Pensee_du_jour_Laurence_Nadeau_Assis_entre_deux_chaises.htm
3 Sathoud, Ghislaine, « Femmes de nulle part : vivre entre deux cultures », art. en ligne : http://sisyphe.org/sisypheinfo/article.php3?id_article=142

4 Berry J., Acculturation et adaptation psychologique, in La recherche interculturelle, tome 1, Paris, L'Harmattan, 1989, cité par : G. Devereux et O.M. Loeb, « Acculturation antagoniste », art. en ligne : http://assoc.orange.fr/geza.roheim/html/accultur.htm#Carmel

car il cherche à préserver sa culture d'origine sans prendre en considération celle du pays d'accueil. Berry distingue par ailleurs, trois autres stratégies : Assimilation (abandon de son identité culturelle pour adopter la culture dominante, marginalisation (abandon de son identité culturelle sans adopter et/ou rejeter la culture dominante) et intégration (maintien de son identité culturelle et adoption de la culture dominante)1.

Quant à Doria, enfant de la deuxième génération, elle semble bien s'adapter à l'imaginaire social du pays d'accueil et comme toutes les adolescentes de son âge préfère être « branchée ». Alors, la réaction de son père, pour un poster qu'elle a collé au mur, ne l'a pas seulement étonnée mais ne l'a pas non plus convaincue : « C'est pas comme ça que je l'imaginais le diable mais bon... ». (p.43).

En rejetant un aspect de la culture d'origine et en recherchant un certain conformisme avec la communauté d'accueil, Doria développe une stratégie d'assimilation. Donc, c'est au moment de l'enculturation2, se réalisant par l'intervention de la famille (le père de Doria) que se manifeste le décalage entre les deux générations car « la tradition jugée dépassée s'oppose à l'attrait pour une culture dominante.3 »

Mehdi Charef, écrivain algérien immigrant en France à l'âge de dix ans, témoigne de ce conflit entre les parents et les enfants : « Ce qui me dérange avec la génération des premiers immigrés, c'est que la majorité d'entre eux voudraient que leurs enfants soient ce qu'ils sont ou ce qu'ils ont été. A la maison, c'est tout le temps: « Attention, ne fais pas ci, parce que tu es arabe... Ne fais pas ça... N'oublie pas que tu es musulman! » Dans la rue le gosse se retrouve carrément dans un

1 Berry J., Acculturation et adaptation psychologique, op. cit.

2 L'enculturation est définie par Camilleri comme : «Ensemble des processus conduisant à l'appropriation par l'individu de la culture de son groupe», in : Chocs de cultures, Paris, L'Harmattan, 1989, p.397.

3 http://fr.wikipedia.org/wiki/Acculturation

autre monde que les parents ignorent. Il est déchiré et c'est ce déchirement qui me dérange. C'est ce déchirement qui fait souffrir les jeunes.1 »

Les parents ont parfois besoin d'une tierce personne pour leur faire comprendre que le comportement de leurs enfants n'est pas étrange :

« (...) vos enfants ont grandi ici, en France, vous avez voulu le meilleur pour eux, les instruire, leur donner ce qu'ils n'auraient peut-être pas eu en restant au pays, où ils auraient eu une autre vie... Vous ne pouvez pas prendre le meilleur et rejeter le pire à leur place. Ce sont eux qui choisiront, il faut l'accepter.2 »

Cependant, il n'y a pas que les vieux qui soient attachés à la culture maternelle, d'autres jeunes semblent également se référer en premier lieu à leur univers culturel d'origine. Citons le cas de Hamoudi qui donne son avis au sujet de l'adolescence : «Hmoudi, Il pense que c'est rien qu'un prétexte, un truc de parents occidentaux qui ont raté l'éducation de leurs enfants (...) il m'a dit que lui, il n'avait pas intérêt à faire ne serait-ce qu'un dixième de crise d'adolescence parce que son père aurait tout de suite su comment la calmer» (p.96)

Hamoudi, jeune beur tiraillé entre deux cultures tranche en faveur de sa culture du foyer. Ce choix revient à un système de valorisation de Soi et dévalorisation de l'Alter. Ainsi, sa culture maternelle influence sa vision du monde extérieur. Effectivement, le père de Hamoudi semble incarner l'image du père arabe autoritaire voire tyrannique qui recourt souvent à la violence pour rétablir l'ordre au sein de sa famille.

Alors Hamoudi, jeune élevé dans un tel bain culturel, porte plutôt un regard négatif
vis-à-vis de la culture de l'Autre (des français). Il exprime un jugement de valeur

1 Mehdi Charef cité par Ayari, Farida in"Le Thé au harem d'Archi Ahmed de Medhi Charef", Sans Frontière, Mai 1983, p. 17, cité par : Anne V. Cirella-Urrutia, « Images d'altérité dans les oeuvres autobiographiques "Les A.N.I du 'Tassili'" de Akli Tadjer et "Temps maure" de Mohammed Kenzi », art. en ligne : http://motspluriels.arts.uwa.edu.au/MP2303acu.html.

2 Nini, Soraya, Ils disent que je suis une Beurette, Paris, Fixot, 1993, p.149.

négative en qualifiant les « occidentaux » de pères qui ont « raté l'éducation » de leurs enfants. Ainsi, sa culture maternelle est fortement présente dans son discours par l'étalement de sa doxa1 . Pour lui la bonne éducation c'est celle qu'il a eu au foyer familial exigeant une violence. « Le stéréotype joue ainsi, pour certain, un rôle d'accréditation en s'octroyant, d'après leur statut social, des qualités qu'ils ne peuvent justifier aisément, par là-même le stéréotype permet de se mettre en valeur par rapport à un groupe dont le stéréotype se voit attribuer des défauts complémentaires aux qualités revendiquées par les premiers.2»

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein