ATTAR Nassiri ROBERT Thomas SANTIARD
Rémi
DIPLÔME UNIVERSITAIRE
D'ACTION HUMANITAIRE
Directeurs du diplôme universitaire: les
professeurs Bernard Blettery et
Patrick Hilon
Directeur de mémoire : Jacques
Revon
Mémoire de fin d'année
2007-2008
Les réfugiés politiques et les
demandeurs d'asile à Dijon, Aide humanitaire ?
REMERCIEMENTS
Cette étude n'aurait pu voir le jour sans les
demandeurs d'asile en premier lieu qui nous ont ouvert leurs portes
malgré la difficulté qu'ils peuvent avoir à parler. Nous
remercions donc Venantia, Cyprien, François et Martin du Centre
d'Aide des Demandeurs d'Asile « Les Verriers »
à Dijon et Hélène, Omar, Dico du Foyer Centre de
Protection et d'Hébergement de la Croix-Rouge Française
de Quetigny.
Nos salutations vont enfin aux Assistants Sociaux et autres
collaborateurs des différents organismes auxquels nous avons rendu
visite et qui par leur travail quotidien permettent que les demandeurs d'asile
soient pris en charge.
Introduction générale
«Je vous demande de multiplier nos relations humaines
afin de nous mieux connaître, pour nous aider de façon
satisfaisante. Sinon, ce que vous ferez pour nous, sans nous, sera comme un
vêtement que vous n'aurez pas confectionné sur mesure pour nous.
Le résultat sera que vous aurez perdu l'étoffe, sans que nous
nous soyons habillés.»
Amadou Hampâté Bâ, conteur et
écrivain malien (1900-199 1)
« Nous commençons seulement à apprendre
comment faire en sorte que les migrations facilitent plus
systématiquement le développement. Chacun d'entre nous a entre
les mains l'un des éléments de l'énigme que posent les
migrations mais aucun d'entre nous ne dispose de tous les
éléments. Il est donc temps de reconstituer tous les
éléments de l'énigme ».
C'est ainsi que commence le rapport de l'Organisation
des Nations Unies intitulé :Mondialisation et
interdépendance, migrations internationales et
développement, sur les migrations
internationales et leurs conséquences sur les pays d'origine et de
destination. L'ambition de cette étude n'est pourtant pas d'expliquer en
quoi l'immigration est une énigme ni même d'en rassembler les
éléments, chose qui dépasse le cadre de ce mémoire.
Nous avons commencé par observer le phénomène migratoire,
la manière selon laquelle il peut se former et cela au travers de
témoignages de vie bien précis que l'on a pu découvrir
dans la ville provinciale de Dijon. La situation des demandeurs d'asile et des
réfugiés politiques, qui forment un des flux migratoires
modernes, nous a paru digne d'intérêt pour des raisons
culturelles, juridiques et sociales. Nous entendrons dans cette étude
que le « réfugié politique » est selon les mots de la
Convention de Genève : « une personne persécutée dans
son pays d'origine pour ses opinions et son combat pour la liberté
».
« Immigration ».Le terme même porte aux plus
irrationnelles compréhensions: il s'entend en comparaison des vols
ornithologiques et introduit une notion de répétitif, de
cyclique. Or les motivations poussant au déplacement massif,
périphrase qui serait davantage appropriée, sont tout sauf
prévisibles et tiennent pour une part majoritaire de
phénomènes culturels et non éthologiques. Au XXème
siècle ce terme est contaminé par une série d'autres
concepts ressortant de l'Histoire moderne, celle de la Shoah d'abord
où « immigration » gravite autour du concept de «
déportation », la Décolonisation d'autre
part où elle perpétue le « fardeau de l'homme blanc
», ponctue les remords des Etats européens colons, perpétue
le fantôme d'un dialogue jamais commencé entre les peuples.
Mais toujours sur le Globe, et davantage dans des pays anciens
comme en Europe, l'immigration remet en cause, au sein des
représentations collectives, la Nation. Si le métissage introduit
une variable vitale pour l' « identité nationale »
à l'échelle d'un pays, l'immigration semble pour beaucoup une
atteinte insidieuse aux fondements de la civilisation. Dès lors sur le
plan individuel comme social les deux concepts sont étroitement
mêlés et cette collusion nuit à tout relativisme historique
et géopolitique, qui pourtant expliquerait seul ce
phénomène à sa juste mesure. C'est l'esclavage et plus
tard la Colonisation qui viendra ajouter au sens premier du mot une
polysémie économique et politique.
Ce rapide brossage des variantes du mot « immigration
» a pour unique but de montrer au lecteur que ce terme est sans nul doute,
parmi ceux des langues modernes, l'un des plus chargés culturellement,
des plus imprécis qui soit, des plus contrôlés aussi; il
est le coeur d'enjeux interpersonnels et le foyer de ressentiments et d'affects
multiples touchant à l'intégrité, l'altérité
et l'identité. Ce constat expliquera, on le verra, certains
mécanismes d'interprétation des discours des personnes
immigrantes que nous ne manquerons pas de relever aussi. Décrypter les
représentations d'étrangers venus sur le sol français pour
des raisons diverses mais motivées serait une entreprise biaisée
et partiale si parallèlement nous n'examinions pas notre propre vision
du monde et ce phénomène qu'est le choc avec l'Etranger en
particulier.
N'ayant quasiment aucune expérience de terrain en
matière d'action humanitaire, nous avons perçu à travers
cette problématique et plus globalement au travers du sort de ces
migrants en provenance des Pays en Voie de Développement, de pays
déchirés par la guerre et la pauvreté, un enjeu
humanitaire. Car l'humanitaire ne commence pas que sur le sol africain,
bangladais ou haïtien. Toute aide portée vers l'Autre est à
dimension humanitaire et en cela la mission protectrice des Droits de l'Homme
qui est l'apanage français depuis ses débuts se devait
d'être évaluée.
Pourtant notre étude ne cherche pas tant à juger
qu'à comprendre d'une part la situation quotidienne des demandeurs
d'asile, d'autre part à cerner les causes de leurs départs, ainsi
qu'à montrer enfin comment le peuple français et ses institutions
répondent à cet appel humanitaire. On cherche ici à
dévoiler les représentations culturelles qui sous-tendent la
politique française vis-à- vis du phénomène
migratoire lorsqu'il émane de pays défavorisés.
Nos documents de travail sont les témoignages entendus
et bruts des concernés, c'est-à-dire des demandeurs d'asile
eux-mêmes, auxquels nous avons fait face avec nos compétences
respectives, notre sensibilité et nos a priori culturels.
Quelles sont les conditions de vie et
d'épanouissement des demandeurs d'asile aujourd'hui en France ? En quoi
l'humanitaire ne peut faire abstraction aujourd'hui de la question de
l'immigration ?
Notre démarche est simple : c'est comprendre, par
l'écoute directe et authentique auprès des personnes
concernées, les motivations, le sort et l'identité des demandeurs
d'asile sur le territoire français.
Cette étude suivra trois mouvements : une
première partie analysera les causes subjectives et individuelles
poussant à la demande d'asile (partie I). Un second
temps nous permettra d'apprécier le statut juridique et vécu du
demandeur d'asile (partie II). Enfin, nous nous interrogerons
sur le nouveau rapport à l'identité personnelle que fait
naître l'obtention du statut de réfugié politique
(partie III).
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